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Sorcières : les femmes vivent

Sur le placenta
Michèle Montrelay

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Montrelay Michèle. Sur le placenta. In: Sorcières : les femmes vivent, n°4, 1976. Enceintes. Porter, accoucher. pp. 29-30;

https://www.persee.fr/doc/sorci_0339-0705_1976_num_4_1_3738

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Sur le

placenta

beaucoup
affluent.
temps
de
coup
la paix
cœur
grossesse,
Comme
Maistemps
Quand
La
peut-on
d’angoisse
de
disparaît.
se
s’il
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Et
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de
forts,
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disparaît.
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cure
jusqu’à
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provisoirement
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éclats
l’inconscient.
ce
ilpendant
manifester.
alternance
nouvelles
lui
que»qui
vient
sison
la
le
à

Il y a les fantasmes que l’on se fait, hommes et femmes, de la grossesse.


Il y a la grossesse, qui est un état. Il s’installe progressivement et vers le quatrième
mois (précisément quand le cœur de l’enfant commence à se faire entendre),
s’empare de vous. Cet état se vit comme une sorte nouvelle, unique de temps.
Temps flottant, fait de présent-futur, où le passé ne peut être, parce qu’il se
pose comme ce qui est fini, par conséquent compté. Or l’état, de grossesse
ignore le mode habituel de compter. Quand j’attends l’enfant, je ne peux dire
que nous sommes deux. Encore moins un. Sauf exceptions où le fœtus se vit
seulement comme corps étranger, l’enfant et moi nous ne sommes ni deux, ni
un, nous sommes ensemble suspendus, disjoints, dans la même puissance de vie.
Nous l’habitons, nous l’ouvrons, nous la déchirons, nous sommes en elle
deux-dans. Je porte l’enfant. Je suis portée.
Et si j’aime l’homme qui a fait l’enfant — - s’il veut bien, cet homme
entre dans le présent sans passé, où l’on se tient uni-séparé par l’enveloppe
nourricière. Dans la grossesse c’est le placenta qui fait le temps, le déploie sans
compter, à sa manière.

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Peut-être les femmes qui « retiennent », réalisent quand il faut pousser
qu’elles ne peuvent, ne veulent pas laisser sortir l’enfant, veulent-elles garder
plus encore que le bébé, cet infini temps-placenta. Alors la différence est moins
grande qu’il le paraît entre elles et les autres qui participent au travail d’expulsion.
Puisque laisser la poussée se faire, vous distendre, vous ouvrir au labour
éclatant de la tête, c’est faire sortir l’enfant, mais pas encore le placenta. Cette
expulsion a lieu après.
Est-ce qu’on peut jamais tout à fait la réaliser ? Quelle mère, sinon celle
du psychotique, qui la nie, ne la vit pas, plus ou moins fort, plus ou moins
consciemment, mais toujours comme arrachement ? On ne fait pas activement
le placenta. On vous le tire. L’arbre de vie, la masse de velours rouge, humide,
spongieuse, est extirpée du ventre puis jetée. Ça saigne. Fuite liquide qu’on
ne sent pas : l’arrachement ne fait même pas mal. Pour l’enfant la trace de la
perte des membranes est l’ombilic. Pour la mère, cette fois-ci, c’est le sang
versé. Au moment de la délivrance la mère s(a)igne sa propre expulsion du
temps placenta de la grossesse. La sienne, et celle du bébé. Cette effusion
réalise la perte infinie dans laquelle elle et l’enfant sont emportés. La naissance
du bébé, le trauma, serait sans-fonds s’il n’avait pas celui répété de la naissance
de la mère. Une femme qui accouche naît à nouveau. Elle revit la première,
l’immense impuissance. En ceci elle devient mère non seulement d’un corps,
mais d’un désir qui n’est pas le sien.
On ne peut pas décider de devenir mère. L’autre désir, celui de l’enfant,
pousse là où on ne peut plus vouloir rien. Il sort de vous devenue terre.
Michèle Mont relay

L’HOMMELETTE

Considérons cet œuf dans le ventre vivipare où il n’a pas besoin de coquille,
et rappelons que chaque fois que s’en rompent les membranes, c’est une partie
de l’œuf qui est blessée, car les membranes sont, de l’œuf fécondé, filles au
même titre que le vivant qui vient au jour par leur perforation. D’où il résulte
qu’à la section du cordon, ce que perd le nouveau-né, ce n’est pas, comme le
pensent les analystes, sa mère, mais son complément anatomique.
Et bien ! Imaginons qu’à chaque fois que se rompent les membranes, par
la même issue, un fantôme s’envole, celui d’une forme infiniment plus primaire
de la vie, et qui n’est guère prête à redoubler le monde en microcosme.
A casser l’œuf se fait l’Homme, mais aussi l’Hommelette.
]. Lacan. VIe Colloque de Bonneval.
« L’inconscient ». Desclée de Brouwer.

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