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2 À l’aube d’une
transformation
Le gouvernement
4
profonde de l’État
L’administration
électronique
publique à l’heure
du gouvernement
numérique
9 Le gouvernement À l’occasion d’un séminaire sur le gouvernement électronique tenu les 5, 6 et 7
en ligne : vers une mai 2003 à Lille en France, des étudiants de l’École nationale d’administration
publique du Québec et de l’Institut régional d’administration de Lille ont eu à
transformation des réfléchir sur la numérisation de l’information gouvernementale et sur ses consé-
relations État-citoyen quences pour les administrations publiques française et québécoise. Télescope
12 Le e-gouvernement : rend compte de ces travaux dans trois articles qui explorent en détail l’univers du
e-gouvernement.
univers électronique et
univers de valeurs Un univers que le gouvernement québécois a fréquenté précocement puis-
qu’en 1982 il prévoyait déjà pour ses activités un virage technologique. Au point
20 Les sites informationnels qu’aujourd’hui, quelle que soit l’approche, législative, politique, administrative,
au Québec et en France citoyenne, technologique…, le Québec sert de référence. Vous retrouverez cette
diversité de point de vue dans les pages suivantes à travers trois témoignages d’ex-
25 Les téléprocédures en perts : universitaire, politique et administratif.
France et au Québec Tous s’accordent cependant autour de deux évidences : le futur du gouvernement
30 La gestion sera numérique mais pour gagner ces beaux lendemains, il faudra inventer et
des inforoutes s’acharner.
gouvernementales Je remercie Christian Boudreau, Pierre Bernier, Henri-François Gautrin et Stépha-
nie Yates pour leur contribution ainsi que les étudiants français et québécois et les
32 Une seconde chercheurs de L’Observatoire de l’administration publique qui ont participé à la
génération de rédaction de ce numéro.
typologies pour
les services publics Louis Côté
électroniques Directeur de L’Observatoire de l’administration publique
C’est un fait, le gouvernement en ligne, avatar d’Internet, est porteur de tant de prodiges qu’ils en deviennent quelquefois
indiscernables. Modernisation, décentralisation, efficience, transparence, la qualification des promesses n’a point de bor-
nes. Mais prudence, aux confins de la virtualité pourrait régner l’exclusive et l’arbitraire.
Le e-gouvernement sort du chapeau. Plus qu’une énième « mode managériale », il s’agit bien d’une vraie révolution dont
les soubresauts ébranlent les fondements des États et de leurs administrations appelés à réinventer l’exercice de leurs
pouvoirs. Mais la gouverne orthodoxe, serait-elle adoubée par la lettre E, résiste au vertige. Car si l’action publique subit
désormais l’ascendant du numérique, celui-ci plie devant la souveraineté de la démocratie.
L
’expression « e-gouvernement » ques contemporaines sur l’État et sur en question de nombreuses planifi-
est un nouvel axiome soumis l’Administration en tant que presta- cations antérieures, le phénomène
aux administrations publiques taire des services publics. numérique bouscule les administra-
des pays démocratiques qui peinent tions publiques et les institutions de
à faire sa démonstration et à mesurer Une problématique commune formation qui évoluent dans leurs
les enjeux soulevés par une équation périphéries.
somme toute assez simple, « e-gou- aux États démocratiques Tous les rôles et fonctions de
vernement = e-administration + e-
démocratie ». Observer, dans les pays développés, l’État sont confrontés au progrès
l’avancée des technologies de la technologique
Depuis la fin de la dernière décennie, communication dans la sphère étati-
l’administration électronique inspire Que ce soit aux titres de Puissance
que, permet d’isoler une thématique publique responsable de la paix
ou, pour le moins, affecte la plupart multidimensionnelle. Aux fins de
des réformes structurantes engagées civile, de la sécurité publique et de
notre développement, on en retien- la justice, d’acteur et régulateur de
par les gouvernements. Toutefois, dra six figures.
hormis quelques cas exemplaires (E- l’économie, de garant de la cohésion
democracy au Danemark ou le portail L’ère de l’industrialisation fait- sociale et de l’identité collective ou
du Minnesota, État considéré leader elle vraiment place à une ère encore de «réducteur» des effets sur
en matière d’implication des citoyens nouvelle ? les individus des aléas sociaux et éco-
dans le processus décisionnel au nomiques, l’État en tant que sujet est
Les futurologues, puis, avec plus
moyen des NTIC), les transformations confronté à l’imperium de la techno-
d’acuité et de rigueur depuis une
les plus nombreuses portent essen- logie radieuse.
décennie, les prospectivistes, répè-
tiellement sur la relation entre les tent que l’ère de l’industrialisation, Reflétant en cela les attentes de la
citoyens et l’administration publique. qui a si fortement déterminé les États société qu’ils servent, tous les gouver-
Dans cette perspective, des notions occidentaux à la fois par les besoins nements démocratiques réaffirment
anciennes, mais désormais précé- à satisfaire et par les concepts, lois, le caractère primordial de chacun
dées de la lettre «E», semblent avoir règles et pratiques mis en oeuvre, de ces rôles et tentent de préserver
acquis un pouvoir magique. e-admi- cède sa place à une ère de l’infor- l’équilibre entre les actions qui en
nistration, e-formulaire, e-services, mation, marquée par la primauté de découlent. En revanche, la plupart
e-fonctionnaires, autant de concepts l’accès au savoir et de l’innovation concèdent que le contexte écono-
autrefois ennuyeux pour certains, mal qu’il peut engendrer. Encore une mique, culturel et technologique leur
compris, ignorés, voire devenus obso- fois, c’est un progrès technique, se interdit dorénavant d’accomplir leurs
lètes, qui apparaissent aujourd’hui rapportant ici à l’instantanéité de la tâches sans tenir compte des outils et
« branchés ». Une distinction fonda- communication, qui, décuplant le processus émergents.
mentale est donc à faire entre l’es- possible, déclenche et soutient une Constat rassurant pour les citoyens
sence immuable des activités et son nouvelle phase du développement contribuables : l’évolution techno-
nouvel éclairage numérique. de l’humanité. logique ne semble pas intrinsèque-
L’analyse des éléments constitutifs Cette vision d’un futur qui prend ment commander moins d’État mais
de cette problématique ne peut en forme commande impérativement un permet au contraire d’espérer mieux
conséquence s’affranchir d’un rappel ordre du jour différent pour l’action d’État, notamment pour la produc-
des réalités mises en cause. C’est là des administrations, tant au palier tion et la distribution des services
un préalable éclairant à l’étude des central qu’au palier infra-étatique. publics et, simultanément, pour la
enjeux et des impacts des technologi- De toute évidence, en remettant gestion des organisations publiques.
Henri-François Gautrin a été mandaté par le Premier ministre du Québec pour piloter le projet de mise en œuvre du gou-
vernement en ligne. Avec la collaboration de Stéphanie Yates, il nous délivre ici un double message : celui de l’expert de
la gouvernance numérique et celui de l’acteur engagé à la poursuite d’un idéal politique.
L
e concept de gouvernement mentaux. On pense par exemple au pays étudiés (Australie, Canada, Nou-
en ligne occupe une place de renouvellement du permis de con- velle-Zélande, Royaume-Uni et États-
plus en plus importante dans duire et des immatriculations d’un Unis), le pourcentage des citoyens
les préoccupations des gouverne- véhicule, à l’enregistrement d’une utilisant Internet comme premier
ments de la planète. Cependant, il compagnie, à la consultation en direct support pour accéder à des services
recouvre des réalités bien différentes des listes d’attente des hôpitaux d’une gouvernementaux a doublé (Tiré de
selon les pays. Pour certains, le seul municipalité ou à l’inscription aux IDC CONSULTING, Vision to Benefit:
fait de développer des sites Web services de garderie. « Informations à eGovernement Solutions Study - The
dans les principaux ministères cons- jour et directement accessibles, obli- New-Brunswick Case, Mai 2003.)
titue une forme de gouvernement gations acquittées et services obtenus
en ligne. Pour d’autres, ce n’est pas à distance et en tout temps, procé- Orienter l’offre de services
le cas tant que ces sites ne sont pas
interactifs. Le nouveau gouvernement
dures plus simples, délais plus courts
et paperasse réduite2 » ne sont que en fonction des besoins
du Québec a fait de la mise sur pied
d’un gouvernement en ligne le fer de
quelques avantages générés par un
gouvernement en ligne.
des citoyens et des entreprises
lance d’une modernisation globale
Une étude publiée par le Centre Malgré ces statistiques encouragean-
de l’État. Mais quelle est la vision qui
francophone d’informatisation des tes, il n’en demeure pas moins que
sous-tend cet objectif? Où nous con-
organisations (CEFRIO) en août 2003 la liberté de choix des citoyens doit
duisent nos rêves lorsque nous ima-
indique que les Québécois sont demeurer au cœur des préoccupa-
ginons une société où les nouvelles
prêts à transiger à l’aide de supports tions entourant la mise en place d’un
technologies seraient au service des
électroniques avec les instances gouvernement en ligne, sans quoi les
citoyens et citoyennes de demain?
gouvernementales. Ainsi, parmi les retombées d’un tel projet risquent de
Qu’entend-on par 60 % des Québécois ayant accès à
Internet, 68 % considèrent que le
nuire à la démocratie plutôt que d’en
favoriser le plein épanouissement.
gouvernement en ligne? gouvernement « devrait accorder Certains citoyens, soit en raison de
leur situation socio-économique
[une forte priorité] à la mise en place
La firme IDC-Canada Consulting ou de leur niveau de scolarité, soit
de différents services par Internet3 »,
définit ainsi le gouvernement en simplement par choix, demeure-
cette proportion atteint 64 % pour
ligne: « Politiques et actions des ront inévitablement en marge de
les entreprises. La fréquentation des
administrations publiques destinées ces innovations technologiques. Les
sites Internet gouvernementaux con-
à renforcer la qualité des services aux voies d’accès traditionnelles telles
firme cet intérêt. En effet, « plus d’un
citoyens, rehausser l’accessibilité et que le téléphone, le comptoir ou la
citoyen sur trois [a] visité, au cours de
l’aptitude à réagir, réduire les coûts poste doivent donc être maintenues.
la dernière année, le site Web d’un
des transactions en déployant des Cependant, il faut soutenir les initia-
ministère ou d’un organisme du gou-
plates-formes électroniques intégrées tives visant à amener ces groupes à
vernement du Canada (36 %) et du
multicanaux 1 ». Concrètement, un se familiariser graduellement avec les
Québec (35 %)4 ».
gouvernement en ligne permet à nouvelles technologies de l’informa-
l’individu ou à une entreprise d’avoir Une étude d’IDC Consulting corrobo- tion et ainsi, dans la mesure où ils le
accès, au moment et au lieu qu’ils re cette nouvelle tendance mondiale. souhaitent, à en devenir d’éventuels
ont choisis, aux services gouverne- Entre 2001 et 2003, dans les cinq utilisateurs.
Notes
1
IDC Consulting. From Vision to Benefit: 2003, Sondage réalisé auprès des citoyens, 6
Gouvernement en direct, Gouvernement du
eGovernement Solutions Study - The New- des entreprises et des travailleurs autonomes Canada, Secrétariat du Conseil du Trésor,
Brunswick Case, mai 2003. Mentionnons du Québec, 2003, p. 10. 2003, p. 24.
que par G2C, nous entendons les interac- 4
Idem., p. 10. 7
Définition tirée du Grand dictionnaire termi-
tions entre le gouvernement et les citoyens,
nologique de l’Office québécois de la langue
G2B signifiant les relations entre le gouver- 5
Les grappes de services ainsi développées
française, www.granddictionnaire.com
nement et les entreprises (business) et G2G, s’intitulent comme suit : « Démarrez votre
les interactions entre les instances gouver- entreprise », « Que faire avant, pendant 8
À cet égard, il est d’ailleurs intéressant de se
nementales elles-mêmes. et après un sinistre », « Comment chan- pencher sur les initiatives développées en
ger d’adresse », « Renseignements pour la matière aux États-Unis en vue de la pro-
2
Une Administration plus attentive aux
les consommateurs », « Perte ou vol de chaine course à la présidence, le candidat
entreprises, Pour créer plus d’emplois et
cartes », « Bébé arrive », « Que faire lors démocrate Howard Dean ayant fait grand
de richesse, Rapport du Groupe conseil
d’un décès », « Pour les 55 ans ou plus », usage des technologies de l’information
sur l’allègement réglementaire au premier
« Quand un couple se sépare ». Elles pour mobiliser ses supporteurs.
ministre, août 2003, p. ix.
peuvent être consultées à partir du portail
3
CEFRIO (MASSON, Caroline, Direction du gouvernement du Québec, à l’adresse
veille stratégique et enquêtes), NetGouv www.gouv.qc.ca
Une fois n’est pas coutume, la forêt cache l’arbre. La forêt c’est le foisonnement, on pourrait dire le pullulement des ini-
tiatives, techniques, administratives, législatives, politiques voire philosophiques qui font cortège au sacre annoncé du
gouvernement électronique. Mais l’arbre n’est autre que l’eurythmie, ou l’équilibre, entre la liberté individuelle et le bien
commun, chancelante sous les assauts du tout numérique
G
ouverner électroniquement Pour Marche et McNiven (2003), le du e-gouvernement. Selon ce modè-
ne consiste pas seulement à e-gouvernement réfère aux proces- le, les progrès de cette implantation
dispenser des services publics sus de prestation des services aux empruntent cinq phases (plateaux) :
aux citoyens au moyen de machines citoyens par les TIC : “E-government Online presence, Basic capability,
auxquelles ne résistent ni le temps, is the provision of routine govern- Service availability, Mature delivery et
ni la distance. Exposer les principales ment information and transaction Service transformation.
théories et tracer le cadre normatif du using electronic means, most nota-
À l’intérieur de ce modèle, l’implan-
e-gouvernement sont des préalables bly those using Internet technolo-
tation du e-gouvernement se fait par
à l’étude des enjeux que soumettent gies, whether delivered at home, at
paliers. Au début de chaque phase,
les pratiques de la gouvernance élec- work, or through public kiosks”4. La
les progrès réalisés par les gouver-
tronique aux gestionnaires publics. e-gouvernance est, elle, associée
nements sont rapides. Cependant,
Ce sommaire guide cet article. au dialogue entre les citoyens et le
au fur et à mesure qu’on approche
gouvernement par le biais des TIC
L’OCDE donne une définition uti- de la limite d’un palier (le plateau),
tout au long des processus de prise
litariste du e-gouvernement. Dans le rythme ralentit. Pour passer à la
de décision des politiques : “E-gover-
cette perspective, le e-gouvernement phase suivante, les gouvernements
nance is a technology-mediated rela-
consiste dans l’utilisation des techno- doivent redéfinir leur stratégie.
tionship between citizens and their
logies de l’information et de la com- governments from the perspective of L’analyse Accenture insiste plus sur les
munication dans le but d’améliorer potential electronic deliberation over critères « managériaux » du e-gouver-
la gestion des affaires publiques 1. civic communication, over policy evo- nement que sur ses caractéristiques
Les effets escomptés conduiraient à lution, and in democratic expressions techniques. Dans la phase initiale,
l’amélioration des services et à un of citizen will”5. Le e-gouvernement online presence, les gouvernements
plus grand engagement des citoyens est donc un phénomène administra- se contentent de fournir des informa-
dans le processus d’élaboration des tif alors que la e-gouvernance est de tions en ligne de manière non coor-
politiques 2. Cette définition met nature politique. donnée. Dans les phases avancées,
l’emphase sur les outils utilisés (les ils situent le e-gouvernement dans
TIC) et les objectifs recherchés avec
une vision tournée davantage vers le
Les analyses théoriques une stratégie globale de réforme de
l’administration publique et de trans-
citoyen (the customer focus) que vers du e-gouvernement formation des modes de prestation
l’organisation. des services.
On retiendra des cadres d’ana-
D’après Jae Moon3, les applications lyse de la théorie du e-gouvernement Jae Moon (2002) propose un cadre
des TIC dans la gestion publique cou- qu’aucun d’eux, à lui seul, n’est en d’analyse à cinq niveaux7 : la dissé-
vre quatre domaines : l’établissement mesure d’en saisir la complexité. On mination de l’information (one way
de réseaux internes de communica- les considère donc complémentaires. communication), l’interaction (two
tion (intranet) et de bases de données way communication), la prestation
centralisées, la prestation de services Le cadre d’analyse de la firme de services et les transactions finan-
en ligne, la réalisation de transactions Accenture6 cières, l’intégration horizontale et
en ligne (e-commerce) et la démocra- La firme de consultation Accenture a verticale des processus et des struc-
tie en ligne. Cette typologie permet conçu un cadre d’analyse qui lui per- tures et la participation politique. Il
de distinguer le e-gouvernement et la met de comparer les niveaux d’avan- décrit ce schéma linéaire comme un
e-gouvernance. cement des pays dans l’implantation simple montage conceptuel et iden-
Notes
1
OCDE, 2003. « The e-government impera- 8
S. Marche; J. D. McNiven, op. cit., p. 78. 14
OCDE. « The e-government imperative:
tive: main findings », Policy Brief, p. 3, main finding », op. cit., p. 3.
9
Ibid., p. 77.
www.ocde.org 15
REEDER, Frank (1998). « Les technologies
10
Op. cit., p. 81.
2
Idem. de l’information en tant qu’instrument
11
Pour une étude plus détaillée de ces con- de réforme de la gestion publique :
3
M Jae Moon. Jul/August2002, Public Admin-
cepts, se référer à W.D. Colemen; G. Skogs- Étude de cinq pays de l’OCDE », OCDE
istration Review, Washington, vol. 62, p.
tad. 1990. « Policy Communities and public www.ocde.org/puma
424.
policy: a structural approach ». Dans Policy 16
TOREGAS, C. (2001). « The politics of e-
4
Sunny Marche; James D. McNiven. 2003. Communities and public policy in Canada:
gov: The upcoming struggle for redefining
« E-Government and E-Governance : The a structural approach. Sous dir. W.D. Cole-
civic engagement », National Civic Review,
future isn’t what it used to be », Canadian men; G. Skogstad. Copp Clark Pitman Ltd.
90 (3), p. 235-240.
Journal of Administrative Sciences, vol. 20, Ontario, p. 14-33.
n° 1, p. 75. 17
HOLDEN, S.H., FLETCHER, P.D. (2001).
12
OCDE. 2003. « Engaging citizens online for
Government Information Quarterly, 18, 75-
5
Idem. better policy making ». Policy brief.
77.
6
Accenture(2003). « eGovernment Lead- 13
N. Venkatraman.1996.Technologies de 18
OCDE et Statistique Canada (2000). « Lit-
ership: Engaging the Customer », The l’information : Le défi de la transformation
eracy in the information age : Final report
Government executive series, p. 8, stratégique. Sous dir. E.G.C. Collins, M.A.
of the International Adult Literacy Survey »,
www.accenture.com Devanna, Le nouveau MBA, Maxima, Paris,
Ottawa.
7
M. Jae Moon, op. cit., p. 4. p. 261.
L’information gouvernementale numérisée accessible par Internet, plus personne ne songe à critiquer le bien-fondé de
cette révolution. Car il s’agit bien d’une révolution. Repenser et rénover la bureaucratie et rétablir la parole du citoyen,
tels sont les chantiers ouverts sur les deux rives francophones de l’Atlantique.
D
ans ce qu’on nomme « la développement de nouveaux mar- quotidienne, notamment pour la
société du savoir », l’informa- chés dans le cadre d’une politique simplification des formalités adminis-
tion est la matière première. intitulée Le virage technologique. En tratives3 ».
Les technologies de l’information et 1994, il créait Le Fonds de l’autoroute
de la communication (TIC) l’ont rendu de l’information et arrêtait une Poli- La recherche de l’homogénéité
disponible rapidement et en abon- tique québécoise de l’autoroute de
dance. Elle est, entre autres, au cœur l’information autour de cinq priorités: En 2002, on recensait 200 sites
de la relation gouvernement/citoyens. développer l’économie et l’emploi, publics au Québec et 394 en France.
Elle permet au gouvernement d’infor- rapprocher l’État des citoyens et des L’information abonde donc mais cette
mer un public de plus en plus large entreprises, généraliser l’utilisation de pléthore, justement, peut dérouter le
mais aussi de promouvoir ses orienta- l’autoroute de l’information, bâtir une citoyen. Les sites gouvernementaux
tions voire de dicter ses décisions. Elle inforoute respectueuse des valeurs québécois doivent « maintenir une
offre aux citoyens un accès plus direct culturelles et enfin préparer la jeune certaine unité dans leur présenta-
à l’appareil administratif. génération à l’univers des nouvelles tion afin d’offrir à l’internaute une
technologies. vision claire et représentative de leur
Les sites informationnels via le réseau
Internet sont l’interface de cette rela- Pour le gouvernement québécois, fonction officielle et publique. C’est
tion. Ils forment ce qu’on appelle « Internet s’est rapidement révélé une pourquoi il est important de se con-
désormais le gouvernement électro- formidable source d’information et former à certaines normes de base
nique ou e-gouvernement. Ils recom- de connaissances accessibles par un dans l’élaboration de la présentation
posent progressivement le secteur simple clic de souris. Nous voulions de ces sites. De plus, chaque minis-
public, tant dans son fonctionnement que le plus grand nombre, en parti- tère ou organisme est responsable
interne que dans sa projection vers culier les jeunes, puissent se brancher des contenus diffusés sur son site.
l’extérieur. Car cette transformation a sur cet outil de savoir aux dimensions Ces contenus doivent être conçus en
ses exigences : « étant donné que le planétaires, et pas seulement les nan- fonction des besoins des citoyens et
site Web constitue la porte d’entrée tis ou les citadins1 ». des clientèles externes du ministère
virtuelle de l’organisation, il est indis- ou de l’organisme4 ».
En France, la première vague de sites
pensable qu’il contienne de l’infor- gouvernementaux date du début des En France, le manque de coordina-
mation claire et adaptée aux besoins années 1990. On parle alors de l’In- tion stratégique entre les ministères
des utilisateurs1 ». ternet public2 Mais ce n’est que dix nuit à l’homogénéité des sites infor-
À travers les pratiques, les législations ans plus tard que les administrations mationnels. « Chaque site possède
qui l’encadrent, les problématiques publiques investissent vraiment le sa propre structure de l’information,
qu’il instaure et les freins qui ralentis- champ d’Internet. Selon le gouver- sa propre charte graphique, sa propre
sent son expansion, le site d’informa- nement français, « la France est dans navigation, ce qui ne facilite pas la
tion gouvernementale est bel et bien la bonne moyenne. Pour ce qui con- tâche de l’internaute. Or celui-ci est
devenu un instrument de la gouver- cerne l’accessibilité des informations généralement moins intéressé par les
nance démocratique sur les sites publics. Il y a même quel- structures que par l’information qui
ques réussites remarquables comme l’aide à résoudre ses problèmes. Il
Une histoire à deux vitesses service-public.fr et nous sommes en
train de combler notre retard pour
est même fréquent que l’information
pertinente sur tel ou tel sujet doive
Le gouvernement québécois fait les téléprocédures. En revanche, il être collectée sur plusieurs sites. Les
figure de précurseur dans l’utilisation y a beaucoup à faire pour créer des usagers du forum e-administration
des TIC. Dès 1982, il lançait plusieurs produits correspondant aux attentes soulignent que l’organisation des sites
programmes de recherche et de de nos concitoyens dans leur vie en fonction du découpage des struc-
L’administration à domicile sur écran d’ordinateur en lieu et place du guichet et de son fonctionnaire? Ce n’est pas pour
tout de suite si on en croit les sondages en France et au Québec. Et ce n’est pas si simple. Sécurité poreuse des transac-
tions, oubli des populations démunies, bénéfices financiers aléatoires, la généralisation des téléprocédures, revendiquée
vertement par certains, est semée d’embûches
C
’est l’obligation contempo- En 1997, le Premier ministre français administratives de manière sécurisée
raine de répondre de manière Lionel Jospin lançait le Programme tout en exerçant leur droit d’accès à
quasi instantanée aux deman- d’action gouvernemental pour la l’information.
des de services des citoyens et des société de l’information (PAGSI). Un fort leadership politique, la péné-
entreprises qui a motivé pour une Parmi ses grandes orientations, un tration élevée des TIC dans la société
grande part l’intérêt des gouverne- chantier Internet était voué à la et la taille réduite des administrations
ments pour les technologies de l’in- création de services en ligne pour les expliquent que le Québec ait, plus
formation et de la communication usagers. Un an plus tard, le Gouver- rapidement que la France, bâti une
(TIC). La France et le Québec se nement québécois engageait la Poli- infrastructure de gouvernement élec-
sont engagés dans cette voie, à des tique québécoise de l’autoroute de tronique. En 2000, le rapport Car-
moments différents, en utilisant des l’information, dont l’un des objectifs cenac s’inspire d’ailleurs du modèle
stratégies et des moyens qui leur sont est de rapprocher l’État des citoyens québécois de e-gouvernement pour
propres. Au cœur de la réflexion sur et des entreprises2. arrêter les étapes du développement
les modes de prestation des services Dans les deux pays, les principes de l’administration en ligne française.
publics, les téléprocédures publiques sous-jacents des téléprocédures En 2000 toujours, la Loi québécoise
sont définies au Québec comme sont l’amélioration des services aux sur l’administration publique, puis
« des processus d’affaires faisant citoyens et aux entreprises, l’éga- en 2002, la Loi organique sur les lois
appel à l’Internet afin de s’inscrire lité d’accès des citoyens aux services de finances promulguée en France
auprès d’un organisme public, décla- publics et la diminution des coûts font toutes deux de la prestation de
rer certains gestes, enregistrer des pour l’administration. Les services services en ligne une des clefs de la
biens ou acquis, déposer des offres publics seront donc désormais dispo- modernisation de l’État.
de services pour la vente de biens ou nibles au guichet, à l’aide de bornes
la prestation de services, etc.1 ». interactives ou par une connexion La promotion
L’institutionnalisation
Internet.
Le PAGSI ne prévoyait pas d’obliga-
des téléprocédures
des téléprocédures tion générale pour les administrations
de créer des téléprocédures, sauf
Au Québec, c’est au Secrétariat du
Conseil du trésor que revient la res-
Jusqu’au début des années 1990, pour les déclarations sociales des ponsabilité de mener les politiques
la France possédait une avance entreprises et, en matière fiscale, sur les prestations de services gouver-
importante en matière de prestation pour les déclarations d’impôts en nementaux en ligne. Le Secrétariat
de services informatisés grâce à des ligne 3. Les administrations étaient à l’allégement réglementaire et le
investissements majeurs en télémati- cependant fortement incitées à expé- Secrétariat à l’autoroute de l’infor-
que dont l’icône emblématique était rimenter de tels outils. En 1999, la mation y sont étroitement associés.
le minitel. Les services via Internet, France et d’autres pays de l’Union En France, plusieurs directions sous
gratuits, évolutifs, ergonomiques, ont Européenne ont signé le plan e-Euro- l’autorité du Premier ministre sont
détrôné le minitel. Dans cette phase, pe 2005 qui prévoit de mettre en chargées de la mise en application du
la France accusait un retard considé- place des téléprocédures pour qu’as- PAGSI dans les différents ministères :
rable sur les autres pays qu’elle est en sociations, entreprises et particuliers Agence pour le développement de
train de combler. puissent effectuer des démarches l’administration électronique (ADAE),
Dans le cadre d’une recherche commanditée par le Secrétariat du Conseil du trésor (Sous-secrétariat à l’inforoute gou-
vernementale et aux ressources informationnelles), L’Observatoire de l’administration publique a réalisé une étude com-
parative sur la gestion des inforoutes gouvernementales au Canada, en France, au Nouveau-Brunswick et en Ontario. Cet
article se veut une très courte synthèse de ces travaux.
D
ans l’ensemble des pays vernementales. Ce sommaire en fait nisation de l’appareil gouvernemen-
développés, les progrès des brièvement état. tal.
technologies de l’informa-
tion et de la communication (TIC)
Dans les quatre administrations Les services aux citoyens
étudiées, la responsabilité de la
sont désormais étroitement associés coordination stratégique globale de Les quatre gouvernements poursui-
à la croissance économique et aux l’implantation de l’inforoute relève vent le même but : l’exploitation des
ajustements sociaux. Les quatre États d’un organisme central. Le Conseil TIC doit permettre de faciliter l’accès
qui font l’objet de la présente recher- du Trésor au Canada et en Ontario, de leurs concitoyens à des services
che en ont pris conscience comme le ministère de la Fonction publique publics de qualité qui répondent
ils ont bien compris l’importance en France et un organisme public mieux à leurs attentes. Les adminis-
du rôle qu’ils ont à jouer dans les (eNB.ca) au Nouveau-Brunswick. trations mentionnent donc l’impor-
changements en cours dans lesquels tance de se rapprocher du citoyen,
La détermination des règles de pres-
ils s’impliquent au demeurant avec se préoccupent de mobiliser toutes
tation des services pour l’ensemble
détermination. les ressources, publiques ou privées,
du secteur public est occasionnelle-
La stratégie mise en oeuvre par les ment confiée à un organisme gou- disponibles, portent une attention
États est généralement à double vernemental distinct (à plusieurs en spéciale à la coordination des servi-
face : l’administration se donne France), par exemple le ministère des ces et considèrent comme impérative
d’une part pour mission de mettre Services aux consommateurs et aux la protection de la vie privée. Dans la
en place l’infrastructure nécessaire entreprises en Ontario ou Services plupart des administrations, les servi-
à l’offre de services aux citoyens Nouveau-Brunswick. Cet organisme ces présentent donc les caractéristi-
(cadre juridique, normes techniques, travaille en étroite collaboration avec ques suivantes.
investissement en infrastructure, l’organisme central. Des services axés sur les citoyens.
régulation de l’utilisation et de la La vision consiste à améliorer conti-
Les ministères conservent la charge
fourniture de services aux citoyens, d’élaborer les outils et de développer nuellement la qualité des interactions
etc.) et d’élaborer les services eux- les services selon les normes édictées entre les citoyens et leur gouverne-
mêmes et, d’autre part, prévoit de par les organismes centraux. ment en leur permettant de deman-
porter une attention particulière à der et de recevoir de l’information ou
l’amélioration de son propre fonc- Pour atteindre rapidement les objec-
des services au moment et à l’endroit
tionnement. tifs visés, les États ont mobilisé des
qui leur conviennent. Les services
ressources considérables et incité
gouvernementaux électroniques doi-
Les organismes responsables fortement tous leurs échelons admi-
nistratifs à utiliser les TIC pour élargir
vent être accessibles à tous, faciles à
Le gouvernement électronique est constitué de plusieurs dimensions, dont l’une, probablement la plus visible, est la
prestation électronique de services. Plusieurs mesures permettent d’évaluer le niveau de développement de la presta-
tion électronique de services publics dans un pays. On peut d’abord évaluer la demande pour de tels services – et l’on
s’aperçoit qu’il importe de le faire. Mais les premières mesures et celles les plus couramment utilisées concernent l’of-
fre qui se décline en deux variables : la disponibilité et la sophistication (en anglais : width et depth). On peut ensuite
mesurer l’utilisation effective des services pour vérifier si la demande est réelle et identifier les éléments à améliorer.
Enfin, il importe d’évaluer les impacts des services : les économies de ressources pour un même service ainsi que les
améliorations qualitatives du service.
C
et article ne concerne que la tion de la prestation électronique de la lumière des possibilités nouvelles
mesure de la sophistication services est donc tronquée, ce qui qui sont intrinsèques aux TIC et aux
des services publics électroni- entraîne deux problèmes majeurs : technologies d’avant-garde.
ques. Cette mesure ne tient actuel- - les informations agrégées sur le
lement pas compte du changement
de paradigme technologique au sein
gouvernement électronique trans- La première génération
des administrations publiques. Les
mises aux décideurs et communi-
quées au public sont incomplètes
de typologies
évaluations du niveau de sophis- et imprécises;
tication des services électroniques Trois typologies principales sont
s’effectuent sous l’empire d’une - l’évaluation tronquée n’incite pas présentement utilisées dans les
typologie qui lui est partiellement les gestionnaires chargés d’im- comparaisons internationales de la
étrangère : celle qui s’applique aux
Le tableau suivant illustre et compare les typologies utilisées dans ces trois
autres canaux de prestation de servi-
études :
ces. Cette situation peut s’expliquer
par le fait que les technologies de UNDPEPA-ASPA1 CGEY Accenture
l’information et de la communication Émergeant
et leurs consœurs, les technologies Amélioré
Information Publication
mobiles/ubiquistes et silencieuses,
Interactif Interaction à sens unique
offrent de nouveaux canaux de pres-
tation pour les services existants. Il Interaction à double sens Interaction
est donc facile, surtout lorsqu’on en Transactionnel Traitement électronique Transaction
est aux premiers jalons de la mise en complet
place du gouvernement électronique, Intégré − −
de plaquer une ancienne typologie à 1
La typologie de l’UNDPEPA-ASPA est une de gouvernement électroni-
ces nouvelles technologies. que défini dans sa seule dimension de prestation de services électro-
niques. Elle permet seulement de situer le niveau de développement
Mais, ces technologies, en plus de de l’ensemble des prestations, mais non pas de catégoriser chacun des
constituer de nouveaux canaux, per- services.
mettent aussi de nouveaux types de
services caractérisés par l’intégration, planter les solutions électroniques sophistication des services publics
la mobilité/ubiquité et l’automati- à utiliser les technologies les électroniques. La première est celle
sation. Les typologies existantes ne plus innovantes pour améliorer de l’étude d’étalonnage du gouver-
tiennent pas compte de ces trois leur performance en matière de nement électronique chez les pays
caractéristiques, les plus intéressantes sophistication des services. membres des Nations Unies, réalisée
et innovantes qu’offrent ces techno- Il est donc nécessaire de revisiter la conjointement par l’American Society
logies. L’évaluation de la sophistica- première génération de typologies à for Public Administration (ASPA) et
Références
ACCENTURE (Page consultée en août 2003). Public Services : How Does Europe Progress? Global Perspective (2001), [en ligne],
eGovernment Leadership : Engaging the Cus- Web Based Survey on Electronic Public Ser- http://www.unpan.org/e-government/
tomer (2003), [en ligne], vices, [en ligne], Benchmarking%20E-gov%202001.pdf
http://www.accenture.com/xdoc/en/ http://europa.eu.int/information_society/
newsroom/epresskit/egovernment/egov_ eeurope/documents/Overall_report_
epress.pdf FINALv2.doc
CAP GEMINI ERNST & YOUNG (Page con- UNDPEPA et ASPA (Page consultée en août
sultée en août 2003). Online Availibity of 2003). Benchmarking E-government : A
En novembre, Vigie, bimestriel d’informations brèves, paraît sous une nouvelle formule plus attrayante, avec un
contenu plus élaboré et plus complet. Vous y trouverez des repères et de courtes études sur les réformes et les
tendances en administration publique à travers le monde ainsi que sur les plus récents rapports et ouvrages parus
dans le domaine de la gouvernance.
Par ailleurs, Télescope, qui paraît désormais sur une base mensuelle, reste la revue de référence en matière
d’analyse comparative des systèmes de gouvernance. Voici les sujets à l’étude dans les prochaines publications :
« Développement régional et gestion des ressources naturelles »
« Éthique et déontologie en matière de sécurité publique »
« Le nouveau profil de cadre dans la fonction publique »
« La décentralisation administrative dans quatre pays du Sahel »
« Les fédéralismes »
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Danyelle Landry au numéro : (418) 641-3000, poste 6574 ou par courriel : danyelle_landry@enap.ca