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Les miels

par Danielle LOBREAU-CALLEN


Docteur en sciences d’État, chercheur au CNRS
Institut d’Écologie FR3, laboratoire de Paléobotanique et de Paléoécologie
Université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI)
Chargée de conférences à l’EPHE (École pratique des hautes études)
Expert près les cours d’appel de Paris
et Marie-Claude CLÉMENT
Maître en sciences
Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA)
Responsable du service de Palynologie-Bactériologie (Sophia-Antipolis)

avec le concours de Vincent MARMION


Maître en économie, auteur du paragraphe Économie des miels

1. Élaboration du miel ................................................................................. F 7 000 - 2


1.1 Insectes producteurs de miels et comportement de butinage ................ — 2
1.2 Produits de la ruche..................................................................................... — 3
1.3 Mode d’extraction du miel.......................................................................... — 3
1.4 But des diverses analyses des miels ......................................................... — 3
2. Caractères des miels de l’abeille domestique obtenus
par centrifugation.................................................................................... — 3
2.1 Analyses sensorielle, physique et chimique. Vieillissement des miels... — 3
2.2 Analyse des particules végétales. Typification et origine ......................... — 9
3. Fraudes........................................................................................................ — 18
3.1 Fraudes de nature physico-chimique ......................................................... — 18
3.2 Fraudes de nature botanique et géographique......................................... — 20
4. Conclusion ................................................................................................. — 20
Pour en savoir plus ........................................................................................... Doc. F 7 000

e miel est bien connu de tous et largement consommé par toutes les popu-
L lations depuis les périodes préhistoriques et la plus haute antiquité, au
moins depuis 13 000 ans, comme en témoignent les peintures rupestres espa-
gnoles.

Cependant, devant la complexité de sa composition, sa description se révèle


délicate. Dans l’ensemble des dictionnaires des XIXe et XXe siècles, le miel est
défini comme étant une « substance sucrée, élaborée par certains insectes tels
que l’abeille ». Depuis 1976, « on entend par miel, la substance naturelle sucrée
produite par les abeilles mellifiques à partir du nectar des fleurs ou des sécré-
tions provenant de parties vivantes de plantes ou d’excrétions d’insectes lais-
sées sur les parties vivantes de plantes, que les abeilles butinent, transforment
et combinent avec des matières spécifiques qu’elles sécrètent, et qu’elles emma-
gasinent, concentrent et laissent affiner et mûrir dans des rayons de la ruche »
[NF V 35 001 (1991)]. Les études récentes montrent que la qualité des divers
miels consommés dans le monde entier dépend de nombreux facteurs biolo-
giques, climatiques, écologiques ainsi que du mode d’extraction.

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Pour commercialiser un produit de qualité, la vente du miel est régie par toute
une législation. Cependant, de tout temps, certains apiculteurs ou négociants
peu scrupuleux n’ont pas hésité et n’hésitent toujours pas à modifier et à falsifier
ce produit naturel afin de tenter d’en augmenter la valeur marchande.
L’étude présentée comprend donc trois parties :
— élaboration du miel ;
— caractères des miels obtenus par centrifugation :
• analyses sensorielles, physiques et chimiques. Vieillissement ;
• analyses des éléments végétaux. Typification et origine ;
— fraudes et techniques permettant de les cerner.
Dans l’ensemble de ce travail, seules les techniques peu connues des labora-
toires apicoles ont été développées. Pour les autres, désormais classiques, les
lecteurs pourront se reporter aux diverses publications citées dans le texte, et où
elles sont développées.

Dans tout l’article, un grand nombre de familles, genres et espèces (taxons) botaniques sont
cités. Pour plus de clarté, leur nom est indiqué en français lorsqu’il est assez précis [1], sinon en
latin selon la terminologie employée dans « The Plant-Book » [2].

Remerciements. Ce travail est dédié à la mémoire de R. Darchen qui a consacré toute sa vie
de chercheur (CNRS) à la connaissance de la dynamique de la ruche et de l’élaboration du miel.
Certaines données nous ont été communiquées par I. Moussa en chimie (AFSSA), par
M. Laniau de la société GEM et par M. Jeanne de l’OPIDA dans le domaine de l’économie des
miels. La plus grande partie du matériel pollinique illustrant ce travail provient de l’Herbier
national conservé au laboratoire de Phanérogamie du Muséum national d’histoire naturelle à
Paris et les observations au microscope électronique à balayage ont été réalisées au Centre
interuniversitaire de Microscopie électronique de l’université Pierre-et-Marie-Curie (Paris VI).
L’ensemble du manuscrit a été relu et discuté par G. Callen (botaniste, MNHN), R. Coutin (ento-
mologiste, OPIE) et G. Parc (ingénieur-docteur en chimie).

1. Élaboration du miel fleurs étalées ou en tube [3] [4] [5] : ainsi, la variété italienne ligus-
tica a été introduite en France et les nombreuses formes hybrides
existant dans plusieurs régions tendent à faire disparaître les races
locales de la variété mellifera. En Inde, Chine, Malaisie, Indonésie et
Philippines, il s’agit d’autres espèces d’Apis. Sur le continent améri-
1.1 Insectes producteurs de miels cain, en Australie, Nouvelle-Calédonie, Nouvelle-Zélande..., l’abeille
et comportement de butinage Apis mellifera a été introduite par les Européens lors de la colonisa-
tion aux XVIe et XVIIe siècles. Dans les régions néotropicales,
l’hybridation de l’abeille domestique avec une autre espèce tropi-
■ Le miel est élaboré par différents genres d’Hyménoptères qui le cale a créé un insecte extrêmement agressif difficile à éradiquer [6].
produisent le plus souvent en quantité juste suffisante pour l’ali-
mentation de leurs larves (guêpes polistes, quelques genres de Dans les régions tropicales, d’autres abeilles productrices de miel
fourmis...) et, très fréquemment, le mélangent au pollen pur et régulièrement consommé sont également représentées [3] [8]. Il
aggloméré en pelotes, confectionnant ainsi le « pain d’abeille » sur s’agit en particulier de Meliponideae, abeilles dépourvues de dard.
lequel un œuf sera pondu (abeilles solitaires, telles Megachilidae :
Megachila, Osmia, Xylocopa...). Seules certaines Apidae sociales En Europe, la production de miel par les abeilles peut être réduite
produisent du miel en quantité largement suffisante pour la nutri- à néant lorsque l’abeille est parasitée par des protozoaires (Nosema
tion du couvain (Bombus, Trigonini...), mais rares sont les espèces apis), des bactéries (Bacillus larvae ou loque américaine ; B. alvei ou
qui peuvent être élevées dans des ruches (Melipona, Apis).
loque européenne), des Acariens (Acariopsis woodii ), des Gamasi-
Les abeilles évoluent pratiquement dans tous les biotopes fermés des (Varroa jacobsoni, tique originaire d’Asie) [3] [7].
(forêts, oasis) ou ouverts (plaines, savanes) et sous tous les climats
à l’exception des régions polaires. ■ Les abeilles recherchent deux principales substances (nectar, pol-
En Europe, Asie tempérée, Afrique, la principale abeille produc- len) dans les types floraux les plus attractifs pour elles. Il s’agit sou-
trice de miel appartient au genre Apis, Apidae pourvue d’un vent de fleurs de teinte claire et zygomorphes à symétrie bilatérale
aiguillon et, plus particulièrement, de l’espèce A. mellifera, appelée ou actinomorphes de petite taille et groupées en inflorescences den-
aussi abeille domestique. En France, plusieurs variétés existent, cel- ses. Des études récentes [9] [10] [11] [12] montrent que le pollen est
les à langue longue étant plus performantes pour le butinage des l’élément le plus attractif de la fleur.

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1.2 Produits de la ruche 2. Caractères des miels


de l’abeille domestique
Le miel est élaboré à partir des nectars et des miellats récoltés par
les insectes, transformés sous l’action des enzymes sécrétées par obtenus par centrifugation
les glandes hypopharyngiennes (salivaires). Cependant, cette abon-
dante substance destinée à l’alimentation des larves n’est pas le
seul produit de la ruche. Les abeilles récoltent également du pollen
qu’elles stockent dans des cellules isolées et utilisent pour la nutri- 2.1 Analyses sensorielle, physique
tion du couvain des abeilles ouvrières. Elles prélèvent également et chimique. Vieillissement des miels
des résines (propolis) sur les bourgeons des arbres (marronnier,
sapin, épicéa...) ou dans les fleurs (Clusia, Dalechampia) et desti-
nées à colmater les brèches de la ruche ou à la construction de nids 2.1.1 Caractères organoleptiques [14]
[13]. Certains genres d’abeilles tropicales, telles les Dactylurines,
font même provision de latex, en particulier des Euphorbiacées.
Selon leurs origines, les différents miels présentent des caractè-
Enfin, les abeilles sécrètent la cire à partir de glandes cirières,
res visuels, olfactifs, gustatifs et tactiles particulièrement diversifiés.
notamment pour la confection des cellules ou des urnes. Avec leurs
L’examen organoleptique d’un produit est la fiche descriptive don-
glandes hypopharyngiennes et mandibulaires, les ouvrières produi-
née par l’ensemble des perceptions sensorielles ressenties par le
sent, en outre, deux sortes de gelée royale de nature lipido-protéini-
consommateur. Il peut ainsi apprécier ses qualités essentielles mais
que, l’une destinée aux larves de reine et à la reine, l’autre au
aussi ses défauts. Il ne remplace cependant pas les examens phy-
couvain des ouvrières.
sico-chimiques et botaniques mais intervient pour confirmer une
appellation. Ces analyses sont réalisées dans des pièces inodores,
climatisées à 20 °C, 60 % d’humidité et en lumière diurne. Les
dégustateurs travaillent loin des repas et ne doivent pas porter
1.3 Mode d’extraction du miel d’odeurs avec eux. Le miel étudié est versé dans un verre à pied.
■ Couleur
Quelle que soit l’abeille productrice de miel mis en réserve dans Elle varie de blanc ou de nuance très claire à brun sombre selon
des cellules ou rayons (Apis) ou dans des urnes (Meliponideae), il l’origine du produit. Les miels français de robinier ou « acacia » –
convient d’extraire ce produit. Actuellement, trois techniques sont Robinia pseudoacacia –, luzerne, romarin, rhododendron, lavande...
employées : sont clairs à l’état liquide et blancs lorsqu’ils sont cristallisés ; ceux
— par pression, de manière traditionnelle utilisée jusqu’au de fenouil, de bourdaine, de bruyère, de callune, d’eucalyptus,
XIXe siècle en Europe et, actuellement, dans la plus grande partie du d’arbousier et de miellats sont, au contraire, foncés avec des reflets
tiers monde : après avoir asphyxié les abeilles, le nid est ouvert et le variés (verdâtres dans le miel de sapin) ; celui de sarrasin est pres-
contenu de la ruche est pressé. Dans le liquide obtenu, la propolis, que noir. Certains miels sont lumineux (miel de tournesol), d’autres,
les pollens mis en réserve, la gelée royale, souvent le couvain et au contraire, le sont peu (miel de colza). L’intensité de la couleur est
quelques abeilles avec leur venin sont broyés et mélangés au miel. mesurée par l’échelle de Pfund (Pfund color grader) ou par le
En France, depuis le début du siècle, le miel pressé ne doit contenir comparateur visuel de Lovibond. La limpidité, la fluidité, l’homogé-
ni couvain, ni gelée royale, ni insectes ; néité, la cristallisation et la propreté sont également prises en consi-
dération.
— par écoulement, dans tous les pays tropicaux : après avoir
asphyxié les abeilles, le nid est ouvert et les rayons sans couvain ■ Cristallisation
sont désoperculés puis déposés sur une couche de fougères recou-
vrant un récipient vide. Le miel s’écoule alors plus ou moins lente- Elle est particulièrement fine dans les miels de luzerne, trèfle,
ment selon la température environnante ; colza, pissenlit, bruyère et, au contraire, grossière dans ceux de châ-
taignier, oranger, sapin, tilleul.
— par centrifugation, technique actuellement utilisée dans tous
les pays industrialisés, parfois dans le tiers monde : le miel est ■ Odeurs
extrait par centrifugation des rayons des hausses dont les cellules Dans les différents miels, elles varient considérablement mais
ont été désoperculées au préalable. Par cette technique, tous les s’évaporent très rapidement. Elles sont végétales, florales ou frui-
produits non liquides de la ruche restent dans leurs cellules (pollen, tées, puissantes ou non, fines, lourdes, vulgaires. Une odeur de
propolis). Après centrifugation, le miel est filtré et laissé décanter fumée ou de fermentation est un défaut.
durant deux semaines au minimum.
■ Goûts
Il s’agit des arômes, de la saveur (acide, sucrée, salée, amère) et
de la flaveur par voie rétronasale. Ils sont végétaux, floraux, empy-
1.4 But des diverses analyses des miels reumatiques, fins, puissants ou persistants, exogènes. L’arrière-goût
peut être amer ou acide et laisse une fin de bouche de tanin, de
rance, de fumée...
Les miels de l’abeille domestique, Apis mellifera, font l’objet d’un
important commerce international et il est évidemment essentiel Exemple d’analyses :
d’avoir affaire à un produit de qualité. Ils ont des couleurs, des — miel d’« acacia » : toujours liquide, jaune très clair, odeur faible,
odeurs et une consistance très diversifiées selon leur nature et leur arôme léger, floral, sucrosité forte ;
provenance. Les analyser consiste ainsi à préciser leur qualité et à — miel de trèfle : clair ou blanc, à cristallisation rapide et fine ;
connaître leurs origines botanique et géographique. Pour cela, il — miel de pissenlit : jaune vif, doré (comme celui de tournesol), cris-
convient d’en établir exactement la composition avec toute sa com- tallise vite, odeur âcre intense, goût persistant, légèrement amer ;
plexité. Le miel comprend en effet deux fractions, l’une liquide, — miel de châtaignier : brun clair ou foncé selon la provenance, cris-
sucrée et renfermant quelques minéraux, l’autre, constituée de tallisation grossière, odeur forte et pénétrante, goût amer, astringent
nombreuses particules végétales, en particulier le pollen, et dont très persistant ;
seule l’analyse détaillée permet l’identification des espèces butinées — Miel de tilleul : clair, jaune, à cristallisation grossière, odeur et
et, donc, de le typifier pour une région donnée. goût fortement mentholés, persistants.

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2.1.2 Caractères physiques surtout de Calluna, et ont une viscosité anormale, leur consistance
étant celle d’un gel. Pour rompre cet état, il suffit de remuer le miel
Les techniques d’analyses utilisées ont été publiées de manière avec une spatule ou une pointe dans chacune des cellules avant
détaillée par un arrêté du 15 février 1977 et par Louveaux [7] [15]. extraction par centrifugation.
Les techniques actuellement utilisées sont rappelées dans le
■ Chaleur massique
tableau 1 ; elles ne peuvent être pratiquées officiellement que dans
deux laboratoires spécialisés : celui de l’AFSSA (Agence Française À la température de 20 °C et avec une teneur de 17 % d’eau, la
de Sécurité Sanitaire des Aliments) à Sophia-Antipolis et celui inter- chaleur massique du miel est de 0,54 fois celle de l’eau dans les
régional de la DGCCRF (Direction Générale de la Concurrence, de la mêmes conditions. Il faut donc pratiquement deux fois moins
Consommation et de la Répression des Fraudes) à Montpellier et à d’énergie pour chauffer un miel que pour chauffer la même masse
Marseille. Cependant, certaines techniques sont facilement utilisa- d’eau.
bles par les apiculteurs pour contrôler la qualité de leurs produits.
■ Conductivité thermique
■ Densité
Elle varie avec la teneur en eau et la température de l’échantillon.
Pour une teneur moyenne en eau de 17,2 % à 20 °C, la densité
En moyenne, à 20 °C et avec une teneur en eau de 17 % :
moyenne est de 1,42 et varie généralement de 1,39 à 1,44 selon la
λ = 540 x 10−3 W/m · K contre 580 x 10−3 W/m · K pour l’eau.
nature des miels analysés.
■ Viscosité ■ Turbidité
Elle dépend de la teneur en eau, de la température et, à un degré Elle est très variable car le miel contient de nombreuses particules
moindre, de la composition de l’échantillon étudié. À 35 °C, tous les solides et (ou) des matières colloïdales en suspension, en quantités
miels sont fluides. Certains sont thixotropes comme ceux d’Erica et très variables.

Tableau 1 – Méthodes d’analyses des miels pour identifier leur origine botanique ou géographique (1)
Origine Origine
Analyses chimiques Technique Autres substances détectées
botanique géographique
Chromatographie en phase gazeuse Adjonctions de sirop (possible)
Chromatographie en couche mince Adjonction de sucre
Chromatographie liquide à haute Adjonction de sucre
Mono- et disaccharides performance
Conductivité
Réfractométrie
Titrimétrie

Oligosaccharides Chromatographie en phase gazeuse Indications Indications Sirop de maïs à forte teneur
Chromatographie ionique possible possibles possibles en fructose

Humidité Réfractométrie
Gravimétrie
Azote total Kjeldahl Adjonction de sucre (possible)
Chromatographie en phase gazeuse Indications Indications
possibles possibles
Acides aminés
Chromatographie liquide à haute Indications Indications
performance possibles possibles

Protéines Électrophorèse sur gel de polyamide Indications Indications


possibles possibles
Chromatographie en phase gazeuse Bonnes Indications
indications possibles

Flavonoïdes Chromatographie liquide à haute Bonnes Indications


performance indications possibles
Chromatographie électrocinétique Bonnes Indications
micellaire indications possibles
Chromatographie en phase gazeuse Indications
possibles
Acides phénoliques
Chromatographie liquide à haute Indications
performance possibles

Esters phénoliques Chromatographie liquide à haute Indications


performance possibles
Composés hydrocarbonés Chromatographie en phase gazeuse Bonnes
aromatiques indications
Acides organiques aliphatiques Chromatographie en phase gazeuse Indications
possibles
Acidité Titrimétrie

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Tableau 1 – Méthodes d’analyses des miels pour identifier leur origine botanique ou géographique (1) (suite)
Origine Origine
Analyses chimiques Technique Autres substances détectées
botanique géographique
Résonance magnétique nucléaire Adjonction de sucre (possible)
Rapport isotopique
d’hydrocarbone stable Spectrométrie de masse à rapport
isotopique
Indications
Rapport deutérium/hydrogène Résonance magnétique nucléaire possibles Adjonction de sucre (possible)
(Citrus)
Spectrophotométrie d’absorption
atomique
Spectrophotométrie d’absorption
Minéraux et éléments à l’état atomique à atomisation
de traces
électrothermique
Spectrométrie de masse à ionisation
couplée à une torche à plasma
Chromatographie liquide à haute
performance
Résidus Analyse par réaction immuno- Traitements (possibles)
enzymatique
Spectrophotométrie
Activité enzymatique Spectrophotométrie Traitement à chaud
Spectrophotométrie Addition de sucre inverti
Hydroxyméthylfurfural (HMF) Chromatographie liquide (possible)
haute performance Traitement à chaud
Composés marqueurs Méthodes diverses Bonnes
particuliers indications
Distillation extractive simultanée Bonnes Indications
indications possibles

Composés aromatiques Chromatographie en phase gazeuse Bonnes Indications


couplée à la spectrométrie de masse indications possibles
Analyse par dilution isotopique Bonnes Indications
indications possibles
Composants multiples Techniques diverses Bonnes
indications
Bactéries Cultures
Observations en microscopie Bonnes Bonnes
Pollen et spores photonique et (ou) en microscopie indications indications
électronique à balayage
Observations en microscopie Pollens frais ou pelotes
électronique à transmission écrasées introduits dans le miel
(1) D’après [17], complété par Moussa (inéd), pour les analyses chimiques et Lobreau-Callen pour les pollens et spores.

■ Fluorescence sèche (cendres). Elle est d’autant plus élevée que le miel est foncé
Toujours faible. par la présence de matières minérales (miels de miellats).

■ Indice de réfraction ■ pH et acidité


Il varie proportionnellement avec la température et la teneur en La plupart des miels ont un pH relativement bas (acide). Cepen-
eau (de 1,5041 à 1,4915 pour une teneur en eau de 13 à 18 %, donc dant, ce dernier est d’autant plus élevé et proche de 7 que le miel est
pour la plupart des miels, et atteint 1,4789 pour les miels de callune jeune, fraîchement récolté et contient d’abondants sels minéraux.
avec 23 % d’eau). L’utilisation d’un réfractomètre permet ainsi de
connaître la teneur en eau des divers échantillons.
2.1.3 Composition chimique des substances
■ Pouvoir rotatoire
butinées sur la fleur
Selon la nature de l’ensemble des sucres contenus dans les miels,
la lumière polarisée est fréquemment déviée à gauche dans la plu- Le miel est un produit dérivé du nectar et du miellat récoltés par
part des échantillons ou, plus rarement, à droite. les ouvrières.
■ Conductivité
2.1.3.1 Nectar
Elle est d’autant plus élevée que le miel est riche en substances
ionisables, telles les matières minérales. Cette mesure, exprimée en Le nectar est une substance sucrée, sécrétée par des glandes flo-
−4
10 S/cm, se fait dans une solution standard à 20 % de matière rales (nectaires) ou, plus rarement, extraflorales (Gossypium,

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Hevea, Vicia faba, Ricinus) attractives pour l’abeille. Selon les espè- F 7 000]) ; les méthodes les plus récemment mises au point ont été
ces botaniques, il contient des proportions variables de sucres inventoriées par Anklam [17] (tableau 1).
divers dont les hexoses particulièrement récoltés par les abeilles. Toutes les substances identifiées dans les nectars et les miellats
Dans la flore française, les nectars butinés sont principalement com- se retrouvent dans le miel telles quelles ou modifiées. En effet, le
posés de : nectar est transporté par l’abeille dans son jabot, sorte de bouteille
— glucose (51 % dans le sarrasin ; 80 % dans le colza) ; à miel. Dans la ruche, il est successivement régurgité et réabsorbé
— saccharose (presque 100 % dans le rhododendron, 4,6 % dans plusieurs fois, chaque fois enrichi de sécrétions des glandes hypo-
le lotier) ; pharyngiennes et déposé dans des cellules où il est ventilé, de sorte
— lévulose ou fructose (58 % dans le trèfle, dominant dans le que les sucres sont concentrés : 1 kg de nectar donne environ 250 g
robinier) ; de miel. Pendant une durée d’un mois, dans des cellules ouvertes, le
— maltose... miel est mis à « mûrir » à la température de la ruche (35 °C), période
Les proportions de ces sucres varient avec l’âge de la fleur, le pendant laquelle certaines substances, tels les sucres, sont modi-
degré hygrométrique atmosphérique et les heures de la journée. fiées sous l’action enzymatique des sécrétions salivaires. Plus tard,
Dans des conditions optimales, lorsque les rayons du soleil sont les cellules sont operculées. Par ailleurs, la plupart des autres cons-
ardents et que, corrélativement, l’activité des abeilles est maximale, tituants des nectars se retrouvent peu ou pas modifiés dans les
le nectar est d’autant plus concentré. miels. La composition chimique moyenne des miels européens est
Exemple : le nectar de sauge renferme, en moyenne, 56 % de résumée dans le tableau 2.
lévulose, 28,5 % de glucose, 2,2 % de saccharose et 10,3 % de mal-
tose [7]. ■ Eau

Les nectars contiennent, en outre, des protéines, des enzymes La teneur en eau est en moyenne de 17 à 20 %. Cependant, à
dont les amylases phosphatases acides et catalases, et des acides l’exception des miels de bruyère, l’eau ne devrait pas excéder 18 %.
aminés, des lipides selon les espèces botaniques (par exemple : Cal- Dans le cas de la callune, le pourcentage en eau est plus élevé (19 à
ceolaria, Diascia, Lysimachia, Solanum), parfois en quantité infinité- 26 %), en relation avec la thixotropie du miel due à la présence
simale, des alcaloïdes (Euphorbiacées), des phénols, des minéraux, d’une protéine.
des vitamines, des flavones, des alcools, des pigments, des arômes ■ Enzymes
divers, différents selon les espèces... [16].
Particulièrement fragiles aux élévations de température, elles
2.1.3.2 Miellats sont un bon indicateur de surchauffe des miels, étant détruites à
Il s’agit d’un produit sucré, épais et poisseux, excrété par des forte chaleur. Les principales enzymes proviennent des glandes
Hémiptères, Homoptères du groupe des Cicadidae (cigales), Psylli- hypopharyngiennes (salivaires) de l’abeille et leur panoplie varie
dae (psylles), Pemphigidae, Chermesidae, Aphidoidae (pucerons), selon les espèces d’abeilles considérées [18]. Chez Apis mellifera
Coccoidae (cochenilles) et, depuis quelques années, des Flatideae var. mellifera, il s’agit, notamment : de la gluco-invertase qui hydro-
(Metcalfa) en Italie, dans le Sud et même semblerait-il le Sud-Ouest lyse les disaccharides, de l’amylase qui dégrade l’amidon des pol-
de la France... Avec leurs pièces buccales, les insectes perforent les lens et le transforme en maltose et, enfin, de la gluco-oxydase qui
tissus de la plante jusqu’aux tubes criblés du phloème dans lesquels transforme le glucose en acide gluconique. Quelques enzymes pro-
circule la sève élaborée contenant les sucres et les acides aminés viennent des nectars : la catalase qui régularise les activités de la
nécessaires à la plante. Chaque perforation est gainée grâce à une gluco-oxydase, la phosphatase acide et quelques traces d’amylase.
substance coagulante sécrétée par l’insecte permettant à ce dernier Dans un miel de qualité, l’indice diastasique est élevé et nettement
de se déplacer librement et d’exploiter chaque goutte de sève qui supérieur à 8.
perle. En outre, cette dernière est relativement abondante chez les ■ Sucres
tilleuls, les érables... et plus faible dans d’autres genres. Par ailleurs, Certains sucres, tel le saccharose, sont en partie transformés en
les substances azotées qu’elle renferme sont diluées dans un grand glucose et fructose. La composition en sucres des miels est au
volume d’eau et donc très peu concentrées alors que l’insecte qui se moins aussi diversifiée que celle des nectars ou des miellats et
reproduit très fréquemment par parthénogénèse a besoin d’un très dépend directement de la flore butinée (tableau 3). Cependant, les
fort apport de produits azotés. Ainsi, une grande quantité de sève proportions des différents sucres varient et sont souvent plus éle-
est absorbée et considérablement concentrée dans l’appareil diges- vées en glucose et en fructose. Les miels les plus doux sont les plus
tif de l’insecte, de sorte que tous les acides aminés et certains hydra- riches en fructose : ce sont ceux de châtaignier, sainfoin, robinier
tes de carbone sont assimilés. Les sucres excédentaires, non faux acacia, Impatiens glandulifera (balsamine de l’Himalaya). Le
digérés, accompagnés de diverses enzymes digestives sont élimi- glucose est dominant dans les miels de bruyère. Le mélézitose,
nés sans passer par l’intestin de l’animal. Certains sucres de la sève l’erlose, le raffinose sont des tri- et polysaccharides provenant géné-
se retrouvent ainsi modifiés dans les miellats ; par exemple, le sac- ralement des miellats (miels de sapin, d’épicéa, de mélèze...).
charose est transformé en mélézitose, polysaccharide pratiquement
insoluble dans l’eau. Les miellats contiennent en outre d’autres ■ Acides
sucres qui leurs sont propres, tels l’erlose, le raffinose et des poly- Tous les miels sont acides avec un pH de 3,1 à 4,5 (moyenne 3,9).
glucoses. L’acidité est libre ou combinée (lactones provenant de la transforma-
Les miellats les plus recherchés par les abeilles proviennent d’un tion des sucres). Parmi l’ensemble des acides présents dans les dif-
nombre restreint d’arbres, d’arbustes et d’herbacées et sont pro- férents nectars et dans le miel, le plus fréquent est l’acide
duits par quelques insectes bien définis (Buchneria, Cinara, Lach- gluconique dû à la dégradation enzymatique du glucose avec déga-
niella, Physokermes...) et souvent favorisés par plusieurs fourmis gement d’eau oxygénée.
qui bénéficient également de ces substances. ■ Acides aminés et protéines responsables du goût et de l’odeur du
2.1.3.3 Autres produits butinés miel
Les abeilles exploitent également la sève sucrée de certaines Ils sont peu abondants, mais tous les miels renferment de la pro-
espèces, telle la canne à sucre fraîchement coupée, le jus très sucré line dont le taux est habituellement mesuré lors des analyses ; pour
de certains fruits endommagés (pêches, prunes, raisins...), etc. les miels américains, la quantité de proline varie de 15 à 120 mg
pour 100 g de miel. Selon l’origine végétale des nectars, certaines
2.1.3.4 Miels jeunes protéines odorantes peuvent être bien représentées : miels de cal-
Les techniques officielles d’analyse chimique utilisées sont celles lune, de Leptospermum scoparium (manuka tee tree d’Australie,
préconisées par l’arrêté du 15 février 1977 (J.O. 22 avril 1977) et introduit en Bretagne), de sarrasin. Le goût amer des miels de châ-
par l’Association Officielle en Chimie Analytique (AOAC) (cf. [Doc. taignier et de l’arbousier est dû à des acides aminés.

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Tableau 2 – Composition moyenne des miels européens (1) (2)


Pourcentage
Composition Types de composés Principaux composants
total

Eau 15 à 20 %
(moyenne 17 %)
Monosaccharides Glucose (33 %)
Fructose (39 %)
Hydrates 75 à 80 %
de carbone Disaccharides Maltose (0,9 %), isomaltose, saccharose (2,3 %)
Polysaccharides Erlose, raffinose, (mélézitose), (kojibiose), (dextrantriose), (mélibiose)
Acides (0,1 à 0,5 %) gluconique (0,1 à 0,4 %), (maléique), (succinique), (oxalique), (glutamique),
(pyroglutamique), (citrique), (glucuronique), formique (0,01 à 0,05 %)
Protéines et acides aminés Matières albuminoïdes, matières azotées, (proline), (tyrosine), (leucine),
(0,2 à 2 %) (hystidine), (alanine), (glycine), (méthionine), (acide aspartique)
Substances 1à5% Vitamines B, C (A, D et K)
diverses Enzymes provenant Amylases α, β, gluco-invertase, glucose-oxydase (activité antiseptique)
des glandes
hypopharyngiennes
Enzymes provenant du nectar (Catalase), (amylases), (phosphatases acides)
Minéraux (0,05 à 1,5 %) : K, Ca, Na, Mg, Mn, Fe, Cu, (Co), (B), (Si), (Cr), (Ni), (Au), (Ag), (Ba), (P), (Cs)
Esters Méthylantranylate (Citrus, lavande...), acétates, méthyléthylcétone...
Arômes Aldéhydes et acétones Formaldéhyde, acétaldéhyde (colza, trèfle...)...
Alcools Méthanol, éthanol, isobutanol, 2-phényléthanol...
Flavones Flavanol, catéchine, quercétine
(Lipides) Traces (Acides gras) (Acides palmitique, butyrique, caprique, caproïque, valérique)
(1) D’après [3] et [14].
(2) Les substances indiquées entre parenthèses sont à l’état de traces ; les pourcentages sont donnés par rapport au poids total du miel.

Tableau 3 – Analyses physico-chimiques de miels du Togo d’origines différentes (1)


Échantillons de miels

1 2 3 4 5 6 7 8 9
Activité diastasique 6,66 7,81 11,85 15,7 37,4 12 22,55 <7,5 <7,5
HMF (2) ............. (mg/100 g) 28,8 2,09 38,4 9,02 1,92 9,02 4,8 2,88 7,68
H2O ............................... (%) 19,4 21,6 19,1 18,7 18,7 21,7 19,6 19,8 17,6
Fructose ........................ (%) 40,27 36,40 37,57 36,81 32,52 36,04 35,25 35,14 35,81
Glucose ......................... (%) 27,57 30,54 27,52 28,95 26,66 28,26 33,11 33 28,28
Saccharose ................... (%) 0,49 1,05 0 0,31 0 0 2,04 2,01 9,8
Tétraholose .................. (%) 0,96 0,52 0,88 0,83 1,12 0,49 0,4 0,33 0,57
Isomaltose .................... (%) 0,45 Traces 1,92 Traces 4,78 1,29 Traces Traces 0,49
Maltose ......................... (%) 7,34 3,85 5,97 5,93 6,77 3,76 3,85 3,7 4,01
Mélibiose ...................... (%) 0,39 0 0,39 0 0,51 Traces 0 0 Traces
Raffinose ...................... (%) 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Erlose ............................ (%) 0 0 0 0 0,3 0 0 0 0,29
Mélézitose .................... (%) 0 0 0 0 0 0 0 0 0
Somme sucres totaux .. (%) 77,47 72,47 74,26 72,83 72,66 69,84 74,64 74,18 79,25
Rapport fructose/glucose 1,46 1,19 1,36 1,27 1,22 1,28 1,06 1,06 1,27
Rapport glucose/H2O 1,42 1,41 1,44 1,54 1,43 1,3 1,69 1,67 1,6
Elaeis Elaeis Ceiba Elaeis Elaeis Combre- Asteraceae Elaeis Parkia
Ceiba Ceiba Burkea Parinari Rubiaceae taceae Combre- Asteraceae Moraceae
Combre- Tetrorchi- Erythro- Moraceae Lannea Margari- taceae Rubiaceae
taceae dium phleum Rubiaceae taria Margari-
Taxons dominants Erythro- Erythro- Moraceae Sapin- Burkea taria
phleum phleum Rubiaceae daceae Ptero- Acacia
Moraceae Moraceae Sapin- carpus Rubiaceae
Sapin- Leucaena daceae Rubiaceae
daceae Lannea Lannea
(1) D’après [19]
(2) HMF : hydroxyméthylfurfural

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■ Vitamines ■ Acidité
Elles sont peu nombreuses et en très faible quantité. Elles appar- Elle augmente avec le temps sous l’action de la dégradation du
tiennent au groupe C, très rarement aux groupes A, D et K lorsque glucose en acide gluconique dont le taux augmente régulièrement
les nectars en contiennent et, plus souvent, au groupe B que ren- avec le vieillissement. De plus, corrélativement, la quantité de
ferme le pollen (thiamine, biotine, acide folique...). lactone en est d’autant plus élevée. Parallèlement, la coloration
s’intensifie.
■ Lipides
■ Enzymes
Ils proviennent des nectars où ils sont fréquemment présents au
moins à l’état de traces [16], parfois abondants (Calceolaria, Lysi- La teneur en amylase et gluco-invertase diminue, ainsi que la
machia, Malpighiacées [20]). teneur en glucose. En outre, l’indice diastasique diminue (inférieur
à 8).
■ Minéraux
■ Sucres et hydroxyméthylfurfural (HMF)
Mis en évidence dans les cendres du miel après dessication, ils
sont responsables de leur coloration et extrêmement diversifiés Les monosaccharides et, tout particulièrement, le fructose sont
selon l’origine géographique de la production de miel et les espè- dégradés en milieu acide par déshydratation moléculaire avec for-
ces butinées. De plus, pour une même espèce végétale, les miné- mation d’hydroxyméthylfurfural. Ce dernier produit n’existe prati-
raux contenus dans les nectars ou dans le pollen ne sont pas les quement pas dans les miels en rayons dans la ruche mais apparaît
mêmes suivant la nature du sol et sont particulièrement abon- après quelques mois par vieillissement naturel. Le taux de HMF
dants dans les miels sombres de bruyère et de callune. En revan- est d’autant plus élevé que le miel est ancien ou a été exposé à de
che, les miels clairs de luzerne, sainfoin, colza, robinier fortes températures, notamment lorsqu’il est chauffé pour extrac-
pseudoacacia, trèfle (Trifolium sativa), romarin ou des arbres frui- tion. Mesurer la quantité de HMF dans un miel révèle sa perte de
tiers en sont très pauvres. Par ailleurs, certains minéraux sont qualité. À faible température, le taux de HMF évolue plus lente-
transportés par le vent et leur présence dans les miels peut servir ment.
d’indicateurs de pollution, notamment dans les miels de miellats.
■ Arômes
■ Substances aromatiques La plupart d’entre eux étant volatils, ils disparaissent avec le
L’analyse des miels montre qu’une grande diversité de substan- temps et tous les miels, quelles que soient leurs origines, ont les
ces entre en jeu. Il s’agit d’alcools, de cétones, d’acides, d’esters, mêmes caractères aromatiques rances dus aux réactions enzyma-
d’acétates, d’aldéhydes. L’anthranylate de méthyle est abondant tiques et aux fermentations continues des levures à température
dans les miels de Citrus (orangers, clémentiniers, citronniers), ambiante.
mais présent aussi dans de nombreux autres (miels de colza ou de ■ Substances antiseptiques et antibiotiques
trèfle).
Elles tendent à disparaître ou, au moins, à être moins actives
■ Pigments dans les miels anciens, de sorte que les bactéries introduites lors
Certains appartiennent au groupe des caroténoïdes et des de l’extraction du produit ne sont plus inhibées.
xanthophylles ; d’autres semblent dus aux polyphénols (flavonoï-
des). 2.1.3.6 Miels toxiques
La toxicité des nectars ou des miels affecte soit les abeilles soit
2.1.3.5 Miels vieillis les consommateurs humains.
Riches en enzymes actives, les miels sont constamment sujets ■ Pour les abeilles
à des modifications de leur composition chimique. Cependant, ces
variations sont considérablement ralenties dans les vieux échan- Il s’agit notamment des nectars riches en mannose, hexose qui
tillons. se forme dans les nectars de tilleuls (Tilia argentea, T. cordata)
durant les étés chauds et très secs. La présence de ce sucre indi-
■ Cristallisation geste pour les abeilles perturbe totalement leur assimilation du
glucose et du fructose.
Dans la ruche, à 35 °C, le miel est liquide et les sucres concen-
trés sont dans une solution sursaturée relativement stable à l’abri ■ Pour les humains
de l’air dans les cellules operculées et instable lorsqu’elle est
exposée à l’air. Sorti de la ruche, le miel, à plus faible tempéra- Les nectars de Composées (Senecio jacobea), Éricacées (Andro-
ture, va cristalliser autour d’un cristal microscopique de glucose, meda, Rhododendron ponticum, R. anthopogon), Sapindacées
d’une poussière, d’un grain de pollen ou, même, d’un cristal de (Serjania), Loganiaceae (Gelgenium sempervirens, jasmin jaune),
sucre très fin que l’on peut introduire. Suivant la température de Solanacées (Datura et Hyoscyamus) et les miellats de quelques
conservation du miel, la nature des sucres et leur solubilité dans Coriariacées sont toxiques si leur concentration est élevée. Celui
l’eau, la cristallisation sera plus rapide ou plus lente. À tempéra- d’Euphorbia est, selon les espèces, soit toxique (E. segueirana), soit
ture moyenne de 20 à 24 °C ou, au contraire, à − 10 °C et moins, la utilisé à des fins thérapeutiques (Maroc). Les miels de féverole
cristallisation se fait progressivement ; en revanche, c’est vers (Faba sativa) peuvent être toxiques (hémorragies internes passa-
14 °C qu’elle est la plus accélérée. Les miels riches en glucose gères) pour les personnes allergiques à la plante, notamment au
cristalliseront plus vite que ceux avec beaucoup de fructose. La pollen.
cristallisation du glucose se fait avec dégagement d’eau, de sorte
que la phase liquide hydratée va avoir tendance à fermenter plus 2.1.3.7 Miels commercialisés
facilement sous l’action de levures. Le miel est distribué soit après conditionnement directement à
■ Fermentation partir de fûts de stockage, soit pasteurisé. Dans tous les cas, il ne
peut être légalement chauffé qu’une seule fois pour le liquéfier
Les levures sont naturellement présentes dans le miel, notam- avant emballage ou pasteurisation.
ment lorsqu’il renferme des miellats, ou sont introduites lors de
l’ouverture des cellules. Inhibées dans le miel sous l’action des ■ Dans le premier cas, le produit est chauffé à 40 °C (45 °C au
antiseptiques et antibiotiques, elles sont responsables des fermen- maximum) pour en faciliter l’écoulement. La technique consiste à
tations alcooliques lorsque les sucres sont trop dilués, à partir de réchauffer les fûts pendant 4 h à 40 °C. Le miel à la périphérie des
18 % d’eau et plus. fûts est seul liquéfié, le centre restant encore cristallisé. Les fûts

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sont alors ouverts et vidés de leur contenu dans une enceinte Deux techniques de montage sont possibles. Soit le culot est
réceptrice pourvue d’une grille située en surface. La grille est alors monté tel quel dans la gélatine glycérinée, de préférence colorée à
chauffée à 70 °C de sorte que le miel puisse s’écouler dès qu’il la fuchsine basique (montages Wodehouse) ; soit il est traité par
fond. Cette opération bien conduite n’augmente pas le taux de réaction chimique dans le but de ne conserver que les parties résis-
HMF de manière significative. Le miel liquide est ensuite homo- tantes appelées exine qui portent les caractères morphologiques,
généisé et conditionné ; il reste dans cet état en moyenne 3 mois. ornementaux et structuraux spécifiques permettant son identifica-
Mais, il peut aussi être pasteurisé. En effet, la grande distribution tion. Pour cela, on fait une acétylation couramment appelée
demande que le miel soit pasteurisé, à la fois comme garantie « acétolyse » ([21] [25] technique modifiée) : le pollen est lavé à
vis-à-vis des consommateurs et aussi pour pouvoir le conserver l’acide acétique « cristal » puis, en partant à froid et au bain-marie,
quelques mois. porté à ébullition maintenue pendant 1 min dans un mélange de
9 volumes d’anhydride acétique pour 1 volume d’acide sulfurique.
■ Dans le second cas, la pasteurisation permet au miel de rester Les dégagements gazeux dus à l’« acétolyse » sont ensuite stoppés
liquide (6 mois environ) et de se conserver plus longtemps. Cette avec quelques centimètres cubes d’acide acétique. Après centrifu-
opération consiste à détruire les cristaux de glucose restant et les gation, le culot est alors rincé trois fois à l’eau distillée de sorte que
différents germes qui accélèrent la fermentation et le vieillissement le pH soit neutre. Il est ensuite monté dans la gélatine glycérinée.
du produit. Pour cette manipulation, un pasteurisateur à plaques est Par cette technique d’acétolyse, plusieurs éléments sont détruits :
utilisé. Pour éviter l’augmentation du taux de HMF, le miel étalé sur l’ensemble des algues et des levures, beaucoup de spores, surtout
une couche très mince chauffée par de l’eau chaude est élevé en de champignons, de quelques Bryophytes ainsi que quelques pol-
quelques secondes à une température de 72° à 75 °C maximum, lens avec une exine très fragile.
pour une durée de quelques minutes. Le produit est ensuite très
rapidement ramené à 42 °C. Au total, cette opération aura duré 5 à Dans certains miels, le pollen et les spores sont en suspension
8 min [7]. dans un gel. Avant tout traitement, il convient alors de détruire ce
dernier en l’agitant avec quelques gouttes de potasse à un taux infé-
Après chauffage des fûts ou après pasteurisation, et à la demande
rieur à 10 % et (ou) en utilisant divers solvants neutres des résines,
des consommateurs, de nombreux producteurs et distributeurs pré-
protéines... Par utilisation des bases, les exines deviennent rapide-
fèrent commercialiser un miel onctueux à grains fins : pour cela,
ment translucides et difficilement observables.
une cristallisation est amorcée par introduction de miel à cristaux
très fins, ensemencement réalisé à un taux de 10 %. Puis, conservé Pour une étude complète des miels, il convient de pratiquer ces
à 14 °C, le miel cristallise rapidement. deux types de techniques, montages Wodehouse et acétolyse, et
donc de traiter deux fois 10 g de miel. La technique de montage
Wodehouse est celle préconisée par Louveaux & al. [22] et retenue
par les « Méthodes officielles d’analyse des miels » (1977) ; celle par
2.2 Analyse des particules végétales. acétolyse est actuellement utilisée par de nombreux palynologues,
Typification et origine notamment pour l’analyse des miels exotiques, surtout tropicaux
[18] [23] [26] [27].
Les algues, levures, spores et pollens contenus dans les miels
Les algues, levures, lichens, spores sont des éléments naturels sont analysés tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif.
qui se sont déposés ou qui vivent sur les nectars et miellats qui, par
ailleurs, renferment du pollen d’origine diverse :
2.2.1.1 Analyse quantitative
— tombé sur les nectaires lorsque les anthères sont déhiscentes ;
— transporté par le vent sur la fleur ou sur les miellats ; Pour les analyses quantitatives, les observations sont réalisées en
— apporté par simple contamination des nectars dans la ruche balayant la lame de gauche à droite en haut de la préparation, puis
par le pollen en suspension dans l’atmosphère de cette dernière ; arrivé à l’extrémité droite en descendant de plus d’un champ afin
— mélangé au produit en cours de transformation par l’abeille d’éviter tout recouvrement des régions déjà observées ; les pollens
lors des phases de régurgitation ou lorsque l’insecte brosse le pol- et spores de cette seconde ligne sont comptés en progressant de
len tombé sur son corps pendant ses activités de butinage en frot- droite à gauche et ainsi de suite avec une nouvelle ligne jusqu’à ce
tant les étamines. que l’ensemble de la préparation soit totalement étudié. Lorsque le
Ces particules sont les seules qui permettent de typifier les miels matériel sporopollinique est abondant, seules trois lignes sont
et de cerner leur origine géographique, ce qui est impossible avec analysées : une première en bordure de la préparation, une
les seules analyses physico-chimiques. deuxième au milieu et une troisième aux trois quarts de sorte que,
pratiquement, plus aucun type pollinique nouveau n’apparaisse. En
Dans les miels, les algues, les lichens, les levures, les spores et les général, le comptage de 1 200 pollens suffit.
pollens sont en suspension. Pour les étudier, il convient donc de les
isoler et de les concentrer. Dans chaque échantillon analysé, il est conventionnel de compter
séparément le nombre d’algues souvent unicellulaires, de levures,
de spores de champignons, de Bryophytes et Ptéridophytes, de pol-
2.2.1 Méthodes et techniques lens et autres débris de lichens, de bois, d’insectes... Les résultats
sont classiquement exprimés en donnant le nombre de grains de
pollen, celui des spores de champignons et celui des algues et des
Le pollen, les spores, les algues, les lichens et les levures sont iso-
levures pour 10 g de miel. En additionnant le nombre total de ces
lés de 10 g de miel par lessivages dans de l’eau légèrement acidulée
éléments, il est possible de classer les miels en 5 catégories [28] :
par quelques gouttes de H2SO4 (pH > 5,5 ou à une concentration
d’environ 5 ‰), à 50-60 °C et par centrifugations successives [21] — classe I : moins de 20 000 pollens, spores et algues pour 10 g
[22] [23]. Les sucres et traces de cire sont ainsi éliminés. Selon cer- de miel (miels d’acacia [Robinia pseudoacacia], asphodèle, lavan-
tains auteurs, il est préférable de filtrer les miels, les pollens, spores, din, tilleul, sauge, oranger, luzerne, canne à sucre ou de certaines
algues et levures restant sur le filtre [22] [23] [24]. Cependant, des variétés de trèfle rouge...) ;
études comparatives ont montré que, quelle que soit la technique — classe II : 20 000 à 100 000 pollens, spores et algues (miels de
utilisée, les résultats obtenus sont comparables. Parkia) ;
Le culot résultant des centrifugations renferme le pollen, les — classe III : 100 000 à 500 000 pollens, spores et algues (miels de
algues, les levures, les spores de champignons, parfois de Bryo- châtaignier, de myosotis, de miellats) ;
phytes et de Ptéridophytes, ainsi que des débris ligneux, voire — classe IV : 500 000 à 1 000 000 pollens, spores et algues (miels
même d’insectes selon le mode d’extraction du miel. de Cynoglossum, d’Echium, de Myosotis sylvatica) ;

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— classe V : plus de 1 000 000 pollens, spores et algues (miels de chimie sont disponibles. Aussi, dans cet article donnons-nous quel-
centrifugation – souvent tropicaux – ; miels de pression avec un ques éléments de base permettant aux techniciens et aux ingénieurs
mélange de miel et de pollen stocké dans des cellules). de mieux comprendre les descriptions des pollens données dans les
Actuellement, les mélissopalynologues retiennent soit ces 5 atlas et de réaliser eux-même quelques observations sur les élé-
mêmes classes en ne prenant en considération que le pollen, soit ments les plus courants. Pour le pollen et les spores traités ou non,
4 classes également définies d’après les quantités relatives du pol- il s’agit très souvent de photographies réalisées au Mph, en général
len des différentes espèces : toutes au même grossissement 1 000, et publiées dans des atlas
régionaux ou déposées sur Internet. Les photographies au MEB sont
— 1, dominant (plus de 45 %) ; également très utiles pour affiner certaines déterminations.
— 2, principal ou secondaire (16 à 45 %) ; L’ensemble des références bibliographiques de morphologie du pol-
— 3, d’accompagnement ou mineur important (3 à 15 %) ; len et des spores est régulièrement publié dans des « Index biblio-
— 4, isolé ou mineur (moins de 3 %). graphiques des pollens d’Angiospermes » [29] [30] [31] [84] et des
Dans le cas des miels de miellats, on calcule la fréquence d’indica- spores de Bryophytes et de Ptéridophytes [32]. Parmi les atlas les
teurs de miellats en établissant le rapport nombre d’éléments indi- plus récents, il convient de signaler, en particulier, ceux concernant
cateurs de miellats / nombre de pollen de plantes nectarifères : les régions méditerranéennes [33] [34], la Nouvelle-Zélande [35], la
— entre 0 et 1,5, la quantité est faible ; Chine [36] [37], les États-Unis [38], le Canada [39], la Colombie [40],
— de 1,5 à 3, elle est moyenne ; les Philippines [41]. Dans la plupart de ces atlas, les observations
— de 3 à 4,5, elle est grande ; ont été faites au Mph. Cependant, afin d’illustrer plus facilement les
— au-dessus de 4,5, elle est très grande [22] [23]. caractères essentiels des pollens, la plupart des illustrations ont été
réalisées au MEB, bien que les analyses polliniques soient faites au
Les pollens de plantes dépourvues de nectaires (surtout anémo-
Mph.
philes) sont rares (moins de 3 % dénombrés), peu fréquents (3 à
15 %), fréquents (15 à 45 %) et très fréquents (au-dessus de 45 %).
Selon les taxons butinés, les miels contiennent une quantité varia-
ble de pollen. Ceux de nectar (Cocos nucifera, Borassus aethiopi- 2.2.2 Bactéries
cum...) ou de miellat en renferment peu (classes I et II). En revanche,
ceux multifloraux (toutes fleurs) en comprennent généralement une
grande quantité (classe III à V). Par ailleurs, le pourcentage en pollen Leur identification ne peut être réalisée qu’après culture sur des
dans un miel est d’autant plus élevé que les grains sont petits. Une milieux gélosés sucrés [3] [42] [43] [44]. Quelques rares bactéries
comparaison entre la flore entournant les ruchers et la composition ont pu être identifiées dans les miels où, cependant, elles sont inhi-
pollinique des miels montre que certaines espèces sont nettement bées sous l’action des péroxydases acides. Les principales bactéries
surreprésentées, notamment dans le cas de pollens de petites rencontrées, souvent à l’état de spores, sont des Bacillus méso-
dimensions (châtaignier, Cynoglossum, Mimosa invisa ou M. philes, introduites par les abeilles et sans conséquence pour le con-
pudica, Myosotis, Myrtacées...) ou lorsque les fleurs présentent des sommateur. Par ailleurs, la présence d’autres bactéries correspond
étamines spécialement modifiées avec du pollen destiné à l’alimen- plus généralement à une contamination lors de l’ouverture des nids
tation des abeilles (Palissota, Cassia). D’autres, au contraire, sont et des cellules à miel dans les rayons ou, plus fréquemment, au
sous-représentées : lorsque le pollen est de grande taille (Cucurbita- moment du conditionnement (streptocoques avec un Gram + ; coli-
cées) ou composé (Mimosacées telles Acacia), lorsqu’il est produit formes dont Escherichia coli avec un Gram − ; salmonelles et bacté-
en faible quantité par rapport à l’abondance du nectar (asphodèle, ries anaérobies sulfito-réductrices) ; ces organismes doivent être
Citrus, Labiées, Fabacées), lorsqu’il y a protandrie (Citrus) ou que la totalement absents des miels. Un produit commercialisé ne doit pas
morphologie florale est telle que peu de pollen contamine le nectar renfermer plus de 100 germes mésophiles par gramme.
(asphodèle, Citrus, Labiées...). Ce dernier cas se produit, par exem-
ple, lorsque les inflorescences sont distantes des feuilles portant le
miellat (tilleul) ou lorsque les filets des étamines sont très longs, de 2.2.3 Algues, levures, lichens
sorte que l’abeille butineuse du nectar n’en frôle pas les anthères
(Protéacées, nombreuses Légumineuses-Caesalpinioideae). C’est
également le cas de la canne à sucre dont les abeilles récoltent de Il s’agit généralement d’unicellulaires ou d’organismes formés
préférence la sève. par un petit nombre de cellules souvent détruites par les acétolyses
[3] [42] [43] [44]. Dans les lames Wodehouse, leur présence est tout
2.2.1.2 Analyse qualitative à fait significative des miellats.
Pour les analyses qualitatives, les observations sont faites au Les principaux lichens et algues rencontrés sont portés par les
microscope photonique (Mph). Dans certains cas, pour des identifi- écorces et les feuilles vivantes ou sur les aiguilles des conifères.
cations plus précises, les observations au microscope photonique Pour les algues, il s’agit surtout de groupes cellulaires de Pleurococ-
peuvent être complétées par des études en microscopie électroni- cus, plus rarement de Chlorococcus ou d’une forme unicellulaire
que à balayage (MEB) donnant ainsi plus de précisions sur l’orne- Cystococcus. En Europe, d’autres algues peuvent être représentées
mentation et, parfois, sur la structure de l’exine. Pour de telles appartenant aux familles des Chlorophycées, Cyanophycées, Des-
analyses, le pollen est acétolysé et, après rinçages, déposé sur une midiacées et Diatomées.
lamelle support. Il est ensuite métallisé sous vide à l’or ou à l’or/pal-
ladium puis observé au MEB sous vide et, en général, à 20 kV. Les levures contenues dans les miels sont osmophiles ; elles sont
Identifier les algues, les champignons, les lichens et les levures, présentes sur tous les végétaux, notamment dans tous les milieux
les spores et les pollens nécessite une bonne connaissance des glucidiques concentrés tels les nectars ainsi que sur les pollens, les
caractères morphologiques et structuraux de ces divers éléments miellats... Elles sont transportées par les abeilles tant sur leurs pat-
pour les comparer à des échantillons de référence. Pour cela, il fau- tes ou leur corps que dans leur système digestif. Ces levures sont
drait constituer une banque de données avec des collections de responsables de la fermentation du miel. Par ailleurs, elles peuvent
lames ; cependant, la plupart des techniciens qui analysent les pol- être introduites après désoperculation des cellules. Si elles sont
lens et les spores utilisent des photographies de référence accompa- abondantes, elles témoignent du vieillissement des miels et sont
gnées de descriptions. Or, dans le domaine de l’apiculture ou des responsables des fermentations lorsque les antibiotiques et les anti-
procédés de contrôle des miels, il n’existe plus, actuellement, de septiques contenus dans les miels sont devenus inefficaces. Dans
publication de base permettant d’analyser la morphologie des spo- un miel de consommation, le taux de levures osmophiles doit être
res et du pollen [21], alors que de très nombreux articles de physico- inférieur à 100 cellules/g.

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2.2.4 Champignons

Ils sont principalement représentés par des formes filamenteuses


tel l’Aspergillus à l’état de repos (spores) ou par la fumagine dont le
mycelium est noir. D’autres genres peuvent être observés, mais sont
difficiles à identifier. Crane [3] [42] rapporte que les genres Atichia,
Hormicium, Triposporium se rencontrent sur les feuilles des Conifè-
res et que Coniothecium est dominant sur les miellats des feuillus.
Dans les miels européens, il est possible de trouver des parasites de
plantes butinées telles des Uredinacées, des Ustilaginacées, des
Peronosporacées, voire même des hyphes et des spores d’espèces
associées aux abeilles. Le miel étant un milieu pauvre en protéines,
les champignons sont peu nombreux et plutôt à l’état de spores [44].
Le corps cellulaire des spores de champignons est entouré d’une
paroi formée par l’exo- et la périspore parfois réduites à quelques
angströms d’épaisseur et par l’endospore. La majeure partie de Figure 2 – Spore de Cyathéacée : face distale ornée de crêtes (MEB)
cette couche est très résistante car riche en sporopollénine, biopoly-
mère de caroténoïdes très résistants aux traitements chimiques aci-
des. Seule l’étude de cette paroi les entourant permet de les
identifier. Lorsqu’il s’agit de spores de champignons inférieurs, ce
qui est généralement le cas dans la plupart des miels, elles ne sont
visibles que dans des miels non traités. Leur ornementation étant
lisse, rarement ornementée, elles ne sont pas souvent identifiables.
Les spores de champignons supérieurs sont peu fréquentes.

2.2.5 Bryophytes et Ptéridophytes

■ Les Bryophytes sont représentées par de rares spores dont


l’exine est dépourvue de périspore ; très fragiles, elles ne sont visi-
bles que dans des montages Wodehouse ; parfois elles ont de peti-
tes dimensions et présentent un sporoderme légèrement
ornementé (granuleux, échinulé...).

■ Les Ptéridophytes sont représentées généralement par des spo- Figure 3 – Spore de Cyathéacée : face proximale avec la fente trilète
res de Filicopsidae homosporées. Leurs spores gardent la même (MEB)
forme, que les échantillons de miels soient acétolysés ou non. La
partie vivante est entourée d’une exine (figure 1) lisse avec différen-
tes petites crêtes irrégulières (Athyrium felix femina) ou présentant
de grandes crêtes (figure 2), des granules (Pteridium p.p.), des Spore Pollen
bâtonnets enchevêtrés (Pteridium aquilinum), des boursouflures
irrégulières (Dryopteris filix mas), des verrues, clavae, gemmules Pollenkitt Tectum
microéchinulées (Osmunda)... Généralement, ces ornementations
sont d’autant plus marquées que la région étudiée est éloignée de
Infratectum
celle par où germe la spore [45]. Cette dernière partie est située à Périspore
l’un des deux pôles et il s’agit d’une fente simple (spore monolète :
Athyrium, Dryopteris) ou radiale à trois branches (spore trilète :
Osmunda, Pteridium... figure 3). Le sporoderme (figure 4) est géné-
Exospore
ralement constitué d’une périspore ornementée et d’une exospore
toutes deux acétorésistantes, et, en profondeur, d’une endospore
acétosoluble. Endospore
Intine Foot-
layer
Endexine
a b c d
Laesura
Fente germinale Figure 4 – Schéma comparatif de la structure de la paroi d’une spore
de fougère (a) et d’un pollen avec un infratectum columellaire
Cytoplasme et une nexine lisse (b), un infratectum grenu et une nexine
Périspore endocraquelée (c), un infratectum alvéolaire et une endexine
Région granuleuse feuilletée (d), d’après [45] modifié
de la périspore
Exospore
Endospore 2.2.6 Plantes à fleurs (Gymnospermes,
Angiospermes)
Noyau

Elles sont représentées par l’organe reproducteur mâle, le pollen,


Figure 1 – Coupe d’une spore de Ptéridophyte (fougère) dont la forme, le contour et la région germinale (aperture) varient en

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fonction de l’humidité du milieu sous la pression du cytoplasme. orangées, plus ou moins abondantes. Dans le cas le plus général, il
Ainsi l’étude du pollen est facilitée lorsqu’il est vidé par acétolyse et est bien développé et poisseux, surtout dans les espèces entomo-
conservé dans un milieu relativement sec. philes (figure 6 c) ; en revanche, lorsqu’il y a anémophilie ou déhis-
Dans les miels, les grains de pollen (monades) sont isolés, soudés cence poricide des anthères [48], il est sec, réduit, voire même
par quatre (tétrades, figure 5 a et b) ou plus (polyades, figure 5 c, pratiquement absent (rhododendron, pollen de Gymnospermes,
pollinies, Orchidées). Chaque monade peut avoir de petites dimen- bouleau... contenu dans les miellats (figure 7 d , p. 15). Il est de
sions (2 à 10 µm, figure 5 d et e ou, au contraire, un très large dia- nature polysaccharidique et lipido-protéinique complexe. Les pro-
mètre, plus de 200 µm, figure 5 f et g ; Cucurbita, maïs Malva). Le téines contiennent d’une part des substances responsables de la sti-
plus fréquemment, il présente un axe principal, souvent d’ordre 3, mulation de sécrétions stigmatiques locales, d’autre part des
qui permet de définir deux pôles et des espaces entre les régions éléments en C12 de la famille des peptides complémentaires de pro-
germinales (figure 5 h). En revanche, certains grains possèdent plu- téines stigmatiques [49]. Les lipides forment de longues chaînes et
sieurs axes de symétrie ou en sont dépourvus. Lorsque les deux portent à eux seuls les substances volatiles odorantes spécifiques,
pôles sont identiques, le pollen est isopolaire (figure 5 e), cas le plus attractives pour les pollinisateurs, identiques ou différentes de cel-
fréquent. Lorsqu’ils sont différents, le pollen est hétéropolaire les des autres pièces florales [9] [10]. Dans les miels vieillis, les lipi-
(figure 5 g et i). des du pollenkitt ne sont pas digérés sous l’action des enzymes de
l’abeille, alors que les protéines le sont en partie [18] [46] [50].
La partie vivante du pollen est protégée par une paroi, le sporo-
derme formé de trois parties, le pollenkitt (manteau) en surface, 2.2.6.2 Pollen acétolysé
l’exine au centre et l’intine en profondeur. Seule l’exine formée de
La forme stable du pollen fossilisé artificiellement apparaît ; il est :
sporopollénine, biopolymère de caroténoïde différent de celui des
spores, est acétorésistante (cf. figure 4). — elliptique, allongé, l’axe polaire étant plus grand que le diamè-
tre équatorial [pollen longiaxe (figures 5 e et 6 d) ; Ombellifères] ;
2.2.6.1 Pollen non traité par acétolyse — aplati, l’axe polaire étant plus court que l’axe équatorial (pollen
Le pollen isolé des miels est sphéroïdal, constitué, suivant les bréviaxe, figure 5 h, 7 d ) ;
groupes systématiques, d’une ou deux cellules reproductrices enve- — ou sphérique, les deux axes étant égaux (pollen équiaxe,
loppées par la cellule végétative du tube (figure 6 a, p. 14). Il est figure 7 a).
plein, turgescent (figure 6 b) et contient en outre des pigments de L’ornementation et la structure de l’exine sont nettes et seule leur
valeur taxinomique mais peu distincts (pollen violet sombre de étude fine permet une bonne identification botanique. Cependant
coquelicot, de pavot ; orange du pissenlit ; blanc de châtaignier, de les caractères décrits ci-dessous ne concernent que les types pollini-
vipérine ou d’eucalyptus...). ques les plus fréquents rencontrés dans les miels alors qu’il existe
de nombreuses exceptions.
■ La cellule végétative renferme de nombreuses réserves de nature
diverse selon les groupes systématiques (amidon), jusqu’à 24 % de ■ L’exine porte l’ornementation du pollen et varie suivant les grou-
protéines, représentées sous la forme d’enzymes (phosphatases, pes systématiques et parfois le mode de pollinisation : chez les
amylases, saccharases...). Cependant, 10 % des acides aminés sont Composées, fréquentes dans les miels, l’exine est toujours échinu-
libres et la proline y est en forte teneur. Les lipides représentent de lée (figure 7 b), les épines étant parfois extrêmement réduites et
1 à 14 % des réserves du pollen selon les espèces végétales. Les glu- très émoussées (figure 7 c).
cides, essentiellement du glucose et du fructose, correspondent à
Dans de nombreuses espèces anémophiles, surtout représentées
25 % environ. Les vitamines sont également présentes ; il s’agit
dans les miellats, le pollen est généralement petit et l’exine micro-
principalement de la vitamine B pour les Angiospermes. Les princi-
échinulée (figure 7 d et e), parois réticulée (figure 7 f ), tectée-perfo-
paux sels minéraux sont le potassium (20 à 45 %), le magnésium
rée, striée (érable, figure 7 i ). Par ailleurs, dans les espèces entomo-
(1 à 2 %), le calcium (1 à 15 %), le silicium (2 à 10 %), le cuivre, le fer,
philes contenues dans tous les miels, le pollen est souvent
le manganèse. Dans les miels matures, sous l’action enzymatique
distinctement ornementé : échinulé (figure 5 f et figure 7 c et g),
des sécrétions des glandes hypopharyngiennes de l’abeille et, plus
réticulé (figure 7 f, h) avec parfois une structure dérivée (buis, cro-
particulièrement, sous celle des estérases et lipases pour les lipides
ton, Tiliacées [51]) réticulé et échinulé (figure 7 b), lisse (Umbilicus),
à courtes chaînes, des phosphatases acides, de la valine-aminopep-
striée (figure 7 i, arbres fruitiers, robinier)... Parfois certains pollens
tidase, de l’α-galactosidase, de l’α-glucosidase (invertase), du β-glu-
présentent de longs filaments (viscine) leur permettant de rester
cosidase, de l’α-fructosidase, du gluco-oxydase et, à un degré
grouper et d’adhérer aux pollinisateurs (Oenothera, Fuchsia).
moindre, de l’α-mannosidase, du β-glucosaminidase et de l’α- et β-
amylase [3] [14] [18], le pollen a subi quelques modifications remar- Pour analyser l’ornementation et la structure de l’exine
quables. L’analyse ultrastructurale montre que le cytoplasme est (figures 7 g et 8 a, p. 16), les observations sont faites en microsco-
homogène et que ses organites sont dégradés ; il présente en outre pie photonique en examinant les différentes parties de l’exine sur
quelques cristallisations ou peut avoir une apparence pycnocitique ; des coupes optiques et en analysant les éléments ornementaux et
de plus, l’amidon et les lipides présentent des signes d’hydrolyse structuraux visibles en surface, et ce dans les différents plans pré-
[46]. sents dans toute l’épaisseur de l’exine. Cet examen appelé « LO
analyse » consiste à observer les modifications de lumière, L, et
■ L’intine, de nature pecto-cellulosique et tripartite, est la paroi du d’ombre, O, lorsque l’on fait varier la mise au point au microscope
sporoderme qui entoure la cellule du tube (figure 6 a), la protège de avec un objectif 100 à immersion (figure 8 b). Pour un plan donné,
la dessiccation, renferme de nombreuses enzymes et joue un rôle toute surface de nature sporopollénique est claire ; plus cette sur-
essentiel dans la formation du tube pollinique lors de la germination face est petite, plus l’image est brillante ; ainsi tout élément en relief
sur le stigmate. Dans les miels non traités, elle peut être fortement observé en surface est lumineux. En revanche, les parties profondes
épaissie et former un oncus demi-sphérique sous les régions germi- de tout élément sporopollénique comme toute partie vide donnent
nales appelées couramment apertures (Graminées, bouleau, cam- une image sombre ; comme précédemment, plus ces éléments ou
panule, Rhamnus, pariétaire [47]), un brusque épaississement sous les surfaces considérées sont petits, plus l’image observée est
les marges du sillon et être très mince sous le pore (certaines dense, parfois même noire. Ainsi, la base des éléments en relief sur
Euphorbes). Les pollens à oncus sont fréquents dans les miellats. un plan inférieur est noire ; par contre, le fond d’un espace vide dans
Dans les miels matures, l’intine peut être altérée, parfois condupli- un plan inférieur apparaît brillant. Ce type d’observation, essentiel
quée à l’aperture [46]. Dans les échantillons vieillis le phénomène pour une bonne compréhention de la structure de l’exine, demande
est plus accentué. une certaine expérience.
■ Le pollenkitt localisé sur l’exine est particulièrement net sur les L’exine de la plus grande partie du pollen que renferment les miels
pollens isolés des miels où il forme souvent des masses jaunes ou est constituée de la sexine et de la nexine.

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a tétrade tétraédrique d'une Éricacée, b tétrade plane de Typhacée, c polyade d'une Légumineuse- Minosoideae,
Erica tetralix (bruyère). Typha sp. Acacia sp.
Pollen acétolysé Pollen acétolysé Pollen acétolysé

f pollen équiaxe, tricolpé et échinulé d'une Dipsacacée,


Scabiosa atropurpurea (scabieuse).
Pollen acétolysé

d pollen longiaxe, isopolaire, tricolporé, e pollen longiaxe, isopolaire, tricolporé,


hétérocolpé d'une Borraginacée, d'une Fagacée,
Myosotis palustris. Castanea sativa (châtaignier).
Pollen acétolysé Pollen acétolysé

g pollen avec 2 ballonnets de Pinus pinaster h vue polaire d'un pollen tricolporé bréviaxe de Tiliacée, i pollen hétéropolaire
(pin maritime). Tilia cordata (tilleul). de la Borraginacée,
Pollen acétolysé Pollen non traité extrait d'un miel de l'arboretum Echium lusitanicum (vipérine).
de Chèvreloup Pollen acétolysé

Figure 5 – Différents types de pollen rencontrés chez les plantes à fleurs (MEB)

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yyy
,,,
z

y
,
Tectum Pollenkit

Infratectum

,,,
yyy
Foot-layer
Aperture
Endexine

,,,
yyy
Sexine
Nexine
Intine

Mésocolpium Noyau végétatif


b vue polaire d'un pollen clavé de l'Aquifoliacée,
Noyau reproducteur Ilex aquifolium (houx).
Pollen non traité, extrait d'un miel de l'arboretum
de Chèvreloup (MEB).
Cellule végétative gorgée de
Oncus réserves (amidon, lipides...)

a coupe d'un grain de pollen binuclé, non traité

c pollen de la Cornacée, Cornus mas (cornouiller mâle) d pollen longiaxe, isopolaire d'une légumineuse,
recouvert d'une abondante couche de pollenkit masquant Papilionoïdée, Vicia sp.
l'ornementation microéchinulée. Pollen non traité, Pollen non traité, extrait d'un miel de l'arboretum
extrait d'un miel de l'arboretum de Chèvreloup (MEB). de Chèvreloup (MEB).

Figure 6 – Pollens non traités par acétolyse

● La sexine est formée de deux parties, le tectum ou mur du ● La nexine est généralement formée de deux parties rarement
réseau vers l’extérieur du pollen qui porte l’ornementation et est distinctes au Mph. À la base, contre l’intine, elle est lisse, endocra-
parfois structuré avec des columelles dans le tectum (Composées), quelé et formant des plaques (cf. figure 4 c) : Ericacées, Papavéra-
et l’infratectum qui présente diverses structures (cf. figure 4) : colu- les, Ranales...) ou endosculptée ; elle est lamellaire dans les
mellaire, grenue (difficilement visible en microscopie photonique, Gymnospermes [non visible au Mph ; (cf. figure 4 d )].
mais correspondant à une zone réfringente), columellaire au bord
des apertures remplacées par une cavité (nombreuses Compo-
sées), alvéolaire [Pinopsida dans les Gymnospermes (figure 9 a,
p. 17)], dont les alvéoles peuvent être localement décollées de la Pour une bonne diagnose, les différents éléments ornementaux
nexine et former un espace vide (ballonnets, figure 9 a). Lorsque le et couches de l’exine sont mesurés, leurs dimensions variant en
pollen est réticulé, les columelles sont disposées sous le réseau sur moyenne de 0,2 à plus de 5 µm.
un (figure 9 b) ou deux (Amaryllidacées) ou plusieurs rangs ou en
désordre (Vitacées). Dans les Labiées, elles sont parfois plus hautes ■ Afin de permettre au tube pollinique de sortir, l’exine est modi-
sous les murs du réseau et plus courtes dans le centre des mailles fiée dans les régions germinales appelées apertures. Dans les pol-
(romarin) (figure 9 g). Dans d’autres familles, elles sont situées au lens de Gymnospermes surtout présents dans les miellats, elles
centre de chaque maille et absentes sous les murs (tilleul, Polygona- correspondent à un amincissement de l’exine (Pinopsida), une
cées). Par ailleurs, elles peuvent être ramifiées. papille (figure 9 c), un sillon (Ginkgo) ou un pore distal (Araucaria).

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a pollen équiaxe de la Renonculacée, b pollen isopolaire, équiaxe, tricolporé, fenestré c pollen de la Composée Centaurea sp. avec
Aquilegia dichroa (ancolie). et tecté perforé et microéchinulé de la Composée un tectum à épine relativement émoussée.
Pollen acétolysé Taraxacum dens-leonis (pissenlit). Pollen non traité, extrait d'un miel de l'arboretum
Pollen acétolysé de Chèvreloup

d pollen bréviaxe, microéchinulé de la Betulaceae, e pollen monoporé de Graminée. f pollen réticulé de la Salicacée,
Corylus avellana (noisetier). Pollen non traité, extrait d'un miel Salix sp.
Pollen non traité, extrait d'un miel de l'arboretum de l'arboretum de Chèvreloup Pollen acétolysé
de Chèvreloup

g pollen périporé de la Convolvulacée, h pollen réticulé de l'Oléacée, i pollen strié d'arbres fruitiers (Rosacée, R),
Calystegia soldanella. Ligustrun ovalifolium (troëne), d'Acer sp. (A) (érable) et très petits de
tectum microéchinulé et perforé, membrane strié d'un arbre fruitier (type Malus, pommier, R) châtaignier (C).
aperturale ornée de gros granules et clavae et très petits de Castanea sativa (châtaignier, C). Pollen non traité, extrait d'un miel
microéchinulés. Pollen acétolysé Pollen non traité, extrait d'un miel de l'arboretum de l'arboretum de Chèvreloup
de Chèvreloup

Figure 7 – Planche de pollens acétolysés ou non traités les plus fréquents rencontrés dans les miels de l’arboretum de Chèvreloup
(a à f ; h à i ) et du Sud-Ouest (g ) (MEB)

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Mise au point au niveau :


A, de la surface du tectum perforé (points noirs) et échinulé (points blancs);
B, à la base des perforations (points blancs) et sommet des ramifications
des columelles (blanc);
C, au sommet des columelles (en blanc) et base de la région ramifiée
(gris et blanc);
D, à la base des columelles (en noir);
E, au niveau de la nexine (la base des columelles, en noir, apparaît floue).

a coupe de l'exine

b observation au Mph des différents plans de la figure 8a : LO analyse

Figure 8 – Structure de l’exine du pollen acétolysé de la Convolvulacée, Calystegia soldanella

Chez les Angiospermes identifiées dans les miels, les apertures à des décollements dans la sexine (vestibulum : aulne, noisetier...)
sont en nombre variable, d’une structure particulièrement diversi- ou à des replis de nexine (Celastracées). Les ectoapertures peuvent
fiée et constituées d’une ou plusieurs parties superposées de être bordées par une marge (figure 9 h). Elles sont recouvertes
contour identique ou non. Lorsqu’il n’y a qu’une seule partie appa-
d’une mince membrane, lisse, échinulée (mercuriale), granuleuse
rente, elles sont « simples » et il s’agit d’un seul sillon (sulcus)
[Monocotylédones, Magnoliales (figure 9 d)], parfois très élargi (Cleome), clavée, rarement épaissie en leur centre, parfois modifiée
(figure 9 e), divisé en trois, spiralé (Crocus), formant un anneau à un en opercule, véritable bouchon qui présente souvent le même
pôle ou à l’équateur... ou de plusieurs sillons (colpus), le plus sou- aspect que le reste de l’exine (figure 9 f ; nombreuses Rosacées her-
vent trois (pollen tricolpé : (figures 7 a et 9 f) parfois plus nom- bacées).
breux, centrés sur l’équateur (figure 9 g), ou répartis sur tout le
grain (Mahonia). Il peut s’agir de pores au nombre de 1 (cf. ● L’endoaperture située dans la nexine est bien (figure 9 h) ou
figure 7 e) ou de 3 équatoriaux [pollen triporé (figure 7 d ) ex. mal délimitée latéralement et a une forme variable : circulaire, ellip-
Amentifères] ou plus à l’équateur ou répartis sur toute la surface du tique, parfois très longue, rectangulaire, avec le contour d’un nœud
pollen (pollens périporés, figure 7 g).
papillon ou d’un H, ou forme un anneau équatorial dans le pollen
Cependant, la majorité des pollens que renferment les miels ont (verveine-citronnelle). Elle peut être entourée par un amincissement
des apertures composées, constituées de 2 parties superposées ou un brusque épaississement de la sexine (annulus) et (ou) de la
(figure 9 h), situées dans la sexine (ectoaperture) et dans la nexine
(endoaperture). Le plus souvent, elles ont chacune un contour diffé- nexine (costae).
rent. Elles sont souvent au nombre de 3 (pollen tricolporé,
figure 5 e) ou plus sur l’équateur (Polygala...) ou réparties sur toute Dans les Composées, les Rubiaceae et certains Sedum, trois
la surface. apertures sont superposées. Dans quelques groupes, le pollen ne
● Les ectoapertures sont souvent des sillons à extrémités libres présente aucune aperture (pollen inaperturé). Certains pollens
et (ou) soudées (figure 9 i). Elles peuvent être associées à des épais- sont tricolporés et présentent des sillons entre les apertures (pol-
sissements ou des amincissements de la sexine et (ou) de la nexine, len hétérocolpé, figures 5 d et 9 j ).

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a vue interne des alvéoles dans un ballonnet b pollen subéquiaxe, réticulé et microéchinulé, c pollen à papille (flèche) de la Gymnosperme,
d'un pollen de Gymnosperme Pinopsidae, simplicolumellé de la Plumbaginacée, Cupressus sempervirens
Pinus halepensis (pin d'Alep) Armeria macrophylla

d pollen monosulqué de la Magnoliacée, e pollen monosulqué de la Nymphéacée


Magnolia soulangiana Nymphea alba
Pollen non traité

f pollen tricolpé, operculé de la Labiée,


Teucryum pseudochamaepitys (germandrée)

h pollen tricolporé avec une marge de la Caprifoliaceae,


Viburnum tinus (viorne)

g pollen hexacolpé de la Labiée, i pollen bréviaxe tricolporé,


Rosmarinus officinalis (romarin) syncolpé de la Myrtacée,
j pollen équiaxe, tricolporé hétérocolpé de la Lythracée, Encalyptus sp.
Lythrum junceus

Figure 9 – Apertures des pollens les plus courants concentrés dans les miels. Pollens acétolysés (figures a à g ; i-j : MEB ; h : Mph)

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2.2.6.3 Typification des miels dulcis, aubépine, arbres fruitiers), Pistacia, ajoncs, Erica arborea,
cistes, hélianthème, Diplotaxis erucoïdes, saule, Rhamnus spp. S’il
L’analyse de la morphologie et de la structure du pollen permet est prélevé en automne, les pollens de micocoulier, lierre et Inula
alors d’identifier les espèces butinées et de typifier les miels pour viscosa sont présents.
lesquels nous donnons quelques exemples de composition floristi-
que pour des échantillons des régions tempérées et méditerra- ■ Miel de sapin (Abies et (ou) Picea)
néennes. Il s’agit d’un miel de miellat dans lequel il y a très peu de pollen
■ Miel d’arbousier (Arbutus unedo) [52] (Abies ou Picea, oseille, plantain), beaucoup d’algues vertes et de
spores de champignons.
Le pollen de l’arbousier est très fortement sous-représenté
(25 %) et le miel contient également des pollens de châtaignier, ■ Miel d’oranger ou de clémentinier (Citrus aurantiaca)
lierre, myrte. Le pollen étant produit avant les abondantes sécrétions nectari-
■ Miel de bourdaine (Frangula alnus = Rhamnus frangula) fères, il est souvent sous-représenté. Il peut y avoir également des
indications de miellats.
Il est récolté avant la floraison de la callune en septembre et
contient de la bruyère (Erica cinerea, E. ciliaris, E. scoparia, E. tetra- ■ Miel de tilleul (Tilia cordata et T. platyphyllos)
lix), des ajoncs (Ulex nana, U. europaeus) et Jasione montana. Le pollen est souvent mélangé à celui de sainfoin et de châtai-
Dans les landes de Gascogne, la production de ce type de miel gnier. Pour être considéré comme monofloral, le miel doit conte-
devient importante, l’extension de la bourdaine étant liée à l’aban- nir un minimum de 30 % de pollen de tilleul. Celui l’arboretum de
don des cultures et à l’importance des surfaces boisées en jeunes Chèvreloup renferme des pollens de houx, centaurée, érable, châ-
pins. taignier, Choisya, cornouiller mâle, grande gesse, ailanthe, trèfle,
vesse, liseron, Graminées, divers arbres fruitiers tels poiriers,
■ Miel de callune (Calluna vulgaris)
pommiers, pruniers...
Dans le Massif central, il est également riche en Légumineuses-
Papilionoideae autres que les ajoncs. Dans les Landes, cette pro- ■ Les miels de Corse [52] sont caractérisés par des taxons
portion est nettement inférieure et les pollens d’ajoncs, genêt à marqueurs : Helleborus angustifolius, Thymus herba-barona, Sta-
balai, lierre, Jasione montana, Frangula alnus sont bien représen- chys glutinosa, Anthyllis hermanniae et Cytinus hypocistis. Ils se
tés ainsi que ceux de plusieurs espèces de bruyère. distinguent de ceux de toutes les autres régions méditerranéennes
par l’absence de pollen de Hedysarum coronarium, Hypecoum,
■ Miel de châtaignier (Castanea sativa) Loranthus europaeus, Rhus cotinus, R. coriaria et Calluna vulgaris.
Il peut contenir jusqu’à 99 % de pollen de châtaignier (en Île-de ■ Quant aux miels commercialisés, ils sont de toutes origines et
-France), ainsi que des pollens de lotier, trèfle, aubépine, ronce, leur composition floristique varie avec le climat (ex. pour l’Afri-
robinier... Dans le Bassin méditerranéen, il renferme des élé- que, références [54] à [59]).
ments de la flore locale tels bruyère, chêne vert, clématite, cistes,
ronce, Teucrium. Dans d’autres régions, sa composition est diffé-
rente. À noter la présence de miellats qui lui donne une teinte
dorée ou brune.
3. Fraudes
■ Miel de lavande (Lavandula spp)
Les pollens d’accompagnement sont ceux de châtaignier, cen-
taurée, cistes, ronce, olivier, plantain... Dans le miel de lavandin, Le miel est un produit naturel récolté par les abeilles dans
plante hybride et stérile, le pollen est anormal, en très faible pour- lequel il est impossible d’extraire ou d’ajouter quoi que ce soit
centage ou, plus fréquemment, absent. [réglementation mondiale [60], européenne (directives 74-409) et
propre à chaque pays (cf. [Doc. F 7 000])]. Cependant, plusieurs pays
■ Miel de rhododendron exportateurs et quelques producteurs peu scrupuleux n’hésitent pas
Le taxon principal peut atteindre un taux de 70 à 90 % ; si le châ- à transgresser les règlements. Les principaux types de fraudes à
taignier est présent, le pourcentage n’est plus que de 52 à 60 %. envisager sont de natures physico-chimique, botanique ou géogra-
Les espèces d’accompagnement (16 à 45 %) sont la ronce et phique.
divers autres Rosacées d’altitude, Lotus corniculatus et le châtai-
gnier. Les pollens isolés (3 à 15 %) sont ceux de campanule, cen-
taurée, épilobe, hélianthème, Hippocrepis, myosotis, Polygonum,
serpolet, tilleul, trèfle selon la région d’origine du produit. Moins
3.1 Fraudes de nature physico-chimique
fréquemment et suivant la région de récolte, les pollens d’Astran-
tia major, houx, épilobe, Geranium silvaticum, hélianthème, serpo-
■ Les plus simples consistent à mettre sur le marché des miels
let peuvent être présents (avec moins de 3 % du total des grains
« sales », avec de nombreuses traces minérales tels argiles, cris-
comptés).
taux, loess, terres (miels de Chine) (figure 10 a), des débris d’épi-
■ Miel de robinier ou miel d’« acacia » (Robinia pseudoacacia) dermes (figure 10 a) ainsi que de cellules renfermant de l’amidon
(figure 10 b), des restes d’insectes, des levures inactivées
Il contient de 30 à 65 % de pollen de cette espèce. Il renferme (figure 10 a, b) pouvant même former de véritables tapis (miels de
également des pollens d’arbres fruitiers, crucifères, trèfle, tilleul. Chine) (figure 10 a, c), un indice diastasique inférieur à 8, des oxy-
Celui des Landes renferme du pollen d’ajonc, d’arbres fruitiers, de des de fer, des résidus de produits chimiques divers, en particulier
lierre... de traitements insecticides ou fongicides et autres substances de
■ Miel de romarin (Rosmarinus officinalis) [53] protection des végétaux, de la pollution atmosphérique ou de traite-
ments vétérinaires des ruches normalement à faire en période
Produit dans certains cantons de l’Aude, de l’Hérault, des Pyré- de repos des abeilles ([44] [61] à [65] ; directive 2377/90/EC) (cf. [Doc.
nées orientales, du Gard et des Bouches-du-Rhône, il contient 20 à F 7 000]).
50 % de pollen de romarin (sous-représentation due à la forme de
la fleur), rarement jusqu’à 70 %. Si le miel est récolté au prin- ■ L’addition de sirop ou de sucre de canne est aisément détectée
temps, il renferme du pollen de Dorycnium suffruticosum, Philly- par la présence de cellules et de débris de cellules végétales
rea, Coriaria myrtifolia, Lagoseris sancta, Thymus vulgare, (figure 10 a) observés en microscopie photonique en lumière nor-
Lavandula stoechas et L. latifolia, de nombreuses Rosacées (Prunus male ou polarisée. En effet, tous les produits fabriqués à base de

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Pollen

Levures

c miel anglais ultracentrifugé présentant de rares grains


de pollen (en haut) et de nombreuses levures (en bas).

a miel de Chine contenant un anneau scléreux végétal,


de nombreuses levures et des minéraux et particules terreuses

A A

A
A
M

b miel chinois contenant de nombreux grains d'amidon (A) d miel contenant du pollen de Loranthus europaeus L. (L)
colorés par le vert d'iode, quelques particules minérales
et terreuses (M) et peu de pollen (P)

Figure 10 – Miels adultérés (non traités) (Mph)

sucre de canne contiennent divers types de cellules épidermiques, − 10 ‰ et − 20 ‰ correspondant à la filière acide du C4 [63]. Par
parenchymateuses, scléreuses... En revanche, ces débris, absents ailleurs, une analyse différentielle des rapports des isotopes de
des nectars et de la sève [65], n’existent pas dans les miels de canne. carbone stable dans le miel et une fraction de ses protéines per-
Un autre type de falsification, de loin le plus fréquent, consiste à met une évaluation potentielle d’adultération du miel par du sirop
ajouter des sucres et des sirops purs et dépourvus de restes végé- de maïs ou de canne à sucre. En calculant le pourcentage de
taux, notamment de maïs ou de canne à sucre, dans les miels sucres en C4 du miel selon la formule [67] :
ainsi adultérés.
13
Les techniques d’analyses sont complexes (cf. tableau 1) et ne δ C ( protéines ) – δ 13 ( miel )
Adultération ( % ) = 100 × ----------------------------------------------------------------------------------
peuvent être réalisées que dans des laboratoires spécialisés (Direc- 13
δ C ( protéines ) – ( 9 ,7 )
tion générale de la concurrence, de la consommation et de la répres-
sion des fraudes, Eurofins (cf. [Doc. F 7 000]). Il s’agit de mesurer le on constate que les δ13C du sucre du miel et des protéines sont
taux relatif des isotopes stables du carbone (13C/12C), de l’hydro- comparables. En cas d’adjonction de sirop de canne ou de maïs, ils
gène, de l’oxygène... [64] à [70]. Dans le cas du carbone, la fixation sont au contraire différents [67]. Avec cette formule, les valeurs
du CO2 par photosynthèse se traduit par une sélection isotopique du négatives du pourcentage d’adultération sont considérées comme
carbone 13C et 12C qui dépend du mode de fixation du carbone par nulles ; pour un produit de qualité, le pourcentage devrait être infé-
les plantes (cycle C3 de Calvin ou voie acide du C4). Pour les miels, rieur à 5 %.
les valeurs du rapport [66] : Cependant, entre 5 et 7 %, le miel est « atypique » ; au-dessus
de 7 %, il est «non conforme » [71] à [74].
13 12
13 C ⁄ C du miel Par ailleurs, l’industrie américaine a mis au point un édulcorant
δ C ‰ = 1 000 × ----------------------------------------------------------------------------------------------------------
13 12
- –1 proche du miel : un sirop de maïs à haute teneur en fructose
C ⁄ C d ′ un échantillon de référence (HFCS). Ce produit, comme le sucre de canne, présente un δ13C
voisin de celui du miel et ne peut être détecté que par analyse dif-
l’échantillon de référence étant généralement du calcaire, sont férentielle du δ13C des sucres et des protéines de l’échantillon ana-
uniformes pour les miels de nectar avec un fort pourcentage en lysé [67].
pollen ou non, ou de miellat (− 22 ‰ à − 33 ‰). Elles correspon-
dent à des taxons qui fixent le CO2 selon le cycle de Calvin. Mais, ■ Un miel qui renferme un taux d’humidité trop élevé est généra-
dans le cas de sirop de fructose de maïs, le δ13C est compris entre lement un produit récolté soit trop tôt, avant operculation et matu-

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ration dans la ruche, soit dans des régions tropicales humides, employée par Sala-Llinares et al. [46] : 10 g de miel sont fixés
surtout à la saison des pluies. De tels miels sont riches en levures dans de la glutaralhéhyde à 2,5 % tamponnée avec du cacodylate
et fermentent très rapidement. Évidemment, l’eau peut être élimi- de sodium à 0,025 M pendant 2 h à 4 °C ; le mélange est ensuite
née par déshumidification industrielle ; l’action des levures peut centrifugé pour en concentrer le pollen ; ce dernier est post-fixé
être stoppée par des inhibiteurs chimiques. De tels procédés sont dans du tétraoxyde d’osmium à 1 % puis inclus dans la résine
interdits et détectés par les analyses chimiques complètes de tous Spurr ; les grains sont coupés en ultramicrotomie et les coupes
les constituants des miels (cf. tableau 1). contrastées avec l’acétate d’uranyle et le citrate de plomb pour
des observations en microscopie électronique à transmission.
■ Un autre type de fraude consiste à ajouter dans des miels de Faire une distinction entre le pollen incorporé dans du miel à
qualité moindre, de colza ou de tournesol, ou encore dans les maturité de celui présent au moment de son élaboration par les
pâtes sucrées de toutes natures, des essences et parfums de Citrus, abeilles est alors possible.
Coffea, Lavandula, Mentha... rapidement décelables par de sim-
ples analyses chimiques. Certains miels unifloraux contiennent un faible pourcentage de
pollen. Pour les contrôler Delègue et al. [75] développent actuelle-
■ Les miels européens devraient être mis en pots avec un taux de ment une nouvelle méthode d’authentification de ce produit ; le
HMF inférieur à 10 mg/kg et, après conditionnement et stockage, il principe repose essentiellement sur le comportement de l’abeille
ne faudrait pas qu’ils contiennent plus de 40 mg/kg. Un miel trop qui possède un pouvoir olfactif discriminant très développé sur la
vieux ou trop chauffé soit à la récolte (miels de callune ou tropi- composition chimique du produit à analyser. Les abeilles butineu-
caux), soit avant conditionnement renferme un taux très élevé de ses sont conditionnées à détecter certains facteurs volatils conte-
HMF et un indice diastasique trop faible. nus dans des miels bien précis.
Enfin, certains miels de régions climatiquement proches, renfer-
mant un grand nombre de types polliniques en quantité variable,
3.2 Fraudes de nature botanique sont parfois difficiles à typifier. Une analyse cladistique reposant
et géographique sur des calculs heuristiques et utilisant la parcimonie permet de
préciser les affinités des produits entre eux et contribue alors à
mieux cerner les origines des divers échantillons considérés (com-
Les analyses sporo-polliniques sont réalisées pour déterminer munication non publiée).
ou contrôler l’origine géographique des miels. Sans mention spé-
ciale, les miels sont considérés comme français ou européens.
Exemple : cas des miels d’acacia (Robinia pseudoacacia)
Si ce miel est français, originaire des Landes, il renferme du pollen
4. Conclusion
d’ajoncs, de bruyère, d’arbres fruitiers ; s’il provient d’Europe centrale
(bassin du Danube) ou d’Italie centrale, des grains de pollen de Loran-
thus europaeus seront présents (figure 10 d). Mais, s’il vient de Chine, Les miels sont des produits naturels complexes et diversifiés.
il sera identifié par le grand nombre de spores de champignons, de Mais quelles que soient leurs origines, la présence d’enzymes
levures et de particules terreuses ainsi que par les pollens exotiques sécrétées par les glandes hypopharyngiennes de l’abeille les rend
(figure 10 a). fragiles et les fait évoluer physico-chimiquement dans le temps.
De telles variations ont permis à de nombreux auteurs d’écrire
Toute élimination des particules solides des miels, tels le pollen que le miel est un « produit vivant ».
et les spores, est interdite, de même que leur addition. Cependant,
Pour être de qualité, un miel doit correspondre à la législation et
un miel de médiocre qualité peut être ultracentrifugé et filtré
aux normes préconisées par la CEE, être conservé au frais à moins
(figure 10 c) et du pollen de toutes sortes de taxons introduit
de 20 °C et devrait être consommé rapidement, bien avant la date
(lavande, thym...). Repérer du pollen additionné à du miel est prati-
limite de consommation indiquée sur l’emballage. Ses qualités
quement impossible en microscopie photonique. Cependant, une
aromatiques et gustatives sont optimales dans l’année qui suit sa
nouvelle méthode d’authentification de l’origine géographique
récolte.
d’un miel à partir du pollen peut être mise au point en étudiant la
structure de la cellule, de l’intine et du pollenkitt de ce dernier. Si Malgré tous les efforts faits tant par les apiculteurs soucieux de
aucun grain ne présente de modifications ultrastructurales, le pol- produire un miel de qualité, que par les légistes dans le but de pro-
len a été introduit après récolte ; en revanche, si l’intine et le cyto- téger les consommateurs, les contrefaçons restent encore trop
plasme de nombreux grains ont subi des dégradations sous nombreuses. C’est ainsi que les laboratoires spécialisés dans la
l’action des enzymes alors que le pollenkitt est en bon état, cela détection des fraudes doivent développer régulièrement de nou-
signifie que le pollen était présent lors de l’élaboration du miel. veaux programmes de recherche dans tous les domaines : phy-
Pour réaliser ces observations, il convient d’utiliser la technique sico-chimiques, palynologiques...

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