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Les lig nes de B o u aké -la-Neuv e – 20 16 – N° 7
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Les lig nes de B o u aké -la-Neuv e – 20 16 – N° 7
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Les lig nes de B o u aké -la-Neuv e – 20 16 – N° 7
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION
CHEFS DE LA REDACTION
COMITE DE REDACTION
COMITE DE LECTURE
COMITE SCIENTIFIQUE
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Les lig nes de B o u aké -la-Neuv e – 20 16 – N° 7
SOMMAIRE
2. TCHETCHE Obou Mathieu, Perceptions liées aux facteurs de guérison : étude de cas
dans un contexte urbain ivoirien
5. DAYORO Z. Arnaud Kevin et TIE Gouin Bénédicte Edwige, Offre de soin en Côte-
d’Ivoire a l’épreuve de la démocratisation sanitaire.Une étude de cas dans le district sanitaire
d’Abidjan
7. Bosson Eby Joseph, Loba Akou Don Franck Valéry, Konan Kouamé Pascal,
Koukougnon Wilfried Gautier, Coulibaly Sidiki Youssouf, Analyse du mode d’accès et de
conservation de l’eau dans un quartier défavorisé : L’exemple de « Jérusalem » à la Riviera
Palmeraie (Commune de Cocody, Abidjan).
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Les lignes de Bouaké -la-Neuve – 2016 – N°7
LIGNE
EDITORIALE
Les enseignants-chercheurs de l’Université de Bouaké n’ont pas été épargnés par la guerre de
2002 en Côte d’Ivoire. Leur engagement scientifique a constitué l’essentiel de leur capacité de
résilience. Les lignes de Bouaké-la-neuve est un des résultats de cette posture qui comporte le
pari d’une éthique du partage des savoirs. Elle est une revue interdisciplinaire dont l’objectif est
de comparer, de marquer des distances, de révéler des proximités insoupçonnées, de féconder
des liens, de conjuguer des efforts d’intellection et d’ouverture à l’altérité, de mutualiser des
savoirs venus d’horizons différents, dans un esprit d’échange, pour mieux mettre en discussion
les problèmes actuels ou émergents du monde contemporain afin d’en éclairer les enjeux
cruciaux. Ce travail de l’universel fait appel aux critiques littéraires et d’arts, aux bioéthiciens,
aux géographes, aux historiens, aux linguistes, aux philosophes, aux psychologues, aux
spécialistes de la communication, pour éclairer les problèmes publics qui n’avaient auparavant
pas de visibilité mais surtout pour tracer des perspectives nouvelles par des questionnements
prospectifs. La revue accueillera les contributions favorisant le travail d’interrogation des
sociétés modernes sur les problèmes les plus importants : la résurgence de la question
des identités, les enjeux éthiques des choix pratico- technologiques, la gouvernance des risques,
les défis environnementaux, l’involution multiforme de la politique, la prise au sérieux des droits
humains, l’incomplétude de l’expérience démocratique, les promesses avortées des médias, etc.
Toutes les thématiques qui seront retenues couvriront les défis qui appellent la rencontre du
travail de la pensée pensante et de la solidarité.
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Les lignes de Bouaké -la-Neuve – 2016 – N°7
Résume
La problématique de la prise en charge sanitaire de la population demeure une préoccupation
pour les pays développés et ceux en développement. Pour faire face à cette réalité, diverses
stratégies sont mises en place pour répondre aux besoins sanitaires de la population. Au nombre
de ces stratégies adoptées, il y à la démocratisation sanitaire. Cet article analyse le mode
d’application de la démocratie dans le système de santé en Côte d’Ivoire. Pour atteindre cet
objectif, l’approche qualitative à travers l’entretien semi-directif a été mobilisée pour collecter
les données. Ainsi, l’échantillon de l’étude est composé de 35 acteurs (professionnels de la
santé, membres du Conseil d’Administration, présidents des associations de Centre de Santé
Urbain à base Communautaire (CSUCom et Directeurs Départementaux). Les résultats révèlent
que la démocratisation sanitaire est perçue par les acteurs comme la mise en œuvre de la
politique des soins de santé communautaire. La politique de la démocratie sanitaire plombe
aussi les rapports entre les usagers et les professionnels de la santé. À cet effet, leurs interactions
sont des rapports de leadership, de méfiance, de conflit et d’évitement. Le dysfonctionnement
des CSUCom a des répercussions sur la fréquentation de ces centres. Les usagers préfèrent se
diriger vers d’autres structures sanitaires pour ce faire soigner.
ABSTRACT
The problem of the sanitary care of the population lives concern for the developed countries and
those in development. To face this reality, diverse strategies are organized to answer the sanitary
needs for the population. Among these adopted strategies, it in the sanitary democratization.
The analysis of accessibility implementation in the health system in Côte d’Ivoire is the
objective assigned to our study. In order to achieve this objective, a qualitative approach
through a semi structured interview has been mobilized or used. Thus the sample of the study is
composed of 35 actors including 10 health professionals 10 members of management board, 10
people from the community, 3 presidents of associations and 2 departmental manager appointed
on a reasoned choice. Results reveal that health care accessibility is seen by actors as
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community health care policy implementation. Health care policy also spoil relations between
users and health professionals. For that purpose relations between them are relations of
leadership Conflict mistrust and avoidance. These relations highlight many challenges linked to
health care accessibility Social economic and
Key words: health challenges, Accessibility, health users, participation, Côte d’Ivoire.
Introduction
La prise en charge sanitaire de la population a toujours été la préoccupation des pays développés
et ceux en développement (Djukanovic et Mach, 1975). Pour ce faire, chaque pays
institutionnalise des systèmes sanitaires pour satisfaire les besoins en soins de santé exprimés ou
non par les populations.
En Côte d’Ivoire, au cours des années 1960 et 1970, l'État dans sa politique sociale offrait la
gratuité1 des soins et des médicaments à la population. En effet, du fait de la croissance
économique2 du pays, le système sanitaire ivoirien a connu un essor important (Tambla, 2002).
Au cours de cette période, des formations sanitaires se sont développées par la construction de
centres de santé. Des personnels qualifiés résultant d'une politique volontariste de
développement des ressources humaines étaient aussi mis à la disposition de la population.
Toutes ces dispositions permettaient à la population de bénéficier de la gratuité des soins et des
médicaments qui étaient entièrement pris en charge par l'État.
Mais, les années 1980 vont mettre fin à cet essor de la politique sanitaire. Cette période est
marquée par la crise économique et une démographie galopante, avec comme conséquence,
l'incapacité de l'Etat à poursuivre ses efforts de développement sanitaire. Toutefois, les
problèmes de santé des populations demeurent et prennent de l’ampleur.
Face à son incapacité à prendre en charge les problèmes de santé de sa population, l’État de
Côte d’Ivoire comme les États des pays en développement va adopter des politiques de santé
mises en place par les différents États et les institutions internationales telles que l’Organisation
Mondiale de la Santé (OMS) et le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). Ces
politiques sont entre autres, la déclaration d'Alma-Ata en 1978; la Charte d’Ottawa en 1986 et
au niveau régional, l'Initiative de Bamako en 1987.
D’abord, la déclaration d’Alma-Ata encourage la mise en œuvre des soins de santé primaire
(SSP) en vue d’assurer la santé à toutes les couches sociales. Ensuite, la Charte d’Ottawa vient
promouvoir les soins de santé communautaire pour favoriser l’accès et l’équité des soins. Enfin,
l’Initiative de Bamako reprend au niveau régional, la promotion de la santé communautaire.
Les résolutions de l’Initiative de Bamako prennent en compte essentiellement deux volets de
l’offre de soins : le volet financier appelé « recouvrement des coûts » et le volet organisationnel
« participation des usagers » (Tizio et Flori, 1997).
Le premier volet fait référence au recouvrement des coûts. Les usagers sont appelés à payer
pour leurs soins. Ce volet poursuit trois grands objectifs : lutter contre la désaffection des
1
La gratuité des soins consiste à offrir certaines prestations sanitaires (prise en charge des enfants de 0 à
5 ans, des femmes enceintes, etc.) sans toutefois que les usagers les paient.
2
Les progrès constatés au cours des 15 premières années de l'indépendance de la Côte d’Ivoire sont
qualifiés de « Miracle économique ».
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structures de santé publique, améliorer l'efficience des dépenses de santé et améliorer l'équité
(Tizio et Flori, idem: 839).
Le second volet c'est-à-dire la partie organisationnelle des centres de santé appelle à une
participation active des usagers. Les populations sont associées à la gestion de leurs problèmes
de santé. Ces populations qui pendant de longues périodes assistaient en téléspectateurs sont
désormais invitées à donner leur avis sur la question de leur santé.
Ainsi, la mise en œuvre de l’Initiative de Bamako a permis de construire des centres de santé
communautaire. En Côte d’Ivoire, elle s’est traduite par la décentralisation sanitaire sous le
«Projet Santé Abidjan (PSA)». Sous l’égide de la Coopération Française, l’État ivoirien a
autorisé en 1992, la création de Centres de Santé Urbains à base Communautaire (CSUCom),
(MSP, 2007). De 1992 à 2012, 42 centres de santé urbains à base communautaire ont été
construits dans le district d’Abidjan. Ces centres de santé sont financés et organisés selon les
résolutions de l’Initiative de Bamako.
Depuis la création de ces structures sanitaires, elles ont permis de prendre en charge la
population ivoirienne. En effet, les statistiques du Ministère de la Santé et de la Lutte contre le
Sida révèlent que 80% des activités des prestations sanitaires en Côte d’Ivoire sont pratiquées
par les CSUCom. En 2012, l’ensemble des 42 CSUCom a effectué plus de 6 763 636
consultations. Au niveau des accouchements, environ 483 714 accouchements, dont 88 350
survenues à domicile pratiqués par les CSUCom. Ces accouchements ont été pris en charge et 1
925 968 consultations prénatales ont été effectuées par les sages-femmes des CSUCom. En
santé préventive, ce sont 2 432 975 enfants qui ont été vaccinés. Les CSUCom emploient aussi
plus de 800 agents (médecins, infirmiers, sages-femmes, etc.). Ces structures, qui fonctionnent
sur fonds propres font gagner environ 100 milliards FCFA à l’État depuis leur création
(Direction de l’Information, de la Planification et de l’Évaluation (DIPE), 2012 cité par Koné,
2012).
Malgré le rôle joué par les CSUCom dans le système sanitaire ivoirien, certains d’entre eux tels
que les CSUCom d’Abobo Sagbé3, d’Arras III (Treichville4), de Gonzagueville5 et de Vridi6 3
(Port-Bouët)7 sont confrontés à des crises internes. Ils ne respectent pas les résolutions de
l’Initiative de Bamako. En effet, le constat de terrain révèle que le fonctionnement de ces
centres de santé ne tient pas compte de la cogestion (la gestion des médecins et des usagers)
dont fait référence l’Initiative de Bamako. Les usagers de ces centres de santé sont mis à l’écart
du fonctionnement de ces structures. Par conséquent, les professionnels de la santé y demeurent
seuls gestionnaires.
Dès lors, comment la démocratisation sanitaire est-elle mise en œuvre dans le système sanitaire
ivoirien ? De façon spécifique, quelles sont les représentations sociales construites par les
3
SAGBE est l'un des 24 quartiers que compte la commune d'Abobo et principalement le plus grand et le
plus peuplé de la commune.
4
La commune de Treichville est située au centre de la ville d’Abidjan. Elle s’étend sur une superficie de
77,45 Km2. C'est une presqu'île, construite sur un terrain plat.
5
Quartier de la commune de Port-Bouêt dans le District d’Abidjan, Gonzagueville s’étend sur tout le long
du littoral. Le quartier doit son peuplement à l’ouverture du wharf de la commune et davantage encore
à la création du premier port de Côte d’Ivoire en 1950.
6
Vridi 3 est l’un des quartiers dits précaires de la commune de Port-Bouët. Il est localisé au nord de la
presqu’île de Vridi, à proximité de l’entrée du canal.
7
La commune de Port-Bouët s’étend sur une superficie de 111,1 km2. Elle se situe dans la partie sud de la
ville d’Abidjan, entre l’océan Atlantique au sud et la lagune Ebrié au nord.
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II-MÉTHODOLOGIE
Cette étude se déroule dans deux communes du district d’Abidjan, notamment, les communes
de Treichville (d’Arras III) et de Port-Bouët, (Vridi III et Gonzagueville).
Le choix de ces communes se justifie par le fait qu’elles abritent des centres de santé
communautaire, dont la mise en œuvre de la démocratie sanitaire suscite des crises internes.
Pour appréhender la réalité sur la démocratisation sanitaire, les professionnels de santé, les
membres du Conseil d’Administration, les leaders communautaires, les présidents d’association
et les directeurs départementaux de santé, pris ici comme des acteurs témoins:
- les professionnels de santé qui sont à la tête des centres de santé communautaires.
- Les membres du Conseil d’Administration. Ils ont géré les CSUCom pendant de
longues années avant d’être mis à l’écart du fonctionnement desdits centres. À cet
effet, ils sont détenteurs d’informations qui pourront servir à la compréhension de
l’offre de soin en Côte d’Ivoire à l’épreuve de la démocratisation sanitaire ;
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Un centre de santé communautaire (CSUCom) est une structure sanitaire à gestion privée à but
non lucratif de niveau primaire géré par une association de quartier ou de localité, lié à la
collectivité territoriale et à l’État par une convention de concession de service sanitaire public.
Dans le cadre du service public confié par la collectivité territoriale, la mission des
établissements sanitaires à base communautaires se résume comme suit:
- assurer des soins de qualité correspondant au Paquet Minimum d’Activité (PMA) prévu
dans les structures de niveau primaire par l’arrêté ministériel n°74 du 9 décembre 1996
du ministère de la Santé;
- offrir des prestations curatives réalisées obligatoirement par des médecins en zone
urbaine, et/ou au minimum par un infirmier ou une sage femme diplômée de l’État en
zone rurale;
- offrir des soins à des tarifs accessibles à la population de leur lieu d’implantation et en
accord avec le ministère en charge de la santé publique;
- rendre accessibles et disponibles les médicaments essentiels dans de bonnes conditions;
- mettre en œuvre des programmes de santé publique avec l’appui de l’État ou des
partenaires au développement;
- initier des activités préventives et promotionnelles dans les lieux d’implantation.
Les organes gestionnaires et décisionnels impliqués dans le fonctionnement des
établissements sanitaires à base communautaires sont les suivants:
L’assemblée générale est l’organe suprême de décision de l’association. Elle est composée de
tous les adhérents de ladite association. Cette instance se réunit au moins une fois par an. Elle
doit être obligatoirement tenue dans le courant du premier trimestre de l’année n+1 (réf :
circulaire 3996 du 04/06/2007).
Le conseil d’administration (CA) assure la responsabilité morale et juridique de l’association et
de l’établissement sanitaire communautaire. Il représente l’organe d’exécution de l’association.
Le conseil d’administration est composé de six à 10 membres. Le président est élu pour trois ans
renouvelables une fois. Le conseil d’administration met en place les dispositions pour le
fonctionnement de l’établissement sanitaire en respectant la réglementation en vigueur. Il joue
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un rôle de manager, c'est-à-dire qu’il planifie, fait exécuter, contrôler et évaluer les activités de
l’établissement sanitaire communautaire.
À ce titre, le personnel, quel que soit son statut (fonctionnaire, agent de mairie, agent recruté par
le Conseil d’Administration) est placé sous l’autorité administrative du Conseil
d’Administration. Cette structure donne des instructions concernant l’exécution du travail, en
contrôle son accomplissement et vérifie les résultats (réf : code du travail : circulaire 3996 du
04/06/2007).
La gestion courante des établissements sanitaires communautaires est assurée par le comité de
gestion Comité de Gestion Communautaire (COGES-COM) regroupant:
- trois des membres du conseil d’administration désignés par le président dont l’un en
assure la présidence;
- trois membres du personnel de l’établissement sanitaire: les deux cadres de
l’établissement (le médecin-chef et le gestionnaire) et le délégué du personnel.
Le COGES-COM tient au moins une réunion chaque mois sur convocation de son président et
en cas de nécessité.
De plus, la démocratisation sanitaire permet de vulgariser les soins. Il n’est plus question de
recourir uniquement aux grandes structures sanitaires telles que les Centres Hospitaliers
Universitaires (CHU), les Centres Hospitaliers Régionaux. Cette politique permet de
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désengorger ces hôpitaux. Le premier recourt des usagers ce sont les centres de santé
communautaires. Les CHU ou CHR sont sollicités lorsque ces structures n’arrivent plus à
répondre aux besoins des patients.
« Ils sont au premier plan dans le système sanitaire, c'est-à-dire ils s’occupent en premier lieu
des patients pour des cas mineurs et dans l’accouchement des femmes (Membre de la
communauté, comptable de formation, Arras III)».
-enjeux économiques :
La démocratisation sanitaire permet d’amoindrir les coûts des soins et des médicaments. Les
usagers se soignent à moindre coût par rapport aux soins dans les cliniques privées et les
grandes structures telles que les CHU et les CHR. Les coûts de soins sont fixés en fonction des
besoins et du niveau de vie de la population.
« Ils permettent à la population de se soigner pas chers et à proximité. S’il y a une urgence, pas
besoin d’aller au CHU ou plus loin, sauf pour les cas qui dépassent leurs compétences
(Membre de la communauté, enseignant de formation, Gonzagueville)». Aussi, les patients
ne parcourent plus de longues distances pour avoir accès aux soins. Cela évite aux usagers le
coût du transport. « Ils permettent de ne plus parcourir des kilomètres pour se faire soigner.
Les médicaments sont à moindre coût, les consultations sont gratuites pour certains cas
(Commerçant, Arras III) ».
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La démocratisation sanitaire à travers les centres « je pense que la démocratie sanitaire, c’est la
de santé à base communautaire, d’abord, on met mise en œuvre des centres de santé
cette politique-là, c’est pour rapprocher la communautaires. Les médecins de ces centres
population intéressée des centres de santé. Nous travaillent en collaboration véritable avec la
avons le CHU de Treichville qui est là bon, par communauté, donc la communauté a un droit de
exemple, ici s’il n’y a pas de centre de santé et regard là dessus et où on associe la population
qu’il y a des malades, cela va poser des problèmes. pour certaines choses, certaines sensibilisations et
Donc les premiers diagnostics, il faut mettre le autre. Les hôpitaux sont proches des malades et on
centre de santé dans les différents quartiers, même les trouve partout. Le malade n’a plus besoin de se
dans les villages où il faut en mettre c’est un déplacer pour se faire soigner, dans son quartier, il
principe que l’Etat a fait. Ce qui permet de y a un hôpital »
rapprocher l’administration médicale de la
population»
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La gestion des structures sanitaires qui était exclusivement assurée par les professionnels de la
santé est désormais secondée ou commandée par les usagers8. Cette nouvelle configuration des
centres de santé à travers les CSUCom va modifier les rapports entre les acteurs (agents de santé
et usagers). Les rapports qui structurent leurs interactions sont des rapports de leadership, de
méfiance et de conflit.
Les rapports de leadership
Les usagers et les professionnels de la santé sont appelés à collaborer pour gérer les centres de
santé communautaires selon les textes régissant ces structures sanitaires. Les rapports de
leadership se manifestent par le refus des professionnels de la santé et des usagers de collaborer
dans le fonctionnement des CSUCom. Ces rapports s’expriment également par le refus des
professionnels de la santé d’être sous les ordres des usagers parce que ces derniers ont une
formation inférieur à la leur. Tous ces problèmes de leadership plombent les rapports entre les
agents de santé et les usagers. En effet, l’implication des « profanes » dans la gestion des centres
de santé fait naître des problèmes de leadership. Les professionnels de la santé qui étaient les
seuls responsables dans la gestion des structures sanitaires se voient concurrencer dans leurs
tâches par les usagers ou les patients depuis la mise en place des soins de santé communautaires.
En effet, la population du quartier où le centre de santé est construit est associée à la gestion
dudit centre. Cette population qui représente l’usager est mise au cœur du fonctionnement de la
structure sanitaire. Cette situation conduit un membre du conseil de l’Établissement à tenir ces
propos :
Encadré 4 : extrait de discours Membre de la Encadré 5 : extrait de discours Membre du conseil
communauté, Gonzagueville A2 d’établissement, Arras A2
Source : notre enquête, 2014 Source : notre enquête, 2014
Aussi, la mise en œuvre de la démocratisation sanitaire n’a pas eu un avis favorable de la part
des professionnels de la santé et des cliniques. Ces acteurs voyaient en cette politique une
manière de les déposséder de leurs droits. Les cliniques perçoivent cette démocratisation
sanitaire comme une perte de leurs clientèles au profit d’un autre type de structure sanitaire. Ce
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Les usagers des centres de santé communautaires sont non seulement les patients qui sollicitent ces
structures mais aussi les membres du Conseil d’Administration. Ces groupes d’acteurs représentent la
population de la localité où est construit le centre de santé.
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qui crée un sentiment de méfiance entre les professionnels de la santé et les usagers des
CSUCom. Ces propos rendent compte de cette réalité :
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« Je dis, je n’ai pas de contact avec eux donc je ne sais pas ce que je vais
dire de ça. Je ne sais pas qui gère. Et lui-même si vous lui demandez est
ce qu’il connaît le Président du comité de gestion d’habitat Crown. Je me
rends là-bas comme tous les individus, mais moi je suis habillé comme ça
et puis je vais. Mais quelqu’un qui est habillé comme ça et puis il va
quelque part toi qui es là, ça doit te donner à réfléchir, mais le monsieur
il est sans réaction ».
L’avènement des problèmes dans la gestion des CSUCom a déstructuré la confiance que les
populations plaçaient dans cette institution. Le manque d’informations sur le fonctionnement
des CSUCom et sur le personnel a entraîné la suspicion du personnel soignant.
À Vridi 3 par exemple, les acteurs en compétition, notamment la communauté, développent un
sentiment de méfiance vis-à-vis du personnel soignant. Cette attitude se justifie par une
représentation que la communauté de cette localité se fait des agents de santé. Ceux-ci les
incriminent. Pour ce faire, les rapports entre la communauté et le corps médical sont influencés
par la situation politique de la Côte d’Ivoire. Cette méfiance des acteurs communautaires vis-à-
vis des acteurs institutionnels dénote l’influence de la politique sur le quotidien des acteurs. La
situation politique a fragilisé le tissu social ivoirien. La crise ivoirienne se traduit par la
méfiance des acteurs locaux vis-à-vis des agents de santé.
Aussi, la méfiance des acteurs locaux peut exprimer le non-recours des structures sanitaires par
la communauté. En effet, la suspension de la communauté dans la gestion des CSUCom fait
naître des rapports d’évitement au sein de la communauté locale. À cet égard, elle fréquente de
moins en moins les CSUCom. Pour se repositionner à la tête des CSUCom, la communauté
décide donc de ne pas fréquenter ces structures. Elle a donc recours à d’autres centres de santé
tels que les cliniques privées, les hôpitaux généraux, les CHU, etc. Cette situation est mise en
exergue par les propos d’un Agent technique de la santé:
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Ainsi, la persistance de ces rumeurs a favorisé la déperdition des patients. La peur de se voir
‘mal traitée’’ amène les populations à ne plus fréquenter les CSUCom comme auparavant.
L’offre de soin se trouve en inadéquation avec la demande de soin. En effet, les structures
sanitaires proposent aux patients toutes les prestations dont ils ont besoin, mais ces derniers
préfèrent se rendre dans d’autres centres de santé pour leurs soins. Les propos d’un membre de
la communauté rendent compte de cette réalité : « moi, je préfère me faire soigner à Treichville
parce que chez nous ici, les sages-femmes ont tué mon bébé. Lorsque je devais accoucher, elles
ont refusé de m’aider et j’ai perdu mon enfant, je ne leur fais plus confiance » (Membre de la
communauté 4, Vridi 3).
De manière générale, les CSUCom ont été construits pour atteindre un objectif, celui de
résoudre les problèmes de santé de la population. Le dysfonctionnement que connaît ce système
médical suscite des interrogations sur l’efficacité de ces structures sanitaires. Pour atteindre
cette efficacité, de nouveaux défis doivent être relevés en termes de gestion de ces structures. La
cogestion (professionnels de la santé et les usagers) permettra d’objectif assigné aux CSUCom.
III- Discussion
La discussion des résultats tourne autour de trois points : démocratisation sanitaire comme
politique des soins de santé communautaires, enjeux de la démocratisation sanitaire.
III-1- Démocratisation sanitaire comme politique des soins de santé communautaires
La démocratisation sanitaire est perçue comme la mise en œuvre de la politique des soins de
santé communautaires. Ce qui implique les usagers dans la gestion des structures sanitaires. Les
travaux de Letourmy et Naïditch (2009) effectués en France sur l’émergence de la démocratie
sanitaire dans ce pays montrent que la démocratie sanitaire a reçu une traduction officielle en
France avec la loi de 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de soins.
Elle prend en compte la modernisation des politiques publiques, la fixation d’un corpus de
droits pour les malades et l’action revendicative des associations. Cette politique de
démocratisation sanitaire exprimée notamment à travers les états généraux de la santé traduit un
besoin de rapprocher les citoyens et les décideurs.
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Toutefois, les auteurs estiment qu’aujourd’hui, la participation des usagers à la gestion des
hôpitaux soulève diverses interrogations et ils constatent l’affaiblissement de la gestion
associative. Selon eux, l’impact de la démocratie sanitaire reste donc encore incertain.
Moquet-Anger (2004) oriente sa réflexion dans le même sens. Pour lui, pendant longtemps, les
usagers ont été mis à l’écart des décisions concernant leur état de santé. Il appartenait au
médecin de décider de ce qui est bon pour eux. Car pour eux, la connaissance médicale leur
permettait d’évaluer l’état de santé des patients et le traitement nécessaire.
Ainsi, l’absence de toute représentation des usagers dans les instances décisionnelles a été de
plus en plus remise en cause par les usagers, ce qui occasionne une crise de confiance de ces
acteurs. Face à une perte de confiance dans le système de santé naît l’idée d’un « droit à la
sécurité sanitaire ». À cet effet, l’auteur estime que la démocratisation sanitaire renvoie à l’idée
d’un « usager acteur », dont l’opinion est déterminante dans la relation de soins, et à des usagers
qui puissent intervenir avec succès dans la définition des politiques nationales et locales de
santé.
La représentation de la démocratisation sanitaire met en exergue le droit des usagers, le
rapprochement des structures sanitaires des usagers et leur participation à la gestion desdites
structures. En Côte d’Ivoire, cette politique est dénommée centre de santé communautaire.
Actuellement, cette politique en Côte d’Ivoire s’expérimente au niveau primaire de l’échelle
sanitaire et converge avec les principes de démocratisation sanitaire. Mais ce que ces travaux ne
mettent pas en exergue ce sont les idéologies non apparentes, mais fonctionnelles dans le
rapport de cogestion. Car si la structure sanitaire est un système, l’environnement socioculturel
avec les diverses idéologies de structuration des rapports participe de la différenciation dans la
mise en œuvre de la démocratie sanitaire. Ainsi, l’idéologie de rentabilité participe du processus
de mise à l’écart des acteurs commentaire et donc de l’appropriation des instances de décision
des CSUCOM. C’est pourquoi le paradoxe apparaît clairement lorsque ce sont des acteurs
sanitaires, formés à la co-gestion et chargés de faciliter le jeu d’équilibre de pouvoir. Cette
posture rencontre la perspective de Bourque et Favreau (2003) qui estiment qu’il est nécessaire
« d’additionner les expertises et composer avec les logiques paradoxales, à défaut de quoi le
développement des communautés ne pourra jouer son rôle dans l’amélioration de la santé et du
bien-être des collectivités » (Bourque et Favreau 2003: 305)
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Mais le rapport à la compétence peut être dialectiquement récupéré. En effet, soit pour légitimer
les communautés (ce qui a été démontré plus haut), mais aussi pour les délégitimer en
mobilisant le capital expérientiel acquis dans la formation sanitaire et dans l’expérience de
donner les soins. Les médecins convoquent alors les idéologies quand le jeu de démocratisation
est « faussé », la compétence est choisie pour délégitimer la communauté. En effet, cette étude
met en exergue l’ambivalence de l’usage de la compétence comme une ressource pour faire
fonctionner le jeu de démocratie sanitaire.
Le jeu de démocratie sanitaire devient dans ce sens un espace de jeux d’acteurs dans le sens de
Crozier (1981), avec la possibilité pour les médecins de mobiliser leurs ressources cognitives et
expérientielles d’offre de soins et de gestion pour « fabriquer l’incompétence reconnue par les
instances institutionnelles. Dès lors dans une perspective organisationnelle, l’hôpital reste le
cadre de conquête et les rapports sociaux, les interactions ou les liens d’interdépendance
s’établissent entre les acteurs et les groupes en fonction des positions respectives de chacun
dans l’organisation sociale.
:
III-3- La démocratie sanitaire comme régulation de l’offre de soins basée sur la proximité
et la négociation sociale
La santé comme est un bien publique et en tant que tel, sa gestion requiert un travail de synergie
impliquant les malades eux-mêmes. La participation des malades et usagers à ce projet
communautaire est une exigence de gestion liée même à la nature de la santé. En tant que
produit culturel, la gestion de la santé doit prendre en compte non seulement les valeurs
culturelles de l’espace social de référence, les pratiques locales, l’environnement social local,
mais aussi la demande de soins. Dès lors l’interaction demande soin s’inscrit dans une logique
de régulation sociale. La demande de soins s’inscrit dans logique de négociation et de régulation
sociale. Suarez C (2008) en analysant les alternatives pour le système de soins, indique l’intérêt
de la participation des acteurs locaux à même aux mesures. L’auteur soutient tout comme nous
ici l’idée même de donner un rôle actif aux usagers du système de santé et plus de crédibilité
aux institutions sanitaires. Mieux, pour Laurent-Beq A, Pommier J (2003), la démocratie est
une condition de la société plus solidaire. Toutefois, la participation de la communauté doit être
légitimée pour permettre une plus grande implication des acteurs locaux au fonctionnement des
structures hospitalières. Pour Ghadi V et Naiditch M (2006), l’un des capitaux de cette
légitimation, c’est la connaissance, mais les usagers gagneront davantage en s’organisation en
structure associative. Le niveau de démocratie, le niveau d’instruction, la capacité de la société
civile à se mobiliser, la « culture associative », le respect des droits humains sont autant de
facteurs influant le niveau de participation et la qualité du partenariat entre les secteurs public et
privé. Les enjeux de cette politique sont également liés à ces facteurs.
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Globalement, cette étude montre la nécessité de prendre en compte le rapport complexe entre le
droit et le pouvoir dans le processus de démocratisation sanitaire. La recherche du pouvoir ou
de la domination conduisent les professionnels de santé à ‘’bafouer’’ le droit des représentants
communautaires. Dans la structuration informelle de la relation de pouvoir, les protagonistes
possèdent chacun un pouvoir qu’ils structurent autour de bien d’enjeux comme ceux
d’adaptation des compétences, de réduction des coûts liés à la dégradation d’indicateurs de
santé, de rétention en interne de compétences, de captation et de fidélisation de ressources. Dans
le cas de cette étude, le maintien des acteurs notamment des médecins-chefs à la direction des
centres de santé communautaires illustre cet aspect
Conclusion
L’analyse du mode d’application de la démocratie dans le système de santé en Côte d’Ivoire a
été le fil conducteur de ce travail. Il ressort en effet des résultats que la démocratisation sanitaire
est perçue par les enquêtés comme la mise en œuvre des soins de santé communautaires. Cette
politique sanitaire donne le pouvoir aux usagers quant à la gestion des structures sanitaires. Elle
vulgarise et rapproche les centres de santé des patients. Ces patients qui pendant de longues
périodes étaient considérés comme des acteurs passifs du système de santé sont désormais des
acteurs actifs. Cette nouvelle configuration des soins va influencer les rapports entre les patients
et les agents. Ainsi, des rapports de leadership, de méfiance et de conflit naissent. Les résultats
révèlent également un dysfonctionnement du système sanitaire. Ce qui a des répercussions sur
la fréquentation de ces centres. Les usagers préfèrent se diriger vers d’autres structures
sanitaires malgré la disponibilité des prestations. Au regard de ce précède, comme piste ou
stimulant à d’éventuels travaux de recherche concernant le même sujet, nous suggérons qu’une
réflexion soit menée sur la typologie des CSUCom et leur mode de gestion dans une perspective
sociohistorique. En effet, la comparaison de ces institutions sanitaires quant à leur source de
financement aiderait à mieux expliquer et comprendre le mode d’application de la démocratie
dans ces structures et les idéologies qui en découlent.
Bibliographie
- Crozier M., Friedberg E. (1981), L'acteur et le système : Les contraintes de l'action collective,
Éditions du Seuil, Première parution en 1977, dans la collection "Sociologie politique", 435 p.
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P 20
- Djukanovic V., Mach E. P. (1975), « Comment répondre aux besoins sanitaires fondamentaux
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- Fray A-M., (2009) « Nouvelles pratiques de gouvernance dans le milieu hospitalier :
conséquences managériales sur les acteurs », Management & Avenir, 8 n° 28 | pp. 142-159 [en
ligne] http://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2009-8-page-142.htm.
- Froger Y., (2007) « La clinique à l'épreuve de la démocratie sanitaire », Journal français de
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usagers à des problématiques de santé ? », Santé Publique 2 (Vol. 18), p. 171-186. DOI
10.3917/spub.062.0171
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