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CASBAH
Jean-Lucien Bonillo
2006/2 N° 18 | pages 31 à 38
ISSN 1621-5338
ISBN 2742760342
Article disponible en ligne à l'adresse :
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http://www.cairn.info/revue-la-pensee-de-midi-2006-2-page-31.htm
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LE DÉPASSEMENT DE L’ORIENTALISME
Cette parenté de formes et d’esprit entre la pureté apollinienne recher-
chée par les architectes modernes et la sobriété de l’architecture des
îles et des rivages de la Méditerranée (volumes simples, dépouille-
ment, enduit blanc, toit-terrasse…) n’était bien sûr pas le fait du
hasard. L’histoire de l’architecture au XXe siècle est riche de positionne-
ments qui revendiquent un rapport avec la tradition méditerranéenne.
Des plus académiques aux plus engagés dans l’idée de renouveau et de
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rupture, tous les courants auront trouvé dans tel ou tel aspect de l’hé-
ritage méditerranéen de quoi nourrir la construction du mythe de la
tradition. Un mythe toujours nécessaire aux doctrines d’architecture.
Mais, au-delà de l’incontournable prégnance de la culture classique
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Pas au point cependant d’en faire une des “racines méditerranéennes
de l’architecture moderne”. Traitant de ce thème en 1935, la
revue AC (Arquitectura contemporanea), organe du mouvement, ne
retiendra que l’architecture monumentale et plus encore celle, ano-
nyme et banale, des îles Baléares et de ses équivalents méditerranéens.
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(6) Team Ten (“Groupe 10”) : nom du groupe que les jeunes architectes modernes
des CIAM vont adopter pour développer, à partir du 9e Congrès
d’Aix-en-Provence, en 1953, une tendance critique. C’est eux qui seront chargés
d’organiser le 10e Congrès, de là le Team Ten.
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comment, dans leurs propos et leurs explications, cette référence reste
latente et toujours prête à resurgir, comme en témoignent les expres-
sions récurrentes de “casbah organisée” et aussi de “bidonville structuré”.
Cela tient selon nous à la conjonction de deux faits :
Le premier concerne la séduction du primitif et la recherche d’une
forme de tissu urbain (association) à forte expression symbolique. Il
était plus facile pour ces architectes d’imaginer l’idéalité dans un
monde culturel et urbain différent. Or, de Fès à Alep, la ville du
monde arabo-musulman porte la double trace de ses origines tribales
et de sa cosmogonie…
Le deuxième a trait à la recherche d’une complexité spatiale comme
alternative possible aux modèles de la rue/corridor haussmannienne et
du grand ensemble rationaliste hérité des expériences des Siedlungen (7)
de l’entre-deux-guerres. Comme il arrive souvent dans la pensée des
architectes qui glissent sans précaution des qualités de l’espace à l’ex-
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relevés de celui de Mahieddine à Alger), et aussi pour l’Italien
Giancarlo de Carlo, le modèle de la casbah restera comme une forme
aboutie de ces habitats nés, dans une particulière harmonie, des condi-
tions du milieu. Une de ces expressions heureuses d’architecture sans
architecte que Bernard Rudofsky, à la même époque, s’évertue à faire
connaître dans de successifs ouvrages et dont Hassan Fathy, en Egypte,
essaie de montrer, non sans déboires, la valeur d’actualité pour les pays
en développement et les populations rurales pauvres.
A l’aune de leurs projets, cependant, ce modèle n’a plus qu’un sta-
tut allégorique, car l’obstacle des différences temporelles et culturelles
empêchait de fait un recyclage trop direct, une référence trop littérale.
C’est le concept de “web” (réseau) qui permettra une transposition
idéalisée de la casbah comme système tridimensionnel en nappe struc-
turée selon trois principes : d’abord une forme ouverte et indétermi-
née, modifiable et extensible ; ensuite un espace offrant un fort
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