Pylorotomie extramuqueuse
du nourrisson
V. Fouquet, P. Montupet, H. Martelli
au pli supérieur de l’ombilic, suivie d’un décollement sous- La brèche muqueuse est la complication la plus fréquente
cutané permettant une incision verticale de la ligne blanche. (5 %) [3]. Si elle est de petite taille, elle est simplement suturée
En cas de grande difficulté à extérioriser l’olive, l’incision par un point séromusculaire extramuqueux avec un fil de
cutanée peut être agrandie au moyen d’un refend vertical ou PDS® 6/0. Plus importante, la pylorotomie est alors suturée et
d’une excision en « quartier d’orange ». une deuxième est alors réalisée parallèle.
L’avantage de la voie ombilicale est de laisser une cicatrice
quasi inapparente. Elle nécessite une préparation préopératoire Cœlioscopie
par application d’antiseptiques locaux. Actuellement, la voie
transrectale est principalement réservée aux enfants présentant L’historique de la technique de pyloromyotomie sous cœlio-
un suintement ombilical [5, 6]. scopie date de 1991 [7, 8] par Alain et Grousseau. Depuis, malgré
L’extériorisation de l’olive, premier geste quelle que soit la de bons résultats publiés par les équipes françaises et surtout
voie d’abord, demande patience et expérience nécessitant une étrangères [9, 10], la progression de cette nouvelle méthode est
très bonne analgésie. L’olive pylorique est la dénomination lente.
habituelle de l’hypertrophie musculaire située au niveau du La seule contre-indication à la chirurgie sous cœlioscopie
pylore. Le foie est écarté avec précaution, pour éviter tout chez le nouveau-né serait une anomalie cardiorespiratoire sévère
saignement traumatique. L’antre gastrique est ensuite saisi avec responsable d’hypoxémie. Si en effet le pneumopéritoine reste
une pince de Kelly, à distance de l’olive et extériorisé. À l’aide utile pour éclaircir le champ opératoire en évitant la brillance
d’une compresse dépliée, on exerce une traction sur l’antre des sécrétions séreuses, la pression recommandable à cet
permettant à l’aide de petits mouvements latéraux d’extérioriser âge peut et doit être contrôlée en dessous de 6 mmHg. Ce
l’olive. Cette dernière apparaît comme une masse blanchâtre, niveau met à l’abri de toute complication ventilatoire ou
ferme, avec à sa surface les branches des vaisseaux pyloriques hémodynamique.
sous-séreux. Sur le versant gastrique, il n’existe pas de ligne de Pour la pyloromyotomie en vidéochirurgie, plusieurs condi-
démarcation entre l’estomac et le pylore. À l’inverse, la limite tions doivent être réunies. La première est de disposer d’un
avec le duodénum gris rosé est nette, c’est l’endroit des brèches matériel performant parce qu’adapté, c’est-à-dire d’une optique
muqueuses. L’olive est maintenue entre le pouce et l’index de de 5 mm angulée à 30°, d’un bistouri cœlioscopique à lame
l’opérateur. La séreuse de l’olive est alors incisée au bistouri rétractable, et d’un distracteur spécialement conçu pour écarter
froid longitudinalement sur la ligne antérieure avasculaire. Cette les berges musculaires de l’olive. Les mises au point successives
incision doit remonter largement sur l’antre (environ 15 mm) depuis 15 ans ont permis la commercialisation d’instruments
mais doit s’arrêter 2 mm avant la démarcation pylore- parfaitement efficaces. La deuxième condition est une désinfec-
duodénum (Fig. 1). Les berges de l’incision sont écartées à l’aide tion préalable de l’ombilic comme dans la voie décrite par
d’une petite spatule. La dissociation des fibres musculaires se Bianchi. La troisième est le propre de toute chirurgie, qui
fait alors à l’aide d’une pince mousse atraumatique, sur toute la requiert un apprentissage encadré ou bien une expertise de la
longueur et, en profondeur, jusqu’au plan muqueux. Ceci technique dont les principes sont aujourd’hui largement
permet d’obtenir une bonne hernie de la muqueuse (Fig. 2). décrits [11-13].
Cependant, cette dissociation doit être particulièrement pru- Notre description fait suite à une expérience ayant commencé
dente sur le versant duodénal pour éviter toute brèche en 1991 qui a fait que, pour l’auteur de ce chapitre (Montupet),
muqueuse. La pylorotomie terminée, l’intégrité muqueuse est la pyloromyotomie laparoscopique est un standard : la qualité
vérifiée sous contrôle de la vue et l’olive est réintégrée. Ceci de vision, l’absence de toute traction viscérale intempestive, la
permet la suppression de la stase veineuse faisant cesser toutes précision atraumatique des gestes afin de respecter les principes
les suffusions hémorragiques sur les berges de la pylorotomie. généraux de la chirurgie pédiatrique.
Une dernière inspection intra-abdominale vérifie l’absence
d’hémopéritoine, avant la fermeture pariétale particulièrement Installation et anesthésie en cœlioscopie
méticuleuse, plan par plan, aux fils résorbables.
L’anesthésie générale avec intubation, évitant le protoxyde
Complications peropératoires d’azote, reste la règle ; la curarisation est inutile dans la majorité
des cas. En revanche le bloc paraombilical est très recomman-
La difficulté d’extériorisation de l’olive est le plus souvent liée dable [14, 15]. La sonde gastrique est gardée en place pour la
à une incision insuffisante pour le volume de celle-ci. Il est alors durée de l’opération. Le nouveau-né est allongé en travers du
utile d’agrandir l’incision aponévrotique mais surtout cutanée et haut de la table d’opération, permettant l’accès facile pour
d’enlever tout écarteur. l’anesthésiste, et une bonne proximité du chirurgien ; la
Figure 3. Prise et incision de l’olive en cœlioscopie. Figure 4. Écartement des berges musculaires en cœlioscopie.
Technique en cœlioscopie
Le premier trocart est introduit sous contrôle de la vue
(technique dite open vivement recommandée) dans le pli
supérieur de l’ombilic et admet un endoscope de 4 ou 5 mm
angulé de 30 ou 45°, ce qui permet de voir l’olive par sa face
antérieure. Les deux trocarts latéraux, de 5 ou mieux 3 mm,
sont introduits sous contrôle vidéoscopique aux bords latéraux Figure 5. Versant antral de l’olive en cœlioscopie.
des muscles grands droits, symétriquement et le plus souvent
dans le pli abdominal supérieur ; si ce dernier n’est pas appa-
rent, la ponction est faite 2 à 3 cm au-dessus du niveau
ombilical, à l’aide d’abord d’une lame de bistouri n° 11, puis du
trocart. Il est important que l’opérateur contrôle sa pression
d’introduction en maintenant de l’autre main la paroi en
contre-pression, et ce geste constitue habituellement une étape
essentielle et un peu difficile de l’apprentissage. Certains passent
directement les instruments sans trocart au travers de la paroi,
avec l’inconvénient qu’il est plus difficile de changer d’instru-
ment et que cela les abîme rapidement.
Le choix d’instruments de 3 mm permet, par la rigidité de
leurs mors requise, une meilleure efficacité. Une pince atrauma-
tique, au mieux de type Babcock, est introduite par le flanc
droit, et le manche du bistouri rétractable par le flanc gauche.
Le rebord inférieur du foie est soulevé, l’olive apparaît d’emblée,
Figure 6. Versant duodénal de l’olive en cœlioscopie.
parfois recouverte d’un voile épiploïque qu’il faut récliner vers
le bas. La pince saisit le milieu du relief de l’olive dans sa partie
la plus épaisse et résistante. Nous évitons ainsi, à la différence
d’autres auteurs, de saisir le duodénum car des plaies ou inférieure et améliorer l’exposition. Les limites de l’incision sont
déchirures de ce dernier ont été décrites. Il est plus simple de atteintes et soigneusement respectées (Fig. 5, 6). La sécurité
mobiliser l’olive elle-même, et d’orienter sa face antérieure et sa exige un contrôle de l’étanchéité muqueuse : l’anesthésiste
ligne avasculaire longitudinale devant l’optique (Fig. 3). La lame insuffle par la sonde gastrique 60 ml d’air qui doivent dilater la
du bistouri rétractable de 3 ou 5 mm qui a été introduit par le muqueuse en passant au travers du pylore dilacéré pour attein-
trocart de gauche est sortie de son fourreau, et l’incision dre librement le duodénum (Fig. 7). Les trocarts sont retirés sous
commence au centre de l’olive, là où elle est la plus épaisse. La contrôle vidéoscopique, et chaque orifice est soigneusement
profondeur de l’incision à ce niveau peut atteindre sans danger refermé avec un point (4 ou 5/0) dans l’épaisseur pariétale. Des
plusieurs millimètres. Son étendue progresse ensuite vers adhésifs suffisent au rapprochement cutané. La durée de
l’estomac et entame sa musculeuse en remontant d’environ l’intervention peut varier de 10 à 20 minutes, ce qui la rend
2 cm sur l’antre. Enfin, vers le cul-de-sac duodénal, l’incision plus courte en général que l’approche ouverte, grâce à l’absence
s’arrête au niveau de l’artériole pylorique qui est visible et des temps d’extériorisation de l’olive et d’ouverture/fermeture
perpendiculaire. Une fois la pylorotomie effectuée, la lame est pariétale. La courbe d’apprentissage requise est de dix à 15 opé-
rétractée dans son fourreau, et la pince distractrice remplace le rations, c’est-à-dire conforme à ce qui est usuel pour toute
bistouri. La dilacération des fibres musculaires va être débutée chirurgie simple.
également au centre de l’olive. C’est là qu’il est le plus facile L’accès cœlioscopie chez le nouveau-né est particulier par
d’insinuer entre les berges de l’incision préalable cet instrument l’élasticité de la paroi abdominale. Le trocart ombilical peut
fin aux « dents de souris » dirigées à l’extérieur, connu sous le induire une fuite de CO2, ou encore sortir de l’incision lors
nom de distracteur pylorique, dont plusieurs modèles sont d’une traction par l’aide. Il faut donc le fixer initialement par
commercialisés (Fig. 4). L’écartement des mors produit la un simple point en U passé dans le fascia ombilical, qui servira
dilacération des fibres musculaires et laisse rapidement apparaî- d’ailleurs à sa fermeture ultérieure. La pénétration des deux
tre la muqueuse. Ceci est fait de proche en proche, la pince de trocarts instrumentaux est gênée par un péritoine qui a ten-
Babcock pouvant saisir alternativement les berges supérieure ou dance à se décoller, ce qui rend le geste potentiellement
[14] Courrèges P, Podevin F, Lecoutre D, Bayart R. Le bloc para-ombilical [17] Fujimoto T, Lane GJ, Segawa O, Esaki S, Miyano T. Laparoscopy
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Toute référence à cet article doit porter la mention : Fouquet V., Montupet P., Martelli H. Pylorotomie extramuqueuse du nourrisson. EMC (Elsevier Masson
SAS, Paris), Techniques chirurgicales - Appareil digestif, 40-310, 2007.