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Les Cahiers du GRIF

Christine Fauré, La démocratie sans les femmes, Essai sur le


libéralisme en France, PUF
Françoise Collin

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Collin Françoise. Christine Fauré, La démocratie sans les femmes, Essai sur le libéralisme en France, PUF. In: Les Cahiers du
GRIF, n°31, 1985. La dépendance amoureuse. pp. 106-107.

http://www.persee.fr/doc/grif_0770-6081_1985_num_31_1_2051_t1_0106_0000_2

Document généré le 09/09/2015


Christine Fauré, Un livre intelligent et très documenté (tout en restant
La démocratie sans les parfaitement lisible). L'auteur analyse de manière précise la
femmes, Essai sur le place de la question des femmes dans les différents
libéralisme en France, moments de la pensée occidentale. La période couverte est
PUF. plus restreinte qu'on ne l'attendrait : du moyen-âge au
début du 19e siècle, de Christine de Pisan à Jean- Jacques
Rousseau, en passant par Mademoiselle de Gournay,
Poulain de la Barre, Montesquieu, Pufendorf, Kant, etc., etc.,
même si une introduction et une conclusion plus générales
font le lien avec la période contemporaine. Le titre : la
démocratie sans les femmes semble donc plus strictement
justifié que le sous-titre : essai sur le libéralisme en France.
On voit en effet dans cet ouvrage, comment émergent la
notion et la réalité de la démocratie et par quelles astuces
celle-ci réussira en bonne conscience, à exclure les femmes.
(Le suffrage universel ne les concernera en France qu'à
partir de 1946.) Cette étude historique amorce une réflexion
sur les concepts de nature et d'égalité qui ont
tranquillement couvert cette exclusion.
Christine Fauré relève, dans son introduction, que le
problème des femmes n'est pas comme certains voudraient
le faire croire aujourd'hui lié à l'avènement du
socialisme, et qu'il n'a pas toujours reçu de celui-ci le soutien
qu'on aurait pu en attendre. Les réticences socialistes à
l'égard du féminisme venaient entre autres de ce que celui-
ci ne respectait pas et risquait même d'occulter la coupure
des classes, d'une part, et d'autre part, des craintes que
l'électorat féminin, plus traditionnel, plus religieux, ne
vienne grossir les rangs de la droite. Mais au gré de
l'analyse historique de l'auteur, on constate que la pensée
libérale n'est pas en soi plus favorable au féminisme. On a
donc envie d'en conclure ce que ne fait pas l'auteur
que la coupure socialisme/libéralisme n'est pas pertinente
quand il s'agit des femmes et que celles-ci ont tour à tour
été soutenues ou rejetées en fonction des opportunités de
chacun. Utiles pour grossir un électorat, bonnes à mobiliser
quand les bras manquent (ainsi le régime communiste
soviétique les annexe à la production mais développe en
même temps une idéologie conjugaliste et nataliste),
106 bonnes à renvoyer à leurs foyers en temps de chômage.
La rigueur de l'analyse, le sérieux de la documentation, la
sérénité scientifique du ton de l'auteur s'associent ici très
heureusement à un questionnement foncièrement
féministe. On échappe ainsi aux simplismes idéologiques et au
manichéisme des thèses au profit d'un progrès de la
connaissance et de la pensée. Sans doute rien dans cette
étude n'apporte-t-il de bouleversement dans le monde des
idées, mais l'auteur a l'intelligence de rassembler des
éléments autrement disparates et de les confronter dans une
problématique centrée sur la différence des sexes. Un livre
de références donc, assorti d'une bonne bibliographie.

Fr. C.

Sans doute faut-il être professeur à Harvard, et totalement Susan Rubin Suleiman,
indifférente aux modes parisiennes pour sortir en ce moment Le roman à thèse, ou
un livre sur le roman à thèse. Susan Rubin Suleiman F autorité fictive,
affronte résolument la question de cet apparent PUF écriture.
anachronisme. « Pourquoi étudier aujourd'hui un genre aussi
didactique en un mot aussi anti-moderne que le
roman à thèse ? Ne vaudrait-il pas mieux l'oublier
simplement pour parler de la « vraie » littérature, celle qui, selon
la formule de Jean Ricardou, , « n'emprunte au monde des
matériaux que pour se désigner elle-même » (p. 27) ? La
réponse de l'auteur est que « le roman à thèse n'est en effet
qu'une manifestation particulièrement claire de l'impulsion
à la fois réaliste et didactique qui est à l'origine du genre
romanesque, et qui a persisté comme fondement du genre
jusqu'à une date récente ». Selon Kristeva « avant d'être
une histoire, le roman est une instruction... » (p. 28).
Après avoir examiné les formes emblématiques de la
parabole (religieuse) et de la fable, l'auteur analyse la structure
et les figures du roman à thèse, en s'appuyant sur les
uvres de linguistes et de poéticiens tels Bakhtine, Grei-
mas, Barthes, Genette, Malraux, Sartre, Drieu la Rochelle,
Nizan... -
Les conclusions de cette étude montrent que, d'une part, le
roman résiste toujours à l'unification de la thèse mais que,
réciproquement, le « nouveau roman », ou le texte qui se 107

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