2007 Chapitre 24
co-fondateurs
Le premier épisode délirant
aux urgences
A. MATHUR
1. Introduction
Le premier épisode délirant constitue une urgence médicale associée à une
morbidité et une mortalité s’il n’est pas pris en charge et traité rapidement. Il
s’agit d’un syndrome aspécifique et non pas d’un diagnostic, associant des
signes et des symptômes cliniques qui peuvent être secondaires à une affection
organique ou constituer un trouble psychiatrique. Par excellence, il s’agit d’une
situation où médecin urgentiste et psychiatre ont chacun leur rôle à jouer, et où
l’examen clinique revêt une importance majeure.
Sa symptomatologie recouvre les manifestations suivantes : des idées délirantes,
des hallucinations, un discours désorganisé, un comportement désorganisé ou
catatonique. Dans les différentes classification actuelles, le premier épisode déli-
rant, s’il s’avère effectivement primaire, c’est-à-dire sans étiologie organique, a
comme terminologie « trouble psychotique aigu » selon la CIM-10, ou « trouble
psychotique bref » selon le DSM-IV (1, 2). Tout comme la « bouffée délirante
aiguë » utilisée dans la nosographie française, ces termes correspondent à un
accès psychotique de survenue brutale et limitée dans le temps. Ce diagnostic
sera confirmé ou infirmé selon l’évolution à plusieurs semaines ou mois.
Même si la majorité des patients se présentant aux urgences avec un premier
épisode délirant présentent un trouble psychiatrique primaire ou un trouble lié
à la prise de toxiques, une cause médicale sous-jacente doit être recherchée. Un
2. Évaluation
2.1. Diagnostic différentiel
En raison du risque vital que constitue une affection somatique se présentant
avec une symptomatologie psychotique, il nous a semblé important de lister les
différents diagnostics à évoquer. Le diagnostic psychiatrique doit être retenu en
dernier. De fait, le médecin urgentiste sera le premier médecin en contact avec
le patient. Certains éléments permettent d’orienter plutôt vers une cause
organique (tableau 1).
2.2.1. Approche
Le premier entretien doit avoir lieu dans un cadre calme, sans être trop isolé. En
raison du potentiel élevé d’agitation, la prudence s’impose : laisser la porte
ouverte et se tenir à côté, proposer au patient de s’asseoir, se tenir à une dis-
tance minimale d’un membre et avoir à proximité des membres de la sécurité ou
du moins pouvoir faire appel rapidement. Si le patient refuse de vous parler,
selon son état d’angoisse ou d’agitation, demander à un deuxième médecin de
faire l’entretien ou bien lui proposer un traitement immédiatement et faire l’éva-
luation plus tard. L’informer de toutes les démarches que vous faites, et deman-
3. Traitement
Il est évident que, si une cause organique est retrouvée, celle-ci sera traitée dans
les meilleurs délais. Dans le cas d’une symptomatologie psychotique « pri-
maire », les recommandations internationales concordent pour affirmer que,
plus le traitement est précoce, meilleur est le pronostic, en particulier en cas
d’entrée dans un processus schizophrénique. Nombre d’auteurs ont publié
récemment, démontrant que la durée de la période de « psychose non traitée »
est défavorablement liée à l’évolution à long terme (9, 11, 16).
4. Pronostic et évolution
La prudence diagnostique est de mise, l’évolution la plus défavorable, c’est-à-
dire vers une schizophrénie, étant l’exception plus que la règle. Même si certains
éléments sémiologiques permettent d’évoquer un pronostic, il n’y a que
l’évolution à moyen ou long terme qui donnera le diagnostic définitif.
L’évolution d’un premier épisode aigu se fait schématiquement :
– dans 25 % des cas vers une résolution complète et définitive ;
– dans 25 % des cas vers des récidives à plus ou moins long terme, chaque
accès ayant la même valeur qu’un épisode unique ;
– dans 50 % vers un trouble chronique dont un tiers de schizophrénie, un tiers
de psychoses non schizophréniques et un tiers de troubles bipolaires (17).
6. Information et soutien
Le patient et son entourage seront mieux armés et motivés à poursuivre un
traitement et un suivi si la prise en charge aux urgences s’est passée dans de
bonnes conditions. Les études confirment le haut niveau de détresse et de
désarroi que vit l’entourage dans ce moment de crise. Pourtant, ce dernier joue
et jouera un rôle majeur dans l’intégration du patient chez lui et dans son
7. Conclusion
Tout comme l’état d’agitation auquel il peut être associé, le premier épisode
délirant doit faire l’objet d’un examen somatique par le médecin urgentiste en
premier intention afin d’éliminer une étiologie somatique, au potentiel grave. Au
domicile, le SAMU ou le SMUR sont souvent mobilisés et doivent accompagner
le patient au urgences pour effectuer le bilan. Ni l’urgentiste ni le psychiatre ne
devront négliger les possibilités d’une cause toxique. Si le patient se révèle
présenter un syndrome psychotique primaire, ce passage aux urgences sera
considéré comme l’opportunité d’initier un traitement à court et à moyen terme,
en tentant de créer une alliance thérapeutique. Le traitement sera initié le plus
rapidement possible, toujours dans l’optique de favoriser une poursuite des soins
après la sortie des urgences, quelle que soit l’évolution finale de l’épisode. En
effet, comme seule l’évolution clinique à moyen terme donnera le diagnostic
final à l’épisode aigu, un traitement d’au moins une année est recommandée.
Références bibliographiques
1. ICD-10. International Statistical Classification of Diseases. 10e édition. Genève :
WHO ; 1992.
2. American Psychiatric Association. DSM-IV. Diagnostic and statistical manual of men-
tal disorders. Fourth Edition. Washington DC : American Psychiatric Association
Press ; 1994.
3. Correl CU, Mendelowitz AJ. First psychotic episode – a window of opportunity.
Seize the moment to build a therapeutic alliance. Current Psychiatry Online 2003 ;
2 : 4.
4. International Early Psychosis Association Writing Group. International practice guide-
lines for early psychosis. Br J Psychiatry 2005 ; 187 Suppl l48 : 120-4.
5. American College of Emergency Physicians. Clinical policy for the initial approach to
patients presenting with altered mental status. Ann Emerg Med 1999 ; 33 : 251-80.
6. Schanzer BM, First MD, Dominguez B, et al. Diagnosing psychotic disorders in the
emergency department in the context of substance use. Psychiatric Serv 2006 ; 57 :
1468-73.
7. Caton CLM, Drake RE, Hasin DS, et al. Différence entre troubles psychotiques pri-
maires dans leur phase précoce accompagnés d’un usage concomitant de substance
toxique et psychoses induites par une substance. Arch Gen Psych 2005 ; 62 :
137-45.