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AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine

Phéochromocytome

H Mosnier-Pudar

L e phéochromocytome n’est responsable qu’une fois sur 1 000 d’hypertension artérielle, mais son diagnostic
est primordial compte tenu de la morbidité et de la mortalité de cette pathologie. La preuve d’une sécrétion
anormale de catécholamines est le préalable à tout diagnostic de localisation.
© Elsevier, Paris.


puisqu’elle offre une sensibilité de 91 % et une nombreux faux négatifs. Inversement, le stress élève
Introduction valeur d’exclusion de 99,9 %. En dehors de la les catécholamines plasmatiques, augmentant le
présence de cette triade symptomatique, le nombre de faux positifs. Ainsi, le dosage
Le phéochromocytome est une tumeur dérivée phéochromocytome sera recherché dans les plasmatique sera réservé aux patients hypertendus
des cellules chromaffines, qui sécrète des hypertensions artérielles résistant au traitement. De au moment du prélèvement, ce qui écarte le risque
catécholamines. C’est une affection rare (prévalence même, sa recherche sera systématique en cas d’un faux négatif, mais pas d’un faux positif.
de 1 pour 10 000) dont la gravité réside dans le d’incidentalome et dans les maladies familiales En pratique, le diagnostic positif repose en
risque de poussées hypertensives, de troubles du comportant le phéochromocytome : neurofibro- première intention sur le dosage, dans les urines
rythme pouvant être mortels, en plus de l’évolution matose de type 1, néoplasie endocrinienne multiple des 24 heures, du taux de métanéphrines.
tumorale. de type 2 et maladie de von Hippel-Lindau. L’interprétation du résultat tiendra compte des
Son expression clinique la plus courante est chiffres tensionnels du patient concomitants au
dosage. Un taux normal alors que la tension


l’hypertension artérielle qui se caractérise, dans ce
contexte, par sa variabilité et la tendance à artérielle est élevée permet d’éliminer un
Diagnostic positif phéochromocytome. En revanche, un taux normal
l’hypotension orthostatique. Toutefois, le
phéochromocytome n’est responsable qu’une fois concomitant de chiffres tensionnels normaux ne
sur 1 000 d’hypertension artérielle, ce qui exclut de Les risques spontanés du phéochromocytome et permet pas d’exclure de façon formelle un
le rechercher systématiquement. l’implication chirurgicale de son diagnostic obligent à phéochromocytome quiescent. Il faut alors faire un
une sensibilité et à une spécificité élevées des tests dosage au moment d’un paroxysme tensionnel, soit
Pour éviter la multiplication de tests coûteux et
diagnostiques. La preuve d’une sécrétion anormale des catécholamines plasmatiques, soit des
s’assurer un bon rendement de l’enquête
de catécholamines est le préalable à tout diagnostic catécholamines urinaires, sur un recueil d’urines des
diagnostique, une stratégie en trois étapes est
de localisation et doit suffire à emporter la décision heures qui suivent la poussée tensionnelle. Dans ce
proposée : reconnaître sur des données cliniques
chirurgicale dans les cas où la localisation est cas, on confie au patient un bocal contenant de
simples le sous-groupe de patients hypertendus
douteuse ou non retrouvée. l’acide chlorhydrique pour le recueil des urines. Il lui
ayant une forte probabilité de phéochromocytome
Aujourd’hui, le meilleur marqueur de la présence est demandé de vider sa vessie dès le début de
(diagnostic de suspicion), dans ce sous-groupe, faire
d’une hypersécrétion de catécholamines est le l’accès paroxystique, puis de recueillir les urines 3
la preuve d’hypersécrétion de catécholamines par la
dosage des métanéphrines urinaires sur recueil des heures plus tard. En cas de phéochromocytome en
pratique de tests biochimiques sensibles et
24 heures. Par rapport aux catécholamines, elles poussée sécrétoire, le débit de catécholamines sera
spécifiques (diagnostic positif), et une fois la preuve
sont plus abondantes et plus faciles à mesurer. Elles toujours augmenté ; s’il est normal, il permet
de l’hypersécrétion obtenue, localiser la tumeur par
sont sécrétées généralement directement par la d’infirmer le diagnostic. Compte tenu du délai
les techniques d’imagerie appropriées (diagnostic de
tumeur et sont également le reflet de la conversion nécessaire à leur formation, les métanéphrines ne
localisation).
périphérique des catécholamines libérées en excès. sont pas le bon paramètre dans ce cas de figure.
La mesure de l’acide vanylmandélique urinaire a elle


Diagnostic de suspicion

Le diagnostic de suspicion doit reposer sur des


aussi été remplacée par celle des métanéphrines du
fait de son manque de sensibilité (24 % de faux
négatifs) et de son manque de spécificité (jusqu’à
30 % de faux positifs), sa méthode de dosage

Diagnostic de localisation

La localisation tumorale par les techniques


indices simples, facilement accessibles et de coût colorimétrique le plus souvent utilisée détectant un d’imagerie ne sera pratiquée qu’après avoir fait la
négligeable. Ces indices doivent être validés par une noyau aromatique présent également dans divers preuve de l’hypersécrétion de catécholamines.
sensibilité et une valeur d’exclusion élevées. aliments et médicaments. L’imagerie permettra de préciser le nombre, le siège
© Elsevier, Paris

Une étude comportant 2 185 sujets hypertendus L’intérêt du dosage des catécholamines et les rapports de voisinage de la ou des tumeurs et
a montré que l’association concomitante de sueurs, circulantes est controversé. L’aspect intermittent de de détecter d’éventuelles métastases.
de céphalées et de palpitations était un motif la sécrétion de certains phéochromocytomes et la La majorité des phéochromocytomes de l’adulte
fréquent de dépistage de phéochromocytome, demi-vie brève des catécholamines exposent à de sont uniques et surrénaliens, plus souvent localisés à

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droite qu’à gauche. Leur diagnostic de localisation l’électrocardiogramme, de la pression artérielle, de la
est simple par tomodensitométrie (TDM) Traitement pression de remplissage, du débit cardiaque et de
abdominale, scintigraphie à la métaiodobenzylgua- l’oxymétrie par une sonde de Swan-Ganz.
nidine (MIBG) ou imagerie par résonance L’intervention est généralement suivie d’une
Le traitement du phéochromocytome est
magnétique (IRM) (les phéochromocytomes sur les normalisation tensionnelle et rythmique immédiate.
chirurgical. Une préparation à la chirurgie est
séquences pondérées en T2 ont un signal supérieur En revanche, il est habituel d’avoir une excrétion
nécessaire, ayant comme objectifs de contrôler la
à celui du rein, très intense, augmentant sur les pathologique mais décroissante de catécholamines
part permanente de l’hypertension artérielle, de
échos successifs). Le problème est de ne pas ou de métanéphrines dans la semaine qui suit la
corriger l’hypovolémie et de prévenir les troubles du
méconnaître les localisations ectopiques ou chirurgie, représentant l’évacuation des pools de
rythme.
multiples (20 % des cas) et de diagnostiquer les recapture des catécholamines.
phéochromocytomes malins sur la présence de La base du traitement antihypertenseur repose
métastases (10 % des cas). sur les alphabloquants (prazosine : 1,5 à 5 mg/j
Les phéochromocytomes ectopiques peuvent répartis en 3 prises). Une tachycardie est souvent
démasquée par ce traitement, nécessitant la mise en


être localisés, par ordre décroissant de fréquence, au
niveau de l’organe de Zuckerkandl, de la vessie, des route, dans un deuxième temps, d’un bêtabloquant
Conclusion
hiles rénaux, du médiastin postérieur, du péricarde et (propranolol : 60 à 180 mg/j répartis en 3 prises).
du cou. Ces tumeurs ont un potentiel malin deux fois La correction de l’hypovolémie repose sur l’arrêt
supérieur à celui des phéochromocytomes des diurétiques, sur un régime normosodé et sur la Le risque évolutif lié à la présence d’un
surrénaliens. correction de l’hypertension artérielle. phéochromocytome rend son diagnostic primordial,
Il n’est pas possible d’établir un diagnostic de La prévention des troubles du rythme est faite par d’autant plus que le traitement chirurgical permet la
malignité sur l’examen anatomopathologique de la la prescription de bêtabloquants et la correction de guérison dans une grande majorité de cas. Mais le
tumeur. Le caractère malin d’un phéochromocytome l’hypovolémie. phéochromocytome est une tumeur rare, rendant
ne peut être affirmé que sur la présence de Lors de l’anesthésie, on assiste à de grandes nécessaire une démarche diagnostique rigoureuse.
métastases au moment du diagnostic ou sur la variations rythmiques et tensionnelles lors de Les dosages hormonaux ne seront proposés qu’aux
présence d’adénopathies au moment de la chirurgie. l’induction, de l’intubation, de l’incision péritonéale et patients « suspects » (hypertension artérielle et triade
Il ne peut être parfois affirmé que des années plus de la manipulation de la tumeur. symptomatique, ou maladie familiale évocatrice), et
tard sur l’apparition, au cours du suivi postchirurgical, Ces variations peuvent aussi être favorisées par le diagnostic de localisation par imagerie (TDM
de métastases. Cela implique un suivi annuel certains médicaments utilisés par l’anesthésie. Ainsi, abdominale, scintigraphie à la MIBG, IRM) qu’après
indéfini de tout patient opéré d’un phéochro- l’anesthésie du phéochromocytome nécessite une confirmation de la sécrétion anormale de
mocytome. équipe entraînée et une surveillance permanente de catécholamines.

Hélène Mosnier-Pudar : Praticien hospitalier,


clinique des maladies endocriniennes et métaboliques, hôpital Cochin, 27, rue du Faubourg-Saint-Jacques, 75679 Paris cedex 14, France.

Toute référence à cet article doit porter la mention : H Mosnier-Pudar. Phéochromocytome.


Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), AKOS Encyclopédie Pratique de Médecine, 3-0580, 1998, 2 p

Références

[1] Plouin PF, Camus-Bablon F, Azizi M, Denolle T, Duclos JM, Corvol P. Le


phéochromocytome. Rev Fr Endocrinol Clin 1990 ; 31 : 367-369

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