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Demeestère R.

(1989)«Y-a-t-il une spécificité du contrôle de gestion


dans le secteur public» Politiques et management public, Vol. 7,
n° 4, Numéro spécial -Formation au management public ;doi :
10.3406/ p. 33-45.

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René DEMEESTERE

Les spécificités du secteur public


De nombreux auteurs se sont attachés à identifier différentes caractéristiques propres aux
organisations publiques, à définir un management public.
P. GIBERT 1 distingue dans les organisations publiques "des traits partagés avec des
organisations du secteur privé, mais plus fréquents ou plus marqués : une taille importante, une
activité de service, un financement extraordinaire", et des traits spécifiques : "le système
juridique, la dépendance vis-à-vis du pouvoir politique, la pluralité des modes d'intervention, les
interactions entre organisations publiques" ; il note comme caractéristiques du système
administratif "l'importance de la notion de pertinence, la muftifonctionnalité des services
administratifs au regard des objectifs de l'Etat et la diversité profonde au sein des administrations
quant aux missions poursuivies, aux modes d'interventions utilisés et à la situation vis-à-vis de
l'environnement".
Les services publics ont fréquemment un champ d'action spécifié, un territoire géographique
délimité, une situation non concurrentielle, à la différence des entreprises privées plus mobiles et
susceptibles d'aborder de nouveaux marchés, de se diversifier ou d'arrêter certaines activités.
Leurs objectifs sont différents ; ceux d'une organisation publique sont multiples, externes,
souvent difficiles à
définir 2. En effet, ils peuvent, entre autres, ne pas faire l'objet d'un consensus (exemple :
l'éducation), être difficiles à mesurer (exemple : la santé).
L'impact qu'ont sur le management diverses règles de fonctionnement propres au secteur public
(comptabilité publique, règles budgétaires, statut de la fonction publique, réglementation des
marchés publics...) est lui aussi fréquemment souligné.
Dans un autre contexte institutionnel, L. LYNN 3, à partir de l'expérience dans le secteur public
de "managers" venus du privé, met l'accent sur :
l'absence de "bottom line" comme mesure du succès,
la multiplicité des parties prenantes aux processus de décision (groupes d'intérêts, comités
parlementaires, direction du Budget, autres administrations, presse...),
les obstacles bureaucratiques au changement administratif, à la motivation des personnes,
l'importance des relations avec la presse.
Dans Le contrôle de gestion dans les organisations publiques, Ed. d'Organisation, 1980.
Sur la difficulté de l'application du concept d'objectif dans les administrations publiques," cf. la
thèse de Ph. HUSSENOT "Finalisation et contrôle de gestion des administrations publiques"
Université de Paris Dauphine, 1982. L. LYNN, Managing The Public Business, Basic Books,
1981.

 
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Les démarches d'analyse des politiques publiques * soulignent, quant à elles, la diversité des
modes d'action publique (politiques distributives, ^distributives, réglementaires, constitutives) et
définissent le management public comme management des politiques publiques, en mettant
l'accent sur la maîtrise des effets d'ordre social, économique, politique de ces actions, qui vont
bien au-delà de la simple fourniture de prestations ; en ce sens, le management public est
différent du management privé qui se limiterait essentiellement à appréhender ce dernier aspect.
De ces différents travaux, il ressort que le gouvernement de telle ou telle organisation publique
présente des traits bien distincts de ceux que l'on rencontre dans la gestion d'une entreprise
privée.
Mais si l'on reprend chacun de ces critères, il en ressort également une très grande diversité de
situations au sein même du secteur public ; la demande de management porte sur des
démarches "sur mesure" et non pas sur des systèmes "prêts-à-porter" ; il convient donc
d'accorder une importance essentielle à la phase de diagnostic de chaque situation spécifique
avant d'élaborer actions de changement et systèmes de management adaptés aux
caractéristiques propres de l'organisation considérée et de sa situation. A cet égard, la prise en
compte des critères que nous venons d'évoquer peut déjà fournir de premiers éléments
d'analyse, évitant ainsi de préconiser des transpositions trop hâtives de démarches d'une entité à
une autre.

Les méthodes de contrôle de gestion dans le secteur public


L'offre de contrôle de gestion porte sur un nombre limité d'outils, de concepts et de démarches :
la comptabilité analytique, budgétaire, les tableaux de bord... Mais ces outils généraux ont de
nombreuses variantes St ne prennent leur sens que lorsqu'ils sont conçus et adaptés à une
utlisation bien précise, dans un contexte donné.

L'analyse des coûts


Les méthodes d'analyse des coûts n'ont rien de spécifiquement public ou privé. Par contre, elles
se caractérisent par une grande diversité de finalités possibles amenant à classer l'information
comptable et économique selon un degré de détail, une périodicité d'élaboration et des
dimensions d'analyses très variées dans l'espace (produit, service, fonction, client, projet,
décision...) et dans le temps (passé ou futur, annuel ou pluriannuel).
Parmi ces finalités, on peut distinguer :
1 Cf. A. WILDAVSKY, Rescuing policy analysis front PPBS, Public Administration Review, 29
March-April 1969, et J.C. THOENIG, L'analyse des politiques publiques, Chap. 2 du volume IV du
Traité de Sciences Politiques, PUF, et aussi J.C. THOENIG, Le management public et les
exigences du réalisme, 1986.

 
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• La mesure du résultat comptable
Celle-ci nécessite la valorisation des en-cours, stocks de produits semi-finis et finis et la
valorisation des travaux faits par l'entreprise pour elle-même, donc la connaissance du coût de
production des produits et projets. A l'évidence, une telle question ne se pose pas dans la plupart
des organisations publiques.
• L'aide à la tarification et à la négociation
L'analyse des coûts des produits et prestations peut également être poursuivie afin de contribuer
à l'élaboration des politiques tarifaires ; ainsi, par exemple, l'établissement de comptes
d'exploitation par activité peut être conduit en liaison avec la révision de la politique tarifaire de
cette activité (par exemple, une municipalité estimant qu'une activité industrielle ou commerciale
à vocation à équilibrer ses comptes, et s'attachant en conséquence à accroître ses tarifs et à
réduire ses coûts).
De même, le remboursement par une partie externe des coûts encourus par l'organisation ou le
souci de mettre en valeur les prestations effectuées (exemple : travaux effectués par des ateliers
municipaux pour des associations) peut amener à en calculer le coût.
• L'aide à allocation des ressources et à l'établissement du budget
L'élaboration des budgets représente dans toute organisation un enjeu important ; de multiples
démarches d'analyse peuvent être utilisées dans cette élaboration.
Afin de mieux cerner à un niveau central l'utilisation qui est faite des moyens, on peut établir des
comptes d'exploitation, regrouper les coûts par activité, service, fonction, de façon à déceler les
priorités implicites, simuler différentes évolutions possibles, aider à la fixation de nouvelles
priorités. Pour cela, il s'agit d'abord de savoir "où va l'argent ?", d'où viennent les évolutions
constatées ?".
Afin d'associer plus étroitement les différents niveaux hiérarchiques à l'élaboration et au suivi des
budgets, on peut agir au niveau de la seule gestion des moyens (identification précise des
gestionnaires de crédit, suivi plus fin ou plus global, redéfinition de certaines responsabilités de
suivi...) ou de façon plus ambitieuse, en s'attachant à rapprocher moyens, résultats et objectifs,
par centre de responsabilité ou par projet.
Le raisonnement par centres de responsabilités est souvent présenté à partir d'un schéma-type
"idéal" d'organisation "décentralisée", dans laquelle chaque responsable d'unité :
- négocie objectifs, résultats, moyens,
- est responsable de la réalisation de ses objectifs et dispose au mieux de ses moyens pour cela,

 
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- est jugé a posteriori sur ses résultats,
- est incité à améliorer ceux-ci par un système de sanctions-récompenses cohérent avec les
objectifs poursuivis.
A ce titre , il repose sur diverses hypothèses :
- capacité à isoler les responsabilités en termes de résultats,
- capacité à rapprocher les coûts, des actions menées par un responsable ; ce qui peut, entre
autres, amener à utiliser des systèmes de cessions internes de
prestations entre services l.
Les vertus générales qu'il prête à la décentralisation demandent à être précisément spécifiiées :
quelles responsabilités déléguer ou ne pas déléguer ? Sa mise en place va donc généralement
de pair avec des redéfinitions de rôles respectifs de services centraux (exemple : achats,
personnel...) et de services prestataires au public.
P. GIBERT souligne les remises en cause qu'implique la mise en place de "véritables centres de
responsabilité" 2 :
- "reconnaissance d'une sphère d'autonomie du service subordonné" qui peut aller contre
certaines pratiques d'exercice du pouvoir hiérarchique,
- changement du mode de délégation traditionnel, axé sur les moyens, au profit d'un engagement
de résultats dans l'utilisation de moyens portant sur un ensemble de compétences permettant
d'obtenir ces résultats,
- question du lien ou de l'absence de lien existant entre le système de sanction- récompense et
les résultats de gestion.
L'utilisation d'une telle démarche de changement des règles du jeu budgétaire ne peut donc que
reposer sur une analyse de chaque situation spécifique 3 : ainsi, par exemple, on peut constater
que bon nombre d'organisations publiques ne sont pas en fait démunies de possibilités
d'incitations, au niveau des allocations budgétaires ou même parfois des rémunérations ou
avantages annexes, pour sanctionner des résultats de gestion.
* Nous aborderons ce point plus loin.
2 Cf. P. GIBERT, op. cit. p. 102 et Ph. HUSSENOT, op. cit. p. 57 à 61.
3 Et des questions analogues se posent dans le secteur privé : l'analyse des pratiques
budgétaires dans de grandes "bureaucraties privées" (assurance, banque par exemple) montre
l'existence d'analogies avec les pratiques du secteur public ; la notion de centre de responsabilité
dans la pleine acception du terme (cf. plus haut) n'y est pas toujours très répandue.

 
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Plus généralement, l'examen des évolutions pratiques des démarches budgétaires dans
différentes organisations publiques 1 montre bien l'intérêt manifesté pour le recours à ces
notions. Ainsi, certaines villes élaborent et suivent leurs budgets par centre de responsabilité et
fonction, en faisant apparaître la contribution apportée au budget de chacun de ces centres par
un pool de ressources financières globales.
L'exemple des budgets de service des hôpitaux est également très caractéiristique de cette
démarche : création de centres de responsabilité découpés eux-mêmes en unités d'activité ayant
leurs unités d'oeuvre, mise en place parallèlement de mesures d'activité qui seront complétées
avec la mise en oeuvre des PMSI (Programmes de Médicalisation des Systèmes d'Information),
et de procédures permettant les virements de crédits, souci de modifier les comportements, en
particulier par la diffusion de l'information sur les coûts et l'activité des services...
En matière de gestion budgétaire, on peut constater qu'il existe de nombreux écarts entre les
pratiques et le schéma supposé idéal de la gestion budgétaire décentralisée par centres de
responsabilité ; il n'en reste pas moins que les démarches budgétaires évoluent de façon
pragmatique. De tels changements impliquent que l'on mène de pair :
- évolution dans la répartition des responsabilités,
- évolution des systèmes d'incitation pour favoriser les changements envisagés,
- mise en place de systèmes de connaissance des coûts par centre d'activité, fonction...,
- mise en place de systèmes de suivi des réalisations effectuées (cf. tableaux de bord),
en s'attachant à faciliter une meilleure adaptation des coûts à l'activité et un recentrage de
l'activité sur les priorités de l'organisation.
Ces démarches de changement sont conduites en tenant compte des caractéristiques et
contraintes propres à chaque organisation (par exemple, les possibilités de transferts de crédits
d'une ligne à une autre, de reports, le souci d'éclairer plus ou moins tel ou tel aspect de la
gestion...).
• L'aide au suivi budgétaire et à la maîtrise des coûts
Le corollaire d'un système d'élaboration budgétaire est l'organisation d'un système cohérent de
suivi des réalisations.
1 Cf. par exemple, l'enquête de Ph. HUSSENOT et E. HACHMANIAN, Les contrôleurs de gestion
des organisations publiques. Institut de Management Public-FNEGE, 1985.

 
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La comptabilité publique permet d'assurer une partie de ce suivi à l'aide de la comptabilité
d'engagement. Cette dernière n'est pas particulièrement spécifique au secteur public, et est
également utilisée dans le secteur privé pour assurer certains suivis (de projets, de certaines
lignes budgétaires).
Dans le cadre d'une gestion par centre de responsabilité, elle peut être affinée au niveau de
chaque centre et complétée par des imputations internes s(comptabilisation de la paye, cessions
internes) pour fournir un outil de maîtrise des coûts.
Indépendamment ou dans le cadre de la gestion budgétaire, d'autres outils de maîtrise des coûts
sont développés :
Systèmes de mesure des cessions internes ; lorsqu'un centre fournit des prestations à différents
utilisateurs (exemple : les ateliers municipaux), il peut
être intéressant de mesurer ces prestations 1 soit de façon occasionnelle pour en faire un bilan
(qui sont les destinataires ? Est-ce prioritaire ? Quel est le coût des prestations ? Est-ce
compétitif ? Quelle est la charge des différentes catégories d'intervenants ? Les moyens sont-ils
adaptés ?...), soit de façon plus systématique (régulation par la facturation).
Dans une perspective de réduction ou de redéploiement des moyens de différents services, des
analyses fines des tâches effectuées, des temps et des coûts consacrés à ces tâches peuvent
être utiles ; c'est à cette finalité que s'adressent essentiellement les méthodes de type BBZ,
analyse de la valeur des frais généraux... ; elles le font dans une perspective très analytique qui
privilégie la suppression de tâches jugées inutiles, ou l'informatisation de certaines tâches et qui
appréhende plus difficilement les interactions existant entre les différentes activités.
Pour certaines activités, des comptabilités analytiques locales peuvent être construites de façon
plus ou moins développée pour suivre les coûts (exemples : consommation, entretien des
véhicules), aider à certaines décisions (exemples : politique de remplacement de véhicules, choix
de la marque).
• Le diagnostic des coûts
Pour effectuer un diagnostic des coûts, une solution possible est de recourir à des
comparaisons ; ces comparaisons peuvent être menées vis-à-vis d'organismes extérieurs ou
entre entités comparables d'une même organisation (exemples : coût des repas dans les
cantines scolaires, coût des crèches familiales et des crèches traditionnelles, coûts d'activités
utilisant des locaux loués ou des locaux construits...).
Soit par leurs coûts, ou plus simplement par une mesure des temps passés (comptabilité des
heures).

 
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Ces analyses peuvent être menées à bien par une collecte spéciale d'information ou par la mise
en place d'une comptabilité analytique qui garantira une plus grande rigueur dans la collecte de
l'information. Cette dernière peut aussi avoir un coût de mise en place non négligeable et ne
justifiera son existence, en plus de la comptabilité budgétaire destinée à suivre les coûts
globalement par centre, que si son intérêt est suffisamment prouvé tant pour le diagnostic des
coûts, que pour d'autres finalités : tarifications, suivi fin des coûts (gestion de projets, par
exemple).
• L'aide à la prise de décision
C'est une autre utilisation de l'analyse des coûts ; elle nécessite de raisonner sur des coûts
futurs, différentiels ; l'existence d'une comptabilité analytique peut contribuer à faciliter ces
évaluations en fournissant des éléments qui aideront à chiffrer les solutions envisagées ; mais le
calcul économique d'aide à la décision nécessite que l'on apprécie l'ensemble des changements
liés à cette décision. Dans l'idéal, il s'appuie sur une modélisation des coûts, dont l'analyse en
coûts fixes-coûts variables est un exemple simple.
Les domaines d'application de ces méthodes sont multiples :
raisonnement en coût global (investissement et fonctionnement) lors de la réalisation d'un
équipement,
- décision de faire ou faire faire,
- décision de remplacement de matériel, évaluation d'actions d'amélioration
Ainsi, pour inciter les collaborateurs de l'organisation à proposer des solutions permettant de
réduire les coûts, d'améliorer la qualité de service, il peut être utile, par exemple en lien avec la
procédure budgétaire, de prévoir un chiffrage des moyens nécessaires et des résultats attendus
de l'action proposée.
• L'aide à la planification
L'analyse des coûts peut là aussi contribuer à une meilleure planification : certaines actions sont
pluriannuelles (projets) ou ont des conséquences pluriannuelles (coûts de fonctionnement induits
par la réalisation d'un équipement). Leur appréciation correcte est un élément important d'une
planification financière à moyen terme.

 
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L'analyse des coûts offre donc toute une gamme d'outils qui ne se limite pas à la seule
comptabilité analytique des prix de revient. Certains auteurs ont décelé une
tendance à mettre l'accent trop exclusivement sur celle-ci dans le secteur public 1; notons qu'un
débat, qui n'est pas sans analogie avec celui-ci, existe à l'heure
actuelle dans le secteur privé, où différents auteurs2 reprochent à la comptabilité analytique
traditionnelle de servir trop exclusivement le reporting financier (mesure du résultat comptable)
aux dépens des finalités d'aide à la prise de décision et de suivi des performances des
responsables, d'être trop orientée sur le passé et insuffisamment sur le futur.
La question qui se pose est donc de choisir en fonction d'un diagnostic de l'organisation la ou les
méthodes qui apparaissent prioritaires dans chaque situation spécifique ; en fonction des
problèmes qui auront été identifiés, il s'agit de choisir des outils adéquats techniquement
(solution adaptée au problème), économiquement (rapport coût/avantages) et politiquement
(volonté et capacité
de résoudre le problème posé)3.

Les tableaux de bord


L'analyse des coûts n'est qu'un des aspects du contrôle de gestion ; celui-ci vise essentiellement
à faciliter la réalisation des objectifs de l'organisation et s'attache pour cela à développer des
indicateurs de gestion permettant de suivre les réalisations effectuées et pas seulement les
moyens utilisés.
L'utilisation d'indicateurs de gestion sous forme de tableaux de bord est extrêmement répandue,
tant dans le secteur public que dans le secteur privé4.
Là aussi, la mise en place de ces indicateurs répond à plusieurs finalités :
1 Cf. P. GIBERT, op.cit. p. 114.
2 Cf. en particulier, H. JOHNSON, R. KAPLAN, Relevance Lost, The Rise and F ail of
Management Accounting, Harvard Business School Press, 1987.
3 Cf. par exemple, A. HATCHUEL, J.C. MOISDON, H. MOLET, Les coûts par type de malade :
les enjeux organisationnels d'un nouvel outil de la gestion hospitalière, Colloque AFCET, 1984.
4 Pour des exemples, cf. F. ENGEL, P. GARNIER, Le contrôle de gestion en univers
administratif, Politiques et Management Public, n° 1 Hiver 93, ou D. MEURET, Le tableau de
bord des collèges et des lycées : histoire d'un ajustement, Politiques et Management Public, n° 1
Mars 86.
 
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- Maîtrise des coûts
Constater des coûts n'est pas suffisant, si l'on ne sait pas remonter aux facteurs qui sont à
l'origine de ces coûts ; en ce sens, effectuer un suivi d'indicateurs physiques présente de
multiples avantages : il est clair pour les responsables opérationnels, peut être produit
rapidement (il n'est pas lié à la périodicité de production des documents comptables) ; il peut faire
apparaître les causes des coûts.
Exemples : - suivi en quantités physiques des consommations d'énergie, - suivi des temps
productif/improductifs
- Suivi de l'activité réalisée
II permet de déceler les évolutions de la demande (exemple : fréquentation des équipements) et,
en le reliant avep le suivi des moyens, de s'assurer de l'adaptation des moyens à l'activité, de
suivre la productivité, de rechercher une meilleure utilisation des moyens sous-utilisés ; ce suivi
peut être complété d'indicateurs de qualité des prestations effectuées (délais de réponse,
erreurs...).
- Coordination entre services
Une bonne part des gisements de productivité dans les organisations existe aux interfaces entre
les services ; une mauvaise coordination crée des dérives de coût ; des systèmes de circulation
horizontale de l'information peuvent contribuer à réduire ces dysfonctionnements.
Exemples : - ajustement des prévisions de trésorerie entre gestionnaire de projet et service
financier,
- ajustement quantités produites ou achetées/quantités consommées.
- Comparaisons entre centres
Dans certains cas, les tableaux de bord peuvent servir à établir des comparaisons entre centres
ayant des activités analogues. Cela implique une normalisation de la définition des indicateurs
qui peut être contradictoire avec la volonté de faire des tableaux de bord des outils de gestion de
chaque responsable de centre, lui fournissant des indicateurs adaptés aux spécificités de son
activité propre.

 
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- Mesure des performances
Le suivi de la réalisation des objectifs est habituellement la finalité principale que l'on donne aux
tableaux de bord. Nous avons déjà évoqué les difficultés rencontrées par les démarches de
finalisation de la gestion, en particulier dans le secteur public : vouloir établir un système complet,
stable et cohérent de mesure d'une réalité complexe, mouvante et ambiguë, voire contradictoire,
apparaît comme la quête de l'impossible, si l'on pose le problème en ces termes. D'une façon
plus pragmatique, nous constatons que de nombreuses organisations, qu'elles soient publiques
ou privées, ont su se définir des stratégies, des projets, des domaines d'action prioritaire et que
les tableaux de bord permettent abrs d'assurer un suivi de ces éléments prioritaires (exemple :
qualité de service). Par ailleurs, en sens inverse, le fait même de définir des indicateurs sur des
éléments jugés importants peut à son tour contribuer à une meilleure finalisation de la gestion.
- Mesure des impacts des politiques suivies
Le souci d'appréhender les impacts externes des actions conduites sous forme d'évaluation de
politiques est souvent présenté comme une des caractéristiques du management public. De
telles évaluations peuvent être conduites soit a priori
dans la phase de choix des politiques1, soit en cours de programme pour en suivre l'exécution,
aider les responsables à en améliorer la gestion, soit a posteriori pour rendre compte des
résultats, remettre en cause la politique, enrichir les
connaissances sur les effets des actions menées2.
Ce dernier type d'évaluation adopte une perspective globale, met l'accent sur les impacts d'ordre
social, économique et politique des actions menées ; il s'attache à comprendre ce qui s'est passé
et ce qui se serait passé sans le programme considéré, à découvrir les effets inattendus de la
politique menée ; les objectifs poursuivis par les différents acteurs sont plutôt des objets de
recherche, que des éléments donnés a priori.
En ce sens, les évaluations sont plutôt complémentaires des démarches de
contrôle de gestion que parties prenantes à celles-ci 3. Par contre, la démarche d'évaluation en
cours de programme pour en améliorer la gestion et l'efficacité n'est pas sans analogie avec les
démarches de contrôle stratégique qui viennent enrichir le contrôle de gestion dans différentes
entreprises : souci de ne pas suivre seulement la gestion des centres de responsabilité, mais
aussi de projets stratégiques ou de processus concernant plusieurs unités ; souci d'élargir
L'analyse des coûts des alternatives envisagées en est alors une des composantes.
Cf. E. CHELIMSKY, L'évaluation de programmes aux Etats-Unis, Politiques et Management
Public n° 2, Juin 1985.
Cf. P. GIBERT, M. ANDRAULT, Contrôler la gestion ou évaluer les politiques , Politiques et
Management Public, n° 2, Printemps 1984.

 
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l'information suivie en ne la limitant pas à des éléments internes à l'organisaton, et en incluant de
multiples informations externes (sur la concurrence, la demande...) ; souci de ne pas se limiter à
un suivi comptable et financier et de mettre l'accent sur l'impact des actions menées, sur
l'analyse des facteurs à l'origine des coûts et des performances passées et futures.

Conclusion
Le secteur public a ses spécificités, comme chaque secteur d'activité a les siennes
propres (exemple : la banque), et chaque organisation également (exemple : banque universelle
ou spécialisée sur certains produits). Le secteur public présente aussi une très grande diversité
qui rend illusoire de vouloir imaginer un modèle de contrôle de gestion "clé en main" du secteur
public (comme le PPBS, par exemple) ; si chacun a à gagner de la connaissance des démarches
conduites dans d'autres organisations, il ne s'agit pas de transposer purement et simplement d'un
endroit à un autre les solutions adoptées ; s'il y a d'un côté des solutions à la recherche de
problèmes, et de l'autre des problèmes à la recherche de solution, il est clair que le succès ne
peut venir que de la rencontre d'une solution adoptée au problème posé, de la construction sur
mesure de cette solution.
La question-clé est celle du diagnostic. Celui-ci repose sur une analyse du fonctionnement
concret de l'organisation, de ses problèmes, priorités et contraintes, de ses projets de
changement, de sa volonté de clarifer et de rationaliser tel ou tel aspect (ou l'ensemble) de sa
gestion, de sa capacité à réunir les appuis suffisants pour mener à bien un tel projet. Il repose
également sur le choix et la construction d'outils adaptés aux problèmes posés ; il n'y a pas
d'outil à tout faire ; une réflexion sur l'utilisation attendue des outils et démarches que l'on
envisage de mettre en oeuvre1 s'impose pour éviter la situation bien connue : pléthore de
données inutiles, absence d'information pertinente.
Une approche aussi pragmatique du contrôle de gestion peut sembler bien modeste aux esprits
cartésiens épris de grands schémas cohérents ; elle nous semble simplement réaliste et amène à
considérer le contrôle de gestion comme un des moyens du changement de l'organisation vers
un management plus efficace, que celui-ci s'exprime sous forme d'un projet global de
management ou progresse empiriquement par petits pas.
En termes de formation au contrôle de gestion dans le secteur public, il s'ensuit que les actions
menées doivent être suffisamment ouvertes, orientées sur l'acquisition et la mise en oeuvre de
cadres d'analyse et non de recettes.
Une formation qui soit un véritable investissement en management public doit comporter :
Même si l'on sait qu'une telle tâche sera difficile à réaliser complètement : des utilisateurs ou
difficultés intattenducs apparaîtront souvent.

 
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un apport de techniques, de concepts, de méthodologies portant sur le domaine étudié (ici, le
contrôle de gestion) ; cet apport sera d'autant plus riche qu'il ne se limitera pas au seul secteur
public (exemple : formation au raisonnement et aux méthodes comptables et pas seulement aux
règles de la comptabilité publique),
un recours à des études de cas permettant non pas de résoudre des problèmes pratiques, mais
bien plutôt de clarifier les concepts présentés, de préciser l'utilisation faite de telle ou telle
technique à partir d'une description forcément simplifiée d'une situation,
un travail de projet permettant d'exercer dans une situation concrète, une démarche de
diagnostic de celle-ci, de construction sur mesure de solutions adaptées au problème qui aura
été identifié.

EL Gadi A. (2006), «Audit des performances et contrôle de gestion


dans le secteur public», Rabat net Maroc

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