L’ADN mitochondrial,
le chromosome Y et l’histoire
des populations humaines
De nombreuses disciplines étudient les origines de l’espèce
Lluís Quintana-Murci humaine. En particulier, l’archéologie, l’anthropologie, la lin-
Reiner Veitia guistique et la paléontologie tentent de retracer les grandes
Silvana Santachiara- étapes de notre passé. Plus récemment, la génétique et la bio-
Benerecetti logie moléculaire ont permis de préciser l’origine des diffé-
Ken McElreavey rentes populations humaines en étudiant les variations géné-
tiques entre les individus. Parmi tous les marqueurs
Marc Fellous génétiques utilisés, les plus intéressants sont les marqueurs
Thomas Bourgeron uniparentaux comme l’ADN mitochondrial, hérité de la mère,
et le chromosome Y, hérité du père car ils échappent tous
deux à la recombinaison méiotique. Ainsi, contrairement aux
autosomes ou au chromosome X, tous les ADN mitochon-
driaux présents dans les populations humaines peuvent pro-
venir d’un ancêtre maternel commun et les chromosomes Y,
d’un ancêtre paternel commun. Ces deux marqueurs ont
donc été utilisés pour préciser géographiquement et histori-
quement l’origine de nos ancêtres communs les plus récents
et les interactions entre les différentes populations humaines.
ADRESSES
L. Quintana-Murci : docteur ès sciences, cher-
cheur postdoctoral. Laboratoire d’immunogé- a question des origines, princi- plus récemment, la génétique et la bio-
L
nétique humaine, Inserm U. 276, Institut palement celle de l’espèce logie moléculaire. Ces dernières disci-
Pasteur, 25, rue du Docteur-Roux, 75724
Paris Cedex 15, France et Department of humaine, sera probablement plines ont donné des résultats très inté-
genetics and microbiology, University of toujours un sujet suscitant polé- ressants sur l’origine et l’âge de nos
Pavia, Via Abbiategrasso, 207, 27100 Pavia, miques et rebondissements. ancêtres communs comme sur l’his-
Italie. R. Veitia : docteur ès sciences, chercheur
postdoctoral, Institut Pasteur, Universidad de la Depuis toujours, un grand nombre de toire des différentes populations
Habana, Cuba. Inserm U. 276, Institut Pas- réponses très différentes les unes des humaines. Malgré les très fortes cri-
teur. S. Santachiara-Benerecetti : professeur à autres ont été proposées, parfois même tiques portant sur la découverte et l’uti-
l’Université de Pavia, Italie. Department of
genetics and microbiology, University of imposées. Actuellement, de nom- lisation des termes d’«Adam et Ève afri-
Pavia. K. McElreavey : docteur ès sciences, breuses disciplines scientifiques sont cains », il est maintenant difficile de
chargé de recherche à l’Institut Pasteur. M. Fel- impliquées dans l’étude des origines de vouloir étudier l’évolution de l’espèce
lous : professeur à l’Université Paris 7. T. Bourge-
ron : maître de conférences à l’Université Paris 7. l’espèce humaine comme l’archéolo- humaine sans prendre en compte les
Inserm U. 276, Institut Pasteur. gie, la linguistique, la paléontologie et, données génétiques.
974 m/s n° 8-9, vol. 15, août-septembre 99
Variations génétiques à l’autre. L’étude de ces différences l’on peut estimer le taux de mutation
et polymorphismes génétiques, connues sous le nom de de la région du génome étudiée, il
« polymorphismes », peut apporter est possible de déterminer une date
Pendant de nombreuses années, les des informations importantes sur les pour les différents embranchements
généticiens ont étudié les variations relations de parenté entre individus de l’arbre et ainsi dater « la sépara-
génétiques entre les individus et les et sur l’histoire des différentes popu- tion » entre deux populations [1].
populations dans le but de com- lations.
prendre ces différences et les éven- C’est l’analyse des marqueurs poly- Les marqueurs
tuelles interactions historiques des morphes qui permet d’étudier les dif- génétiques uniparentaux :
peuples [1]. Au début du siècle, les férences génétiques entre les indivi- l’ADNmt
premières études ont porté, en parti- dus ou les populations [1]. En effet, et le chromosome Y
culier, sur les variations des groupes quand il existe plus d’un « allèle »
sanguins dans les populations mon- d’un gène, on peut calculer les pro- Parmi les différents marqueurs géné-
diales. Cependant, le faible taux de portions respectives dans les popula- tiques disponibles actuellement, les
variation des séquences protéiques tions et obtenir ainsi une représenta- plus intéressants sont les séquences
ne donnait que des informations tion géographique des différentes d’ADN héritées d’un seul des parents :
limitées sur le génome des différents variations génétiques. Enfin, si l’on l’ADN mitochondrial (ADNmt), hérité
individus. Ce n’est qu’au début des étudie plusieurs gènes distincts, il est de la mère, et le chromosome Y, hérité
années 1980, grâce à la biologie possible d’associer à un individu un du père.
moléculaire, qu’il a été possible ensemble de polymorphismes sur le
d’identifier un grand nombre de même chromosome que l’on nomme L’ADNmt
variations génétiques entre les indivi- « haplotype ». L’étude de la diversité
dus et les populations. En effet, génétique des individus permet donc Les mitochondries sont présentes en
l’ADN que nous avons hérité de nos de regrouper les haplotypes les plus nombre variable dans le cytoplasme
ancêtres a accumulé des mutations voisins (« haplogroupes ») afin des cellules (de 75 dans le spermato-
différentes au cours de son évolution. d’identifier les haplotypes ances- zoïde à 100 000 dans l’ovocyte) [2].
Par conséquent, une séquence traux, de préciser les relations entre La fonction principale de cet orga-
d’ADN peut être différente d’un les différentes populations et de nite est de produire de l’énergie
individu à l’autre, comme sa fré- dater les différentes branches de sous la forme d’ATP à partir de sub-
quence peut l’être d’une population l’arbre phylogénétique. En effet, si strats carbonés et en présence d’oxy-
Figure 1. L’ADN mitochondrial (ADNmt) et le chromosome Y humain. A. L’ADNmt. Cytb : cytochrome b ; ND : NADH
déshydrogénase ; COX : cytochrome c oxydase ; A : ATP synthétase. B. Le chromosome Y. PAR : région pseudo-
autosomique ; AZF : azoospermia factor.
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de pseudogènes et d’une grande par-
tie d’hétérochromatine polymorphe
ne contenant vraisemblablement pas
de gènes. Le chromosome Y est
transmis uniquement de père en fils.
De nouveau, c’est cette particularité
qui a été utilisée pour étudier l’ori-
gine des populations humaines, cette
fois-ci, du côté des hommes [6, 7].
L’utilité de ces marqueurs génétiques
hérités d’un seul des parents tient au
fait que les séquences d’ADN portées
par ces chromosomes échappent à la
recombinaison méiotique. En effet,
l’ADN mitochondrial (ADNmt) et la
région spécifique du chromosome Y
ne recombinent pas lors de la méiose
et, par conséquent, sont transmis
sans modifications à la génération
suivante. Les seules modifications qui
apparaissent proviennent de nou-
velles mutations touchant les cellules
germinales. A l’inverse, les séquences
d’ADN portées par le chromosome X
ou les autosomes peuvent être le
résultat d’un mélange de séquences
de plusieurs ancêtres au moment de
la recombinaison méiotique (figure 2).
Pour simplifier, on peut dire que
Figure 2. Ségrégation des autosomes, du chromosome Y et de l’ADNmt au tous les ADNmt présents dans les
cours des générations. Pendant la gamétogenèse, les séquences d’ADN por- populations humaines pourraient
tées par les autosomes subissent la recombinaison méiotique. Ainsi, chacun
provenir d’un ancêtre maternel com-
des autosomes porte des séquences d’ADN provenant de différents ancêtres.
Au contraire, l’ADNmt et le chromosome Y ne subissent pas la recombinai-
mun, et les chromosomes Y, d’un
son méiotique. Ils sont transmis sans modification d’une génération à l’autre. ancêtre paternel commun.
Les seuls changements qui peuvent intervenir sont de nouvelles mutations
dans les cellules germinales. Les modèles d’évolution
de l’espèce humaine
Depuis toujours, un point très
gène. Elles possèdent plusieurs Le chromosome Y controversé de l’évolution de
copies d’ADNmt dont la séquence l’espèce humaine porte sur la rela-
est connue depuis 1981 (figure 1A). Le chromosome Y est présent uni- tion entre les premiers hommes
L’ADNmt mute environ 10 fois plus quement chez les mâles. Il possède modernes et les plus anciens homini-
que les gènes nucléaires et cette par- au niveau des télomères deux régions dés [8]. Nous présenterons dans cet
ticularité permet d’observer une homologues du chromosome X article les deux hypothèses les plus
quantité plus importante de varia- (région pseudo-autosomique), et une défendues actuellement. Ces deux
tions de séquences polymorphes grande partie centrale non recombi- modèles de l’évolution de l’espèce
chez les individus. Dans l’espèce nante qui lui est spécifique (figure 1B) humaine ont plusieurs points com-
humaine, c’est uniquement la mère [4]. La grande majorité des gènes muns, provenant en grande partie
qui donne ses mitochondries à ses portés par la région spécifique du des données paléontologiques (figu-
enfants (figure 2). Les mitochondries chromosome Y possède une fonction re 3). L’espèce humaine a un ancêtre
du spermatozoïde rentrent dans strictement masculine. En particu- commun avec les chimpanzés il y a 5-
l’ovocyte mais sont très rapidement lier, le gène SRY (sex region Y chromo- 6 millions d’années. Puis, en Afrique
dégradées et ne participent donc pas some) est un des gènes du détermi- de l’Est et du Sud on trouve les Aus-
au patrimoine génétique de nisme sexuel, engagé dans la tralopithèques qui vivaient il y a 4 ou
l’embryon. Comme nous le verrons formation du testicule [5]. Il existe 5 millions d’années et les plus récents
plus loin, cette hérédité maternelle, aussi plusieurs gènes impliqués dans il y a 1-1,5 million d’années. L’Austra-
particulière aux mitochondries, a la spermatogenèse et certaines délé- lopithèque la plus connue est Lucy,
permis de retracer historiquement et tions du chromosome Y peuvent découverte en 1974 à Hadar en
géographiquement l’évolution de entraîner une infertilité masculine. Éthiopie, qui marchait debout
l’espèce humaine du côté de la Le reste du chromosome Y semble contrairement aux singes. Plus
femme [3]. être constitué de séquences répétées, proche de nous, plusieurs catégories
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Figure 3. Les modèles de l’évolution de l’espèce humaine : « évolution multirégionale » ou « remplacement rapide ».
A. Le modèle d’« évolution multirégionale » implique une évolution séparée et parallèle de l’espèce humaine à partir
de plusieurs ancêtres Homo erectus. B. Le modèle de « remplacement rapide » considère que toutes les populations
modernes dérivent d’un ancêtre commun récent (100 000-200 000 ans) d’origine africaine. Dans ce modèle, les autres
lignées se sont éteintes sans laisser de descendants. Les noms entourés font références aux lieux où ont été trouvés
les différents fossiles.
de fossiles humains ont été décou- mun le plus récent. Le premier partie de l’ensemble des gènes
vertes : L’Homo habilis, apparu en modèle « d’évolution multirégio- actuels.
Afrique il y a 2 millions d’années, est nale » propose que l’homme On peut alors se poser la question :
probablement l’inventeur des pre- moderne aurait émergé de façon comment la génétique peut-elle don-
miers outils connus. L’Homo erectus, parallèle et indépendante de plu- ner des arguments en faveur de l’un
apparu il y a environ 1,8 million sieurs populations d’Homo erectus, ou de l’autre modèle ? Deux grandes
d’années, représente la première dans différentes régions du monde stratégies ont été utilisées : l’étude de
espèce de notre lignée trouvée en (figure 3). Les différentes populations l’ADN des fossiles et l’étude de la
dehors de l’Afrique. Présent en actuelles auraient donc eu un diversité génétique des différentes
Afrique de l’Est, du Sud et du Nord, ancêtre commun il y a environ 1 mil- populations actuelles.
il l’était aussi en Chine, à Java et au lion d’années, probablement en
Proche-Orient. Les derniers fossiles Afrique. Viendraient ensuite 4 gran- L’étude de l’ADN ancien
d’Homo erectus datent de 150 000 à des lignées indépendantes à l’origine
300 000 ans. A l’Homo erectus, succè- des hommes modernes en Indonésie, L’isolement de l’ADN des fossiles est
dent les Homo sapiens archaïques pré- en Asie, en Afrique et en Europe particulièrement difficile mais,
sents, entre – 500 000 et – 120 000 ans, (Homo sapiens neandertalensis) (figure 3). récemment, l’équipe de Svante
en Europe et dans les même régions Plusieurs variantes de ce modèle exis- Pääbo (Université de Munich, Alle-
qu’Homo erectus. Enfin, les Homo tent faisant intervenir des croise- magne), a réussi à isoler des frag-
sapiens neandertalensis vivaient, entre ments entre les différentes lignées ments de molécules d’ADNmt à par-
– 120 000 et – 35 000 ans, dans une pour obtenir les hommes modernes. tir d’un humérus provenant d’un
région plus restreinte qui couvre Le deuxième modèle – de « rempla- fossile d’Homo sapiens neandertalensis
l’Europe et l’Asie du Sud-Ouest. Les cement rapide » ou Out of Africa – découvert en 1856 dans la vallée de
premiers fossiles d’hommes anatomi- considère que notre ancêtre com- Neander [9, 10]. Ces chercheurs ont
quement modernes ou Homo sapiens mun est beaucoup plus récent choisi d’étudier l’ADNmt pour deux
sapiens sont datés de – 100 000 ans. (100 000-200 000 ans) et originaire raisons : la première est l’abondance
Les polémiques portent principale- d’Afrique. Il y aurait donc eu une relative des molécules d’ADNmt
ment sur les derniers chaînons et sortie d’Afrique subsaharienne vers (>1 000/cellules) par rapport au
particulièrement sur les relations de le reste du monde et un remplace- nombre de copies d’un gène
parentés entre les hommes modernes ment des populations autochtones nucléaire (2/cellules). La deuxième
et nos plus proches ancêtres : Homo (figure 3). Ainsi, l’homme de Java, est le nombre important de résultats
erectus, Homo sapiens archaïques, l’homme de Pékin et l’homme de portant sur l’ADNmt des populations
Homo sapiens neandertalensis. La Neandertal n’auraient plus de des- actuelles. Après avoir vérifié que l’os
grande différence entre les deux cendants actuellement. D’un point pouvait réellement contenir de
modèles touche principalement de vue génétique, l’ADN de ces indi- l’ADN, ils ont montré que les
l’identification de notre ancêtre com- vidus et de ces populations ne fait pas séquences d’ADNmt obtenues
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n’étaient ni une contamination par ont été principalement mis en œuvre rapide » avançant que l’homme est
de l’ADNmt humain, ni des par les chercheurs des groupes de apparu en Afrique, il y a 100 000-
séquences possédant des erreurs Douglas Wallace à Atlanta (GA, USA) 200 000 ans. Par la suite, des popula-
introduites par la technique d’ampli- et d’Allan Wilson à l’Université de tions sont sorties de ce continent pour
fication de l’ADN. La comparaison Berkeley (CA, USA) dans les an- coloniser de nouvelles terres.
de la séquence d’ADNmt d’Homo nées 1980 [11, 12]. Ils ont ainsi mon- De nombreuses polémiques ont
sapiens neandertalensis et des séquences tré que tous les ADNmt actuels déri- porté sur les méthodes employées
humaines montre que la moyenne vaient d’une ancêtre commune pour la construction de l’arbre phy-
des différences entre les hommes vivant en Afrique, il y a environ logénétique (échantillonnage, qua-
modernes et Homo sapiens neanderta- 100 000 à 200 000 ans. lité des données, estimation de l’hor-
lensis est de 27,2 ± 2,2. Or les diffé- C’est à partir d’un polymorphisme de loge moléculaire, nombre d’arbres...)
rences observées entre les popula- restriction Hpa I que l’équipe de Wal- et sur le terme d’« Ève africaine »
tions humaines actuelles est lace a mis en évidence pour la pre- trop restrictif. Mais, même s’il est dif-
seulement de 8,0 ± 3,1. L’analyse mière fois, qu’une variation de ficile de situer convenablement la
phylogénétique incluant la séquence l’ADNmt était corrélée avec une eth- racine de l’arbre phylogénétique, il
mitochondriale du chimpanzé place nie et une origine géographique parti- semble maintenant que la plus
la séquence d’Homo sapiens neanderta- culières [15]. L’étude a montré que grande partie des données géné-
lensis très nettement en dehors des plus de 90 % des Africains possédaient tiques va dans le sens d’une origine
hommes modernes. En considérant le site Hpa I (nt 3592) alors qu’aucun récente en Afrique des populations
la date de divergence entre l’homme Asiatique ou Européen ne le possédait. modernes .
et les chimpanzés, l’équipe de Svante Ensuite, l’utilisation d’autres polymor- Alors qu’au début de ces études, les
Pääbo (Munich, Allemagne) date la phismes de restriction a confirmé la techniques utilisées ne permettaient
divergence entre l’Homo sapiens nean- relation entre la variation de l’ADNmt qu’une analyse restreinte des varia-
dertalensis et l’homme moderne entre et l’origine géographique des indivi- tions de l’ADNmt, il existe mainte-
550 000 et 690 000 ans, époque plus dus examinés. Ces résultats montraient nant des techniques plus fines pour
ancienne que les dates mentionnées aussi que les Africains constituaient un tenter de répondre aux questions
précédemment (250 000-300 000). La groupe ethnique beaucoup plus anthropologiques quant à l’âge et à
conclusion de ce travail tend donc à variable que les autres groupes. Enfin, l’origine des différentes populations
prouver que l’Homo sapiens neanderta- cette étude était en accord avec l’ori- actuelles. Dans le but de mieux carac-
lensis n’a pas participé au patrimoine gine africaine récente des populations tériser les populations humaines, une
génétique des hommes modernes. humaines car elle datait l’origine des nouvelle méthode d’analyse de
Néanmoins, les conclusions de ce tra- lignées mitochondriales à 100 000 ans. l’ADNmt a été utilisée [15]. L’ADNmt
vail ont été extrêmement discutées et Ce modèle de « remplacement est amplifié en 11 fragments chevau-
plusieurs critiques ont été faites. Une rapide » a été conforté, un peu plus chants, digérés par 14 enzymes de
première porte sur le fait que les tard, par l’équipe de Wilson [14]. Ces restriction différentes. Cette analyse
chercheurs n’ont séquencé qu’un chercheurs ont fait un travail impor- a permis d’étudier plus de 20 % de
seul individu. Une autre s’appuie sur tant sur de très nombreuses popula- l’ADNmt permettant de définir diffé-
le fait que seul l’ADNmt a été étudié tions et ils ont montré, d’une part, que rents haplotypes mitochondriaux.
et qu’il est possible que les gènes c’était, de nouveau, en Afrique que Ainsi, les ADNmt possédant des
nucléaires d’Homo sapiens neanderta- l’on trouvait la plus grande diversité de haplotypes similaires sont regroupés
lensis soient encore présents dans séquences mitochondriales. D’autre en « haplogroupes ». L’étude a porté
l’ensemble des gènes portés par les part, l’arbre phylogénétique compor- sur 4 groupes humains : les Africains,
hommes modernes, en particulier en tait 2 branches primaires distinctes : la les Européens, les Asiatiques et les
Europe. Malgré les critiques, ces première exclusivement africaine, la Indiens d’Amérique.
résultats portant sur l’ADN isolé à seconde possédant des séquences afri-
partir de fossiles sont extrêmement caines et toutes celles des autres popu- L’Afrique
encourageants et devraient per- lations. En utilisant, un taux de muta-
mettre de mieux comprendre les tion de 2-4 % par million d’années, les Les résultats de cette étude montrent
relations phylogénétiques des diffé- chercheurs ont pu calculer que la une fois de plus que la population
rentes espèces présentes et/ou séquence ancestrale datait de africaine est la plus divergente. Sur 70
éteintes. Après l’étude de l’ADN des 200 000 ans. L’existence d’une « Ève haplotypes différents retrouvés dans
fossiles, la deuxième stratégie utilisée africaine » récente a aussi été avancée les populations africaines, 55 appar-
par les généticiens est de reconstituer sur la base des études portant sur la tiennent à l’haplogroupe L « spécifi-
le passé à partir des populations région non codante de l’ADNmt (D- quement africain », défini aussi par la
d’hommes modernes. LOOP) qui est 3-4 fois plus poly- présence du site Hpa I 3592 cité plus
morphe que les régions codantes [16]. haut. Dans cet haplogroupe, deux
ADNmt Ces études ont confirmé la plus sous-groupes, L1 et L2, représentent
et populations humaines grande diversité des séquences afri- respectivement 34 % et 42 % de la
caines et l’âge de la première branche population africaine. Si les popula-
Les travaux portant sur les séquences entre 166 000 et 249 000 ans. En tions d’Afrique de l’Ouest sont dis-
mitochondriales des différentes conclusion, toutes ces études confor- persées dans les deux sous-groupes,
populations d’hommes modernes taient le modèle de « remplacement les Pygmées de l’Est et les Pygmées de
978 m/s n° 8-9, vol. 15, août-septembre 99
l’Ouest montrent une distribution
asymétrique entre ces deux groupes.
En effet, les Pygmées d’Afrique de
l’Est (ex-Zaïre) sont regroupés à 65 %
dans une seule sous-lignée de l’haplo-
groupe L1, alors que les pygmées
d’Afrique de l’Ouest (République de
Centrafrique), sont regroupés à 54 %
dans une seule sous-lignée de l’haplo-
groupe L2. Un autre groupe
d’ADNmt est défini par la perte d’un
site Dde I (nt 10394) et représente
environ 4 % des populations afri-
caines. Cet haplotype est particulière-
ment intéressant car il pouvait être à
l’origine des ADNmt de plus de la
moitié des Européens, et de certaines
populations d’Asie et d’Amérique.
Enfin, en utilisant un taux de muta-
tion de l’ADNmt de 2-3 %/million
d’années, la date d’origine de l’haplo-
groupe L se situerait entre 98 000 et
130 000 ans et la lignée des ADNmt Figure 4. Les grandes migrations de l’espèce humaine. Après la sortie
africains aurait entre 101 000 et d’Afrique, il y a environ 60 000 à 70 000 ans, les homo sapiens sapiens ont
131 000 ans [11, 14]. migré vers les autres continents. Les trajectoires et les dates de colonisation
sont issues des études de l’ADNmt et du chromosome Y. La flèche en poin-
L’Europe tillé représente l’expansion de l’économie fermière du néolithique, il y a
5 000-10 000 ans.
L’analyse phylogénétique indique
que les Européens sont divisés en site de restriction Alu I (nt 10397), est juste, ces résultats et l’absence de
deux sous-groupes par la présence absent chez les Africains et les Euro- ce marqueur au Moyen-Orient
(25 %) ou l’absence (75 %) du site péens, indique que cette mutation conforteraient l’hypothèse d’une sor-
Dde I (nt 10394). Ainsi, on observe est apparue très peu de temps après tie récente d’Homo sapiens sapiens par
une augmentation très importante ou avant l’arrivée des femmes en l’Éthiopie vers l’Asie de l’Ouest [17,
de la perte de ce site uniquement Asie. Ainsi, la présence du site Dde I 18]. D’autres haplogroupes A-G ont
retrouvée chez 4 % des Africains. et du site Alu I définit l’haplo- pu être définis et l’étude de leur dis-
Afin de préciser les variations groupe M considéré comme un mar- tribution géographique a été effec-
d’ADNmt présentes en Europe, la queur spécifique des populations de tuée. Par exemple, l’haplogroupe F
même étude a distingué 4 haplo- l’Asie du Sud-Est. En fait, très récem- est surtout représenté dans les popu-
groupes spécifiquement européens ment, l’haplogroupe M a aussi été lations de l’Asie du Sud comme au
H, I, J et K. L’haplogroupe H qui n’a retrouvé dans 20 % de la population Vietnam ou en Malaisie mais prati-
pas le site Dde I (nt 10394) repré- éthiopienne [17]. Ce résultat est quement absent en Sibérie. Au
sente 40 % des Européens et les extrêmement intéressant car l’Éthio- contraire, les haplogroupes A, C, D,
haplogroupes I, J et K possédant le pie représente un lieu géographique- E et G sont absents en Asie du Sud
site Dde I en représentent chacun 2- ment stratégique pour comprendre mais très présents dans les popula-
15 %. Les âges approximatifs de ces la sortie des populations d’Afrique. tions du Tibet, de Corée, de Chine
haplogroupes ont été calculés : En effet, il a été proposé que des et de Sibérie. Enfin, l’haplogroupe B
l’haplogroupe H serait apparu il y a Homo sapiens sapiens ont quitté est défini par la présence d’une délé-
31 000-41 000 ans et les haplogroupes l’Afrique soit par l’isthme de Suez, tion de 9 pb. Présent en Asie du Sud,
I et K, il y a 13 000-19 000 ans. Enfin, soit le long d’une route passant par en Asie centrale, sur les côtes et dans
les divergences de séquences pré- l’Éthiopie et l’Inde de l’Ouest (figure certaines îles du Pacifique, il est
sentes en Europe indiquent une date 4). Il est donc probable que l’haplo- complètement absent en Sibérie.
de colonisation entre 30 000 et 51 000 groupe M retrouvé, d’une part, en L’étude des variations génétiques
ans (figure 4) [11-16]. Asie et, d’autre part, en Éthiopie ait asiatiques a permis de calculer la
une origine commune. Deux hypo- date de colonisation de l’Asie entre
L’Asie thèses sont donc possibles : ce mar- 56 000 et 73 000 ans [11].
queur a été acquis par les Éthiopiens
Les variations d’ADNmt des popula- à partir des Asiatiques ou, au L’Amérique
tions asiatiques peuvent être divisées contraire, il était déjà présent dans
en 2 grands groupes définis eux aussi les populations anciennes d’Éthiopie Les Indiens d’Amérique du Nord, du
par la présence ou l’absence du site qui ont migré hors d’Afrique et colo- Centre ou du Sud appartiennent pra-
Dde I (10394). En outre, un nouveau nisé l’Asie. Si la deuxième hypothèse tiquement tous aux quatre haplo-
m/s n° 8-9, vol. 15, août-septembre 99 979
groupes asiatiques A, B, C et D. Des du gène ZFY de 729 pb parmi les dif- culturel » et le « modèle migratoire ».
études linguistiques ont permis de férentes populations testées [21]. D’après le premier modèle, l’expan-
diviser les langues des Indiens D’autres études ont identifié seule- sion s’est faite par la transmission cul-
d’Amérique en trois grands groupes ment 3 sites polymorphes dans 2,6 kb turelle des nouvelles technologies
[19] : le NaDéné est parlé par cer- [22] et 3 substitutions de bases dans sans mouvement de population et
taines tribus d’Indiens d’Amérique une séquence de plus 15 kb [23]. donc sans changement de l’ensemble
du Nord, du Canada et de l’Alaska. Enfin, récemment, notre équipe a des gènes des populations autoch-
L’Eskaleut est parlé par les Eskimos. montré qu’une duplication récente tones. En revanche, le deuxième
Et surtout, l’Amérind regroupe une (55 000-200 000 ans) des gènes DAZ modèle prétend que l’expansion
grande diversité de langues parlées sur le chromosome Y était présente néolithique de l’agriculture provient
par les premiers colonisateurs de dans la très grande majorité des des migrations de populations qui se
l’Amérique occupant une partie du populations actuelles suggérant sont progressivement mêlées aux
Nord et la totalité du Centre et du l’existence d’un ancêtre mâle com- populations de chasseurs-cueilleurs.
Sud de l’Amérique. Il est probable mun récent à toutes les populations Contrairement à la première version,
que ces trois groupes de langues pro- [24]. L’âge de cet ancêtre mâle com- ce modèle implique un changement
viennent de différentes vagues de mun le plus récent est évalué à de la fréquence des allèles dans les
migrations. Ainsi, l’étude des varia- 270 000 ans, 188 000 ans ou, encore populations. Ainsi, les allèles spéci-
tions entre les séquences asiatiques et plus récent, à 37 000-49 000 ans. fiques des populations de fermiers
celles des Indiens d’Amérique par- Alors que les deux premières dates devraient être présents dans les
lant l’Amérind, a révélé que ces sont similaires à la date obtenue à régions colonisées mais leurs fré-
populations d’Amérindiens dérivent partir de l’étude de l’ADNmt, la der- quences devraient décroître propor-
de deux vagues successives de migra- nière semble beaucoup plus récente. tionnellement à la distance du lieu
tion passée par le détroit de Behring De nouveau, beaucoup de critiques d’origine de la migration. Deux poly-
(figure 4). La première vague de ont été faites à ces travaux portant morphismes Taq I du chromosome Y
migration (haplogroupes A, C et D) principalement sur le taux de muta- détectés par deux sondes différentes
proviendrait d’Asie centrale en pas- tion, la taille et le mouvement des p49f et p12F2 ont été étudiés chez
sant par la Sibérie il y a 26 000 à populations d’origine, et sur le environ 3 000 individus provenant de
34 000 ans, la deuxième vague de nombre de données récoltées. différentes populations : Europe (sur-
migration, beaucoup plus récente Contrairement à l’ADNmt, les études tout le Bassin méditerranéen),
(haplogroupe B), serait passée par portant sur les variations de Afrique et Asie [27]. La sonde p12F2
les côtes asiatiques, il y a seulement séquences du chromosome Y ont détecte un allèle de 8 kb uniquement
12 000-15 000 ans. Enfin, l’âge de la progressé beaucoup plus lentement présent chez les populations cauca-
migration des populations parlant le car très peu de polymorphismes siennes du Moyen-Orient, d’Afrique
NaDéné est estimé à 7 200-9 000 ans informatifs avaient été mis en évi- du Nord et d’Europe. En revanche,
[11-20]. dence. Cependant, ces dernières cet allèle est absent dans les popula-
années, de nombreux marqueurs tions d’Afrique subsaharienne et
L’Océanie polymorphes spécifiques du chromo- chez les Orientaux. La deuxième
some Y ont été décrits et sont dispo- sonde, p49f, détecte un grand
Par rapport aux autres populations, nibles pour l’étude des populations nombre de polymorphismes de res-
les populations océaniennes ont été [25, 26]. triction. En particulier l’haplotype Ht
moins étudiées. Néanmoins, on Une étude de deux marqueurs poly- 15 qui n’est retrouvé qu’en Europe
retrouve dans les populations d’Aus- morphes du chromosome Y a permis ou dans les populations ayant eu des
tralie, de Nouvelle-Guinée et de de retracer les migrations récentes contacts avec les Européens. La dis-
Mélanésie, l’haplogroupe M retrouvé des populations du Moyen-Orient en tribution de ces deux marqueurs s’est
principalement dans les populations Europe [27]. Comme nous l’avons révélée très informative sur l’histoire
d’Asie du Sud-Est. Le calcul de la déjà indiqué, l’Europe a été coloni- de ces populations [27]. En effet, on
divergence des séquences confirme sée par Homo sapiens sapiens il y a peut observer un gradient de la fré-
l’âge relativement ancien des popula- environ 40 000-50 000 ans. Au cours quence de l’allèle 8 kb (p12F2) le
tions océaniennes entre 40 250 et du paléolithique, les hommes étaient long du Bassin méditerranéen. Ce
80 500 ans. principalement des chasseurs- polymorphisme est très présent dans
cueilleurs. Puis, il y a environ les populations du Moyen-Orient
Chromosome Y 10 000 ans, l’agriculture s’est dévelop- mais sa fréquence diminue vers
et populations humaines pée dans plusieurs régions du l’Europe occidentale. En particulier,
monde. L’un des sites les plus impor- il est pratiquement absent dans les
L’étude des séquences spécifiques tants était situé au Moyen-Orient. Ces populations basques. D’un autre
du chromosome Y a tout d’abord fermiers du néolithique se sont côté, l’haplotype Ht 15 (p49f) est dis-
montré que les chromosomes Y pré- ensuite déplacés vers l’Europe, l’Ara- tribué contrairement à l’allèle 8 kb
sents dans les différentes popula- bie, l’Afrique du Nord et l’Inde de p12F2. Sa fréquence la plus élevée
tions humaines étaient très peu diffé- apportant l’agriculture et leurs lan- se situe en Europe de l’Ouest. Envi-
rents [6, 7]. Par exemple, aucune gages. Deux modèles ont été propo- ron 60 % de la population basque
différence n’a pu être mise en évi- sés pour comprendre cette expan- possède cet haplotype. Or, il est
dence dans une séquence intronique sion du néolithique : le « modèle connu que la population basque a eu
980 m/s n° 8-9, vol. 15, août-septembre 99
peu de relations avec les nouveaux Quand on compare les variations de
Note ajoutée aux épreuves
venus du néolithique et qu’elle parle l’ADNmt et du chromosome Y, on
une langue différente de l’Indo-euro- remarque que, pour les séquences Depuis la rédaction de cet article, les auteurs ont
péen. Ainsi, l’haplotype Ht 15 peut d’origine caucasienne, on trouve une identifié un marqueur mitochondrial qui supporte
une deuxième sortie d’Afrique des hommes
être considéré comme un haplotype différence importante : 5,4 % des modernes, il y a environ 60 000 ans. La route prise
proto-européen qui a été graduelle- ADNmt et 25,4 % des chromosomes Y. par ces populations partirait de l’Éthiopie vers l’Inde
ment mélangé aux haplotypes des Il est donc possible que la contribu- en passant par les côtes de l’Arabie Saoudite. D’après
les données archéologiques, il semblerait que la pre-
fermiers du néolithique provenant tion caucasienne soit principalement mière sortie d’Afrique, il y a 100 000 ans par le
du Moyen-Orient. d’origine masculine. On peut donc Moyen-Orien, n’aurait pas eu de succès. En prenant
en compte l’ensemble de ces résultats, il est plus pro-
En conclusion, la distribution oppo- penser que ce sont surtout des bable que l’origine de la majorité des populations
sée de ces marqueurs génétiques, hommes provenant du Moyen-Orient eurasiennes actuelles provienne de cette deuxième
d’est en ouest, a permis de bien illus- qui ont migré vers l’Éthiopie, alors sortie plus récente.
trer la migration des populations du que la contribution subsaharienne des
néolithique. A partir de ces résultats, populations éthiopiennes est surtout
il semble donc que l’expansion de d’origine féminine (m/s 1999, n° 1, Remerciements
l’économie fermière du néolithique p. 126).
Nous remercions Marie-Louise Prunier et Sté-
provient d’une migration de popula- phane Jamain pour la lecture critique du
tions plutôt que d’une transmission Conclusions manuscrit.
purement culturelle [27].
D’un autre côté, l’allèle 8 kb a été A côté de l’étude des origines de
très utile pour comprendre certaines l’espèce humaine, il subsiste de nom- RÉFÉRENCES
migrations des populations cauca- breux aspects de l’histoire des popu- 1. Cavalli-Sforza LL, Menozzi P, Piazza A.
siennes. En effet, l’allèle 8 kb est pré- lations qui restent dans l’ombre. En The history and geography of human genes. Prin-
sent dans des populations ayant eu particulier, il reste à préciser les dates ceton : Princeton University Press, 1994.
des liens avec le Moyen-Orient et l’origine géographique des diffé- 2. Tyler D. The mitochondrion in health and
comme en Tunisie et en Algérie, rentes vagues de migrations d’Homo disease. New York : VCH Publishers, 1992.
révélant probablement la migration sapiens sapiens hors d’Afrique et de
3. Stoneking M, Soodyall H. Human evolu-
des Phéniciens au Maghreb. Enfin, retracer les routes utilisées pour colo- tion and the mitochondrial genome. Curr
comme nous le verrons plus loin, ce niser les autres continents. En effet, il Opin Genet Dev 1996 ; 6 : 731-6.
marqueur est aussi retrouvé en Éthio- est possible qu’il y ait eu une
4. Lahn BT, Page DC. Functional coherence
pie, confirmant les relations entre deuxième sortie d’Afrique, il y a of the human Y chromosome. Science 1997 ;
l’Éthiopie et le Moyen-Orient 40 000-50 000 ans à l’origine de cer- 278 : 675-9.
décrites par les historiens comme par taines populations d’Europe et d’Asie
5. Barbaux S, Vilain E, McElreavey K, Fel-
les linguistes car la plupart des Éthio- du Nord. Enfin, de nombreuses ques- lous M. Le point sur le déterminisme du
piens parlent des langues d’origine tions restent en suspens qui concer- sexe chez les mammifères. Med Sci 1995 ;
sémitique. nent, d’une part, le peuplement de 11 : 529-36.
Si les études du chromosome Y sont l’Asie du Sud et de l’Australie (il y a 6. Jobling M, Tyler-Smith C. Fathers and
complémentaires des études de environ 60 000 ans passant vraisembla- sons : the Y chromosome and human evolu-
l’ADNmt, elles peuvent aussi donner blement le long des côtes de l’Océan tion. Trends Genet 1995 ; 11 : 449-55.
des résultats apparemment contradic- Indien), d’autre part, les variations 7. Mitchell RJ, Hammer MF. Human evolu-
toires très intéressants. En effet, l’his- génétiques entre les anciens groupes tion and the Y chromosome. Curr Opin
toire du chromosome Y peut être dif- africains comme les Pygmées et les Genet Dev 1996 ; 6 : 737-42.
férente de celle de l’ADNmt. Ainsi, Khoisiens. Plus particulièrement en 8. Jones S, Martin R, Pilbeam D. The Cam-
l’étude comparée de ces marqueurs Europe, il reste à préciser l’origine bridge encyclopedia of human evolution. Cam-
permet d’illustrer les différences liées des populations basques et la relation bridge : Cambridge University Press, 1992.
au sexe lors de certaines pratiques entre l’Homo sapiens neandertalensis et 9. Krings M, Stone A, Schmitz RW, Krai-
culturelles, des migrations, des les populations d’Homo sapiens sapiens. nitzki H, Stoneking M, Pääbo S. Neandertal
guerres et des colonisations. Toutes ces questions sont en cours DNA sequences and the origin of modern
humans. Cell 1997 ; 90 : 19-30.
Un bon exemple de cette différence d’investigation dans les laboratoires
est illustré par les résultats d’une de génétique. De plus, les chercheurs 10. Denamur E, Lecointre G. L’ADN de
étude récente des populations éthio- sont aidés par de nouvelles technolo- l’homme de Neandertal. Med Sci 1997 ; 13 :
1488-90.
piennes [18]. Nous avons déjà expli- gies permettant par exemple de
qué pourquoi la position géogra- séquencer très rapidement toute la 11. Wallace D. Mitochondrial DNA variation
phique de l’Éthiopie est stratégique molécule d’ADNmt d’un individu en in human evolution, degenerative disease,
and aging. Am J Hum Genet 1995 ; 57 : 201-23.
dans le modèle proposant une sortie quelques heures. Il est donc certain
récente des populations d’Homo que de nombreux résultats plus pré- 12. Cann RL, Stoneking M, Wilson AC.
sapiens sapiens hors d’Afrique. Ainsi, cis vont être présentés rapidement Mitochondrial and human evolution. Nature
1987 ; 325 : 31-6.
l’étude parallèle de l’ADNmt et du qui devront être intégrés dans
chromosome Y de la population éthio- l’ensemble des résultats provenant 13. Denaro M, Blanc H, Johnson MJ, Chen
pienne a été effectuée dans le but d’autres disciplines comme l’anthro- KH, Wilmsen E, Cavalli-Sforza LL, Wallace
DC. Ethnic variation in Hpa I endonuclease
d’identifier les origines maternelles pologie, l’archéologie, la linguistique cleavage patterns of human mitochondrial
et/ou paternelles de ces populations. et la paléontologie ■ DNA. Proc Natl Acad Sci USA 1981; 78: 5768-72.
m/s n° 8-9, vol. 15, août-septembre 99 981
22. Hammer MF. A recent common anestry
RÉFÉRENCES for human Y chromosomes. Nature 1995 ;
378 : 376-8.23. Whitfield LS, Sulston JE, Summary
14. Vigilant L, Stoneking M, Harpending H, Goodfellow PN. Sequence variation of the Mitochondrial DNA, Y chromosome
Hawkes K, Wilson AC. African populations human Y chromosome. Nature 1995 ; 378 :
379-80. and human population history
and the evolution of human mitochondrial
DNA. Science 1991 ; 253 : 1503-7.
24. Groupe 1 : Algunik AI, Zharkikh A, Many disciplines such as archaeo-
15 Ballinger SW, Schurr TG, Torroni A, Boettger-Tong H. Groupe 2 : Bourgeron T, logy, anthropology, linguistic and
Gan YY, Hodge JA, Hassan K, Chen KH, McElreavey K, Bishop CE. Evolution of the paleontology are involved in the
Wallace DC. Southeast Asian mitochondrial DAZ gene family suggests that Y-linked DAZ
plays little, or a limited, role in spermatoge- study of human origins. More
DNA analysis reveals genetic continuity of recently, genetics and molecular
ancient mongoloid migrations. Genetics nesis but underlines a recent African origin
1992 ; 130 : 139-52. for human populations. Hum Mol Genet biology have been used to shed light
1998 ; 7 : 1371-7. on human origins. For many years,
16. Torroni A, Huoponen K, Francalacci P, geneticists have studied the DNA
25. Underhill PA, Jin L, Lin AA, Mehdi SQ, variations among individuals and
Petrozzi M, Morelli L, Scozzari R, Obinu D, Jenkins T, Vollrath D, Davis RW, Cavalli-
Savontaus ML, Wallace DC. Classification of Sforza LL, Oefner PJ. Detection of nume- populations in order to establish
European mtDNAs from an analysis of rous Y chromosome biallelic polymor- relationships between different
three European populations. Genetics 1996 ; phisms by denaturing high-performance
144 : 1835-50. populations. Of the DNA markers
liquid chromatography Genome Res 1997 ; 7 : available, the most interesting are
996-1005.
17. Passarino G, Semino O, Bernini LF, San-
the uniparental inherited markers,
tachiara-Benerecetti AS. Pre-Caucasoid and 26. Hammer MF, Spurdle AB, Karafet T, et which are the maternally inherited
Caucasoid genetic features of the Indian al. The geographic distribution of human Y mtDNA and the paternally inheri-
population, revealed by mtDNA polymor- chromosome variation. Genetics 1997 ; 145 : ted Y-chromosome. They both
phisms. Am J Hum Genet 1996 ; 59 : 927-34. 787-805. escape from regular recombinatio-
nal processes at meiosis and, conse-
18. Passarino G, Semino O, Quintana-Murci 27. Semino O, Passarino G, Brega A, Fellous quently, these markers are transmit-
L, Excoffier L, Hammer M, Santachiara- M, Santachiara-Benerecetti AS. A view of
Benerecetti AS. Different genetics compo- the Neolithic demic diffusion in Europe ted together as haplotypes
nents of the Ethiopian population identified through two Y chromosome-specific mar- preserving a unique record of muta-
by mtDNA and Y-chromosome polymor- kers. Am J Hum Genet 1996 ; 59 : 964-8. tional changes that have occurred
phisms. Am J Hum Genet 1998 ; 62 : 420-34. in previous generations. While X
chromosomes and autosomes each
19. Greenberg JH, Turner CGII, Zegura SL. have multiple ancestors because of
The settlement of the Americas : a compari- recombination, all modern mtDNAs
sion of the linguistic, dental, and genetic
evidence. Curr Anthropol 1986 ; 27 : 477-97. could have a single maternal ances-
tor and Y-chromosomes could have
20. Torroni A, Neel JV, Barrantes R, Schurr
a single paternal ancestor. Here we
TG, Wallace DC. A mitochondrial DNA review the general characteristics of
« clock » for the Amerinds and its implica- the Y chromosome and the mtDNA
tion for timing their entry into North Ame- and, using specific examples, we
rica. Proc Natl Acad Sci USA 1994 ; 91 : 1158- show how haplotypes can be used to
62.
determine human origins and study
different population interactions in
21. Dorit RL, Akashi H, Gilbert W. Absence TIRÉS À PART historical times.
of polymorphism at the ZFY locus on the Y
chromosome. Science 1995 ; 268 : 1183-5. T. Bourgeron.