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Fiche pratique

PLantes mellifères
Fiche identité
Le gui Le gui
Nom scientifique :
Viscum album L.
Le gui est une plante familière, traditionnellement Famille : Santalaceae.
utilisée pour décorer les habitations autour du Nouvel Floraison : mars-avril.

An. C’est pourtant une plante fort intrigante dont la Nectar : 2.


Pollen : 2.
biologie très particulière est souvent méconnue, et qui
possède en outre un intérêt mellifère certain.
Port et sont assez épaisses et d’une couleur
© Christian-T. JOHANSSON (www.flickr.com).

cycle de vie vert-jaunâtre (fig. 2). Dépourvues de pé-


tioles (on les qualifie de sessiles), elles
Le gui est un
sont opposées par paires à l’extrémité
arbrisseau vivace
des rameaux. Elles persistent environ
à feuillage persis-
18 mois sur la plante : le gui est donc
tant.
toujours vert, ce qui le rend particulière-
Epiphyte mais
ment visible en hiver après la chute des
dépourvu de ra-
feuilles de son arbre-hôte (fig. 1).
cines et implanté
par sa base dans Fleurs
les tissus des Le gui est une plante dioïque, c’est-
branches de à-dire que les fleurs mâles et femelles
son arbre-hôte sont portées sur des plantes séparées.
où il émet des Elles sont discrètes et de taille réduite
suçoirs, il prend (fig. 3). Les fleurs mâles (fig. 3, à gauche),
en quelques an- en petits groupes à l’aisselle des feuilles,
nées un port en sont constituées de 4 petits lobes trian-
boule caractéris- gulaires jaunes, à chacun desquels est
tique, pouvant soudée une étamine très particulière,
atteindre voire car dépourvue de filet et réduite à une
dépasser 1 mètre anthère aplatie libérant ses grains de
Figure 1 : en hiver, ce peuplier révèle les nombreuses boules de gui de diamètre
qui parasitent ses branches. pollen par de nombreux petits trous à
(fig. 1). sa surface. Les fleurs femelles (fig. 3, à
Appareil végétatif droite), groupées par 3, sont réduites
Place dans la classification
Le gui a récemment été classé dans Les tiges cylindriques, trapues mais as-
© Xevi V (www.flickr.com).

la famille botanique des Santalaceae. sez cassantes, sont d’un vert tirant sou-
Cette famille est très originale car vent sur le jaune. Elles sont ramifiées
l’ensemble de ses représentants sont de manière dichotomique (fig. 2). En
parasites d’autres plantes, grâce à des effet, le bourgeon terminal à l’extrémité
suçoirs racinaires et/ou aériens implan- des pousses de l’année se transforme
tés dans leur hôte (voir encadré). Les en bourgeon floral ; comme souvent
Santalaceae sont surtout diversifiées chez les plantes à fleurs cela provoque
sous les tropiques. En France, la famille l’arrêt de sa croissance, qui est relayée
n’est représentée que par quelques à la belle saison suivante par le déve-
espèces, comme le gui nain des gené- loppement de deux (parfois quatre)
vriers (Arceuthobium oxycedri) ou le bourgeons latéraux. Chaque année, de
rouvet (Osyris alba), parasite racinaire nouvelles bifurcations s’ajoutent aux
fréquent dans les garrigues méditer- précédentes, ce qui accentue le port
ranéennes. Le santal (Santalum sp.), en boule de la plante. Pour connaître
arbuste tropical apprécié pour son bois l’âge d’un rameau de gui, il suffit donc
parfumé, appartient également à la fa- de compter le nombre d’articles qu’il
mille ; il parasite les racines des plantes comporte de sa base à son extrémité. Figure 2 : détail d’un rameau feuillé de
de son entourage grâce à des suçoirs Les feuilles entières, oblongues et pro- gui en hiver, portant de nombreuses baies
blanches.
souterrains. gressivement atténuées vers leur base,

Abeilles & Fleurs N° 745 - Janvier 2013 27


PlanteS mellifères
Le gui
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graine, très particulière car d’emblée toujours de feuillus, bien qu’une sous-
chlorophyllienne et contenant souvent espèce méridionale semble préférer
2 embryons. Elle est entourée d’une les conifères. Il est très fréquent sur le
substance visqueuse et collante : la pommier, l’amandier, l’aubépine, les
viscine. C’est elle qui forme de longs peupliers, les tilleuls et les saules. On le
filaments gluants lorsqu’on écrase une rencontre plus rarement sur le poirier, le
baie de gui entre les doigts. Cette vis- noisetier, les frênes et les noyers. C’est
cine joue un rôle essentiel dans le cycle certainement la particulière rareté du
Figure 3 : détail des fleurs du gui ; à gauche de vie du gui (voir encadré). gui sur les chênes qui le rendait si pré-
un groupe de 2 fleurs mâles ; à droite, un cieux pour les druides gaulois…
groupe de 3 fleurs femelles. Floraison
Les fleurs très discrètes du gui s’épa- Intérêt apicole
à un ovaire globuleux surmonté de nouissent précocement de la fin de l’hi- Les fleurs mâles et femelles du gui pro-
quatre lobes triangulaires jaune-ver- ver au début du printemps, en général duisent du nectar en quantité relative-
dâtre. Les fleurs mâles comme femelles de fin février à avril. ment modérée, ainsi qu’un pollen assez
produisent du nectar qui attire les in- abondant au niveau des fleurs mâles
sectes pollinisateurs, dont les abeilles. Milieux et répartition seulement. Du fait de leur floraison très
Le gui est une plante commune, pou- précoce, ils constituent une source de
Fruits vant être rencontrée sur l’ensemble du nourriture utile à la colonie pour prépa-
Après pollinisation des fleurs femelles, territoire. Du fait de son mode de vie rer la reprise du couvain, et ce d’autant
l’ovaire évolue en deux ans en une parasite dépendant d’une plante hôte, plus que les floraisons mellifères sont
baie globuleuse charnue, d’un blanc il n’a pas réellement de préférences encore bien rares à cette époque de
opalescent, montrant à son extrémité écologiques propres. l’année. n
5 petites cicatrices brunes, traces des Le gui présente une faible spécificité Thomas Silberfeld
4 lobes du périanthe et du stigmate d’hôte, et peut parasiter de nombreuses Enseignant en biologie végétale et
(fig. 2). Le fruit contient une unique espèces d’arbres. Il s’agit presque écologie à l’Université Montpellier 2

Le gui, un étrange parasite au cycle original


daires. Ces suçoirs permettent au gui de
© ComputerHotLine (www.flickr.com).

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prélever dans les tissus conducteurs de


son hôte une partie de l’eau et des sels
minéraux que ce dernier absorbe dans
le sol grâce à ses racines. Le gui étant
par ailleurs toujours capable de produire
sa propre matière organique grâce à la
photosynthèse qu’il réalise au niveau
de ses feuilles, il est traditionnellement
considéré comme hémiparasite… même
si l’on montre qu’il prélève aussi une par-
Figure 4 : détail de la base d’un pied tie des produits de la photosynthèse de Figure 5 : une graine de gui encore fixée
de gui implanté dans une branche de son hôte, et qu’il présente par ailleurs à une branche par son enveloppe de
pommier. Noter la formation de rejets viscine ; deux plantules sont en train de se
grâce aux cordons latéraux sous l’écorce.
une réduction de l’efficacité de sa propre recourber vers la branche.
photosynthèse.
L’originalité du gui se révèle dès l’ob- Pour toute espèce parasite dépendant digestif de la grive, l’enveloppe la plus
servation de son port : c’est en effet d’un hôte pour sa survie, l’étape de dis- externe du fruit est digérée, mais pas la
l’une des rares plantes épiphytes de sémination est cruciale ; en rapport avec graine ni l’enveloppe de viscine… qui
la flore de France métropolitaine. On cela, toute espèce parasite présente des sont rejetées à distance avec les fientes
chercherait en vain ses racines, car il adaptations visant à augmenter la proba- de l’oiseau. Les graines tombent alors
n’en possède pas ! La base de la tige bilité de rencontre de nouveaux hôtes. sur les branches d’un nouvel arbre, où
du gui semble directement fichée dans Chez le gui, ces adaptations se mani- elles se fixent grâce à leur enveloppe
la branche de son arbre hôte (fig. 4). festent au niveau du fruit et de la graine. de viscine collante. Quelques semaines
Une coupe de la branche à ce niveau Les fruits arrivent à maturité en hiver et plus tard, une (parfois deux) plantule
nous révèle que le gui produit des sont très appréciés de nombreuses es- verte émerge (fig. 5) ; elle se recourbe
suçoirs qui s’enfoncent verticalement pèces de passereaux ; en particulier la vers la surface de la branche, où elle
dans le bois de son hôte. Il est égale- grive draine (Turdus viscivorus), qui en forme bientôt un disque de fixation.
ment capable de former des cordons raffole tant que son nom scientifique en Ce dernier ne tardera pas ensuite à
latéraux qui s’insinuent entre l’écorce et dérive (viscivorus = « mangeuse de gui » émettre un premier suçoir dans le bois
le bois, capables de générer à distance en latin !). Cette dernière consomme de de son hôte : un nouveau pied de gui
des rejets ainsi que des suçoirs secon- nombreuses baies de gui. Dans le tube parasite est né !

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