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Couleur et choix de la teinte
en odontologie
E. D’INCAU, J.-P. PIA, J. PIVET

L
’intégration esthétique des restaurations prothétiques
passe par de nombreuses étapes. Celle du choix de la
couleur (improprement appelée « choix de la teinte »)
est certainement la plus importante, elle est même fonda-
mentale. Elle est pourtant souvent pratiquée de manière
empirique, sans véritable méthodologie. Les résultats sont
donc aléatoires et aucune solution n’est apportée en cas
d’échec. La détermination de la couleur répond pourtant à
certaines règles simples à appliquer. Des outils existent éga-
lement pour l’améliorer de manière significative. L’objectif
de ce chapitre est donc, dans un premier temps, de rappeler
les bases fondamentales qui permettent de définir, paramé-
trer et coder la couleur et, dans un second temps, de pré-
senter les différents outils analogiques et numériques
permettant de la déterminer et de la transmettre au labo-
ratoire de manière efficace. Figure 3.1 Photorécepteurs rétiniens. Les cônes (C), responsa-
bles de la vision des couleurs, réagissent au rouge, au vert et au
bleu. Les bâtonnets (B), responsables de la vision de l’intensité
lumineuse, sont beaucoup plus sensibles.
I - Bases fondamentales
A - Définition de la couleur B - Paramètres fondamentaux
La couleur est une perception visuelle de la répartition spec-
de la couleur
trale de la lumière visible. Sa description se fait selon diffé- De nombreux physiciens, artistes ou encore poètes ont
rentes approches (artistique, physique, physiologique, etc.), tenté d’organiser les couleurs de manière universelle. En
qui utilisent des méthodes et des termes variés (Zuppiroli et 1810, J.-G. von Goethe propose, dans son traité des couleurs,
Bussac, 2001). C’est une sensation qui prend son origine dans une des premières classifications représentée par un cercle
la stimulation de photorécepteurs spécialisés, les cônes et chromatique comprenant six couleurs. La même année, le
les bâtonnets, situés sur la rétine (fig. 3.1). Les cônes (de 6 à peintre P.O. Runge propose un système de représentation
7 millions) sont responsables de la vision des couleurs et de des couleurs qui ne repose pas sur un cercle mais sur une
la vision diurne. Ils sont de trois types et réagissent chacun sphère. En 1905, A.H. Munsell met au point un atlas qui, pour
plus ou moins au rouge, au vert ou au bleu. Selon les lois la première fois, organise les couleurs selon trois paramètres
énoncées par Grassmann en 1853, toute sensation colorée fondamentaux : la luminosité, la saturation et la teinte. La
peut être reproduite par un mélange additif de trois couleurs représentation complète de la gamme des couleurs peut
primaires convenablement choisies. C’est le principe de la ainsi être représentée par un volume à trois dimensions :
trivariance visuelle de l’œil humain, ou système rouge-vert- c’est le cylindre de Munsell (fig. 3.2). Dans ce cylindre,
bleu (RVB ou, en anglais, RGB, red-green-blue). chaque couleur possède des coordonnées en rapport avec
Les bâtonnets (de 75 à 150 millions) sont en revanche res- l’axe vertical, l’axe horizontal (rayon) et la périphérie.
ponsables de la vision de l’intensité lumineuse et de la vision Chacune de ces coordonnées revêt un caractère particulier.
nocturne. Ils sont nettement plus sensibles que les cônes
(1 000 fois plus), donc davantage utilisés dans les réflexes et 1 - Luminosité
dans la vision périphérique de l’œil. Cette variable se nomme parfois valeur lumineuse, brillance,
Toute couleur se résume donc à une information de chro- luminance ou clarté (value, brigthness or lightness en
maticité codée par les cônes et à une information d’inten- anglais). Elle désigne la quantité de blanc ajoutée à une
sité relayée par les bâtonnets. teinte de base ou encore la quantité de lumière qu’elle

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Figure 3.4 La saturation augmente généralement du bord libre


au collet des dents bien que la luminosité soit quasiment
Figure 3.2 Cylindre de Munsell prenant en compte, par ordre
identique.
d’importance, les trois paramètres fondamentaux de la couleur.

réfléchit (fig. 3.3). Elle correspond à l’axe vertical blanc/noir périmètre du cercle. Elle est « pure », saturée à 100 %, là où
du cylindre de Munsell. elle le touche. Lorsqu’une couleur est désaturée par excès
Sa détermination fait appel aux bâtonnets qui sont extrê- de luminosité, elle s’éclaircit et donne une teinte pastel. En
mement sensibles et nombreux. Cela explique que la lumi- revanche, lorsqu’elle est désaturée par manque de lumino-
nosité soit le facteur qui influence le plus la réussite de la sité, elle est dite rabattue et donne une teinte terne. Lors
couleur d’une prothèse dentaire. La précision de son éva- d’un relevé de couleur, la saturation est le deuxième facteur
luation prime donc sur celle des autres paramètres (Yama- à prendre en considération.
moto, 1992). C’est pourquoi il est recommandé d’en tenir
compte en utilisant un teintier adéquat (par exemple VITA 3 - Teinte
Toothguide 3D-MASTERâ ou VITA Linearguide 3D- Cette variable (hue en anglais) se nomme également tonalité
MASTERâ) et de l’évaluer en premier lors d’un relevé de chromatique, ton ou chromaticité. Elle représente la lon-
couleur (Lasserre et al., 2006). gueur d’onde qui est majoritairement réfléchie par un
objet. Elle correspond aux différentes sensations colorées
comme le bleu, le vert, le rouge, le jaune, etc. (fig. 3.5). Sur le
cylindre de Munsell, les teintes sont réparties tout autour de
l’axe central. Lors d’un relevé de couleur, contrairement à
l’idée préconçue, la teinte est le facteur qui a le moins
d’influence. Les teintiers les plus répandus (VITA classical
A1-D4â ou Chromascopâ d’Ivoclar Vivadent) sont pourtant
construits selon ce paramètre.

Figure 3.3 La luminosité s’apprécie facilement en retirant la


chromaticité des couleurs. Ici, la dent 11 est moins lumineuse
que la dent 21.

2 - Saturation
Cette variable (chroma en anglais) représente la densité ou
l’intensité d’une couleur. Elle définit sa pureté, soit la quan-
tité de pigment pur qu’elle contient (fig. 3.4). Sur le cylindre
de Munsell, elle varie selon l’axe horizontal (rayon). Une Figure 3.5 La teinte dominante des dents est jaune orangé mais
couleur est d’autant plus saturée qu’elle se rapproche du elle peut tendre vers le rouge ou vers le jaune.

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C - Codage et comparaison des couleurs DE qu’il est possible d’obtenir sur la plupart des colorimètres
et spectrophotomètres commercialisés à des fins odonto-
Afin d’organiser et de coder numériquement les couleurs, les logiques (Johnston, 2009). Mac Adam a généralisé l’étude de
scientifiques et les industriels ont élaboré différents systè- l’acceptabilité visuelle à l’ensemble du volume des couleurs
mes ou espaces colorimétriques. Le plus universel est l’es- et il a déterminé un graphique (Bouillot, 2005). Les ellipses
pace CIE L*a*b* mis au point en 1976 par la Commission qui sont représentées déterminent des zones au sein des-
internationale de l’éclairage (CIE). Dans cet espace, chaque quelles les couleurs ne sont pas discernables par l’œil
couleur est représentée par trois coordonnées : humain (fig. 3.8). Aussi, lors d’un essayage prothétique,
- l’axe vertical L* qui représente la luminosité. Il varie de 100 deux dents peuvent présenter une même couleur apparente
(blanc) à 0 (noir) ; bien que leurs coordonnées tridimensionnelles soient diffé-
- les axes a* et b* qui expriment le caractère coloré du flux rentes. Cette tolérance varie selon de nombreux facteurs
lumineux, de rouge à vert pour l’axe a* et de bleu à jaune dont les conditions opératoires, l’expérience de l’observa-
pour l’axe b*. En théorie, l’échelle des valeurs qu’ils teur et la nature des matériaux. Dans des conditions de
peuvent prendre est illimitée mais, le plus souvent, elle colorimétrie expérimentale, la valeur DE la plus communé-
comprend 256 niveaux répartis de – 127 à + 128. L’espace ment admise est égale à 1 et, pour un observateur expéri-
chromatique des dents naturelles a été étudié par de nom- menté, elle peut être égale à 0,5 (Khashayar et al., 2014).
breux auteurs (par exemple Yuan et al., 2007 ; Hassel et al.,
2009 ; Haddad et al., 2011). La synthèse des études permet
de déterminer un volume de faible taille, communément
appelé « banane chromatique » (fig. 3.6). Cet espace en
forme de rhomboïde s’étire de manière importante selon
l’axe L* dans l’hémisphère supérieur de l’espace CIE L*a*b*.
Cela signifie que la luminosité des dents varie de manière
importante mais qu’elle est globalement élevée (Lasserre
et al., 2006 ; Lasserre et Pineau, 2010). L’étroitesse de l’es-
pace dans le sens transversal signifie en revanche de faibles
variations de saturation alors que, dans le plan horizontal,
la « banane chromatique » se situe entre l’axe des jaunes
(+ b) et l’axe des rouges (+ a). La teinte des dents est donc
plutôt uniforme, jaune/orangée.
À partir des coordonnées tri-axiales définies par l’espace CIE
L*a*b*, il est possible de quantifier arithmétiquement la
différence entre deux couleurs. Cela passe par le calcul Figure 3.7 Représentation dans l’espace CIE L*a*b* de la diffé-
d’une valeur appelée DE (fig. 3.7). Le seuil de discernement rence DE entre deux couleurs A et B.
entre deux couleurs peut être défini par cette même valeur

Figure 3.6 Représentation de la « banane chromatique den- Figure 3.8 Ellipses de tolérance de McAdam pour un certain
taire » au sein de l’espace colorimétrique CIE L*a*b*. niveau de luminosité.

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Selon certains experts, une valeur DE égale à 2 reste cepen- DE = 5,5 correspond à une différence de couleur telle que
dant acceptable. En odontologie, où les conditions de vision 50 % des observateurs décident de refaire la restauration.
sont médiocres et où la composition des matériaux à ana-
lyser est complexe, l’interprétation de la valeur DE varie
selon les auteurs (fig. 3.9) : D - Paramètres complémentaires
- pour Kuehni et Marcus (1979), la moitié des observateurs ne de la couleur
perçoivent pas un DE 4 1 lorsque l’échantillon est opaque et En plus des trois paramètres fondamentaux préalablement
monochromatique et qu’il est observé dans des conditions décrits, d’autres facteurs sont à prendre en considération
de luminosité optimales. En revanche, avec un DE = 2, tous pour définir correctement la couleur et assurer au mieux
les observateurs font la différence entre deux couleurs ; l’intégration esthétique des prothèses (Vanini et Mangani,
- pour Johnston et Kao (1989), pour qu’une différence cli- 2001 ; Zyman et Jonas, 2003 ; Lasserre et al., 2006 ; Lasserre,
nique soit retrouvée entre la couleur d’une dent et celle 2007 ; Weinstein, 2008 ; Chu et al., 2010a). En effet, la struc-
d’un échantillon de teintier, le seuil de tolérance DE = 3,7 ture dentaire n’est pas homogène mais stratifiée et sa
doit être dépassé ; couleur n’est pas uniforme. Son comportement optique
- pour Douglas et al. (2007), qui mesurent cliniquement les dépend notamment de l’opacité, de la translucidité, de la
différences de couleur entre des dents en résine, un seuil fluorescence, de l’opalescence, de l’effet nacré, de l’état de
surface et des caractérisations (Vanini et Mangani, 2001 ;
Lasserre et al., 2006 ; Lasserre, 2007 ; Weinstein, 2008 ; Chu
et al., 2010a) (fig. 3.10).

1 - Opacité et translucidité
L’opacité et la translucidité sont des propriétés qui caracté-
risent un corps capable d’empêcher ou de permettre le
passage de la lumière. D’une manière générale, l’opacité
d’une dent est tributaire de la visibilité du noyau dentinaire.
Celle-ci varie selon sa localisation et selon l’âge des indivi-
dus. En allant vers le collet, l’épaisseur de l’émail s’affine, ce
qui crée une impression de dégradé de plus en plus opaque.
Inversement, en allant vers le bord libre, l’émail n’est géné-
ralement plus soutenu par la masse dentinaire, ce qui aug-
mente la translucidité (Touati et al., 1999 ; Lasserre, 2007). La
luminosité diminue également car une importante partie de
lumière pénètre dans la dent (fig. 3.11). Dans une dent jeune,

Figure 3.10 Coupe sagittale d’une incisive centrale sous diffé-


rents types d’éclairages montrant sa nature stratifiée. A : en
transmission lumineuse (lumière blanche polychromatique),
l’opalescence de l’émail se traduit par une coloration
orangée. B : en réflexion lumineuse, l’opalescence de l’émail
Figure 3.9 Interprétation clinique de la valeur DE. Lorsque se traduit par une coloration bleutée. Le noyau dentinaire est
DE 4 1, la différence de couleur entre les dents 11 et 21 est semi-opaque, plus coloré en périphérie qu’au centre, entouré
imperceptible pour 50 % des observateurs. Lorsque le seuil de de la pellicule d’émail semi-translucide. C : en lumière ultravio-
tolérance DE = 3,7 est dépassé, la différence de couleur est lette, la fluorescence de la dent est nettement visible. D : en
visible. Lorsque le seuil DE = 5,5 est atteint, 50 % des observa- lumière ultraviolette filtrée, la fluorescence est plus bleutée,
teurs décident de refaire la restauration. notamment au niveau de la dentine pariétale.
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Figure 3.11 Augmentation de la translucidité du collet vers le


bord libre de ces dents jeunes. Les masses dentinaires sous-
jacentes à l’émail sont clairement visibles sur les incisives.

la translucidité de l’émail est importante alors que la dentine


est très opaque. Dans une dent âgée, l’émail est usé, plus
translucide, voire transparent (Yamamoto, 1992). La dentine
devient moins opaque mais plus saturée (Touati et al., 1999).
Yamamoto (1985) propose une classification de la transluci-
dité qui comprend trois types (fig. 3.12) :
- type A, translucidité répartie sur l’ensemble de la face
vestibulaire ;
- type B, translucidité localisée dans la région incisale ;
- type C, translucidité localisée dans la région incisale et sur
les faces proximales.
Cette information doit nécessairement être communiquée
au laboratoire, notamment par le biais d’une photographie
numérique.

2 - Fluorescence
La fluorescence est la capacité d’un matériau à absorber de Figure 3.12 Classification de la translucidité selon Yamamoto
l’énergie lumineuse (rayonnement ultraviolet) et à la resti- (1985). A : translucidité répartie sur l’ensemble de la face vesti-
tuer rapidement sous forme d’un rayonnement visible bulaire. B : translucidité localisée dans les régions incisales, sous
(lumière d’émission). Au niveau des dents naturelles, la forme de bandes. C : translucidité localisée dans les régions
dentine est responsable de cet aspect blanc bleuté qui a incisales et sur les faces proximales.
tendance à s’estomper dans le temps sous l’effet de l’hyper-
minéralisation liée au vieillissement (Lasserre et al., 2006).
Au niveau des poudres de céramique, l’adjonction de terres
rares permet d’obtenir cet effet (par exemple Veenering 4 - Effet nacré
effect linerâ de VITA). L’effet nacré est un effet de surface que présentent certai-
nes dents jeunes. Il est brillant, légèrement métallique, com-
3 - Opalescence parable aux reflets irisés des cristaux d’aragonite et de
L’opalescence est la propriété optique d’un matériau trans- conchyoline de certaines coquilles de mollusques (fig. 3.13).
parent ou translucide qui lui donne un aspect ou une teinte Certains fabricants proposent des poudres de céramique
laiteuse, avec des reflets irisés rappelant ceux de l’opale. spécifiques permettant de l’obtenir (par exemple Vivo Peâ
Cette pierre, dont la composition cristalline rappelle celle de SDC).
de l’émail, renvoie les longueurs d’onde courtes en réflexion
lumineuse. Elle prend alors un aspect bleuté. En transmission 5 - État de surface
lumineuse, elle laisse passer les longueurs d’onde les plus La microgéographie de surface des dents naturelles
hautes, ce qui lui fait prendre un aspect orangé rouge. Cer- influence directement la perception colorée car elle condi-
taines poudres de céramique proposent des effets d’opales- tionne le pourcentage de flux lumineux réfléchi par rapport
cence (par exemple Opalâ de Shofu ; IPS d.SIGNâ d’Ivoclar au pourcentage de flux lumineux transmis ou absorbé par la
Vivadent). dent (fig. 3.14). Plus la surface d’une dent est rugueuse (dent

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jeune, peu usée), plus la lumière est réfléchie dans un grand


nombre de directions. La réflexion spéculaire entraîne alors
un état de surface brillant et lumineux. En revanche, plus une
dent est lisse (dent âgée, usée par abrasion et/ou érosion),
plus le rayon incident donne naissance à un rayon réfléchi
unique. La réflexion diffuse prévaut alors, ce qui diminue la
luminosité de la dent.

6 - Caractérisations
Les caractérisations représentent des aspects colorés parti-
culiers et ponctuels. Il peut s’agir de taches blanches
opaques de déminéralisation (traumatisme des dents tem-
poraires), d’effet nuageux et laiteux (hypominéralisation des
molaires ou incisives), de coloration de la lame dentinaire
(usure abrasive de l’émail), de fissures ou fractures de l’émail
Figure 3.13 Effet nacré sur les incisives d’un jeune individu. avec ou sans infiltration (parafonctions). Il est primordial
d’en tenir compte et de les reproduire, et ce d’autant
qu’elles sont marquées (fig. 3.15).

II - Détermination et transmission
de la couleur
Lorsqu’une restauration conservatrice ou prothétique est
envisagée, différents critères de réussite contribuent à la
rendre esthétique. Parmi eux, le respect de la morphologie
et l’agencement des dents sont fondamentaux, de même
que la détermination et la transmission de la couleur. Ces
deux étapes majeures sont cependant tributaires d’un
certain nombre de conditions plus ou moins respectées
selon les méthodes utilisées. Trois d’entre elles sont géné-
ralement retenues avec, pour chacune, des avantages et des
inconvénients : le relevé visuel, le relevé visuel assisté et le
relevé instrumental (Joiner, 2004 ; Lasserre et al., 2006 ;
Joiner et al., 2008).

A - Relevé visuel
Le relevé visuel consiste à comparer la dent adjacente à la
restauration à différents échantillons d’un teintier, jusqu’à
trouver la couleur qui s’en rapproche le plus. Les corres-
pondances trouvées sont ensuite notées sur un schéma
détaillé dans les trois zones cervicale, moyenne et incisale.
Cette étape doit idéalement être effectuée en début de
séance pour limiter la déshydratation des dents (Burki
et al., 2013).
Le protocole amenant au choix de la couleur finale est
variable en fonction de la marque et du teintier utilisés. Le
premier guide de couleur (tooth color indicator) a été pré-
senté par Clarck (Clarck, 1933). Il comprenait 60 échantillons
en céramique. Plus tard, d’autres teintiers ont été mis au
point en reprenant les critères de classification spatiale
des couleurs de Munsell. La plupart sont réunis par
Figure 3.14 Différents états de surface. A : présence de périky- groupes de teintes (par exemple VITA classicalâ, Chromas-
maties sur les incisives mandibulaires d’un adolescent. B : effa- copâ d’Ivoclar Vivadent) et certains tiennent compte de la
cement léger de l’état de surface chez un adulte. C : absence nature tridimensionnelle de la couleur en étant organisés
d’état de surface sur les incisives mandibulaires usées d’une par groupes de luminosités (par exemple VITA Toothguide
personne âgée. 3D-MASTERâ et VITA Linearguide 3D-MASTERâ).

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Figure 3.15 Caractérisations dentaires. A : tache blanche opaque de déminéralisation localisée. B : taches blanches diffuses.
C : coloration débutante de la lame dentinaire liée à l’usure de l’émail. D : importante coloration de la lame dentinaire chez un
individu âgé. E : fissures verticales chez une patiente parafonctionnelle. F : importantes fissures et microcraquelures chez un patient
parafonctionnel âgé.

1 - Teintiers construits par groupes de teintes


L’archétype de ce type de teintier est le VITA classicalâ mis
au point en 1956 sous le nom de Lumin Vacuumâ. C’est le
plus utilisé actuellement malgré son agencement qui ne
prend en compte que quatre groupes de teintes, sans répar-
tition uniforme (A1-A4 : rougeâtre brunâtre ; B1-B4 : rou-
geâtre jaunâtre ; C1-C4 : tons de gris ; D2-D4 : gris
rougeâtre). Au sein de ces groupes, la couleur va du moins
saturé au plus saturé. Différents autres fabricants (Ivoclar
Vivadent, Dentaurum, Heraeus Kulzer, etc.) proposent éga-
lement des teintiers similaires mais, là encore, les lumino-
sités étant différentes d’une teinte à l’autre au sein de
chaque groupe, il est difficile de reproduire au laboratoire
une luminosité moyenne lorsqu’un assemblage de plusieurs
teintes est requis (Étienne et al., 2010). Pour remédier à ce Figure 3.16 Teintier VITA Lumin Vaccumâ (ancien VITA classi-
problème, certains auteurs préconisent de réarranger ce calâ) comprenant 16 échantillons organisés selon 4 groupes de
teintier selon un gradient de luminosité (Lasserre et teintes. Il peut avantageusement être réorganisé selon un gra-
Leriche, 1999) (fig. 3.16). dient de luminosité (en haut).
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3 Esthétique en odontologie

Signalons également que certains fabricants proposent des


teintiers spécifiques (par exemple IPSâ Natural Die Material
d’Ivoclar Vivadent) permettant de relever la couleur d’un
moignon dentaire dyschromié lorsqu’une restauration
céramo-céramique est prévue (fig. 3.17). L’intérêt de ce
relevé est de prendre en compte les colorations dentinaires
qui peuvent influencer le rendu final de la couleur (Étienne
et Watzki, 2009). Le choix de l’armature et du mode de
stratification est ainsi guidé. Il est même possible d’élaborer
au laboratoire un modèle chromatique avec des dies en
résine de même couleur que le moignon. Ainsi le technicien,
grâce à ce modèle, pourra ajuster la couleur de la restaura-
tion tout céramique. Dans un même esprit, la plupart des
fabricants commercialisent leurs propres teintiers pour
céramique (e.max, Shofu Vintage Halo, Euromax Noritaké,
Candulor CT, Création de W. Geller, etc.), qui ne sont
valables que pour les poudres qui correspondent à leurs
propres références (Étienne et al., 2010).

2 - Teintiers construits par groupes de luminosités


Afin de pallier les inconvénients des teintiers classiques
(Hammad, 2003), la firme Vita a mis au point, en 1998, le
teintier VITA Toothguide 3D-MASTERâ qui est conçu pour Figure 3.17 Teintier de moignon (IPS Natural Die Materialâ
se rapprocher du comportement visuel car il prend en d’Ivoclar Vivadent) pour dents dyschromiées.
compte les trois dimensions de la couleur, selon leur
ordre d’importance. Dans un premier temps, la luminosité lons classés de 0 à 5. Selon le chiffre retenu, l’utilisateur se
est donc déterminée de 1 (le plus lumineux) à 5 (le plus réfère ensuite à la palette correspondante qui contient des
sombre). Dans un deuxième temps, la saturation est échantillons de même luminosité mais de saturation crois-
relevée sur l’axe vertical d’une barrette échantillon sante (fig. 3.19). Le gain de temps et la qualité du relevé sont
nommée M (middle), de 1 (le moins saturé) à 3 (le plus significativement améliorés par rapport aux teintiers VITA
saturé). Pour finir, la teinte est déterminée. Elle est soit classicalâ et VITA Toothguide 3D-MASTERâ (Paravina, 2009).
équilibrée (M), soit à dominante jaune (L), soit à dominante Malgré l’utilisation de teintiers appropriés et le respect de
rouge (R) (fig. 3.18). leurs protocoles d’utilisation, de nombreuses imprécisions
Plus récemment, afin de simplifier et d’améliorer le relevé des sont susceptibles de perturber la détermination de la
couleurs, le teintier VITA Toothguideâ a été réorganisé en couleur. De multiples facteurs liés au praticien, au matériel
VITA Linearguide 3D-MASTERâ. Le relevé des couleurs ne ou à l’environnement influencent en effet de manière signi-
comprend plus que deux étapes. La première consiste à déter- ficative cette étape clé de la réussite esthétique. Parmi ceux
miner la luminosité sur une palette contenant des échantil- qui sont liés au praticien, il est possible de distinguer les

Figure 3.18 Trois temps du relevé visuel


de la couleur à l’aide du teintier VITA
Toothguide 3D-MASTERâ. Le choix de la
luminosité se fait en premier dans un envi-
ronnement neutre. Il doit être rapide (de
5 à 7 secondes) pour éviter la fatigue ocu-
laire. Une fois le groupe de luminosité
déterminé, la saturation est relevée sur
l’axe vertical d’une barrette échantillon
nommée M. Pour finir, la teinte est
estimée. Elle est soit équilibrée (M), soit à
dominante jaune (L), soit à dominante
rouge (R).
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Couleur et choix de la teinte en odontologie 3

Figure 3.19 Simplification du relevé visuel


de la couleur à l’aide du teintier VITA
Linearguide 3D-MASTERâ. A : détermina-
tion du groupe de luminosités de 0 (très
lumineux) à 5 (très peu lumineux). B : meil-
leure appréciation de la luminosité en
niveaux de gris. C : détermination simulta-
née de la saturation et de la teinte sur la
barrette de luminosité (2) correctement
sélectionnée. D : couleur de base finale
retenue.

troubles de la vision des couleurs, ou dyschromatopsies LED est situé sur la partie avant de la lampe et le choix visuel
(Lasserre, 2007 ; Lasserre et Pineau, 2010 ; Gokce et al., s’effectue à travers son cadre maintenu à proximité des
2010) et l’expérience clinique (Capa et al., 2010 ; Olms dents. Deux modèles principaux existent, l’Optilume Trues-
et al., 2013). En ce qui concerne le matériel, de nombreux hadeâ d’Optident commercialisé par Bisico (fig. 3.20) et le
reproches sont faits aux teintiers : ils ne sont pas de la même Demetron Shade Lightâ commercialisé par Kerr (modèle
nature que les dents, ils ne couvrent pas la totalité de dont la fabrication est arrêtée mais qui est encore dispo-
l’espace chromatique dentaire, ils s’endommagent, vieillis- nible sur certains sites Internet) (fig. 3.21).
sent et leurs barrettes échantillons ne sont pas toujours Plus récemment, la firme Smile Line a commercialisé le Smile
identiques d’un teintier à l’autre (King et de Rijk, 2007). Les Liteâ qui, comme l’Optilume Trueshadeâ, dispose d’une
facteurs liés à l’environnement concernent, quant à eux, la source d’éclairage calibrée et d’un dispositif de grossisse-
quantité et surtout la qualité de la lumière. La nature de ment. Sa faible taille et la possibilité d’adjoindre un filtre
l’illuminant est en effet prépondérante (Lee et al., 2002 ; Park polarisant (Style Lenseâ) limitant la réflexion lumineuse le
et al., 2006). La luminosité naturelle idéale est celle du soleil rendent particulièrement attractif (fig. 3.22). De manière plus
entre midi et 3 heures avec une exposition nord et environ anecdotique, le Smile Connectâ permet de le coupler avec
3/5 de nuages blancs épars. La température de couleur, un iPhoneâ d’Apple. L’application Smile Captureâ permet
exprimée en degrés Kelvin, doit idéalement être celle de la ensuite la prise de clichés photographiques et leur transmis-
lumière du jour (proche de 6 500 K). Ces conditions ne sion au laboratoire via Internet.
peuvent être obtenues en cabinet que par l’utilisation Signalons enfin l’existence de simples lampes d’appoint cali-
d’une source lumineuse calibrée et équilibrée (par exemple brées à 5 500 K (Esthetic Eyeâ de Roident et Rite-Lite 2â
plafonniers 3965â de Gamain ou Albédoâ de Degré K). Une d’AdDent) qui peuvent avantageusement être mises à profit
autre solution est d’effectuer un relevé visuel assisté ou un lors d’un relevé colorimétrique.
relevé instrumental.
2 - Appareil photographique
B - Relevé visuel assisté L’avènement du numérique a considérablement contribué à
démocratiser l’outil fondamental qu’est l’appareil photogra-
Afin d’améliorer la précision et la fiabilité des relevés visuels, phique au cabinet dentaire. Ses avantages dépassent large-
certains fabricants ont mis au point des outils d’assistance. ment la transmission de la couleur au laboratoire mais c’est
Selon ce principe, la couleur reste déterminée par l’œil de malgré tout lors de cette étape qu’il améliore significative-
l’observateur, ce qui n’exclut pas sa subjectivité. Seules les ment la communication (Prabhu et al., 2013). Cela nécessite
conditions de relevé sont améliorées, en particulier la d’acquérir un matériel adapté (d’Incau, 2006a ; Ahmad,
qualité de l’illuminant. Deux types d’outils peuvent être 2009a ; 2009b ; Barthélémy, et al., 2011) et de le paramétrer
utilisés lors d’une telle entreprise : les lampes calibrées et correctement (d’Incau, 2006b, 2010b, c et d ; Ahmad, 2009b).
l’appareil photographique. Malgré cela, tous les appareils numériques possèdent deux
défauts majeurs dès lors que l’on s’intéresse à la couleur :
1 - Lampes calibrées - aucun ne permet par défaut de photographier les mêmes
Les lampes calibrées, portatives, fournissent une source de couleurs (fig. 3.23) ;
lumière calibrée et continue. La température de couleur de - aucun ne permet par défaut de photographier les véri-
l’illuminant est comprise entre 5 500 et 6 500 K. L’éclairage tables couleurs de la scène photographiée.

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3 Esthétique en odontologie

Différentes techniques permettent de contourner ces


inconvénients (inclusion dans la scène photographiée
d’une charte de gris neutre à 18 %, étalonnage des différents
périphériques de la chaîne graphique, etc.) (d’Incau, 2010c)
mais elles ne sont pas toujours simples à mettre en œuvre.
Le plus simple consiste donc à photographier en situation la
barrette du teintier correctement sélectionnée. Cet élément
sert de référence de couleur pour le technicien de labora-
toire (Zyman et Étienne, 2002). La barrette doit être orientée
de manière frontale et symétrique selon un axe horizontal,
les zones d’intérêt entre la dent et la barrette se faisant face
(fig. 3.24). Dans tous les cas, la référence de couleur doit être
visible sur la photographie (Étienne et al., 2010). Cette opé-
ration s’effectue à différents temps, en particulier lors de
l’essayage des restaurations où l’ensemble des corrections
Figure 3.20 Lampe d’éclairage normalisé (5 500 K) Optilume doit être signalé au technicien de laboratoire, directement
Trueshadeâ d’Optident. Une loupe permet d’agrandir la zone sur la photographie (fig. 3.25).
visualisée.

C - Relevé instrumental
Afin de limiter la subjectivité et l’imprécision des relevés
visuels simples ou assistés, différents outils peuvent être
utilisés (Tervil, 2005 ; Lasserre et al., 2006 ; Lasserre, 2007 ;
Chu et al., 2010b ; Chen et al., 2012). Il s’agit des colorimètres
et des spectrophotomètres, d’une caméra optique intra-
orale (TRIOSâ scanner) et d’un logiciel d’analyse photogra-
phique (ClearMatchâ). Les performances de ces systèmes
peuvent être évaluées selon trois critères :
- la fidélité, qui est l’aptitude à donner des mesures exemptes
d’erreurs accidentelles. Elle définit la dispersion des résul-
tats. Un appareil de grande fidélité donne des mesures
reproductibles mais qui peuvent être éloignées de la
valeur vraie ;
- la justesse, qui est l’aptitude à donner des résultats qui ne
Figure 3.21 Lampe d’éclairage normalisé (6 500 K) Demetron sont pas entachés d’erreur. Un appareil de grande justesse
Shade Light â de Kerr. L’environnement coloré neutre du donne des mesures proches de la valeur vraie mais qui
système (gris à 17 %) favorise la neutralité colorimétrique envi- peuvent être dispersées entre elles (mauvaise fidélité) ;
ronnementale. - l’exactitude, qui est l’aptitude à donner des mesures à la
fois fidèles (proches les unes des autres) et justes (proches
de la valeur vraie). C’est la principale qualité recherchée.

1 - Colorimètres et spectrophotomètres
Ces deux types d’instruments peuvent être classés dans une
même catégorie car, bien que leur principe de fonctionne-
ment soit différent, leur utilisation clinique est identique. Les
colorimètres sont les premiers systèmes instrumentaux de
détermination de la couleur à avoir été utilisés en odonto-
logie (commercialisation du Shade Eye Chroma Meterâ de
Shofu en 1998). L’analyse spectrale de la réflexion lumineuse
se fait à travers trois filtres (rouge, vert et bleu) qui permet-
tent de définir une couleur par ses coordonnées trichroma-
tiques. Ces appareils doivent être étalonnés sur le blanc
avant chaque mesure pour compenser le vieillissement de
la lampe source. Certains donnent une mesure ponctuelle ou
Figure 3.22 Lampe d’éclairage normalisé (5 500 K) Smile Liteâ de en 3 points de la dent (par exemple Shade Starâ de Degu-
Smile Line. Il est possible de lui adjoindre un iPhone d’Apple pour dent) alors que d’autres fournissent une véritable cartogra-
faire des photographies et un filtre polarisé (Style Lenseâ) pour phie 3D qui tient compte de la luminosité, de la saturation et
« gommer » les zones de réflexion lumineuse (en bas à droite). de la teinte (par exemple Digital Shade Guideâ de Rieth). La
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Couleur et choix de la teinte en odontologie 3

Figure 3.23 Aucun appareil photogra-


phique numérique ne permet par défaut
de capturer les mêmes couleurs et les
vraies couleurs.

ambiant. Leur étalonnage se fait avant chaque relevé, sur


une ou plusieurs pastilles de céramique. Comme pour les
colorimètres, certains fournissent une mesure ponctuelle
ou en 3 points de la dent. C’est le cas du VITA Easyshadeâ
dont il existe plusieurs évolutions (fig. 3.26). Les deux réfé-
rentiels de ce spectrophotomètre sont les teintiers VITA
classicalâ et VITA 3D-MASTERâ. La mesure se fait à l’aide
de fibres optiques, par un spot central qu’il est nécessaire de
positionner convenablement sur la surface dentaire à analy-
ser. L’outil est ergonomique, son utilisation est simple et
rapide. Sa fidélité (96,4 %) et son exactitude (92,6 %) sont
importantes, ce qui n’est pas le cas de tous les systèmes
(Kim-Pusateri et al., 2009). Certains spectrophotomètres
fournissent également une cartographie 3D de la couleur
ainsi que de nombreuses autres informations. Il en est ainsi
du SpectroShade Microâ de MHT qui permet une analyse
selon de nombreux teintiers (fig. 3.27). Cet instrument, volu-
mineux et peu ergonomique, permet également d’analyser la
translucidité, de faire des photographies numériques (avec
ou sans utilisation de filtre polarisant), de déterminer les
coordonnées L*a*b* de la couleur ainsi que la valeur DE
entre la couleur mesurée et la couleur attendue. Son coût
est élevé et, comme l’Easyshadeâ de VITA, il permet d’effec-
tuer des mesures fidèles (Liena et al., 2011).
Figure 3.24 Les barrettes échantillons des teintiers correcte- D’une manière plus générale, la plupart des études montrent
ment orientées doivent être photographiées en situation que les relevés instrumentaux à l’aide d’un colorimètre ou
pour significativement améliorer la communication avec le d’un spectrophotomètre sont plus précis que les relevés
laboratoire. En haut à gauche : état initial ; en bas à droite : visuels (Chen et al., 2012). Ils ne sont cependant pas com-
état final (réalisation J.-M. Chevalier). parables d’un instrument à l’autre. En clinique, ces deux
méthodes d’évaluation sont donc nécessaires, car complé-
translucidité est également parfois prise en compte. Ces mentaires (Judeh et Al-Wahadni, 2009 ; Chu et al., 2010b).
colorimètres peuvent être utilisés au cabinet pour détermi-
ner la couleur des dents ou au laboratoire pour vérifier celle 2 - Caméra optique intra-orale
des prothèses. Il en est de même des spectrophotomètres, Les caméras optiques intra-orales sont de plus en plus uti-
qui effectuent une mesure spectrale du flux lumineux trans- lisées pour effectuer des empreintes numériques. Celle mise
mis ou réfléchi sous leur propre source lumineuse qui est une au point par 3Shape (TRIOSâ) permet également de déter-
lumière incidente polychromatique visible (Pignoly et al., miner la couleur des dents tout en assurant la prise de
2010). Ils ne sont donc pas influencés par l’éclairage photographies en haute définition. Après avoir étalonné le

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3 Esthétique en odontologie

Figure 3.25 Les corrections à apporter


doivent être inscrites sur les photogra-
phies lors des séances d’essayage. A : état
initial. B : modification à apporter. C :
image en niveaux de gris pour mieux visua-
liser la luminosité. D : état final (réalisation
G. Reny).

Figure 3.26 Spectrophotomètre VITA


Easyshadeâ. A : fibres optiques permettant
le relevé des couleurs. B : étalonnage sur
une pastille de céramique de l’Easyshadeâ
Advance 4.0. C : sonde correctement posi-
tionnée sur la dent à analyser. D : principa-
les mesures obtenues avec un Easyshadeâ
Compact (couleur selon les teintiers VITA
classicalâ et VITA 3D-MASTERâ, coordon-
nées L*a*b*, calcul de la valeur DE, etc.).

Figure 3.27 Spectrophotomètre Spectro-


Shadeä Micro de MHT. A : caméra vidéo
d’acquisition. B : étalonnage sur une pas-
tille blanche et une pastille verte. C : enre-
gistrement des données. D : analyse très
poussée de la couleur.
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Couleur et choix de la teinte en odontologie 3

Figure 3.28 Caméra intrabuccale TRIOSâ


de 3Shape. L’analyse de la couleur peut
se faire en n’importe quel point dentaire
et selon de nombreux teintiers.

Figure 3.29 Logiciel ClearMatch â de


Clarity Dental Co. A : détermination du
blanc pur sur une barrette témoin photo-
graphiée en situation. B : détermination du
noir pur. C : détermination de la couleur
de la barrette du teintier. D : cartographie
colorimétrique des dents.

Figure 3.30 Le relevé correct de la couleur des dents n’est


qu’une étape qui doit être complétée par le choix judicieux
des poudres de céramique et le talent artistique du prothésiste
(réalisation J.-M. Chevalier).
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3 Esthétique en odontologie

scanner, l’empreinte optique peut être réalisée. Toutes les sions selon le teintier sélectionné. Elle mériterait d’être
données colorimétriques sont simultanément enregistrées améliorée (Pivet, 2013).
et consultables a posteriori sur un écran tactile (fig. 3.28).
La couleur de chaque zone d’intérêt peut être déterminée et
enregistrée. Cependant, la fidélité et l’exactitude de ce
système doivent encore être évaluées. Si elles s’avèrent III - Conclusion
bonnes, cela devrait contribuer à favoriser la diffusion de La détermination et la communication de la couleur sont
ce matériel. deux étapes fondamentales en dentisterie esthétique. Elles
peuvent être effectuées correctement à condition de
3 - Logiciel d’analyse photographique prendre en compte sa nature tridimensionnelle et différents
ClearMatchâ est un logiciel créé il y a une dizaine d’années autres paramètres complémentaires. Cela implique d’abord
par la société américaine Clarity Dental Corporation (Salt l’utilisation de teintiers organisés par groupes de luminosi-
Lake City). Il ne fonctionne que sous Windowsâ. Sa fonction tés. Le recours aux photographies numériques est également
principale est d’analyser les données RVB de clichés pris à indispensable et, si les conditions d’observation ne peuvent
l’aide d’un appareil photographique numérique puis de réa- pas être optimales, le recours aux méthodes instrumentales
liser une cartographie colorimétrique des dents analysées est souhaitable. L’avenir s’oriente ainsi vers la mise au point
avec pour référence la plupart des teintiers commercialisés et l’essor des caméras optiques. Un seul instrument devrait
(céramique, résine, composite) (fig. 3.29). Son utilisation donc s’imposer dans le futur pour effectuer des empreintes
comprend différentes étapes visant à normaliser les cou- numériques intrabuccales et le relevé colorimétrique des
leurs en localisant sur la photographie certaines zones d’in- dents. N’oublions pas, cependant, que cela n’est qu’une
térêt photographiées en situation (blanc et noir purs d’une étape dans la chaîne prothétique et que celle qui est du
barrette étalon, barrette de teintier). Bien qu’intéressante, ressort du prothésiste « artiste » reste plus que jamais fon-
cette technique souffre cependant de certaines impréci- damentale (fig. 3.30).

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