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John Piper

Fais de l’Éternel
tes délices !
Au risque d’être heureux
John Piper

Fais de l’Éternel
tes délices !

BLF Europe • Rue de Maubeuge


59164 Marpent • France
Les messages et l’enseignement de John Piper
sont téléchargeables gratuitement sur le site
www.desiringgod.org
(langue anglaise uniquement)

Édition originale publiée en langue anglaise sous le titre :


The Dangerous Duty of Delight • John Piper
© 2001 Desiring God Foundation
Publié par Multnomah Books, un département de Crown Publishing Group,
une division de Random House, Inc.
12265 Oracle Boulevard, Suite 200 • Colorado Springs • CO 80921 • USA
Traduit et publié avec permission. Tous droits réservés.

All non-English language rights are contracted through :


Gospel Literature International • P.O. Box 4060 • Ontario • CA 91761-1003 • USA

This translation published by arrangement with Multnomah Books,


an imprint of The Crown Publishing Group, a division of Random House, Inc.

Édition en langue française :


Au risque d’être heureux • John Piper
© 2009 BLF Europe • Rue de Maubeuge • 59164 Marpent • France
Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés.

Traduction : James Montille


Couverture et mise en page : BLF Europe • www.blfeurope.com
Impression nº 90430 • IMEAF • 26160 La Bégude de Mazenc

Les citations sont tirées de la Nouvelle Version Segond Révisée (Bible à la


Colombe) © 1978 Société Biblique Internationale. Avec permission.

ISBN 978-2-910246-37-2
Dépôt légal 2e trimestre 2009

Index Dewey (CDD) : 248.4


Mots-clés : Vie chrétienne. Adoration. Bonheur.
Imaginez-moi en train de traquer la joie…
Bien armé cependant, car il s’agit d’une
quête périlleuse.
Flannery O’Connor
Dédicace
Il y a quinze ans, je dédicaçai la
version intégrale de ce livre – intitulé
Prendre plaisir en Dieu – à mon père
William Solomon Hottle Piper. À
présent, je ressens plus que jamais
tout ce que je lui dois, en considérant
la vie sainte et joyeuse qu’il a menée
à la gloire de Dieu, et pour mon
bien, au cours des 55 années de mon
existence.
Notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se
repose en toi.
Saint-Augustin

Si je découvre en moi un désir qu’aucune


expérience dans ce monde ne peut
satisfaire, l’explication la plus probable est
que j’ai été fait pour un autre monde.
C. S. Lewis
9

Préface
Cher lecteur, chère lectrice,
J’ai écrit ce livre parce que la vérité et la beauté
que je découvre en Jésus-Christ, le Fils de Dieu, me
coupent le souffle. Je m’exclame avec le psalmiste :
Je demande à l’Éternel une chose, que je recherche
ardemment : habiter toute ma vie dans la maison de
l’Éternel, pour contempler la magnificence de l’Éter-
nel et pour admirer son temple.
Psaumes 27 : 4

Si vous servez de guide à des randonneurs et que


vous savez qu’ils rêvent de voir des paysages sublimes,
quitte à prendre quelques risques, vous n’hésiterez pas,
aux abords d’une falaise impressionnante, à les encou-
rager à profiter pleinement du spectacle. L’être humain
est avide d’expériences qui le font frissonner et le lais-
sent bouche bée ; or, il n’y a rien de plus époustouflant
et de plus inouï que Jésus-Christ lui-même. Connaître
Jésus n’est pas sans risque, mais il s’agit d’une expé-
rience stupéfiante.
10 Au risque d’être heureux

Dieu a mis dans l’homme la pensée de l’éternité,


et a rempli son cœur d’une soif intense. Mais nous ne
sommes pas conscients de ce que nous recherchons
jusqu’au moment où nous découvrons combien Dieu
est surprenant. C’est pour cette raison que l’univers
tout entier est en effervescence. D’où la célèbre prière
de Saint-Augustin : « Tu nous as créés pour toi et notre
cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il se repose en toi 1 ».

Il n’y a rien de plus époustouflant, de plus inouï,


que Jésus-Christ lui-même.

Le monde souffre d’une soif insatiable. Il tente de


l’étancher à coups de vacances pittoresques, de grandes
œuvres d’art, d’effets spéciaux cinématographiques,
d’exploits sexuels, de sports extrêmes, de drogues
hallucinogènes, de privations ascétiques, d’excellence
professionnelle, etc. Mais sa soif demeure. Quelle
conclusion en tirer ? C. S. Lewis répond :
Si je découvre en moi un désir qu’aucune expérience
dans ce monde ne peut satisfaire, l’explication la plus
probable est que j’ai été fait pour un autre monde 2.

La tragédie de notre monde est que nous avons


confondu l’écho et le Cri Initial. Quand nous tournons
le dos à la beauté sublime de Dieu, nous projetons une
Préface 11

ombre sur la terre et nous en tombons amoureux. Mais


elle ne répond pas à nos attentes.
Les livres ou la musique où nous pensions trouver la
beauté finiront par nous trahir si nous nous confions
en eux […] Ils ne renferment pas l’élément essentiel,
ils ne sont que le parfum d’une fleur que nous cher-
chons encore, l’écho d’une mélodie que nous n’avons
pas entendue, les couleurs d’un pays qu’il nous reste
à visiter 3.

J’ai écrit ce livre parce que la Beauté suprême


nous a visités. « La Parole a été faite chair, et elle a
habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité ; et nous
avons contemplé sa gloire, une gloire comme celle
du Fils unique venu du Père » (Jean 1 : 14). Comment
puis-je ne pas m’écrier : Regardez ! Croyez ! Soyez sa-
tisfaits ! Cette contemplation peut nous coûter la vie,
mais elle en vaut la peine, parce que nous savons de
source sûre que « ton amour vaut bien mieux que la
vie » (Psaumes 63 : 3 – Semeur). Partir à la recherche
des délices éternelles est une tâche risquée, mais que
vous ne regretterez jamais d’avoir entreprise. C’est ce
que j’appelle « l’hédonisme chrétien ».
13

Chapitre 1
Traiter le plaisir
comme un devoir porte
à controverse

« L’hédonisme chrétien » : voilà une expression
controversée pour désigner une idée bien ancienne re-
montant à :
–  Moïse, auteur des premiers livres de la Bible,
qui proféra de sévères menaces à l’encontre de ceux
qui ne cultivaient pas la joie : « Pour n’avoir pas servi
l’Éternel, ton Dieu, avec joie et de bon cœur, […] tu
serviras […] tes ennemis » (Deutéronome 28 : 47-48) ;
–  David, le roi d’Israël, qui décrivait Dieu comme
« sa joie et son allégresse » (Psaumes 43 : 4) et s’excla-
mait : « Servez l’Éternel avec joie ! » (Psaumes 100 : 2).
« Fais de l’Éternel tes délices » (Psaumes 37 : 4) dit-il,
en ajoutant dans une prière : « Rassasie-nous dès le
matin de ta bienveillance, et nous serons triomphants
14 Au risque d’être heureux

et joyeux en toutes nos journées » (Psaumes 90 : 14).


Il promit par ailleurs que seul Dieu peut nous procu-
rer un plaisir total et durable : « Il y a abondance de
joies devant ta face, des délices éternelles à ta droite »
(Psaumes 16 : 11) ;
–  Jésus, qui affirmait : « Heureux serez-vous,
lorsqu’on vous insultera […] Réjouissez-vous et
soyez dans l’allégresse, parce que votre récompense
sera grande » (Matthieu 5 : 11-12). Il expliqua ensuite
ses propos en ajoutant : « Je vous ai parlé ainsi, afin
que ma joie soit en vous et que votre joie soit com-
plète » (Jean 15 : 11-12). Il endura la mort sur la croix
« parce qu’il avait en vue la joie qui lui était réservée »
(Hébreux 12 : 2 – Semeur). Et Jésus promit qu’à la fin
des temps, ses fidèles serviteurs, seront accueillis par
ces paroles : « Entre dans la joie de ton maître » (Mat-
thieu 25 : 21) ;
–  Jacques, le frère de Jésus, qui nous dit : « Consi-
dérez comme un sujet de joie complète les diverses
épreuves que vous pouvez rencontrer » (Jacques 1 : 2) ;

« L’hédonisme chrétien » : une expression


controversée pour désigner une idée bien ancienne.
Traiter le plaisir comme un devoir porte à controverse 15

–  l’apôtre Paul, « attristé, quoique toujours


joyeux » (2 Corinthiens 6 : 10 – NBS). Il évoqua le mi-
nistère de son équipe en ces termes : « Nous voulons
collaborer à votre joie » (2 Corinthiens 1 : 24). Il or-
donna aux chrétiens de se réjouir continuellement dans
le Seigneur (Philippiens 4 : 4), et même de se « glori-
fier dans les tribulations » (Romains 5 : 3) ;
–  l’apôtre Pierre, qui déclara : « Réjouissez-vous
de participer aux souffrances du Christ, afin de vous
réjouir aussi avec allégresse, lors de la révélation de sa
gloire » (1 Pierre 4 : 13) ;
–  Saint-Augustin, qui en l’an 386, fut délivré de
la convoitise et de la luxure, lorsqu’il découvrit la su-
périorité des plaisirs divins. « Quel bonheur pour moi
d’être d’un seul coup débarrassé de ces joies stériles
dont j’avais jadis peur de me séparer ! […] Tu les as
éloignées de moi, toi la vraie, la souveraine joie. Tu
les as chassées pour prendre leur place, toi le plus déli-
cieux de tous les plaisirs 4 » ;
–  Blaise Pascal, qui comprit que « tous les
hommes recherchent le bonheur. Cela est sans excep-
tion, quelques différents moyens qu’ils y emploient. Ils
tendent tous à ce but […] La volonté ne fait jamais la
moindre démarche que vers cet objet. C’est le motif de
toutes les actions de tous les hommes, jusqu’à ceux qui
vont se pendre 5 » ;
16 Au risque d’être heureux

–  les puritains, dont le but était de connaître Dieu


au point que « faire de lui leurs délices était le travail
de leur vie 6 ». Ils savaient que cette joie les « protége-
rait des assauts de leurs ennemis spirituels et enlèverait
en eux le goût des plaisirs que le tentateur utilise pour
appâter ses proies 7 » ;
–  Jonathan Edwards, qui découvrit et ensei-
gna avec persuasion que « le bonheur de la créature
consiste à se réjouir en Dieu, qui est ainsi magnifié et
exalté 8 ». « La raison d’être de la création est de rendre
gloire à Dieu. Et que signifie glorifier Dieu, si ce n’est
se réjouir devant la gloire qu’il a déployée 9 ? »
–  C. S. Lewis, qui découvrit que « nous sommes
bien trop facilement satisfaits 10 » ;
–  et aux nombreux missionnaires qui ont tout quit-
té pour Christ et se sont finalement exclamés, avec Da-
vid Livingstone : « Je n’ai jamais fait de sacrifice 11 ».
L’hédonisme chrétien n’est donc pas un concept
nouveau.
Pourquoi alors une idée tellement ancienne ali-
mente-elle autant de débats ? L’une des raisons est que
ce concept insiste sur le fait que la joie n’est pas sim-
plement une retombée de notre obéissance à Dieu : elle
en fait partie. Il semble que les gens acceptent faci-
lement de considérer la joie, non pas comme un élé-
ment essentiel, mais comme un produit dérivé de leur
Traiter le plaisir comme un devoir porte à controverse 17

relation avec Dieu. Ils sont mal à l’aise lorsqu’il s’agit


d’affirmer qu’il est de notre devoir de rechercher la
joie.
Ils enseignent par exemple : « Ne recherchez pas
la joie mais l’obéissance ». Et l’hédonisme chrétien de
répondre : « Cela revient à dire : “Ne mangez pas de
pommes mais plutôt des fruits” ». Parce qu’être joyeux
est un acte d’obéissance. Nous avons pour ordre de
nous réjouir dans le Seigneur. Si obéir consiste à faire
ce que Dieu m’ordonne, me réjouir n’est pas seulement
un résultat mais une partie inhérente de mon obéis-
sance. La Bible nous encourage à maintes reprises à
vivre ainsi : « Justes, réjouissez-vous en l’Éternel et
soyez dans l’allégresse ! Poussez des cris de joie, vous
tous qui êtes droits de cœur ! » (Psaumes 32 : 11). « Les
nations se réjouissent, elles poussent des cris de joie »
(Psaumes 67 : 5 – NBS). « Réjouissez-vous de ce que
vos noms sont inscrits dans les cieux » (Luc 10 : 20).
« Réjouissez-vous toujours dans le Seigneur ; je le ré-
pète, réjouissez-vous » (Philippiens 4 : 4). « Fais de
l’Éternel tes délices » (Psaumes 37 : 4).
La Bible ne nous enseigne pas à traiter les délices
comme un simple « produit dérivé » du devoir. C. S.
Lewis l’avait bien compris quand il écrivit à un ami :
« C’est le devoir des chrétiens, comme tu le sais, d’être
aussi heureux que possible 12 ». Oui, c’est une démarche
risquée et sujette à controverse. Mais il s’agit d’une vé-
18 Au risque d’être heureux

rité. Il est précisément de notre devoir de nous mettre


en quête d’un maximum de bonheur, tant en termes de
qualité que de quantité.
Un chrétien sage a décrit un jour la relation qui
existait entre le devoir et les délices de la manière sui-
vante :
Imaginez qu’un mari demande à sa femme s’il doit
l’embrasser avant d’aller au lit. Elle répond : « Bien sûr,
tu le dois, mais pas en vertu de ce genre d’obliga-
tion ». Elle veut dire par là : « Si tu n’es pas motivé par
un amour spontané pour ma personne, ton geste n’a
aucune valeur morale » 13.

Autrement dit, s’il n’y a pas de plaisir dans le bai-


ser, je n’ai pas accompli mon devoir en embrassant
ma femme. Le plaisir que j’ai en elle, et que j’exprime
par un baiser, fait partie de mon devoir envers elle : ce
n’est pas un simple « produit dérivé ».
Si cela est vrai, si se réjouir de faire le bien s’inscrit
dans la définition même de faire le bien, la recherche
du plaisir relève alors du domaine de la recherche des
qualités spirituelles. Vous comprenez aussitôt pour-
quoi ce sujet prête tant à controverse : c’est une ques-
tion très importante. « Vraiment, vous êtes sérieux ? »
me demandait quelqu’un. « Vous voulez dire que le
mot hédonisme n’est pas juste un moyen d’attirer notre
attention ? Il introduit de fait une dimension incontour-
nable dans la manière dont nous devons vivre : la re-
Traiter le plaisir comme un devoir porte à controverse 19

cherche de la joie et du plaisir est vraiment nécessaire


à la personne qui veut pratiquer le bien ». C’est vrai.
C’est ce que je pense. La Bible le pense. Dieu le pense.
C’est très sérieux. Nous ne sommes pas en train de
jouer sur les mots.
Soyons parfaitement clairs : nous parlons toujours
ici de plaisir en Dieu. Même la joie que j’éprouve à
faire le bien s’avère être une joie en Dieu, car le bien
ultime que nous recherchons est de manifester la gloire
divine, et d’étendre notre joie en Dieu aux autres. Tout
autre plaisir ne saurait étancher la soif de nos cœurs
(en termes qualitatifs), ni combler nos besoins futurs
(en termes quantitatifs). C’est en Dieu seul que réside
la joie complète et éternelle.
« Il y a abondance de joies devant ta face, des dé-
lices éternelles à ta droite » (Psaumes 16 : 11).

Il est précisément de notre devoir de nous mettre


en quête d’un maximum de bonheur, tant en termes
de qualité que de quantité.
21

Chapitre 2
Glorifier Dieu en
trouvant notre plaisir
en lui pour toujours

Développer au maximum notre joie en Dieu, voi-
là ce pour quoi nous avons été créés. « Attendez, dit
quelqu’un, qu’en est-il de la gloire de Dieu ? Ne nous
a-t-il pas créés pour sa gloire ? Et vous affirmez ici
que c’est pour que nous recherchions la joie ! » Où est
la vérité ? Existons-nous pour sa gloire ou pour notre
joie ?
Oh, combien j’abonde dans ce sens : Dieu nous
a certainement créés pour sa gloire ! Je l’affirme et je
le pense ! Dieu est la personne la plus théocentrique
de l’univers. Cette notion est au cœur de mes prédi-
cations et de mes écrits. Une notion que l’hédonisme
chrétien vise à rechercher, à préserver ! Le but ultime
22 Au risque d’être heureux

de Dieu est de se glorifier. Toute la Bible en parle. Tout


ce qu’accomplit Dieu poursuit ce but.
À chaque étape de la création et du salut, son ob-
jectif est de magnifier sa gloire. Le microscope et le té-
lescope agrandissent ce que nous voyons. Un micros-
cope agrandit les objets de petites dimensions et nous
donne l’impression que leur taille est plus importante
que dans la réalité. Un télescope agrandit les objets gi-
gantesques mais difficilement perceptibles à nos yeux
– comme les étoiles, par exemple – afin qu’ils nous
apparaissent un peu plus comme ils sont réellement.
Dieu a créé l’univers pour magnifier sa gloire de la
même manière qu’un télescope magnifie à nos yeux les
étoiles. Tout ce qu’il opère pour notre salut sert ainsi à
magnifier la gloire de sa grâce.
Considérons par exemple quelques étapes du sa-
lut : la prédestination, la création, l’incarnation, la pro-
pitiation, la sanctification et la glorification. À chaque
stade, la Bible nous explique que Dieu est à l’œuvre,
par Jésus-Christ, pour manifester et exalter sa gloire.

Dieu vous a créé pour que vous passiez l’éternité


à le glorifier et à vous réjouir en lui.
Glorifier Dieu en trouvant notre plaisir en lui pour toujours 23

•  La prédestination : « Il nous a prédestinés par Jé-


sus-Christ à être adoptés, selon le dessein bienveillant
de sa volonté, pour célébrer la gloire de sa grâce »
(Éphésiens 1 : 5-6).
•  La création : « Fais venir mes fils de loin et
mes filles de l’extrémité de la terre, quiconque s’ap-
pelle de mon nom, et que pour ma gloire j’ai créé »
(Ésaïe 43 : 6-7).
•  L’incarnation : « Christ est devenu serviteur
des circoncis pour montrer la véracité de Dieu, en
confirmant les promesses faites aux pères, tandis que
les païens glorifient Dieu pour sa miséricorde » (Ro-
mains 15 : 8-9).
•  La propitiation 14 : « C’est lui que Dieu a destiné
à être par son sang pour ceux qui croiraient victime
propitiatoire, afin de montrer sa justice, parce qu’il
avait laissé impunis les péchés commis auparavant,
au temps de sa patience » (Romains 3 : 25 – Louis Se-
gond).
•  La sanctification : « Et ce que je demande dans
mes prières, c’est que votre amour abonde de plus en
plus […], afin d’être remplis du fruit de justice qui
vient par Jésus-Christ, à la gloire et à la louange de
Dieu » (Philippiens 1 : 9, 11).
•  La glorification : « [Ceux qui n’obéissent pas à
l’Évangile] auront pour juste châtiment une ruine éter-
24 Au risque d’être heureux

nelle, loin de la face du Seigneur et de la gloire de sa


force quand il viendra pour être, en ce jour-là, glori-
fié dans ses saints et admiré dans tous ceux qui auront
cru » (2 Thessaloniciens 1 : 9-10).
Je ne peux donc qu’approuver la personne qui dit
que Dieu nous a créés et sauvés pour sa gloire !
« Alors, poursuit-elle, comment pouvez-vous af-
firmer que le but de notre existence est de maximiser
notre joie ? Dieu ne nous a-t-il pas créés pour que nous
partagions son objectif, celui de le glorifier ? Quel est
donc notre objectif ultime : la gloire de Dieu ou notre
joie ? »
Nous voilà au cœur de l’hédonisme chrétien ! S’il
faut retenir une chose, c’est bien ce qui suit. Je l’ai ap-
pris grâce à Jonathan Edwards, C. S. Lewis et, surtout,
à l’apôtre Paul.
Edwards est le plus grand pasteur et théologien
que l’Amérique ait connu. En 1755, il a écrit un ou-
vrage intitulé The End For Which God Created the
World [Le but pour lequel Dieu a créé le monde]. Le
passage suivant est très étonnant : il constitue la base
et l’objet de son livre, ainsi que la pierre angulaire de
l’hédonisme chrétien. Lisez attentivement ce texte an-
cien pour voir comment Edwards démêle brillamment
notre problème.
Glorifier Dieu en trouvant notre plaisir en lui pour toujours 25

Dieu est non seulement glorifié par la manifestation vi-


sible de sa gloire, mais par la joie qu’elle suscite. Quand
ceux qui la voient y trouvent leurs délices, Dieu est
davantage glorifié que s’ils étaient de simples specta-
teurs. Sa gloire est alors accueillie par l’être tout entier,
par l’entendement comme par le cœur. Dieu a créé le
monde pour pouvoir communiquer sa gloire et pour
que ses créatures la reçoivent, pour qu’elle soit ap-
préhendée à la fois par la pensée et le cœur. Celui qui
témoigne de sa compréhension de la gloire divine
n’exalte pas autant Dieu que celui qui témoigne aussi
de… son plaisir en elle 15.

Voilà la solution. Dieu vous a-t-il créé pour sa


gloire ou pour votre joie ? Réponse : Dieu vous a créé
pour que vous passiez l’éternité à le glorifier en vous
réjouissant en lui aux siècles des siècles. Autrement dit,
vous n’avez pas à choisir entre glorifier Dieu et prendre
plaisir en lui. Ce choix est en effet dangereux : si vous
renoncez à une partie, vous perdez aussi l’autre. Ed-
wards a entièrement raison : « Dieu est non seulement
glorifié par la manifestation visible de sa gloire, mais
par la joie qu’elle suscite ». Si nous ne nous délectons
pas de Dieu, nous ne le glorifions pas comme il se doit.
Voilà donc le fondement inébranlable de l’hédo-
nisme chrétien : Plus notre satisfaction en Dieu est
grande, plus il est glorifié en nous. C’est la meilleure
nouvelle au monde. Il n’y a pas d’incompatibilité entre
26 Au risque d’être heureux

le désir de Dieu d’être glorifié et mon désir d’être sa-


tisfait.
Vous pourriez transformer totalement votre monde
en remplaçant le mot « et » par « en » dans votre credo.
Le Petit Catéchisme de Westminster pose la question :
« Quel est le but principal de la vie de l’homme ? » puis
répond : « Le but principal de la vie de l’homme est de
glorifier Dieu et de trouver en lui son bonheur éter-
nel ».
Et ?
Glorifier Dieu et se réjouir en lui sont-elles deux
choses distinctes ?
De toute évidence, les pasteurs qui ont rédigé ce
catéchisme à l’époque ne dissociaient pas ces deux élé-
ments. Ils ont fait allusion au « but principal » et non
aux « buts principaux ». Dans leurs pensées, glorifier
Dieu et trouver en lui son bonheur relèvent d’un seul
et même objectif.
L’hédonisme chrétien se propose de montrer pour-
quoi il en est ainsi : nous glorifions Dieu en trouvant
notre plaisir en lui. C’est l’essence même de l’hédo-
nisme chrétien. Plus notre satisfaction en Dieu est
grande, plus il est glorifié en nous.
Vous comprenez peut-être maintenant ce qui me
pousse à être aussi radical à ce sujet. S’il est vrai
que Dieu est d’autant plus glorifié en nous que nous
Glorifier Dieu en trouvant notre plaisir en lui pour toujours 27

sommes satisfaits en lui, quel est l’enjeu de notre pour-


suite de la joie ? La gloire de Dieu elle-même ! Si je
dis que rechercher la joie n’est pas essentiel, je suis en
train de dire que glorifier Dieu n’est pas essentiel. Mais
si glorifier Dieu est pour moi un impératif, rechercher
la satisfaction qui manifeste sa gloire sera également
pour moi un impératif.
L’hédonisme chrétien n’est pas un jeu. Il s’agit de
la finalité de tout l’univers.
L’implication radicale qui en découle est que re-
chercher le plaisir en Dieu constitue notre plus haute
vocation. Elle est essentielle à toute notre vertu et tout
notre respect envers Dieu. Que ce soit dans notre rela-
tion verticale avec le divin ou dans notre relation ho-
rizontale avec nos semblables, la poursuite du plaisir
en Dieu n’est pas une option : elle est indispensable.
Nous verrons plus loin que le vrai amour du prochain
et l’adoration sincère de Dieu dépendent directement
de cette recherche du plaisir.
Avant que je ne découvre ces choses par moi-
même dans la Bible, l’auteur C. S. Lewis m’avait déjà
poussé à réfléchir sur le sujet. Je me trouvais dans une
librairie à Pasadena, en Californie, à l’automne 1968.
J’avais trouvé un exemplaire de son livre The Weight
of Glory (Le poids de la gloire). La lecture de la pre-
mière page a changé ma vie.
28 Au risque d’être heureux

Lorsque les courants de pensées modernes préten-


dent que désirer ce qui est bon pour nous et soupirer
après le plaisir sont des attitudes répréhensibles, je
les soupçonne d’être contaminés par Kant et les Stoï-
ciens, et en aucun cas par la foi chrétienne.
En effet, si l’on considère, dans les Évangiles, le nombre
impressionnant de promesses de récompenses et
la nature surprenante de toutes ces récompenses,
il semblerait bien que notre Seigneur ne trouve pas
nos désirs trop intenses, mais au contraire bien trop
faibles. Nous sommes des créatures aux cœurs parta-
gés, qui perdent leur temps avec l’alcool, le sexe et les
ambitions personnelles alors qu’une joie infinie leur
est proposée. C’est un peu comme ce pauvre gamin
qui préfère continuer à faire des pâtés dans la boue
d’un bidonville parce qu’il ne peut pas comprendre
ce que signifie l’offre qu’on lui a faite d’aller passer de
belles vacances à la plage. Nous sommes bien trop fa-
cilement satisfaits 16.

Jamais de ma vie je n’avais entendu quelqu’un


dire que le problème du monde n’est pas l’intensité
avec laquelle il recherche le bonheur, mais plutôt sa
faiblesse. Mon être tout entier s’est écrié : Oui ! C’est
cela ! C’était écrit noir sur blanc et, à mes yeux, c’était
absolument incontestable : le grand problème des hu-
mains est d’être bien trop facilement satisfaits. Nous
sommes loin de rechercher le plaisir avec la détermina-
tion et la passion qu’il faudrait. Nous nous contentons
Glorifier Dieu en trouvant notre plaisir en lui pour toujours 29

donc des pâtés de nos appétits naturels plutôt que de


découvrir les délices éternelles.
Lewis disait : « Nous sommes bien trop facilement
satisfaits ». Presque tous les commandements de Jé-
sus sont assortis de promesses audacieuses de récom-
penses. Si on considère « le nombre impressionnant de
promesses de récompenses et la nature surprenante de
toutes ces récompenses, il semblerait bien que notre
Seigneur ne trouve pas nos désirs trop ambitieux, mais
bien trop faibles ».
D’accord. Mais quel rapport avec la louange et la
gloire de Dieu ? L’hédonisme chrétien préconise que,
non seulement nous devons rechercher la joie et le
plaisir que Jésus promet, mais aussi que Dieu est glo-
rifié par cette recherche. Lewis m’a aidé à comprendre
cette vérité.
J’ai lu un autre passage au contenu explosif, cette
fois dans ses Réflexions sur les Psaumes. Il démontre
ici que la nature même de la louange est l’expression
de la joie que nous inspire ce que nous admirons.
L’élément le plus évident dans la louange – adressée à
Dieu ou à autre chose – m’avait étrangement échappé
[…] Je n’avais jamais remarqué que les louanges dé-
coulaient spontanément du plaisir […] des amoureux
louant l’élue de leur cœur, des lecteurs leur poète pré-
féré, des promeneurs s’extasiant sur la beauté du pay-
sage […] Toute ma difficulté, concernant l’adoration
30 Au risque d’être heureux

de Dieu, venait du fait absurde que je ne m’autorisais


pas, face à la Valeur suprême, à faire ce que je faisais
toujours avec plaisir, ce que je ne pouvais m’empê-
cher de faire naturellement, face à tout autre chose
qui avait de la valeur à mes yeux. Je pense que nous
trouvons du plaisir à louer ce que nous apprécions
parce que cette louange non seulement exprime,
mais complète aussi le plaisir lui-même 17.

Lewis m’a donc aidé à rassembler ces éléments.


Ainsi, rechercher son plaisir en Dieu et louer Dieu ne
sont pas des actes séparés. La « louange non seulement
exprime, mais complète aussi le plaisir lui-même ». La
louange ne s’ajoute pas au plaisir, et le plaisir n’est
pas un élément dérivé de la louange. Louer Dieu, c’est
l’estimer, le « valoriser ». Et quand cette valorisation
s’intensifie, elle devient plaisir en Dieu. Par consé-
quent, l’essence de la louange réside dans le fait de
trouver son plaisir en Dieu, ce qui à son tour démontre
toute sa valeur, source de réelle satisfaction.

Rechercher son plaisir en Dieu et louer Dieu


ne sont pas des actes séparés.

L’apôtre Paul scella mon hédonisme chrétien par


son témoignage dans le premier chapitre de la lettre
aux Philippiens. Voici la déclaration biblique qui nous
Glorifier Dieu en trouvant notre plaisir en lui pour toujours 31

montre sans ambiguïté que, plus notre satisfaction en


Dieu est grande, plus il est glorifié en nous. Confiné
dans sa prison romaine, Paul écrivit :
Selon mon ardent désir et mon espérance, je n’au-
rai honte de rien. Mais maintenant comme toujours,
Christ sera exalté dans mon corps, avec une pleine
assurance, soit par ma vie, soit par ma mort ; car pour
moi, Christ est ma vie et la mort m’est un gain (Philip-
piens 1 : 20-21).

Ainsi, son but était que Christ soit « exalté », « ma-


gnifié » ou « glorifié » dans son corps. Il voulait que
cela puisse se produire, qu’il soit vivant ou mort. Dans
la vie comme la mort, sa mission était de magnifier
Christ — de montrer que Christ est magnifique, de le
glorifier, de mettre en évidence sa grandeur. Il le dit
clairement au verset 20 — « Christ sera exalté dans
mon corps, […] soit par ma vie, soit par ma mort ». La
question est de savoir comment il espérait atteindre ce
résultat.
Il nous donne la réponse au verset 21 : « Pour moi,
Christ est ma vie et la mort m’est un gain ». Remarquez
que les termes « vie » et « mort » se retrouvent en paral-
lèle dans les deux versets, et que la liaison établie au
verset 21 précise comment le fait de vivre et de mourir
peut glorifier Christ.
32 Au risque d’être heureux

Verset 20 Verset 21
Christ sera exalté.............car pour moi
soit par ma vie..................Christ est ma vie
soit par ma mort...............la mort m’est un gain
Examinons le premier parallèle autour de la mort :
Christ peut être exalté dans mon corps par ma mort
(v. 20), parce que pour moi la mort est un gain (v. 21).
Méditons là-dessus. Christ sera magnifié par ma mort,
si celle-ci est pour moi un gain. Comprenez-vous de
quelle manière Christ est magnifié ? La grandeur de
Christ est manifestée par la mort de Paul si celle-ci est
vécue comme un gain.
Pourquoi ? Parce qu’il gagne Christ lui-même. Le
verset 23 le souligne : « J’ai le désir de m’en aller et
d’être avec Christ, ce qui est de beaucoup le meilleur ».
C’est ce que la mort apporte aux chrétiens : une plus
grande intimité avec Jésus. Nous quittons ce monde
pour être avec lui : c’est là notre gain. Et lorsque nous
vivons la mort de cette manière, expliquait Paul, Christ
est exalté dans notre corps. Considérer Jésus comme
un gain quand nous mourons magnifie Jésus. C’est
l’essence de la louange à l’heure du dernier départ.
Si vous voulez glorifier Christ dans votre mort,
vous devez considérer la mort comme un gain. Cela
signifie alors que Christ est votre récompense, votre
trésor, votre joie. Il doit être pour vous une source de
Glorifier Dieu en trouvant notre plaisir en lui pour toujours 33

satisfaction si profonde qu’au moment où la mort vous


enlève tout ce que vous aimez – mais vous rapproche
de Jésus – elle est un gain à vos yeux. Quand vous êtes
satisfait en Christ en mourant, il est glorifié par votre
mort.
Il en est de même de la vie. Nous exaltons Christ
dans notre vie, expliquait Paul, en faisant de lui notre
trésor suprême. C’est ce qu’il impliquait dans le ver-
set 21 lorsqu’il dit : « Pour moi, Christ est ma vie ».
Nous savons cela parce que, dans Philippiens 3 : 8,
Paul affirmait : « Et même je considère tout comme
une perte à cause de l’excellence de la connaissance
du Christ-Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai ac-
cepté de tout perdre, et je considère tout comme des
ordures, afin de gagner Christ ».
Ainsi, l’idée de Paul était que, pour un chrétien,
la vie et la mort sont des actes de louange – exaltant
Jésus, révélant et exprimant sa grandeur – quand ils dé-
coulent d’une expérience intime où Christ est un gain
précieusement choyé. Christ est d’autant plus célébré
par notre mort que nous le chérissions déjà davantage
que notre propre vie. Et plus nous sommes satisfaits
en lui avant de mourir, plus il est glorifié par notre vie.
34 Au risque d’être heureux

Si l’honneur de Christ constitue notre passion, la


poursuite du plaisir en lui constitue notre devoir .

Le dénominateur commun entre vivre et mourir est


de considérer que Christ est notre trésor, la source de
notre entière satisfaction, dans la vie comme dans la
mort. Christ est exalté quand il est tenu en haute estime.
Il est magnifié comme un trésor glorieux lorsqu’il de-
vient notre plaisir sans égal. Si nous voulons le louer
et le magnifier, nous ne pouvons être indifférents à la
valeur et au plaisir que nous trouvons en lui. Si l’hon-
neur de Christ constitue notre passion, la poursuite du
plaisir en lui constitue notre devoir.
35

Chapitre 3
Les sentiments
ne sont pas facultatifs

Vous comprendrez peut-être pourquoi je suis éton-
né face au grand nombre de personnes qui essayent
de définir l’authenticité du christianisme en termes de
choix et non de sentiments. Je ne conteste pourtant pas
la nature essentielle des décisions. Le problème, c’est
qu’elles requièrent très peu de transformations chez
l’individu. En effet, le fait de prendre certaines déci-
sions ne constitue pas, en soi, une preuve infaillible de
l’œuvre de la grâce de Dieu dans un cœur. Être éloi-
gné de Dieu n’empêche pas de prendre toutes sortes de
« décisions » vis-à-vis de la vérité divine.
Nous nous sommes bien écartés du christianisme
biblique tel que Jonathan Edwards le concevait. En se
référant à 1 Pierre 1 : 8, il affirmait que « la vraie reli-
gion est, en grande partie, constituée de sentiments » 18.
36 Au risque d’être heureux

Vous l’aimez sans l’avoir vu. Sans le voir encore, vous


croyez en lui et vous tressaillez d’une allégresse indi-
cible et glorieuse (1 Pierre 1 : 8).

Tout au long des Écritures, nous sommes non seu-


lement enjoints à réfléchir et à choisir, mais aussi à res-
sentir. Nous recevons l’ordre d’éprouver toutes sortes
d’émotions, et pas seulement d’exercer notre volonté.
Par exemple, l’ordre divin de ne pas convoiter
(Exode 20 : 17) illustre bien que chaque commande-
ment qui proscrit un sentiment incite à un autre sen-
timent par ricochet. La convoitise a pour contraire
le contentement, et c’est précisément ce qu’Hé-
breux 13 : 5 nous ordonne de vivre : « Contentez-vous
de ce que vous avez » (Semeur).
Dieu nous ordonne de ne pas nous venger (Lévi-
tique 19 : 18). La démarche opposée et positive consiste
à pardonner « de tout son cœur », une recommandation
faite par Jésus dans Matthieu 18 : 35. La Bible ne nous
demande pas simplement de décider d’oublier nos
griefs. Elle prône un changement au niveau du cœur.
Elle va même encore plus loin en réclamant une cer-
taine intensité dans notre ressenti. De tels ordres nous
sont donnés dans des passages tels que 1 Pierre 1 : 22 :
« Aimez-vous les uns les autres ardemment et de tout
cœur » ou encore Romains 12 : 10 : « Par amour frater-
nel, ayez de l’affection les uns pour les autres ».
Les sentiments ne sont pas facultatifs 37

Nous avons pour devoir et vocation


d’être satisfaits en Dieu .

Les gens sont souvent troublés par l’hédonisme


chrétien quand il enseigne qu’éprouver des émotions
relève de leur devoir – et du commandement divin.
Cela leur paraît étrange parce que, contrairement aux
décisions, les émotions ne semblent pas sujettes à notre
contrôle immédiat. Mais l’hédonisme chrétien répond :
« Examinez les Écritures ». Les sentiments font bien
l’objet d’injonctions à travers toute la Bible.
Les écrits bibliques prescrivent entre autres la
joie, l’espoir, la crainte, la paix, le chagrin, le désir,
la tendresse, un cœur brisé et contrit, la gratitude et
l’humilité 19. L’hédonisme chrétien n’exagère pas la
place donnée aux sentiments quand il affirme que nous
avons pour devoir et vocation d’être satisfaits en Dieu.
Il est vrai que nos cœurs sont souvent indolents.
Nous sommes insensibles à la profondeur et à l’inten-
sité des sentiments que Dieu et sa cause méritent. Il est
également vrai que, dans ces moments-là, nous devons
exercer notre volonté et faire des choix qui favorisent
le retour de l’enthousiasme. Nous ne tendons pas à
vivre un amour sans joie (« Dieu aime celui qui donne
avec joie » – 2 Corinthiens 9 : 7 ; « Que celui qui aide
38 Au risque d’être heureux

les malheureux le fasse avec joie » – Romains 12 : 8),


mais mieux vaut s’acquitter d’un devoir sans plaisir
que d’y renoncer, dans la mesure où nous nous repen-
tons d’avoir manqué la cible à cause de notre apathie.
Je suis régulièrement interrogé sur ce que nous
devons faire, en tant que chrétien, quand notre joie
d’obéir s’évanouit. C’est une bonne question. Je
pense qu’il ne faut pas simplement maintenir le cap
en ignorant ses sentiments. Je suggère une réponse en
trois étapes. Premièrement, confesser notre manque
d’enthousiasme : « Du bout de la terre je crie à toi,
le cœur abattu ; conduis-moi sur le rocher trop élevé
pour moi ! » (Psaumes 61 : 3). Il nous faut reconnaître
la froideur de notre cœur. Ne pas accepter de croire
que les sentiments n’ont aucune importance. Deuxiè-
mement, demander sincèrement à Dieu de restaurer en
nous la joie d’obéir : « Je prends plaisir à faire ta vo-
lonté, mon Dieu ! Et ta loi est au fond de mon cœur »
(Psaumes 40 : 9). Et troisièmement, persévérer dans
nos engagements autour de nous dans l’espoir que
l’action ravivera notre passion pour Dieu.
C’est une démarche très différente de celle qui
consiste à dire : « Accomplissez votre devoir, les senti-
ments ne comptent pas ». Ces trois étapes considèrent
que l’hypocrisie existe. Elles s’appuient sur la convic-
tion suivante : nous avons pour but de conjuguer de-
Les sentiments ne sont pas facultatifs 39

voir et plaisir, et justifier leur séparation équivaut à


justifier le péché.

Devenir un chrétien hédoniste relève du miracle


de la grâce souveraine.

Oui, il est de plus en plus évident que l’expérience


du plaisir en Dieu dépasse les frontières de nos cœurs
pécheurs. Elle va à l’encontre de notre nature. Nous
sommes esclaves du plaisir dans bien des domaines
de nos vies (Romains 6 : 17) et nous ne pouvons pas
simplement décider de trouver notre plaisir en Dieu
si Dieu n’est pas pour nous passionnant, captivant et
fascinant. Devenir un chrétien hédoniste relève du mi-
racle de la grâce souveraine. C’est pourquoi l’apôtre
Paul a comparé la naissance d’un chrétien à une ré-
surrection : « Nous qui étions morts par nos fautes,
[Dieu] nous a rendus à la vie avec le Christ » (Éphé-
siens 2 : 5). Et c’est aussi pourquoi Jésus a déclaré
qu’il est plus facile à un chameau de passer par le trou
d’une aiguille qu’à un riche de renoncer à l’argent et
se mettre à aimer Dieu (Marc 10 : 25). Les chameaux
ne peuvent pas passer par le trou d’une aiguille, tout
comme les morts sont incapables de revenir à la vie.
Voilà pourquoi Jésus ajoute : « Cela est impossible
40 Au risque d’être heureux

aux hommes, mais non à Dieu, car tout est possible à


Dieu » (Marc 10 : 27). L’hédonisme chrétien engendre
donc une complète dépendance envers la souveraineté
divine. Il nous enseigne à prêter l’oreille au comman-
dement « Réjouissez-vous dans le Seigneur » et ensuite
à prier, comme Saint-Augustin : « Ordonne ce que tu
désires, mais donne ce que tu ordonnes 20 ».
41

Chapitre 4
La recherche du plaisir
détrône l’orgueil et
l’apitoiement sur soi

Aux antipodes de l’orgueil si répandu parmi les
hommes, « Dieu a choisi les choses viles du monde,
celles qu’on méprise, […] afin que nulle chair ne se
glorifie devant Dieu » (1 Corinthiens 1 : 28-29). Toute
vision de la vie chrétienne qui se revendique des pré-
ceptes bibliques doit avoir l’orgueil pour ennemi. C’est
là une des grandes valeurs de l’hédonisme chrétien : il
démolit le pouvoir de l’orgueil.
Ce fléau est la principale cause du mal dans l’univers.
Dieu exprime ce qu’il en pense sans la moindre am-
biguïté : « L’arrogance et l’orgueil, […] voilà ce que je
hais » (Proverbes 8 : 13).

L’hédonisme chrétien combat l’orgueil en plaçant


l’être humain dans une position de récipient vide à por-
42 Au risque d’être heureux

tée de la fontaine divine. Les philanthropes peuvent se


vanter ; les bénéficiaires de la grâce, non. L’hédoniste
chrétien éprouve premièrement un sentiment d’im-
puissance, de désespoir et d’ardent désir. Lorsqu’un
petit enfant perd l’équilibre, balayé par une vague à
la plage, et que son père le rattrape juste à temps, il ne
se vante pas : il se blottit dans les bras qui l’ont sauvé.
Il est plus aisé de comprendre la nature et l’éten-
due de l’orgueil chez l’être humain en comparant la
vantardise à l’apitoiement sur soi : tous deux sont des
manifestations de l’orgueil. En effet, la vantardise re-
flète l’orgueil du succès, tandis que l’apitoiement sur
soi reflète l’orgueil de la souffrance. Celui qui se vante
dit : « Je mérite l’admiration parce que j’ai beaucoup
accompli ». Celui qui s’apitoie sur lui-même dit : « Je
mérite l’admiration parce que j’ai beaucoup souffert ».
Le cœur de l’un enfle parce qu’il se sent fort. Celui
de l’autre parce qu’il se sent faible. La vantardise vé-
hicule une impression d’autosuffisance, l’apitoiement
sur soi une impression d’esprit de sacrifice.
La raison pour laquelle l’apitoiement sur soi ne
ressemble pas à l’orgueil est qu’il exprime apparem-
ment un besoin. Mais ce besoin émane d’une blessure
de l’ego. Il ne découle pas d’un sentiment d’indignité,
mais de celui d’une dignité non reconnue, le reflet d’un
orgueil non récompensé.
La recherche du plaisir détrône l’orgueil et l’apitoiement sur soi 43

L’hédonisme chrétien s’attaque à la racine de cet


apitoiement. Ceux qui acceptent de souffrir au nom de
la joie n’éprouvent pas la nécessité de s’apitoyer sur
eux-mêmes.
Heureux serez-vous, lorsqu’on vous insultera, qu’on
vous persécutera et qu’on répandra sur vous toute
sorte de mal, à cause de moi.
Réjouissez-vous et soyez dans l’allégresse, parce que
votre récompense sera grande dans les cieux, car c’est
ainsi qu’on a persécuté les prophètes qui vous ont
précédés (Matthieu 5 : 11-12).

Une telle démarche extirpe les racines de l’apitoie-


ment sur soi. Quand les hédonistes chrétiens souffrent
pour la cause de Christ, ils ne mobilisent pas leurs
propres ressources comme des héros, mais ils devien-
nent semblables à des petits enfants qui se réfugient
dans les bras puissants de leur père et désirent rece-
voir sa joie en récompense. Les grands martyrs de la
foi ont toujours témoigné de leur hédonisme chrétien
en refusant autant les honneurs que la pitié d’autrui.
Les exemples tirés de la vie de plusieurs missionnaires
nous illustreront cela dans le dernier chapitre.
44 Au risque d’être heureux

L’hédonisme chrétien combat l’orgueil en plaçant


l’être humain dans une position de récipient vide
à portée de la fontaine divine.

Nous pouvons régulièrement observer ce principe


en action chez ceux qui sont fidèles à Dieu. J’ai, par
exemple, connu un professeur d’université qui officiait
comme diacre pour recueillir les offrandes sur le balcon
d’une grande église. Un jour où il s’apprêtait à prendre
son poste, le pasteur lui fit l’éloge d’avoir accepté cette
petite responsabilité malgré son doctorat en théologie.
Le professeur déclina et atténua humblement le com-
pliment en citant le verset 11 du psaume 84 :
Mieux vaut en effet un jour dans tes parvis que mille
ailleurs ; j’ai choisi de me tenir sur le seuil de la maison
de mon Dieu, plutôt que de résider sous les tentes de
la méchanceté.

Autrement dit : « Ne croyez pas que je combats hé-


roïquement un terrible manque d’enthousiasme lorsque
je me tiens humblement sur le seuil du sanctuaire. La
Parole de Dieu affirme que c’est une source de grandes
bénédictions ! Je suis donc en train de développer ma
joie en Dieu au maximum ». Ceux qui font simplement
ce qui les rend le plus heureux ne sont pas des gens
que nous aurons tendance à plaindre ou à encenser. Et
La recherche du plaisir détrône l’orgueil et l’apitoiement sur soi 45

même si leur démarche est assimilée à une vertu, notre


admiration s’orientera davantage vers le Trésor inesti-
mable qui réjouit leurs cœurs que vers la satisfaction
qu’ils éprouvent. Apprécier l’infiniment appréciable
n’est pas un exploit. À moins d’être mort spirituelle-
ment et d’avoir besoin de la résurrection que seul Dieu
peut opérer. Nous respirerons alors l’air agréable de la
grâce à la sortie du tombeau.
La plupart des gens reconnaissent que faire quelque
chose par plaisir – même sur un plan purement terre à
terre – est une expérience qui produit l’humilité. Pre-
nons un exemple. Un homme d’affaires invite des amis
à dîner. Lorsqu’il règle l’addition à la fin du repas, ces
derniers le remercient pour sa générosité. Il lève alors
la main et les arrête en disant simplement : « Je vous en
prie. C’est mon plaisir ! » Autrement dit : quand nous
faisons une bonne action pour le plaisir, notre pulsion
orgueilleuse est stoppée nette. L’élan néfaste est brisé
et c’est bien là la volonté de Dieu. Et c’est aussi l’une
des raisons pour laquelle l’hédonisme chrétien est tel-
lement primordial dans la vie chrétienne.
47

Chapitre 5
Recherchez votre joie
dans celle que vous
procurez aux autres

Si nous nous approchons de Dieu par devoir, en
lui offrant pour « récompense » notre communion avec
lui, au lieu de soupirer ardemment après la récompense
que représente sa communion avec nous, nous nous
exaltons de fait au-dessus de lui : nous devenons ses
bienfaiteurs et le réduisons au simple statut de bénéfi-
ciaire. C’est un acte condamnable.
La seule façon de rendre gloire à la toute-suffi-
sance de Dieu est de s’approcher de lui en raison des
joies abondantes et des délices éternelles accessibles
en sa présence (Psaumes 16 : 11). Nous pourrions qua-
lifier cela d’hédonisme chrétien « vertical ». Sur cet
axe entre l’homme et Dieu, la poursuite du plaisir n’est
pas accessoire, mais bien obligatoire : « Fais de l’Éter-
48 Au risque d’être heureux

nel tes délices ! » La raison d’être ultime de l’homme


est de glorifier Dieu en trouvant en lui son bonheur
éternel.
Mais qu’en est-il de l’hédonisme chrétien sur le
plan horizontal, celui des relations d’amour avec au-
trui ? L’amour désintéressé représente-t-il l’idéal dans
le cadre des rapports entre humains ? Ou bien faut-il
considérer la recherche du plaisir comme nécessaire,
voire même obligatoire, dans toute manifestation
d’amour que Dieu approuve ?
L’hédonisme chrétien répond : La recherche du
plaisir est une motivation essentielle dans l’accom-
plissement de toute bonne action. Si vous renoncez à
cette recherche de la joie parfaite et durable, vous ne
pouvez aimer les autres ou plaire à Dieu.
Un jour où j’avais prêché sur ce sujet, un profes-
seur de philosophie m’a écrit une lettre avec la critique
suivante :
N’est-ce pas là l’argument de la moralité, que nous de-
vons faire le bien parce qu’il s’agit du bien ? […] À mon
avis, nous devons faire le bien et agir vertueusement
parce que ce sont des choses bonnes et vertueuses. Si
ensuite Dieu nous bénit et nous procure de la joie, ce
n’est qu’une conséquence, cela ne peut pas être une
motivation.

Un autre écrivain célèbre affirme : « Pour le chré-


tien, le bonheur n’est jamais un objectif à atteindre.
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 49

C’est toujours la surprise inattendue naissant d’une vie


de service ».
Ces citations illustrent un courant de pensée
contemporain auquel l’hédoniste chrétien est constam-
ment confronté. Cette façon de voir les choses est
contraire à la fois aux Écritures et à l’amour, et finit
généralement par déshonorer Dieu.
Naturellement, certains textes bibliques qui nous
viennent à l’esprit semblent s’opposer directement à la
pensée de l’hédonisme chrétien. Par exemple, dans son
magnifique « chapitre de l’amour », l’apôtre Paul dé-
clare que l’amour « ne cherche pas son intérêt » (1 Co-
rinthiens 13 : 5). Faut-il en déduire pour autant que
trouver du plaisir à faire le bien n’est pas synonyme
d’aimer ?
Par la bouche du prophète Michée, Dieu nous or-
donne non seulement de témoigner de la bonté les uns
envers les autres, mais aussi de prendre plaisir à témoi-
gner de la bonté. « On te l’a enseigné, ô homme, ce qui
est bien et ce que l’Éternel attend de toi : c’est que tu te
conduises avec droiture, que tu prennes plaisir à témoi-
gner de la bonté et qu’avec vigilance tu vives pour ton
Dieu » (Michée 6 : 8 – Semeur). Obéir à ce commande-
ment nous conduit-il à rejeter l’enseignement de Paul
dans 1 Corinthiens 13 : 5, où il affirme que l’amour
« ne cherche pas son intérêt » ?
50 Au risque d’être heureux

Pas du tout. Ce n’est pas ce que pense Paul. Nous


le voyons bien au verset 3 du même chapitre, lorsqu’il
annonce que l’amour doit être motivé par l’espoir d’un
profit : « Et quand je distribuerais tous mes biens pour
la nourriture des pauvres, quand je livrerais même mon
corps pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me
sert de rien » (« cela ne me profite de rien » – Darby
1975). Si l’amour authentique n’a pas le droit de consi-
dérer ce qu’il peut gagner en retour, n’est-il pas étrange
que Paul nous avertisse qu’un manque d’amour nous
prive d’un « profit » potentiel ?
Sur la base de ce que Paul affirme, ne faut-il pas
présumer que certains types de « profits » ne devraient
pas nous motiver (« l’amour ne cherche pas son inté-
rêt »), tandis que d’autres méritent bien d’inspirer notre
motivation (« si je n’ai pas l’amour, cela ne me profite
de rien ») ? En quoi consiste donc ce « profit louable » ?
La réponse de Jonathan Edwards est fascinante :
Dans un sens, la personne la plus bienveillante et la
plus généreuse au monde recherche toujours son
propre bonheur en aidant les autres, parce qu’elle
trouve son plaisir en leur bien-être. Elle a un cœur si
large que ces autres font, pour ainsi dire, partie d’elle-
même : quand ils sont heureux, elle le ressent, elle
partage leur vie, elle trouve son bonheur en leur bon-
heur 21.
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 51

Autrement dit, quand Paul affirme que « l’amour


ne cherche pas son intérêt », il ne prétend pas qu’il est
défendu à une personne aimante de prendre plaisir à
l’amour qu’elle témoigne. Il montre plutôt que l’amour
ne se prévaudra pas d’une satisfaction et d’un plaisir
personnels aux dépens des autres.
La valeur morale d’un acte d’amour ne disparaît
pas quand cet acte est motivé par une anticipation de la
joie qu’il renferme et du plaisir qu’il procure. Dans le
cas contraire, un homme vil qui abhorre l’idée d’aimer
pourrait tout de même s’engager dans un acte d’amour
pur, puisqu’il est capable de n’y prendre aucun plaisir.
Et d’un autre côté, un homme vertueux qui se réjouirait
de la perspective d’aimer, ne pourrait aimer véritable-
ment, puisque cela lui apporterait du plaisir et serait
pour lui source de « profit », détruisant donc ainsi la
valeur même de l’acte d’aimer.
Par conséquent, 1 Corinthiens 13 : 5 (« L’amour
ne cherche pas son intérêt ») ne s’oppose pas à l’hé-
donisme chrétien. Bien au contraire, associé à 1 Co-
rinthiens 13 : 3 (« Quand je livrerais même mon corps
pour être brûlé, si je n’ai pas l’amour, cela ne me sert
de rien »), ce verset soutient et met en lumière l’hédo-
nisme chrétien : la poursuite du vrai profit est une mo-
tivation essentielle dans l’accomplissement de toute
bonne action.
52 Au risque d’être heureux

Quelle est la nature de ce « vrai profit » ? Dans


2 Corinthiens 8, Paul explique que l’amour véritable
considère toujours Dieu comme le bien ultime, le
« vrai profit ». Les églises de la Macédoine avaient fait
preuve d’amour authentique en répondant généreuse-
ment à l’appel de Paul en faveur des pauvres de Jéru-
salem. L’apôtre décrit aux Corinthiens la nature de cet
amour :
Nous vous faisons connaître, frères, la grâce de Dieu
qui s’est manifestée dans les églises de la Macédoine.
Quoique très éprouvés par des tribulations, leur joie
débordante et leur pauvreté profonde ont produit
avec abondance de riches libéralités : selon leurs pos-
sibilités, je l’atteste, et même au-delà de leurs possi-
bilités, de leur plein gré, ils nous ont demandé avec
beaucoup d’insistance la grâce de participer à ce ser-
vice en faveur des saints (2 Corinthiens 8 : 1-4).

Nous savons qu’il s’agit ici d’une description de


l’amour, parce qu’au verset 8, Paul déclare : « Je ne
dis pas cela pour donner un ordre, mais pour éprouver
[…] la sincérité de votre amour ». Nous avons donc
ici un exemple type illustrant ce à quoi peut ressem-
bler l’amour du 13e chapitre aux Corinthiens dans la
vie quotidienne. Les Macédoniens ont donné ce qu’ils
possédaient, comme mentionné dans 1 Corinthiens 13
(« Quand je distribuerais tous mes biens »). Dans leur
cas, il s’agit d’amour véritable ; il n’en est rien dans
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 53

1 Corinthiens 13. En quoi la générosité des Macédo-


niens était-elle un acte d’amour authentique ?
Quatre points illustrent la sincérité de l’amour :
Premièrement, c’est une œuvre de la grâce divine :
« Nous vous faisons connaître, frères, la grâce de Dieu
qui s’est manifestée dans les églises de la Macédoine »
(2 Corinthiens 8 : 1). Leurs dons généreux n’étaient
pas d’origine humaine : leurs cœurs avaient été touchés
par la grâce.
Deuxièmement, cette grâce divine les remplissait
de joie : « Quoique très éprouvés par des tribulations,
leur joie débordante et leur pauvreté profonde ont pro-
duit avec abondance de riches libéralités » (2 Corin-
thiens 8 : 2). Leur joie ne venait pas d’une prospérité
financière accordée par Dieu. Ils étaient extrêmement
pauvres. Il s’agissait donc d’une joie fondée sur Dieu
et non sur des biens matériels.
Troisièmement, leur joie en la grâce divine allait
généreusement à la rencontre des besoins des autres.
« Leur joie débordante et leur pauvreté profonde ont
produit avec abondance de riches libéralités » (2 Co-
rinthiens 8 : 2). Cette générosité envers les hommes
provenait bien de la joie surabondante que leur procu-
rait la grâce divine.
Quatrièmement, les Macédoniens cherchaient par
tous les moyens l’occasion de sacrifier leurs maigres
54 Au risque d’être heureux

possessions au profit des saints à Jérusalem. « Au-


delà de leurs possibilités, de leur plein gré, ils nous
ont demandé avec beaucoup d’insistance la grâce de
participer à ce service en faveur des saints » (2 Corin-
thiens 8 : 3-4). En d’autres termes, leur joie débordante
en Dieu s’exprimait à travers leur joie de donner. Ils
voulaient se montrer généreux. C’était là leur plaisir !
Nous pouvons maintenant formuler une défi-
nition de l’amour qui prenne en compte Dieu et les
sentiments devant accompagner nos démonstrations
d’amour : l’amour est l’expression débordante d’une
joie en Dieu qui trouve son plaisir à répondre aux be-
soins des autres. L’amour ne consiste pas seulement en
un débordement passif : il reflète la force, l’étendue et
la plénitude de la joie en Dieu, qui va jusqu’à atteindre
des pauvres à Jérusalem.

L’amour est l’expression débordante d’une joie


en Dieu qui trouve son plaisir à répondre
aux besoins des autres.

Voilà pourquoi une personne peut livrer son corps


pour être brûlé sans aimer (1 Corinthiens 13 : 3).
L’amour est l’expression débordante d’une joie en
Dieu ! Ce n’est pas le devoir pour le devoir, ou le bien
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 55

pour le bien. Ni un abandon résolu de son bien-être


dans le seul but de contribuer au bien-être d’un autre.
C’est avant tout une expérience profondément satis-
faisante de la plénitude que procure la grâce divine,
suivie de l’expérience doublement satisfaisante qui
consiste à partager ce plaisir en Dieu avec autrui.
Les Macédoniens avaient découvert l’œuvre de
l’hédonisme chrétien : aimer ! C’est l’expression dé-
bordante de la joie en Dieu, joie qui trouve son plaisir
à répondre aux besoins des autres.
J’espère que vous comprenez mieux pourquoi j’af-
firme que, si vous tentez de renoncer à cette recherche
de votre joie parfaite et durable, vous ne pouvez aimer
les autres ou plaire à Dieu. Si l’amour est l’expression
débordante de la joie en Dieu qui pourvoit aux besoins
des autres, alors renoncer à rechercher ce plaisir équi-
vaut à renoncer à rechercher l’amour ! Et si Dieu se
plaît dans celui ou celle qui donne joyeusement, ne pas
rechercher cette joie nous entraîne dans une direction
qui lui déplaît. Si nous sommes indifférents à l’idée
d’accomplir une bonne action joyeusement, nous
sommes indifférents à ce qui plaît à Dieu.
Il est donc particulièrement important que nous
soyons des hédonistes chrétiens dans nos relations ho-
rizontales avec les autres, et pas seulement dans nos
rapports avec Dieu sur le plan vertical. Si l’amour est
56 Au risque d’être heureux

l’expression débordante de la joie en Dieu, qui se plaît


à répondre aux besoins des autres, et que Dieu aime
ceux qui donnent avec joie, cela signifie que trouver et
rechercher son plaisir en cette générosité est un devoir
chrétien, et qu’y renoncer constitue un péché.


Il serait facile de mal interpréter l’hédonisme chré-
tien à ce stade, parce que l’accent mis sur le plaisir et
la joie semble exclure toute idée de souffrance et de
tristesse. Ce serait là une grave erreur. L’apôtre Paul
se décrit comme quelqu’un d’attristé mais toujours
joyeux (2 Corinthiens 6 : 10). Ailleurs, il nous ordonne
de pleurer avec ceux qui pleurent (Romains 12 : 15). Et
quand il pense à ses frères juifs qui ne sont pas sauvés,
il avoue éprouver « une grande tristesse et un chagrin
continuel dans le cœur » (Romains 9 : 2). Enfin, c’est
dans « une grande affliction, le cœur serré, avec beau-
coup de larmes » qu’il écrit aux églises qui vivent dans
le péché (2 Corinthiens 2 : 4).
La satisfaction de l’hédoniste chrétien n’est pas
une sérénité mystique, insensible à la souffrance d’au-
trui. Dans notre époque de futilité et de décadence, ce
contentement est empreint d’une profonde insatisfac-
tion. L’hédoniste chrétien est constamment assoiffé
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 57

d’une plus grande mesure de la grâce divine. Et même


quand Dieu lui procure, ici et là, une dose de satisfac-
tion, il éprouve le besoin insatiable de la partager avec
les autres (2 Corinthiens 8 : 4 ; 1 Jean 1 : 4).
La joie chrétienne se présente comme un conten-
tement insatisfait à chaque fois qu’il perçoit un besoin
humain. Elle se répand alors avec amour pour y ré-
pondre et apporter l’enthousiasme de la foi à la per-
sonne concernée. Mais comme il y a souvent un obs-
tacle, ou un délai d’attente entre le moment où l’on
constate la souffrance d’autrui et celui où l’on se ré-
jouit du bonheur retrouvé, la tristesse a sa place. Les
larmes de compassion coulent lorsque les larmes de
joie n’ont pu atteindre l’autre.
Si le bonheur des autres nous était indifférent, nous
ne souffririons pas non plus quand ils sont malheureux.
Ne vous méprenez pas : l’amour est passionnément en
quête de la satisfaction de notre ardent désir de faire
pour les autres ce qui est bon aux yeux de Dieu. L’hé-
donisme chrétien rejette la philosophie pompeuse qui
affirme que « pour le chrétien, le bonheur n’est jamais
un objectif que l’on cherche à atteindre. C’est toujours
la surprise inattendue naissant d’une vie de service ».
Les paroles de Jésus, citées par Paul dans
Actes 20 : 35, constituent l’une des raisons bibliques
les plus explicites permettant de s’opposer à ce point
58 Au risque d’être heureux

de vue répandu. L’apôtre est profondément attristé


en adressant ses dernières salutations aux anciens
d’Éphèse. Il écrit : « En tout, je vous ai montré qu’il
faut travailler ainsi, pour venir en aide aux faibles, et
se rappeler les paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-
même : “Il y a plus de bonheur à donner qu’à rece-
voir” ».
La portée hédoniste de ces paroles restera inac-
cessible pour nous si nous ne prenons pas le temps de
méditer sur le verbe se rappeler. Paul ne se contente
pas d’affirmer qu’il y a plus de bonheur à donner qu’à
recevoir. Il souligne qu’il est crucial, dans nos démons-
trations d’amour, de s’en rappeler. Gardez cela à l’es-
prit. Ne l’oubliez pas, et puisez-y votre motivation.
La plupart des chrétiens d’aujourd’hui reconnais-
sent que donner procure plus de bonheur que recevoir.
Mais bien peu estiment que cette vérité devrait les mo-
tiver. Ils pensent que le bonheur survient comme résul-
tat : s’il se transforme en motivation, la valeur morale
de nos dons s’écroule et nous devenons alors des mer-
cenaires. Le verbe se rappeler, au cœur d’Actes 20 : 35,
s’érige en obstacle à cette sagesse populaire. Pourquoi
Paul aurait-il dit à des anciens d’église de garder à
l’esprit les heureuses bénédictions qui accompagnent
la générosité, si cela faisait d’eux des mercenaires ?
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 59

Je ne peux concevoir que quelqu’un obéisse au


verbe se rappeler dans Actes 20 : 35 et puisse malgré
tout continuer à penser qu’il n’est pas bon de recher-
cher la joie comme récompense dans un ministère.
Paul croyait, au contraire, en la nécessité de fixer les
yeux sur cette joie. « N’oubliez pas ! Il y a plus de bon-
heur à donner qu’à recevoir ».
L’apôtre Paul emploie ces mots parce que le coût
de l’amour dans cette vie est tellement élevé qu’il nous
écraserait si nous n’avions pas l’espoir de trouver notre
joie en Christ ici-bas et dans l’au-delà. Paul déclare :
« Si c’est dans cette vie seulement que nous espérons
en Christ, nous sommes les plus malheureux de tous
les hommes » (1 Corinthiens 15 : 19). Autrement dit,
une vie d’amour entachée de souffrances et de risques
serait dénuée de sens s’il n’y avait aucune récompense
à la clé après la mort.
Paul emboîte le pas à son Maître dans cette ap-
proche, car c’est ainsi que Jésus a défini la motivation
associée aux actes d’amour difficiles à exercer : « Et tu
seras heureux, [quand tu aides les pauvres] puisqu’ils
n’ont pas de quoi te rétribuer ; car tu seras rétribué à la
résurrection des justes » (Luc 14 : 14).
Aimer coûte. Dans ce monde, l’amour implique
toujours une forme de renoncement. « Celui qui aime
sa vie la perd, et celui qui a de la haine pour sa vie
60 Au risque d’être heureux

dans ce monde la conservera pour la vie éternelle »


(Jean 12 : 25). L’amour nous coûte notre vie ici-bas.
Mais dans le monde à venir, les délices de la vie éter-
nelle seront pour nous une récompense plus que satis-
faisante. L’hédonisme chrétien insiste sur le fait que
le bonheur éternel comblera largement ce que nous
ont coûté nos douleurs temporaires. Il affirme que cer-
taines joies rares et sublimes ne fleurissent que dans
l’atmosphère pluvieuse de la souffrance. « L’âme se-
rait privée d’arc-en-ciel si les yeux ne versaient pas de
larmes 22 ».
L’auteur du livre des Hébreux a enseigné cela avec
une grande clarté.
D’où vient la compassion envers les prisonniers
lorsqu’elle risque de causer la confiscation de nos
biens ? Voilà la réponse apportée par l’Église du pre-
mier siècle : « En effet, vous avez eu de la compas-
sion pour les prisonniers, et vous avez accepté avec
joie qu’on vous arrache vos biens, sachant que vous
aviez des possessions meilleures et permanentes » (Hé-
breux 10 : 34).
Peu après leur conversion, certains chrétiens
avaient été emprisonnés à cause de leur foi. Les autres
se retrouvaient devant un choix difficile : se cacher et
être en « sécurité », ou visiter leurs frères et sœurs en
prison, mettant ainsi en péril leur vie et leurs biens. Ils
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 61

choisirent d’emprunter la voie de l’amour et coururent


le risque. « Vous avez eu de la compassion pour les pri-
sonniers, et vous avez accepté avec joie qu’on vous ar-
rache vos biens ». Le secret de leur amour était la joie.
Mais d’où venait cette joie ? Réponse : « Sachant
que vous aviez des possessions meilleures et perma-
nentes ». Le verbe savoir occupe ici la même fonction
que le verbe se rappeler dans Actes 20 : 35. « Se rappe-
ler les paroles du Seigneur Jésus, qui a dit lui-même :
“Il y a plus de bonheur à donner qu’à recevoir” ». C’est
le fait de savoir que Dieu leur réservait une récom-
pense meilleure et permanente, qui donna à ces chré-
tiens le courage d’aimer malgré les conséquences.
La force d’aimer était soutenue par la recherche
d’une joie meilleure et durable.
Le même auteur fait à nouveau cette démonstra-
tion en citant l’exemple de Moïse dans Hébreux 11.
C’est par la foi que, devenu grand, Moïse refusa d’être
appelé fils de la fille de Pharaon aimant mieux être
maltraité avec le peuple de Dieu que d’avoir la jouis-
sance éphémère du péché. Il estimait en effet que
l’opprobre du Christ était une plus grande richesse
que les trésors de l’Égypte ; car il regardait plus loin,
vers la récompense (versets 24-26).

Moïse est un héros pour les chrétiens parce que


la joie qu’il éprouvait face à la récompense promise
lui inspirait du mépris pour les plaisirs de l’Égypte.
62 Au risque d’être heureux

Ils étaient trop fugaces et dérisoires comparés à ceux


qu’il contemplait. Cette recherche de la récompense
parfaite et permanente de la joie en Dieu tissa un lien
d’amour indissoluble entre Moïse et Israël. Il endura
des épreuves redoutables au service du peuple de Dieu,
alors qu’il aurait pu vivre confortablement en Égypte.
La puissance de l’amour s’est ainsi manifestée dans la
recherche de l’excellence des plaisirs en la présence de
Dieu, plutôt que dans la futilité des plaisirs fugaces du
péché en Égypte.
Mais l’auteur de l’épître aux Hébreux a gardé
l’exemple le plus fascinant pour la fin. Par quoi a été
motivé le plus grand acte d’amour jamais manifesté
dans l’histoire de l’humanité – l’agonie et la mort de
Jésus à notre place ? La réponse est identique : « Gar-
dons les yeux fixés sur Jésus, qui nous a ouvert le che-
min de la foi et qui la porte à la perfection. Parce qu’il
avait en vue la joie qui lui était réservée, il a enduré la
mort sur la croix » (Hébreux 12 : 2 – Semeur).
La plus grande œuvre d’amour jamais accomplie a
été rendue possible parce que Jésus poursuivait la plus
grande joie imaginable, celle d’être élevé à la droite de
Dieu au milieu de l’assemblée d’un peuple racheté. Il a
accepté la mort sur la croix parce qu’il avait en vue la
joie qui lui était réservée !
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 63

L’hédonisme chrétien consiste à s’engager de tout


notre être à aimer comme Jésus. Nous n’envisageons
pas de vivre avec des motivations plus élevées que les
siennes. Par quoi l’amour est-il entravé dans le monde
actuel ? Par le fait que nous sommes tous à la recherche
de satisfaction personnelle ? Non ! C’est plutôt par le
fait que nous sommes tous trop facilement satisfaits.
Le message qu’il faut crier sur tous les toits est
le suivant : Écoutez, habitants de la terre ! Vous êtes
loin d’être suffisamment hédonistes ! Vous êtes trop
facilement satisfaits. Vous ressemblez à des enfants
qui jouent dans la boue d’un bidonville parce qu’ils
ne peuvent imaginer ce que seraient des vacances à la
mer. Cessez de vous amasser des trésors sur la terre, où
les vers et la rouille détruisent et où les voleurs percent
et dérobent. Amassez-vous plutôt des trésors dans le
ciel (Matthieu 6 : 19-20) !
Cessez de vous contenter de petits plaisirs dont le
faible rendement est constamment rongé par l’inflation
et la brièveté de la vie. Investissez plutôt dans les va-
leurs célestes bien cotées, aux rendements élevés et ga-
rantis par Dieu. En vouant votre vie au confort et aux
joies matérielles, vous jetez l’argent par les fenêtres. Si
vous investissez votre vie au service de l’amour, vous
récolterez les dividendes d’une joie inégalable et infi-
nie – même si cela vous coûte vos biens et votre vie
terrestres.
64 Au risque d’être heureux

Cessez de vous contenter de petits plaisirs dont


le faible rendement est constamment rongé par
l’inflation et la brièveté de la vie.

Venez à Christ ; en sa présence, il y a abondance


de joie et délices éternelles. Prenez à cœur l’œuvre de
l’hédonisme chrétien. Car Jésus-Christ, le Seigneur du
ciel et de la terre, a parlé : il est préférable d’aimer,
plutôt que de vivre dans le confort et les petites joies
matérielles !


Jusqu’ici, j’ai brossé un tableau succinct du mode
de vie que je qualifie d’hédonisme chrétien. Je me suis
efforcé de vous donner un aperçu de ses implications
verticales vis-à-vis de Dieu et horizontales vis-à-vis
d’autrui. J’ai montré que cette démarche est essentielle
à toute adoration véritable et à toute vertu authentique.
L’hédonisme chrétien glorifie Dieu, détrône l’orgueil,
mobilise les sentiments, et supporte le prix de l’amour.
J’ai tenté de prouver que ce concept est parfaitement
biblique et ancré dans l’histoire de l’Église, tout en res-
tant assez radical et controversé.
Recherchez votre joie dans celle que vous procurez aux autres 65

J’aimerais désormais illustrer quelques retombées


pratiques de cette vision des choses dans quatre do-
maines de la vie et du ministère chrétien : l’adoration
de l’Église, le mariage, l’argent et le travail mission-
naire. Si cette vision est bonne, elle aura pour fruits la
gloire de Dieu et la sainteté de son peuple dans chacun
de ces domaines.
67

Chapitre 6
Quelles implications
pour l’adoration ?

La révolte moderne contre le bon vieil hédonisme
chrétien a détruit l’esprit d’adoration dans beaucoup
d’églises, et dans de nombreux cœurs. La notion très
répandue prétendant que toute action louable doit être
dépourvue d’intérêt personnel s’est érigée en ennemie
de l’adoration véritable. L’adoration est pourtant l’ac-
tion la plus louable qu’aucun homme puisse accomplir ;
c’est pourquoi la notion morale d’un devoir accompli
de manière désintéressée constitue pour beaucoup de
gens, en matière d’adoration, l’unique base et la seule
motivation acceptables. Mais quand l’adoration est
réduite à une simple obligation désintéressée, elle se
dénature et perd sa vocation : celle d’être un festin à la
table des perfections glorieuses de Dieu en Christ.
68 Au risque d’être heureux

Dieu n’est pas honoré quand c’est un piètre senti-


ment de devoir qui nous pousse à célébrer les moments
forts de notre relation avec lui. Il est glorifié lorsque
nous faisons de ces moments nos délices ! Pour l’ho-
norer véritablement, nous ne devons pas rechercher
sa présence avec un désintéressement délibéré, par
crainte d’éprouver du plaisir en l’adorant et ainsi dé-
truire la valeur morale de notre démarche. Il nous faut,
bien au contraire, nous approcher de Dieu avec une
bonne dose d’hédonisme, telle une biche qui soupire
après des courants d’eau, pour justement éprouver le
plaisir de voir et de savourer Dieu ! L’adoration n’est
rien de moins que l’obéissance au commandement di-
vin : « Fais de l’Éternel tes délices » (Psaumes 37 : 4).
Une compréhension erronée de la vertu étouffe
l’esprit d’adoration. L’individu qui nourrit l’idée
confuse selon laquelle le renoncement à des intérêts
personnels est une vertu, et la recherche du plaisir un
vice, sera difficilement en mesure d’adorer. En effet,
l’adoration est l’expérience la plus hédoniste qui nous
soit donnée de vivre : ne la laissons donc pas être ter-
nie par la moindre pensée de désintéressement. Le plus
grand obstacle dans notre adoration de Dieu n’est pas
le fait que nous recherchons trop de plaisirs mais bien
que nous nous contentons de plaisirs misérables.
Quelles implications pour l’adoration ? 69

Le plus grand obstacle dans notre adoration de


Dieu n’est pas le fait que nous recherchons trop
de plaisirs mais bien que nous nous contentons de
plaisirs misérables.

Chaque dimanche à 10 heures, Hébreux 11 : 6 livre


bataille avec des conceptions populaires en matière de
qualités désintéressées : « Or, sans la foi, il est impos-
sible de lui plaire ; celui qui s’approche de Dieu doit
croire qu’il existe et qu’il récompense ceux qui le cher-
chent ». Nous ne pouvons pas plaire à Dieu si nous ne
nous approchons pas de lui avec l’espoir d’être récom-
pensés ! Par conséquent, l’adoration qui réjouit le cœur
de Dieu correspond à une recherche hédoniste de sa
personne. Il est notre récompense par excellence ! Il y
a abondance de joies devant sa face et des délices éter-
nelles à sa droite. Trouver notre satisfaction en tout ce
que Dieu est pour nous à travers Jésus constitue l’es-
sence même de l’adoration authentique. Elle est le plat
principal du festin de l’hédonisme chrétien.
Abordons ici trois implications pour nos cultes.
Premièrement, la faiblesse de notre adoration n’est
pas due au fait que les fidèles viennent pour recevoir et
non pour donner. De nombreux pasteurs réprimandent
leurs auditeurs en disant que le culte serait plus vivant
70 Au risque d’être heureux

s’ils venaient non pour recevoir mais pour donner. Ce


n’est pourtant pas le meilleur diagnostic de la situation.
Les gens devraient venir à l’église pour rece-
voir. Ils devraient avoir soif de Dieu et venir en di-
sant : « Comme une biche soupire après des courants
d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu ! »
(Psaumes 42 : 2). Dieu est profondément honoré quand
les gens s’attendent à mourir de faim et de soif s’ils
ne viennent pas à lui. Et mon rôle, en tant que pasteur,
est de mettre un festin devant leurs yeux. Il me faut
leur montrer, à l’aide des Écritures, celui qu’ils recher-
chent vraiment – Dieu – et ensuite les nourrir jusqu’à
ce qu’ils soient complètement rassasiés. Voilà la véri-
table adoration.
Deuxièmement, quand la satisfaction en Dieu est
perçue comme étant l’essence même du culte, celui-ci
se centre alors délibérément sur Dieu.
Rien ne confère à Dieu plus de supériorité et d’im-
portance que des individus convaincus du fait que rien
– ni l’argent, ni le prestige, ni les loisirs, ni la famille,
ni le travail, ni la santé, ni les activités sportives, ni
les jouets, ni les amis ou tout autre chose – ne peut
étancher la soif de leur cœur en dehors de lui. Cette
certitude suscite des personnes qui recherchent inten-
sément Dieu lorsqu’elles se rassemblent le dimanche
matin.
Quelles implications pour l’adoration ? 71

Si notre attention se concentre sur ce que nous ap-


portons à Dieu au lieu de rester fixée sur le don que
Dieu nous fait de sa personne, il en résulte un subtil
changement d’intérêt : ce n’est soudain plus le Sei-
gneur qui est au centre de nos préoccupations, mais
bien la qualité de ce que nous pouvons lui offrir. Nos
chants sont-ils d’une qualité suffisante pour plaire
au Seigneur ? Nos musiciens jouent-ils de manière
agréable à Dieu ? La prédication a-t-elle été agréée
comme une offrande digne ? Tout cela paraît louable
à première vue. Mais, petit à petit, le projecteur se dé-
tourne de l’aspect absolument essentiel de la personne
de Dieu lui-même, pour se focaliser sur le mérite de
nos performances. Et nous commençons même à défi-
nir l’excellence et l’impact de nos cultes par la finesse
technique de nos œuvres artistiques.
Rien ne maintient davantage Dieu au centre de
notre culte que la conviction biblique selon laquelle
l’essence de l’adoration réside en la satisfaction pro-
fonde et véritable que l’on trouve en Dieu, et la convic-
tion que si nous nous réunissons, c’est justement pour
rechercher ensemble cette satisfaction.
Troisièmement, l’hédonisme chrétien protège
l’importance de l’adoration en nous obligeant à consi-
dérer cet acte essentiel venant du cœur comme une fin
en soi.
72 Au risque d’être heureux

Si la raison d’être de l’adoration est la satisfaction


en Dieu, elle ne peut être utilisée à d’autres fins. Nous
ne pouvons pas dire à Dieu : « Je désire être satisfait en
toi afin d’obtenir autre chose ». En effet, cela signifie-
rait que cette autre chose nous apporte une satisfaction
supérieure à Dieu lui-même. Ce serait le déshonorer au
lieu de l’adorer.

Si la raison d’être de l’adoration est la


satisfaction en Dieu, elle ne peut être utilisée
à d’autres fins.

En réalité, beaucoup d’églises et de responsables


conçoivent les « cultes » du dimanche matin comme un
moyen d’atteindre bien d’autres objectifs que l’adora-
tion : encourager les membres, donner à des musiciens
l’occasion d’exercer leurs talents, enseigner les en-
fants, attirer des foules, soulager la souffrance, recruter
du personnel, consolider les couples, réunir des fonds,
évangéliser, renforcer la communion fraternelle, etc.
Tous ces objectifs déprécient l’adoration et Dieu
lui-même. Un amour authentique pour le Seigneur est
une fin en soi. Je ne dirai pas à ma femme : « Je ressens
un profond plaisir à être avec toi – pour qu’ensuite tu
me prépares un bon repas ». Le plaisir ne fonctionne
Quelles implications pour l’adoration ? 73

pas ainsi. C’est en elle que culmine mon amour, et non


dans le repas que j’espère obtenir d’elle. Je ne dirai pas
à mon fils : « J’aime bien jouer au foot avec toi – pour
qu’ensuite tu tondes la pelouse ». Si je trouve vraiment
du plaisir à jouer avec lui, ce plaisir ne saurait se trans-
former en moyen de lui faire accomplir quelque chose.
Je ne nie pas qu’un culte vivant puisse avoir de
nombreuses répercussions positives sur la vie de
l’église. Comme l’amour sincère dans le mariage, il
enrichit tout le reste. Ce que je veux souligner ici, c’est
que si nous venons « adorer » pour ces raisons, notre
adoration cesse d’être authentique. Maintenir la satis-
faction en Dieu à sa place centrale nous préserve de ce
drame.
75

Chapitre 7
Quelles implications
pour le mariage ?

La souffrance qui envahit tant de mariages ne
vient pas de ce que les maris et les femmes poursui-
vent leur propre plaisir : le problème est plutôt qu’ils
recherchent leur plaisir ailleurs que dans le plaisir de
leur conjoint. La Bible ordonne aux époux de chercher
leur joie en celle de leur partenaire, de faire du mariage
un modèle d’hédonisme chrétien.
La Bible contient peu de passages plus hédonistes
que celui d’Éphésiens 5 : 25-30 sur le mariage :
Maris, aimez chacun votre femme, comme le Christ a
aimé l’Église et s’est livré lui-même pour elle, afin de
la sanctifier après l’avoir purifiée par l’eau et la parole,
pour faire paraître devant lui cette Église glorieuse,
sans tache, ni ride, ni rien de semblable, mais sainte
et sans défaut. De même, les maris doivent aimer leur
femme comme leur propre corps. Celui qui aime sa
76 Au risque d’être heureux

femme s’aime lui-même. Jamais personne, en effet,


n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et en prend
soin, comme le Christ le fait pour l’Église, parce que
nous sommes membres de son corps.

Les maris sont invités à aimer leur femme comme


Christ a aimé l’Église. Comment l’a-t-il aimée ? « Il
s’est livré lui-même pour elle ». Mais pourquoi ? « Afin
de la sanctifier après l’avoir purifiée ». Et pour quelle
raison a-t-il fait cela ? « Pour faire paraître devant lui
cette Église glorieuse ».
Ah ! Nous y voilà ! « Il a accepté de mourir sur la
croix, […] parce qu’il avait en vue la joie qui lui était
réservée » (Hébreux 12 : 2). Quelle joie ? La joie de
s’unir à son épouse, l’Église. Jésus ne veut pas d’une
épouse souillée et imparfaite. Aussi a-t-il accepté de
mourir pour sanctifier et purifier sa fiancée, afin qu’elle
se présente devant lui « pleine de gloire ».

La Bible ordonne aux époux de chercher


leur joie en celle de leur partenaire.

Et quelle est la joie ultime de l’Église ? N’est-ce


pas celle d’être purifiée et sanctifiée pour se présenter
comme épouse au souverain Sauveur glorieux ? Christ
a donc recherché sa joie, certes – mais il l’a cherchée
Quelles implications pour le mariage ? 77

en celle de l’Église ! C’est la beauté de l’amour : elle


recherche sa joie dans celle de ses bien-aimés.
Dans Éphésiens 5 : 29-30, Paul pousse l’hédo-
nisme de Christ encore plus loin : « Jamais personne,
en effet, n’a haï sa propre chair ; mais il la nourrit et en
prend soin, comme le Christ le fait pour l’Église, parce
que nous sommes membres de son corps ». Pourquoi
Christ nourrit-il l’Église et en prend-il soin ? Parce que
nous faisons partie de son corps, et qu’aucun homme ne
déteste son corps. Autrement dit, l’union entre Christ
et son épouse est si intime (« un seul corps ») que tout
le bien qu’il lui fait est un bien qu’il s’accorde à lui-
même. Ce texte affirme de façon évidente que c’est
cette raison qui pousse le Seigneur à nourrir, sanctifier,
purifier et prendre soin de son Église.
À en croire certains, ce n’est pas une définition
adéquate de l’amour. En effet, d’aucuns prétendent
que l’amour, et en particulier l’amour qui s’inspire de
Christ et de son œuvre à la croix, doit être dépourvu
d’intérêt personnel. Or, je n’ai jamais vu une telle
conception de l’amour s’harmoniser avec ce passage
des Écritures. Ce que Christ réalise pour son épouse est
clairement désigné ici par le verbe « aimer ». « Maris,
aimez chacun votre femme, comme le Christ a aimé
l’Église ». Pourquoi ne pas laisser le texte biblique
nous imprégner de sa définition de l’amour de Dieu
78 Au risque d’être heureux

pour nous, au lieu d’aller puiser dans nos propres no-


tions d’éthique ou de philosophie ?
À en croire ce verset, l’amour est la recherche de
notre joie dans la sainte joie de celui que nous aimons.
Il est impossible d’exclure la notion d’intérêt person-
nel dans l’amour ; toutefois, intérêt personnel n’est pas
synonyme d’égoïsme. L’égoïsme recherche son plaisir
aux dépens des autres. L’amour recherche son plaisir
dans celui de l’autre. Celui qui aime sera même prêt
à souffrir et mourir pour le bien-aimé, afin que sa joie
soit entièrement dans la vie et la pureté de ce dernier.
Le mari désireux d’obéir à cet ordre doit aimer sa
femme comme Christ a aimé l’Église, c’est-à-dire re-
chercher sa joie dans la sainte joie de son épouse. « De
même, les maris doivent aimer leur femme comme
leur propre corps. Celui qui aime sa femme s’aime
lui-même » (verset 28). En d’autres termes, les maris
doivent investir la même énergie, la même créativité et
le même temps à rendre leur femme heureuse, que ce
qu’ils consacrent naturellement à leur propre bonheur.
Le résultat est qu’en agissant ainsi, ils se rendront heu-
reux. Car celui qui aime sa femme s’aime lui-même.
Et puisque la femme et le mari sont une seule chair, ce
même principe s’applique à la manière dont l’épouse
doit aimer son époux.
Quelles implications pour le mariage ? 79

Mettez la gloire de Christ en évidence en


recherchant votre joie dans la joie sainte
de la personne que vous aimez .

Paul ne s’efforce pas d’endiguer le flot de l’hédo-


nisme : il le canalise. Il explique : « Maris et femmes,
reconnaissez qu’en vous mariant, vous êtes devenus
une seule et même chair. Si vous vivez pour votre plai-
sir égoïste aux dépens de votre partenaire, vous vous
ferez du tort et vous détruirez votre joie. Mais si vous
vous appliquez de tout cœur à apporter une joie sainte
à votre conjoint, vous vivrez aussi pour votre joie per-
sonnelle et construirez un mariage selon le modèle de
Christ et de son Église ». C’est pour cela que Dieu a
institué le mariage : mettez donc la gloire de Christ en
évidence en recherchant votre joie dans la joie sainte
de la personne que vous aimez.
81

Chapitre 8
Quelles implications
pour l’argent ?

L’argent tient une place importante dans l’hédo-
nisme chrétien. Ce que nous en faisons – ou souhaitons
en faire – peut construire ou briser notre bonheur à tout
jamais. La Bible dit clairement que notre attitude vis-à-
vis de l’argent est susceptible de nous détruire : « Mais
ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la tentation,
dans le piège et dans une foule de désirs insensés et
pernicieux, qui plongent les hommes dans la ruine et
la perdition » (1 Timothée 6 : 9).
La suite de ce passage nous recommande d’utiliser
l’argent de manière à en tirer le profit le plus important
et le plus permanent. Autrement dit, il plaide en faveur
de l’hédonisme chrétien. Il confirme que Dieu, non
seulement nous autorise, mais aussi nous ordonne de
fuir la destruction et de rechercher une joie parfaite et
82 Au risque d’être heureux

durable. Ce texte implique également que la racine de


tout le mal de la terre n’est pas l’intensité de notre soif
de bonheur, mais bien la légèreté de cette soif. Elle se
satisfait des plaisirs illusoires que procure l’argent qui,
loin d’étancher nos aspirations profondes, finissent par
dévaster nos âmes. La racine de tous les maux réside
dans notre résignation à nous satisfaire de l’amour de
l’argent au lieu de l’amour de Dieu (1 Timothée 6 : 10).
Le passage de 1 Timothée 6 : 5-10 est si important
qu’il nous faudrait le méditer avec plus d’attention.
Paul y met Timothée en garde contre ceux…
... qui considèrent la piété comme une source de gain.
Certes, c’est une grande source de gain que la piété, si
l’on se contente de ce qu’on a. Car nous n’avons rien
apporté dans le monde, comme aussi nous n’en pou-
vons rien emporter. Si donc nous avons la nourriture
et le vêtement, cela nous suffira. Mais ceux qui veulent
s’enrichir tombent dans la tentation, dans le piège et
dans une foule de désirs insensés et pernicieux, qui
plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car
l’amour de l’argent est la racine de tous les maux, et
quelques-uns, pour s’y être adonnés, se sont égarés
loin de la foi et se sont infligé à eux-mêmes bien des
tourments.

Autrement dit, méfiez-vous des perfides qui ont


compris qu’un regain de piété était susceptible de leur
rapporter de copieux bénéfices ! Selon le verset 5, ces
individus considèrent la piété comme une source de
Quelles implications pour l’argent ? 83

gain. Ils sont si attachés à l’argent que la vérité oc-


cupe très peu de place dans leur cœur. Ils ne se « ré-
jouissent pas de la vérité » mais de l’évasion fiscale,
et sont prêts à profiter de chaque nouvel engouement
populaire pour se remplir les poches. Si les intérêts en
jeu sont alléchants, qu’importe la nature trompeuse des
stratégies mises en place. Si la religion est rentable,
elle est donc bonne à vendre.
Paul aurait pu répondre à ces tentatives de trans-
former la piété en gain en disant : « Les chrétiens font
le bien parce que c’est le bien. Ils ne sont pas motivés
par un profit quelconque ». Mais ce n’est pas ce que dit
Paul. Il affirme plutôt que : « C’est une grande source
de gain que la piété, si l’on se contente de ce qu’on
a » (verset 6). Au lieu d’enseigner que les chrétiens
ne vivent pas pour le gain, il déclara qu’ils devraient
vivre pour un gain supérieur à celui des amoureux de
l’argent. La piété, l’attachement à Dieu, est le moyen
de profiter de ce gain supérieur, mais seulement si on
se satisfait de la simplicité en rejetant la recherche
insatiable des richesses. « La piété accompagnée de
contentement est une grande source de gain ».
Si votre attachement à Dieu vous libère du désir
de devenir riche et vous aide à être satisfaits de ce que
vous avez, il s’avère extrêmement utile et profitable.
« Car l’exercice corporel est utile à peu de choses, tan-
dis que la piété est utile à tout, elle a la promesse de
84 Au risque d’être heureux

la vie présente et de la vie à venir » (1 Timothée 4 : 8).


Une piété qui surmonte le besoin insatiable d’acquérir
des richesses matérielles produit une grande richesse
spirituelle. L’argument du verset 6 démontre qu’il est
plus que profitable de ne pas rechercher la richesse.
Les versets 7 à 10 de 1 Timothée 6 nous fournis-
sent trois raisons susceptibles de nous dissuader de
courir après les richesses.
Mais tout d’abord, permettez-moi de clarifier un
point. Beaucoup d’entreprises légitimes nécessitent un
grand capital. Il est impossible de construire une nou-
velle usine (qui emploie des milliers de personnes et
fabrique des produits utiles) sans disposer de plusieurs
millions d’euros. Cela amène logiquement les gestion-
naires financiers à bâtir des réserves financières.
Quand la Bible condamne le désir de s’enrichir,
elle ne s’élève pas nécessairement contre l’entreprise
qui cherche à s’élargir et donc à étendre ses capitaux.
Les patrons qui la dirigent peuvent vouloir gonfler avi-
dement leur portefeuille, ou avoir des motivations plus
nobles visant à faire bénéficier les autres de leur pro-
ductivité croissante.
Lorsqu’un homme d’affaire compétent accepte
une augmentation ou un emploi mieux rémunéré, ne
lui reprochons pas d’emblée de vouloir s’enrichir. Il
a peut-être accepté le poste pour une question de pou-
Quelles implications pour l’argent ? 85

voir, de statut ou de confort. Mais il l’a peut-être aussi


accepté parce que, satisfait de ce qu’il possède déjà, il
souhaite utiliser cet argent dans un autre but : fonder
un organisme spécialisé dans les adoptions, offrir des
bourses d’études, soutenir des missionnaires ou finan-
cer un ministère dans les quartiers défavorisés.
Travailler afin de gagner de l’argent pour la cause
de Christ n’a rien à voir avec le désir de s’enrichir.
L’avertissement donné par Paul ne concerne pas le fait
de gagner de l’argent pour subvenir à nos besoins ou
à ceux des autres ; il nous met en garde contre le dé-
sir d’avoir toujours plus d’argent avec le gonflement
de l’ego qui s’ensuit, et la vie de confort matériel qui
l’accompagne.
Voyons à présent les trois raisons qu’il avance
dans les versets 7 à 10, pour nous inciter à ne pas aspi-
rer à l’enrichissement personnel.
Premièrement, au verset 7, il dit : « Car nous
n’avons rien apporté dans le monde, comme aussi nous
n’en pouvons rien emporter ». Vous ne verrez jamais
un corbillard suivi d’un camion de déménagement.
Celui qui s’évertue à devenir riche dans cette vie
est un insensé. Il est déconnecté de la réalité. Nous
quitterons ce monde comme nous y sommes entrés.
Imaginez que des centaines de personnes meurent suite
à un accident d’avion. Elles se présenteront devant
86 Au risque d’être heureux

Dieu sans leurs cartes bancaires, leurs chéquiers, leurs


crédits, leurs vêtements tendance, sans leurs livres
« Comment réussir sa vie » et sans leurs réservations
au Hilton. Le politicien, le cadre, le play-boy et le fils
de missionnaire se retrouvent ici sur un pied d’égalité,
avec absolument rien dans les mains, ne possédant en
tout et pour tout que ce que renferme leur cœur. Quelle
ne sera pas, ce jour-là, la condition absurde et tragique
de celui qui aimait l’argent !
Ne passez pas votre précieuse vie à essayer de
vous enrichir, dit Paul, « car nous n’avons rien apporté
dans le monde, comme aussi nous n’en pouvons rien
emporter ».
Deuxièmement, au verset 8, il ajoute : « Si donc
nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suf-
fira ». Les chrétiens peuvent et doivent se contenter des
choses indispensables de la vie. Quand Dieu est avec
nous et pour nous, nous n’avons pas besoin d’argent ou
de biens supplémentaires pour être en paix et en sécu-
rité. Hébreux 13 : 5-6 le dit très clairement :
Que votre conduite ne soit pas inspirée par l’amour
de l’argent ; contentez-vous de vos biens actuels, car
Dieu lui-même a dit : « Je ne te délaisserai pas ni ne
t’abandonnerai ». C’est pourquoi nous pouvons dire
avec courage : « Le Seigneur est mon secours ; je n’aurai
pas de crainte. Que peut me faire un homme ? »
Quelles implications pour l’argent ? 87

Quelles que soient les tendances de la Bourse,


Dieu est toujours une valeur plus sûre que l’or. Ses pro-
messes de nous venir en aide nous libèrent des chaînes
de l’amour de l’argent.
La troisième raison de ne pas poursuivre les ri-
chesses est que cette démarche mène à la destruction
de notre vie. C’est là l’argument des versets 9 à 10 :
Mais ceux qui veulent s’enrichir tombent dans la ten-
tation, dans le piège et dans une foule de désirs in-
sensés et pernicieux, qui plongent les hommes dans
la ruine et la perdition. Car l’amour de l’argent est la
racine de tous les maux, et quelques-uns, pour s’y être
adonnés, se sont égarés loin de la foi et se sont infli-
gés à eux-mêmes bien des tourments.

Aucun hédoniste chrétien ne souhaite s’infliger


des tourments ou se plonger dans la ruine et la per-
dition. Par conséquent, aucun hédoniste chrétien ne
souhaite devenir riche. Nous voulons plutôt utiliser
l’argent pour accroître notre joie, comme Jésus nous
l’a enseigné. Jésus n’a rien contre le fait d’investir. Il
est contre les mauvais investissements – à savoir se
confier dans le confort et la sécurité que procure l’ar-
gent de ce monde. L’argent doit être investi pour porter
des fruits éternels dans le ciel : « Amassez des trésors
dans le ciel » (Matthieu 6 : 20). Mais comment ?
88 Au risque d’être heureux

Dieu n’est pas glorifié quand nous gardons pour


nous-mêmes (même si c’est avec reconnaissance)
ce que nous aurions dû utiliser pour soulager la
misère de millions de personnes non atteintes par
l’Évangile, non éduquées, non soignées
ou mal nourries.

Luc 12 : 32-34 offre une réponse :


Sois sans crainte, petit troupeau ; car votre Père a trou-
vé bon de vous donner le royaume. Vendez ce que
vous possédez, et donnez-le en aumône. Faites-vous
des bourses qui ne s’usent pas, un trésor inépuisable
dans les cieux, où il n’y a pas de voleur qui approche,
ni de mite qui détruise. Car là où est votre trésor, là
aussi sera votre cœur.

Voici donc la réponse à notre question : nous


amassons des trésors dans le ciel lorsque nous inves-
tissons nos richesses terrestres dans des actes d’amour
au nom de Christ. Donner à ceux qui en ont besoin
– voilà comment s’assurer un trésor dans le ciel. Re-
marquez bien que Jésus ne dit pas que ce trésor céleste
dont il parle sera le résultat inattendu d’une générosité
pratiquée sur cette terre. Non, il précise que nous de-
vons rechercher les trésors du ciel. Les amasser délibé-
rément ! « Constituez-vous un portefeuille… un trésor
Quelles implications pour l’argent ? 89

inaltérable dans le ciel ! » Voilà bien du pur hédonisme


chrétien !
Dieu n’est pas glorifié quand nous gardons pour
nous-mêmes (même si c’est avec reconnaissance) ce
que nous aurions dû utiliser pour soulager la misère
de millions de personnes non atteintes par l’Évangile,
non éduquées, non soignées ou mal nourries. Nom-
breux sont ceux qui professent être chrétiens mais qui
ont été séduits par le matérialisme occidental et le dé-
sir de consommer toujours davantage. Preuve en est,
nous donnons très peu et accumulons toujours plus. Et
la loi presque irrésistible de notre société de consom-
mation veut que nous achetions des maisons toujours
plus grandes (et davantage de maisons), des voitures
plus performantes (et davantage de voitures), des vête-
ments plus élégants (et plus nombreux), une nourriture
meilleure (et plus abondante), sans compter tous les
bibelots, les gadgets, les ustensiles et les équipements
censés apporter plus de plaisir dans nos vies.
Certains chrétiens objecteront : la Bible ne promet-
elle pas que Dieu fera prospérer son peuple ? Bien sûr !
Dieu augmente nos richesses pour qu’en les donnant,
nous prouvions qu’elles ne sont pas notre dieu. Dieu
ne fait pas prospérer quelqu’un pour qu’il échange
sa Renault contre une BMW. Il accorde la réussite à
une entreprise pour qu’un cinquième de la population
90 Au risque d’être heureux

mondiale s’éloigne, ne fut-ce que d’un pas, du gouffre


de la famine.
La vie est une guerre. Ses victimes se comptent par
millions et son enjeu est éternel. Ce dont nous avons
besoin aujourd’hui est, non pas d’un appel à la simpli-
cité, mais d’un appel au combat. Nous devons réflé-
chir en termes d’adoption d’un « mode de vie de temps
de guerre » plutôt que d’adopter un « mode de vie plus
simple ». J’ai utilisé précédemment l’expression « les
choses indispensables de la vie » parce que Paul dé-
clare dans 1 Timothée 6 : 8 que « Si donc nous avons
la nourriture et le vêtement, cela nous suffira ». Mais
cette idée peut induire en erreur. Pour moi, il s’agit
d’un style de vie qui ne s’encombre pas des choses non
essentielles ; et le critère pour définir « l’essentiel » ne
doit pas être une simplicité basique, mais plutôt la per-
tinence de ces possessions en temps de guerre.
Le visionnaire Ralph Winter illustre ce mode de
vie imposé par la « guerre » :
Le Queen Mary, mis à la retraite dans la rade de Long
Beach, Californie, est aujourd’hui un musée fasci-
nant. Il a été utilisé à la fois comme paquebot de
luxe en temps de paix, mais aussi pour transporter
des troupes de soldats pendant la Seconde Guerre
mondiale. D’une longueur équivalente à trois terrains
de football, le Queen Mary est aujourd’hui accessible
aux touristes et offre un contraste saisissant entre
les styles de vie appropriés à des temps de guerre et
Quelles implications pour l’argent ? 91

des temps de paix. D’un côté d’une cloison, on a re-


construit la salle à manger destinée aux riches voya-
geurs cultivés pour qui la panoplie des couteaux et
fourchettes n’avaient aucun mystère. De l’autre côté,
le contraste des conditions austères de la guerre est
plus que frappant. Un seul plateau en métal remplace
quinze assiettes. Les lits doubles superposés, allant
jusqu’à huit niveaux de hauteur, illustrent comment
il a fallu passer d’une capacité de 3 000 personnes
par temps de paix à 15 000 durant la guerre. Une
telle transformation a dû profondément déplaire aux
maîtres d’équipage d’avant-guerre ! Mais il s’agissait
d’un cas de force majeure. La survie d’une nation en
dépendait. La survie de millions d’individus dépend
du plein accomplissement de « la Grande Mission »
confiée aux disciples de Jésus 23.

La vie est une guerre. Dans ce climat, toute allu-


sion au droit du chrétien de vivre dans le luxe « d’un
enfant du Roi » est totalement dénuée de sens – en par-
ticulier face au Roi qui s’est lui-même dépouillé pour
combattre.
Le message de l’hédonisme chrétien retentit clai-
rement dans 1 Timothée 6. Ce passage traite essentiel-
lement de l’argent, en gardant pour objectif de nous
aider à saisir la vie éternelle. Méfie-toi du désir de
t’enrichir (verset 9). « Combats le bon combat de la
foi, saisis la vie éternelle » (verset 12). Paul ne perd
pas son temps avec du superflu ! Il vit aux portes de
l’éternité. Voilà pourquoi tout lui semble aussi clair.
92 Au risque d’être heureux

Vous voulez vivre « la vraie vie », n’est-ce pas (ver-


set 19) ? Vous ne voulez pas la ruine, la destruction, les
tourments (versets 9-10) ? Vous désirez obtenir tout ce
que l’attachement à Dieu peut vous procurer, n’est-ce
pas (verset 6) ?
Alors faites bon usage de cette dimension de l’hé-
donisme chrétien : ne cherchez pas à vous enrichir,
contentez-vous des choses indispensables en ce temps
de guerre, enracinez votre espérance en Dieu, gardez-
vous de l’orgueil, et laissez votre joie en Dieu se ré-
pandre en un flot de générosité sur ce monde perdu et
misérable.

La vie est une guerre. Dans ce climat, toute allusion


au droit du chrétien de vivre dans le luxe « d’un
enfant du Roi » est totalement dénuée de sens
– en particulier face au Roi qui s’est lui-même
dépouillé pour combattre.
93

Chapitre 9
Quelles implications
pour la mission ?

Ce que nous avons vu précédemment concernant
l’argent nous montre clairement que le cri de guerre de
l’hédonisme chrétien n’est autre que le travail mission-
naire dans le monde, en sacrifiant le confort et la sécu-
rité de notre vie quotidienne au profit de ceux qui ne
connaissent pas encore l’Évangile. Paradoxalement, ce
sont les sacrifices les plus importants qui procurent les
joies les plus profondes. Et la recherche de ces joies est
le moteur de l’évangélisation du monde.
Après que Jésus ait dit à ses disciples qu’il serait
difficile aux riches d’entrer dans le royaume de Dieu
(Marc 10 : 23), Pierre s’exclama : « Voici que nous
avons tout quitté et que nous t’avons suivi » (ver-
set 28). Jésus sentit évidemment en son disciple la pré-
sence d’un léger apitoiement sur soi. Ce qu’il répondit
94 Au risque d’être heureux

à Pierre a poussé des milliers de missionnaires à tout


abandonner pour suivre le Christ dans les endroits les
plus périlleux de la planète. Jésus déclara :
En vérité, je vous le dis, il n’est personne qui ait quitté,
à cause de moi et de l’Évangile, maison, frères, sœurs,
mère, père, enfants ou terres, et qui ne reçoive au cen-
tuple, présentement dans ce temps-ci, des maisons,
des frères, des sœurs, des mères, des enfants et des
terres, avec des persécutions et, dans le siècle à venir,
la vie éternelle (Marc 10 : 29-30).

Cela ne signifie pas que devenir missionnaire


permette d’acquérir des richesses matérielles. Si vous
vous portez volontaire pour servir avec cette idée en
tête, le Seigneur vous confrontera à ces paroles : « Les
renards ont des tanières, et les oiseaux du ciel ont des
nids ; mais le Fils de l’homme n’a pas où reposer sa
tête » (Luc 9 : 58).
Il s’agit plutôt de comprendre que, si vous devez
vous éloigner des vôtres pour servir le Christ, vous
obtiendrez une compensation cent fois plus grande
grâce à votre famille spirituelle, l’Église. Oui, mais
qu’en est-il des missionnaires solitaires qui travaillent
pendant des années avec très peu de frères, de sœurs,
de mères et d’enfants spirituels à leurs côtés ? La pro-
messe s’applique-t-elle aussi à eux ?
Tout à fait. Il ne fait aucun doute que Jésus implique
qu’il compensera lui-même chaque sacrifice consenti.
Quelles implications pour la mission ? 95

Si vous renoncez à l’amour et l’attention d’une mère à


cause de la distance, vous la retrouvez au centuple grâce
à l’amour et l’attention permanents de Christ. Si vous
renoncez à la chaleureuse camaraderie d’un frère, vous
retrouverez cent fois plus de chaleur et de camarade-
rie auprès de Christ. Si vous renoncez au sentiment de
bien-être que vous éprouviez chez vous, vous retrouve-
rez cent fois plus de confort et de sécurité en sachant que
le Seigneur possède la totalité des maisons, des terrains,
des cours d’eau et de la végétation de la terre. Jésus pro-
met à celui qui envisage de devenir missionnaire : je se-
rai toujours avec toi (Matthieu 28 : 20). Je travaillerai
pour toi et je serai tout pour toi, de telle sorte que tu ne
pourras pas dire que tu as sacrifié quoi que ce soit.
En réalité, Jésus affirme que « renoncer à nous-
mêmes » pour lui et pour l’Évangile équivaut à renon-
cer à un bien de valeur inférieure, afin d’obtenir un
bien de valeur supérieure. Autrement dit, Jésus veut
que nous pensions au sacrifice avec des dispositions
qui écartent tout apitoiement sur soi. C’est aussi ce que
nous enseignent les passages bibliques qui abordent la
notion du renoncement à soi-même.
Si quelqu’un veut venir après moi, qu’il renonce à lui-
même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive.
Quiconque en effet voudra sauver sa vie la perdra,
mais quiconque perdra sa vie à cause de moi et de
l’Évangile la sauvera (Marc 8 : 34-35).
96 Au risque d’être heureux

Jésus ne nous demande pas d’être indifférents à


la perte de notre vie. Au contraire, il considère que
notre soif de vraie vie nous poussera à renoncer aux
plaisirs et aux conforts secondaires de notre existence.
Plus notre désir de connaître la vraie vie sera fort, plus
nous serons disposés à renoncer au confort de cette
existence pour l’obtenir. Le cadeau de la vie éternelle
en présence de Dieu est mis en valeur si nous accep-
tons de haïr notre vie dans ce monde afin de le saisir
(Jean 12 : 25). C’est dans cette démarche que s’inscrit
la valeur théocentrique du renoncement de soi.
Voilà pourquoi tant de missionnaires se sont excla-
més, après des années de vie sacrifiée pour le Seigneur :
« Je n’ai jamais fait de sacrifice ». Le 4 décembre 1857,
David Livingstone, missionnaire pionnier en Afrique,
lança un vibrant appel aux étudiants de l’université de
Cambridge, démontrant qu’il avait appris, au cours
de ses années d’expérience, ce que Jésus avait essayé
d’enseigner à Pierre :
Certains parlent du sacrifice auquel j’ai consenti en
passant une si grande partie de ma vie en Afrique […]
Loin de moi cette pensée et cette manière de voir les
choses ! Il ne s’agit absolument pas de sacrifice, mais
plutôt de privilège. Les manifestations occasionnelles
d’anxiété, les maladies, la souffrance et le danger, ac-
compagnés de la perte de certaines commodités de la
vie, peuvent nous ralentir, troubler notre esprit et as-
sombrir notre âme ; mais il ne s’agit que d’expériences
Quelles implications pour la mission ? 97

passagères. Elles ne sont, en aucune mesure, compa-


rables à la gloire à venir qui sera révélée pour nous et
en nous (Romains 8 : 18). Je n’ai jamais fait de sacrifice 24.

L’extraordinaire motivation qui nous pousse à


consacrer nos vies au travail missionnaire dans le
monde est bien le gain sur l’investissement de départ :
du 10 000 % ! Les missionnaires en ont rendu témoi-
gnage dès le commencement – depuis l’époque de
l’apôtre Paul.
Mais ce qui était pour moi un gain, je l’ai considéré
comme une perte à cause du Christ. Et même je
considère tout comme une perte à cause de l’excel-
lence de la connaissance du Christ-Jésus, mon Sei-
gneur. À cause de lui, j’ai accepté de tout perdre, et
je considère tout comme des ordures, afin de gagner
Christ […] Mon but est de le connaître, lui, ainsi que la
puissance de sa résurrection et la communion de ses
souffrances, en devenant conforme à lui dans sa mort
(Philippiens 3 : 7-8, 10).
Car un moment de légère affliction produit pour nous
au-delà de toute mesure un poids éternel de gloire
(2 Corinthiens 4 : 17 ; voir aussi Romains 8 : 18).

Il est tout simplement surprenant de constater la


cohérence des témoignages des missionnaires ayant
souffert pour l’Évangile. Ils font pratiquement tous al-
lusion aux joies abondantes et aux compensations ma-
jeures qu’ils ont connues 25.
98 Au risque d’être heureux

L’œuvre missionnaire jaillit et déborde naturelle-


ment d’un amour pour Jésus. Nous trouvons notre plai-
sir à accroître notre joie en lui en la partageant avec les
autres. Comme le disait Lottie Moon : « Il n’y a certaine-
ment pas de plus grande joie que de sauver des âmes 26 ».
En 1897, Samuel Zwemer, son épouse et ses deux
filles prirent le bateau en direction du Golfe persique
pour travailler parmi les musulmans de Bahreïn. Leurs
efforts d’évangélisation furent presque vains. En juillet
1904, leurs filles, âgées de quatre et sept ans, mou-
rurent à huit jours d’intervalle. Néanmoins, cinquante
ans plus tard, Zwemer écrivait en repensant à cette pé-
riode : « Le bonheur intense de toute cette aventure me
revient. C’est avec joie que je recommencerais 27 ».

L’extraordinaire motivation qui nous pousse à


consacrer nos vies au travail missionnaire dans
le monde est bien le gain sur l’investissement de
départ : du 10 000 % !

Les missionnaires ne sont pas des héros qui peu-


vent se vanter de leurs grands sacrifices pour Dieu. Ce
sont de vrais chrétiens hédonistes. Ils savent que le cri
de guerre de l’hédonisme chrétien n’est autre que le
travail missionnaire. Ils ont trouvé cent fois plus de
Quelles implications pour la mission ? 99

joie et de satisfaction dans une vie consacrée à Christ


et à l’Évangile que dans une vie vouée au confort, aux
plaisirs et aux avantages frivoles de ce monde. Ils ont
connu, sans aucun doute, la souffrance, la déception,
des pertes. Mais la merveilleuse réalité de ce que Dieu
est pour eux, en Jésus, donne un tout autre relief à ces
difficultés. Ils ont pris à cœur l’avertissement de Jésus :
Méfiez-vous de l’esprit de sacrifice qui s’apitoie sur
soi ! L’œuvre missionnaire est un gain ! Au centuple !
Le 8 janvier 1956, cinq Indiens Auca d’Équateur
assassinèrent Jim Elliot et ses quatre compagnons mis-
sionnaires, occupés à apporter l’Évangile à ce groupe
ethnique. Quatre jeunes femmes perdirent leur mari,
et neuf enfants leur père. Élisabeth Elliot, l’épouse de
l’un des défunts, écrivit que ce drame fut connu de par
le monde comme une tragédie cauchemardesque. Puis
elle ajouta : « Le monde ne s’est pas rendu compte de
la vérité contenue dans la seconde partie du credo de
Jim Elliot » :
Il n’est pas fou celui qui donne ce qu’il ne peut garder
pour obtenir ce qu’il ne peut perdre 28.

Dieu n’a pas placé des gens comme Jim Elliot, Sa-
muel Zwemer ou Lottie Moon sur terre dans le seul but
de nous montrer avec quelle joie et courage ils ont souf-
fert. Par leur exemple, il veut aussi éveiller en nous le
désir de les imiter. Dieu nous dit dans Hébreux 13 : 7 :
100 Au risque d’être heureux

« Considérez l’issue de leur vie et imitez leur foi » et


dans Hébreux 6 : 12 : « Imitez ceux qui, par la foi et
l’attente patiente, reçoivent l’héritage promis ». Par
conséquent, si vous vous rendez compte qu’il existe,
au plus profond de vous-même, un désir de trouver en
Dieu votre satisfaction – celui même qui permit à ces
saints de consentir librement au sacrifice de l’amour –
nourrissez ce désir, et attisez ces braises par la prière,
de peur que Satan ne l’étouffe. Ce moment marquera
peut-être un tournant dans votre existence.
101

Épilogue
Un dernier appel
L’hédonisme chrétien est un appel de Dieu à em-
brasser le risque et la réalité de la souffrance en vue
de la joie qui nous attend. Le Christ a choisi la souf-
france, il ne l’a pas subie. Il l’a choisie comme moyen
de créer et de parfaire l’Église. Il nous invite à prendre
notre croix et à le suivre sur la route du calvaire, à re-
noncer à nous-mêmes, à faire des sacrifices pour servir
l’Église, et à présenter ses souffrances au monde. Mais
dans tout cela, n’oublions pas – comme le prêchait Jo-
nathan Edwards en 1723 – que « le renoncement à soi-
même détruit toutes les racines et les fondations de la
tristesse 29 ».
Répondre à cet appel, c’est faire le pas décisif
de l’hédonisme chrétien. Nous ne choisissons pas de
souffrir parce que c’est ce que nous devons faire, mais
bien parce que celui qui nous demande d’emprunter ce
102 Au risque d’être heureux

chemin nous le décrit comme étant la voie qui mène à


la joie éternelle. Il nous invite à accepter la souffrance,
non pas pour que nous démontrions notre volonté de
faire notre devoir, pour que nous affichions la vigueur
de nos résolutions morales ou que nous prouvions à
quel point nous pouvons résister à la douleur ; il nous
le demande afin que nous témoignions, avec la foi d’un
enfant, de la richesse infinie des promesses immensé-
ment gratifiantes qu’il nous fait.

En poursuivant le plaisir à travers la souffrance,


nous magnifions les mérites ineffables de la source
de notre joie.

Voilà l’essence de l’hédonisme chrétien. En pour-


suivant la joie à travers la souffrance, nous magnifions
les mérites ineffables de la source de notre joie. Jé-
sus-Christ lui-même incarne la lumière étincelante qui
brille au bout du tunnel de notre souffrance. Il est notre
but et la raison de notre joie au sein de la douleur. C’est
pourquoi l’explication à notre souffrance qui exalte Jé-
sus est la suivante : Christ est notre gain ! Ô monde,
réveille-toi et comprends que Christ est notre gain !
Le but ultime de l’homme est de glorifier Dieu.
Dans la souffrance plus que partout ailleurs, plus notre
Épilogue : un dernier appel 103

satisfaction en Dieu est grande, plus il est glorifié en


nous. Ma prière est donc que le Saint-Esprit déverse
sur son peuple, de par le monde entier, une passion
pour la grandeur de notre Seigneur et Sauveur Jésus-
Christ. Quelle que soit la souffrance, la recherche de
la joie en Christ est un témoignage puissant en faveur
de la valeur suprême et la toute-suffisance de Jésus. Et
que vienne alors le jour où tous les peuples de la terre
verront la beauté de Christ, l’image de Dieu, et célé-
breront sa grâce en se réjouissant de la foi qui sauve !


105

Index des notes


Augustin, Confessions, trad. R. S. Pine-Coffin (New York : Penguin
1

Books, 1961), p. 21 (I, 1).


Lewis C. S., A Mind Awake : An Anthology of C. S. Lewis, Éd. Clyde
2

Kilby (New York : Harbourt Brace and World, 1968), p. 22.


Idem, p. 22-23.
3

Augustin, Confessions, p. 181 (IX, 1).


4

Pascal Blaise, Pensées, trad. W. F. Trotter (New York : E. P. Dutton,
5

1958), p. 113 (pensée n° 425).


Baxter Richard, The Saints’Everlasting Rest (Grand Rapids, Mich. :
6

Baker Book House, 1978), p. 17.


Henry Matthew, Commentary on the Whole Bible, vol. 2 (Old
7

Tappan, N. J. : Fleming H. Revel, n.d., original 1708), p. 1096.


Edwards Jonathan, The End for Which God Created the World, dans
8

John Piper, God’s Passion for His Glory (Wheaton, Ill. : Crossway
Books, 1998), p. 158, § 72.
Edwards Jonathan, The « Miscellanies » (Entry Nos. a-z, aa-zz,
9

1-500), Éd. Thomans Schafer, The Works of Jonathan Edwards,


vol. 13 (New Haven, Conn. : Yale University Press, 1994), p. 199
(Miscellany n° 3).
10
Lewis C. S., The Weight of Glory and Other Addresses, (Grand
Rapids, Mich. : Eerdmans, 1965), p. 1-2.
106 Au risque d’être heureux

11
Cité dans Zwemer Samuel, The Glory of the Impossible, dans
Perspectives on the World Christian Movement, 3e édition, Éd.
Ralph Winter and Steven Hawthorne (Pasadena, Calif. : William
Carey Library, 1999), p. 315.
12
Tiré d’une lettre à Vanauken Sheldon dans A Severe Mercy de
Vanauken, (New York : Harper and Row, 1977), p. 189.
13
Carnell E. J., Christian Commitment (New York : Macmillan,
1967), p. 160-161.
14
Propitiation est un mot devenu rare de nos jours. Dans de
nombreuses traductions, il est désormais remplacé par des mots
plus courants (expiation, sacrifice de réconciliation). J’ai choisi
de l’utiliser malgré tout pour préserver la signification originale,
à savoir que la mort de Christ sur la croix pour les pécheurs était
destinée à apaiser le courroux de Dieu envers eux. En exigeant
tant d’humiliation et de souffrance de son Fils en vue de la gloire
divine, Dieu démontre clairement qu’il ne traite pas le péché avec
désinvolture. Tout mépris envers sa gloire est puni comme il se doit,
soit par le moyen de la croix, où la colère de Dieu a été expiée pour
ceux qui croient, soit en enfer, où la colère de Dieu se déverse sur
ceux qui ne croient pas.
15
Edwards Jonathan, The « Miscellanies », a-500, Éd. Thomas
Schafer, The Works of Jonathan Edwards, vol. 13 (New Haven,
Conn. : Yale University Press, 1994), p. 495. Miscellany n° 448 ;
voir aussi les n° 87, 251-2, 332, 410, 679 (pas dans le volume
New Haven). Intensité accentuée. Ces sélections sont issues des
carnets de notes personnels d’Edwards, à partir desquels il a rédigé
ses livres, tel que The End for Which God Created the World. La
ponctuation a été quelque peu modifiée par rapport à l’édition de
Yale.
16
Lewis C. S., The Weight of Glory and Other Addresses, 1-2.
17
Lewis C. S., Reflections on the Psalms (New York : Harcourt, Brace
and World, 1958), p. 94-95.
Index des notes 107

Edwards Jonathan, Treatise Concerning the Religious Affections,


18

dans The Works of Jonathan Edwards, vol. 1 (Edinburgh : The


Banner of Truth Trust, 1974), p. 237.
Joie (Psaumes 100 : 2 ; Philippiens 4 : 4 ; 1 Thessaloniciens 5 : 16 ;
19

Romains 12 : 8, 12, 15), espérance (Psaumes 42 : 6 ; 1 Pierre 1 : 13),


crainte (Luc 12 : 5 ; Romains 11 : 20 ; 1 Pierre 1 : 17),
paix (Colossiens 3 : 15), zèle (Romains 12 : 11), tristesse
(Romains 12 : 15 ; Jacques 4 : 9), désir (1 Pierre 2 : 2), cœur contrit
(Éphésiens 4 : 32), cœur brisé et contrit (Psaumes 51 : 19), gratitude
(Éphésiens 5 : 20 ; Colossiens 3 : 17), humilité (Philippiens 2 : 3).
Augustin, Confessions, p. 40 (X, xxix).
20

Edwards Jonathan, The End for Which God Created the World,
21

p. 177, § 119.
Proverbe amérindien. Voir A. Zona Guy, The Soul Would Have No
22

Rainbow if the Eye Had No Tears : And Other Native American


Proverbs (New York : Touchstone Books, 1994).
Winter Ralph, “Reconsecration to a Wartime, not a Peacetime,
23

Lifestyle” dans Perspectives on the World Christian Movement,


3e édition, Éd. Ralph Winter and Steven Hawthorne (Pasadena,
Calif. : William Carey Library, 1999), p. 705.
Cité dans Zwemer Samuel, “The Glory of the Impossible” dans
24

Perspectives on the World Christian Movement, 3e édition, Éd.


Ralph Winter and Steven Hawthorne (Pasadena, Calif. : William
Carey Library, 1999), p. 315.
Pour les récits parlant de la joie au sein de la souffrance chez les
25

missionnaires, voir Piper John, Let the Nations Be Glad : The


Supremacy of God in Missions (Grand Rapids, Mich. : Baker Book
House, 1993), p. 71-112.
Cité par Tucker Ruth, dans From Jerusalem to Irian Jaya (Grand
26

Rapids, Mich. : Zondervan, 1983), p. 237. Charlotte Diggs (Lottie)


Moon naquit en 1840 en Virginie et vogua vers la Chine pour y
être missionnaire baptiste en 1873. Elle est connue, en plus de son
108 Au risque d’être heureux

œuvre missionnaire, pour avoir mobilisé les femmes de la Southern


Baptist Church au profit de la cause missionnaire.
Cité dans From Jerusalem to Irian Jaya, p. 277.
27

Elliot Élisabeth, Shadow of the Almighty : The Life and Testament


28

of Jim Elliot (New York : Harper and Brothers, 1958), p. 19.


Edwards Jonathan, “The Pleasantness of Religion” dans The
29

Sermons of Jonathan Edwards : A reader (New Haven, Conn. : Yale


University Press, 1999), p. 19.
109

Table des matières


Préface................................................................ 9
Chapitre 1 – Traiter le plaisir comme
un devoir porte à controverse......................13
Chapitre 2 – Glorifier Dieu en trouvant
notre plaisir en lui pour toujours................21
Chapitre 3 – Les sentiments
ne sont pas facultatifs...................................35
Chapitre 4 – La recherche du plaisir
détrône l’orgueil et l’apitoiement sur soi....41
Chapitre 5 – Recherchez votre joie
dans celle que vous procurez aux autres.....47
Chapitre 6 – Quelles implications
pour l’adoration ?.........................................67
Chapitre 7 – Quelles implications
pour le mariage ?...........................................75
Chapitre 8 – Quelles implications
pour l’argent ?...............................................81
Chapitre 9 – Quelles implications
pour la mission ?............................................93
ÉPILOGUE – Un dernier appel......................101
Index des notes..................................................105
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trésors dans le ciel » (Matthieu 6 : 20).
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parfois impossibles à oublier. La pureté est toujours
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déconvenues.
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• Un chrétien peut-il faire du
bonheur le but de sa vie ?
Oui, répond John Piper !
Parce que Dieu nous a créés
pour être heureux en Lui.
C’est ce que l’auteur appelle
« l’hédonisme chrétien ».
Terme controversé, et
pourtant pleinement fidèle
à l’injonction biblique :
« Fais de l’Éternel tes délices ».
Notre raison d’exister est de
John Piper
glorifier Dieu en trouvant en
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lui notre bonheur éternel. à Minneapolis, USA.
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