Académique Documents
Professionnel Documents
Culture Documents
Revue de la littérature
Les travaux de psychologie sociale élaborent leurs analyses en fonction de plusieurs niveaux de
lecture (Doise, 1982). De nombreuses recherches se focalisent sur les niveaux et intra-individuel et
inter-individuel : ce qui, comme nous le verrons, évince de nombreux déterminants de l’analyse
psychosociale. C’est pourquoi cette étude va tenter d’examiner son objet sous un angle socio-
congitif articulant les niveaux d’analyse (situationnel et idéologique).
3
plus loin), Jost adopte une lecture un niveaux intra et inter-individuels du fait social. Pourtant,
d’autres travaux appréhendent ces éléments sous un angle différent.
a) La vulnérabilité collective
Elcheroth (2006) postule que les effets de situations socio-économiques aversives sont
différents au niveau individuel et collectif. A ce dernier niveau, la vulnérabilité collective est un
déterminant majeur. Elle peut être définie comme un contexte de vulnérabilité engendrant un stress
important sur la communauté, au point que que celle-ci risque l’anomie. L’hypothèse d’Elcheroth
(2007) est la suivante : lorsque la norme fondamentale d’une communauté (permettre et défendre
l’inclusion de tous ses membres) est violée au point de risquer d’affecter la totalité de tous les
groupes sociaux qui la compose, il existe une prise de conscience collective de la nécessité de
restaurer cette norme fondamentale d’inclusion et de protection des droits humains ; et ainsi éviter
l’anomie. L’adhésion à ses valeurs aurait donc une fonction socio-normative. De ce fait, même si
au niveau individuel l’expérience d’une vulnérabilité entraîne un rejet d’une position légaliste des
droits humains, au niveau collectif, la communauté dans son ensemble adoptera une défense de ces
mêmes droits. Les études d’Elcheroth (2006) et de Spini (2008) vont également dans ce sens.
4
a) La théorie de la dissonance idéologique à l’épreuve d’une lecture collective
Pour Jost, les groupes défavorisés justifient le statu quo en raison de processus cognitifs. Le
maintien du système résulterait donc des dispositions psychologiques des groupes les plus faibles.
En effet, il stipule qu’en l’absence d’opportunités de contestation active du système, les membres
des groupes défavorisés entreraient dans un état de « dissonance idéologique »: ils auraient le
sentiment d’être complices du système générateur d’injustices, ce qui générerait une tension.Pour ne
pas ressentir cette tension (cette culpabilité pourrait-on dire), ils auraient tendance à rationaliser la
position de chacun des groupes de la communauté par l’utilisation de stéréotypes (les favorisés sont
plus intelligents par exemple). Les groupes dominants, eux n’aurait pas de raisons à remettre en
cause l’organisation d’un système qui leur est favorable.
Une critique d’Elcheroth (2007) est que, si la théorie de la dissonance est valide, la justification
du système par les groupes défavorisés devrait être stable et devrait être observée peu importe le
contexte social. Ce qui n’est pas le cas, puisque cet effet se produit qu’en contexte de vulnérabilité
collective. À la théorie stigmatisante de la disposition cognitive des classes défavorisées à justifier
le système, Elcheroth oppose une toute autre théorie explicative.
1Comme si (pour reprendre la logique de Jost) cette tension générait un état de dissonance idéologique (inversé).
5
4) L’importance des interactions intergroupes dans l’identité sociale
Même si l’effet de la TJS est lié, comme le montre Elecheroth (2007) à la défense, par les
groupes privilégiés, de la norme fondamentale d’inclusion, il serait intéressant de savoir pourquoi
les groupes défavorisés ne sont pas davantage dans la critique du système qui les défavorise. S’il ne
peut s’agir de dissonance idéologique, de quoi peut-il s’agir ? Elcheroth (2007) indique qu’il
agiraient en réaction aux croyances affichés par les groupes privilégiés.
6
intergroupes ; une dynamique de polarisation selon laquelle l’adoption d’ une position différente de
celle des groupes favorisés aurait une valeur normative.
2) Problématique
En contexte de vulnérabilité collective, la position modérée des classes sociales défavorisées
concernant les inégalités sociétales ne serait-elle pas causée par une dynamique normative
réactionnelle à la position des groupes favorisés ?
3) Hypothèse
a) Hypothèses théoriques
Nous devrions observer un effet de la prise de connaissance des réponses des groupes favorisés
sur les réponses des groupes défavorisés.
H1 : après avoir pris connaissance des réponses des groupes privilégiés - en faveur d’une position
légaliste des droits humains - , les membres des classes défavorisés adopteraient une position moins
en faveur des droits humains.
H2 : après avoir pris connaissance des réponses des groupes privilégiés - en défaveur d’une position
légaliste des droits humains - , les membres des classes défavorisés adopteraient une position plus
en faveur des droits humains.
b) Hypothèses opérationnelles
Ho1 : dans la condition « position inclusive adoptée par les groupes privilégiés », nous devrions
observer des scores plus faible à l’échelle « refus des violations des droits sociaux » et des scores
plus élevés aux échelles « soutien aux institutions politiques » et « justification du système
économique ».
Ho2 : Dans la condition « position exclusive adoptée par les groupes privilégiés », nous devrions
observer des scores plus faible à l’échelle « refus des violations des droits sociaux » et des scores
7
plus élevés aux échelles « soutien aux institutions politiques » et « justification du système
économique ».
III. Méthode
1) Échantillon
Les effets de la TJS étant observés dans un contexte de vulnérabilité collective uniquement,
nous avons sélectionné des régions français dont les conditions socio-économiques sont plus
difficiles. Ainsi, nous sélectionné la région Occitanie, les Hauts de France et la région PACA.
Les répondants sont des collégiens de classe de 3ème. L’effectif total des participants est de
318.
Relativement à notre problématique, nous avons sélectionné, pour le traitement statistiques de
l’étude, les participants provenant de classes sociales défavorisées uniquement. L’effectif final était
de 216.
2) Mesure
3) Procédure
L’enquête à eu lieu en hiver 2020. Les élèves ont tous remplis un auto-questionnaire durant une
heure de cours. Nous avons mis en place deux conditions expérimentales :
• condition « inclusive » : les élèves ont, avant de répondre au questionnaire, ont lu un article
(créé pour les besoins de cette étude) qui expliquait que les membres des classes sociales
favorisées soutenaient des mesures légalistes des droits humains.
8
• condition « exclusive » : les élèves ont, avant de répondre au questionnaire, ont lu un article
(créé pour les besoins de cette étude) qui expliquait que les membres des classes sociales
favorisées étaient contre des mesures légalistes des droits humains.
Après avoir pris connaissance de ces articles journalistiques factices, les participants répondaient
aux questionnaires. Les questionnaires étaient les mêmes pour les deux conditions.
9
10
Références
Elcheroth, G. & Spini, D. (2007). Classes sociales et jugements normatifs de jeunes français : la
justification du système par les défavorisés revisitée Les Cahiers Internationaux de
Psychologie Sociale, 3(3-4), 117-131. https://doi.org/10.3917/cips.075.0117
Elcheroth, G., Doise, W., & Reicher, S. (2011). On the Knowledge of Politics and the Politics of
Knowledge : How a Social Representations Approach Helps Us Rethink the Subject of
Political Psychology. Political Psychology, 32(5), 729-758. https://doi.org/10.1111/j.1467-
9221.2011.00834.x
Elder, G. H., Johnson, M. K., & Crosnoe, R. (2003). The Emergence and Development of Life
Course Theory. Handbooks of Sociology and Social Research, 3-19.
https://doi.org/10.1007/978-0-306-48247-2_1
Jost, J. T., & Banaji, M. R. (1994). The role of stereotyping in system-justification and the
production of false consciousness. British Journal of Social Psychology, 33(1), 1-27. https://
doi.org/10.1111/j.2044-8309.1994.tb01008.x
Jost, J., & Hunyady, O. (2003). The psychology of system justification and the palliative function of
ideology. European Review of Social Psychology, 13(1), 111-153.
https://doi.org/10.1080/10463280240000046
Jost, J. T., Banaji, M. R., & Nosek, B. A. (2004). A Decade of System Justification Theory :
Accumulated Evidence of Conscious and Unconscious Bolstering of the Status Quo.
Political Psychology, 25(6), 881-919. https://doi.org/10.1111/j.1467-9221.2004.00402.x
Montada, L., Schmitt, M., & Dalbert, C. (1986). Thinking about Justice and Dealing with One’s
Own Privileges. Justice in Social Relations, 125-143. https://doi.org/10.1007/978-1-4684-
5059-0₇
Mishler, W., & Rose, R. (2001). What are the origins of political trust? Testing institutional and
cultural theories in post‐communist societies. Comparative Political Studies, 34, 30–62
Moscovici, S. (2003). 2. Des représentations collectives aux représentations sociales : éléments pour
une histoire. Dans : Denise Jodelet éd., Les représentations sociales (pp. 79-103). Paris
cedex 14, France: Presses Universitaires de
France. https://doi.org/10.3917/puf.jodel.2003.01.0079"
11
Spini, D., Elcheroth, G., & Fasel, R. (2008). The Impact of Group Norms and Generalization of
Risks across Groups on Judgments of War Behavior. Political Psychology, 29(6), 919-941.
https://doi.org/10.1111/j.1467-9221.2008.00673.x
Staerklé, C., Clémence, A., & Spini, D. (2011). Social Representations: A Normative and Dynamic
Intergroup Approach. Political Psychology, 32(5), 759-768. Retrieved June 7, 2021, from
http://www.jstor.org/stable/41262943
12