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Géocarrefour

Vol. 85/3 | 2010


Fléau, ressource, exutoire : visions et usages des
rivières urbaines (XVIIIe-XIXe s.)

Simon Edelblutte, Paysages et territoires de


l’industrie en Europe. Héritages et renouveaux

Jacques Donze

Éditeur
Association des amis de la Revue de
géographie de Lyon
Édition électronique
URL : http://geocarrefour.revues.org/7756 Édition imprimée
ISSN : 1960-601X Date de publication : 30 septembre 2010
Pagination : 264
ISSN : 1627-4873

Référence électronique
Jacques Donze, « Simon Edelblutte, Paysages et territoires de l’industrie en Europe. Héritages et
renouveaux », Géocarrefour [En ligne], Vol. 85/3 | 2010, mis en ligne le 23 juin 2010, consulté le 01
octobre 2016. URL : http://geocarrefour.revues.org/7756

Ce document est un fac-similé de l'édition imprimée.

© Géocarrefour
264 VOL 85-3/2010 Compte-rendu d’ouvrage

Paysages et territoires de l’industrie en Europe. Héritages et renouveaux


Edelblutte S., 2010, Paris, Ellipses, coll. Carrefours, 272 p.
Que voilà de la bonne et utile géographie ! En 260 pages, l’auteur, géographie sociale ? La proposition de l’écologie industrielle, briève-
maître de Conférences à l’Université de Nancy, cherche à mesurer ment abordée — presque par hasard — avec le schéma de la zone
l’impact de la mutation des systèmes productifs et de la mondiali- industrielle de Kalundborg au Danemark, serait intéressante si on
sation sur les territoires en général et les paysages en particulier. parvenait à y intégrer réellement la dimension territoriale.
L’ouvrage se distribue en deux parties : l’étude des territoires et des
paysages hérités et actuels dans une première partie de 130 pages ; Le troisième chapitre porte sur l’échelle régionale (vallée industriel-
la reconversion des «  vieilles régions industrielles  » (héritages et le, bassin minier…). L’auteur s’interroge d’ailleurs sur la pertinence
renouveaux) en 105 pages ensuite. Le tout richement illustré de de la notion de région industrielle dont il souligne l’aspect réducteur
35 photos, 12 planches photographiques, 70 figures constituées d’une réalité diversifiée qui se saisit mieux à des échelles plus fines.
de cartes et de photos associées avec un traitement graphique très à côté de schémas très éclairants, ce développement comporte
soigné et parlant, et surtout richement commentées. quelques imprécisions (sur Feyzin au sud de Lyon, par exemple) ou
des lacunes. En matière d’ambiance industrielle, on ne relève ainsi
Les territoires et les paysages de la première partie sont classés sur aucune allusion aux nuisances et aux pollutions, à défaut de risque,
le mode scalaire. Le plus original (par rapport à la géographie écono- plus insaisissable.
mique telle qu’elle est pratiquée actuellement) est l’étude de l’usine
et du site à grande échelle. Comme la géographie rurale classique L’auteur s’inspire principalement de Sylvie Daviet pour toute ré-
s’attachait à décrire soigneusement la morphologie des bâtiments flexion critique et épistémologique sur le sujet. Il plaide par ailleurs
de l’exploitation agricole, Simon Edelblutte investit le quotidien, avec conviction pour la méthode inductive, empirique, telle qu’elle
l’espace vécu et perçu, le paysage. Il étudie minutieusement les avait été illustrée par J. Bastié et B. Dézert dans L’espace urbain
modèles architecturaux et l’organisation spatiale des bâtiments de en 1980. Une culture importante, une riche expérience de terrain
production et d’habitation, de la protoindustrie aux zones industriel- permettent de développer une multitude d’exemples en privilégiant
les fonctionnelles. Tout ceci s’appuie sur une grande culture et une les paysages, au risque de tomber parfois dans une compilation
longue familiarité avec le fait industriel, devenues plutôt rares dans de sources, et au dépens de l’analyse spatiale et de la science
la géographie actuelle, mais qui se limite un peu trop parfois au nord régionale, peu goûtée de l’auteur (Georges Benko n’est pas cité,
est de la France et à la Grande Bretagne. Cette géohistoire à grande par exemple).
échelle permet de comprendre comment se forgent la culture et
l’identité d’un territoire en en débusquant les traces laissées dans La deuxième partie porte exclusivement sur la reconversion. Les
le paysage. géographes lorrains sont sans doute les seuls qui maintiennent
d’ailleurs un courant de recherche sur cette question. Après avoir
Le deuxième chapitre porte sur l’échelle moyenne de la ville ; pe- analysé les modalités du déclin industriel, l’auteur examine les
tites villes monoindustrielles ou plus grandes agglomérations. La principes, les processus et les acteurs des politiques de reconver-
ville industrielle forme un système spatial original et cohérent, du sion en France et en Grande Bretagne ; les notions sont débattues,
moins tant que l’activité fondatrice persiste, assimilé à un géosys- classées, toujours appuyées sur des exemples développés, parfois
tème, terme jugé par l’auteur comme très évocateur du phénomè- longuement. On trouvera dans cet ouvrage une utile synthèse, à
ne. Il s’inscrit en cela dans les orientations de l’école du paysage un moment où la mémoire de ces bouleversements commence à
de Nancy autour d’André Humbert. Mais, bien qu’il indique que le s’estomper, comme si les choses étaient allées de soi. Le dernier
concept est « né de la géographie physique », l’auteur s’inspire cu- chapitre enfin traite de la dimension patrimoniale des bâtiments in-
rieusement de la définition de R. Brunet dans Les Mots de 1993 qui dustriels. Le rappel historique sur la prise en compte de ce paramè-
évacue complètement l’homme et la société. Il précise simplement tre établit le lien avec l’archéologie industrielle, courant de recher-
en termes très vagues que «  certains chercheurs  » y ont inclus che apparu dès 1950, mais qui s’est surtout développé dans les
très vite (quand ?) des éléments anthropiques. La bibliographie nous années 1970 et 1980. Là encore, la synthèse est bienvenue. On en
apprend qu’il fait référence, curieusement là encore, à un hydrobio- regrettera d’autant plus le relatif oubli des écomusées du Creusot
logiste spécialiste des écosystèmes aquatiques (Christian Levêque) et de Lewarde dans le Pas-de-Calais. L’allusion au principe même
certes très connu dans son domaine, mais jusqu’à présent peu mo- de l’écomusée est très sommaire et laisse apparaître une certaine
bilisé dans la pensée géographique alors que le courant de biogéo- réticence de la part de l’auteur. L’idée d’un musée dans son milieu
graphie inspiré de G. Bertrand et G. Rougerie est ignoré. Chez ces n’est-elle pas justement la meilleure représentation d’un système
auteurs, le géosystème se différencie de l’écosystème en ce sens socio-spatial, voire, pourquoi pas, d’un géosystème ?
que l’homme est replacé au centre (un écosystème anthropisé). Le
géosystème n’étant d’ailleurs qu’un élément du système de pensée Au total, voici un ouvrage très didactique qui plaira aux étudiants
GTP (géosystème, territoire et paysage). Le paysage ne peut donc tant il s’attache à donner des grilles de lecture d’un paysage au
être à lui seul un géosystème. L’assimiler en tant que tel risque mieux ignoré, au pire rejeté. Enseignants comme étudiants appré-
d’être une source de confusion. Ne peut-on pas proposer tout sim- cieront la richesse et la clarté de l’iconographie tout en regrettant
plement le concept de système socio-spatial, certes plus connoté sans doute une certaine faiblesse épistémologique.

Jacques DONZE

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