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Les actes de commerce Marocain

Les actes de commerce en droit marocain sont pour l’essentiel les actes accomplis par
les commerçants dans l’exercice de leur commerce ; ils sont soumis à un régime juridique
particulier différent de celui qui est applicable aux actes civils. La théorie traditionnelle
distingue plusieurs catégories :

 Les actes de commerce par nature ;


 Les actes de commerce par accessoire ;
 Les actes de commerce par la forme ou objectifs.

La première catégorie regroupe les actes énumérés à l’article 6 ( et art.7 pour le commerce
maritime aérien) du code de commerce dont on sait qu’ils ne deviennent commerciaux que
s’ils sont répétés, renouvelés et coordonnés entre eux. Ce n’est donc pas à raison de leur
nature considérée en elle-même, isolément, qu’ils sont soumis au droit commercial mais bien
à raison de leur insertion dans une activité d’ensemble, dans une activité globale. Il faut donc
parler à leur égard d’actes, éléments constitutifs d’une activité commerciale. Il importe de
voir les différentes catégories d’actes de commerce et le régime juridique de ces actes de
commerce.

1- LES DIFFÉRENTES CATÉGORIES D’ACTES DE COMMERCE

A) LES ACTES DE COMMERCE, ÉLÉMENTS D’UNE ACTIVITÉ COMMERCIALE


C’est la commercialité de l’activité commerciale qui confère à chacun des actes qui le
compose le caractère commercial. Mais il faut comprendre qu’il y a là les deux aspects d’une
même réalité, indivisible. Il n’y a pas d’activité sans actes, il n’y a pas d’actes de commerce
sans activité commerciale globale ; on peut dire que celle-ci et ceux-là forment le centre, le
noyau dur de la commercialité.
Cette constatation faite, il suffit de mentionner que tombent sous le coup de la qualification
légale les achats et les reventes de biens mobiliers ou immobiliers en l’état ou après
transformation, la recherche et l’exploitation des mines et carrières, l’industrie et l’artisanat,
l’imprimerie et l’édition, le bâtiment et les travaux publics qui concrétisent une activité de
distribution ou activité de production, de même que la location de meubles corporels ou
incorporels en vue de leur sous-location, les opérations de transport, de banque,
d’assurance ainsi que les contrats de courtage, de commission et toutes autres opérations
d’entremise , les bureaux et agences d’affaires, de voyage, d’information et de publicité, la
fourniture des produits et services , l’organisation des spectacles publics, la vente aux
enchères publiques, la distribution d’eau, d’électricité et de gaz, les postes et
télécommunications qui relèvent d’une activité de service. La commercialité de l’ensemble
entraîne la commercialité de chacun de ses éléments.

B) LES ACTES DE COMMERCE PAR ACCESSOIRES


Ce sont des actes qui ne constituent pas la trame d’une activité commerciale et qui ne sont
pas non plus objectivement commerciaux. Ce sont des actes de nature civile et qui sont
rendus commerciaux par l’influence de la profession de l’auteur de l’acte. En d’autres
termes, ils accèdent à la commercialité parce qu’ils sont accomplis par un commerçant en
liaison avec son commerce.
La théorie de l’accessoire a été développée par la jurisprudence française. Pour que la
théorie puisse s’appliquer, il faut que deux conditions soient remplies : d’une part que les
actes concernés soient accomplis par un commerçant, personne physique ou personne
morale ; peu importe que l’autre partie ait ou non la qualité de commerçant ; d’autre part que
ces actes se rattachent à l’activité commerciale principale de leur auteur, qu’ils en soient le
complément nécessaire ou au moins normal : tel l’achat d’un équipement ou d’une machine-
outil par un industriel.
La loi n° 15-95 formant code de commerce dispose dans son article 10 : « Sont également
réputés actes de commerce, les faits et actes accomplis par le commerçant à l’occasion de
son commerce, sauf preuve contraire. » Le législateur marocain s’est inspiré sans doute des
développements jurisprudentiels français.

C) LES ACTES DE COMMERCE PAR LA FORME


Le droit commercial emploie certains mécanismes juridiques qui lui sont propres. Il s’agit des
instruments utilisés par les commerçants et les sociétés commerciales.
– LES INSTRUMENTS DU COMMERCE
Il s’agit des effets de commerce, notamment la lettre de change et le billet à ordre.
* LA LETTRE DE CHANGE
L’article 9 du code de commerce répute acte de commerce la lettre de change. Cet acte
juridique est commercial quelle que soit la personne qui le signe. La règle s’explique parce
que la lettre de change était au début un titre servant à constater un contrat de change d’une
place à une autre, contrat qui n’était pratiqué que par des commerçants. En signant une
lettre de change, un non-commerçant entre dans une opération commerciale, se soumet à la
loi commerciale et aux tribunaux de commerce. La lettre de change se reconnaît par la
dénomination « lettre de change » qui est une mention obligatoire (art. 159 c.com). On est
donc en présence d’un acte de commerce par la forme.
* LE BILLET À ORDRE
L’article 9 du code commerce répute aussi acte de commerce le billet à ordre signé même
par un non-commerçant, lorsqu’il résulte d’une transaction commerciale. Cela veut dire que
lorsque le souscripteur est un non-commerçant, la forme ne suffit pas à donner le caractère
commercial au billet à ordre, il faut que la transaction soit commerciale.
– LES SOCIÉTÉS COMMERCIALES
Toutes les sociétés commerciales qui empruntent l’une des formes réglementaires par la loi
n° 17-95 et la loi 5-96 : sociétés anonymes, sociétés en nom collectif, sociétés en
commandite simple et par actions, sociétés à responsabilité limitée sont nécessairement
commerciales. La commercialité formelle rejaillit sur tous les actes qu’accomplissent ces
sociétés durant leur existence.

2- LE RÉGIME JURIDIQUE DES ACTES DE COMMERCE


Le régime juridique des actes de commerce est constitué d’un ensemble de règles
particulières distinctes de celles qui sont applicables aux actes civils. Mais il ne joue
pleinement que pour les actes de commerce conclus entre commerçants pour les besoins ou
à l’occasion de leur commerce. En revanche, le régime juridique des actes de commerce
joue seulement de manière partielle pour les actes mixtes c’est-à-dire ceux qui sont
commerciaux pour l’une des parties et civils pour l’autre ; concrètement ces actes là sont
conclus entre un commerçant agissant dans l’exercice de son commerce et entre un non-
commerçant (consommateur ou professionnel exerçant une activité civile). Le régime
juridique de ces actes est composite, il emprunte à la fois au régime des actes de commerce
et celui des actes civils.

A) LE RÉGIME PLÉNIER DES ACTES DE COMMERCE


L’inscription générale des règles constitutives de ce régime n’est pas uniforme : tantôt elles
sont libérales, tantôt elles sont plus rigoureuses que celles du droit commun. C’est que le
commerce a besoin tout à la fois de plus de souplesse dans la preuve, de plus de rigueur
dans l’exécution de ces actes.
– LA PREUVE DES ACTES DE COMMERCE
En matière commerciale, il y a une application du principe de la liberté des preuves,
contrairement au droit civil qui s’est rallié au système de la preuve préconstituée, c’est-à-dire
la preuve écrite. La jurisprudence se fonde sur les termes de l’article 334 du code de
commerce qui dispose : « En matière commerciale la preuve est libre. Toutefois, elle doit
être rapportée par écrit quand la loi ou la convention l’exigent.» Le principe de la liberté des
preuves s’explique par la nécessité de favoriser la conclusion rapide des actes de
commerce, par l’obligation faite aux commerçants de tenir une comptabilité, par l’aptitude
plus grande des intéressés à mesurer les conséquences des engagements qu’ils prennent.
Le principe de la liberté des preuves a pour conséquence qu’entre commerçants : la preuve
d’un contrat commercial n’est pas subordonnée à la preuve par écrit ; elle peut se faire par
tous les moyens tels que correspondances, factures, livres et documents comptables,
témoignages et présomptions, supports informatiques… ; qu’au cas où un écrit est dressé, la
preuve est recevable par tous les moyens « contre et outre le contenu » de cet écrit ( en droit
civil, l’article 444 doc prévoit qu’il n’est reçu entre les parties aucune preuve par témoins
contre et outre le contenu des actes…) ; que les actes de commerce ne sont pas soumis aux
dispositions relative à la date certaine à l’égard des tiers . En revanche en droit civil, l’art.
425 doc dispose : « Les actes sous seing privé font foi de leur date, entre les parties, leurs
héritiers et leurs ayants cause à titre particulier, agissant au nom de leur débiteur… »
Il faut noter cependant qu’un certain nombre formalisme resurgit en droit commercial pour
des raisons tenant soit à la protection des parties ou de l’une d’entre elles soit à la sécurité
des tiers. Ainsi divers contrats doivent être passés par écrit et cet écrit doit comporter des
mentions exigées par la loi (vente de fonds de commerce, actes de constitution des sociétés
commerciales) ; d’autres donnent lieu à des formalités de publicité (location-gérance,
nantissement et vente de fonds de commerce). C’est bien la preuve que dans une économie
moderne il n’est pas possible de faire abstraction de toute forme.
– LES RÈGLES RELATIVES À L’EXÉCUTION
A ce niveau c’est la rigueur qui l’emporte dans l’ensemble car le droit commercial attache
beaucoup de prix à la bonne exécution des obligations et au respect des échéances.
* LA SOLIDARITÉ
En matière civile le principe posé par l’article 164 du D.O.C est que la solidarité ne se
présume point, elle doit résulter expressément du titre constitutif de l’obligation, de la loi ou
être la conséquence nécessaire de la nature de l’affaire. En matière commerciale par contre,
l’article 335 de la loi n° 15-95 formant code de commerce dispose : « En matière
d’obligations commerciales, la solidarité se présume. » Cela veut dire que les codébiteurs
d’une obligation commerciale sont tenus solidairement c’est-à-dire que l’un quelconque
d’entre eux peut-être actionné en paiement pour le tout par le créancier.
* LA MISE EN DEMEURE
C’est une injonction adressée au débiteur d’exécuter son obligation ne pouvant résulter en
matière civile, si aucune échéance n’est établie, que d’une interpellation formelle (art .255
doc) alors qu’au regard des actes de commerce elle peut se faire par tous les moyens.
* LE DÉLAI DE GRÂCE
Aucun délai de grâce ne peut être accordé pour le paiement des lettres de change (art.23, al.
2 c.com.), des billets à ordre (art. 2334 c.com.).
* L’ANATOCISME
Il consiste à capitaliser les intérêts d’une dette. En vertu de l’article 874 doc : « Est nulle,
entre toutes parties, la stipulation que les intérêts non payés seront, à la fin de chaque
année, capitalisés avec la somme principale, et seront productifs eux-mêmes d’intérêts. » En
matière commerciale l’anatocisme joue librement dès qu’un compte courant existe entre les
parties ; ainsi les intérêts échus deviennent eux-mêmes productifs d’intérêts à des intervalles
inférieurs à un an, normalement chaque semestre. L’article 873, alinéa 2 du doc dispose :
« En matière commerciale, les intérêts peuvent être calculés au mois, mais ne peuvent dire
capitalisés, même en matière de compte courant, si ce n’est à la fin de chaque semestre ».
* LA PRESCRIPTION EXTINCTIVE
En matière commerciale, la prescription des obligations nées, à l’occasion de leur
commerce, entre les commerçants, ou entre commerçants et non-commerçants est courte,
elle est de cinq ans (art. 5 c.com.). En matière civile la prescription est de 15 ans (art. 387
doc).

B) LE RÉGIME COMPOSITE DES ACTES MIXTES


Devant le mutisme législatif, c’est la doctrine et la jurisprudence qui ont défini le régime
juridique applicable aux actes mixtes. En règle générale ce régime procède de que l’on
appelle le principe dualiste. C’est un principe qui consiste à appliquer les règles
commerciales à celui pour qui l’acte est un acte de commerce, à appliquer les règles civiles
à celui pour qui l’acte est civil. Dans les domaines qui ne se prêtent à aucun partage, on
revient à des solutions unitaires qui s’alignent selon les cas soit sur la réglementation
commerciale soit sur la réglementation civile.
– LES ÉLÉMENTS DUALISTES
Ils concernent la compétence et l’administration de la preuve.
* LA COMPÉTENCE
La compétence matérielle est déterminée en considération de la qualité du défendeur à
l’action ou à l’exception. La jurisprudence française a décidé que le non-commerçant peut à
son choix citer le commerçant soit devant le tribunal de commerce, soit devant le tribunal
civil. C’est le système dit de l’option. Au contraire, le commerçant ne peut citer le non-
commerçant que devant le tribunal civil.
* LE MODE DE PREUVE
Dans l’administration de la preuve, il faut tenir compte de la qualité du défendeur de la
preuve. Si la preuve est faite contre celui pour qui l’acte est commercial, il est normal qu’il
puisse se voir opposer par le non-commerçant tous les modes de preuve du droit
commercial ; et le commerçant ne peut pas se réfugier derrière les règles civiles à la preuve
de la date certaine de l’acte, face au non-commerçant car celui-ci peut l’établir par tous les
moyens. Si  au contraire la preuve est faite par le commerçant contre celui dont l’acte est
civil, il faut respecter les dispositions de l’article 443 du dahir du 12 août 1913 format code
des obligations et contrats, notamment l’exigence d’un écrit au-delà de 10 000 dirhams et
l’irrecevabilité de la preuve testimoniale.
– LES ÉLÉMENTS UNITAIRES
Les éléments unitaires concernent la clause compromissoire et la prescription 
quinquennale.
* LA CLAUSE COMPROMISSOIRE
C’est la clause par laquelle les parties à un contrat conviennent de soumettre à un arbitre les
contestations qui viendront à se produire. En d’autres termes, la convention oblige les parties
à régler par arbitrage les contestations qui pourraient s’élever entre elles sur l’exécution du
contrat. La clause compromissoire n’est pas valable dans les contrats mixtes. La nullité de la
clause compromissoire peut-être invoquée aussi bien par le commerçant que par le non-
commerçant.
* LA PRESCRIPTION QUINQUENNALE
En vertu de l’article 5 de la loi n° 15-95 formant code de commerce, la prescription
quinquennale s’applique non seulement aux obligations nées à l’occasion de leur commerce
entre commerçants  mais aussi à celles qui sont nées entre commerçants et non-
commerçants, c’est-à-dire aux actes mixtes. Toutefois l’action en paiement des
marchandises, fournitures, objets fabriqués que vendent les marchands aux particuliers se
prescrit par deux ans en vertu de l’article 388-5° du D.O.C.

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