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Cabinet de réflexion

symbole de la franc-maçonnerie

Le cabinet de réflexion ou selon certains


rites, la chambre de réflexion ou encore
cabinet de méditation est en franc-
maçonnerie le nom donné au lieu où se
déroule une partie du processus
d'initiation. Il est utilisé lors d'une épreuve
d'isolement durant laquelle le récipiendaire
est invité à effectuer une certaine
introspection. Celle-ci est favorisée par la
présence d'objets symboliques et de
sentences évocatrices qui peuvent se
différencier légèrement selon les rites.
Cette phase d'isolement, commence
généralement le rituel initiatique qu'un
profane vit lorsqu'il entre dans un parcours
maçonnique.

Symboles présents dans le cabinet de réflexion de


certains rites
Origines
L'isolement est une pratique séculaire des
rituels initiatiques. Les tribus mandingues
envoient par exemple le jeune
récipiendaire s'isoler dans la forêt afin
d'affronter le kankurang[1]. Le cabinet de
réflexion est perçu par certains historiens
comme l'héritage des traditions
alchimiques et traités ésotériques[n 1],[2].
L'affirmation repose en outre sur le
dépouillement des métaux proposé au
candidat maçon et relevant de la
transmutation alchimique mais aussi sur
les trois principes hermétiques disposés
dans le lieu : le sel, le soufre et le mercure.
L'influence aurait donné naissance, en
1750, au « rituel alchimique secret du
grade de vrai franc-maçon académicien »
créé par Antoine-Joseph Pernety
fondateur de la loge Illuminés d'Avignon[3].
Ce rituel comprenait toutes les évocations
aujourd'hui présentes dans le cabinet de
réflexion. Enfin, la chambre de méditation
a été considérée par certains auteurs et
psychanalystes comme la forme moderne
et adaptée à nos mœurs de l'antique
cabane initiatique[4]

Au niveau des origines symboliques,


l'écrivain et philosophe français Daniel
Béresniak effectue lui un parallèle entre le
labyrinthe mythologique crétois du
Minotaure construit par Dédale et le
cabinet de réflexion[4]. L'écrivain Oswald
Wirth joua un rôle significatif dans la
compréhension du symbolisme
maçonnique et perpétra, par plusieurs
ouvrages, l'idée d'une origine alchimique[5].

Description
Le cabinet de réflexion ne se situe
généralement pas dans l'enceinte du
temple maçonnique, mais en est
séparé[n 2]. Il se présente comme une
petite pièce peinte ou revêtue de noir, sans
fenêtre et meublée d'un tabouret et d'une
table. Dans le cabinet de réflexion, le
candidat est invité à méditer longuement
et à écrire son testament philosophique
attestant de sa volonté de changer en lui
l'être rempli de préjugés et de passions
mauvaises[6]. Au cours de l'initiation
maçonnique, le cabinet de réflexion
constitue la seule épreuve durant laquelle
le néophyte est isolé.

Les murs peuvent arborer la formule


alchimique et maçonnique : V.I.T.R.I.O.L.
(dans les rites de souche écossaise) ou
V.I.T.R.I.O.L.U.M. signifiant : « Visita
Interiora Terrae Rectificandoque Invenies
Occultum Lapidem (Veram Medicinam) »,
soit traduit littéralement « Visite l'intérieur
de la terre et en rectifiant tu trouveras la
pierre cachée (médecine de vérité) ».
L'ethnologue et historien français Jean
Servier traduit la locution latine par :
« Descends dans les entrailles de la terre,
en distillant tu trouveras la pierre de
l’œuvre ». Il s'agit pour le candidat maçon
de lire ou d'épeler cette formule invitant à
l’introspection[7]. L'acronyme pouvant en
effet être considéré comme l'équivalent du
« Connais-toi toi-même et tu connaîtras
l'univers et les dieux » qui figurait au
fronton du temple d'Apollon à Delphes, qui
fut repris par Socrate et utilisée par Platon
dans le Charmide[8]. L'acronyme est
entouré de symboles évocateurs de la
condition humaine comme un crâne ou du
pain moisi, d'autres qui se réfèrent à la
morale alchimique comme le sel, le soufre
ou un coq représentant le mercure ou la
persévérance. Diverses sentences peuvent
figurer sur les murs, comme : «  Si la
curiosité t'a conduit ici, va-t'en. - Si ton âme
ressent l'effroi, ne va pas plus loin ! ».

Symboles
Un certain nombre de symboles
évocateurs, d'images archétypales figurent
dans le cabinet de réflexion. Ils peuvent
être présents physiquement ou
représentés sur une affiche murale, voir
peints ou gravés à même les murs.

Crâne humain …

Pieter Claeszoon 1628

Le crâne humain évoque la mort physique.


Dans la peinture de l'époque baroque, la
nature morte associée à la présence d'un
crâne servait à illustrer la vanité (défaut
d'une personne qui a une trop haute
opinion d'elle-même). Le crâne agissait
ainsi comme un rappel à la fatalité que
constitue la mort et comme un appel à
l'humilité. Dans les légendes européennes
et asiatiques, le crâne humain est un
homologue de la voûte céleste[9]. Dans le
cabinet de réflexion, il rappelle le thème
alchimique de la putréfaction.

Miroir …

Dans certains rites un miroir peut être


placé sur la table du cabinet de réflexion,
selon Harvey, il signifie la recherche de la
connaissance de soi ainsi que
l'introspection[10]. Dans l'Antiquité, le miroir
(speculum) était destiné à l'observation du
ciel.

Sablier …

Le sablier symbolise le temps. Induisant le


sens de l'écoulement du temps, le sablier
rappelle une réalité essentielle : la durée
limitée de l'existence terrestre. Le sablier
est ainsi associé aux cycles immuables
que sont la naissance et la mort et aux
notions de vieillissement, de fatalité et
d’irréversibilité[11]. Les deux parties du
sablier peuvent être assimilées au ciel et à
la terre[12].
Faux …

Représentation de la Faucheuse comme l'une des


allégories de la mort.

Instrument agricole et symbole de la Mort,


dessinée parfois derrière le sablier dans le
cabinet de réflexion, la faux recoupe la
parabole de la moisson et évoque le grain
qui meurt pour donner la vie[13]. Dans la
mythologie de l'Antiquité c'est Cronos qui
est représenté tenant la faux et le sablier.
Au Moyen Âge, lors des ravages de la
peste noire apparaît une représentation
anthropomorphisée de la mort, nommée
"La Grande Faucheuse". Celle-ci tuerait
sans distinction de classe les malades
d'un coup de faux[14]. Saturne, ancien dieu
romain de l'agriculture et du temps, armé
d'une faux[15], prend d'un côté (temps,
mort, épidémies...) et rend de l'autre
(moisson, été, abondance) sans
distinction également. La faux pourrait
donc comprendre une notion d'égalité.

Coq …
Le coq est identifié au soleil dans les
mythologies de l'Inde et des tribus Pueblo
amérindiennes[8]. Dans les croyances
zoroastriennes, il est le symbole de la
protection du bien contre le mal[16]. Les
anciennes croyances rapportent que les
esprits maléfiques, actifs la nuit, étaient
chassés par le chant du coq avant l'aube :
« L'oiseau de l'aube chante toute la nuit ; et
alors, dit-on, aucun esprit n'ose s'aventurer
au dehors. » (Hamlet, Acte I, sc.1). Le coq
représente également le mercure, au sens
alchimique du terme[17].

Pain …
Associé au blé, le pain évoque la vie et
combiné au levain il symbolise la
transformation spirituelle du
récipiendaire[18]. Il peut également être
associé à la peine et au travail, comme
l'évoque le Livre de la Genèse (III-19)
« C'est à la sueur de ton front que tu
mangeras du pain jusqu'à ton retour au sol
car de lui tu as été pris ». Ce passage peut-
être mis en lien avec la première phase de
l'initiation, la mort symbolique, le retour au
sol. Le pain comprend également les
quatre éléments de base de l'alchimie : la
terre (farine et four), l'eau (liquide), l'air
(fermentation du levain) et le feu
(cuisson)[19].
Eau …

L'eau est l'élément sans lequel la vie n'est


possible, c'est d'ailleurs le symbole de
toute source de vie chez les Égyptiens. Sa
présence est dans la mythologie greco-
romaine notoire : le Styx, fleuve dont les
eaux glacées symbolisent le passage de la
vie à la mort avec son inquiétant passeur
Caron[20]. Dans la tradition Judéo-
Chrétienne, l’eau symbolise la purification,
le renouveau.

Sel, soufre et mercure …


Représentation alchimique par Stolz von Stolzenberg
en 1624

Sur la petite table ou le néophyte écrit son


testament philosophique, se trouvent trois
récipients contenant les trois éléments de
base de toute transmutation : soufre, sel et
mercure[17]. Le mercure était pour les
orfèvres un produit noble qui permettait de
purifier l’or et l’argent en les débarrassant
de toutes les « impuretés » métalliques. En
alchimie, le sel, le soufre et le mercure
désignent les trois principes fondateurs de
toutes choses[21].

Pratique
Le cabinet de réflexion possède diverses
appellations et formes de pratique selon
les rites[22]. Au Rite français moderne, le
lieu est nommé « chambre de réflexions ».
Dans le Rite forestier, le postulant, appelé
« Guêpier » ou « Briquet », est enfermé
dans une « Cabane »[4]. Selon le Rite
émulation, le candidat se recueille seul
dans un local contigu à la loge appelé
« cabinet de méditation » ou « chambre de
réflexion »[23]. Enfin, au Rite écossais
ancien et accepté, le cabinet de réflexion
n’apparaît pas lors des initiations sauf en
France, en Belgique, en Grèce et dans les
pays africains qui ont importé le REAA de
la Grande Loge de France[24].

En littérature
Tolstoï, dans son roman Guerre et Paix,
décrit un cabinet de réflexion en
présentant l'initiation de Pierre
Bezoukov.
Dans le roman Le Symbole perdu, Dan
Brown parle d'un cabinet de réflexion
aux sous-sols du Capitole où se situent
les indices pour la suite du roman.
Notes et références

Notes …

1. Faisant partie de traditions


ésotériques et comprenant un aspect
hermétique, retracer précisément
l'évolution du cabinet de réflexion est
impossible. Seuls quelques écrits
nous rapportent des rituels associés à
une initiation comprenant un
isolement.
2. Au Rite émulation, la chambre de
réflexion est un local contigu à la loge.
(voir le chapitre "Pratique")

Références …
1. « Le Kankurang ou rite d'initiation en
société mandingue » (consulté le
24 décembre 2014).
2. Bernard Joly, Bibliographie de
l'alchimie, 1996, 354 p..
3. Oswald Wirth, Le symbolisme
hermétique dans ses rapports avec
l'alchimie et la Franc-maçonnerie,
Dervy, 1905 / 1995, 224 p..
4. Daniel Béresniak, Le Cabinet de
Réflexion : La démarche initiatique
technique de l’éveil, Paris, Detrad aVs,
octobre 2011, 80 p.
(ISBN 978-2-916094-37-3).
5. Oswald Wirth, La Franc-maçonnerie
rendue intelligible à ses adeptes,
Paris, Dervy
(ISBN 978-2-85076-376-2).
6. Jack Chaboud, La Franc-maçonnerie,
histoire, mythes et réalité, Librio, 2004,
p. 65
7. Encyclopédie de la franc-maçonnerie,
Le Livre de poche, article
"V.I.T.R.I.O.L.", p. 888
8. (en) Marie Rose Séguy, Le Voyage
Miraculeux du Prophète, Paris,
Draeger, 1977
9. « Le symbolisme du crâne » , sur
http://www.dictionnairedessymboles.
fr
10. Percy John Harvey 2010, p. 74
11. (en) Moon Beverly, An Encyclopedia of
Archetypal Symbolism Vol. 1, 1991
12. « Le symbolisme du sablier » , sur
Renaissance Traditionnelle,
janvier/avril 1973
13. « La Faux » , sur
http://www.ledifice.net (consulté le
23 décembre 2014)
14. « Pourquoi la mort a-t-elle une
faux ? » , sur http://axiomcafe.fr
15. Guy de Tervarent, Attributs et
symboles dans l'art profane :
dictionnaire d'un langage perdu (lire
en ligne ), p. 201
16. (en) Barnhar Robert K., The Barnhart
Concise Dictionnary of Etymology,
New-York, 1995
17. « Franc-maçonnerie et alchimie » , sur
http://www.chroniqueshistoire.fr
18. Julien Behaeghel, L'apprenti Franc-
Maçon Et Le Monde Des Symboles, La
Maison de Vie
19. M. L. von Franz, Alchimie : une
introduction au symbolisme et à la
psychologie, La Fontaine de Pierre,
460 p.
20. Michel Ragon, L'Espace de la mort :
Essai sur l'architecture, la décoration
et l'urbanisme... (lire en ligne )
21. James Hillman, Salt and the
Alchemical Soul : Three Essays, New-
York, Woodstock, 1995.
22. Alain Bauer et Roger Dachez, Les rites
maçonniques anglo-saxons, Paris,
Editions des Presses universitaires de
France, coll. « Que sais-je ? (n°
3913) », 2011, 128 p.
(ISBN 978-2-13-058194-9).
23. « Le Rite Emulation et la Grande Loge
Unie d’Angleterre : une histoire
commune » , sur
http://www.glnf.asso.fr .
24. Didier Michaud, Le Cabinet de
Réflexion, Maison de Vie.

Voir aussi

Bibliographie …

Jean-Pierre Bayard, La symbolique du


Cabinet de Réflexion : Ou la Lumière
dans les Ténèbres, Edimaf, 1995
(ISBN 978-2-903846-13-8)
Perey John Harvey, Le Cabinet de
Réflexion : Un voyage intérieur, Paris,
Editions Dervy, coll. « Bibliothèque de la
franc-maçonnerie », 2010, 160 p.
(ISBN 978-2-84454-641-8)
 
Dider Michaud, Le Cabinet de Rélfexion,
Maison de Vie Editeur, coll. « Les
Symboles Maçonniques »
(ISBN 978-2-35599-096-0)
Daniel Béresniak, Le Cabinet de
Réflexion : La démarche initiatique
technique de l’éveil, Detrad Editions,
2011, 80 p. (présentation en ligne )
 
Articles connexes …

Franc-maçonnerie
Symbolique
Alchimie
Liens externes …

L'Allégorie alchimique dans la loge


symbolique du R.E.A.A., Éditions de la
Hutte (Extrait)

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