Vous êtes sur la page 1sur 8
BIBLIOGRAPHIE. 7 surplus, les débats qui ont récemment eu liew A la Société d'éeonomie poli- tique (V. le Journal des Economistes, juillet 1839) et les articles pu- bliés dans nos deux derniéres livraisons par MM. Courtois et Courcelle Seneuil, ont déja permis & nos lecteurs de se former un jugement sur Vaffaire des coulissiers, comme on l'appelle au palais. Nous regrettons pourtant que les écrits qui nous occupent aient si peu appuyé sur le edté économique et principal de la question soulevée parle procés. Est-ca assez que de plaider contre l’omnipotence exclusive du parquet et pour le . maintien de la coulisse, de démontrer que les agents privilégi¢s peuvent et doivent continuer a tolérer auprés d’eux Jes agents libres? Au nom de la science économique et dans le vrai intérét du crédit public, il y aurait ‘une exigence bien autrement radicale a formuler : la suppression du par- quet, c’est-d-dire d’agents privilégiés, afin de replacer le commerce d’ef- fets publics et de valeurs industrielles sous le droit commun qui régit le commerce de tous les autres objets échangeables. A la réouverture de la bourse de Paris (an mm), les agents de change, dont la corporation venait d’étre rétablie, ne durent s’occuper que de la négociation des matidres et espéces métalliques, des lettres de change et effets de commerce '; pas un seul, parmi les soixante agents de change de la bourse de Paris, ne fait aujourd’bui dans toute année une seule opération de cette nature. La négociation des matiéres d’or et d’argent ainsi que des lettres de _ change et des effets de commerce est tombée de fait dans le domaine pu- blic, sans qu’il en soit résulté le moindre inconvénient pour le commerce des métaux précieux et des lettres de crédit. Pourquoi le méme régime aurait-il plus d’inconvénients appliqué au commerce des fonds publics? Et puisque le parquet reconnalt que l’existence d’agents libres est incom- patible avec son privilége, et que tout le monde reconnait l’absolu besoin des agents libres, 1a conclusion logique & en tirer n’est-elle pas que le monopole a fait eon temps? J. E. HORN. TROIS PUBLICATIONS NOUVELLES DE M. BOCLARDO. Nous venons de recevoir trois publications nouvellesde M. Boccardo, pro- feaseur d’économie politique & Génes, et nous en devons comptea nos lec- teurs.La premiére en importance et la derniére en date est une réimpres- sion du Traité théorique et pratique d’économée politique ?. Nous avons déja, lorsque fut publiée la premiére édition de cet ouvrage, exposé aux 4. Les transferts de la rente s’opéraient par Vintermédiaire d’un juge de paix ou d’un notaire. 2. Trattato teorico-pratico d’economia politica, del cav. prof. avv. Gerolamo Boecardo, 3 vol. in-i8. Turin, 1859. . . e ful - 488 JOURNAL DES ECONOMISTES. lecteurs du Journal des Economistes le plan, le caractére et le mérits du traits de M. Boceardo. Il serait inutile de revenir sur ce que nous avons dit a cette époque; mais nous devons mentionner de nombreuses additions faites par l’auteur dans la partie pratique de son ouvrage, dont Je cadre général est resté le méme. Ces additions sont remarquables principalement en ce qui touche a histoire des banques, et bien qu’elles soient extraites en quelque sorte d’un autre ouvrage, dont nous allons bientdt parler, elles augmentent l’utilité du Tratté. M. Boccardo a eu Je mérite d’essayer le premier la réalisation d'une idée émise par Rossi et par plusieurs autres économistes, de séparer la théorie dela pratique ; mais il nous semble que dans son livre cette sé paration n’est ni assez nette ni assez profonde, et c'est pourquoi nous avons essayé de la pousser plus loin. I! nous semble également que dans la partie théorique, les considérations de droit et d’équilé ne devraient pas occuper toute la place qu’elles occupent, puisqu'il s’agit de rechercher par observation quelles lois régissent les faits passés, actuels et possi- bles qui touchent soit & la production-consommation , soit & la distribu- tion des richesses. Il vaut mieux donner aux solutions du droit et del’é- quité ’appui et la sanction des considérations économiques que d’appuyer Jes solutions économiques sur des considérations de droit et d’équité, tou- jours contestables dans leurs applications et souvent dangereuses. Ainsi M. Boccardo considére avec Bastiat les rapports d’échange comme des rapports d’équité entre les hommes, et il ajoute (tom. I", p. 75): « Alors Ja propriété n’apparait plus comme le résultat d’une violence heureuse ou d’une arbitraire convention sociale, mais comme Je corollaire légitime de ce principe sacré que les communistes mémes n’osent contredire, s8- voir : Tout homme doit pouvoir jouir librement des produits de son travail, soit en les consommant directement, soit en les échangeant conire les produits du travail d’autrui, sur la base de l’équivalence.» Mais quoi! si cette liberté du travail & laquelle nous aspirons n’exisle pas, n’a jamais existé, que devient la propriété et comment considérer le résultat des échanges qui se font en dehors de cette liberté? Si Ja pro- priété n’existe qu’a cette condition, il n’y en a donc de véritable ni dans un régime communiste, ni dans un régime réglementaire quelconque. On pourrait aller bien loin si l’on discutait avec rigueur ces propositions et leurs conséquences. Les sociétés humaines sont bien éloignées de I'- déal que nous poursuivons , mais encore est-il nécessaire que l'état de distribution dans lequel elles se trouvent, et les états divers par lee quels elles ont passé antérieurement, rentrent & un titre quelconque dans les formules d’une science de fait et d’observation. Si ces formules étaient trop étroites pour embrasser tous les états de distribution, 02 pourrait abon droit les accuser d’inguffisance. — Ajoutons que Vopinion qui confond les rapports d'échange avec des rapports d’équité nous semble inexacte, BIBLIOGRAPHIE, 439 Puisque nous sommes en train de critiquer, signalons & M, Boccardo uns erreur grave que nous trouvons (tom. I**, pag. 37 et 67) dans la dé- finition de la loi de Voffre et de la demande, « Le prix d’un produit, dit-il, eat en raison directe de la demande et en raiaon inverse de V’offre.» Cette formule est déja ancienne dans la science , nous le savons, et on pourrait invoquer pour Ja soutenir des autorités respectables, mais non celle de l’observation : il serait méme difficile de l’exprimer en-chiffres dans un exemple hypothétique. En tout cas, elle a été victorieusement réfatée et, ce qui vaut mieux, remplacée par M. J. Stuart Mill, qui a établi cette autre formule : «La valeur d'un objet est déterminée par Péquation de l'offre et de la demande. » On isait d’ailleurs que lorsque Ia valeur d’un produit diminue, Voffre diminue et la demande auge mente, tandis que, dans le cas od cette valeur s'éléve, V’offre augmente et Ja demande diminue. La gravité de cetle erreur consiste en ceci, que de Ja loi de Voffre et de la demande dépendent celle du cowt de produc- tion, celle du partage des occupations, et en un mot le systéme entier de la la distribution par l’échange. Nous sommes enhardis & critiquer le Traité de M. Boccardo par le suocts légitime et prévu qu'il a obtenu, et par le succés plus grand au- quel il est appelé. Un livre destiné & devenir classique doit étre sans cosse revu, corrigé, remanié et surtout suivre pas & pas les progrés de la science. Le traité dont nous parlons est un livre de ce genre : c’est pourquoi nous avons pris la liberté de recommander A son auteur la troi- sidme édition, qui, nous en sommes persuadé, ne se fera pas longtemps attendre, Avant de réimprimer son Traité, M. Boccardo avait publié un Manuel de Thistoire du commerce, des industries et de l'économie politique’, également destiné & Venseignement et adopté, pour les écoles spéciales secondaires du Piémont, par le conseil supérieur d’instruction publique. Cet ouvrage est digne de son titre et de l’usage auquel il est destiné : substantiel et généralement correct, exempt de lacunes congidérables , it De peut manquer d’avoir sur Jes jeunes gens qui l’étudient une influence salutaire, de leur suggérer, sinon de leur inspirer lestime des fonctions industrielles et commerciales. Si le plan de ce Manuel n’était déterminé par les nécessités d’un pro- gramme, on pourrait lui reprocher ou d’avoir rapproché dans un méme livre trois histoires distinctes, ou de ne pas les avoir réunies par une con- eeption haute du sujet et par une exécution vigoureuse, et de témoigner @une certaine indécision. En effet on peut considérer Vhistoire du commerce comme un sujet distinct de celle des industries et de celle de T 1, Manuale di storia del commercio, delle industrie ¢ del? economia politica, 4 vol, in-§*. Turin, 1858. 460 JOURNAL DES ECONOMISTES. Véconomie politique ; on peut aussi considérer ces trois histeires comme ‘un seul et méme sujet. Si on les étudie eéparément, il faut rechercher , quels furent, dans Vordre chronologique, lea développements du com- merce et ses procédés, quels furent les développements et les procédés des industries diverses et les progrés de économie politique. Si l’on considére ces divers développements de faits et d’idées comme un seul des grands aspects de V’activité humaine, il faut montrer comment les faits sont nés des idées et comment les idées sont nées, & leur tour, de 1s contemplation des faits; comment les hommes ont arrangé successi- vement leur atelier industriel ; comment ils ont compris, en divers temps et divers pays, que les richesses pouvaient étre produites et distribuées. Mais, il est juste de le reconnaitre, les matériaux de l’une et de ’autre de ces deux histoires ne sont pas encore réunis, et avant qu’on puisse faire de Pune ou de J’autre un manuel complétement satisfaisant, il faut * que plusieurs savants aient usé leur vie & rechercher, & discuter et & classer les documents de cette histoire de Ja civilisation. Dans Vétat o& sont les choses, il est difficile de faire mieux que M. Boccardo, de ne pas hésiter entre l’un et autre des deux points de vue que nous venons d’indiquer, selon que les documents préparés par les travaux antérieurs dirigent esprit vers l’un ou vers l’autre. M. Boccardo a divisé l'histoire en quatre grandes périodes, dont cha- cune fait Vobjet d’un livre de son Manuel. La premiére e’étend de Yori- gine des temps historiques aux croisades; la seconde se termine aux grandes découvertes géographiques qui signalérent la fin du quinziéme sidcle ; 1a troisiéme, & la révolution frangaise, etla quatritme, au temps présent. L’histoire sommaire de l'économie politique fait Vobjet du der- nier chapitre du dernier livre, et se trouve ainsi séparée du corps de Youvrage. L’auteur expose dans les termes suivants les principes qu'il s'est imposés dans la composition de cet ouvrage : a Une histoire du commerce, dit-il, est une histoire dela civilisation; et les peuples qui ont joui d’une prospérité économique ont aussi tou- jours été grands dans les sciences, dans les arts, dans les lettres, dans les armes et dans tous les éléments de 1a vie sociale. Mais si les rapports nombreux qui rattachent mon sujet 4 Phistoire civile des nations ne me permettaient pas de l'isoler entitrement des grands événements, des révo- lutions et des guerres qui forment 1a matiére des annales politiques , je me suis constamment appliqué & me renfermer dans les limites que m’as- signait la nature méme de mon travail. J'ai cherché en somme A ne pas Tapetisser mon ouvrage en le réduisant aux maigres proportions d’une chronique mercantile, et en méme temps j’ai tenu & me rappeler toujours que je ne devais mentionner les faits politiques, religieux, scientifiques ou militairés, qu’autant qu’ils avaient exercé une influence bonne ou mauvaise sur les faits industriels et économiques, ou qu’ils avaient ¢lé modifiés d’une maniére quelconque par ces derniers. » | | | BIBLIOGRAPHIE. AGL Lauteur est resté généralement fidéle aux principes trée-justes qu’il sétait imposés, et il n'a fait hors du sujet de son divre que de trés-courtes et trde-rares excursions : ila porté dans l’exposition des faits économiques une science exempte de pédanterie, une forme simple et lucide, beaucoup d'impartialité et de modération, de telle sorte que son manuel convient bien & Venseignement. Toutefois, a cause de sa haute destination et de son importance, nous devons signaler quelques points sur lesquels M. Boccardo est un peu sorti, 4 notre grand regret, de son ton ordinaire et s’est fait, jusqu’a un cerlain point, l’écho de préjugés qu’il ne peut partager. Dans une his- toire du commerce et des idées économiques Vancienne Italie occupe & juste titre une grande place, puisqu’elle a été, 4 proprement parler, |’in- stitutrice commerciale et financiére de l’Europe!. Il était nécessaire de le dire, mais non de Je dire avec une sorte d’humeur, comme s'il s’agissait Wune vérité injustement contestée, d'une sorte de revendication ; car les écrivains de toute natienalité sont d’accord sur ce point. En parlant des diverses nations de l'Europe, I'auteur aurait pu se tenir plus en garde contre certaines opinions vulgaires, jugements tout faits que la paresse accepte a la légére, et qu’il est par conséquent trés-dan- gereux de formuler dans un livre d’enseignement. Tel est, par exemple, Je vieux reproche d’inconstance et de légereté adressé 4 la nation fran- gaise, la plus routinidre de Europe. Si la suite a manqué & Ia politique commerciale de la France, c’est par I'effet de son gouvernement, qui, depuis trois sidcles, n’a pas cessé d’tre absolu : or un gouvernement absolu est capricieux par sa nature méme, et manque trés-souvent de consistance et de raison. M. Boccardo a méme le tort d’établir sur l’obser- vation de ce fait une sorte d’axiome historique fort peu consolant (p. 351) : «La France, dit-il, ne peut étre gouvernée que par la tyrannie; » sen- tence commode, mais qui présente l’inconvénient de laisser croire que, par une nécessité toute spéciale, effet de la race ou du climat, la France est inaccessible & Ja liberté. Au temps de Machiavel, cependaft, la France était le pays le plus libre de l'Europe. Le changement qui seat opéré dans les idées et les moeurs depuis ce temps, est-il un développe- ment physiologique exempt de toute influence extérieure, ou bien la France a-t-elle, comme toutes les nations de la terre, pris des habitudes qui lui ont été imposées par une pression extérieure, par des nécessités de situation historique autant que par ses gots propres, et qui peuvent changer en bien ou en mal? Autant vaudrait dire en passant et comme 4, Rappelons ici trois Italiens entre autres, qui ont joué un grand rile dans notre histoire et dont M. Boccardo a oublié de parler : Concini, Particelli et Tonti. Ce dernier avait importé la tontine en France avant la création des premidres assurances sur la vie mentionnées par notre auteur. 402 JOURNAL DES ECONOMISTES. ‘un incontestable axiome : « L’Ttalie ne peut former une nation.» Certes notre auteur protesterait avec énergie e’il trouvait une felle sentence dang un livre d’enseignement francais; et il aurait raison, car si des pro- positions pareilles, aussi fortes que celles que nous signalons, avaient é1¢ enseignées en France depuis quelque soixante ans, on se serait borné dans ce pays & considérer avec une indifférence hautaine tous les efforts des Italiens pour constituer une grande nation. Nous trouvons dans un autre passage du livre de M. Boocardo une nouvelle trace de ce fatalisme historique qui nous semble une des plus dangereuses erreurs de notre temps. « Un des caractéres distinctifs de la race slave, dit-il, p. 344, est ’incapacité d’inventer la plus absolue, jointe la plus grande aptitude a l'imitation.» Les Slaves sont les derniers venus dans la civilisation européenne et les plus éloignés de son foyer, et ils ont été pendant plusieurs siéoles occupés & défendre sa frontiére. Lorsque leur attention s’est portée sur les arts pacifiques, ils ont dd imiter long- temps avant d’inventer : c’était plus facile et plus seneé. Il nous semble qu’il y a de l’injustice & conclure de 14 qu’ils sont absolument incapables dinvention, et l’avenir le prouvera sans aucun doute. M. Boccardo rappelle encore que, de l’aveu de M. Lavallée, les Fran- gais, du temps de Law, étaient extrsmement ignorants en matidre finan- ciére, et il ajoute : « Tant ceux qui aujourd’hui se vantent d’étre nos mailtres en toutes choses étaient encore enfants, tandis que nds banques fonctionnaient depuis des siécles! » Nous compléterions volontiers ’aveu de M. Lavallée, en ajoutant que les Frangais de nos jours ne sont guére plus instruits en matiére de banque que leurs aleux du temps de Law; mais Vobservation de notre auteur ne nous semble pas moins étrange : en premier lieu, parce que s'il existe en France, comme partout, des gens Présomptueux, qui prétendent enseigner tout et plus particulisrement ce qu’ils ne eavent pas, ce ne sont pas « les Frangais » en général; en second lieu, parce que l’expérience qu’avaient en matiére de banque les anciens Italiens ne prouve rien quant au présent. Notre auteur a, pour les divers peuples de Europe, des sympathies et des antipathies peu profondes, nous en sommes persuadé, mais qui ont inspiré quelques phrases trés-regrettables dans un livre d’enseignement. Nous voudrions qu’on enseignat aux jeunes gens, avec l’impartialité haute et calme qui convient & l’histoire, comment et pourquoi tel peuple 4 grandi ou s’est abaiss¢, en faisant la part des circonatances extérieures et des actes purement volontaires, sans s’engouer & la légdre et suns esprit de dénigrement. Nous voudrions surtout qu’on évitat de porter et de fomenter dans les familles de peuples le triste esprit qu’on rencontre dans certaines familles particuliéres, la haine et le mépris des fréres, particulidrement de l’atné, et l’engouement pour les étrangers. I suffit, nous en sommes persuadé, de signaler ce point & Vintelli- gence élevée de M. Boccardo, pour qu’il comprenne Je danger d'inspirer BIBLIOGRAPHIE, 463 aux jeunes gens certaines opinions toutes faites, qui se fixeraient dans leur esprit avec infiniment plus de facilité que les vérités démontrées. Le danger des préjugés dont nous venons de parler est toujours trés-grand ; il est plus grand chez les peuples néo-latins que chez les autres; il est plus grand aujourd’hui qu’en tout autre temps, parce que la France rend & 'ltalie un de ces serviees que les peuples ne pardonnent jamais. Autre critique avant de terminer. M. Boccardo dit qu’Adam Smith a porté l’économie politique au comble de la perfection. S’il en était ainsi, on aurait tort de travailler & l’accroissement de cette acience, et il faudrait enseigner Jes doctrines de Smith, comme on enseignait au moyen 4ge celles d’Aristote. Mais, hélas! la perfection n'est possible dans aucune branche de Ja science humaine, et c’est avec une peine infinie que des générations de travailleurs arrivent 4 découvrir quelques vérités toujours incompletes. Un homme de génie peut faire faire de grands progrés & une science, mais il ne lui est pas donné de la porter au comble de la perfection, parce que la science est toujours, par la nature méme des choses, imparfaite et susceptible d’augmentation. : Cos légares imperfections de détail, qu’il est facile de faire disparaitre dans une seconde édition, n’empéchent pas que le Manuel de histoire du commerce ne soit un livre bon et utile non-seulement pour Vensei- gnement scolastique, auquel il est spécialement destiné, mais pour les gens du monde, qui y rencontreront une partie trop négligée jusqu’s ce jour de Phistoire générale de ’/humanité, et pour les économistes, qui y trouveront réunis en un seul volume une multitude de documents dis- persés, et dont quelques-uns se trouvent perdus, en quelque sorte, dans des ouvragés spéciaux. Mentionnons ici, en passant seulement, mais en la signalant comme digne de l'attention des esprits sérieux, une publication plus ancienne du méme auteur. C’est un mémoire ! composé en réponse 4 une question posée par I‘Tustitut des sciences, lettres et arts de Milan, sur Pinfluence physique et morale des jeux, spectacles et autres divertissements pu- blics et privés, diurnes et nocturnes chez les anciens et les modernes, et sur ceux de ces divertissements qui doivent étre encouragés ou blamés dans les sociéiés de notre temps. Le mémoire de M. Boccardo a rem- porté le prix proposé par l'Institut lombard. C’est un travail remarquable entre les travaux de ce genre, écrit avec une grande facilité, et qui atteste chez'son auteur des connaissances générales étendues. Malheureusement il est court et, en somme, hors de proportion avec l'importance de la question posée. Mais cette question n’élait-elle pas trop vaste pour faire 4, Memoria del signor Girolamo Boccardo in riposta al quesito prdposto dal 1. R. Istituto lombardo di scienze, lettere ed arti, premiata nel concorso bien- nale del anno 1856. Brochure in-8° de 180 pages. Milan, 1856. 1 JOURNAL DES ECONOMISTES. Je sujet d’un mémoire académique? Peut-on demander & Yauteur d'un ouvrage de ce genre une connaissance approfondie, intime en quelque sorte, de V’histoire universelle et de la science sociale? Il ne faudrait pas moins, en effet, pour la bien traiter, car on ne se divertit qu'aprés avoir pourvu aux besoins les plus pressants, et on ne peut déterminer la place et la direction des divertissements qu’aprés avoir déterminé la place et la direction de toutes les autres branches de V’activité humaine. Le travail de M. Boccardo est un mémoire académique trée-distingué, od T’on trouve quelques faits et plusieurs opinions contestablea, mais qui est congu et exécuté avec beaucoup d’esprit et de talent, de maniére & fournir l’objet d’une lecture & la fois instructive et amusante. C’est ’eu- vre d'un écrivain laborieux, mais auquel on peut reprocher de travailler vite et recommander d’approfondir un peu plus et de se défler de sa grande facilité. COURCELLE SENEUIL. L'Usung, sa définition, par G. E. Manm-Dansat. Paris, 1889. Guillaumin et Ce, 4 volume in-18 de 408 pages. Voila un titre bien fait pour piquer la curiosité et captiver attention. Qui de nous ne serait désireux de connaitre au juste ce monstre de Pusure, dont ceux-ci médisent tant, dont ceux-l& contestent existence méme? Le contenu du livre répond parfaitement & son titre, en ce sens du moins que les recherches tantét savantes, tantét ingénieuses de l’au- teur, pivotent toutes autour de cette intéressante question : Qu’est-ce que Vusure? M. Marin-Darbel croit sincrement avoir résolu la question. Je ne voudrais pas lui garantir que tous ses lecteurs partageront cet avis. Pour ma part, j’ai lu son livre avec un vif intérét et une attention sou- tenue; je sors de cette lecture plus convaincu que jamais que l’usure est indéfinissable. L’Eglise, que cette question a tant occupée et préoccupée, s‘'avoue im- puissante a définir l’usure. Son ancienne définition rigoriste : quod sortem Ssuperat, illicitum et usurarium est, ne put pas se maintenir devant les exigences impérieuses de la vie pratique, qui font du prét & intérét une nécessité de tous les instants. C’est ce que l’Eglise a dd reconnattre elle- méme dés le moyen 4ge. Elle s’évertuait 4 imaginer des expédients. Le Jour ot elle permit au capitaliste de se faire payer par son emprun- teur le damnum emergans, puis le lucrum cessans, et enfin le periculum sortis, correspondant & ce que nous appelons aujourd’hui Je risque, ls prime d’assurance, le prét & intérét et & un intérét variable selon les per- sonnes et les circonstances, se trouvait parfaitement légitimé dans la pratique. La célébre encyclique Vix pervenit de Benott XIV (du 1** no- vembre 1748), qui est restée jusqu’a ce jour le dernier mot de Rome sur cette question, en est la preuve manifeste : l’encyclique débute par une

Vous aimerez peut-être aussi