- Youssef BRIK -
Sommaire
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Une recherche efficace des détournements d’actifs commis par les employés rend
nécessaire la maîtrise des principaux schémas de fraude, afin d’adapter les contrôles à
effectuer et les outils à utiliser aux objectifs poursuivis. Il convient de connaître non
seulement la méthode de détournement mais aussi la technique de dissimulation du
détournement qui, si elle s’avère efficiente, permettra la réitération de l’acte frauduleux.
En effet, pour un employé fraudeur, la dissimulation de la fraude est la partie la plus
importante du délit, car elle lui permettra, d’une part, de ne pas être poursuivi et de
conserver son travail et, d’autre part, de continuer à s’enrichir avec ces détournements,
tant que l’entreprise victime ne se rend pas compte du préjudice subi.
Les fraudes peuvent concerner tous les cycles de l’entreprise, qu’ils soient opérationnels
ou administratifs. Cet article se limitera à la présentation de schémas de fraude
spécifiques au cycle « ventes/clients ».
Ce cycle peut être considéré comme étant à risque du fait du volume important de
transactions qu’il comprend et des flux d’argent qu’il génère, en entrées principalement
(règlements des clients) mais également en sorties (remboursements, avoirs ou remises).
Les schémas présentés ci-après vont concerner soit des ventes « sur compte », c’est à dire
avec une inscription dans un compte client, que l’on retrouvera dans la plupart des
entreprises commerciales, soit des ventes « au comptant » réalisées en magasin, cas
spécifiques aux entreprises de commerce de détail. En revanche, ne seront pas évoquées
les ventes effectuées par des représentants.
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Une autre forme de fraude peut être la réalisation de ventes en dehors des heures
d’ouverture normales sans prévenir son employeur. Les fraudeurs peuvent ainsi conserver
la totalité du produit des ventes faites durant ces périodes, car l’entreprise n’est pas au
courant de ces activités.
Une des situations particulièrement risquée en termes de fraude existe lorsque la personne
en charge de l’encaissement des règlements s’occupe également des enregistrements
comptables. En effet, il lui est aisément possible de falsifier les enregistrements
comptables pour dissimuler son acte frauduleux.
Lors du détournement d’un règlement, le fraudeur doit faire en sorte que le compte du
client qui a payé soit soldé, ainsi il ne sera pas considéré comme ayant dépassé l’échéance
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paiement et ne sera pas relancé. En effet, en cas de rappel effectué auprès de ce client,
celui-ci signalerait qu’il a déjà réglé et une enquête serait menée pour savoir où est passé
l’argent. La probabilité que le fraudeur, de part sa position professionnelle privilégiée,
soit confondu est alors très forte.
Pour dissimuler sa fraude, l’employé peut également utiliser des schémas d’écritures
comptables anormaux. L’objectif reste toujours de faire en sorte, d’une part, que le
compte client soit soldé pour éviter que celui-ci ne soit relancé, et, d’autre part, que les
comptes de banques soient équilibrés et justifiés par rapport aux relevés bancaires.
Ainsi, l’employé fraudeur peut solder le compte du client en créditant son compte
auxiliaire par le débit d’un compte autre que celui de la banque. Toutefois, afin que cette
opération soit peu visible, le compte à débiter doit posséder plusieurs caractéristiques :
La seule technique de détection de ce genre de manipulation passe par une lecture des
journaux comptables et une revue détaillée des écritures. Mais, si les volumes sont
importants, ce contrôle ne peut être réalisé que par un logiciel spécialisé.
Cette technique de dissimulation connue sous le nom de « lapping » par les anglo-saxons
consiste à imputer sur le compte client dont on a détourné les fonds le règlement d’un
autre client ; et de répéter cette manipulation au fur et à mesure des règlements des
clients.
Exemple : le fraudeur détourne l’argent reçu d’un client A ce qui laisse le compte de ce
dernier débiteur alors qu’il aurait du être soldé. Lorsque le client B règle sa créance, les
sommes reçues sont imputées sur le compte du client A, régularisant ainsi la situation de
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Ces schémas de détournements d’actifs sont essentiellement réalisables par les personnes
en contact avec le client. Ils se différencient des schémas dits « hors enregistrements » par
le fait qu’ils engendrent effectivement un enregistrement, mais qui n’est pas conforme à
la réalité de la vente.
1.3.1 La sous-facturation
La sous-facturation est une forme de fraude fréquemment utilisée par les employés qui
travaillent à la caisse d’un magasin.
Egalement, la sous-facturation peut être commise dans des cas de collusion. Cela permet à
un complice d’acheter un bien à un prix inférieur au tarif normal. L’employé fraudeur
récupère alors auprès de son complice une partie de l’économie qu’il lui a fait réaliser.
Les employés qui sont habilités à accorder des remises peuvent utiliser cette faculté pour
détourner des fonds lors de ventes. Par le biais de fausses remises, l’employé fraudeur
peut, d’une part, recevoir le règlement complet d’une vente, et, d’autre part, enregistrer en
comptabilité la transaction comme si le client avait bénéficié d’une remise. Ainsi, il est à
même de pouvoir dérober la somme correspondant à la remise fictivement accordée sans
déséquilibrer les comptes de l’entreprise.
1.3.3 La surfacturation
Dans les cas de surfacturation, les clients surpayent à leur insu les biens qu’ils ont acquis
et la différence est conservée par le fraudeur. Pour surfacturer, c’est à dire facturer au delà
du prix fixé par l’entreprise, le fraudeur doit soit avoir la possibilité de modifier les prix
des articles vendus, soit établir des factures manuellement, ou encore il peut ne pas faire
bénéficier aux clients facturées des conditions tarifaires promotionnelles.
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D’une manière générale, la fraude sur encaissement est facilitée lorsque les clients
effectuent leur paiement en espèces. Toutefois, elle peut aussi se produire avec des
règlements par chèque même si cela nécessite de la part du fraudeur des manipulations
complémentaires, qui peuvent, dans certains cas, être difficiles à réaliser.
Par ailleurs, en termes de contrôle interne, la fraude sur encaissement relative au cycle
« ventes » est favorisée dans les entreprises où la séparation des fonctions présente des
défaillances, notamment dans les cas suivants :
- la personne qui réceptionne en premier lieu les règlements est dépendante du
service comptable, ou du caissier ;
- les règlements reçus ne font pas l’objet d’un relevé par la personne qui ouvre
le courrier ;
- le caissier a accès aux journaux de ventes et de banques ;
- le comptable en charge des clients prépare les remises en banques ;
- aucune vérification interne ou externe (circularisation) n’est réalisée.
Le principe général de la fraude sur décaissement consiste à faire en sorte que l’entreprise
victime décaisse de l’argent que le fraudeur puisse détourner. Cette technique implique
deux caractéristiques : d’une part, les apparences doivent convaincre l’entreprise que le
décaissement qu’elle va réaliser est valide et justifié ; d’autre part, l’argent décaissé par la
société doit pouvoir être détourné à sa sortie par le fraudeur.
Donc, à la différence de la fraude sur encaissement ou du vol, quand une fraude est basée
sur un décaissement, le mouvement de sortie de fonds est réellement enregistré en
comptabilité. Une transaction frauduleuse vient alors maquiller cette opération de façon à
ce que le décaissement apparaisse légitime.
Dans le cas d’un remboursement fictif, l’employé fraudeur effectue une transaction
comme si un client retournait une marchandise.
- Elle génère une entrée dans les stocks de la société. Comme la transaction est
fictive, les stocks deviennent surévalués. Cela perturbe alors le suivi des
quantités et peut engendrer des problèmes de rupture de stock car le
réapprovisionnement ne s’effectue pas sur des bases réelles.
A la suite d’un problème (de qualité ou de quantité) survenu dans la livraison d’un bien
ou d’un service, l’entreprise peut être amenée à rembourser à son client une partie de son
achat. Une technique de fraude consiste à enregistrer un remboursement à effectuer
supérieur à ce que réclame le client et à encaisser à son compte la différence.
Ainsi, dans le cas où un client ramènerait un bien d’une valeur de 100 €, l’employé
enregistrerait un retour pour une valeur de 200 €. Il rendrait les 100 € au client et
empocherait les 100 € restants. Comptablement la caisse serait équilibrée, mais il en
résulterait un écart d’inventaire de 100 €.
Dans ce schéma-ci, l’employé fraudeur, après avoir effectué une vente et après le départ
du client, annule la transaction et retire de la caisse l’argent correspondant, comme s’il
l’avait rendu au client.
Afin que ces fraudes sur décaissement soient le moins visibles possible, les employés
fraudeurs préfèrent habituellement détourner de multiples petites sommes plutôt qu’une
seule somme importante. En effet, de nombreuses entreprises fixent des seuils au delà
desquels une approbation particulière doit être obtenue pour procéder à un
remboursement. Les fraudeurs font donc en sorte de dérober des sommes suffisamment
petites, pour ne pas avoir besoin d’autorisation.
Une des caractéristiques de la fraude sur décaissements liée au cycle « ventes » est qu’elle
engendre, dans la majorité des cas, des anomalies dans les stocks, car il a fallu enregistrer
dans le système le retour d’un bien qui n’existe pas. Aussi, lors du comptage physique des
stocks, sera constaté un écart d’inventaire. Toutes les entreprises font état d’écarts entre le
stock théorique et le stock réel, notamment les entreprises du secteur de la distribution de
détail, qui constatent régulièrement une démarque inconnue qui peut provenir de fraudes
internes ou externes mais aussi d’erreurs.
Tant que ces écarts sont non significatifs au regard du total des stocks et compte tenu de
l’activité de la société, il y a peu de chance que l’entreprise procède à des investigations
suffisamment poussées qui permettraient de remonter jusqu’à la fraude. En revanche, si la
fraude devait générer un écart important, cela nécessiterait de la part du fraudeur de
maquiller cet écart en utilisant différents moyens qui sont fonction des ses habilitations,
comme surévaluer les comptages lors de l’inventaire, enregistrer des mises au rebut, ou
encore constater un crédit fictif dans le stock comptable.
La fraude sur décaissement relative au cycle « ventes » est favorisée dans les
organisations où la séparation des fonctions est peu mise en place et où le suivi des
opérations d’annulation ou de remboursement est faiblement réalisé, notamment dans les
cas suivants :
- lorsqu’un employé de caisse est habilité à effectuer des annulations,
- lorsqu’un employé de caisse procède lui-même à l’inventaire de la caisse et/ou
des stocks,
- si les transactions d’annulation ne sont pas correctement justifiées et
documentées,
- si les écritures d’annulation et de remboursement ne font pas l’objet d’une
analyse détaillée dans le temps et par employé,
- lorsque la société n’étudie pas les numéros manquants dans les séquences
numériques des transactions.
Egalement, les entreprises peuvent faire plus facilement l’objet de fraude sur
décaissement en cas d’insuffisance dans le suivi des stocks et dans l’analyse des écarts
d’inventaires.
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