Bernard MATHIEU
CNRS - UMR 5140
« Archéologie des Sociétés méditerranéennes »
Université Montpellier 3 Paul-Valéry
[© B. Mathieu, mise à jour février 2013]
« Le texte littéraire égyptien le plus difficile à traduire » (G. Jéquier), mais aussi — et cela
explique sans doute cela — « œuvre fondatrice de la culture classique dans l’Égypte
pharaonique » (P. Vernus), l’Enseignement de Ptahhotep fut la sagesse de référence tout au
long de l’histoire égyptienne, au moins jusqu’à la rédaction de l’Enseignement d’Any. Une
hypothèse séduisante, formulée par l’égyptologue allemand J. Osing, suggère en effet que
l’Enseignement de Ptahhotep, devenu difficile à comprendre avec l’évolution de la syntaxe et
du lexique, aurait été remplacé, dans sa fonction pédagogique et moralisatrice, par
l’Enseignement d’Any, à la fin de la XIXe dynastie, ce dernier étant lui-même remplacé à la
XXIIe dynastie par l’Enseignement d’Amenémopé. Quoi qu’il en soit, plusieurs sources
ramessides découvertes dans le village des artisans de Deir al-Médîna prouvent que Ptahhotep
était toujours appris et recopié par les lettrés de cette époque, bien qu’agrémenté de gloses et
d’interpolations plus ou moins pertinentes visant à interpréter certains passages devenus
obscurs avec le temps.
On peut relever en effet plusieurs points de contact entre l’Enseignement et des textes à peu
près contemporains qui le cite expressément, comme par exemple l’inscription du héraut
Amény datant du règne de Sésostris Ier 2. Un distique de l’exorde (« le grand âge est venu, la
vieillesse est tombée, la déchéance est là, la sénescence avance ») est repris assez fidèlement
dans les Aventures de Sinouhé (« la vieillesse est arrivée, la décrépitude m’a assailli »),
rédigées également au début du règne de Sésostris Ier. Un écho de la Maxime 16 (« Si tu es un
dirigeant, montre-toi aimable quand tu auditionnes la déposition d’un plaignant ; ne le renvoie
pas tant qu’il n’a pas déchargé son cœur de ce qu’il avait prévu de te dire ») figure dans
l’autobiographie de Montouhotep, un nomarque d’Hermonthis (Ermant) du début de la XIIe
dynastie : « J’étais quelqu’un de bien disposé à l’égard du plaignant jusqu’à ce qu’il ait dit ce
pourquoi il était venu » 3, ou dans celle de Sarenpout I dans sa chapelle de Koubbet al-Haoua
(Assouan) : « je n’ai pas renvoyé le plaignant » 4. Le dernier vers de la Maxime 17
1
. Sur la datation de la rédaction du texte, voir notamment E. EICHLER, ZÄS 128, 2001, p. 97-107.
2
. 19,7-8 ; cf. P. VERNUS, GöttMisz 147, 1995, p. 103-109.
3
. Stèle UCL 14333, l. 14.
4
. Urk. VII, 5, 3.
(« n’obtient-il pas le succès en toute entreprise ? ») est repris textuellement à la fin de la
première stance de la section didactique de l’Enseignement loyaliste, composé sans doute
sous Sésostris Ier.
Le locuteur est le vizir Ptahhotep lui-même, qui sollicite du roi la possibilité de transmettre sa
charge à son fils, avant de délivrer à ce dernier des règles de vie en société ; cette parole du
père à son fils forme le cadre discursif codifié dans lequel s’inscrit, avec parfois quelques
variations, le genre sapiential égyptien.
La composition débute par un joli prologue, vrai morceau de rhétorique sur le thème de la
décrépitude de l’âge. Après un second intitulé, Ptahhotep condamne dans un avertissement
liminaire tout comportement élitiste et prétentieux susceptible d’engendrer une « fracture
sociale ». Faire de cet avertissement initial la première maxime de l’enseignement, comme on
le considère généralement, conduit à en sous-estimer la portée : en trois distiques
sémantiquement parallèles, Ptahhotep condamne a priori l’arrogance qui pourrait naître dans
l’esprit de celui qui sait ou croit savoir. Cette mise en garde liminaire colore l’ensemble de
l’œuvre, c’est-à-dire les deux grandes parties qui la constituent.
5
. Cf. P. VERNUS , dans Orientalia Monspeliensia IX/2, 1997, p. 437-438. Il s’agit en réalité d’un complexe
familial (mastabas D 62 et D 64) où l’on peut distinguer plusieurs Ptahhotep appartenant à différentes
générations. Voir A. MARIETTE, Mast. D 62 (« Ptahhotep I ») ; N. de G. DAVIES, The Mastaba of Ptahhetep
and Akhethetep at Saqqareh II, London, 1901 (Akhethotep, fils de « Ptahhotep I » et « Ptahhotep II ») ;
M.A. MURRAY, Saqqara Mastabas I, Egyptian Research Account, London, 1905, pl. 8-17 ; Kl. BAER, Rank
and Title in the Old Kingdom, Chicago, 1960, p. 74-75.
6
. G. JÉQUIER, Le Papyrus Prisse et ses variantes, Paris, 1911, p. 4-19 et pl. II-X.
7
. P. British Museum 10371 et 10435 : ibid., pl. XI-XV.
8
. P. British Museum 10509 ; R.A. CAMINOS , Literary Fragments in the Hieratic Script, 1956, pl. 28-30 ;
P. Turin CG 54014 : P. V ERNUS, CRIPEL 18, 1996, p. 119-140 et pl. 1 ; Gli artisti del Faraone. Deir el-
Medina e le Valli dei Re e delle Regine (Torino), Electa, Milan, 2003, p. 199, n° 163.
9
. Tablette Carnarvon I = Caire JE 41790, v° ; G. JÉQUIER, op. cit., pl. XV.
10
. O. DeM 1232, 1233, 1234 : G.POSENER, DFIFAO XVIII/3, 1972, p. 34 et pl. 58-58a.
11
. GöttMisz 213, 2007, p. 39-57 ; GöttMisz 218, 2008, p. 107-109.
La première partie est formée de trente-six « maximes » qui sont autant d’« actualisations de
la maât », comme le dit le texte lui-même : Si tu écoutes les propos que je t’ai tenus, chacun
de tes desseins sera porté en avant ; les actualisations de la maât (sp mæc.t) qui s’y trouvent,
c’est la richesse qu’ils apportent 12. La seconde partie, en six sections, est un long
développement sur les vertus de l’écoute et de la précision. Dans sa conclusion, en quatre
quatrains, Ptahhotep précise à son fils que pratiquer la maât implique d’aller au-delà même de
ce qu’on nous a enseigné, ajout capital, qui entre dans le cadre de ce que P. Vernus nomme
judicieusement « l’impératif de surpassement » 13.
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12
. 15,8-9.
13
. Essai sur la conscience de l’histoire dans l’Égypte pharaonique, H. Champion, Paris, 1995.
14
. Voir notamment H. BRUNNER, dans OBO 28, 1979, p. 105-170 ; W. GUGLIELMI, WeltOr XIV, 1983, p. 157-
158 ; H.-W. FISCHER-ELFERT, GöttMisz 143, 1994, p. 45-46 ; P. VERNUS, GöttMisz 147, 1995, p. 103-109 ;
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hiéroglyphique est numérisée sur le site : http://www.maat.sofiatopia.org/zaba01.htm
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Tonfragmente, Festschrift für G. Burkard, AÄT 76, 2009, p. 449-462.
(Titre)
(Prologue)
15
. Rapprocher Sinouhé B 168-169 : jæw hæ=w wgg æs~n=f wj, la vieillesse est tombée, la déchéance m’a assailli.
16
. Je suis l’analyse de Fr. LACOMBE-UNAL, BIFAO 99, 1999, p. 285, n. 12.
17
. Tnw = jtnw.
18
. C’est-à-dire : « que Sa Majesté autorise mon fils à me succéder dans mes fonctions ». Sur le « bâton de
vieillesse », voir les références données par Fr. LACOMBE-UNAL, BIFAO 99, 1999, p. 286, n. 17.
19
. Le roi (Djedkarê-Isési) ; noter l’emploi du singulier « dieu » (n†r) pour désigner le roi, tandis que le pluriel
« dieux » (n†r.w) se réfère à l’instance divine. Rapprocher, dans l’autobiographie de Sarenpout I : « Je suis
sorti de ma cité, je suis descendu de mon nome, après avoir fait ce que louait mon [dieu] et ce que désiraient
tous mes dieux ».
20
. On pourrait traduire : « la sagesse (sææ) n’est pas innée ».
(Intitulé de l’Enseignement)
Début des vers (faits) de beau langage prononcés par le prince et gouverneur, père du
dieu et aimé du dieu, fils aîné royal de sa chair, le maire et vizir Ptahhotep, enseignant
aux ignorants l’apprentissage selon la norme du beau langage, chose bénéfique à qui
écoutera, mais préjudiciable à celui qui la transgressera.
(Avertissement liminaire)
(Première partie)
24
(Maxime 1)
(Maxime 2)
(Maxime 3)
(Maxime 4)
Si tu es en position de dirigeant 28,
prescrivant des avis à la foule,
cherche donc toutes les solutions adaptées
pour rendre ton avis irréprochable.
(6,5) Maât est vénérable et d’un effet durable,
elle est imperturbable depuis le temps d’Osiris 29.
On punit celui qui néglige les lois,
c’est ce que néglige l’homme cupide.
C’est la bassesse qui prend la richesse,
25
. Litt. « il sera dit de lui que c’est un ignorant des choses ».
26
. Noter la composition circulaire (« grand » — « grands ») de ce distique.
27
. Litt. « C’est pénible, celui qui détruit le faible ».
28
. Trois maximes débutent ainsi : 4, 15 et 16.
29
Rapprocher, dans les Textes des Pyramides : Ïc(=w) Wsjr wcb(=w) SÏm qæ(=w) nb mæc.t r tpj rnp.t nb rnp.t,
Osiris est apparu, le Puissant est purifié, le seigneur de maât s’est élevé au premier jour de l’année, le
seigneur de l’année (§ 1520a-b [TP 577]). La graphie inattendue du théonyme « Osiris » ( au lieu
de ), que le rédacteur de la version L2 a manifestement interprétée comme signifiant « Celui qui l’a
créée » ( ), prouve que l’on voulait délibérément établir un lien entre « Osiris » (Wsjr < s.t-jr.t ?),
« celui qui a créé la place / le trône » (jrw s.t), et « celui qui a créé la maât » (jrw mæc.t > jrw s.y).
mais la vilénie n’est jamais parvenue à bon port.
On dit :“Je veux acquérir par moi-même”,
on ne dit pas : “Je veux acquérir par ma fonction”.
La fin venue, seule la maât perdure,
et l’on ne pourra point dire : “C’est mon patrimoine !” 30.
(Maxime 5)
(Maxime 6)
30
Jeu de mots entre la négation enclitique archaïsante w et le composé rare w-jt, « patrimoine » : ed w s w-jt=j
pw. Sur cette négation : Fr. KAMMERZELL, « Die altägyptische Negation w », LingAeg 3, 1993, p. 17-32.
31
. Le roi.
32
. La formule funéraire rituelle qui ne sera pas prononcée en faveur du défunt condamné par le tribunal d’Osiris.
33
. Les biens du défunt condamné seront transférés à d’autres qu’aux membres de sa famille, sur ordre du roi.
34
. Les dieux.
35
. Litt. « devant ton nez ».
36
. Le terme ka a ici une acception différente de ses emplois en contexte funéraire, où il désigne les
représentations du défunt en tant que supports du culte. Il s’agit de ce qui constitue l’individualité, la
personnalité, avec le « patrimoine génétique » (voir Maxime 11), qui se transmet de génération en
génération ; voir également P. VERNUS, Sagesses de l’Égypte pharaonique, 2001, p. 119-120, n. 88.
C’est le ka qui tend les bras,
le grand donne quand l’homme ne peut atteindre ;
s’alimenter 38 dépend de l’avis du dieu :
ignorant qui s’en plaindrait 39.
(Maxime 7)
Si tu es un homme de confiance,
qu’un grand envoie à un (autre) grand,
fais preuve d’une parfaite exactitude quand il t’envoie
et remplis pour lui la mission comme il le demande 40.
Garde-toi de médire avec une parole
qui puisse créér la zizanie entre un grand et un autre.
Maintiens la maât, ne l’outrepasse pas,
on ne fait pas rapport en assouvissant ses désirs.
Ne diffame personne,
grand ou petit, (7,5) car c’est l’abomination du ka.
(Maxime 8)
(Maxime 9)
37
. L’activité cérébrale étant soumise, la nuit, à la volonté divine, par le biais des rêves et du sommeil « bon
conseiller », le dignitaire prendra finalement la décision qui s’impose à lui. P. Vernus a très justement décelé
dans ce processus une préfiguration de notre conception moderne de l’inconscient.
38
. Litt. « manger du pain ».
39
. Le verbe cncj est certainement lié étymologiquement à jcn, « se plaindre », « grogner » (comme un babouin !).
40
. Rapprocher, dans l’Enseignement de Khéty, X, 3 : Si un notable t’envoie en mission, parle comme il a parlé.
— N’en enlève rien, n’y ajoute rien.
41
. Je ne retiens pas la proposition de S.I. KANG, ZÄS 135, 2008, p. 183-184 : « should he seize, he would be like
a crocodile in the court of magistrates », qui me semble mal convenir au nb qdw, « celui qui contrôle (sa)
nature ».
42
. Litt. « et la mère qui a enfanté, une autre sera plus heureuse qu’elle ».
43
. Litt. « Un possesseur de tribu, elle pourra réclamer son service ».
ta conduite sera toujours bonne 45 auprès du dieu ;
si tu as appris sa condition modeste passée,
tu ne montreras pas d’orgueil envers lui.
Pour ce que tu as appris de sa situation passée,
respecte-le en fonction de ce qui lui est advenu 46 ;
le bien ne vient pas naturellement,
car c’est (l’effet de) leur loi pour celui qu’ils aiment (mérérou) 47.
L’opulence, il l’a constituée de lui-même,
mais c’est le dieu qui a fait sa qualité,
tout en veillant sur lui durant son sommeil 48.
(Maxime 10)
(Maxime 11)
Si tu es un homme de qualité,
tu feras un fils par la grâce du dieu.
S’il fait preuve d’exactitude, qu’il sert ton image
et qu’il prend soin de ton bien comme il convient 50,
procure-lui tout le bien-être possible,
car c’est ton fils, qui relève de la procréation de ton ka 51.
Tu ne détacheras pas de lui ton attention :
44
. R.B. Parkinson note à juste titre que ce cas de figure convient mal au fils d’un vizir, indice de la portée plus
générale de l’Enseignement (Poetry and Culture in Middle Kingdom Egypt, London, New York, 2002,
p. 257).
45
. Litt. « toute ta conduite sera bonne ».
46
. Ce système protase-apodose n’a pas été vu jusqu’ici ; cette analyse permet d’éviter une redondance peu
plausible de la part de l’auteur de l’Enseignement (« si tu as appris sa condition modeste passée, veuille ne
pas montrer d’orgueil envers lui à cause de ce que tu as appris de sa situation passée »).
47
. Les dieux accordent la réussite à ceux qu’il chérissent.
48
. Litt. « quand il est couché » ; c’est la première apparition, dans la littérature égyptienne, du thème du roi
veillant la nuit sur ses sujets, développé dans les hymnes à Sésostris III.
49
. Malgré l’étude de D. LORTON (« The expression Òms jb », JARCE 7, 1968, p. 41-54 ; « A note on the
expression Òms jb », JARCE 8, 1969-1970, p. 55-57), le sens exact de l’expression « suivre sa conscience / sa
volonté » reste sujet à discussion.
50
. Litt. « à la place qui est la sienne ».
51
. Cette conception génétique transparaît dans certains noms propres égyptiens : Kæ(=j)-jr-sw, Kaïrsou, litt.
« C’est mon ka qui l’a engendré » ; Gm~n=j-kæ(=j), Gemnikaï, litt. « J’ai reconnu mon ka ». Comparer aussi
WÌm~n(=j)-kæ(=j), Ouhemnikaï, litt. « J’ai renouvelé mon ka » ; Jy-kæ(=j), Iykaï, litt. « Mon ka est venu »,
etc. Sur les noms propres formé avec kæ à l’Ancien Empire, cf. S. RZEPKA, « The Pseudo-Groups of the Old
Kingdom – A New Interpretation », SAK 23, 1996, p. 341-342.
la semence peut engendrer le conflit.
Mais s’il s’égare et transgresse ton avis,
après s’être rebellé contre toute parole,
que sa bouche profère des mots indécents,
tu le rétribueras de tous ses propos,
car celui qui te tient tête est un être qu’ils 52 ont honni (khébed),
53
(8,1) c’est un être frappé de disgrâce (sédjeb) dès la naissance .
Celui qu’ils guident n’erre point,
mais celui qu’ils privent de bateau ne trouve aucun moyen de traverser 54.
(Maxime 12)
Si tu es dans l’antichambre 55,
comporte-toi selon ton rang ;
ce qui t’a été assigné au premier jour,
ne l’outrepasse pas au risque de te faire refouler.
Un homme averti est celui qui entre à l’appel,
considérable est la position de celui qui est demandé.
L’antichambre (8,5) est régie par un règlement,
chaque avis est conforme à une étiquette 56.
C’est le dieu qui fait avancer la position,
on n’a jamais promu 57 ceux qui ont joué des coudes.
52
. Les dieux.
53
. Litt. « dans le ventre » (de sa mère). Sur l’expression m È.t, « dès la naissance », rapprocher, dans l’Hommage
du médecin Nyânkh-Sekhmet à Sahourê (stèle Caire CG 1482) : d~n n=f n†r sjæ Ï.t m È.t, le dieu lui a octroyé
la connaissance des choses dès la naissance.
54
. De même, dans les textes funéraires, le défunt doit avoir une embarcation à sa disposition : ce N traversera
sur le bac vénérable sans qu’une rétribution n’y soit prise (Pyr. § 334b [TP 262]).
L’opposition entre les deux fils est reprise indirectement dans la célèbre stèle de Semna de Sésostris III : Tout
mien fils qui consolidera cette frontière qu’a fixée Ma Majesté, ce sera mon fils, c’est pour Ma Majesté qu’il
sera enfanté, image d’un fils protecteur de son père, qui consolide la frontière de qui l’a engendré. Mais
celui qui la perdra, ou qui ne se battra pas pour elle, ce ne sera pas mon fils, ce n’est pas pour moi qu’il sera
enfanté.
Cette maxime suggère en arrière-plan un aspect de la conception égyptienne de la génétique humaine : le fils
obéissant est bien issu du ka de son père. Il fait partie de ceux qui sont « chéris, aimés » (mrrw.w) ou
« favorisés, loués » (Ìssy.w) des dieux, tandis que le fils rebelle, condamné dans le ventre (È.t) de sa mère, in
utero, est « haï » (msddw), « honni » (Ïbd) et frappé de « disgrâce » (sdbj). Rapprocher, en 16, 6-7 : mrrw-n†r
pw sem(w) n sem~n msddw-n†r, celui qui écoute est un aimé du dieu, tandis que le haï du dieu n’écoute pas.
Une théorie comparable de la génétique et de la prédestination se retrouve, dans le monde sémitique, dans les
Hadiths du Coran (traditions relatives aux actes et paroles du Prophète) ; cf. L’Authentique d’al-Bukhârî 2,
Maison d’Enour, Paris, 2007, p. 594, n° 3208 (voir le document joint) ; L’Authentique d’Al-Bukhârî (810-870
apr. J-C.) est considéré par les Sunnites comme le recueil le plus fiable après le Coran. Sur les concepts de
destin et de prédestination en Égypte, voir en particulier S. MORENZ , Untersuchungen zur Rolle des
Schicksals in der ägyptischen Religion, Berlin, 1960 ; J. QUAEGEBEUR, Le dieu égyptien Shaï dans la religion
et l’onomastique, OLA 2, 1975 ; Fr.T. MIOSI, « God, Fate and Free Will in Egyptian Wisdom Literature »,
dans Studies in Philology in honour of R.J. Williams, Toronto, 1982, p. 69-111.
55
. Litt. « dans le portique » (où se tiennent les audiences).
56
. Cf. A. DUNE, Wepwawet 1, 1985, p. 7-8.
57
. La lecture jrrw plutôt que jr=tw que propose M. PANOV (GöttMisz 213, 2007, p. 45) ne s’impose pas, d’autant
qu’elle est grammaticalement problématique.
(Maxime 13)
(Maxime 14)
(Maxime 15)
Si tu es en position de dirigeant,
libre (9,1) de tes avis et de tes ordres,
tu dois agir de manière calculée,
en ayant pensé aux jours suivants.
58
. Les Égyptiens formulent explicitement, on le voit, la distinction entre la pensée rationnelle et l’élan
émotionnel, entre la réflexion et les pulsions.
59
. En admettant, avec P. Vernus, un phénomène d’haplographie : jb=f <f>æk=w Ìcw=f Èsæ=w.
60
. Transparaît peut-être ici la conception selon laquelle il existe, dès la naissance, pour chaque individu, une
prédisposition « horienne » ou « séthienne ». C’est ce que confirmera plus tard la « clef des songes »
ramesside du Papyrus Chester Beatty III (P. BM 10683), qui distingue soigneusement les rêves des suivants
d’Horus de ceux des acolytes de Seth.
61
. Litt. « sans perdre conscience ».
62
. Litt. « S’il (le messager ?) est disert quand il (= le seigneur ?) dit “non”, c’est déplaisant de la part du
messager, le rapport ».
63
. Si le seigneur demande des commentaires de la part du messager, c’est lui le fautif, oubliant la discrétion qui
est de mise. Bien que son analyse de la particule soit judicieuse, je ne suis pas l’interprétation de ce passage
par E. ORÉAL , Les particules en égyptien ancien. De l’ancien égyptien à l’égyptien classique, BiEtud 152,
2011, p. 36-37.
Une affaire n’a jamais abouti au milieu de louanges,
et comme surgit le crocodile survient le dédain.
(Maxime 16)
Si tu es en position de dirigeant,
montre-toi aimable quand tu auditionnes la déposition d’un plaignant ;
ne le rejette pas tant qu’il n’a pas déchargé son cœur
de ce qu’il avait prévu (9,5) de te dire 64.
La victime préfère (encore) s’épancher
plutôt que de voir traiter ce pour quoi elle est venue.
Celui qui procède au rejet des plaintes,
on dit de lui : “Mais pourquoi les refuse-t-il ?”
Rien de la plainte déposée auprès de lui ne doit-il aboutir,
celui qui auditionne comme il convient passe pour un homme poli.
(Maxime 17)
(Maxime 18)
64
. Corriger la transcription de Z. Zaba : m kæ.t~n=f ed n=k s.t ; cf. M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 45.
65
. « Écartés » (ngb), comme les vantaux d’une porte ; rapprocher ngbgb dans CT VII, 35o [TS 834] ; D. MEEKS,
AnLex 78.2267.
66
. Le verbe égyptien (s†j) signifie à la fois « harponner, transpercer (d’une flèche) » et « éjaculer » ; la langue
française, avec « tirer », autorise la même ambiguité !
67
. Sur le thème de la jalousie envieuse et de la jalousie possessive, voir désormais P. V ERNUS, « Jalousie des
dieux, jalousie des hommes dans l’Égypte pharaonique », dans E. Rouillard-Bonraisin (éd.), Jalousie des
dieux, jalousie des hommes, Homo Religiosus, série II, vol. 10, Brepols, 2011, p. 45-70.
Toute relation d’intimité en est compromise,
elle pervertit pères et mères,
ainsi que les frères de la mère 68,
elle prive la femme du mari.
C’est une collection de maux en tout genre,
c’est un amoncellement d’affres en tout genre 69.
L’homme ne perdure qu’en s’ajustant à la maât,
celui qui va à son allure,
(10,5) il doit y conformer son testament ;
pas de tombe, en revanche, pour le cupide.
(Maxime 19)
(Maxime 20)
68
. Corriger la transcription de Z. Zaba : Ìnc snw.w n(y.w) mw.t ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 45.
69
. « Affres » (Ïbd.wt) ; l’Affreux (Íbe) est une désignation de l’adversaire du défunt dans les Textes des
Pyramides : j Íbe pw Ïbe-qd Ïbe-jrw, Ô cet Affreux, celui au caractère affreux, celui à la forme affreuse
(§ 296b [TP 255]).
70
. Pour la construction grammaticale, voir P. GRANDET, B. MATHIEU , Cours d’égyptien hiéroglyphique, éd.
Khéops, Paris, 2011, § 52.4.
71
. Corriger la transcription de Z. Zaba : sfw ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 45.
72
. Litt. « de l’apport des mots ».
73
. C’est-à-dire une famille. Même vers dans l’Enseignement de Hordjédef, qui pourrait bien être antérieur,
auquel cas l’Enseignement de Ptahhotep ferait ici une citation.
74
. Expression juridique ; lire probablement jm=k wec s(.y) (r-)ry.t.
75
. Je m’écarte des traductions traditionnelles, du type « éloigne-la du pouvoir et tiens-la docile » (P. VERNUS,
Sagesses de l’Égypte pharaonique, 2001, p. 93), qui ne me semblent pas rendre compte du contexte. La
présente maxime, en effet, doit être mise en relation avec la Maxime 17 ; il s’agit pour Ptahhotep de mettre en
garde son fils contre les risques que fait courir une femme mariée, que l’on soit dans la position de l’amant
adultère (Maxime 17) ou du mari trompé (Maxime 20).
c’est (le moyen de) la maintenir dans ta maison,
car si tu la repousses, elle sera (comme) de l’eau.
Une vulve, une fois livrée à elle-même,
on ne peut la conjurer qu’après qu’elle a fait un canal 77.
(Maxime 21) 78
(Maxime 22)
(Maxime 23)
Si tu es un homme de qualité,
76
. Comparer, dans un chant d’amour du Nouvel Empire : « charmant est son regard » (P. Chester Beatty I, v° C
1, 2-3).
77
. En suivant la traduction de P. VERNUS, Sagesses de l’Égypte pharaonique, 2010, p. 174-175. L’idée générale
est : « Mieux vaut prévenir que guérir ».
78
. Commentaire récent par E. ORÉAL, RdE 59, 2008, p. 335-356.
79
. Litt. « C’est une personne (ka) avare ».
80
. Sentence voisine dans l’Enseignement pour Gemnikaï.
81
. Auprès des étrangers.
82
. Litt. « répéter » ; il faut ici donner à ce verbe un sens technique.
83
. Litt. « de celui dont le ventre (khet) est chaud » ; nouvelle opposition entre une conduite réfléchie et les élans
passionnels.
84
. Corriger la transcription de Z. Zaba : m msd.t ; M. PANOV , GöttMisz 213, 2007, p. 45. La traduction de ce
distique est conjecturale ; le sens semble être le suivant : seules les affaires fondées sur des témoignages
crédibles doivent être instruites, car l’enquête aura tôt fait de révéler les mensonges.
85
. Litt. « habille-toi en ce qui la concerne ».
siégeant au conseil de son seigneur,
concentre ton esprit 86 sur la qualité ;
tu te tairas, (11,10) c’est plus bénéfique que des fioritures 87.
tu ne t’exprimeras qu’après avoir compris que tu avais l’explication,
car seul l’expert doit s’exprimer au conseil.
Discourir est plus difficile que toute autre activité :
seul celui qui a l’explication peut le pratiquer 88.
(Maxime 24)
(Maxime 25)
86
. Corriger la transcription de Z. Zaba : jb=k ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 45.
87
. La métaphore est celle de la végétation sauvage (tftf) qui pousse spontanément, sans contrôle.
88
. Litt. « le placer sur le bois » ; rapprocher le français « avoir du pain sur la planche ».
89
. Litt. « pénètre dans la faute ».
90
. À rapprocher peut-être du Ïn enregistré par D. MEEKS, AnLex 77.3092 (« dommage causé »).
91
. Litt. « sa route est empruntée ».
92
. La correction généralement proposée (G. BURKARD, ÄgAbh 34, 1977, P . 17 ; D. MEEKS , AnLex 77.1746 ;
P. VERNUS, Sagesses de l’Égypte pharaonique, 2001, p. 128, n. 181) de mnÒ en mnÒ-jb ne s’impose pas.
93
. Ou « le tir a été accompli » ?
94
. Ces quatre derniers vers sont d’interprétation difficile.
95
. Litt. « n’irrite pas l’esprit de celui qui est chargé ».
96
. Le grand partage avec le roi (« le dieu ») cette fonction nourricière.
ce qu’il désire, c’est ce qui doit être fait pour lui.
Tranquillise donc 97 après la fureur :
la satisfaction réside auprès de sa personne (ka) ;
la disgrâce (sédébi) réside auprès de l’Adversaire :
ce qui fait croître l’affection (mérout) sont des nourritures (kaou).
(Maxime 26)
(Maxime 27)
(Maxime 28)
97
. Litt. « reforme donc le visage ».
98
. Corriger la transcription de Z. Zaba : m-Ìry-jb ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 46.
99
. C’est-à-dire de ton corps momifié.
100
. Litt. « Elle restera vivante grâce à lui »..
101
Cette stance constitue une variation sur différents emplois du radical m r, « attachement, affection ».
L’affection (mérout) que porte un supérieur à son subordonné sera source de satisfaction matérielle pour ce
dernier, mais également pour toute sa famille. Ainsi, une fois mort, le subordonné inspirera un sentiment
d’amour chez ses descendants reconnaissants. La conclusion est que l’amour de l’obéissance est source de
bien-être pour soi-même et pour sa postérité.
102
. Litt. « le fils d’un homme ».
103
. Ou « apports, cadeaux » ? Le même mot (mæew.w / mædw.w) peut signifier « palanche » ; sur ce passage, voir
P. VERNUS, dans Orientalia Monspeliensia IX/2, 1997, p. 437-443.
104
. Le mot wec.t, « jugement, procès », est déterminé par les trois traits du pluriel, et non par deux, contra
Z. Zaba ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 46.
Si tu te montres indulgent en raison d’un événement passé,
et que tu penches pour un homme (13,5) en raison de sa droiture,
abandonne l’affaire 105, n’y pense plus,
puisque tu l’as acquitté au premier jour 106.
(Maxime 29)
(Maxime 30)
(Maxime 31)
105
. Litt. « passe à côté d’elle ».
106
. Litt. « puisqu’il se montre tranquille pour toi le premier jour ». Le sens de cette stance est le suivant : ne
poursuis pas un homme que tu as naguère innocenté.
107
. Corriger la transcription de Z. Zaba : Èms ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 46.
108
. Litt. « le bras (du chef) ne peut se plier pour (le subordonné) qui se découvrira ». Corriger la transcription de
Z. Zaba : n Ïæb~n ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 46.
109
. Corriger la transcription de Z. Zaba : jr rÏ(w)=f s.t ; M. PANOV, GöttMisz 213, 2007, p. 47.
110
. Litt. « une femme-enfant », un giton ; sur cette maxime mettant en garde contre la pédérastie, voir désormais
R.B. P ARKINSON , « Homosexual Desire and Middle Kingdom Literature », JEA 81, 1995, p. 68-70.
L’interprétation de Fr. K AMMERZELL , M.I. TORO R U E D A , LingAeg 11, 2003, p. 63-78, consistant à
comprendre « une femme ou un enfant », n’est pas convaincante.
(14,5) ce qui est défendu deviendra de l’eau pour son cœur 111,
car il n’est jamais de cesse à sa passion 112.
Il ne doit pas passer la nuit à faire ce qui est défendu,
car il ne cessera qu’après avoir épuisé son désir.
(Maxime 32)
(Maxime 33)
(Maxime 34)
111
. C’est-à-dire une pratique pour lui nécessaire ? Une autre traduction serait : « alors que tu t’es rendu compte
de ce qui fait obstacle sur son gland (??) » (P. VERNUS, Sagesses de l’Égypte pharaonique, 2001, p. 102).
112
. Litt. « à ce qu’il a dans le ventre ».
113
. Litt. jr ecr(w)=k qdw n(y) Ïnms, « si tu sondes la nature d’un ami ».
114
. Litt. « agite son esprit par une occasion de discours ».
115
. Plus littéralement : « ne fais pas la tête ».
116
. Autre formulation du thème de la prédestination.
117
. Probablement une citation. Les partisans d’un homme, sur sa « rive », peuvent lui apporter plus encore qu’il
n’a.
le bien de l’un revient à l’autre.
Le comportement d’un fils de bonne naissance lui est bénéfique,
un bon naturel (15,5) assure le souvenir.
(Maxime 35)
(Maxime 36)
(Seconde partie)
(Première section) 121
118
. Litt. « pansue », comme la cruche du même nom (Òpn.t) ? Mas le sens précis n’est pas assuré ; cette maxime
difficile est commentée par Chr. CANNUYER, ZÄS 113, 1986, p. 92-103, dont je ne suis pas toutes les
interprétations.
119
. C’est-à-dire qu’elle suit son humeur du moment ?
120
. Cet hapax (cqææ) est à rapprocher du vocable topographique cqnw / cgn.t (Wb I, 235, 2 et 236, 3).
121
. Cette section, dont la structure n’a pas été clairement décrite jusqu’ici, est constituée de trois stances
parallèles constituées chacune de deux quatrains (= quatre distiques = huit vers). Elle s’achève par
l’injonction : jr r mæc.t Òw m grg, « Agis selon la maât, sois exempt de mensonge ! ».
122
. Sur l’interprétation de ce passage, voir Fr. SERVAJEAN, ENIM 1, 2008, p. 16-18.
123
. Litt. « les actes de maât » ; cette expression définit l’ensemble de la première partie de l’Enseignement.
124
. Mes propos.
125
. On notera l’emploi d’un vocabulaire littéraire technique : md.t, « mot », †s, « vers », Òsr.t, « maxime ».
l’écouter permet de devenir un expert écouté (à son tour).
Il est bon de s’exprimer pour la postérité, car c’est elle qui l’écoutera ;
que survienne un événement heureux grâce à celui qui est chef,
il restera un bienfaiteur pour toujours,
et sa sagesse, quelle qu’elle soit, demeurera à jamais !
(Deuxième section) 127
126
. La correction proposée par Z. Zaba, de mcn à mÏæ, s’appuie judicieusement sur le parallèle fourni par la Stèle
de Qouban, l. 14 (KRI II, 355, 15-16), qui pourrait bien se référer discrètement à l’Enseignement de
Ptahhotep : mÏæ(=w) ns=k cqæ(=w) sp.ty=ky r tÏ mty n(y) EÌwty, ta langue est équilibrée et tes lèvres plus
précises que le peson exact de Thot.
127
. Cette deuxième section, comprenant elle aussi trois stances, constitue un vrai morceau de bravoure
rhétorique, utilisant les ressorts de la polyptote, sur le thème de l’écoute (sem).
128
. Litt. « qui écoute » (participe actif imperfectif).
129
. Mrrw-n†r pw sem(w) n sem~n msddw-n†r ; rappel de la théorie égyptienne de la prédestination.
Il est bon que le fils écoute (16,10) son père,
heureux celui à qui on a dit cela !
Le fils, sa grâce vient de sa capacité d’écoute,
celui qui sait écouter et qui en a la réputation
se révèle être un digne fils dès la naissance 130,
un révéré auprès de son père.
Le souvenir de lui reste dans la bouche des vivants
qui sont sur terre et qui viendront à l’existence.
(Troisième section)
(Quatrième section)
(Cinquième section)
130
. Litt. « celui qui écoute et dont on dit cela est efficient dans le ventre (de sa mère) ».
131
. Pour ce sens de med, cf. P. VERNUS, Sagesses de l’Égypte pharaonique, 2010, p. 176.
132
. Ce portrait est celui d’un être « séthien ».
133
. Litt. « C’est comme l’ignorance qu’il voit la connaissance ».
134
. Noter la construction en chiasme. L’expression Ïbn-ed, « condamnable à dire, maudit », évoque Ïbn Ïrw,
« condamné », attesté dans les Textes des Pyramides (§ 1041d [TP 486]), antithétique du célèbre mæc Ïrw,
« justifié », appliqué aux défunts ayant passé victorieusement l’épreuve du jugement dernier.
(17,10) Le fils qui sait écouter est un suivant d’Horus 135,
c’est bon pour lui d’avoir écouté ;
il atteint dans sa vieillesse l’état de révéré 136,
lui qui récite la même chose à ses enfants.
Renouvelant l’enseignement de son père,
chaque homme est enseigné selon ses actes 137 ;
il le récitera auprès de ses enfants,
qui le rediront à leurs enfants.
(Sixième section)
135
. Les dieux l’ont donc prédestiné favorablement, à l’inverse des « acolytes de Seth ».
136
. Litt. « sa vieillesse atteint l’état de révéré ».
137
. Ceux de son père.
138
. Les commentateurs considèrent généralement que le texte est ici incomplet, et que l’expression « le premier
de cela » (tpy jry) se rapporte aux enfants ; je propose d’écarter ces deux « solutions ».
139
. Le distique fait sens si l’on admet que le pronom =sn, « eux », se réfère aux vers / maximes de
l’Enseignement.
140
. Il peut s’agir des mots de l’Enseignement comme des paroles du magistrat.
141
. Je traduis ainsi l’expression idiomatique wn jnj.w, « ouvrir les mailles du filet » (?) ; peut-être retrouve-t-on
ici la métaphore du texte – tissu.
142
. Litt. « à leur place ».
143
. En adoptant la correction srÏ=k pour sÏr=k.
agis pour lui faire dire : “C’est le fils de celui-là !”,
(19,1) pour faire dire à ceux qui l’apprendront :
“Favorisé celui pour qui il a été enfanté !”
Fais preuve de retenue au moment où tu t’exprimes,
tu ne prononceras que des paroles calculées,
si bien que les magistrats qui entendront diront :
“Beau ce qui sort de sa bouche !”.
(Conclusion)
(Colophon)
C’est ainsi qu’il 147 doit aller, du début à la fin, conformément à ce qui a été trouvé par
écrit.
144
. S. e. de sa mère.
145
. Allusion à l’exorde où Ptahhotep décrivait son état physique.
146
. La tombe.
147
. Le manuscrit.