A tous ceux qui croient en nous.
i
REMERCIEMENTS
Tout d‟abord, nous rendons grâce au Seigneur Tout Puissant pour ses
nombreux bienfaits dont il nous comble. Nous exprimons aussi notre
profonde gratitude à :
Tous les camarades de classes, à tous les amis et frères pour leur
soutien et leur affection, pour leurs encouragements et leur soutien
moral, sans oublier tous ceux qui ont contribué à l‟aboutissement de la
présente étude.
ii
LISTE DES ABREVIATIONS
AEF: Afrique Equatorial Française
AFD : Agence française pour le développement
AMBF : Association des Municipalités du Burkina Faso
ANTR : Agence nationale des terres rurales
AOF: Afrique Occidental Française
APFR : Attestation de Possession Foncière Rurale
BAD : Banque Africaine de Développement
CCFV: Commission de Conciliation Foncière Villageoise
CEA : Commission économique pour l‟Afrique
CEDEAO : Communauté économique des États de l‟Afrique de l‟Ouest
CFV : Commission Foncière Villageoise
CGCT : Code Général des Collectivités Territoriales
CLD : Cadre et des lignes directrices sur les politiques foncières en Afrique
CNR : Conseil National de la Révolution
CNSFMR : Comité national de sécurisation foncière en milieu rural
CODDE : Coalition des Organisations de la Société Civile pour un Développement Durable
et Equitable
CTB: Collectivité Territoriale de Base
CUA : Commission de l‟Union africaine
CVD : Conseil Villageois de Développement
CVGT: Comité Villageois de Gestion du Terroir
DFCT: Domaine Foncier des Collectivités Territoriales
DFE: Domaine Foncier de l‟Etat
DFN: Domaine Foncier National
DGFOMER : Direction générale du Foncier et de la Formation et l‟Organisation du monde
rural
ENAREF: Ecole Nationale des Régies Financiers
FAO: Food and Agriculture Organization
FIDA : Fonds International de Développement de l‟Agriculture
FNSF : Fonds national de sécurisation foncière
GRAF : Groupe de recherche et d‟action sur le foncier
LPI : Land Policy Initiative
iii
MACO : Maison d‟arrêt et de correction de Ouagadougou
MASA : Ministère de l‟agriculture et de la sécurité alimentaire
MATD : Ministère de l‟Administration Territoriale et de la Décentralisation
MCA-BF: Millennium Challenge Account Burkina Faso
MEDD : Ministère de l‟environnement et de développement durable
MEF : Ministère de l‟Economie et des Finances
MFPTSS : Ministère de la Fonction Publique, du Travail et de la Sécurité Sociale
MHU : Ministère de l‟Habitat et de l‟Urbanisme
MIDT : Ministère des Infrastructures, du Désenclavement et des Transports
ONG : Organisation non gouvernemental
OP : Organisations Paysannes
OPSF : Opérations pilotes de sécurisation foncière
ORFAO : Observatoire régional du foncier en Afrique de l‟Ouest
PACOF/GRN : Projet d'Appui aux Communes rurales de l'Ouest en matière de Gestion du
Foncier rural et des Ressources naturelles
PAS: Programme d‟Ajustement Structurel
PDL/O : Projet de développement local de l‟Ouest
PDRD : Projet de développement rural durable
PFR/G : Plan Foncier Rural dans la Province du Ganzourgou
PF-SA : Plate-Forme Souveraineté Alimentaire du Burkina Faso
PM : Premier Ministère
PNGT : Programme national de gestion des terroirs
PNSFMR : Politique National de la Sécurité Foncière en Milieu Rural
PRES : Présidence
PSF : Projet Sécurisation Foncière
PTF : Partenaires Techniques et Financiers
PV : Procès-Verbal
RAF : Réforme Agraire et Foncière
RAF : Réorganisation Agraire et Foncière
SFR : Service Foncier Rural
STD: Service Technique Déconcentré
TD: Tribunal Départemental
TGI: Tribunal de Grande Instance
PIB : Produit Intérieur Brut
iv
TOD: Texte d‟Orientation de la Décentralisation
TPR : Tribunaux Populaires de la Révolution
UEMOA : Union économique et monétaire ouest-africaine
v
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION ................................................................................................................................. 1
PARTIE I : L’ETAT DE LA POLITIQUE FONCIERE DECENTRALISEE AU BURKINA
FASO ...................................................................................................................................................... 8
CHAPITRE I : LE CONTEXTE JURIDIQUE DE LA POLITIQUE FONCIERE
DECENTRALISEE AU BURKINA FASO..................................................................................... 9
Section 1 : L‟existence de droit dualiste.......................................................................................... 9
Paragraphe 1 : Le droit positif des collectivités locales en matière foncière ............................. 10
A. Le domaine foncier des collectivités territoriales ..................................................... 11
B. Le domaine foncier rural des collectivités territoriales............................................ 13
Paragraphe 2 : La reconnaissance du droit coutumier ............................................................... 15
A. Le droit coutumier dans l’histoire foncière du Burkina Faso ................................. 16
B. La reconnaissance légale des droits fonciers coutumiers ......................................... 20
Section 2 : Analyse de la politique foncière décentralisée ............................................................ 22
Paragraphe 1 : L‟état des lieux du transfert de compétences et de ressources en matière foncière
................................................................................................................................................... 23
A. Le processus de transfert des compétences en matière de gestion foncière ........... 23
B. Quelques observations par rapport aux transferts................................................... 25
Paragraphe 2 : La capacité des collectivités locales à faire face à la question foncière ............ 26
A. Les communes rurales face à la gestion foncière ...................................................... 27
B. La prise en compte des réalités rurales et urbaines ................................................. 28
CHAPITRE II : L'EXERCICE DE LA GESTION DES TERRES PAR LES
COLLECTIVITES LOCALES ...................................................................................................... 30
Section 1 : les enjeux liés à la gestion du foncier par les collectivités locales .............................. 30
Paragraphe 1 : la gestion du foncier par les collectivités locales .............................................. 30
A. L’intervention des collectivités locales dans la gestion foncière .............................. 30
B. La problématique de la légitimité des élus locaux .................................................... 32
Paragraphe 2 : Le jeu des acteurs dans la gestion du foncier .................................................... 33
A. La pluralité des acteurs dans le contrôle et la régulation foncière.......................... 33
B. La clarification institutionnelle au niveau local ........................................................ 35
Section 2 : les difficultés liées à la gestion des terres ................................................................... 36
Paragraphe 1 : la délimitation du territoire des collectivités ..................................................... 36
A. Une territorialité floue et complexe ........................................................................... 36
B. Les collectivités territoriales doivent-elles avoir des limites précises ?................... 38
Paragraphe 2 : la latence des conflits fonciers ........................................................................... 39
A. L’enjeu du phénomène pour les collectivités territoriales ....................................... 40
vi
B. Les mécanismes de prévention et gestion des conflits fonciers ................................ 41
PARTIE II : LA PROBLEMATIQUE DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA POLITIQUE
FONCIERE DECENTRALISEE AU BURKINA FASO................................................................. 43
CHAPITRE I : LES OBSTACLES DANS L’APPLICATION DE LA LEGISLATION
FONCIERE RURALE .................................................................................................................... 44
Section 1 : les difficultés d‟opérationnalisation de la loi............................................................... 44
Paragraphe 1 : les insuffisances d‟ordre pratique ...................................................................... 44
A. L’inachèvement juridique et institutionnel ............................................................... 44
B. Les difficultés liées à l’effet rétroactif de l’article 36 de la loi portant régime
foncier rural ......................................................................................................................... 46
Paragraphe 2 : les difficultés liées au pluralisme institutionnel ............................................... 47
Section 2 : Les difficultés de compréhension des acteurs sur la loi .............................................. 49
Paragraphe 1 : Connaissance et compréhension des populations locales .................................. 49
A. Le niveau de compréhension de la loi ........................................................................ 49
B. Les enjeux de communication et d’interprétation de la loi...................................... 52
Paragraphe 2 : connaissance et compréhension des élus locaux et administration locale ........ 55
A. Le niveau d’information des élus locaux ................................................................... 55
B. La compréhension des agents et acteurs locaux ....................................................... 57
CHAPITRE II : LES LEÇONS APPRISES ET LES DEFIS DANS LA GESTION
FONCIERE ...................................................................................................................................... 59
Section 1 : L‟état d‟application de la réforme foncière rurale ....................................................... 59
Paragraphe 1 : Les atouts et limites de la réforme foncière rurale ............................................ 59
A. Les innovations majeures de la réforme foncière ..................................................... 59
B. Les insuffisances dans l’application de la réforme foncière .................................... 62
Paragraphe 2 : Les expériences de sécurisation foncière........................................................... 63
A. Les expériences des projets pilotes de sécurisation foncière .................................... 64
B. Les principaux enseignements .................................................................................... 66
Section 2 : les défis à relever pour une gestion efficace du foncier rural ..................................... 67
Paragraphe 1 : l‟amélioration de la gouvernance locale et foncière .......................................... 68
A. La consolidation des actions de bonne gouvernance locale ..................................... 68
B. La consolidation des actions de bonne gouvernance foncière ................................. 69
Paragraphe 2 : les grandes dynamiques et les enjeux contemporains influant sur le foncier .... 71
A. Les facteurs influant sur l’évolution du foncier ........................................................ 71
A. Les enjeux fonciers influant sur les structures foncières locales ............................. 73
CONCLUSION .................................................................................................................................... 76
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................................. I
vii
INTRODUCTION
1
SAMBA Soumare, La gestion des ressources naturelles, un des principaux enjeux de la décentralisation en zone rurale au
Mali. Article préparé pour le séminaire du Programme arbres, forêts et communautés rurales, Dakar, 20-28/10/1998 cité dans
IDELMAN Eric, Décentralisation et limites foncières au Mali, [en ligne] iied dossier no 151 juin 2009 P.20
2
MANSION Aurore, BROUTIN Cécile, Quelles politiques foncières en Afrique subsaharienne ? Défis, acteurs et initiatives
contemporaines, Grain de sel no 57 janvier 2012 P.163. Disponible sur http://www.inter-reseaux.org/IMG/pdf/GdS57-
final.pdf
3
C‟est le cas dans la région des Grands-Lacs où le foncier a été un facteur déterminant des conflits violents qui ont marqué la
région depuis près de 20 ans. C‟est aussi le cas au Soudan, en Sierra Leone ou en Côte d‟Ivoire. Pour aller plus loin :
CHAUVEAU Jean-Pierre, RICHARDS Paul, COPANS Jean, Les racines agraires des insurrections ouest-africaines. Une
comparaison Côte d'Ivoire-Sierra Leone, Politique africaine 2008/3 (N° 111), p. 131-167 ; CHAUVEAU Jean-Pierre,
COLIN Jean-Philippe, BOBO Samuel, KOUAME Georges, KOUASSI Noël, KONE Moussa, Côte d’Ivoire : la question
foncière à l’épreuve de la paix, Revue Territoires d‟Afrique, no 4 octobre 2012, p. 53-60 ; CHAUVEAU Jean-Pierre, "La
question foncière en Côte d’Ivoire et le coup d’Etat", Politique africaine, n° 7, 2000.
4
Dès 1996, un comité de pilotage sur le foncier a été mis en place au sein du Ministère français chargé de la coopération et a
œuvré à la publication (2009) d‟un livre blanc sur les politiques foncières en Afrique; en 2003, le Comité inter-Etats de lutte
contre la sécheresse au Sahel (CILSS) a engagé des réflexions sur les problèmes fonciers en Afrique de l‟Ouest et a été suivi
du lancement d‟une initiative ouest-africaine sur une charte foncière pour l‟Afrique de l‟ouest ; en 2003, la Banque mondiale,
a lancé un document de recherche sur les politiques foncières pour les pays en développement (le dernier document de
politique foncière de la Banque mondiale date de 1975) ; en 2004, un projet de document de politique foncière a été élaboré
par l‟Union européenne pour les pays en développement et la mise en place du Hub Rural en 2004. Voy. OUEDRAOGO
Hubert M. G., La question foncière rurale face aux Défis de l’intégration régionale dans l’espace UEMOA , Ouagadougou
Août 2009. Disponible sur www.inter-reseaux.org/.../pdf_Rapport_foncier_UEMOA_actualise_2009.pdf
5
MANSION Aurore, BROUTIN Cécile, Op. Cit. P.16
1
Il y a encore peu d‟années, on pouvait constater une absence d‟initiatives régionales et
continentales sur les questions foncières. Les rôles des différentes institutions demeuraient
flous et des divergences de vue existaient sur ce qu‟il convenait d‟entreprendre à ces échelles.
Cette situation a radicalement évolué. En 2006, conscientes du rôle central du foncier dans le
développement économique de l‟Afrique, la Commission de l‟Union africaine (CUA), la
Commission économique pour l‟Afrique (CEA) et la Banque Africaine de Développement
(BAD) ont lancé une initiative commune : « l‟initiative sur les politiques foncières en Afrique
» (LPI, pour Land Policy Initiative)6. Cette initiative avait pour but de promouvoir
l‟élaboration et la mise en œuvre participatives de politiques foncières « globales et
intersectorielles » contribuant à la sécurisation et au renforcement des droits fonciers des
acteurs locaux, à l‟accroissement de la productivité et à l‟amélioration des conditions de vie.
Pendant 3 ans, un processus continental d‟élaboration du « Cadre et des lignes directrices sur
les politiques foncières en Afrique » (CLD)7 a été mis en œuvre en collaboration étroite avec
les Communautés économiques régionales. Le projet de CLD a été examiné et approuvé en
avril 2009 lors de la Conférence conjointe des ministres en charge de l‟agriculture, des
affaires foncières et de l‟élevage8, tenue à Addis Abeba (Ethiopie). Puis en juillet 2009 à Syrte
(Libye), l‟Assemblée des Chefs d‟État et de Gouvernement de l‟Union africaine l‟a entériné et
a adopté une « Déclaration sur les problèmes et enjeux fonciers en Afrique », qui demande
notamment une utilisation effective du CLD en tant qu‟outil adapté pour guider les processus
nationaux de politique foncière.
6
Voy. BASSERIE Vincent, les initiatives des acteurs régionaux ouest-africains et continentaux en matière foncière, Grain
de sel nº 57 janvier – mars 2012 P.19. Aussi, www.ipar.sn/Note-de-synthese-no7-cadre-d-elaboration-des-politiques-
foncieres-en-Afrique-de.html
7
Le CLD n‟est ni une politique foncière africaine, ni un cadre contraignant, pas plus qu‟une tentative d‟homogénéisation des
politiques foncières nationales. Le CLD se base sur une analyse des leçons, tant positives que négatives, identifiées sur
l‟ensemble du continent, pour en dégager les meilleures pratiques en matière d‟élaboration, de mise en œuvre et de suivi-
évaluation des politiques foncières.
8
Le 6 octobre 2015 (CEA) lors de la Conférence inaugurale du Comité Technique Spécialisé (STC) sur l'Agriculture, le
Développement Rural, l'Eau et l'Environnement les Ministres ont également appelé à la création d'un Centre pour la politique
Foncière en Afrique « pour assurer le leadership, la coordination, la création de partenariats et pour promouvoir la défense
des politiques à l'appui des Etats membres »
2
dynamique de promotion de politiques foncières facilitant une gestion responsable et durable
des ressources naturelles et l‟intensification agricole. S‟appuyant sur une task force régionale
multi-acteurs9, la CEDEAO a ainsi initié un processus de conception et de mise en œuvre
d‟un « cadre régional pour l‟élaboration et la mise en œuvre de politiques foncières
convergentes dans l‟espace CEDEAO10 ». Quant à l‟UEMOA, elle est aujourd‟hui plus que
jamais interpellée par les questions de politiques foncières en raison du caractère transnational
de certaines des questions posées. Ainsi, la poursuite des conflits fonciers entre populations
locales en zones frontalières ou les litiges frontaliers entre Etats membres de l‟Union
constituent-elles des motifs de préoccupation pour les gouvernements11. L‟UEMOA a validé
en 2010 son plan d‟action en matière foncière, lors d‟un atelier régional auquel ont pris part
une cinquantaine de participants représentant les États membres de l‟Union, la société civile,
le secteur privé et des organisations régionales et internationales. L‟atelier a confirmé que le
rôle approprié de l‟UEMOA consiste en premier lieu à soutenir et faciliter les processus
nationaux engagés par les États. Ce plan d‟action prévoit notamment la création d‟un
Observatoire régional du foncier en Afrique de l‟Ouest (ORFAO)12, la réalisation d‟activités
de renforcement des capacités en matière foncière et une assistance aux États en matière de
promotion et régulation des marchés fonciers.
9
La task force régionale multi-acteurs regroupe l‟UEMOA, le CILSS, la LPI, les organisations régionales de la profession
agricole, les organisations de la société civile, les gouvernements, les experts ouest-africains.
10
Les critères de convergence et les axes d‟intervention porteront sur les 5 volets suivants : (1) Disposer d‟un document de
politique foncière, de lois et de textes d‟application ; (2) Disposer d‟une stratégie de mise en œuvre des politiques foncières ;
(3) Disposer d‟un système de suivi-évaluation efficient ; (4) Disposer d‟un mécanisme de pilotage approprié ; (5)
Mobilisation des ressources humaines et financières, équipements. C‟est le cas des conflits dans les grands lacs
11
On se rappelle encore que le Burkina Faso et le Mali se sont livrés à des affrontements armés lors de deux conflits en 1974
et en 1985, dont la cause revêt une dimension territoriale liée à la revendication de la zone frontalière de l‟Agacher. De plus,
le Burkina Faso se disputait avec le Bénin pour le contrôle de la zone frontalière de Kourou-Koalou. Cette zone est au centre
d‟une revendication territoriale entre les deux Etats. Au niveau de sa frontière orientale, un autre différend opposait le
Burkina Faso au Niger. Ce contentieux est lié à une divergence d‟interprétation de l‟amendement apporté à l‟arrêté colonial
de 1927 sur le tracé frontalier entre les deux territoires. Le 27 juin 2010, ils ont accepté de soumettre le contentieux à la CIJ.
Par ailleurs, la frontière entre le Burkina Faso et le Ghana était en proie à des tensions. Le Ghana revendiquait des territoires
frontaliers du Burkina Faso, entrainant dès 1963 la fermeture des frontières par le Ghana. Cependant, lorsque le conflit est
porté devant l‟OUA en juillet 1964, il a dégénéré. Des Ghanéens se sont installés dans le village de Katunga, dans le cercle
de Tenkodogo. Le 13 juin 1965, un accord a été réalisé à la suite de concessions faites par le Ghana.
12
La CEDEAO s‟est déjà prononcée en faveur d‟une extension de la zone d‟action de l‟ORFAO à l‟ensemble de l‟espace
CEDEAO, si ce dernier fait ses preuves dans un premier temps dans l‟espace UEMOA.
3
partisanes dans l‟arène politique nationale. Des options diverses de politique foncière ont
d‟ailleurs été exprimées au cours de l‟histoire récente par les dirigeants ouest-africains13.
Aussi faut-il ajouter la décentralisation, devenue depuis quelques années la nouvelle exigence
institutionnelle dans plusieurs pays africains. Cette évolution de l‟organisation administrative
territoriale met l‟accent sur de nouveaux acteurs, les collectivités locales. Celles-ci, urbaines
comme rurales, se trouvent en charge de nouvelles responsabilités en termes de
développement local, dont la gestion foncière.
Dans les débats sur la question foncière en Afrique de l‟ouest rurale, la majorité des
observateurs s‟accorde aujourd‟hui pour prôner une gestion décentralisée du foncier et des
ressources naturelles. Ils ont fait porter leur espoir sur les programmes de décentralisation qui
se concevaient ou se mettaient en place dans les différents pays. La décentralisation devait
donc permettre de trancher entre différentes options sur différentes questions intéressant le
foncier. Face à la crise des Etats (crise des modes de gouvernance issus des indépendances,
révélée par la crise économique), et dans la continuité des processus de démocratisation, la
décentralisation administrative est apparue comme la solution, capable de promouvoir la
démocratie locale et un développement local fondé sur la participation active des populations.
Constituant des assemblées d‟élus, légitimes et chargés de gérer les affaires locales, la
décentralisation est d‟autant plus apparue comme une potion magique, une espèce de panacée
à toutes les difficultés de gestion, particulièrement celles des ressources foncières.
Au Burkina Faso, depuis le début des années 1990, le gouvernement, dans le cadre des
reformes politiques, économiques et institutionnelles, a entrepris de mettre en œuvre la
décentralisation pour promouvoir le développement à la base. Le processus de
décentralisation, est matérialisé par une série de lois qui l‟a structuré de 1993 à nos jours. Il a
atteint un tournant décisif avec la communisation intégrale consacrée par la loi no 055-
2004/AN du 21 décembre 2004 portant Code général des collectivités territoriales (CGCT).
Les élections qui ont suivi en 2006, ont permis la mise en place sur l‟ensemble du territoire,
de 351 communes dont 49 communes urbaines et 302 communes rurales, ainsi que treize (13)
régions. Avant et après la colonisation, le Burkina Faso a également connu l‟adoption de
13
Les formules ci-après résument la prise en compte de la question foncière par les dirigeants africains: « la terre à ceux qui
la travaillent » affirmée dans la Côte d‟Ivoire de Houphouët Boigny ou le Niger de Seyni Kountche ; « la terre appartient à
son propriétaire » affirmée par la Côte d‟Ivoire de Laurent Gbagbo ; « la terre à ceux qui peuvent la travailler » affirmée par
le Togo de Eyadema ; « la terre à l’Etat garant de l’intérêt national», affirmée par le Burkina Faso révolutionnaire de
Thomas Sankara…
4
plusieurs textes et lois régissant le foncier. Le Burkina Faso s‟est engagé dans un nouveau
processus de sécurisation foncière, qui a conduit à l‟adoption 2007 de la politique nationale de
sécurisation foncière en milieu rural. Cette politique, aujourd‟hui décentralisée, est
essentiellement placée sous la responsabilité des communes dont la grande partie est rurale.
Les orientations de cette politique ont servi de base à l‟élaboration en juin 2009 d‟une
nouvelle loi sur le foncier rural. L‟adoption successive de la politique nationale de
sécurisation foncière en milieu rural et la loi portant régime foncier rural qui renferme des
innovations juridiques en matière foncière à travers notamment la remise en cause de l‟ancien
principe général de monopole foncier de l‟Etat sur la terre, et reconnaissent à côté des droits
de l‟Etat, ceux des collectivités locales ainsi que ceux des particuliers14 ; la prise en compte du
droit coutumier traditionnel burkinabè15, modifient du même coup, maintes dispositions de la
loi sur la Réorganisation Agraire et Foncière (RAF) dans le domaine foncier. Et devait
naturellement conduit à la relecture de cette dernière en 2012.
14
Article 5 de loi 034-2009 portant régime foncier rural et repris par l‟article 6 de la loi 034-2012 portant réorganisation
agraire et foncière
15
La loi sur le foncier rural précise que ces dispositions peuvent être précisées et/ou adaptées aux particularités du milieu
rural et à la spécificité des besoins locaux, à travers l‟élaboration de chartes foncières locales. Le renouveau de la question
foncière est donc la coexistence entre le droit positif qui peut être adapté et complété par le droit local.
16
Groupe d‟action et de recherche sur le foncier (GRAF), lexique du foncier en français, Ouagadougou, mai 2008 P.13
17
Thréance KOUMASSOU, stratégies des acteurs et gestion de la propriété foncière par les collectivités locales : cas de la
commune de Klouekanme, mémoire de Master II en science de gestion, CNAM Bénin 2009-2010 P. 18
18
Article 4 de la loi 034-2012 portant RAF
19
GRAF, lexique du foncier en français, Op. Cit. P.20
5
Notre réflexion semble accordée une priorité au foncier rural, car le foncier rural a pris
une place centrale dans les politiques de développement durable au Burkina Faso. L‟économie
du Burkina Faso est essentiellement basée sur le secteur rural et fondée sur les activités agro-
sylvo-pastorales. Le secteur rural contribue pour plus de 83% aux recettes d‟exportation. Il
demeure par conséquent le principal secteur d‟insertion du pays dans le commerce
international20. Le secteur rural occupe ainsi une place prépondérante dans l‟économie
nationale; il emploie 86% de la population totale. Environ 40% du PIB provient des activités
agricoles (agriculture 25%, élevage 12% et 3% foresterie et pêche), considérées comme étant
les principales sources de croissance économique du pays21. Les données ci-dessus montrent
l‟importance de la terre comme étant le principal support de la promotion des activités
économiques, notamment pour les communautés rurales. C‟est ce qui explique que les
récentes réformes foncières se sont essentiellement concentrées sur les questions rurales et
agraires. Aussi, les collectivités rurales seraient les sphères par lequel la décentralisation
prendrait son ancrage sur les plans juridiques, social, économique et culturel22. En plus, dans
l‟étude des questions foncières au Burkina Faso, l‟analyse juridique des faits fonciers ruraux
tient une place bien modeste. Toutefois, nous n‟occultons pas la continuité entre le foncier
rural et le foncier urbain. Les villes s‟étendent sur un espace où prédominent très souvent des
formes coutumières d‟appropriation et d‟usage du sol. Celles-ci sont progressivement
intégrées aux marchés fonciers urbains formels et informels. De même, l‟évolution du foncier
rural renvoie souvent à l‟urbain, d‟une part, parce que les dynamiques de changement
observées sont souvent initiées ou contrôlées par des acteurs urbains et, d‟autre part, parce
que la demande urbaine a une incidence majeure sur l‟activité agricole et sur le mouvement
d‟exode rural23. Aussi, parce que plusieurs communes urbaines, présentent dans les faits, des
réalités rurales.
Il faut constater que la mise en place des communes rurales s‟est réalisée sans
clarification de la question foncière. La matière n‟a fait l‟objet de transfert aux collectivités
territoriales qu‟en 2014. Le cadre juridique et institutionnel créé par la décentralisation et la
loi sur le foncier rural, confèrent donc aux communes et aux populations à la base, entre
20
Document de stratégie de développement rural à l‟horizon 2015, janvier 2004 P.42. Disponible sur www.inter-
reseaux.org/img/pdf_dsdr_definitif.pdf. Voy. Aussi, OUEDRAOGO Moussa, Le foncier dans les politiques de
développement au Burkina Faso : Enjeux et stratégies, Dossier no. 112. Disponible sur
www.pubs.iied.org/pdfs/9184IIED.pdf
21
Ibid. P.8
22
SAWADOGO Raogo Antoine, l’Etat africain face à la décentralisation, édition Karthala 2001 P.246
23
DARAND-LASSERVE Alain, Le ROY Etienne, la situation foncière en Afrique à l’horizon 2050, Paris : Collection A
Savoir, AFD janvier 2012, P.8
6
autres missions, celle relative à la gestion des terres rurales et des ressources naturelles. Une
meilleure gestion des terres rurales constitue ainsi l‟un des défis majeurs pour les communes,
particulièrement du point de vue de leur efficacité et de leur viabilité. La réalité des
collectivités en général et des communes rurales en particulier interpelle sur la faisabilité des
dispositions législatives et réglementaires adoptées. Les communes rurales n‟ont pas toujours
les moyens, ou que toutes les conditions ne sont pas encore remplies pour faire face à la
question foncière. Ainsi, on peut bien se demander si la décentralisation est-elle la solution
pour une meilleure gestion locale du foncier et des ressources naturelles? Comment les
collectivités locales s‟approprient-elle le processus de mise en œuvre de la réforme foncière?
Comment elles peuvent-elle et doivent-elle aborder la question foncière ? Autrement dit les
collectivités locales disposent-elles de capacités nécessaire pour faire face à la question
foncière ? Car les capacités techniques, financières, humaines, matérielles, organisationnelles
et informationnelles restent des éléments importants dans la gestion du foncier par les
collectivités locales.
La réflexion initiée par la présente étude vise à apporter une réponse à toutes ces
interrogations en faisant une évaluation des premières expériences de mise en œuvre de la
réforme foncière rurale. Car, Si les premières difficultés qui seront rencontrées ne sont pas
suivies et traitées par des ajustements appropriés, la réforme peut produire des effets
contraires. La difficulté dans beaucoup de pays d‟Afrique subsaharienne vient de ce que les
réformes foncières, quand elles existent, ne sont pas appliquées et que les populations les
connaissent mal. Cette nouvelle réforme foncière au Burkina Faso est donc porteuse
d‟espoirs pour sécuriser les terres et réduire les conflits fonciers. Encore et comme la
précédente loi (RAF), il se pose la problématique de sa mise en œuvre effective (partie II).
Néanmoins, il convient avant tout propos de procéder préalablement à une analyse sur l‟état
de la politique foncière décentralisé au Burkina Faso (partie I).
7
PARTIE I :
Une politique foncière définit les principes et les modalités de gestion des droits sur la
terre et les ressources naturelles qu‟elle porte. Elle définit quels droits sont reconnus
légalement, quelles sont les procédures pour les reconnaître, comment ils sont administrés.
Elle définit les obligations ou restrictions sur l‟usage qui est fait des terres et des ressources
naturelles, les façons dont les droits fonciers peuvent être transmis. Elle définit les instances
chargées de mettre en œuvre la gestion foncière, d‟arbitrer les conflits, etc. Une politique
foncière se matérialise à travers des lois, des décrets, des instances chargées de la mise en
œuvre (à l‟échelle nationale, régionale ou même locale)24.
L‟Etat du Burkina Faso a de ce fait, élaboré une politique nationale de sécurisation
foncière en milieu rural (PNSFMR) qui devrait prendre en considération le processus en cours
d‟approfondissement de la décentralisation au Burkina Faso. La Lettre de Politique de
Développement Rural Décentralisé tout comme la Stratégie de Développement Rural insiste
fortement sur la nécessité d‟assurer la sécurisation foncière en milieu rural. Le Code Général
des Collectivités Territoriales, la loi portant régime foncier rural et la loi portant
réorganisation agraire et foncière précisent que les collectivités territoriales disposent « d'un
domaine foncier propre »25.
Aujourd‟hui avec la communalisation intégrale et l‟adoption de lois et de politiques
plaçant les communautés à la base des décisions importantes en matière de gestion foncière, il
semble exister un réel espoir de voir les problèmes liés à cette gestion foncière, trouver des
solutions adaptées à chaque contexte. Toutefois, des défis doivent être relevés pour qu‟un tel
espoir se réalise. Dans la perspective de mieux appréhender les collectivités territoriales dans
leurs rôles et attributions en matière de gestion foncière, cette partie nécessite préalablement
une analyse du contexte juridique de la gestion foncière décentralisée au Burkina Faso
(chapitre I), avant de situer les enjeux liés à la gestion du foncier par les collectivités locales
(chapitre II).
24
Philippe Lavigne Delville, Quels enjeux pour les politiques foncières ? Sécurité foncière, marchés et citoyennetés, revue
grain de sel no 36 septembre-novembre 2006, P 13. Disponible sur www.inter-reseaux.org/revue-grain-de-sel/
25
L‟article 80 du CGCT dispose que les collectivités territoriales disposent d‟un domaine foncier propre, constitué par les
parties du domaine foncier national cédées à titre de propriété par l‟Etat. L‟article 5 de loi 034-2009 portant régime foncier
rural et repris par l‟article 6 de la loi 034-2012 portant réorganisation agraire et foncière prévoient dans la répartition des
terres rurales, le domaine foncier rural des collectivités territoriales.
8
CHAPITRE I : LE CONTEXTE JURIDIQUE DE LA POLITIQUE FONCIERE
DECENTRALISEE AU BURKINA FASO
La prise en charge de la gestion foncière par les collectivités locales met en évidence
la particularité et l'intérêt vital de la décentralisation. Pour la concrétisation de la politique de
décentralisation, l'Etat a jugé nécessaire de conférer certaines prérogatives aux collectivités
décentralisées26, notamment le partage de responsabilités en matière de gestion des terres. De
ce fait, pour mieux appréhender cette réforme dans la politique de décentralisation foncière, il
est nécessaire d'abord de mettre l'accent sur l'existence de règles dualistes (Section1) ensuite
de porter un regard critique sur la politique foncière décentralisée (Section2).
26
Les compétences des collectivités territoriales sont définies par le Code général des collectivités territoriales (CGCT) et
plusieurs décrets qui leur transfèrent les compétences et les ressources dans 11 Domaines : état civil ; aménagement du
territoire et gestion du domaine foncier ; environnement et gestion des ressources naturelles ; développement économique et
planification ; santé et hygiène ; éducation, emploi, formation professionnelle et alphabétisation ; culture, sports et loisirs ;
protection civile, assistance et secours ; pompes funèbres et cimetières, eau et électricité, foires et marchés.
27
Philippe Lavigne Delville, Comment articuler législation nationale et droits fonciers locaux : expériences en Afrique de
l'Ouest francophone, Politique des structures et action foncière au service du développement agricole et rural, actes du
Colloque de la Réunion, CNASEA/AFDI/FNSAFER, 1998.
28
La cohabitation ambiguë des deux systèmes de références a fait l'objet d'une littérature très abondante. Régime foncier
coutumier et droit foncier moderne cristallisent pour l'essentiel la grande majorité de la littérature sur le foncier rural en
Afrique subsaharienne en général et au Burkina Faso en particulier. L'analyse de cette dualité fait appel à deux sortes de
lectures par les différents auteurs qui, d'une part pour soutenir et défendre le régime foncier coutumier, ou, d'autre part la
prévalence du droit moderne.
29
Peter HOCHET, Burkina Faso : vers la reconnaissance des droits fonciers locaux, Appui à l‟élaboration des politiques
foncières, fiche pays N05 : Burkina Faso, juin 2014
30
Avec cette loi, on reconnaît que ce que l‟on appelle couramment les droits coutumiers peuvent avoir une valeur juridique
non seulement pratique, mais légale, sous réserve, évidemment, de modalités de reconnaissance de ces droits.
9
Dans le souci de cerner ces règles foncières, il nous semble important de passer en
revue le droit positif des collectivités locales en matière foncière (Paragraphe 1) et les enjeux
liés à la reconnaissance du droit coutumier (Paragraphe 2).
31
Article 80 du Code général des collectivités territoriales.
32
Les textes portant RAF au Burkina Faso ont été élaborés en 1984 dans le contexte de la Révolution Démocratique et
Populaire (RDP) pour faire face à la problématique foncière. Le pouvoir révolutionnaire en place a modifié le statut de la
terre en adoptant un texte : l‟ordonnance No84-050/CNR/PRES du 04 Août 1984 portant RAF au Burkina Faso. Cette loi a
consisté en la création d‟un seul bloc foncier : le domaine foncier national (DFN) et a en attribuer la propriété exclusive à
l‟Etat. Toutefois les résultats de la RAF au niveau rural étaient insatisfaisants. Aussi, l‟adoption de la constitution en juin
1991, celle du Programme d‟Ajustement Structurel (PAS) avec les institutions de Bretton Woods, commandait une relecture
des textes de la RAF par l‟adoption de la Zatu An VIII-039 bis/FP/PRES du 4 Juin 1991 portant RAF au Burkina Faso.
L‟évolution rapide du contexte institutionnel, politique, économique et social du pays a nécessité une seconde relecture de la
RAF par la loi n°014/96/ADP du 23 Mai 1996 portant RAF au Burkina Faso. De nombreuses lois et politiques sectorielles
notamment la loi sur le foncier rural ont encore imposé la nécessité de relire la RAF en 2012.
33
Le régime foncier rural est la première loi au Burkina Faso élaborée sur la base des orientations consensuelles d‟une
politique foncière nationale. Elle est également la première loi foncière qui organise une conciliation entre la légitimité
foncière que détiennent les populations rurales et la légalité foncière introduite par le législateur colonial. Au surplus, le
régime foncier rural du fait du consensus national qui a entourer son l‟élaboration pourrait aider à une occupation et une
exploitation paisible et productive des terres rurales. De ce point de vu, elle pourrait être un vecteur puissant
d‟investissements ruraux.
34
Les principales lois qui régissent le foncier au Burkina Faso sont la RAF et la loi sur le foncier rural. D‟autres lois
sectorielles existent également et qui impliquent les collectivités territoriales dans la gestion du foncier et des ressources
naturelles. Ce sont notamment le Code forestier, la loi d‟orientation relative à l‟eau, la loi d‟orientation sur le pastoralisme et
le code de l‟urbanisme et de la construction.
10
confuses en matière de sécurisation des acteurs ruraux35. Une des critiques majeures
formulées à l‟encontre de la RAF est son caractère centralisateur et la volonté de régir tous les
domaines d‟activités à la fois. L‟obsession du « tout Etat », à travers la création d‟un domaine
foncier national sur l‟ensemble des terres, est irréaliste. L‟Etat n‟a pas les moyens de gérer
efficacement son domaine et contraire à la légitimité foncière dont jouissent les autorités
coutumières, particulièrement en milieu rural36.
La deuxième raison pour élaborer une loi foncière rurale distincte de la RAF est
d‟ordre socio-économique. Elle tient au rôle et à la place qui sont assignés à l‟agriculture dans
nos politiques publiques de développement. En effet, dans un contexte de changement
climatique, de crises alimentaires et financières, les investissements dans l‟agriculture
apparaissent comme l‟une des réponses les plus appropriés pour animer et soutenir une
économie comme la nôtre, à dominante agricole. Toutefois, l‟émergence d‟une agriculture
performante, socle du développement économique et social durable et, source de richesses
pour le producteur, est confrontée à de nombreuses contraintes dont l‟une des plus
importantes et des plus persistantes est l‟insécurité foncière qui freine, les investissements
productifs37.
La nouvelle législation, a en effet reconnue, des pouvoirs domaniaux et fonciers réels
aux collectivités. L‟appréciation de ces nouveaux textes fait ressortir le domaine foncier et le
domaine foncier rural des collectivités territoriales.
35
Module de cours de législation domaniale et foncière ENAREF Cycle A2 mai 2011.
36
Saïdou SANOU, Gestion foncière décentralisée au Burkina Faso : Etat des lieux et orientations politiques en
construction. Quatrième Atelier National des Commissions Foncières, Niamey, du 21 au 23 Juin 2006
37
Module de cours de législation domaniale et foncière ENAREF Cycle A2 mai 2011
38
Alain ROCHEGUDE et Caroline PLANÇON, Décentralisation, foncier et acteurs locaux, fiche pays Burkina Faso, publié
sur www.www.foncier-developpement.org
11
ressorts territoriaux. La gestion et l’utilisation des parties du domaine foncier transférées aux
collectivités territoriales sont soumises à l’autorisation de la tutelle. » Autrement dit, il s‟agit
bien de déléguer aux collectivités la gestion de dépendances du domaine foncier national et
non pas de leur constituer, à partir de celles-ci, un domaine privé. Donc, le CGCT ne
prévoient qu‟une délégation du domaine foncier national au profit des collectivités
territoriales.
Le processus de décentralisation a influencé les législations foncières et laissa une
large place en la matière aux entités décentralisées. La dernière révision de 2012 de la RAF
définit ainsi le domaine foncier des collectivités territoriales. Les dispositions de la RAF
instituent un domaine public immobilier et un domaine privé immobilier au profit des
collectivités territoriales. Le domaine public immobilier des collectivités territoriales
comprend les biens immeubles des collectivités territoriales situés dans les limites
administratives de leurs territoires. Ces biens, par leur nature ou par leur destination, servent à
l‟usage ou non du public. Ils sont, en principe, inaliénables, imprescriptibles et insaisissables.
Selon l‟article 22 de la RAF, le domaine public immobilier des collectivités territoriales
comprend un domaine public naturel et un domaine public artificiel.
Le domaine public naturel39 des collectivités territoriales est constitué par des réserves
de faune et autres formations naturelles classées par les collectivités territoriales ; des bas-
fonds non aménagés d‟intérêt local ; des aires classées au nom des collectivités territoriales.
Quant au domaine public artificiel40, il se compose de chemins de fer, des routes, des pistes à
bétail, des câbles et équipements du réseau de télécommunications, des voies de
communication de toute nature ; des aérodromes, des aéroports, des aérogares, des ports secs ;
des ouvrages exécutés dans un but d'utilité publique pour la maîtrise des eaux et le transport
de l'énergie ; des monuments publics, des cimetières délimités, des monuments ou sites
historiques, des halles, des marchés et des espaces verts ; des biens immobiliers de toute
nature destinés à l'usage direct du public41. La gestion de ce domaine public immobilier
relève, selon l‟article 145 de la RAF, des conseils des collectivités territoriales. Ces conseils
peuvent concéder à leur tour la gestion de ces dépendances à des personnes morales de droit
public ou privé.
39
Le domaine public naturel est composé des sites naturels déterminés par la loi.
40
Le domaine public artificiel est constitué des aménagements et les ouvrages de toute nature réalisés dans un but d‟intérêt
général ou d‟utilité publique ainsi que les terres qui les supportent, déterminés par la loi ou ayant fait l‟objet d‟une procédure
de classement ou d‟incorporation.
41
Le classement et le déclassement des biens du domaine public naturel et artificiel des collectivités territoriales sont
constatés par arrêté du président du conseil de la collectivité territoriale conformément aux textes en vigueur.
12
Quant au domaine privé immobilier des collectivités territoriales, il comprend tous les
biens immobiliers dont les collectivités territoriales ont la propriété, notamment les biens
immobiliers qui font l‟objet d‟un titre de propriété établi en leur nom ; les biens immobiliers
du domaine public après leur déclassement ; les terrains urbains ou ruraux qui font l‟objet
d‟une expropriation pour cause d‟utilité publique, ou acquis par l‟exercice du droit de
préemption ; les biens immeubles et les terres en déshérence attribués par les textes en vigueur
; les bas-fonds aménagés par les collectivités territoriales et ceux qui leur sont cédés par
l‟Etat. Ce domaine privé comprend également le domaine privé affecté42 et le domaine privé
non affecté43. La gestion des terres de ce domaine privé est assurée par le service domanial
(commune urbaine) ou le service foncier rural (commune rurale) de la collectivité territoriale,
selon la distinction entre terres du domaine privé affecté et terres du domaine privé non
affecté. Les terres affectées doivent au préalable être immatriculées 44 et font l‟objet de
publicité par leur inscription dans les livres fonciers. Le domaine privé non affecté des
collectivités territoriales est géré selon les modes ci-après : la cession provisoire à titre de
recasement ; le bail de courte ou de longue durée ; la cession définitive.
42
Le domaine privé affecté des collectivités territoriales est l‟ensemble des terres et autres biens immobiliers de ces
collectivités, occupés par les services publics locaux ou ceux de l‟Etat pour l‟exécution de leurs missions.
43
Le domaine privé non affecté des collectivités territoriales est composé des terres et des biens immobiliers qui n‟ont pas
fait l‟objet d‟affectation ou à des services publics locaux ou ceux de l‟Etat.
44
L‟immatriculation consiste en la désignation d‟un terrain par un numéro du livre foncier à la suite d'une opération de
bornage et après purge des droits révélés. Elle constitue le mode de protection commun des terres et des biens immeubles du
domaine privé des collectivités territoriales.
13
met fin au monopole foncier de l‟Etat : celles relevant du domaine foncier de l‟État, celles
relevant du « domaine foncier des collectivités territoriales », et celles relevant du patrimoine
foncier rural des particuliers. Cette catégorisation est importante dans la mesure où elle fixe le
cadre d‟intervention et donc de gestion foncière des trois catégories d‟acteurs concernés.
Le domaine foncier des collectivités territoriales est constitué : « des terres rurales qui
leur sont cédées par l’État ; des terres rurales acquises par ces collectivités territoriales
selon les procédés de droit commun ; des terres acquises par exercice du droit de préemption
ou par application de la procédure d’expropriation pour cause d’utilité publique » (art. 27).
Ces terres sont soumises à la même obligation de recensement, délimitation et
immatriculation que celles de l‟État ; elles doivent par ailleurs faire l‟objet d‟une exploitation
rationnelle et durable par les services fonciers ruraux ou les bureaux domaniaux avec l‟appui
des services techniques déconcentrés de l‟Etat. Outre la gestion de leur domaine foncier rural,
les collectivités rurales peuvent recevoir de l‟Etat, le transfert de gestion du domaine foncier
rural étatique, conformément aux textes en vigueur. Les collectivités territoriales peuvent
attribuer des terrains ruraux, aménagés ou non, à des « particuliers, personnes physiques ou
morales de droit privé », par bail emphytéotique45, sous réserve que les terrains soient
immatriculés au nom de l‟acteur public, pour un but d‟investissement productif.
Prônant une gestion locale du foncier rural, la loi a créé des structures locales de
gestion foncière et prévu des institutions et services centraux et intermédiaires de sécurisation
foncière. Trois (03) principales échelles de structuration sont entrevues par la loi foncière
rurale : le Service Foncier Rural (SFR) au niveau communal, la commission foncière
villageoise (CFV) au niveau villageois et l‟instance de concertation foncière en vue d‟un
règlement amiable des conflits.
Les services fonciers ruraux46 sont les bras technique des communes rurales. Ils sont
chargés aussi bien « de l’ensemble des activités de gestion et de sécurisation du domaine
foncier de la commune y compris les espaces locaux de ressources naturelles d’utilisation
commune », que des activités de sécurisation du patrimoine foncier rural des personnes
privées, mais aussi de concourir à la gestion et à la préservation du domaine de l‟État et de la
45
Le bail emphytéotique de terres rurales est un bail conclu entre d‟une part, l‟emphytéote ou bailleur de terres et d‟autre
part, le preneur ou locataire de terres, pour une durée comprise entre dix-huit ans au minimum et quatre-vingt-dix-neuf ans au
maximum et donnant lieu au paiement d‟un loyer périodique. Le bail emphytéotique ne peut porter que sur une terre
immatriculée. Il constitue un droit réel immobilier et est susceptible d‟hypothèque. Le bail emphytéotique doit faire l‟objet de
publication sur les livres fonciers conformément aux textes en vigueur.
46
L‟article 77 de la loi foncière rurale a créé au niveau de chaque commune rurale un service foncier rural. Dans les
communes urbaines auxquelles sont rattachés des villages, les missions et attributions des services fonciers ruraux sont
assurées par les bureaux domaniaux desdites communes en collaboration avec les commissions foncières villageoises créées
au sein des conseils villageois de développement.
14
région. La commission foncière villageoise47 est créée dans chaque village sous l‟égide du
conseil villageois de développement (CVD)48, c‟est une sous-commission du CVD spécialisée
chargée des questions foncières. Elle est chargée de faciliter la mise en œuvre des missions du
service foncier rural à travers l‟information et la sensibilisation de la population. Il peut être
crée des instances de concertation foncière à la demande de la commune et chargée
d‟examiner toutes questions relatives à la sécurisation foncière des acteurs ruraux, à la gestion
et à la gouvernance foncière locale, aux questions d‟équité foncière et d‟utilisation durable
des terres rurales. Elles ont un rôle consultatif mais peut faire des propositions.
47
La commission foncière villageoise est présidée par le représentant des autorités coutumières et traditionnelles du village
ou toute autre personne compétente désignée par l‟assemblée villageoise. La liste des autres membres de la commission
foncière villageoise au nombre de neuf (09), on y relève notamment la représentation des autorités coutumières et
traditionnelles chargées du foncier ; celle des autorités religieuses, s‟il y a lieu, celles des associations d‟éleveurs, de jeunes,
des femmes et des organisations professionnelles locales.
48
En vertu de l‟article 222 du CGCT, il est institué dans chaque village des communes rurales, un Conseil villageois de
développement (CVD). Le CVD qui a été créé pour remplacer les Commissions Villageoises de Gestion des Terroirs (Celles-
ci avaient été créées pour remplacer les anciens Comités de défense de la Révolution ), est chargé sous l‟autorité du Conseil
municipal de contribuer à l‟élaboration et à la mise en œuvre des plans communaux de développement ; contribuer à la
promotion du développement local dans le village ; participer aux activités des différentes commissions mises en place par le
conseil municipal pour la gestion et la promotion du développement local. En outre, le CVD est chargé, selon l‟article 10 du
décret n° 2007- 032 du 22 janvier 2007 portant organisation, composition et fonctionnement des CVD, de participer à la
recherche de solutions aux problèmes fonciers et de gestion de l‟espace villageois, et de créer toutes les conditions
nécessaires à la gestion, l‟entretien et la valorisation des infrastructures et des ressources naturelles.
49
Lavigne Delville, 1998 cité dans Mahamadou ZONGO, terre d'état, loi des ancêtres ? Les conflits fonciers et leurs
procédures de règlement dans l'ouest du Burkina Faso, cahiers du Cerleshs tome XXIV, N° 33, Juillet 2009, pp. 11-143.
15
Dans les faits, au Burkina Faso, la régulation de l‟accès à la terre au niveau local est
quotidiennement exercée par les autorités foncières coutumières.
50 Dans les sociétés pré-coloniales, les terres sont occupées et appropriées au nom du lignage ou du segment de lignage.
Cette appropriation peut se faire avec violence (cas de conquêtes par la guerre) ou sans violence (occupation d‟espaces sans
maître). Les modes d‟occupation non violente des terres et de délimitation du patrimoine lignagé sont extrêmement variés
(premier coup de hache, le feu, galop de cheval, etc.).
51
Module de cours sur le régime foncier rural– Livrable no17 préparé pour le Millenium Challenge Account - Burkina Faso
(MCA-BF) novembre 2010 p3-4.
16
permanent à une famille membre du groupe propriétaire qui peut l‟affecter à son tour aux
ménages et aux individus qui la composent, ou la prêter à des personnes étrangères à la
famille. Il s‟ensuit des problèmes inextricables de preuves, soit entre individus et relatifs aux
limites des champs, soit entre institutions coutumières au sujet du droit de propriété, soit enfin
entre le prêteur et le bénéficiaire sur le régime du prêt (délai, conditions, etc.). Au plan
économique, les systèmes fonciers coutumiers sont fermés à l‟investissement entendu comme
moteur de la production pour le développement économique et social. Tous les systèmes
fonciers coutumiers ont été fortement secoués par la pénétration coloniale et son organisation
dite règlementaire des terres dont les principes de base et les objectifs leur sont
diamétralement opposés.
52
Le régime de l‟immatriculation des terres dérive des décrets du 24 Juillet 1906 et du 26 Juillet 1932 portant réorganisation
du régime de la propriété foncière en Afrique Occidental Française (A.O.F). L‟immatriculation consiste à désigner un terrain
par un numéro au registre foncier à la suite d‟une procédure longue et complexe.
53
Les décrets du 24 Juillet 1906 et du 26 Juillet 1932 qui ont organisé en A.O.F. le régime de la propriété foncière sur la base
de l‟immatriculation n‟ont pas reçu des africains tout l‟accueil escompté par le colonisateur. Le peu d‟intérêt manifesté par
les Africains s‟explique en partie par les difficultés qu‟ils rencontrent à cause de la complexité de la procédure de
l‟immatriculation et des frais qu‟elle engendre mais aussi par les dispositions contraires à leurs cultures et valeurs sociales
que comporte cette réglementation. Constatant alors l‟échec de son régime auprès des populations africaines et son
inadaptation à leur réalité traditionnelle, le législateur colonial s‟est résolu à reconnaître la légitimité des détentions des terres
en vertu de la coutume par l‟institution d‟un mode de constatation des droits fonciers des indigènes. Ainsi le certificat
administratif, objet du décret du 08 octobre 1925, instituait la procédure de constatation des droits fonciers des indigènes. Il
donne la faculté aux indigènes qui ne souhaitent pas recourir à l‟immatriculation de faire constater et affirmer leur droit
coutumier au regard de tous tiers en adressant une demande écrite ou verbale au représentant de l‟Administration coloniale et
comportant : nom, âge, profession, domicile, lieu de naissance, filiation, indication sommaire du terrain concerné, origine des
17
Le Décret du 24 juillet 1906 repris par celui du 26 juillet 1932 a créé et organisé le
régime de la propriété privée en Afrique occidentale française. L‟arrêté 393/DOM du 16 juin
1954 portant règlementation des terres domaniales avait prévu deux titres de jouissance pour
les particuliers, les concessions urbaines et les concessions rurales et un titre pour les services
publics, l‟affectation. En ce qui concerne le domaine public de l‟Etat, deux textes ont été pris :
le décret du 29 septembre 1928 règlementant le domaine public et les servitudes d‟utilité
publique et son arrêté d‟application n°2895/AE du 24 novembre 1928. L‟application des
textes sus rappelés sur les domaines public et privé de l‟Etat et sur l‟immatriculation n‟a pas
eu pour conséquence la suppression des systèmes fonciers coutumiers. Elle a plutôt entrainé la
coexistence du régime foncier coutumier et du régime foncier colonial créant ainsi une dualité
des structures foncières. Le régime foncier colonial ou règlementaire organise la sécurité
d‟occupation foncière sur la propriété ou titre foncier et sur les titres de jouissance qui sont
accordés sur la base de la distinction et de la destination des terres. C‟est donc du régime
foncier colonial que date l‟existence de deux catégories de terres rurales : les terres rurales
règlementaires et les terres rurales coutumières. Tout comme l‟existence de structures
foncières règlementaires et de structures foncières coutumières.
3. Le statut des terres rurales dans le régime foncier voltaïque ou post colonial
L‟Etat voltaïque indépendant a hérité d‟une dualité des structures foncières provoquée
par le fait colonial (dualisme entre droit foncier coutumier et droit foncier réglementaire).
Toutefois les textes portant sur la règlementation du domaine privé de l‟Etat ont connu des
mises à jour avec la prise en compte du foncier urbain émergent. La Loi 77/60/AN du 12
juillet 1960 portant règlementation des terres du domaine privé de la République de Haute-
Volta, contient des dispositions nouvelles sur l‟aménagement urbain (lotissement) et sur la
gestion des terres du domaine privé (concessions urbaines, industrielles et rurales) qui se
combinent aux dispositions du décret foncier du 26 juillet 1932 resté en vigueur pour
continuer la création et l‟organisation de la propriété privée. Comme dans la législation
foncière antérieure, la combinaison des textes fonciers et domaniaux a permis une distinction
droits. Malgré cette reconnaissance officielle des droits fonciers coutumiers, le certificat administratif n‟a pas intéressé les
populations africaines. Au Burkina Faso les registres coloniaux ne contiennent pas des traces de l‟établissement dudit
certificat.
54
La réorganisation foncière et domaniale du 20 Mai 1955 en Afrique Occidental Française (A.O.F.) et en Afrique
Equatorial Française (A.E.F.) a confirmé solennellement la reconnaissance des droits fonciers coutumiers qui pourront
désormais s‟exercer librement au même titre que le droit de propriété issue de l‟immatriculation. Le livret foncier constatant
l‟existence de droits fonciers coutumiers, permet à son titulaire d‟en disposer librement notamment en les aliénant, en les
hypothéquant ou en les transformant en droit de propriété définitive à la suite de la procédure d‟immatriculation. Leur cession
forcée ne pourra intervenir qu‟en cas d‟utilité publique dûment déclarée. En conclusion, comme le précédent instrument, le
livret foncier n‟a pas non plus intéressé les populations africaines.
18
des terres urbaines et rurales sur un double critère : le critère de la destination des terres et le
critère de leur situation géographique apparu avant une règlementation complète sur les
schémas d‟aménagement du territoire notamment les schémas d‟aménagement urbain. Le
législateur de l‟indépendance a maintenu la dualité des structures foncières héritées de la
colonisation. Par souci d‟agrandir le domaine privé de l‟Etat, il a adopté la loi n°29/63/AN du
24 juillet 1963 qui autorise le Gouvernement a réservé pour l‟Etat une part des terres ayant
fait l‟objet d‟aménagements spéciaux et à déclarer comme biens de l‟Etat les terres peu
peuplées et éloignées des agglomérations55. Les textes susvisés ont introduit un statut double
des terres rurales comme les textes coloniaux avec le maintien du régime de l‟immatriculation
et l‟héritage de l‟Etat moderne d‟origine coloniale. Ces textes n‟ayant pas supprimé de façon
systématique et généralisée les terres rurales coutumières, celles-ci ont continué de coexister
avec les terres rurales règlementaires.
55
Module de cours sur le régime foncier rural– Livrable no17 préparé pour le Millenium Challenge Account - Burkina Faso
(MCA-BF) novembre 2010 p6-7.
56
Le DFN est de plein droit propriété de l‟Etat ; l‟existence ou la validité de la propriété de l‟Etat ne dépend d‟aucune
formalité préalable telle l‟immatriculation ou la publicité. Autrement dit, l‟Etat n‟a besoin d‟accomplir aucune formalité
particulière pour assurer la reconnaissance de son droit de propriété sur la terre. La propriété existe par la seule autorité de la
loi. En cela, cette propriété procède bel et bien d‟une nationalisation et c‟est pourquoi les textes en vigueur ont prévu une
indemnisation des victimes de cette nationalisation.
19
approche encyclopédique de la RAF dans laquelle on a vu au départ que des avantages, s‟est
révélé être l‟une de ses faiblesses dans la mesure où tous les acteurs sectoriels ont par la suite
élaboré des textes spécifiques pour sortir de la RAF (loi d‟orientation relative à la gestion de
l‟eau, loi d‟orientation relative au pastoralisme, loi portant code minier et loi portant code de
l‟environnement, loi portant régime foncier rural, code de l‟urbanisme et de la construction)57.
Le bilan de l‟application de la RAF est mitigé. Les résultats au niveau urbain sont
largement positifs dans la mesure où l‟application des textes de la RAF a permis de dégager
des milliers de parcelles au profit des ménages. Toutefois la situation au niveau rural reste
insatisfaisante du fait que la RAF ne s‟est intéressée qu‟aux zones rurales aménagées qui
n‟ont d‟ailleurs non jamais été immatriculées au nom de l‟Etat et dont les occupants sont
demeurés sans titre ; toutes choses qui ont créé une insécurité foncière à l‟endroit des
exploitants. Quant aux zones rurales non aménagées ou zones de terroirs, elles sont restées le
lieu géométrique de la toute puissance des droits fonciers coutumiers malgré l‟existence de la
RAF58.
20
confirmés mais sur le terrain ils étaient plutôt « tolérés » face à la réaffirmation de la
domanialité de l‟État. En 1984, le régime révolutionnaire sankariste promulgue la RAF et
abolit toute forme de droit foncier privé en constituant le territoire national en domaine
foncier national dont l‟État était le propriétaire éminent. Avec la chute de Sankara, les
diverses relectures de la RAF placent le droit foncier coutumier dans une situation où il n‟est
pas reconnu légalement, mais où sa légitimité locale est en pratique admise et prise en compte
par l‟État. À partir de 1991, nous sommes dans une situation où les droits fonciers locaux ne
sont pas légalement reconnus mais sont admis en pratique. La promulgation de la loi portant
régime foncier rural en 2009 marque un retour à la situation de 1955 où les droits fonciers
locaux sont en phase d‟être reconnus60. Au fil de cette histoire longue, les institutions de l‟État
colonial puis postcolonial oscillent entre reconnaissance et disqualification légale des droits
locaux. Mais sur le plan de la pratique, le divorce entre légalité et légitimité est constant
puisque à chaque période l‟État n‟a pas les moyens de sa politique et de son ancrage local. De
ce fait, quel que soit le cadre juridique et institutionnel construit par l‟État, la gestion
quotidienne des terres est le fait des autorités coutumières et l‟exploitation de la terre le fait
des exploitations familiales. La réforme foncière actuelle met en place des institutions et des
procédures qui à terme doivent permettre de réconcilier légalité et légitimité. Elles constatent
les possessions foncières ainsi que les transactions coutumières et elles impliquent les
autorités foncières locales dans les structures de sécurisation foncière et de gestion alternative
des conflits.
L‟une des dispositions les plus importantes de la loi portant régime foncier rural est la
reconnaissance et la protection des droits de l‟ensemble des acteurs ruraux. Il s‟agit en réalité
des droits fonciers ruraux que l‟on peut qualifier avec toutes les précautions requises de «
droits fonciers coutumiers ». La loi qualifie ces droits fonciers locaux ruraux de possession
foncière au sens juridique du terme61, c‟est - à - dire au sens de maîtrise de fait exercée sur
une chose avec l‟intention de s‟en considérer comme le véritable propriétaire. La possession
foncière rurale est donc définie comme le pouvoir de faite légitimement exercé sur une terre
rurale en référence aux us et coutumes foncières. Cette possession peut être exercée à titre
individuel ou collectif. Selon l‟article 36 de la loi portant régime foncier rural, constituent des
faits de possession foncière rurale : la reconnaissance unanime d‟une propriété de fait d‟une
personne famille sur une terre rurale par la population locale, notamment les possesseurs
voisins et les autorités coutumières locales ; la mise en valeur continue, publique, paisible et
60
HOCHET Peter, Op. cit., p. 14.
61
Article 34 de la loi 034-2009 portant régime foncier rural.
21
non équivoque et à titre de propriétaire de fait pendant 30 ans au moins de terres rurales aux
fins de production rurale. Le titre qui consacre cette possession est l‟attestation de possession
foncière rurale (APFR)62.Tout possesseur foncier rural dont la preuve de la possession a été
établie conformément aux dispositions de la loi bénéficie de la délivrance d‟une attestation de
possession foncière rurale par le maire de la commune concernée. Cette attestation est
transmissible par succession. Elle peut également être cédée entre vifs, à titre gratuit ou
onéreux, dans les conditions prévues par les textes63.
Par ailleurs, la loi introduit également une innovation juridique majeure importante
constituée par les chartes foncières locales qui constituent des lois supplétives qui devraient
être conformes au régime foncier rural et aux lois du Burkina Faso. Leur l‟objectif est de
permettre sur certains points une souplesse dans l‟application de la loi en permettant la prise
en compte de la diversité des situations et des besoins locaux, la variabilité des us et coutumes
et pratiques foncières locales. Elles visent également à créer les conditions d‟adhésion
populaire à la loi en réduisant l‟écart entre la norme applicable et les perceptions locales.
Enfin elles visent à créer un espace de participation des autorités traditionnelles et
coutumières à la gestion foncière locale.
Bien que la loi fournisse des moyens juridiques et institutionnels sans précédent pour
l‟ancrage local de l‟État et des collectivités territoriales, la question de la mobilisation pérenne
des moyens et des compétences sur l‟ensemble du territoire demeure.
62
Le décret 2010-402/PRES/PM/MAHRH du 29 juillet 2010 portant procédure de constatation de possession foncière rurale
des particuliers donne la liste exhaustive des pièces constitutives du dossier de demande et décrit toute la procédure qui
s‟achève par la délivrance au requérant d‟une attestation de possession foncière rurale qui a la même valeur juridique que le
permis d‟exploiter.
63
Le décret n°2010-403/PRES/PM/MAHRH du 29 juillet 2010 portant conditions particulières applicables aux cessions de
possession rurale définit les conditions de la cession des possessions foncières rurales.
22
Paragraphe 1 : L’état des lieux du transfert de compétences et de ressources en matière
foncière
Le transfert en lui-même est l‟acte juridique par lequel l‟Etat donne une partie de ses
responsabilités aux collectivités pour gérer des compétences et des ressources publiques64.
L‟expérience Burkinabè a mis à nu de nombreuses difficultés relatives aux transferts des
compétences et des ressources ; difficultés concernant la clarification du contenu opérationnel
des compétences des collectivités. En effet, si les instances de gestion des collectivités sont
mises en place juste avec les élections d‟avril 2006, le processus de transfert des compétences
et des ressources a mis du temps avant de commencer65.
64
OUEDRAOGO Moussa, MILLOGO Evariste, GUIRE Moussa, KABORE T. Michel, Les capacités des communes rurales
au Burkina Faso : Naviguer entre l’apprentissage et le pré-requis, publié sur www.hubrural.org/Publication-Les-capacites-
des.html?lang=fr P. 27.
65
Ibid., P. 28
66
Art 35 du CGCT.
67
Art 79 et ss du CGCT.
68
Loi n°043/98/AN du 06 août 1998 portant programmation de la mise en œuvre de la décentralisation.
23
après la mise en place des organes délibérants (c‟est-à-dire en 2010). En ce qui concerne les
communes urbaines, le transfert de compétences dans les domaines de la santé, de l'éducation
de base, de l'alphabétisation, de la jeunesse, de la culture et des sports et loisirs doit être
effectif au plus tard en 2005. Ces derniers délais n‟ont pu être respectés. Les premiers textes
de transfert de compétence dans les domaines sociaux ont été pris qu‟en mai 2006.
Tout en reconnaissant que la gestion du foncier fait partie des compétences reconnues
aux collectivités locales, l‟exercice de cette compétence n‟a pas été clairement organisé et n‟a
été transférée qu‟en 2014 par l‟adoption de trois décrets69. Ainsi, sont transférées aux
régions70 et aux communes, les compétences en matière de gestion et d‟utilisation du domaine
public immobilier de l‟Etat et du domaine privé immobilier non affecté de l‟Etat à l‟exclusion
des aires classées au nom de l‟Etat. Conformément aux articles 5 des deux premiers décrets
ci-dessus cités, les régions et les communes ont pour mission dans les matières transférées:
d‟assurer la police administrative ; de créer des comités locaux d‟exploitation, de protection et
de conservation ; d‟exploiter les ressources du domaine foncier (des régions ou des
communes) à l‟exclusion des aires classées au nom de l‟Etat conformément aux textes en
vigueur et des réserves de faunes et autres formations naturelles classées par l‟Etat; d‟émettre
leur avis sur les projets et opérations initiés par l‟Etat se rapportant au domaine foncier
national de leur ressort territorial; de suivre et d‟évaluer les activités y afférentes.
L‟effectivité du transfert de compétence doit s‟accompagner de celui de ressources
nécessaires pour l‟exercice des missions à remplir. Les ressources à transférer sont autant
financières, humaines que matérielles. Selon les dispositions du CGCT, les transferts peuvent
être sous forme de dotation budgétaire et/ou transfert de fiscalité pour les ressources
financières71. Les transferts peuvent également se faire sous forme de subventions72. Outre les
69
Le décret N°2014-937/PRES/PM/MATD/MEDD/MASA/MHU/MEF/MFPTSS du 10 octobre 2014 portant modalités de
transfert des compétences et des ressources de l‟Etat aux régions dans le domaine foncier, le décret N°2014
933/PRES/PM/MATD/MEDD/MASA/MHU/MEF/MFPTSS du 10 octobre 2014 portant modalités de transfert des
compétences et des ressources de l‟Etat aux communes dans le domaine foncière et le décret N°2014-
922/PRES/PM/MATD/MHU/MIDT/MEDD/MEF/MFPTSS du 10 octobre 2014 portant modalités de transfert des
compétences et des ressources de l‟Etat aux régions dans le domaine de l‟aménagement du territoire, de la gestion du
domaine foncier et de l'aménagement urbain.
70
Sont également transférées aux régions, conformément au décret N°2014-922 ci-dessus cité, les compétences ci-après:
compétence partagée avec l‟Etat pour l‟initiative d‟élaboration du schéma régional d‟aménagement du territoire
conformément aux procédures prévues par les textes en vigueur ; avis sur le schéma régional d‟aménagement du territoire et
les schémas directeurs d‟aménagement et d‟urbanisme réalisés à l‟intérieur du territoire régional avant leur approbation par
l‟Etat ; soutien à la promotion du transport en commun à l‟intérieur de la région ; délivrance d‟autorisations d‟occupation du
domaine foncier national géré par la région ; construction et entretien des pistes rurales.
71
Article 37 du CGCT
72
Article 12 des décrets N°2014-937 et N°2014-933 du 10 octobre 2014 ci-dessus cités.
24
subventions et les dotations, les régions et les communes peuvent bénéficier de concours
provenant d‟autres partenaires. Concernant les ressources matérielles, leur transfert
correspond à une mise à disposition pour utilisation (et donc temporaire) ou une cession de la
propriété. Fait donc l‟objet de dévolution aux régions et aux communes, le patrimoine
suivant : les parties du domaine foncier national situées dans leur ressort territorial et toutes
infrastructures et biens non inventoriés rattachés. Elles sont tenues d‟assurer l‟entretien du
patrimoine qui leur est dévolu. Enfin les ressources humaines peuvent également être mises à
disposition des collectivités, tout en relevant statutairement de l‟Etat pour la gestion des plans
de carrière.
73
OUEDRAOGO Moussa, MILLOGO Evariste, GUIRE Moussa, KABORE T. Michel, Op. Cit, P. 35
25
demeure une des clés dans la lenteur du processus de transfert concomitant des compétences
et des ressources au Burkina Faso, c‟est ce qu‟on pourrait appeler « les enjeux financiers de la
décentralisation »74.
Par ailleurs, la décentralisation suppose aussi un renforcement de la présence de l‟Etat,
à la fois pour assister techniquement les nouvelles collectivités, au moins dans leur phase de
démarrage. Cette situation est souvent source de tensions, d‟incompréhensions entre les
agents des services techniques déconcentrés et ceux des collectivités territoriales. Cette
situation est source de conflit de compétence entre les agents des services techniques
déconcentrés et ceux des structures décentralisées sur le terrain. Les uns peuvent accuser les
autres de s‟empresser alors que les textes d‟application ne sont pas pris. Ce manque de
communication sur les missions et les moyens de fonctionnement des services techniques
déconcentrés après le transfert des compétences exacerbent les difficultés sur le terrain. Ainsi,
cette confusion des rôles imputable à la lenteur dans les transferts de compétences constitue
un frein à l‟expression du savoir et du savoir-faire des collectivités en matière de gestion des
affaires locales.
Il convient également de relever un certain nombre de difficultés majeures qui limitent
la mobilisation des ressources financières au niveau des collectivités territoriales ; toute chose
qui influence également leur capacité à faire face aux charges financières liées aux
compétences qu‟elles doivent assumer. En effet, un nombre important de collectivités, les
communes rurales notamment, est confronté à l‟étroitesse de la matière imposable et au faible
rendement de la fiscalité existante. Dans le même sens, il faut aussi mentionner l‟exclusion de
certains secteurs d‟activités rurales de la fiscalité. L‟économie étant essentiellement agricole
dans les communes rurales, l‟exclusion de ce secteur à la fiscalité prive les collectivités de
ressources substantielles75. En somme, le processus réglementaire des transferts de ressources
est tout de même effectif par rapport à quelques compétences sociales de base. Il est alors
pertinent de voir comment concrètement sont assumées dans les communes les compétences
en matière foncière.
74
SANOU Saïdou, Gestion foncière décentralisée au Burkina Faso : Etat des lieux et orientations politiques en
construction. Quatrième Atelier National des Commissions Foncières, Niamey, du 21 au 23 Juin 2006. P.7
75
OUEDRAOGO Moussa, MILLOGO Evariste, GUIRE Moussa, KABORE T. Michel, Op. Cit, P. 36
26
notamment de la mise en cohérence de cette réforme avec d‟autres politiques publiques en
cours dont celle relative à la sécurisation foncière en milieu rural.
76
Mamadou Amadou DIOP, la gestion foncière dans les collectivités locales, un domaine en crise, mal maitrisé par les élus
locaux, article publié sur www.sendeveloppementlocal.com, consulté le 26 janvier 2016.
27
fonctionner leur administration quand ce n‟est pas pour s‟enrichir. En effet, l‟agrandissement
des arrondissements dans ces communes aux terres des villages rattachés ne constitue-il pas
une préfiguration de ce qui va se passer en milieu rural ? Dans le cadre de la réorganisation
des villes à statut particulier (Ouagadougou et Bobo), il est envisagé la transformation de
certains villages rattachés en secteurs de la ville ; ce qui permet d‟étendre les futurs
lotissements au détriment des terres agricoles. Dans le même ordre de préoccupation, la
situation des villages actuellement intégrés dans les autres communes urbaines de taille plus
modeste n‟est guère à priori favorable par rapport à la gestion de leur foncier rurale ou des
ressources naturelles77.
77
OUEDRAOGO Moussa, MILLOGO Evariste, GUIRE Moussa, KABORE T. Michel, Op. Cit, P. 57
78
DARAND-LASSERVE Alain, Le ROY Etienne, Op. Cit., P.8
79
COULIBALY Cheibane, foncier et décentralisation en Afrique de l’ouest, articles publié sur www.base.afrique-
gouvernance.net.
28
foncières traditionnelles qui ne se superposent pas forcément avec le territoire des communes.
Comment entreprendre dans une telle situation des actions d‟organisation du territoire
communal ? Face à la complexité de tel sujet, le risque est que les autorités des communes
rurales s‟orientent sur des sentiers battus en terme de lotissement des espaces d‟habitations, au
détriment des espaces de production et de conservation. Par ailleurs, la superposition des
territoires des collectivités, de l‟Etat et des maîtrises foncières locales (terres de terroirs,
possessions familiales, et propriétés individuelles) soulève des inquiétudes quant à la facile
distinction des différents domaines fonciers. Cette question est d‟ailleurs à mettre en relation
avec la délimitation du cadre territorial des communes qui se pose aujourd‟hui avec acuité80.
80
OUEDRAOGO Moussa, MILLOGO Evariste, GUIRE Moussa, KABORE T. Michel, Op. Cit, P. 59
29
CHAPITRE II : L'EXERCICE DE LA GESTION DES TERRES PAR LES
COLLECTIVITES LOCALES
Après une analyse des textes de la décentralisation relative à l'état de la politique
foncière décentralisée, il ressort que la réforme foncière a permis l‟émergence de nouveaux
enjeux dans la gestion du foncier (section 1). Il est évident que cette réforme présente des
défaillances tant sur les aspects comme le découpage territorial et dans le domaine des
transferts de compétences. Ces insuffisances déjà constatées peuvent être source de difficulté
pour les collectivités locales dans la gestion du foncier (section 2).
Section 1 : les enjeux liés à la gestion du foncier par les collectivités locales
Les enjeux fonciers en Afrique de l‟Ouest rurale sont plus que jamais d‟importance. Ils
sont perçus à travers l‟évolution des contextes socioéconomiques et politiques nationaux et du
contexte international qui fait apparaitre de nouveaux défis, de nouveaux acteurs, de nouvelles
institutions (paragraphe 2). Certains observateurs pensent que l‟apparition des collectivités
locales est une chance, une opportunité offrant la perspective d‟une gestion décentralisée du
foncier et des ressources naturelles (paragraphe 1).
81
Cheibane COULIBALY, Op. Cit, P. 1
30
L‟apparition des collectivités territoriales élues dans les zones rurales offre beaucoup
de potentiel pour une gestion plus durable et plus équitable des ressources naturelles et donc,
par la même occasion, pour un développement économique local. Leur légitimité ayant été
assurée par un scrutin populaire, les conseils municipaux prennent place aux côtés des
principaux acteurs locaux chargés de la gestion du territoire et de la gouvernance locale. Des
collectivités territoriales efficaces peuvent permettre de renforcer les droits des usagers qui
tiennent compte de systèmes locaux complexes élaborés en réponse à des variantes annuelles
et saisonnières quant à la disponibilité des ressources naturelles. Les collectivités territoriales
peuvent aussi contribuer à l‟autonomisation des populations locales en soutenant la
légalisation des conclusions des processus locaux de prise de décision en matière d'accès et
de gestion des ressources naturelles. Les collectivités territoriales peuvent donc fournir
l‟espace juridique et politique pour une négociation assidue et une réconciliation au sein des
acteurs et contribuer à l‟équité en empêchant certaines zones et certaines communautés d‟être
oubliées dans la prise de décision touchant à la gestion des ressources naturelles82.
Mais, les élus et le personnel des collectivités territoriales n‟agissent pas toujours de
façon transparente dans l‟intérêt de tous les citoyens. Si les nouvelles prérogatives attribuées
aux collectivités territoriales constituent certes un progrès, elles ne déboucheront pas toujours
sur une meilleure gouvernance, à moins qu‟il existe des mécanismes de contrôle plus
robustes, davantage de partage de l'information et une vaste participation à la prise de
décision83. Aussi, les conseils ruraux doivent faire face à des pressions extérieures de la part
des autorités politiques et des intérêts commerciaux ainsi qu‟à des pressions internes
découlant de leur électorat. Par conséquent, il est possible que certaines collectivités
territoriales ne se concentrent pas essentiellement sur la pérennité ou sur l‟équité lorsqu‟elles
se prononceront sur la gestion des ressources naturelles. Elles donneront peut-être la priorité
aux intérêts économiques de l‟élite. Il suffit de regarder la manière dont les parcelles
résidentielles ont été gérées par les municipalités urbaines et rurales pour se faire une idée de
certains des risques encourus. Les collectivités territoriales sont souvent impliquées dans le
processus de conversion des terres agricoles en parcelles résidentielles, en allouant des
parcelles au logement et en délivrant des attestations d‟occupation. Il existe également une
appréhension croissante envers les risques potentiels de voir la lutte et les intérêts des partis
82
Hilhorst THEA. (2008) Le rôle des instances locales de gouvernance dans la gestion des ressources naturelles au Mali, au
Burkina Faso et au Niger. KIT Working Papers Series G1. Amsterdam: KIT, P. 24
83
Ibid, P.23
31
politiques s'immiscer dans la gestion des affaires locales. Le degré de pressions est lié au style
et à la force des politiques partisanes nationales, qui sont tout particulièrement présentes au
Burkina Faso. Cette influence semble aussi croître à mesure que la décentralisation s‟installe.
84
Hilhorst THEA, Op. Cit. P. 22
85
Le Roy E., 1984, « Enjeux, contraintes et limites d‟une démocratisation d‟une administration territoriale : les
communautés rurales sénégalaises (1972-1980) » cité dans DELVILLE Philippe Lavigne, Op. Cit. P.13
86
Giorgio BLUNDO, « Décentralisation et pouvoirs locaux. Registres traditionnels du pouvoir et nouvelles formes locales
de légitimité (Atelier : II) », Bulletin de l'APAD [En ligne], 16 | 1998, mis en ligne le 15 novembre 2006, Consulté le 10
octobre 2015. URL : http://apad.revues.org/543
32
renforcer la participation effective des institutions rurales à la gestion foncière. La PNSFMR
exige que les communes rurales pour être efficaces, doivent impliquer les communautés
locales dans le processus de prise de décision relatif aux affaires locales et rendre compte de
l‟exécution de ces décisions et reconnait le rôle essentiel des autorités coutumières dans la
gestion foncière.
87
GRET – IRD – LAJP, 2002, « les dispositifs locaux de régulation foncière description empirique et premières analyses »,
cité dans Thréance KOUMASSOU, stratégies des acteurs et gestion de la propriété foncière par les collectivités locales : cas
de la commune de Klouekanme, mémoire de Master II en science de gestion, CNAM Bénin 2009-2010.
88
DELVILLE Philippe Lavigne, Op. Cit. P. 6
33
structures décentralisées sur le terrain. Les uns peuvent accuser les autres de s‟empresser alors
que les textes d‟application ne sont pas pris.
Plus que la coexistence de normes en elle-même, il existe une pluralité d‟acteurs,
d‟instances d‟arbitrage, de médiation et de gestion foncière. La loi sur le foncier rural créée un
système de gestion multi-niveaux89. Elle distingue entre institutions locales et celles des
niveaux intermédiaire et central. Au niveau local, il est créé au niveau de chaque commune
rurale un service foncier rural (SFR). On trouve également au niveau local, les commissions
foncières villageoises, crée dans chaque village sous l‟égide du conseil villageois de
développement (CVD) et chargée de faciliter la mise en œuvre effective des missions du SFR.
Il est créé également dans chaque village, une commission de conciliation foncière villageoise
(CCFV), compétente en matière de gestion des conflits fonciers, dont la saisine est obligatoire
avant toute action en justice. Les communes rurales peuvent aussi créer des instances locales
de concertation foncières avec un simple rôle consultatif, mais qui peuvent aussi faire des
propositions au conseil municipal ou régional en matière d‟élaboration des chartes, de
prévention des conflits et d‟aménagement de l‟espace. Au niveau intermédiaire et à celui
central, on trouve les institutions relevant de l‟État, centrales et déconcentrées. Ce sont elles
qui veillent notamment à la régularité des actes accomplis par les SFR.
En outre, en respectant les principes énoncés dans l‟Orientation 2, Axe 4 de la
PNSFMR, la mise en place des institutions locales légitimes prend nécessairement en compte
les associations d‟usagers des ressources communes (forêt, plan d‟eau, zone cynégétique,
périmètre aménagé, etc.). Ces dernières peuvent être élargies aux organisations paysannes de
façon générale. L‟ensemble de ces usagers a son mot à dire dans la gestion des ressources
qu‟ils exploitent. En plus, la place et le rôle des autorités coutumières dans la gestion foncière
locale n‟est plus à démontrer. C‟est même une question centrale de la PNSFMR.
Même si certains observateurs pensent que « la propriété est une affaire trop sérieuse
pour la laisser aux indigènes », néanmoins, cette pluralité d‟acteurs, d‟instances et la
dynamique des stratégies favorisent la surenchère et les revendications contradictoires, toute
chose qui peut être source de conflit mais aussi peut empêcher tout règlement durable des
conflits. L‟autre risque immédiat encouru est la dérive vers une gestion partisane du foncier, à
l‟instar de la spéculation foncière en œuvre au niveau national par les soins des « nouveaux
acteurs ». L‟on observe effectivement une course effrénée de ces «nouveaux acteurs» vers les
89
Le titre IV de la loi est consacré à ce nouveau dispositif institutionnel, distinguant entre institutions locales et celles des
niveaux intermédiaire et central.
34
terres rurales en anticipation à la loi 034-2009 portant régime foncier rural. Ainsi, nombreux
sont les fonctionnaires, les politiciens, les commerçants, les opérateurs économiques, les
cadres du privé et des projets et programmes qui s‟accaparent de grandes superficies de terres
rurales (par exemple dans le Ziro) avec parfois la complicité de certains leaders locaux.
Aujourd‟hui la réflexion est assez avancée concernant la répartition des tâches et des
responsabilités même si cela demeure surtout au niveau des textes. La définition des
domaines de responsabilité est d‟une difficulté à laquelle se sont heurtés et se heurtent encore
nos Etats dans la gestion des ressources. Les Etats ont rarement su résister à « la tentation
totalitaire » incarnée ici par l‟accent mis sur la déconcentration plus que sur la dévolution et le
contrôle des formes de représentation des communautés. On remarque ainsi qu‟en matière de
gestion des conflits fonciers, les compétences du tribunal départemental (TD) présidé par le
préfet ne sont pas clairement définir. Selon l‟article 48 de la loi 10-93 portant organisation
judiciaire au Burkina Faso, le TD est entre autre compètent pour les «différends civils relatifs
à la divagation d’animaux, dévastation de champs, de récoltes sur pied ou engrangées, bris
de clôture… ». Alors qu‟une telle compétence est désormais dévolue aux CCFV dont les
décisions sont soit directement homologuées par le TGI en cas de conciliation, soit, en cas de
non-conciliation, permet de saisir le TGI compétent. Il n‟y a donc pas de juridiction
intermédiaire entre la CCFV et le TGI. Une révision de ladite loi s‟impose donc. Aussi, il
35
convient de définir clairement les compétences de chaque acteur afin d‟éviter les situations de
conflit de compétence entre les agents des STD et ceux des structures décentralisées. Il faut
également plus de communication claire sur les missions et les moyens de fonctionnement des
services techniques déconcentrés après le transfert des compétences afin d‟éviter les
difficultés sur le terrain.
Les enjeux liés à la gestion du foncier et le refus souvent, de la reconnaissance d'une
légitimité des autorités communales sont autant de facteurs d'inquiétudes. Cependant ces
insuffisances déjà constatées suscitent d'autres formes de difficultés.
Les limites des territoires villageois ne sont pas toujours déterminées précisément ou
sont parfois cachées. Les limites des collectivités territoriales le sont encore moins
(paragraphe 1). Or, si les collectivités territoriales doivent avoir des prérogatives en matière
de gestion foncière, déterminer l‟espace sur lequel s‟exercent ces prérogatives devient
important. Alors que dans de nombreux cas la délimitation foncière est l‟une des sources des
conflits fonciers (paragraphe 2).
90
IDELMAN Éric, collectivités locales et territoires locaux en Afrique de l’Ouest rurale, fiches pédagogiques disponible
sur www.foncier-developpement.fr/.../collectivites-locales-et-territoires-locaux-en -afrique-de-louest-rurale.
91
Alain ROCHEGUDE et Caroline PLANÇON, Op. Cit. P. 2
92
Article 16 du CGCT
93
La définition du village, exclusivement circonscription administrative en dépit du fait qu‟il s‟agit du niveau de base des
communautés, a semble-t-il disparu du nouveau texte de 2004, alors qu‟en 1998, il était qualifié ainsi : « Le village est une
agglomération permanente » (article 26, loi n° 041/98/ AN du 6 août 1998, portant organisation de l‟administration du
territoire au Burkina Faso). Il semble donc qu‟il faut recourir aux dispositions antérieures non contradictoires avec le nouvel
article. Le village demeurerait alors « toute agglomération permanente, comptant au moins cent (100) habitants ou vingt (20)
familles, et distante d’au moins cinq (5) kilomètres d’une autre agglomération »
37
villageois ou cantons politiques, reconnus et légitimés localement. Cette même réalité existe
tant au niveau de la commune urbaine que de la région. Comment donc concilier la logique
traditionnelle de la gestion des hommes et des ressources naturelles à la réalité républicaine
actuelle ? Cette question est d‟autant plus importante que les règles traditionnelles de gestion
des ressources naturelles d‟une part, et d‟autre part, les recours lors de certains conflits
fonciers se réfèrent à ces espaces coutumiers légitimes. Il est donc à prévoir que dans
certaines localités les mécanismes de gestion alternative des conflits et les règles locales (ou
chartes foncières locales) s‟élaborent dans le cadre de ces espaces qui sont homogènes aux
yeux des communautés locales.
94
IDELMAN Éric, Op. Cit. P. 3
38
fonctionnelles, preuve qu‟il peut y avoir « territorialité » sans « limites » visibles. En fait, on
observe que le besoin de délimitation en milieu rural ne se manifeste que lorsqu‟il y a un
enjeu fort, comme par exemple la présence d‟une ressource naturelle à la limite de deux
collectivités territoriales et dont l‟exploitation devient un enjeu économique important. Dans
un tel cas, la matérialisation des limites peut s‟imposer progressivement comme une
nécessité95. Il est souvent même interdit dans certaines coutumes de montrer avec précision
les limites des terres et du terroir villageois (c‟est le cas de la commune rurale de Banzon dans
le Kénédougou).
Par conséquent, l‟absence de délimitation des collectivités territoriales de base possède
l‟avantage de ne pas rompre brutalement avec la perception traditionnelle de l‟espace. On
pourrait ainsi envisager de laisser aux autorités élues, en concertation avec les chefferies
traditionnelles et selon les modes d‟organisation des droits sur l‟espace de ces dernières, le
soin de préciser les limites des collectivités territoriales de base, et ce, au fur et à mesure que
le besoin s‟en fait sentir. Mais, le Burkina Faso a déjà affiché sa volonté, à travers la
PNSFMR, de procéder à la délimitation des terres relevant d‟une part, du domaine foncier de
l‟Etat et d‟autre part du domaine foncier des collectivités territoriales. Les terres ainsi
délimitées seront immatriculées respectivement au nom de l‟Etat et des collectivités
territoriales, conformément à la législation foncière en vigueur. Les terres immatriculées au
nom de l‟Etat constitueront le nouveau Domaine Foncier de l'Etat (DFE). Les terres
immatriculées au nom des collectivités territoriales constitueront le Domaine Foncier des
Collectivités Territoriales (DFCT). Les terres ne relevant ni du DFE ni du DFCT relèveront
du patrimoine foncier des personnes physiques et morales de droit privé, considérés à titre
individuel (producteurs individuels) ou à titre collectif (exploitations familiales, communautés
rurales représentées par des institutions locales légitimes).
95
Ibid. P. 3
39
A. L’enjeu du phénomène pour les collectivités territoriales
Les populations locales, en majorité rurales ou devenues urbaines du fait des
remembrements, tirent également leurs moyens d‟existence de la terre à travers l‟agriculture
et les ressources naturelles renouvelables tout en y déposant légitimement leurs habitats
renforçant ainsi une certaine pression foncière. Malgré l‟existence de ces textes qui régissent
le foncier rural, force est de constater que le milieu rural connait toujours des conflits pour le
contrôle et la gestion de la terre. Les conflits fonciers se présentent souvent sous plusieurs
formes : entre agriculteurs, entre agriculteurs et éleveurs. Le plus fréquent de ces conflits est
celui entre agriculteurs et éleveurs. De nombreux cas de conflits ont été relayés par la presse
notamment dans les régions de la boucle du Mouhoun, du centre ouest, du centre sud96. En
2012, sept personnes avaient été tuées au cours d‟affrontements entre agriculteurs et éleveurs
à Zabré dans le centre-est du Burkina Faso. Les conflits dans cette zone sont en train de
prendre une allure de conflit ethnique dont la cible est particulièrement la communauté
peuhle97. Entre 2005 à 2011, les services techniques du Ministère des ressources animales
ont enregistré au moins 3 871 conflits dont 318 au titre du premier semestre 2011. Ces conflits
ont entrainé 55 pertes en vie humaine et de nombreux blessés, des dégâts matériels avec la
destruction de biens privés. Les cas les plus graves ont été enregistrés dans la province du
Zoundwéogo à Gogo en 2007 et dans la province du Poni à Perkoura un village de la
commune de Loropéni en 2008, avec 18 morts98.
Les raisons des conflits sont principalement la méconnaissance des textes, la non-
application des textes, la corruption, l‟action des politiciens. Une récente étude faite par la
Coalition des Organisations de la Société Civile pour un Développement Durable et Equitable
(CODDE) et la Plate-Forme Souveraineté Alimentaire du Burkina (PF-SA) sur l‟ampleur du
bradage des terres dans une des provinces de la région du Centre-Ouest a permis de voir que
les effets combinés de la méconnaissance des textes, leur non application, l‟action des
hommes politiques ont conduit aux constats suivants : qu‟il y a une pratique de la spéculation
foncière effrénée (des propriétaires disposant de plus de 500ha d‟un seul tenant) ; Que les
nouveaux acteurs ne respectent pas les clauses de bonne exploitation contenues dans les
cahiers des charges. S‟agissant de la corruption dans la gestion du foncier rural, de lourdes
présomptions pèsent sur certains services et sur le comportement de certains agents. Des
96
Voy. http://lefaso.net/spip.php?article62816
97
Voy. www.hubrural.org/Aggravation-des-conflits-fonciers.html?lang
98
Charles DALLA, les conflits fonciers au Burkina : comment gérer ? Article publié sur www.democratics.info/s-
informer/foncier/article/conflits-fonciers-en-milieu-rural, consulté le 29 janvier 2016.
40
services techniques (agriculture, élevage, environnement) dont les avis sont requis pour la
constitution des dossiers de demande de permis d‟occuper, ont l‟impression que leurs avis,
recommandations ou réserves ne sont guère pris en considération pour la décision finale ; des
conseillers municipaux ont également relevé la condescendance passive, voire la complicité
des agents de l‟administration dans les cas de non-respect des clauses des cahiers de charges.
Les nouveaux acteurs, pour arriver à acquérir de grandes superficies, utilisent des
intermédiaires, des coursiers qui n‟hésitent pas à user du pouvoir de l‟argent, de l‟abus
d‟influence, du chantage, de la mauvaise exploitation des textes99.
Dans certaines localités, on constate que les populations autochtones ne disposent plus
d‟espaces pour étendre leurs champs et sont obligées de se tourner vers d‟autres communes ;
dans les communes contigües au Ghana, voisin, on rencontre des cas où les populations du
Burkina sont allées emprunter des terres pour produire et se nourrir. Le président d‟une
association d‟éleveurs de la province de Zoumwéogo affirmait que soixante pour cent des
éleveurs du centre-sud du Burkina Faso vivent actuellement au Ghana100. La compétition pour
l‟obtention de terres, de plus en plus rares, a entraîné la migration des éleveurs et de leur
bétail vers les pays voisins. Si ce phénomène n‟est pas pris à bras le corps, il peut être source
de conflits transfrontaliers. Car, le transfrontalier joue entre les Etats le même rôle que
l‟intercommunal entre les communes du même pays. Les conflits armés inter-Etats dus pour
la plupart aux velléités de contrôle d‟espaces transfrontaliers ne sont plus motivés par
l‟existence (virtuelle) de richesses minières mais bel et bien par la recherche du contrôle des
espaces agro-pastoraux101.
B. Les mécanismes de prévention et gestion des conflits fonciers
Les ressources naturelles ne peuvent pas être gérées de façon efficace s‟il n‟existe pas
un système performant pour gérer les conflits liés aux terres et aux ressources. La gestion des
conflits est une partie intégrante du processus de sécurisation foncière. La loi sur le foncier
rural affirme la compétence exclusive des juridictions civiles en matière de règlement des
litiges fonciers102 tout en spécifiant la compétence particulière des juridictions administratives
dans certains domaines103. Mais la loi ouvre des espaces au profit des mécanismes alternatifs
99
Ibidem,
100
Voy. www.irinnews.org/fr/report/88896/burkina-faso-risques-de-conflits-fonciers-transfrontaliers
101
COULIBALY Cheibane, Op. Cit. P. 4
102
Voy. Les articles 98 et 99 de la loi portant régime foncier rural
103
L‟article 100 de la loi précitée dispose que « les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des litiges
fonciers opposant l‟administration et les personnes ou groupes de personnes de droit privé, en ce qui concerne les
attributions, les adjudications et les cessions de terres rurales faites par l‟administration, l‟établissement et la délivrance des
41
de règlement des conflits fonciers y compris ceux relatifs à la prévention. Ainsi,
l‟aménagement du territoire, l‟amélioration de la gestion foncière rurale ou l‟ensemble des
innovations relatives à l‟implication des autorités traditionnelles et coutumières sont traités
comme devant contribuer à la prévention des conflits. L‟Etat et les collectivités territoriales
ont donc l‟obligation de prendre des mesures nécessaires pour prévenir et réduire les conflits
fonciers. La PNSFMR propose également de réfléchir sur l‟opportunité de création de
Tribunaux Fonciers, clairement intégrés à l‟organisation judiciaire en vigueur.
En cas de conflit foncier rural, l‟article 96 de la loi précitée dispose que la tentative de
conciliation est préalable à toute action contentieuse. La tentative de conciliation en matière
de conflits fonciers ruraux est assurée par les instances locales habituellement chargées de la
gestion des conflits fonciers en références aux chartes foncières locales. Le village est donc,
de ce fait, le premier niveau de gestion des conflits en matière foncière. La chefferie
traditionnelle joue donc un rôle important dans la sécurisation des droits fonciers, mais aussi
dans la gestion des conflits fonciers104. Parce que, généralement les conflits locaux sont
souvent résolus conformément aux procédures coutumières qui prévoient l'intervention
d'intermédiaires indépendants dont le statut est reconnu par la société et les groupes parties au
conflit. Une valeur juridique est donc accordée à la conciliation. Cette tentative de
conciliation en matière de conflits fonciers ruraux est assurée par la Commission de
Conciliation Foncière Villageoise (CCFV)105. Ainsi, toute procédure de conciliation doit faire
l‟objet d‟un procès-verbal de conciliation ou de non conciliation dans un délai de 45 jours à
compter de la saisine. En cas de conciliation, le procès-verbal de conciliation doit être soumis
à homologation du président du TGI compétent. En cas de non conciliation, la partie la plus
diligente peut saisir le tribunal compétent.
Cette nouvelle réforme foncière au Burkina Faso est donc porteuse d‟espoirs pour
sécuriser les paysans sur leurs terres et réduire les conflits fonciers. Encore et comme la
précédente loi, il se pose la problématique de sa mise en œuvre effective.
actes administratifs y afférents. Les juridictions administratives sont également compétentes pour juger de la validité des
chartes foncières locales ».
104
L‟orientation 3 de la PNSFMR propose pour assurer une meilleure efficacité des mécanismes de règlement des conflits
fonciers locaux, de reconnaître les prérogatives des institutions villageoises et inter villageoises dans le règlement alternatif
des conflits fonciers et de renforcer les capacités locales en matière de règlement des conflits fonciers. Il s‟agit donc de
confirmer et améliorer le rôle des institutions villageoises et inter villageoises en matière de gestion alternative des conflits
liés au foncier et à l‟utilisation des ressources naturelles.
105
Voy. Décret no 2012-263 du 03 avril 2012 portant attribution, composition, organisation et fonctionnement de la
Commission de Conciliation Foncière Villageoise (CCFV).
42
PARTIE II :
La loi 034-2009 s‟inscrit dans le cadre d‟une évolution de la place de l‟individu dans
les sociétés du Sud, d‟une part, et d‟une politique de décentralisation qui place les communes
comme l‟acteur pivot du développement économique et social du Burkina Faso, d‟autre part.
Elle introduit plusieurs innovations majeures : elle met fin au principe de domanialité sur
l‟ensemble du territoire national et prévoit la création d‟un Domaine des collectivités locales
ainsi que d‟un patrimoine des particuliers. Elle reconnaît les droits locaux détenus par les
particuliers, dont la gestion revient dorénavant aux communes à travers la mise en place de
services fonciers ruraux (SFR). Des actes spécifiques permettant la reconnaissance de ces
droits sont créés (attestations de possession foncière rurale, accords de prêt, autorisation de
mise en valeur, bail à ferme et cession de terres rurales, etc.) et délivrés à la demande par les
SFR avec l‟appui de commissions foncières villageoises (CFV) présidées par les chefs
coutumiers locaux que la loi remet au cœur de la gestion foncière. Elle prévoit également la
gestion alternative des conflits pris en charge par des Commissions de conciliation foncière
villageoise (CCFV). Des chartes foncières locales viennent définir la vocation des espaces, les
règles relatives à leur gestion, et les arrangements agricoles comme les prêts de terres.
Plusieurs institutions nationales, aujourd‟hui en cours de mise en place, viennent par ailleurs
compléter le dispositif local.
Mais, six après l‟adoption de la loi 034-2009 son application peine à être effective.
Des obstacles subsistent déjà dans l‟application de la législation foncière rurale (chapitre I).
La réforme est aujourd‟hui mise en œuvre dans 48 des 302 communes rurales que compte le
Burkina Faso. En 2015, ce sont 185 communes supplémentaires qui devraient bénéficier
d‟appui spécifique pour son application. De grands défis restent donc à relever (chapitre II).
Car, la réforme du foncier rural au Burkina Faso est une politique transversale dont la réussite
va dépendre de l‟achèvement d‟autres politiques.
43
CHAPITRE I : LES OBSTACLES DANS L’APPLICATION DE LA LEGISLATION
FONCIERE RURALE
Bien qu‟exemplaire dans son processus d‟élaboration (la loi est issue de longues
phases de concertation avec toutes les parties prenantes au niveau national et régional) et dans
les outils qu‟elle propose, la loi 034-2009 se heurte cependant à de nombreuses difficultés
d‟opérationnalisation (section 1). Elle intervient tout d‟abord dans un contexte particulier de
décentralisation, où la liaison est forte entre appartenance à un parti politique et exercice des
prérogatives d‟élu local. De plus, d‟autres difficultés résident quant à l‟interprétation de la loi,
toutes les dispositions de la loi ne font pas consensus (section 2).
44
ne sont pas faites ou ne sont faites que partiellement. Or, une reforme inachevée contribue à
rendre plus complexe et conflictuels les enjeux fonciers106. L‟inachèvement des lois, leur
absence d‟atterrissage sur le terrain peut avoir des conséquences sur le développement
local107.
Depuis la promulgation de la loi en 2009, sur les 351 communes que compte le
Burkina Faso, 48 communes bénéficient des structures locales de sécurisation foncière de la
loi no 034-2009, ce nombre devrait passer à 185 dès 2015. Le constat est que la réforme n‟est
pas applicable sur toute l‟étendue du territoire. Quel droit régit donc les terres ou la réforme
n‟est pas encore effective, puisque la loi abroge toutes les dispositions antérieures. La loi se
trouve confrontée à une sorte d‟inachèvement juridique. Les nombreuses institutions
communales et villageoises prévues pour gérer le foncier ne sont pas effectif dans toutes les
communes et villages, les documents juridiques permettant de mettre en œuvre la loi ne sont
pas tous prêts, les fonds nécessaires au niveau national n‟ont pas été prévus non plus par
l‟Etat. Sur les 22 décrets initialement prévus, 11 décrets ont été promulgués, la loi reste par
ailleurs encore inachevée. De ce fait, de nombreux dispositifs pourtant indispensables à la
bonne marche de la réforme n‟ont pas encore vu le jour. On pense ici au fonctionnement de
l‟Agence nationale des terres rurales (l‟ANTR), du Fonds national de sécurisation foncière
(FNSF).Tous les outils liés à l‟application de la loi n‟ont pas été créés alors la loi est
d‟application immédiate. Par exemple, pour trancher un conflit, le juge a besoin d‟un procès-
verbal de non conciliation alors que les instances locales qui pourraient délivrer ce papier ne
sont pas fonctionnelles sur tout le territoire. Or le juge ne peut pas rejeter les parties. S‟il le
fait, il entre en contradiction avec l‟article 4 du code civil qui dit que le juge est tenu de
statuer, même en cas d‟insuffisance de la loi. La plupart des magistrats sont obligés d‟élaborer
leur stratégie pour trancher : il faut qu‟ils puissent obtenir de toute force un procès-verbal de
non conciliation. Ou alors, il faut qu‟ils cherchent à orienter les parties vers la conciliation.
En plus, l‟expérience du projet de sécurisation foncière du Millenium Challenge Account
(MCA) révèle qu‟il est encore trop tôt pour juger de la pertinence de ces instances locale de
gestion des conflits, elle montre que la multiplication des procédures au sein de ces instances
locales (PV de conciliation qui doivent être établis par écrit alors que les présidents des CCFV
sont à 70 % analphabètes, enregistrement des PV à faire au Tribunal alors qu‟aucun
106
OUATTARA Bruno Fako, OUATTARA Bernard, Les enjeux de la mise en œuvre de la loi 034-2009 portant régime
foncier rural au Burkina Faso, Les notes de politique Negos-GRN no13 novembre 2012 publié sur www.labo-citoyennete.org
107
Voy. En ce sens, OUATTARA Fako Bruno, L’inachèvement juridique et institutionnel et ses conséquences pour le
développement, Ouagadougou, Laboratoire Citoyennetés, Étude Récit 2010 no 33, P.28
45
financement n‟est prévu pour en prendre en charge les frais, etc.) peut en affaiblir à terme la
portée et la légitimé, alors qu‟elles parviennent pour le moment dans 80 % des cas à gérer les
conflits qui leurs sont portés. En matière administrative, il y a également des problèmes
d‟application de la loi, car l‟acte de cession n‟est pas délivré étant donné que les structures
locales (services fonciers ruraux) ne sont pas fonctionnelles.
Le diagnostic de la justice révèle également que les instruments d‟aménagement du
territoire qui doivent être utilisés par le juge pour régler certains types de litiges sont toujours
en cours d‟élaboration (les schémas et les plans) ; les textes de lois et règlements en vigueur
relatifs au foncier ne sont pas mis à la disposition des magistrats; la non maitrise par le juge
du contenu des textes fonciers est à l‟origine des décisions disparates sur les mêmes
questions ; ainsi d‟une juridiction à l‟autre, les juges rendent des décisions différentes sur le
même objet de saisine. Cet état de fait s‟explique aussi par le fait que les juridictions
supérieures n‟ont pas encore tracé les sillons d‟une véritable jurisprudence en matière
foncière, susceptible d‟orienter les jeunes magistrats108.
Aujourd‟hui, la mise en œuvre de la loi semble donc conditionnée à l‟arrivée de
projets dans les différentes régions du pays et dotés des financements nécessaires, avec tous
les risques de décrochage de certaines régions et d‟absence de coordination que cela implique,
mais plus encore, de renversement de hiérarchie entre intervenants externes et services de
l‟Etat burkinabé, si celui-ci n‟assume pas correctement son rôle de maître d‟œuvre principal.
108
NACAMBO Herman Yacouba, SANOU Brice, Aperçu des évolutions du cadre juridique et normatif de la gestion du
Foncier au Burkina Faso, article publié sur www.base.afrique-gouvernance.net, consulté le 15 février 2016
46
Les prêts et locations reconnus ou prouvés de terres rurales ne peuvent en aucun cas être
constitutifs de faits de possession foncière rurale ».
Aux termes de cet article 36, la loi du 16 juin 2009 dispose sur une période antérieure
à son entrée en vigueur. Le juge est donc invité à remonter dans le temps passé pour statuer
sur des droits fonciers. Cet exercice inhabituel constitue une difficulté pour le juge. La
disposition ne concerne que les droits d‟usage fonciers consacrés par la loi. En ce qui
concerne la période de validité desdits droits, il s‟agit précisément des droits d‟usage existant
avant l‟adoption et l‟entrée en vigueur de la loi. La période reste donc indéterminée et se situe
dans le temps. Aussi, les organes ayant reçu compétence d‟attribution de régler les conflits
fonciers ruraux (les commissions de conciliation foncière et les juridictions de l‟ordre
judiciaire) sont tenus de respecter cette prescription légale et éviter de faire une interprétation
partielle de la loi et ne prendre en considération que « la mise en valeur continue, publique,
paisible, et non équivoque et à titre de propriétaire de fait pendant trente (30) ans au moins,
de terres rurales aux fins de production rurale » pour déterminer les faits de possession
foncière rurale. Ces organes sont donc invités à éviter l‟amalgame entre les faits constitutifs
de la possession foncière rurale et ceux qui n‟en sont pas constitutifs, à savoir : les prêts de
terre reconnus ou prouvés ; les locations de terre reconnues ou prouvées.
Bien qu‟une répartition légale des compétences entre les différents acteurs chargés de
mettre en œuvre le nouveau cadre légal soit prévue, notamment entre les acteurs étatiques et
47
les intervenants externes, on peut observer que cette répartition des compétences n‟est pas
respectée. Pour rappel, la loi 10-98 AN du 20/4/1998 établit clairement les domaines dans
lesquels l‟État assure à titre exclusif certaines missions telles que la définition des politiques
et des stratégies nationales de développement ou la diplomatie et ceux où l‟État concède une
partie de ses prérogatives aux collectivités territoriales telles que la gestion des affaires
locales. Par la même occasion, il précise les missions des intervenants externes et du privé qui
concourent aux réalisations des politiques publiques, les ONG et les associations apportant
leur appui à la réalisation des politiques publiques tout en ayant un devoir d‟alerte et de
vigilance. Alors qu‟ils devraient accompagner les services étatiques dans la mise en œuvre
des politiques publiques, chaque acteur agit de façon indépendante. Dans la mise en œuvre du
projet de sécurisation par exemple, on assistait à une domination du Millenium Account
Challenge Burkina Faso par rapport aux services techniques qu‟il est censé appuyer. Les
acteurs étatiques qui devraient être les porteurs des politiques publiques se mettent sciemment
ou inconsciemment en retrait des actions ou jouent pratiquement le rôle d‟accompagnateur
des intervenants externes. Ils ne sentent pas souvent en mesure de s‟opposer ou de rectifier les
actions des projets, qui ont des moyens financiers énormes, même lorsqu‟elles ne sont pas en
cohérence avec le programme sectoriel de leur ministère.
Aussi au Burkina, la loi donne compétence aux tribunaux administratifs
départementaux pour régler les conflits fonciers lorsque les dégâts atteignent au maximum
cent mille francs CFA. En effet, comment peut-on faire du préfet le président du tribunal
administratif départemental en ignorant le principe de la séparation des pouvoirs? Comment
les compétences sont-elles reparties entre le tribunal départemental et le TGI en matière de
résolution des conflits ? En réalité et au regard de la loi sur le foncier rural, la compétence du
tribunal départemental en matière de gestion des conflits fonciers n‟a plus raison d‟être. Les
seules instances compétentes sont la CCFV et le TGI. Il y a donc nécessité que la loi portant
organisation judiciaire au Burkina soit révisée.
En outre, la réforme du foncier rural au Burkina Faso est une politique transversale
dont la réussite va dépendre de l‟achèvement d‟autres politiques. De ce fait, elles impliquent
la coordination de près de dix ministères, dont les ministères directement en charge de
l‟application et les ministères dont la réglementation concourt à l‟application de la loi.
Attributaire de l‟application de la loi et de la réglementation foncière, le ministère en charge
de l‟Agriculture fait face à un enjeu important d‟animation du dialogue interministériel. La
question de la coordination interministérielle renvoie à la question plus générale du cadre
juridique et institutionnel global qui permet l‟application d‟une loi sectorielle. L‟application
48
de la loi no 034-2009 est soumise au fonctionnement d‟autres administrations et à
l‟application d‟autres lois. Par exemple, il ressort nettement que les carences de l‟État civil au
Burkina Faso pèsent sur la constitution des dossiers de demande d‟APFR. Également la loi no
034-2009 suppose un plus grand achèvement du processus de décentralisation afin que les
SFR soient intégrés à l‟organisation-type des mairies des communes rurales et que la fonction
publique territoriale soit organisée et formée.
49
d‟une recherche dans trois villages de l‟ouest du Burkina (Koho, Koumbia, Yéguéresso) 109.
L‟enquête menée nous permet de percevoir le niveau de compréhension des populations sur la
loi.
D‟abord, dans le village de Koho pratiquement la moitié des enquêtés ont déclaré
avoir entendu parler de la nouvelle loi sur les terres rurales. En substance, certains
comprennent à travers la loi que la terre appartient à l‟Etat et les paysans y accéderont en
passant par les autorités étatiques. Pour d‟autres, toute personne qui exploite une parcelle doit
la borner, se faire recenser pour payer des taxes afin d‟en être propriétaire. Pour d‟autres
encore, l‟Etat délivrera une attestation d‟usage pour tous ceux qui exploitent la terre. Enfin,
une autre compréhension est que la gestion de la terre doit se faire de façon concertée entre les
élus locaux et les paysans. Certains migrants trouvent la loi positive ; elle mettra fin aux
retraits abusifs de parcelles par les propriétaires terriens et garantira un droit de propriété et
tous les droits d‟exploitation sur les parcelles. D‟autres migrants, notamment plus âgés,
apprécient négativement cette loi. Ils pensent qu‟elle va entrainer des conflits entre les
autochtones propriétaires terriens et les migrants. Selon eux, l‟Etat va retirer les terres
agricoles pour en assurer lui-même la gestion. Cette nouvelle initiative va engendrer des
tensions entre les migrants et les autochtones. Les compréhensions de la loi restent assez
ouvertes à Koho.
Ensuite, dans le village de Koumbia, peu d‟habitants ont eu connaissance de la loi. La
loi est diversement appréciée par les enquêtés. Pour les propriétaires de terres inexploitées (ou
en jachère), prêtées ou mises en location, la loi ne sera pas à leur avantage car elle contribuera
à réduire leur droit de propriété (réduction de leurs terres) au profit d‟autres personnes à
travers la redistribution. Cette redistribution des terres entrainera de leur point de vue des
tensions entre anciens et nouveaux propriétaires. Cependant, pour les migrants venus à la
recherche de parcelles cultivables, l‟application de cette nouvelle loi contribuera à amoindrir
les conflits fonciers et à faciliter la résolution des éventuels de cas qui surviendront. Elle
donnera à chacun la garantie d‟exploiter en toute sécurité sa propriété foncière héritée, donnée
ou acquise par prêt, par location ou achat ; elle incitera tous les acteurs à un usage rationnel du
foncier. Ce qui impulsera le développement de la localité.
109
Groupe de recherche et d‟action sur le foncier (GRAF), le nouveau régime foncier rural du Burkina Faso à l’épreuve de
stratégies locales d’anticipation cas des villages de Koho, Koumbia et de Yéguéresso, rapport définitif, décembre 2011
50
Enfin, à Yéguéresso, la majorité des chefs de ménages enquêtés ont entendu parler de
la loi, en raison de la proximité du village à la ville de Bobo-Dioulasso. Dans l‟entendement
de la plupart, la nouvelle loi prône l‟appartenance de la terre à l‟Etat et une répartition
équitable de la terre. La majorité des migrants (et certains autochtones non propriétaires de
terres) estime que la loi permettra d‟éviter les conflits fonciers. Cette convergence
d‟appréciation positive cache toutefois des visions différentes d‟avec les autochtones
propriétaires traditionnels de terres. Pour les migrants (et les autochtones non propriétaires de
terres) la loi leur permettra de disposer de parcelles qu‟ils exploitent et elle suscitera une
gestion rationnelle et équitable de la terre. En plus ils estiment que tout producteur aura un
titre foncier. Par contre, pour le chef de village de Yéguéresso, la loi crée des problèmes au
village, notamment la remise en causes des consensus établis depuis plusieurs années sur la
terre. Il s‟agit des conventions oralement établis sur des prêts de terres entre plusieurs
exploitants. Dans ces propos il évoque des contraintes en cours « cette loi a entrainé des
problèmes ! Les problèmes de champs se sont soulevés partout ! Les questions des terres se
sont soulevées puisqu’avec cette loi on dit que si tu t’installes sur un espace et y dure, cet
espace devient ta propriété. Les gens ne veulent plus que d’autres personnes s’installent sur
leur propriété pour exploiter ». Cette notion d‟appropriation individuelle de terre liée à une
durée d‟exploitation n‟est pas bien accueillie ; elle s‟oppose à la perception traditionnelle de
l‟appropriation communautaire.
En outre, les premières expériences de délivrance d‟APFR montrent qu‟une partie des
usagers fait le choix de ne pas demander d‟APFR : les uns sont sceptiques quant à la capacité
de l‟État à mener à bien cette réforme et préfèrent attendre de voir comment la réforme
évoluera à l‟avenir avant de lancer une demande. Les autres n‟en ressentent pas le besoin, le
sentiment de sécurité foncière étant garanti sans APFR. Une partie des usagers va jusqu‟à
refuser de faire une demande, car ils craignent qu‟elle ne vienne fragiliser et remettre en cause
la légitimité des liens de parenté. De mauvaises interprétations de la loi (notamment en
matière de cession de terres aux femmes) peuvent également être source de blocages.
On perçoit ainsi donc que la loi fait l‟objet d‟appréciation diverse et variée. Au-delà du
formalisme juridique de présomption de connaissance de la loi, une nécessaire campagne
d‟information et d‟explication de la loi s‟impose.
51
B. Les enjeux de communication et d’interprétation de la loi
Le principe selon lequel nul n‟est censé ignorer la loi, suffit-il à assurer une effectivité
à la loi ? Au Burkina les textes imposent au président de la République de promulguer la loi
après son adoption pour qu‟elle soit applicable. Cette formalité à elle seule ne suffit pas pour
la rendre obligatoire, il faut en plus qu‟elle soit publiée au journal officiel. Dès lors que ces
formalités sont accomplies, en principe la loi s‟impose à tous, ce qui signifie qu‟elle est déjà
au niveau du citoyen en termes d‟obligatoiriété même si elle ne l‟est pas en termes
d‟opérationnalité. Car il n‟y a pas de loi qui s‟auto-applique. Il faut imaginer les structures
institutionnelles de sa mise en œuvre et prévoir un temps d‟articulation avec l‟ancienne loi.
Après l‟adoption, la promulgation et la publication au journal officiel, il y a la mise en place
des structures institutionnelles d‟application. Dans l‟examen des étapes d‟applicabilité de la
loi, la plupart des textes adoptés, promulgués et publiés dans le journal officiel n‟étaient que
des textes d‟application virtuelle. Dans bien des cas les services prévus dans la loi pour sa
mise en œuvre restent des services fantômes. Même pour ceux qui sont installés, il leur
manque presque tout: la description de leur fonctionnement, le calcul de leur coût
d‟implantation sur le territoire national, le matériel, le personnel. En clair, il semble que l‟on
votait les textes sans calculer le coût de leur application110.
La communication sur la loi foncière rurale est essentielle pour permettre
l‟appropriation par les populations du contenu et de l‟esprit de la loi et éviter les
interprétations et les effets d‟annonce qui accompagnent tout changement du cadre légal. Or
le début de mise en œuvre de la loi 034-2009 illustre les problèmes qui peuvent surgir dans
l‟élaboration et la pratique des plans de communication. L‟application de la PNSFMR et la
nouvelle loi foncière ont bénéficié d‟une vaste campagne d‟information et de sensibilisation
des populations (plusieurs ateliers de formations spécifiques aux niveaux national et
déconcentré, 1 076 ateliers de diffusion dans les régions et les provinces, campagne
radiophonique par les radios communautaires, formation de 1 533 disséminateurs villageois,
etc.), parce que l‟explication de la réforme foncière est un enjeu en soi. C‟est ainsi que dans
un contexte structuré par une frontière agraire interne et l‟affirmation de relations
autochtones/étrangers à propos de l‟accès à la terre, l‟explication des faits de possession
foncière est en enjeu de taille.
110
OUATTARA Fako Bruno, L’inachèvement juridique et institutionnel et ses conséquences pour le développement,
Ouagadougou, Op. Cit. P.12.
52
Malheureusement, plusieurs instances publiques, comme la Direction générale du
Foncier et de la Formation et l‟Organisation du monde rural (DGFOMER), ou privées,
comme les bureaux d‟études, se sont emparées de cette question et le message n‟a pas
toujours été uniforme entre elles. Il a même été souvent contradictoire, créant ainsi de la
confusion dans l‟esprit des populations, confusion que la faible formation des techniciens
chargés de l‟information n‟a pas permis de dissiper. En particulier, l‟article 36 de la nouvelle
loi fait actuellement l‟objet d‟une polémique qui n‟est pas de nature à en faciliter l‟application
sur le terrain. Selon l‟article 210 de la loi no 034-2012 portant RAF, « la prescription ne peut
en aucun cas constituer un mode d’acquisition ou de libération des droits ou charges réels
immobiliers, sauf pour les possessions foncières rurales dans les conditions prévues par les
textes en vigueur ». Or, c‟est l‟article 36 de la loi no 034-2009 qui détermine ces conditions.
Cet article définit (dans son premier alinéa) le fait de possession foncière par l‟attestation par
une audience locale (les voisins, les autorités coutumières) d‟une occupation multiséculaire.
On consacre ainsi l‟appartenance à la communauté autochtone comme une preuve
imprescriptible de possession, tant que vivent des descendants d‟autochtones. Mais le
législateur a également cherché (dans son deuxième alinéa) à traiter d‟autres faits de
possessions, notamment des situations de front pionnier où l‟histoire du peuplement est
récente et des situations où les autochtones auraient manifestement concédés leurs droits de
possession. L‟alinéa 2 introduit une prescription acquisitive de 30 ans pour faire valoir ses
droits de possesseur dans ce type de contexte. Or, cet alinéa pose problème dans la mesure où
les situations auxquelles il se réfère n‟ont pas été suffisamment distinguées de celles à
laquelle renvoie le premier alinéa. Il s‟ensuit que ce dernier a été réinterprété comme
signifiant que, même en situation où la possession foncière est attestée par une histoire longue
du peuplement, la présence d‟autorités coutumières et des arrangements fonciers bien connus,
un emprunteur de terre pourrait se transformer en possesseur pour peu qu‟il puisse justifier
d‟une présence continue sur une parcelle pendant 30 ans au moins. Cette interprétation
erronée, diffusée par les techniciens eux-mêmes, a créé dans certaines zones un mouvement
de panique et a conduit les propriétaires coutumiers à vouloir retirer les terres prêtées ou à
n‟en plus prêter. Les interprétations concurrentes ou contradictoires des textes sont
préjudiciables et créent de la confusion dans l‟esprit des acteurs concernés. Ce risque est
d‟autant plus fort que la nouvelle politique marque une rupture et s‟appuie sur des concepts
peu familiers des agents de l‟Etat, qu‟il subsiste des flous dans certaines dispositions, et que
sa mise en œuvre est éclatée entre de nombreux acteurs, étatiques ou intervenants externes.
53
Un effort particulier de formation et d‟information est alors indispensable, parallèlement à une
volonté politique de coordination par l‟Etat de la mise en œuvre de la politique.
Aussi, les premières expérimentations locales montrent qu‟un certain nombre de
dispositions prévues par la loi n‟est pas adapté aux réalités locales et est source de blocage si
des ajustements ne sont pas « bricolés » localement par les autorités et les opérateurs
mobilisés. Par exemple pour la délivrance des APFR, la procédure prévoit l‟organisation
d‟une visite de reconnaissance de la parcelle à titrer, en présence du demandeur et de ses
voisins. Cette visite doit notamment permettre de préciser les limites exactes de la parcelle et
de les reporter sur un croquis. Or dans certaines localités, des croyances locales interdisent
aux habitants de « marquer ces limites », obligeant malgré eux les topographes à prendre la
responsabilité de les tracer sur le terrain à partir des repères naturels fournis par les ayants
droit et leurs voisins.
En outre, l‟autre débat porte sur la traduction en langue nationale des textes sur le
foncier en vue d‟assurer une meilleure compréhension de la loi foncière111. Au Burkina, on
estime à près de 80% le taux d‟analphabétisme des adultes en milieu rural. Dans ce contexte,
la mise en œuvre de la loi 034/2009 questionne sur les stratégies les meilleures à imaginer
pour l‟adaptation de la loi et de ses décrets d‟application dans les langues nationales. Si les
élus plaident pour, certains juristes s‟inquiètent des biais que cela pourrait introduire dans
l‟application de la loi sur le foncier rural. Cette polémique met aussi en lumière les difficultés
pour certaines communes de se conformer aux textes en matière de recrutement du personnel
qualifié pour les services fonciers ruraux. Certains préconisent la traduction des outils de la
Loi 034 dans les langues nationales parce que dans les villages, ceux qui maîtrisent le français
ne courent pas les rues. Cette solution de bon sens ne semble pas non plus faire l‟unanimité.
Certains magistrats estiment que remplir des formulaires en langues nationales peut créer des
divergences d‟interprétation et compliquer l‟homologation de certains documents. Mais
d‟autres juristes pensent que la loi est d‟abord faite pour les populations, principalement la loi
034-2009 portant régime foncier rural. Elle ne doit donc pas être hermétique. C‟est conscient
de l‟importance des enjeux, que des « para-juristes » sont recrutés localement. Il s‟agit de leur
apporter une assistance pour assurer un service foncier rural de qualité.
111
Voy. Projet Sécurisation Foncière du Millennium Challenge Account Burkina Faso (MCA-BF), loi 034-2009 portant
régime foncier rural et langues nationales, Repères Fonciers n° 5 Janvier-février 2014, P.11
54
Paragraphe 2 : connaissance et compréhension des élus locaux et administration locale
112
Groupe de recherche et d‟action sur le foncier (GRAF), Op. Cit. P.22
55
sont là-bas ils disent qu’ils sont conseillers et c’est tout. C’est comme une chefferie qu’on leur
a donné. Les CVD qui sont les relais entre la commune et les populations sont là, ils ne savent
pas ce qu’il faut faire ».
Une autre critique, concerne l‟analphabétisme de la plupart des élus locaux qui limite
la compréhension du contenu de la loi par les élus et ne facilite pas leur implication dans la
gestion du foncier rural sur la base de la loi promulguée par l‟Etat. En réalité, on a souvent
l‟impression que le conseil municipal se résume au Maire qui décide souvent seul ou en tout
cas a un poids très important dans les décisions ; les conseillers et autres CVD ne connaissent
pas leur rôle, et ne sont pas formés pour assumer des responsabilités. Il faut aussi relever des
situations de gestion des collectivités territoriales caractérisée par l‟absentéisme chronique de
plusieurs premiers décideurs (maires notamment). Cette situation réduit énormément la
capacité des acteurs locaux à travers le mauvais fonctionnement des différents services,
l‟absence de coordination et d‟animation des actions de promotion du développement local, la
démotivation non seulement des populations, mais également des structures d‟appui-conseil.
Cette situation interpelle sur le contenu actuel du code général des collectivités qui ne fait pas
d‟obligation de résidence pour le maire.
Les élus locaux n‟agissent pas toujours de façon transparente dans l‟intérêt de tous les
citoyens. La politisation de la question foncière a conduit certains conseils ruraux à faire face
à des pressions extérieures de la part des autorités politiques et des intérêts commerciaux ainsi
qu‟à des pressions internes découlant de leur électorat. Il suffit de regarder la manière dont les
parcelles résidentielles ont été gérées par les municipalités urbaines et rurales pour se faire
une idée de certains des risques encourus. Les élus sont souvent impliqués dans le processus
de conversion des terres agricoles en parcelles résidentielles, en allouant des parcelles au
logement et en délivrant des attestations d‟occupation.
En milieu urbain, semi-urbain ou même rural, c‟est la spéculation et la surenchère
autour des parcelles avec son lot de tensions où on remet souvent en cause la légitimité de
certains élus locaux. Des cas de gestion malheureuse du foncier ayant conduit à des crises.
C‟est le cas de l‟ex-maire de l‟arrondissement de Bogodogo, révoqué de ses fonctions le 13
septembre 1995 pour faux, fraude et détournement de parcelles puis arrêté et détenu à la
MACO dans le cadre des poursuites judiciaires ; l‟ancien maire de Zorgho, révoqué avec
poursuites judiciaires en 2001 pour mauvaise gestion des opérations de lotissement et des
fonds qui en ont résulté ; le premier maire de la commune rurale de Koubri, révoqué le 29 mai
2009 pour mauvaise gestion des lotissements ; le deuxième maire de la commune de Koubri,
56
révoqué avec poursuites judiciaires en 2012 pour le même motif ; l‟ancien maire de la ville de
Koudougou, révoqué en janvier 2012 avec poursuites judiciaires suite à l‟affaire du verger de
Wendyam (retrait, parcellisation et réattribution du terrain constituant le verger du sieur
Wendyam Yaméogo) ; l‟ancien maire de l‟arrondissement de Boulmiougou, révoqué pour
« gestion opaque des lotissements et des ressources générées par ces lotissements… » ; le
maire de Nagréogo, révoqué en juillet 2013 pour le même motif113.
113
http://www.reporterbf.net/index.php/la-voix-des-sans-voix/item/377-gouvernance-fonciere-et-crises-sociopolitiques-au-
burkina
57
municipale, couplée à l‟absentéisme de certains élus locaux, on risque bien d‟être en face d‟un
perpétuel recommencement.
Dans un contexte où l‟État n‟a pas les moyens de ses politiques sur les plans financier
et technique, la mise en œuvre quotidienne des services publics, des politiques sectorielles et
des réformes repose sur les agents locaux et leur capacité à se surinvestir dans leurs tâches.
Du côté des agents, il ressort qu‟ils sont insuffisamment payés, sont peu formés, n‟ont pas
toujours les moyens de faire fonctionner leur service, le carburant et les frais de mission sont
remboursés avec des retards allant de trois à six mois. Globalement la prise en charge
financière des insuffisances du service coûte entre 12 000 et 15 000 francs CFA par mois aux
agents qui se surinvestissent, ce qui grève leur salaire net mensuel (64 000 francs CFA) de 18
à 20 %. Du côté des paysans investis dans les commissions, il ressort que les frais de
fonctionnement de la commission ne sont pas pris en charge alors qu‟ils sont importants
(carburant, téléphone, photocopies, stylos, etc.) et qu‟ils n‟ont pas de moyens d‟affichage pour
la publicité foncière. Également, le temps de travail bénévole est important puisque les
secrétaires de CFV fonctionnelles consacrent selon les villages entre un quart et un demi-
temps à cette activité. Étant en première ligne, le président et le secrétaire peuvent dépenser
jusqu‟à 5 000 francs CFA par mois pour prendre en charge ces différents aspects. Par ailleurs,
le surinvestissement des paysans se confronte à un enjeu de justice vis-à-vis des
fonctionnaires. En effet, les indemnités de déplacement pour les constatations sont jugées trop
faibles par les paysans (1 000 francs CFA), notamment en comparaison de celles des SFR (10
000 francs CFA dont 2 000 francs CFA de carburant) dont c‟est le travail, alors que les
villageois doivent quitter leurs activités pour participer à la constatation de façon bénévole114.
114
Peter HOCHET, Op. Cit. P.29
58
CHAPITRE II : LES LEÇONS APPRISES ET LES DEFIS DANS LA GESTION
FONCIERE
Alors que d‟ici à une génération la population du Burkina Faso sera urbaine à 60 %, le
pays s‟est engagé dans une réforme foncière ambitieuse à la fin des années 1990. Elle a abouti
à la promulgation d‟une nouvelle politique en 2007, puis d‟une loi en 2009 ayant pour objectif
de sécuriser les droits fonciers locaux. Si les effets sur le terrain se joueront sur plusieurs
décennies, cette réforme actuellement mise en œuvre avec l‟appui de plusieurs partenaires
techniques et financiers (PTF), a des premiers impacts que l‟on peut questionner pour mesurer
la pertinence des choix faits initialement, leur niveau d‟appropriation sur le terrain par les
acteurs (section 1), mais aussi pour appréhender les défis posés par son application dans les
années à venir (section 2).
59
Le processus de réforme du foncier rural au Burkina Faso a démarré de manière
progressive à la fin des années 1990 dans le cadre de projets de gestion des terroirs. Il prend
corps autour d‟un réseau d‟acteurs partageant un même constat d‟échec d‟application des
réformes agraires et foncières successives (1984, 1991, 1996) et de leur incapacité à sécuriser
les pratiques et droits locaux. À partir de 2002, la réflexion s‟institutionnalise dans le cadre du
Comité national de sécurisation foncière en milieu rural (CNSFMR), placé sous la tutelle et le
leadership du ministre de l‟Agriculture de l‟époque, alors convaincu qu‟une réforme profonde
s‟imposait pour assoir la sécurité alimentaire du pays. Des opérations pilotes sont lancées et
permettent d‟alimenter la réflexion du CNSFMR qui s‟adjoint rapidement les compétences
d‟experts locaux pour l‟aider à animer un débat élargi à l‟échelle du pays. Des ateliers
catégoriels par groupe d‟acteurs, puis des concertations pluri-acteurs sont organisés à
différentes échelles afin de permettre à l'ensemble des parties prenantes de se retrouver pour
discuter des positions et arguments respectifs de chacun. Cette méthodologie a permet de
favoriser l‟expression claire et franche des points de vue de chaque groupe d'acteurs.
La parole a ainsi été donnée successivement aux principales parties prenantes
identifiées au terme de l‟étude diagnostic. Il s‟agit des paysans (y compris les pasteurs), des
femmes rurales, du secteur privé rural, des autorités coutumières, de l‟Administration
déconcentrée, des services techniques de l'Etat et des élus locaux. Les Organisations
paysannes (OP) ont bénéficié d‟un appui spécifique du Groupe de recherche et d‟actions sur
le foncier (GRAF) pour se préparer à entrer dans les débats et à y faire valoir leurs positions.
Ce dialogue pluri-acteurs a permis d‟identifier des enjeux partagés et d‟affiner un projet de
politique foncière en milieu rural qui fut validé lors d‟un atelier national puis adopté par le
gouvernement en octobre 2007. Ce processus a permis de socialiser l‟idée de réforme, mais
aussi de documenter et partager ses différents enjeux et controverses (investisseurs vs
exploitations familiales, État vs communes vs pouvoirs coutumiers, droits des immigrants vs
droit des autochtones, questions de genre, etc.) avec les acteurs des politiques foncières dans
leur diversité (administration, élus, société civile, investisseurs, etc.).
En outre, au regard de son contenu la loi 034-2009 s‟inscrit dans le cadre d‟une
évolution de la place de l‟individu dans les sociétés du Sud, d‟une part, et d‟une politique de
décentralisation qui place les communes comme l‟acteur pivot du développement économique
et social du Burkina Faso, d‟autre part. Elle introduit plusieurs innovations majeures : elle met
fin au principe de domanialité sur l‟ensemble du territoire national et prévoit la création d‟un
Domaine des collectivités locales ainsi que d‟un patrimoine des particuliers. Elle reconnaît les
droits locaux détenus par les particuliers, dont la gestion revient dorénavant aux communes à
60
travers la mise en place de services fonciers ruraux (SFR). Des actes spécifiques permettant la
reconnaissance de ces droits sont créés (attestations de possession foncière rurale, accords de
prêt, autorisation de mise en valeur, bail à ferme et cession de terres rurales, etc.) et délivrés à
la demande par les SFR avec l‟appui de commissions foncières villageoises (CFV) présidées
par les chefs coutumiers locaux que la loi remet au cœur de la gestion foncière. Elle prévoit
également la gestion alternative des conflits pris en charge par des Commissions de
conciliation foncière villageoise (CCFV)115. Au niveau central, elle crée un organisme public
chargé de l‟aménagement, de la gestion des terres rurales de l‟État ainsi qu‟un fonds et un
cadre de concertation national pour la sécurisation foncière en milieu rural.
À rebours de nombreuses législations, dans le domaine foncier ou en dehors, la loi
034-009 témoigne d‟un réel souci de prendre en compte les réalités foncières locales et leur
diversité. La loi autorise les populations à élaborer, au travers de chartes foncières, des textes
d‟application de la loi en leur donnant la possibilité de fixer les principes, les règles, les
pratiques et les interdits qui doivent encadrer l‟usage de leurs ressources naturelles dans leur
milieu spécifique. Ces chartes foncières peuvent être villageoises, inter-villageoises ou
communales116. Elles viennent définir la vocation des espaces, les règles relatives à leur
gestion, et les arrangements agricoles comme les prêts de terres. Leur l‟objectif est de
permettre sur certains points une souplesse dans l‟application de la loi en permettant la prise
en compte de la diversité des situations et des besoins locaux, la variabilité des us et coutumes
et pratiques foncières locales.
La loi a également facilité la gestion du contentieux foncier rural. Avec l‟ancienne
RAF, les magistrats rencontraient pas mal de difficultés pour résoudre les conflits fonciers du
fait qu‟il n‟y avait pas de structure de gestion du foncier. Il n‟y avait pas de cadastre. On se
basait sur l‟oralité pour attester de la propriété des uns et des autres. Les possesseurs fonciers
n‟avaient pas de titre. L‟administration ne détenait pas d‟informations et n‟avait donc pas de
repères. Quand ils étaient saisis, les juges appliquaient la procédure civile : ils se
transportaient sur les lieux, entendaient des témoignages, mais il n‟y avait pas de repère légal,
pas d‟informations préétablies, les croquis des lieux étaient flous et les décisions difficiles à
appliquer. La plupart du temps, les juges ne jugeaient pas sur le fond du dossier (la question
de la propriété des uns et des autres) mais sur les dégâts des champs ou les coups et blessures
115
Comité technique « Foncier & développement », Avancées, limites et défis de la réforme foncière rurale du Burkina
Faso, Note de synthèse no 5, AFD, MAEDI, Paris, juin 2014. P. 2
116
OUATTARA Bruno Fako, OUATTARA Bernard, Op. Cit. P. 1
61
résultant du conflit sur la possession de la terre. La nouvelle loi remédie à ces problèmes et a
donc été bien accueillie par certains magistrats117.
117
Peter Hochet, Jean-Pierre Jacob, Sayouba Kossodo Ouédraogo, Les enjeux de la mise en œuvre de la loi portant régime
foncier rural au Burkina Faso, Grain de sel nº 57 janvier – mars 2012 P.36. Disponible sur www.inter-reseaux.org
62
Une réforme qui met en place des dispositifs nouveaux de gestion foncière pose la
question de son financement. Le foncier est au cœur des enjeux sociaux et politiques, la mise
en œuvre d‟une politique foncière ne peut être laissée aux bailleurs de fonds. La recevabilité
de l‟Etat lui-même vis-à-vis de la réforme qu‟il engage est indispensable et devrait donner
lieu à une reconnaissance officielle et contraignante.
On peut aussi s‟interroger sur la pertinence de la création systématique d‟une
commission foncière dans chaque village administrativement reconnu, dans la mesure où la
régulation foncière repose parfois sur des maîtrises foncières pluri-villageoises, avec des «
villages-tuteurs » qui en ont accueilli d‟autres sur leurs terres. Coutumièrement, il n‟est
reconnu à ces villages aucun droit d‟administration sur les terres118. Généralement, on fait la
distinction entre un village et un hameau. En effet, un hameau est hameau parce qu‟il dépend
d‟un village-père. Historiquement, ce sont des habitants issus de ce village qui ont créé le
hameau de culture. L‟ériger en village sur simple décision administrative bouleverserait
l‟organisation et le fonctionnement du système d‟encadrement paysan et engendrerait donc de
sérieux troubles sociaux. Certains hameaux sont situés à des dizaines de kilomètres de leur
village (administratif) d‟origine et en sont même parfois géographiquement séparés par une
autre commune, mais leur population se sent appartenir et vote à la commune à laquelle est
rattaché leur village d‟origine. Les limites sociales précèdent donc les limites territoriales et
ne s‟inscrivent pas forcément dans le sol. Dans tout ce processus complexe de construction
spatiale de nouvelles collectivités territoriales, le lien social est apparu prépondérant sur le
lien spatial119. L‟installation donc de commissions de conciliation villageoise pourrait
entraîner des conflits entre villages accueillis et villages tuteurs.
118
OUATTARA Bruno Fako, OUATTARA Bernard, Op. Cit. P.2
119
IDELMAN Eric, Décentralisation et limites foncières au Mali, [en ligne] iied dossier no 151 juin 2009, P.13
63
démarche burkinabé à consister également à passer par des opérations pilotes de sécurisation
foncière (OPSF) largement subventionnée par l‟aide publique au développement avant
l‟adoption de reformes sur le foncier rural.
120
Décret no2010-401/PRES/PM/MAHRH/MRA/MECV/MEF/MATD/MJ du 29 juillet 2010 portant désignation du Plan
foncier rural du Ganzourgou (PFR/G) comme opération pilote de sécurisation foncière rurale.
121
Peter HOCHET, Op. Cit. P.26
64
avancées significatives dans les domaines suivants : la clarification de la situation foncière de
la zone d‟intervention ; la gestion plus moderne des données foncières en milieu rural ;
l‟évolution vers une reconnaissance sociale et une validation administrative des diverses
formes d‟occupation identifiées.
Cependant au cours de leur mise en œuvre, chacune de ces OPSF a alimenté les
réflexions du CNSFMR. Le PFR et l‟OPSF du PDL/O ont abordé la question de la
formalisation des droits et des transactions. Le premier a développé une procédure de
constatation des droits fonciers au moyen d‟un PV de constatation. La seconde a développé
des activités pour sécuriser les prêts de terre, notamment entre autochtones et immigrants,
mais aussi une procédure de constatation de droits fonciers permanents (PV de possession
foncière). Également, l‟ensemble des projets de délimitation et de gestion des terroirs et des
ressources naturelles (OPSF PNGT2, Arecoppa, PDI/Z, PGRN/B, etc.) ont alimenté la
question des conventions locales comme outil de gestion des ressources naturelles communes.
Enfin, les projets Arecoppa et PDI/SaB ont contribué à la réflexion sur la mise en place
d‟instances locales composées d‟autorités coutumières et d‟usagers des ressources du terroir.
En dehors du PFR, ces différentes expérimentations ont eu en commun le problème de la
validité juridique de leurs outils de sécurisation des droits fonciers122.
Le projet ayant expérimenté la politique foncière rurale dont les résultats ont permis la
formulation et la mise en œuvre de la loi 034-2009 est sans contexte le projet sécurisation
foncière (PSF) du MCA-BF. En tout, 47 communes étaient couvertes par le PSF, exécuté en
deux phases : une première qui a couvert 17 communes dites pilotes et la seconde phase, les
30 autres communes. Le PSF a installé 47 Services fonciers ruraux (SFR) et des bureaux
domaniaux dans 47 communes-pilotes du projet. Outre les actions de promotion de la loi
N°034-2009/AN portant régime foncier rural et ses décrets d‟application, le MCA-BF a
contribué à la délivrance d‟environ 8 000 Attestations de possessions foncières rurales
(APFR). Ces communes ont non seulement bénéficié d‟infrastructures, mais également de
formations en techniques de gestion sur le foncier afin qu‟elles puissent gérer au mieux ces
ressources en tant que telle. Le PSF a donc permis d‟opérationnaliser la loi 034 en lui
permettant d‟avoir l‟ensemble de ses décrets d‟applications. Le PSF a permis de sécuriser la
terre pour ceux qui la travaillent, et a favorisé l‟accès des femmes au foncier. Grâce à ce
projet, les communes du Burkina Faso héritent d‟instruments et de guides pour une gestion
122
Ibid. P.21
65
efficace de la question souvent sensible du foncier. D‟autres projets123 en cours ou en phase
d‟être mis en œuvre contribueront certainement à rendre plus opérationnel la loi 034-2009 et
ses décrets d‟application.
123
Le projet d‟appui aux communes rurales du Burkina Faso en matière de gestion du foncier rural et des ressources
naturelles (PACOF /GRN) intervient dans 15 communes dont 05 sont dans la région des Hauts-Bassins et 10 dans celle de la
Boucle du Mouhoun. Le Programme national de gestion des terroirs PNGT II (3) qui en cours d‟exécution à une composante
sécurisation foncière. Le projet de sécurité alimentaire dans l‟Est du Burkina Faso (PSAE), qui est en phase d‟être mise en
œuvre prévoit, entre autres, de contribuer à une gestion durable et sécurisée des ressources naturelles et des terres agricoles,
en renforçant l‟application de la loi foncière en milieu rural et la planification locale du développement économique (appui à
l‟élaboration des plans de développement communaux, à la mise en place des services fonciers ruraux, à la délivrance
d‟attestation de possession foncière, etc.)
66
La mise en place des structures locales de sécurisation foncière et l‟élaboration de
chartes foncières sont largement favorisées par les projets de développement rural qui
intègrent l‟application de la loi dans leurs activités. En revanche, la délivrance des actes, le
renforcement du cadre juridique et institutionnel national, le renforcement des compétences
nationales sont moins pris en charge par les projets. On constate également que les projets
d‟application sont plutôt concentrés vers l‟ouest du pays. « L‟espace pastoral sahélien » et le «
Front d‟expansion » sont paradoxalement délaissés, ainsi que la région du Sud-Ouest. Se
dégage un axe de concentration Nord, Boucle du Mouhoun, Hauts-Bassins, Cascades auquel
est greffée la région du Centre-Ouest124. Aussi, On constate que la mise en œuvre de la
réforme fait intervenir une pluralité de projets. Il y a le risque d‟avoir un discours
contradictoire sur la vulgarisation la législation foncière, c‟est-à-dire qu‟ils peuvent
développer leur propre vision politique et opérer des choix en conséquence dans les dispositifs
d‟application qu‟ils conduisent. Dans ce contexte, le maintien de la vision politique de départ
et d‟une cohérence dans les actions mises en œuvre sur l‟ensemble du territoire, devient un
enjeu fort. Il passe par une coordination interministérielle pour harmoniser les outils et les
approches, mais aussi et surtout, pour éviter les glissements de visions et les
instrumentalisations de la loi au bénéfice d‟intérêts particuliers.
La construction d‟une politique foncière est un exercice délicat. Le processus est semé
d‟embûches car il doit nécessairement impliquer autour d‟une volonté politique des
législateurs ou des États une multitude d‟acteurs aux intérêts différents voire contradictoires.
Aujourd‟hui avec la communalisation intégrale et l‟adoption de lois et de politiques plaçant
les communautés à la base des décisions importantes en matière de gestion foncière, il semble
exister un réel espoir de voir les problèmes liés à cette gestion foncière, trouver des solutions
adaptées à chaque contexte. Toutefois, des défis doivent être relevés pour qu‟un tel espoir se
réalise.
Section 2 : les défis à relever pour une gestion efficace du foncier rural
De nombreuses initiatives ont été entreprises pour asseoir les bases solides d‟une
gestion plus rationnelle et efficace des questions foncières. Au-delà des efforts d‟élaboration
et d‟adoption des textes législatifs et réglementaires, l‟accent doit être porté sur les mesures
pratiques à mettre en œuvre pour assurer leur effectivité sur le terrain. Pour atteindre de tels
résultats, il faut relever le principal défi de l‟amélioration de la gouvernance locale et foncière
(paragraphe 1). Sous l‟effet d‟évolutions récentes du contexte à différentes échelles, les
124
Peter HOCHET, Op. Cit. P.27
67
problématiques foncières connaissent de brutales mutations. Le foncier doit être pensé à
l‟aune des multiples enjeux sur lesquels il aura inévitablement une grande influence et doit
être perçu comme un élément central des politiques publiques (paragraphe 2).
125
OUEDRAOGO Moussa, MILLOGO Evariste, GUIRE Moussa, KABORE T. Michel, Op. Cit, P. 64
126
Ibid, P.64
69
foncier ; l‟amélioration de l‟accessibilité de l‟ensemble des textes réglementaires au plus
grand nombre des populations ; l‟accélération de l‟élaboration et la mise en œuvre des
instruments d‟aménagement et du développement local ; la mise en place de mécanismes
efficaces de suivi et d‟évaluation des pratiques de gestion du foncier127. Il est même
recommandé d‟‟élaborer des indicateurs, afin de mesurer plus objectivement les progrès
réalisés dans la mise en œuvre des politiques et législations foncières.
En plus, la généralisation des services fonciers communaux est un devoir pour l‟État,
qui se doit d‟offrir à tous les usagers de la terre, et ce quel que soit leur localisation sur le
territoire, la possibilité d‟accéder aux nouvelles modalités de formalisation des droits
proposés par la réforme. Pour autant, la demande d‟APFR doit rester volontaire, non
obligatoire, et laisser les usagers libres de recourir à d‟autres types de formalisation et/ou de
sécurisation de leurs droits. Cette tension entre la généralisation du service, son financement,
et le maintien d‟une gamme ouverte et souple de sécurisation des droits allant de la
reconnaissance locale non formalisée à la délivrance de titre en bonne et due forme, est un
enjeu majeur, autant pour la réussite de la réforme que sa pérennité. La mutualisation entre
communes, voir entre villages, des moyens et compétences nécessaires à la mise en place des
services fonciers (SFR, CFV, CCFV, etc.) est une piste à explorer dans ce sens. Il faut
nécessairement achever le dispositif juridique et institutionnel de mise en œuvre de la
réforme. La réforme du foncier rural au Burkina Faso est une politique transversale dont la
réussite va dépendre de l‟achèvement d‟autres politiques : on pense ici à la politique liée à
l‟État civil qui devrait permettre de documenter de la carte nationale d‟identité toutes les
demandes d‟APFR conformément à la procédure définie, et éviter ainsi les problèmes
d‟homonymie ; ou encore à celle de la décentralisation qui donnera à terme des moyens
techniques et financiers aux communes pour assurer leur rôle d‟acteur pivot du
développement économique et social de leur territoire ; mais aussi aux politiques d‟accès aux
crédits qui devraient à terme permettre de mettre en place des institutions financières en
mesure de s‟appuyer sur les nouvelles catégories juridiques créées par la réforme foncière
pour accorder des crédits aux exploitants agricoles128.
Il convient d‟assurer une cohérence dans la mise en œuvre de la réforme. La mise en
œuvre de la réforme fait intervenir une pluralité d‟intermédiaires (bailleurs de fonds, ONG,
opérateurs privés, élus, etc.). Chacun d‟eux sont des concessionnaires de politique, c‟est-à-
127
Banque Mondiale, MCC, MCA Burkina Faso, Cadre d’Analyse de la Gouvernance Foncière du Burkina Faso, rapport
final, juin 2014 P.49
128
Comité technique « Foncier & développement », Avancées, limites et défis de la réforme foncière rurale du Burkina
Faso, Note de synthèse no 5, AFD, MAEDI, Paris, juin 2014. P. 6
70
dire qu‟ils développent leur propre vision politique et opèrent des choix en conséquence dans
les dispositifs d‟application qu‟ils conduisent. Dans ce contexte, le maintien de la vision
politique de départ et d‟une cohérence dans les actions mises en œuvre sur l‟ensemble du
territoire, devient un enjeu fort. Il faut donc promouvoir une synergie d‟action des partenaires
au développement en matière d‟intervention foncière. Il faudrait également construire et
maintenir des compétences locales et nationales. Au niveau local, les communes manquent de
topographes sur lesquels s‟appuyer pour faire les calculs de superficie. Au niveau national, les
dispositifs de coordination, suivi et accompagnement de la réforme sur le terrain ne sont pas
encore opérationnels129.
De plus en plus d‟organisations de la société civile (OSC), qui étaient peu actives sur
les questions foncières, ont décidé de s‟y investir. Alliées aux organisations professionnelles
agricoles (OP), elles assistent les populations dans les cas d‟accaparement des terres et
militent en faveur de réformes foncières favorables à la sécurisation des exploitations
familiales. Résolus à être parties prenantes dans les réformes foncières, les acteurs non
étatiques doivent impérativement renforcer leurs capacités pour participer avec efficacité à
des débats sur les questions foncière.
129
Ibid, P.5
71
atténuées par un contexte de relative abondance des terres, la dynamique de saturation de
l‟espace va mettre en question la viabilité des exploitations familiales et constituer une
menace réelle pour la paix sociale. Le défi de nourrir une population en croissance accélérée
pose désormais frontalement la question du type d‟agriculture à promouvoir130. La FAO
estime que, pour satisfaire les besoins alimentaires (hausse de la population et augmentation
de la ration calorique quotidienne moyenne pour atteindre 3 130 calories), les pays en
développement doivent fortement augmenter leur production agricole d‟ici 2050131. Car, la
condition préalable à la sécurité alimentaire est l‟accès à la terre. Le développement de
l‟agrobusiness132, engagé par des entrepreneurs, constitue un phénomène émergeant mal
évalué. Il est favorisé par les décideurs africains, sans être soutenu par une vision explicitée de
l‟avenir du monde rural, qui mettrait inévitablement en jeu le(s) type(s) d‟agriculture, et donc
d‟exploitations agricoles, à promouvoir.
Les dynamiques observées également au cours des deux dernières décennies sont
caractérisées par les privatisations, le désengagement des États et l‟ouverture aux
investissements étrangers dans le foncier agricole (en vue de produire des matières premières,
des produits agricoles et des biocarburants) ainsi que dans le foncier et l‟immobilier urbains
se poursuivront et s‟amplifieront. Ce sont de nouveaux et puissants facteurs de consommation
foncière. Les investissements étrangers dans le foncier conduisent à la formation de grandes
exploitations à forte intensité capitalistique par absorption, déplacement et/ou éviction, avec
ou sans indemnisation, de petites exploitations situées dans les zones ayant fait l‟objet
d‟acquisitions massives de terres. On peut considérer que les achats massifs de terres se
maintiendront à un niveau élevé étant donné leur forte rentabilité. Il faut noter aussi la montée
de l‟individualisme et la place croissante de l‟argent dans les rapports sociaux. Un
phénomène qui s‟est accéléré, se poursuit et tend à s‟intensifier.
Un autre facteur concerne les changements climatiques. Ces changements, qui auront
un impact fort sur l‟agriculture, toucheront davantage les pays en développement, qui
pourront être confrontés à l‟insécurité alimentaire et à une hausse des prix et des importations
130
BASSERIE Vincent, OUEDRAOGO Hubert, la sécurisation foncière : un des défis majeurs pour le nouveau siècle,
Grain de sel nº 41-42 décembre 2007- mai 2008 P.13. Disponible sur www.inter-reseaux.org
131
DARAND-LASSERVE Alain, Le ROY Etienne, Op. Cit. P. 60
132
Le concept d‟« agrobusiness » a été introduit au Burkina Faso comme une « nouveauté » par le pouvoir politique dans la
seconde moitié des années 90. Le concept a été vulgarisé lors d‟une rencontre nationale baptisée « Forum des nouveaux
acteurs », organisée en 1999 à Bogandé pour réfléchir sur les conditions d‟appui à l‟émergence de nouveaux types d‟acteurs
dans l‟agriculture. Voy. En ce sens Agrobusiness au Burkina Faso. Quels effets sur le foncier et la modernisation agricole ?
Graf janvier 2012. Disponible sur www.kit.nl/sed/.../1767_KIT_boek_Burkina_web%20version.pdf
72
de produits alimentaires. Les pertes de production dues au changement climatique peuvent
provoquer une forte augmentation du nombre de personnes sous-alimentées et mettre en échec
la lutte contre la pauvreté et l‟insécurité alimentaire.
133
Peter HOCHET, Op. Cit. P.16
134
DARAND-LASSERVE Alain, Le ROY Etienne, Op. Cit. P. 76
135
Guengant J.-P., Lankoande M., Tapsoba E., Zanou B., 2009, Recensement général de la population et de l’habitation de
2006 : analyse des résultats définitifs, « Thème 16 : projections démographiques 2007-2050 », Ouagadougou, ministère de
l‟Économie et des Finances, cité dans Peter HOCHET, Op. Cit. P.16
73
régions du Sud, où il existe des possibilités de mise en culture importantes, ne connaîtront pas
de difficultés foncières graves d‟ici 2051, à condition que les mouvements migratoires soient
maîtrisés136. Aussi, la question de la dégradation des sols et de l‟environnement est configurée
au Burkina Faso par la combinaison de l‟accroissement de la population, du développement
de l‟agriculture, qu‟il soit intensif ou extensif, et du climat majoritairement sahélien où
l‟érosion naturelle des sols par la sécheresse, le vent et les pluies de l‟hivernage est
importante.
Il y a les facteurs liés à l‟action publique. Les lois, programmes de développement et
politiques publiques contribuent au pluralisme institutionnel, aux contradictions entre projets
de développement et conservation, aux décalages entre frontières administratives et territoires
politiques coutumiers, ainsi qu‟à de nouvelles opportunités et contraintes pour l‟appropriation
et l‟usage des ressources. Au Burkina Faso, la faiblesse de l‟État rend l‟achèvement local des
politiques publiques problématique et contribue à créer des situations de « transition
permanente » et d‟empilement de normes et d‟institutions favorables aux opportunismes ainsi
qu‟aux coups de force.
Des dynamiques économiques importantes accentuent également la pression sur la
terre. Le Burkina Faso est devenu un pays minier. Les zones qui ont le plus grand intérêt
minier sont le Nord du pays (Sahel, Centre-Nord avec un débordement vers le nord et l‟est), et
l‟extrême Sud (Cascades avec un débordement vers les Hauts-Bassins et le Sud-Ouest). Les
relations avec les orpailleurs, les processus de compensation foncière et de réinstallation des
familles déplacées ainsi que la régulation de l‟accès à l‟eau sont les enjeux structurant au
niveau local. Apres l‟or, on a le coton. Le coton est actuellement la deuxième exportation du
Burkina Faso après l‟or. Historiquement l‟exploitation du coton a un impact déterminant sur
les structures foncières. Elle contribue à l‟abandon des petits champs de case en culture
intensive au profit des grands champs de brousse en culture extensive. L‟élevage est aussi
central dans la stratégie de développement du Burkina Faso. C‟est aussi une activité
importante dans les exploitations familiales. Si la sécurisation des droits d‟appropriation des
particuliers est très largement prise en charge par la réforme grâce à la création de toute une
série de nouvelles catégories juridiques, celle des espaces collectifs comme les couloirs de
passage ou les zones de pâturage est encore à devenir.
Ces différents facteurs se combinent localement pour produire du changement social
au travers de l‟augmentation de la compétition sur les ressources, du pluralisme normatif, de
136
DARAND-LASSERVE Alain, Le ROY Etienne, Op. Cit. P. 76
74
l‟accroissement des inégalités sociales et de la création d‟opportunismes nouveaux. Ils
contribuent ainsi à constituer localement l‟accès à la terre et aux ressources en un enjeu qui,
selon les situations, peut déboucher sur des tensions et éventuellement sur des conflits. Les
zones dans lesquelles ces facteurs sont importants et sont combinés peuvent être considérées
comme des zones sensibles à propos de l‟accès à la terre.
75
CONCLUSION
Aux termes de nos recherches, nous pouvons dire qu‟il y a un lien entre construction
juridique de la propriété et construction de l‟État. En disant quels sont les régimes de
propriété reconnus et quelles sont les preuves des faits de possession sur lesquels ils reposent,
l‟État construit son rapport avec son territoire et les sociétés locales qui le peuplent. L‟Etat
essaie d‟asseoir son autorité au niveau local et de rendre moins problématique l‟achèvement
local des politiques publiques. Dans ce contexte, une réforme foncière en milieu rural
constitue un cadre juridique et institutionnel favorable.
Le Burkina Faso, depuis les années 1984 à nos jours, a entrepris de nombreuses
actions dans le but d‟asseoir les bases solides d‟une gestion plus rationnelle et efficace des
questions foncières. Ces différentes initiatives se sont traduites par une production très
abondante et diversifiée des textes législatifs et réglementaires dans le domaine de la gestion
du foncier. Également, à cause de la complexité et de sensibilité de la question sur le maintien
de la paix sociale, le pays s‟est orienté progressivement vers des approches plus conciliantes
avec la recherche constante d‟une plus grande implication de l‟ensemble des acteurs
concernés. C‟est ainsi qu‟en la faveur d‟un dialogue pluri-acteurs, la politique et la loi sur
foncier rural ont vu le jour et ont acté des innovations majeures. Elles remettent au centre de
la gestion foncière à la fois les communes et les chefs coutumiers. Les outils juridiques et les
institutions de la réforme foncière en cours fournissent à l‟État les moyens de son ancrage
jusque dans les villages.
Cependant, tout en assurant l‟ancrage local des normes de l‟État, la réforme foncière
actuelle demeure confrontée à la capacité de l‟État de mobiliser de façon pérenne et sur toute
l‟étendue de son territoire les moyens matériels et humains pour l‟appliquer et la maintenir
dans le temps. En effet, si des efforts sont faits pour doter le pays des nombreux textes
législatifs et réglementaires, leur effectivité dans la pratique reste encore une bataille à gagner.
De réelles problématiques se posent pour l‟application sur le terrain de la réforme. Les
collectivités territoriales ne disposent des capacités nécessaires pour y faire face en raison de
la jeunesse et du manque de compétences des collectivités, du poids de la coutume, de la
faiblesse des capacités des services déconcentrés à accompagner les communes, de la
lourdeur des procédures, etc. Aussi, des glissements dans l‟interprétation et la mise en œuvre
sont inhérents à l‟application des lois.
Malheureusement le contexte de l‟insécurité foncière ne cesse de prendre de l‟ampleur
avec la demande très forte de logements dans les villes, le développement de l‟agro-business,
76
le boom minier et la persistance des facteurs de dégradation qui se traduisent par le
rétrécissement au fil des années des terres utiles. Si fait que le foncier constitue ces dernières
années le détonateur d‟une crise sociale latente avec des conséquences imprévisibles sur la
quiétude publique et le renforcement des acquis dans le domaine de la promotion du
développement socioéconomique du pays. D‟où l‟urgence des mesures adéquates à mettre en
œuvre pour assurer une gouvernance efficace de ces questions à tous les niveaux dans le
respect strict des principes de l‟équité, de la transparence et de la participation effective de
tous les acteurs.
Ainsi, il apparaît important de poursuivre les actions de communication sur la réforme
foncière rurale dans les villes et campagnes du pays, de mettre l‟accent sur une stratégie
nationale de formation des agents des services fonciers ruraux, mais aussi des élus locaux
pour leur fournir les moyens de comprendre la loi dans toutes ses nuances et de répondre aux
cas particuliers qui se présentent à eux. Il faudrait également définir une stratégie nationale
d‟appui au fonctionnement des structures locales de sécurisation foncière ; d‟inscrire dans le
cadre de la décentralisation, la mise en œuvre quotidienne de la loi no 034-2009. Un
leadership politique fort s‟appuyant sur l‟espace de coordination et d‟échanges pluri-acteurs
que constitue le Comité national de sécurisation foncière (Cona-SFR) est aussi nécessaire
pour garantir l‟application de la loi sur l‟ensemble du territoire.
77
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