Demain, d�s l�aube, � l�heure o� blanchit la campagne,
Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m�attends. J�irai par la for�t, j�irai par la montagne. Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.
Je marcherai les yeux fix�s sur mes pens�es,
Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit, Seul, inconnu, le dos courb�, les mains crois�es, Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.
Je ne regarderai ni l�or du soir qui tombe,
Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur, Et, quand j�arriverai, je mettrai sur ta tombe Un bouquet de houx vert et de bruy�re en fleur.
Les Feuilles Mortes
Jacques Pr�vert
Oh, je voudrais tant que tu te souviennes,
Des jours heureux quand nous �tions amis, Dans ce temps l�, la vie �tait plus belle, Et le soleil plus br�lant qu�aujourd�hui.
Les feuilles mortes se ramassent � la pelle,
Tu vois je n�ai pas oubli�. Les feuilles mortes se ramassent � la pelle, Les souvenirs et les regrets aussi,
Et le vent du nord les emporte,
Dans la nuit froide de l�oubli. Tu vois, je n�ai pas oubli�, La chanson que tu me chantais.
C�est une chanson, qui nous ressemble,
Toi qui m�aimais, moi qui t�aimais. Nous vivions, tous les deux ensemble, Toi qui m�aimais, moi qui t�aimais.
Et la vie s�pare ceux qui s�aiment,
Tout doucement, sans faire de bruit. Et la mer efface sur le sable, Les pas des amants d�sunis.
Le Dormeur du Val Arthur Rimbaud
C�est un trou de verdure o� chante une rivi�re,
Accrochant follement aux herbes des haillons D�argent ; o� le soleil, de la montagne fi�re, Luit : c�est un petit val qui mousse de rayons.
Un soldat jeune, bouche ouverte, t�te nue,
Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu, Dort ; il est �tendu dans l�herbe, sous la nue, P�le dans son lit vert o� la lumi�re pleut. Les pieds dans les gla�euls, il dort. Souriant comme Sourirait un enfant malade, il fait un somme : Nature, berce-le chaudement : il a froid.
Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine, Tranquille. Il a deux trous rouges au c�t� droit.