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: Céline Candiard
THEÂTRES DE L’ANTIQUITE 3
V – SOURCES TARDIVES 11
COMIQUE DOUBLE 16
I – LA COMEDIE ANCIENNE 16
1 – Un genre secondaire 17
2 – Un théâtre satirique ? 18
V – LA COMEDIE ROMAINE 24
VI – LA TRAGEDIE ROMAINE 25
Le but premier de ce cours est de donner accès aux connaissances les plus récentes et les plus
complètes sur les théâtres de l’Antiquité. L’idée est de faire comprendre que l’accès aux connaissances et à
l’interprétation des éléments qui nous sont parvenus posent des problèmes et permettre de comprendre qu’il
y est des désaccords parmi les théoriciens et chercheurs contemporains du théâtre antique. Il est également
l’occasion pour les enseignants-chercheurs d’utiliser cet objet d’étude pour nous initier à leurs disciplines –
études théâtrales et archéologies – et ils ne vont pas nécessairement développer de la même manière. Les
théâtres antiques possèdent un statut très paradoxal : ils sont très éloignés de nous mais ont en même temps
ORIGINES
Le théâtre antique est un théâtre très ambigu : ces théâtres sont très éloignés et étrangers de nous
puisqu’ils utilisent des formes spectaculaires dont le contenu était déterminé par un contexte religieux ; et
pourtant ces théâtres – en particulier le théâtre grec – continuent de fasciner et d’être des références et des
repères. Le théâtre grec est le théâtre le plus réinventé car chaque artiste de spectacle a sa propre version de
ce qu’était le théâtre antique car ils ont tendance à être considéré comme le théâtre des origines, le berceau
du théâtre occidental. Dans l’architecture, la sculpture et les autres domaines artistiques ou non, la référence
suprême est la Grèce antique puisqu’elle est considérée comme l’endroit où est né toutes les grandes notions
fondamentales de la culture et de l’art. Les romains sont moins joués car ils sont considérés comme des
copieurs de grecques, mais les romains eux-mêmes considéré la Grèce antique comme berceau de la
civilisation occidentale. Il y a une réalité entre les théâtres de l’Antiquité et il y a des fantasmes sur ces
théâtres.
I – L’ILLUSION D’UNE CONTINUITE
L’une des raisons pour laquelle on parle souvent du théâtre antique est que ce théâtre donne le
sentiment d’être à l’origine de notre théâtre contemporain, qu’il existe une forme de continuité entre eux et
on représente l’histoire du théâtre comme un cours d’eau, mais en réalité cet ouvrage est un ouvrage de
vulgarisation et présente des erreurs et les représente de manière fantasmée. Tout d’abord, cette image du
fleuve exprime l’idée d’une transmission ininterrompue entre les anciens et nous, or l’histoire du théâtre
occidental est fondamentalement discontinue ; par exemple, lorsque l’Empire Romain est devenu chrétien à
la fin de l’Antiquité, le théâtre a peu à peu été condamné par les pères de l’Eglise et n’a pas survécu à la
Chute de l’Empire Romain au cinquième siècle. Entre le cinquième siècle et le dixième siècle, l’Europe fut
dépourvue de toutes formes de théâtres ; de plus, jusqu’au treizième siècle, les seules formes que nous
pourrions rapprocher du théâtre n’apparaissent que dans un contexte religieux, prise en charge uniquement
par des religieux. Ainsi, durant ces huit siècles, toute transmission théâtrale ne fut possible et cela produisit
une période sans théâtre, avec une interruption totale. Il y a donc deux naissances successives des théâtres
Alors pourquoi cette idée d’héritage du théâtre antique existe-elle ? Au début de la Renaissance
et de l’humanisme, on redécouvre ce modèle antique et on l’utilise comme modèle dans tous les arts, avec le
théâtre antique. On le redécouvre également grâce à une invention majeure de l’époque : l’imprimerie ;
grâce à l’imprimerie, on va pouvoir diffuser des textes de manière massive et donner accès à ces textes aux
son passé immédiat pour se donner comme modèle le peuple de l’Antiquité ; ils vont imposer le modèle de
l’Antiquité contre ce qui se faisait au Moyen-Age. Il y a donc un rapport de référence plus qu’un rapport
d’héritage. Erigé le théâtre antique comme modèle du théâtre occidental était un choix délibéré fait à la
Renaissance et constitue une référence importante et on choisit ce point de référence principal. Le théâtre du
Moyen-Age fut rejeté et est devenu un modèle inconscient car la référence à l’Antiquité est bien plus
légitime et prestigieuse. A travers ce qu’un artiste dit d’un théâtre antique, il conçoit son théâtre idéal.
II – UN THEATRE DE LA « NATURE HUMAINE » ?
Les théâtres antiques seraient des théâtres porteurs de questions profondes et fondamentales sur
la nature humaine, des questions qui auraient traversé le temps, notamment dans les tragédies antiques. Le
texte de Jean-Pierre Siméon sur son spectacle Electre est représentatif de notre intention de spectacle crée à
partir de textes antiques puisque ces textes contiennent des questions philosophiques intemporelles qui
feraient échos à nos propres questionnements. Lorsque l’on monte du théâtre antique, on se sent obligé de
justifier la référence à ces théâtres par l’idée que ces théâtres parlent de nos problèmes, et pour actualiser ces
Sigmund Freud écrit une Lettre à Wilhelm Fliess le 15 octobre 1897 et traite de l’intérêt des
pièces de l’antiquité pour comprendre l’âme de l’humanité et de l’individu tel qu’il aurait existé dans
l’humanité. Dans cette lettre, il fonde le fameux complexe d’Œdipe, l’amour passionnel que l’enfant à
l’égard du parent du sexe opposé et la jalousie à l’égard du parent du même sexe. Pour lui, la pièce est la
transposition d’un fantasme universel et cette conception a durablement marqué la tragédie d’Œdipe roi. La
vision psychanalytique influence les artistes et il est acquis aujourd’hui que la tragédie antique contient une
sorte de sagesse et de vérité générale dans l’humanité. Cependant, personne avant la Renaissance n’aurait
songé à voir dans ce théâtre antique un enseignement moral pour comprendre sa propre vie.
L’interprétation et la mise en scène des pièces de l’antiquité vient de la considération des artistes
de spectacles des pièces antiques comme des pièces à teneur politique. Tout d’abord, l’ouvrage d’André
Degaine commence en expliquant que le théâtre a près de vingt-cinq siècles d’existence, cependant les
premières formes théâtrales apparaissent au sixième siècle, et il disparaît entre le cinquième et le huitième
siècle. De plus, le théâtre en plein-air antique dépeint comme gratuit dans l’ouvrage n’est pas véritable
puisque l’entrée au théâtre à Athènes est payante dans la majeure partie de la période. L’ouvrage parle
également de notions totalement anachroniques comme les subventions. La suite de l’ouvrage montre
beaucoup de problèmes, comme la question de grandes thèmes civiques qui n’est pas évident puisque de
nombreuses pièces ne traitent pas de la cité. L’idée que les comédiens n’est pas professionnel est également
utile : un théâtre où se rendait le plus grand nombre - qui est assez vrai -, un théâtre entièrement
subventionné par les autorités - qui est faux puisqu’il est subventionné par des acteurs privés riches - et un
théâtre qui aurait pour but d’enseigner aux citoyens des grands principes qui ont pour but de gouverner leur
vie. Cette idée correspond exactement au principe du théâtre populaire de le second après-guerre. La
fondation du festival d’Avignon par exemple correspond parfaitement à cette volonté du spectacle
populaire ; fort de cette idée, ces artistes ont demandé des subventions à l’état, et marque le début d’un
théâtre et cinéma subventionné par l’état. Cette démarche là est assez tardive et commence durant la seconde
partie du vingtième siècle, et anachronique avec le théâtre antique. André Degaine était animé à cet idéal et
voulait l’ancrer au théâtre de l’Antiquité. Cependant, il faut quand même avoir en tête qu’il s’agit d’une
relecture du théâtre antique de l’ancrer dans un idéal politique ; c’est plutôt une projection à posteriori.
Au vingtième siècle, on va avoir tendance à revendiquer des figures de l’Antiquité pour soutenir
certaines idées, mais parfois cela va servir à des causes contradictoires : Antigone par exemple a servi au
vingtième siècle une figure de résistance à l’ordre établi, contestataire et en même temps une figure qui a pu
être utilisé dans des mouvements politiques différents, comme avec le groupe conservateur « Antigones »
Manif Pour Tous. L’Antiquité peut être le régime de tout et de son contraire : le théâtre est le genre par
politiques et philosophiques a été en réalité inauguré par les grecs eux-mêmes à partir du moment où
Athènes a cessé d’être une puissance politique importante. En -338, la cité démocratique d’Athènes fut
vaincue par Philippe II de Macédoine et à la suite de cette conquête, Athènes est passé sous le protectorat
macédonien. L’orateur Lycurgue va mettre en place des réformes dans la ville d’Athènes : Lycurgue gère les
finances publiques et ces réformes vont permettre de mettre en valeur le patrimoine culturel d’Athènes en
choisissant des œuvres qui vont constituer ce patrimoine et donner une image unifiée et patriotique du
patrimoine athénien. Lycurgue va choisir des grands hommes et des fragments : pour le théâtre, Lycurgue va
choisir les trois grands auteurs Eschyle, Sophocle et Euripide, et « va conserver aux archives une
transcription officielle des tragédies des auteurs que le secrétaire de la cité devait lire aux acteurs. Il n’était
pas permis d’en jouer un autre. » Avant les réformes de Lycurgue, les textes étaient joués une fois et les
textes finissaient par disparaître. Les auteurs sont sacralisés et pour fixer cette patrimonialisation des textes,
on va instituer un concours de tragédie ancienne à côté du concours de tragédie nouvelle. Avec ce concours,
on va instaurer une pratique de décontextualisation des textes et on va ériger certains passages en maxime
morale. Toutes les pièces des grands auteurs ne sont pas jouées, mais quelques pièces sur critères politiques
vont être choisis pour correspondre à l’image que l’on veut donner à la cité. Les institutions politiques ont
tendance à récupérer l’art existant en gardant ce qui va arranger le pouvoir : les chercheurs contemporains
sont influencés par ces conversations antiques et donc trafique notre perception du monde antique. Notre
démarche générale est d’instituer sur les aspects éloignés de ce théâtre, mais qui est très intéressant puisqu’il
Cette deuxième séance portera sur les sources dont nous disposons et sur les difficultés
d’interprétations que posent les sources pour construire la connaissance que nous avons des théâtres
antiques. A partir de l’université, on propose des connaissances mouvantes, fabriqués par les chercheurs à
partir des sources dont on dispose, et parfois les sources sont peu nombreuses et posent des problèmes. Plus
un objet est éloigné dans le temps, moins il y a aura de traces et donc pour les vrais témoignages sur le
théâtre sont rares et partielles ; dans la quasi-totalité des cas, les textes qui parlent du théâtre n’ont pas le
théâtre comme sujet principal et le théâtre se trouve instrumentalisé au profit d’un discours. Lorsqu’on
Pour les théâtres de l’antiquité, il y a deux sources principales : d’une part l’archéologie et d’une
autre part les textes qui sont parvenus sous forme de manuscrits et de parchemins. Quelques papyrus furent
MÊMES
Les pièces de théâtres sont évidemment les sources les plus importantes puisqu’elles permettent
de donner une idée détaillée de ce qui était joué sur scène. La source est fondamentale, mais il manque des
pans très important de ces spectacles, comme les partitions d’une œuvre, les chorégraphies du chœur, les
éléments d’actualités au moment des représentations, et d’autres. En plus de cela, il faut avouer qu’on ne
partage plus grand-chose avec les sociétés de l’Antiquité : ces textes ont tendance à prendre une place
légèrement démesurée, alors qu’en fait elles ne sont qu’un élément parmi d’autres des spectacles. Ce théâtre
est perdu à tout jamais, et on peut tenter de reconstituer une ébauche de spectacle à partir d’éléments.
Le répertoire des pièces est excessivement partiel : en mille ans de théâtre, la quasi-totalité des
pièces a été perdu et seulement quatre-vingt pièces de théâtres antiques nous sont parvenues ; ces pièces sont
également très concentrées dans le temps et dans l’espace, représentant une petite parcelle de théâtre
antique. Les pièces parvenus ne sont pas forcément représentatives de l’ensemble de la production des mille
ans de théâtre antique. L’auteur de comédie grecque Ménandre était un auteur très célèbre et pendant
plusieurs siècles, aucune pièce complète de Ménandre n’était parvenue aux contemporains et donc il était
l’époque où l’œuvre de Ménandre était incomplète, or au début du vingtième siècle, des papyrus égyptiens
contenant des pièces entières de Ménandre furent découvertes dans un sarcophage. On a pu comparer une
pièce originale de Ménandre et sa réécriture et à la publication du texte de Ménandre, les deux positions ont
pourtant continué d’exister en s’appuyant dessus. En réalité, les pièces romaines ne sont ni des réécritures, ni
Les pièces de théâtres parlent du théâtre, notamment dans la comédie puisqu’elle va faire du
métathéâtre, comme avec la pièce d’Aristophane Les Grenouilles où il met en scène les deux auteurs
tragiques Euripide et Eschyle en enfer. Dans la pièce, chacun des deux auteurs tragiques critiquent la
technique de l’auteur afin d’être ramené des Enfers. Cette pièce permet de montrer la manière de pensée et
d’écrire des auteurs antiques. Une autre pièce de Plaute La Comédie des Anes indiquent plusieurs
caractéristiques du théâtre antique dans son prologue : le public n’était pas spontanément silencieux dans le
théâtre antique puisque les spectateurs ont une place importante dans le rituel et que le silence y est
Parmi les sources dont on dispose pour parler du théâtre, il y en a qui parle pour défendre un
propos esthétique à leur sujet, et les poètes effectuent une prescription du théâtre pour leur propre norme :
par exemple, le poète romain Horace est l’auteur d’un Art poétique et parmi les différents genres qu’il
aborde, il y a le théâtre et la poésie dramatique. Selon Horace, la poésie doit plaire et instruire, et sur le
théâtre, à part chez Horace, on ne trouve pas d’autres témoignages de cette règle d’or. Ce qui est intéressant
ici est les groupes auxquels ils s’intéressent qui sont des groupes élitistes. Horace développe un autre
principe connu qu’est le fait de ne pas représenter sur scène des actions qui pourraient choquer le public et
bien plus tard l’influence d’Horace se sentira à la Renaissance avec les règles de bienséance. Cependant, on
n’a aucune raison de croire qu’Horace est eu de l’influence à l’Antiquité puisque dans la tragédie de
Sénèque, Médée tue ses enfants sur scène. Ainsi, il ne faut pas prendre pour acquis un auteur isolé, même
Les historiens de l’Antiquité sont une troisième catégorie de sources : on pourrait penser que
leurs témoignages sont objectifs, mais il n’est pas si simple que cela car l’histoire ne s’écrit jamais
absolument neutre puisqu’on étudie l’histoire dans un mouvement que l’on a en soi. Dans l’Antiquité,
l’histoire est au service d’un propos, et majoritairement il y a volonté de donner sens au présent en retraçant
son histoire, sans avoir des préoccupations sur la réalité. Il y a donc plusieurs écrits d’origine sur une même
pratique ; par exemple, il faut faire attention aux vies d’auteurs tragiques car la plupart du temps ces textes
imaginent beaucoup d’éléments pour concevoir un aspect de l’auteur, avec des passages obligés, comme
avec une mort exceptionnelle à la fin. Dès le quatrième siècle, Eschyle a été érigé au rang de père de la
tragédie, afin de donner une certaine image de la cité par exemple. Ces biographies nous parlent moins des
Quand l’historien romain Tite-Live veut raconter l’histoire de la création du théâtre romain, il le
fait de manière étonnante puisqu’il ne parle pas du théâtre grec, alors que l’on voit rapidement que les pièces
romaines sont inspirées directement du théâtre grec. Tite-Live insiste sur l’origine local du théâtre avec une
épidémie de peste et la tentative d’expier la faute auprès des dieux. Tite-Live explique que les romains ont
décidé de faire du théâtre pour calmer les dieux, et pour les modalités du théâtre, les romains auraient fait
appel aux Etrusques pour concevoir leur théâtre. Cette attribution n’est pas totalement faute, puisque les
modalités spectaculaires sont peut-être origine des Etrusques et le texte vient de Grèce. En revanche, l’utilité
de ces textes historiques nous permettent de repérer ce qui est important à l’époque où ces textes sont écrits.
A priori, à l’époque de Tite-Live, les scènes parlées et les scènes chantées étaient dissociés, notamment avec
Comme pour les historiens, il y a des auteurs qui en parlent sans en être spécialiste, et cela pose
la question sur la légitimité de leurs propos, mais comme ils restent très peu de textes, on donne une
importance démesurée. Au-delà de la compétence, il y a la question des raisons qui détermine grandement ce
qui est dit : lorsque Cicéron défend quelqu’un dans sa plaidoirie, il parle du théâtre et sa citation a servi de
base qui s’est imposé à la comédie pendant longtemps ; si on lit les comédies romaines, on va avoir accès à
la vie romaine de l’époque mais tout se contredit puisqu’il y a un décalage entre la réalité et la fonction .
Cette citation est prise à part mais il est important de prendre en compte le contexte, qui est celle de la
défense d’un client face à son fils. Cicéron tente de défendre son client en prenant l’exemple d’une comédie
romaine. Cicéron insiste que la comédie soit un art qui représente la vraie vie ; dans ce contexte-là, on parle
d’un argument de circonstance qui l’arrange dans la plaidoirie. Le texte est décontextualisé et on donne des
La décontextualisation est bien plus problématique quand l’auteur semble parler du théâtre pour
lui-même, notamment dans la Poétique d’Aristote, écrit dans un contexte particulier : dans ce texte, Aristote
répond à son maître Platon qui préconisé d’expulser les artistes de la cité idéal, mais Aristote voulait
conserver les artistes qui était bénéfique. Aristote distingue notamment six parties dans la comédie : l’action,
les caractères, la pensée, les paroles, le chant et le spectacle. Pour Aristote, la dernière partie du spectacle
n’est pas importante : pour lui l’important est ce qui est raconté et ne prend pas en compte la spécificité du
théâtre. Aristote se livre à un récit des origines du théâtre mais il passe totalement la dimension religieuse et
V – SOURCES TARDIVES
Les sources tardives sont des sources nombreuses mais problématiques puisqu’elles ont étés
écrites lors de l’Antiquité tardive où l’on joue des genres secondaires et ont ne jouent plus de tragédie ni de
comédies. Certains débats ne peuvent être tranchées à cause du cadre tardives de ces sources. La question du
port ou non de masque dans le théâtre romain est une question importante puisque les sources se
contredisent et donc n’est pas totalement parfait. Le texte de Diomède date d’une époque où le théâtre
commençait à disparaître et parle d’une époque lointaine pour lui, tandis que Donat parle d’une pièce jouée
avec des masques. Il y a donc une contradiction entre deux auteurs, et les spécialistes ne sont pas totalement
d’accord et défendent l’hypothèse la plus convaincante. L’hypothèse dominante est le port du masque sur
scène à l’époque. Connaître une pratique très éloignée, comme le théâtre antique, est donc très compliqué
par le caractère partiel et problématique des sources. Le théâtre était une réalité éphémère et spectaculaire,
dont son sens essentiel résidait dans son sens religieux et la plupart des discours sont de l’ordre de
l’instrumentalisation.
ATHENIEN
Cette troisième séance traitera des tragédies grecques antiques, et plus particulièrement sur le
D’après les éléments parvenus, le premier concours tragique a eu lieu en 534 avant notre ère : il
s’agit de la première trace officielle d’un concours tragique. La tragédie est le premier genre dramatique à
avoir fait son apparition de manière officielle lors des concours. La plus ancienne tragédie conservée date de
472 avant notre ère : le théâtre existe depuis une soixantaine d’années et a eu le temps d’évoluer. Eschyle est
considérée souvent comme un auteur archaïque, mais en réalité il y a des pièces avant lui. Le cadre des
concours tragiques est un cadre rituel : ce sont des rituels qui prennent dans des cérémonies plus larges – des
fêtes consacrées au dieu Dionysos. Le concours tragique constitue la partie la plus importante des concours
dramatiques. A l’époque du cinquième siècle, trois jours sur cinq lors de ces fêtes sont consacrées aux
concours dramatiques. A l’échelle d’un concours dramatique, il y a quatre ou cinq jours et trois jours sur
quatre sont consacrées aux tragédies ; ces journées sont consacrées à des tétralogies : trois tragédies et un
drame satyrique écrit pour les mêmes acteurs et les mêmes cœurs, pouvant être liés sur le contenu. Chaque
jour, un seul auteur présente sa tétralogie et le concours est entre les trois tragédies. Chaque journée contient
six à huit heures de spectacles ; cette journée est très éprouvante pour le protagoniste, mais aussi pour le
chœur composé d’amateurs, donc assez difficile pour eux d’assurer six à huit heures de spectacles.
Une tragédie grecque lambda se constitue d’un même plan : le modèle en cinq actes n’existe pas
durant l’Antiquité et la pièce est plutôt structuré en alternance entre des parties parlées par les acteurs et des
parties chantées et dansées par le chœur. La tragédie commence par un prologue parlé par les acteurs, suivi
d’un parodos avec l’entrée du chœur, avec par la suite d’une alternance entre épisodes parlés par les acteurs
et stasima chantés et dansés par le chœur. La pièce se termine avec un exodos qui est la sortie du chœur. Le
terme de tragédie est formé de deux mots : tragos signifiant le bouc et oidos qui signifie le chant :
l’hypothèse la plus probable est le rituel du sacrifice du bouc à la fin, mais on parle également de la
récompense du bouc au vainqueur du concours. Les tragédies grecques que l’ont connu et qui nous sont
arrivés sont écrites dans un temps relativement court, ainsi on ne peut pas forcément connaître le sens et le
thème des pièces. Par rapport à l’histoire du théâtre antique, il est compliqué de se donner une idée générale
des histoires.
Lors des concours tragiques, ce qui va nous rappeler qu’on se trouve dans le culte de Dionysos et
la quatrième pièce représentée : les drames satyriques ; les satyres sont des créatures hybrides
mythologiques mi-homme mi bouc. Le seul drame satyrique qui est parvenu est Le Cyclope d’Euripide, qui
montre que le drame satyrique est plus léger et comique afin de terminer sur un moment d’amusement après
La tragédie est le genre qui a eu la plus grande postérité : les pièces tragiques grecques ont
régulièrement été réécrites à l’époque classique et même dans l’Antiquité, les tragédies que l’on connait
sont-elles mêmes devenus des classiques. Il y a trois grands auteurs durant l’Antiquité grecque : Eschyle,
Sophocle et Euripide.
Eschyle est le plus ancien auteur tragique connu, même s’il est n’est pas le plus ancien dans
l’absolu, et il a écrit apparemment soixante-treize pièces et remporté treize victoires. Parmi les sept pièces
conservées, on a conservé une trilogie tragique L’Orestie en référence au personnage principale Oreste.
Cette trilogie est appréciée et Eschyle est considérée dès l’Antiquité comme le père de la tragédie et
inventeur du deuxième acteur : selon cette théorie, Eschyle aurait introduit la possibilité d’un dialogue entre
Sophocle est de la génération plus tardive et commence sa carrière vers 468 avant notre ère, vers
la fin de la carrière d’Achilles, il aurait cent-vingt-trois pièces et dix-huit victoires et jamais classé dernier ;
on a gardé de lui que sept tragédies et les fragments d’un drame satyrique. On attribue à Sophocle
l’invention d’un troisième acteur et l’invention de la toile peinte et donc la conception d’un décor.
Euripide commence sa carrière presque en même temps que Sophocle et meurt la même année
que lui et possède une image faussée : à son époque, ces pièces n’étaient pas forcément bien reçues ; sur
quatre-vingt-douze pièces il n’aurait eu que quatre victoires parce qu’il bousculait les habitudes du public.
En tout cas, après sa mort, il a été davantage reconnu, notamment par le fait que ces pièces ont pu être
représentées dans des concours de pièces anciennes. Le renouvellement d’Euripide fut reconnu que plus
tard. Euripide est le seul auteur dont est conservée de pièces en plus de celles conservées durant l’Antiquité.
Ces auteurs ont été isolés des autres, mais on est pas totalement sûrs qu’ils soient représentatifs
car on a pas retenus les autres d’avant et d’après. L’autre problème est notre ignorance sur les tragédies
grecques car les vestiges qu’ils en restent sont minces et on a tendance à décontextualiser les pièces. On
aborde ces pièces comme si elles n’avaient pas de contexte alors que le contexte peut aider. On a tendance à
considérer ces pièces comme intemporelles mais elles sont très fortement déterminées par leur contexte.
Parmi les clichés sur la tragédie, il y a notamment le cliché sur lequel la tragédie se finit mal : on se
représente souvent la tragédie comme la lutte inégale de l’homme contre le destin. On parle souvent de
tragédie pour parler d’un événement malheureux inévitable. Il faut se méfier de ce cliché parce qu’en réalité
certaines tragédies peuvent se terminer bien. On est extrêmement déterminé par un certain nombre de
probablement consacrée à raconter l’histoire du culte de Dionysos et de l’histoire des Bacantes, qui aurait pu
être le sujet des premières tragédies. Ce qui va faire la spécificité du théâtre est l’altérité : les acteurs
prennent l’identité qui n’est pas la leur. L’acteur est d’abord là pour faire advenir un héros. Le plus
important est la présentation des héros aux yeux du public : le but est de montrer le héros directement sur
scène ; l’action n’est pas complétement première. Le choix peut être lié aux événements que traverse la cité
à ce moment-là.
énormément de points communs avec la tragédie grecque : un théâtre entièrement joué par des hommes
masqués, avec un chœur, de la musique et des danses. Il s’agit d’un théâtre qui prend également place dans
un cadre rituel avec des journées complètes de représentations. Tout est fait pour mettre à distance avec le
spectateur et lui rappeler qu’il n’est pas dans la réalité quotidienne. Les histoires que l’on raconte dans la
tragédie grecque appartient à des cycles privilégiés, comme la Guerre de Troie, Thèbes ou autres. On
raconte une histoire pour donner un sens à quelque chose : selon les époques, on va donner un sens différent
La tragédie ne porte pas forcément à la mythologie, mais peut emprunter à des éléments
historiques, comme la bataille navale de Salamine contre les Perses représentait par Eschyle qui représente
le désarroi perse face aux grecques. Il y a une manière de s’élever à une dimension universelle des grecques.
On a souvent déduit qu’il s’agissait d’un genre politique qui servait à enseigner aux citoyens sur les notions
de la cité : en réalité, l’idée de la tragédie a vocation politique n’est pas satisfaisant et n’est pas non plus la
finalité de ces textes. Il n’y a pas de message clair à la tragédie. Dans la tragédie, on voit des grandes
oppositions d’idées : on ne distingue pas forcément des gentils et des méchants. A l’époque antique, la
notion manichéisme n’est pas totalement clair. Le narrateur ne fait pas filtre à ces notions. L’intérêt de la
tragédie est d’introduire une dimension de problème et une ambiguïté où on ne tranche pas. La tragédie
apparaît lors des grands changements institutionnels de la ville d’Athènes : apparition de la démocratie,
réformation des institutions judicaire, et autres. La tragédie n’est tout de même pas un genre didactique : les
La tragédie ne célèbre pas que des héros athéniens : au contraire, on constate une place très
importante des cités ennemis d’Athènes, comme avec les cités d’Argos, de Thèbes, de la Perse ; la tragédie
propose à son public une élévation à l’humanité civilisée. Cela s’articule par le fait que les représentations
théâtrales sont ouvertes à des visiteurs étrangers, comme des ambassadeurs. La dimension va au-delà de la
dimension politique. Il y a également la représentation très forte des femmes dans la représentation
théâtrale : dans la réalité politique d’Athènes, les femmes sont exclues des institutions politiques et leur
place est domestique et religieuse. Cependant dans la réalité théâtrale et dans les fictions les femmes peuvent
assister aux pièces et les femmes dans les pièces ont une place de premier plan. La tragédie est le seul lieu
où les femmes peuvent avoir un statut héroïque : les femmes accomplissent des actions à conséquence.
IV – UN CHANT DE DEUIL
Dans le théâtre antique, la mort occupe une place absolument centrale : la thématique de la mort
est omniprésente dans la tragédie, y compris dans les tragédies qui se finissent bien. Dans la réalité
athénienne, le deuil pose problème : on considère que vivre un deuil de manière trop douloureuse et de
manière trop longtemps nuit à la bonne marche de la cité. Les citoyens doivent se trouver dans un état
d’esprit le plus stable et rationnel. Officiellement, le deuil autorisé est très court, d’une durée de dix jours et
même dans le cadre du deuil permis, les cérémonies de funérailles publiques, on interdit l’accès aux femmes
parce que les femmes sont considérées comme des personnes irrationnels et émotionnelles. Durant les
funérailles privées, on les autorise. Dans la tragédie, c’est l’inverse : le deuil peut non seulement occupé une
tragédie entière et les femmes peuvent exprimer ce deuil. La tragédie est le lieu d’expression des répressions
de la vraie vie, notamment les douleurs et les émotions. La tragédie est un genre consacrée aux douleurs et
poussé à un niveau extrême et l’expression d’un refus de l’oubli et d’un deuil qui n’en finit plus.
La tragédie donne à voir des valeurs qu’on pourrait qualifier d’antipolitique : dans la vie civique
athénienne, on met en valeur la rationalité et la tragédie utilise les émotions ; la tragédie n’est pas pour
autant subversive et ne va pas à l’encontre du pouvoir. Il s’agit plutôt d’un lieu de défoulement, de catharsis.
Ces lieux et ces tragédies servent à purger le peuple de ces émotions néfastes à la vie civique. La force de la
tragédie est de faire passer ce deuil d’une manière stylisée : l’idée est de faire naître des deuils esthétisés et à
distance du public. Il doit pourtant avoir une mise à distance avec l’événement et le deuil : à la suite de la
représentation de La Bataille de Milet de Phrynichos, une loi va interdire de faire allusion à un deuil trop
proche de la cité ; lorsqu’Eschyle écrit Les Perses il va raconter une bataille proche, mais va raconter le
deuil des ennemis des grecs, permettant de raconter un deuil éloigné. Les héros des mythologies permettent
également de mettre à distance les événements et à canaliser les émotions puisque le statut est universel. La
pitié tragique rapproche également les athéniens de tous les hommes afin d’apporter une distance.
Pour opérer cette distance, on stylise le jeu : les comédiens sont masqués, on joue de manière
statique avec une parole versifié ; l’étrangeté de ce genre de spectacle permet de mettre à distance. Les mises
en scène naturalistes des pièces grecques sont en décalage des intentions d’origine. Il faut éviter de
psychologiser trop le théâtre antique. Certains artistes essayent de mettre en place des conventions pour
mettre en place une distanciation avec le public. Il s’agit d’épurer les émotions : dans la tragédie grecque, les
interventions du chœur sont ici pour les émotions, et mis à distance par le chant et la danse. On donne une
forme esthétique épurée à l’émotion. Dans quelques cas, les acteurs eux-mêmes chantent, dans des parties
La tragédie se caractérise par le fait qu’elle cherche à faire pleurer le spectateur, lui susciter en
lui des émotions très fortes qu’ils gardent en lui dans la vie. Dans la tragédie, il y a l’expression d’une
douleur et du désespoir. La tragédie est émotionnelle, mais les larmes de la tragédie ne sont pas les mêmes
que la vraie vie ; on parle de catharsis : en ressentant les émotions sur le mode tragique, l’intention
Athènes deux modèles successifs de comédies ont existés ; cette division entre des spectacles sérieux d’une
part avec les tragédies et des spectacles drôles d’autre part avec les comédies et cette division continue
d’exister. On va s’intéresser au concours comique et à la fonction du rire au théâtre et dans la société
grecque antique athénienne. Les deux modèles successifs de comédies existent : le premier est la comédie
I – LA COMEDIE ANCIENNE
La comédie ancienne n’est connue que du biais d’un seul auteur qu’est Aristophane, et il crée
essentiellement pendant les deux dernières décennies de la carrière de Sophocle et d’Euripide : le cinquième
siècle est la période classique du théâtre antique, puisque quasiment toutes les pièces grecques antiques
viennent de cette époque. Le théâtre d’Aristophane peut être inscrite en parallèle avec les émissions de
1 – Un genre secondaire
Le dispositif des Guignols est calqué sur la référence fondamentale du journal télévisé et il s’agit
de la même chose pour la comédie ancienne : les premiers concours comiques sont datés de 486 avant notre
ère, c’est-à-dire une cinquante d’années après l’apparition des concours tragiques. Le terme de comédie
provient du thème grec kômos, soit la procession rituelle en l’honneur de Dionysos. De fait, l’appellation
n’est pas totalement précise à part leur inscription dans les rituels religieux en l’honneur de Dionysos. Ce
caractère secondaire rend la comédie assez difficile à penser sans la référence à la tragédie : la tragédie peut
exister de manière autonome, avec ses propres codes et conventions alors que la comédie se réfère
énormément à la tragédie et se construit à partir du modèle de la tragédie. Les similitudes tiennent à leur
structure : dans la comédie grecque, comme dans la tragédie, on retrouve la structure d’alternance de
passages parlés avec les acteurs et les passages chantés avec le chœur.
puisque que le chœur se compose de vingt-quatre individus ; une autre différence est le nombre d’acteurs,
tout en gardant l’alternance et des acteurs assument plusieurs rôles. La comédie présente également des
histoires inventées, et ne s’inspire pas à de la mythologie, et dans la comédie les personnages sont des
individus socialement bas, et va donner un rôle important aux pauvres, aux femmes ou aux étrangers.
Aristophane par exemple reprenait des éléments de tragédies pour les introduire dans ces pièces comiques,
comme lorsqu’il parodie une scène tragique. La parodie est très récurrente dans la comédie ancienne, que ce
soit une parodie de tragédie ou une parodie de discours politique, et d’autres éléments tragiques. Tout est fait
dans la comédie ancienne pour apporter un maximum de fantaisie et la comédie est une machine à produire
de la dérision à l’égard de tout ce qui est sérieux ; il y a donc régulièrement des effets de retournements de la
réalité.
ressemble à celle de la tragédie avec un prologue parlé par les acteurs, suivi de l’entrée du chœur, avec après
une alternance entre passages parlés et passages chantées moins strictes que la tragédie. Le cœur de la
comédie est l’agôn, un combat entre le héros de la comédie et d’autres personnages. Le héros moyen se fixe
un objectif très ambitieux et pour atteindre l’objectif il va se heurter à divers obstacles et finira par
triompher ; le moment de l’agôn est ce moment où le héros affronte les personnages, parfois le chœur.
directement. Après la parabase, il y a des scènes de parade où le héros célèbre sa victoire et enfin l’exodos
2 – Un théâtre satirique ?
La comédie peut être qualifié de satirique dans la mesure où elle se moque de personnes et
d’institutions réelles, mais qu’elle est donc le but de cette satire ? Aujourd’hui, la satire est considérée
comme militante et qui tend à changer. Les pièces d’Aristophane et donc de comédie antique tendent
aujourd’hui à être interprétés comme militante, comme pour la pièce Lysistrata où la pièce est vue comme
féministe et pacifiste. Or cette manière d’aborder le théâtre antique, d’un point de vue historique, ne tient pas
la route ; il paraît compliqué d’imaginer qu’il y est une expression d’idée féministe de la part de l’auteur.
Dans la vie politique athénienne, le rire peut être utilisé comme une arme rhétorique et politique,
capable d’être dangereuse ; dans les assemblées politiques, il y a un certain usage du rire très agressif et les
personnes qui font l’objet du rire sont déshonorées. Les professeurs de rhétoriques enseignent les élèves à
développer des discours de dérisions et à mettre en place d’élément de contre-attaque. La comédie ancienne
grecque prend place dans le contexte rituel et donc n’est pas censé prendre place à cette dimension
politique ; le rire dans la comédie grecque ne devrait donc pas avoir de conséquence dans la vie politique.
On suspend les normes de comportements et on produit une nette séparation entre la comédie et le quotidien,
et qui établit ses propres règles. Ce rire n’est pas censé avoir les conséquences qu’il possède dans la vie
politique, mais en réalité la comédie ne se détache pas réellement de la réalité de la cité. Dans la comédie, il
s’agit d’une autre façon de se regarder dans la dérision de sa réalité ; Aristophane montre la cité sur un mode
comique, sans être pour autant engagé. Les personnages politiques tournées en dérision sont choisis pour
leur potentiel comique que par une haine. Ce choix des individus pour leur potentiel comique se voit encore
dans le monde contemporain comme dans Les Guignols de l’Info ou Le Bébête Show qui tourne en dérision
Rocard, Mitterrand, Barre et Chirac qui utilise un potentiel comique et non engagé.
Très souvent le public est pris à parti pour critiquer un personnage ou une situation, notamment
dans la parabase, comme lorsqu’Aristophane semble insultant lorsque coryphée fait la description de Cléon.
Les termes employés pour désigner Cléon sont insultants, mais chimériques, sont le nommer : même si cette
parabase semble indiqué un engagement politique, la forme donnée au discours décrédibilise cette idée. Le
spectacle est un moment qui concerne toute la cité, et donc ne donne pas de messages : les messages sont
donc très ambigus, avec une certaine tension entre deux formes de rires. Aujourd’hui, il est très fréquent de
connaître l’orientation politique des humouristes ou vidéastes, comme le vidéaste Usul qui est de gauche. De
façon générale, l’institutionnalisation du rire par les magistrats de la cité permet de définir des espaces où le
rire est bienvenue et des espaces où le rire est malvenue. Quelqu’un comme Platon va carrément exclure la
comédie et le théâtre de sa cité idéale et cette forme de la comédie ancienne qui parle volontiers de la vraie
vie suppose une forme démocratique suffisamment grande pour se moquer de la cité. La comédie joue sur
les limites du rire permis et en fait un usage qui tend à dépasser ces limites et avoir malgré une forme de
condition. Les satiristes politiques aujourd’hui occupe un espace spécifique où il manie une dérision de la
forme politique qui ne peut être manié ailleurs, comme dans Les Guignols de l’Info ou Le Canard enchaîné.
Par exemple, lorsque Paul Amar donne des gants de boxe aux personnes dans un espace politique, il
transforme un espace politique en espace de dérision, ce qui n’est pas admis ; il est licencié quasi-
immédiatement. L’espace du rire est sanctuarisé, même si aujourd’hui l’espace se brouille puisque des
humoristiques se politisent, comme lorsque Coluche s’est présenté aux élections de 1981 et une classe
politique tente de profiter de formats d’amusements, comme l’ouverture de la chaîne Twitch de Jean-Luc
Mélenchon ou du défi lancé par Emmanuel Macron aux vidéastes McFly & Carlito. La sanctuarisation du
rire devient de plus en plus floue lorsque des humoristiques ont des teneurs politiques ou lorsque des
s’effectue dans la cité antique : la comédie relevait de la catégorie du rire insouciant, mais avant tendance à
aller dans la catégorie politique. Le rire politique disparaîtra et le rire détaché va être le seul à rester puisque
les cités grecques ont été envahis par Philippe II de Macédoine et la cité en corps politique disparut et des
changements vont se répercuter dans le théâtre. Le chœur dans les comédies va changer de place : désormais
le chœur dans la comédie nouvelle n’intervient plus dans l’intrigue et assume simplement des passages
chantées et dansées totalement détachés de la pièce de comédie nouvelle. Les auteurs n’écrivent plus pour le
cœur et sépare les interventions du cœur et la fiction ; le chœur devient professionnel. Les comédies
nouvelles sont centrées sur une humanité universelle et ne parlent plus de la cité, et les intrigues vont tourner
autour d’enjeux domestiques ; ce type d’humour est principalement présenté par Ménandre. Les pièces
retrouvées de lui sont au nombre de deux, puis de gros fragments, mais il aura écrit plus d’une centaine de
pièces et aurait commencé à écrire après Aristophane. On connaît ces pièces de manière assez récente, et on
a retrouvé certaines de ces pièces dans des papyrus. La dramaturgie de Ménandre est un modèle qui nous est
connu puisque Ménandre fut le modèle de la comédie romaine, qui fut elle-même le modèle de la comédie
européenne de l’époque classique. Les histoires de la comédie nouvelles sont répétitives et concernent
souvent les mêmes thèmes, comme l’amour contrarié de jeune femme ou jeune fille par des vieux et les
esclaves vont permettre de débloquer la situation, notamment par la ruse. Les personnages sont codifiés et
typés, comme Le Jeune Homme, la Prostituée, le Vieillard, et l’Esclave. Des scènes comiques sont marquées
par la colère du vieux ou encore pour la plainte du jeune, marqués sur le visage. Les histoires racontées dans
les pièces semblent inintéressantes, et il est vrai que la dimension narrative n’est pas intéressante, mais cela
ne pose aucun problème pour le public puisque les critères abordaient par le public antique n’est pas le
même que le public contemporain. Dans l’Antiquité, il y a certes une fiction, mais ce qui intéresse le public
c’est les variations, et un parallèle intéressant avec l’esthétique des comédies nouvelles est celui des cartoons
américains comme Bugs Bunny, et ce qui intéressant est la dimension de défi où on apporte suffisamment de
variations dans un schéma répétitif. Dans les deux cas, il y a un rapport de représentation de la réalité. Il n’y
a pas de réalisme dans le comédie nouvelle grecque : il s’agit plus d’une fantaisie qui utilise le cadre pour
donner une structure à sa fiction. Parfois l’auteur s’amuse à déplacer des attitudes et créent des jeux de
variations sur une même structure ; les comédiens vont se perfectionner sur des rôles précis afin de
perfectionner son jeu. Certains nombres de restes de la comédie nouvelle se présentent ici, comme dans le
cinéma comique aujourd’hui, comme lorsque Louis de Funès était spécialiste de rôles de vieux énervés ou
encore Christian Clavier reste dans le rôle du vieux français raciste. Le modèle comique nouveau fut imité
Rome entretient un rapport assez complexe à la Grèce : la Grèce est à la fois une référence
suprême dans de nombreuses notions, notamment dans la religion et le théâtre, mais en même la place du
théâtre dans la cité est différente de sa place en Grèce. Ainsi, on peut se demander pourquoi les pièces
romaines reprennent les mêmes sujets que les pièces grecques. On conçoit généralement que les romains
sont inférieurs aux grecs et que les romains empruntent et imitent ; les romains sont-ils dépourvus
d’originalité ?
Le théâtre romain, comme le théâtre grec, prend place dans une réalité rituel religieuse : de
manière fixe, des jours sont consacrés uniquement à la célébration des dieux et la séparation entre ces jours
et le reste de l’année est beaucoup plus clair à Rome qu’à Athènes. Dans la structuration romaine du temps,
il y a une séparation entre l’otium, un moment de suspension des activités civiques le negotium. L’otium est
une sorte de jours fériés où les activités politiques et militaires s’arrêtent et ce temps est consacré à des
activités strictement séparés de l’activité civique. L’idée est de pouvoir séparer la sphère civique et politique
et la sphère religieuse pour laquelle on va sanctuariser, afin d’éviter une contamination des sphères l’une par
l’autre. Les romains vont au théâtre non pas en citoyen, mais en tant qu’être humain religieux et capable de
sensibilité esthétique.
Cette rupture possède un certain nombre de conséquences sur les spectacles : la conséquence la
plus importante est que, pendant longtemps à Rome, les lieux de représentations était temporaire pour éviter
que ces lieux soient utilisés dans un cadre civique et politique. Ces espaces temporaires sont couteux,
construits pour l’occasion et détruit juste après. Cette rupture a également des conséquences sur la
répartition du public dans cet espace : puisqu’on se trouve dans une suspension des activités, on suspend
également les hiérarchies, et les spectateurs se placent sans placement hiérarchique. Le public a le droit de
faire dans le théâtre qui ne peut pas faire dans la réalité. Les choses vont néanmoins changer lors de la
fondation de l’Empire romain, avec de nouveau une logique d’ordre honorifique qui va s’imposer dans le
théâtre ; cependant le changement est tardif. Dans ces changements, une notion qui va perdurer tout le long
de la Rome antique est que le public bénéficie d’une forme de liberté, dont il ne bénéficie pas en dehors des
théâtres. Par exemple, lorsqu’un politique rentre dans le théâtre, le public est libre de faire ce qu’il veut,
Les acteurs sont, par leur statut, séparé de la vie politique : ils sont frappés de l’infamia, un statut
d’exclusion de la vie civique. Les acteurs ne peuvent pas voter, se représenter eux-mêmes aux tribunaux, et
possèdent un statut de seconde zone. Il ne s’agit pas de faire des acteurs de mauvaises personnes, mais plutôt
une manière d’entretenir la séparation entre les sphères politiques et artistiques. Cela permet aux acteurs de
ne pas se servir de leur popularité théâtrale dans la politique, mais ils sont également exemptés du service
Les pièces romaines, contrairement à la Grèce, ne sont pas du tout censés faire allusion à
l’actualité et à des personnes vivantes : parmi le corpus de loi fondamentale de Rome – la loi des douze
tables – une mesure qui interdit de manière ferme tout allusion à des personnes vivantes dans le théâtre, puni
par la peine de mort. Le théâtre est pleinement détaché de la vie civique, à la fois dans le lieu et dans le
temps. Les pièces se situent dans le niveau du plaisir esthétique et ne se trouve pas dans un concours : les
romains ne font pas de concours, et les spectacles sont fait pour l’honneur et la beauté du geste. Les
Concernant le théâtre romain, on trouve deux récits de la naissance du théâtre chez les historiens
romains ; ce double récit rappelle de manière assez troublante le double récit du théâtre grec, sans être pour
autant à jeter, puisque les indices donnés sur les pratiques et la perception de ces pratiques sont réels. Le
récit est donc double : Tite-Live raconte dans son Histoire de Rome l’arrivée du théâtre. D’après la légende,
l’acteur grec Livius Andronicus aurait fait joué les premières pièces en latin en 240 avant notre ère, il aurait
pris des pièces grecques et les auraient faits joués en latin. Si on se concentre sur la figure de Livius
Andronicus, le théâtre romain serait une importation du théâtre grec à Rome. Le moment où cela survient est
le moment où Rome est proche des cités de Grande Grèce – les cités grecques de l’Italie du Sud. Il s’agit
d’une importation non pas de concurrence mais d’accessibilité : on rend le théâtre accessible en langue latine
pour rendre le théâtre accessible à tout le monde. Le théâtre romain s’intéresse au théâtre grec avant tout
pour les possibilités spectaculaires qu’il propose : il y a un rapport direct de références, mais le théâtre
romain est assez différent et l’accent n’est pas mis sur la même chose. Dans la tragédie, la violence est
nettement plus visible, dans les comédies la musique est plus présente. On met l’accent sur des aspects qui
Le théâtre romain revendique également une origine étrusque : cette origine est moins évidente à
première vue mais elle est importante puisqu’elle permet aux romains d’enraciner ce théâtre dans quelque
chose de proprement italique, propre à leur territoire. Le récit de Tite-Live raconte l’histoire d’une peste lors
de laquelle on aurait fait appel à des danseurs étrusques pour plaire aux dieux ; on aurait importé ces artistes
à Rome. La perception de l’enjeu du rituel est particulière à Rome : l’enjeu du rituel est d’éviter les
catastrophes terribles. Par opposition aux pièces grecques, les pratiques étrusques auraient apporté une
pratique spectaculaire liés à la danse. Peu importe si l’histoire est vraie, l’important est la perception de
Le rattachement à la Grèce est évident puisque les pièces sont des réécritures des pièces
grecques, comme lorsque la comédie romaine prend à la comédie nouvelle grecque. Les fictions romaines
sont situées en Grèce, avec des personnages grecs. Parmi les auteurs romains dont les textes nous sont
parvenus il y a en premier Plaute, un auteur ancien de l’époque républicaine ayant eu beaucoup de succès ;
le sujet de ces pièces sont tirés de pièces grecques. L’autre auteur dont on a gardé des pièces, c’est Térence,
un affranchi africain, un jeune homme très intelligent développant une connaissance grecque important,
même s’il n’a écrit que six pièces. Térence va beaucoup joué avec les effets à la grecque. Pour ce qui est des
tragédies romaines, le seul auteur tragique romain dont on est conservé les textes est Sénèque, un auteur de
l’époque impériale, qui écrit des tragédies sur des personnages grecs. Il y a débat pour savoir si les pièces de
Sénèque ont été joués ou non ; il est possible que les pièces de Sénèque ne dussent pas être joués, mais
récités. Tous les titre des pièces de Sénèque se rattachent aux grands auteurs grecs de l’époque.
Cette dimension grecque des pièces est souvent explicite : les romains exhibent ce rattachement
par fierté. Dans le prologue de la pièce de Plaute La Comédie des Ânes, l’auteur présente sa pièce comme
une traduction d’une pièce grecque et l’enjeu du rituel est de faire passer dans le domaine des lettres latines.
Il ne s’agit pas d’une traduction au sens moderne : l’ordre général des scènes est conservé, mais le traitement
des scènes change. Dans quelques cas, on va même introduire dans une pièce choisie une scène prise à une
autre pièce. Ce que les romains appellent traduction est plus proche de ce qu’on appelle l’adaptation pour
nous. A Rome, la différence fondamentale est de la spectacularité et dans une fonction de divertissement.
Pourquoi il est si important pour les romains de se rattacher à la tradition grecque ? La grande
cérémonie spectaculaire des Jeux va montrer de nombreux spectacles, notamment sportifs avec des courses
de chars, de boxe et d’athlétisme, mais également théâtrales, avec les Jeux scéniques ou les Jeux Grecs ;
cette dimension grecque est indissociable du théâtre. Il s’agit pour les romains de marquer une rupture avec
une réalité civique romaine, permettant de définir dans leur propre culture un espace d’altérité, qui est en
rupture avec le quotidien. Les romains perçoivent leur théâtre comme un univers de fantaisie à part, et pour
les romains, l’espace de l’otium est tout ce qui provient de la Grèce. Déclarer que quelque chose est grec,
c’est l’introduire dans l’otium. Les romains fabriquent également cette Grèce, conforme aux clichés
romains : la Grèce est liée à Rome à une notion de plaisir et de culture. Sur le plan de la culture et du luxe, la
Grèce constitue la grande référence, notamment dans la poésie, la culture, le théâtre, le sport, les banquets ;
les romains considèrent que les grecs savent faire la fête, bénir les dieux, faire de l’art. Les grecs possèdent
une autorité absolue au champ du plaisir et de la culture. De ce point de vue, une comparaison peut être faite
entre ce rapport de fascination des romains pour la Grèce au rapport que les Américains ont pour l’Europe
(et la France en particulier). Dans une culture donnée, on va construire une figure d’altérité à l’usage du
pays : c’est ce que Florence Dupont appelle l’altérité incluse ; ici la figure des grecs construit à l’usage des
romains. Tout ce qui n’est pas typiquement romain est attribuée aux grecs : Rome réinvente la Grèce à son
usage.
V – LA COMEDIE ROMAINE
Vingt-six comédies romaines nous sont parvenues : la comédie romaine reprend les rôles types
et les intrigues de la comédie nouvelle romaine. L’intérêt de reprendre la comédie nouvelle grecque est de
représenter un monde en décalage avec la réalité : les personnages d’esclaves et de femmes sont mis en
valeur dans les pièces tandis que dans la réalité ces deux rôles ne le sont pas. Dans la comédie romaine, les
esclaves sont les vedettes, mais ne représente pas les esclaves de manière réaliste puisque dans la comédie
les esclaves dominent les maîtres, fantaisistes de la réalité. On ne peut pas utiliser ces pièces pour donner un
aperçu de la vraie vie. Il s’agit pas de faire état d’un anti-esclavagiste ou d’un féminisme puisque dans la
comédie romaine, comme dans la comédie nouvelle grecque, on se trouve dans une logique de rupture avec
une suppression de toute dimension civique dans les pièces. Cet univers n’a pas de vie politique à l’intérieur
de la diègese de l’histoire : tous les personnages n’ont ni l’âge, ni le genre, ni le rôle pour accomplir des
actes politiques et on se trouve dans un univers domestique. La comédie donne un reflet d’une société qui vit
dans l’otium.
VI – LA TRAGEDIE ROMAINE
Les thématiques de la tragédie font que la tragédie ne peut pas représenter des effets similaires
de la comédie : à Rome, les émotions constituent l’effet recherché par la tragédie, mais avec aussi une
volonté de produire sur la scène tragique quelque chose d’inédit de la réalité, pour accentuer la rupture entre
le monde théâtral et le monde civique. Les auteurs tragiques romains ont tendance à choisir des histoires qui
débouchent sur un crime monstrueux ou des choses affreuses. La tragédie montre l’évolution du personnage
en un monstre en trois grandes étapes : une étape de douleur (dolor), une étape de folie (furor) qui va
conduire à un acte affreux (nefas). Par exemple, pour Oreste cette passion est le deuil, pour Médée la
passion est la sauvagerie qui l’amène à l’infanticide. Le principe de base est le développement des passions
des personnages. Chaque nouvelle tragédie est l’occasion d’explorer une passion dans sa forme et ses
conséquences extrêmes. Le spectateur vient voir quelque chose qui sort de la réalité.
VII – RIEN DE ROMAIN ?
Il existe des comédies, appelés commedia togata, qui sont des comédies représentées en toge
romaine : il s’agit des comédies où les fictions se passent à Rome ; des tragédies prétextes existent et
introduisent des éléments de l’histoire romaine. Les recherches récentes sur la commedia togata tendent à
montrer que ces pièces sont aussi des réécritures de pièces grecques et vont prendre de romain seulement le
costume et les lieux. Ces pièces sont apparues par une réaction de nationalisme romain. La tragédie prétexte
Depuis cinq-cents ans, des artistes de théâtre occidentaux s’intéressent aux théâtres antiques : on
joue des pièces antiques, on les traduit, on les adapte, et autres. On va essayer de distinguer des logiques
Le théâtre médiéval est un théâtre qui constitue une forme de filtre dans le rapport que nous
entretenons avec le théâtre de l’Antiquité : les théâtres de l’Antiquité correspondent à des traditions éteintes
de manière définitive une fois que les dieux païens n’ont plus fait l’objet d’un culte. A l’époque du Haut
Moyen-Age, les théâtres de l’Antiquité ont cessés d’exister et non pas été remplacés par une activité
équivoque. Il existe néanmoins des traces de récits, sans être du théâtre puisque des personnes différentes
n’assume pas des rôles différents. Au Moyen-Age, lorsqu’on recommence à faire des spectacles qui seraient
du théâtre, il s’agit généralement des spectacles à but pédagogique illustrative qui sert à enseigner les
histoires de la Bible. Ces formes-là ne doivent rien au théâtre antique. L’Eglise déploie différents moyens
pour apprendre et diffuser l’histoire de la Bible : des passages de la Bible sont joués par des moines pour
enseigner les éléments importants de l’histoire sainte de la Bible. D’autres formes théâtrales de ce type vont
se créer, et de plus en plus en dehors de la communauté religieuse. Le Moyen-Age invente une nouvelle
intéresse avec un prisme différent puisqu’on a considéré pendant longtemps la scène comme un lieu
pédagogique. Quand on redécouvre le théâtre antique, seul quelques textes sont encore disponibles, et on a
perdu la manière de jouer et la manière dont le public recevait les pièces. On a tenté de reconstituer grâce à
l’archéologie, mais à chaque fois que des nouvelles choses sont découvertes, la manière dont on appréhende
les textes évolue. A la Renaissance, on se trouve dans une situation de décontextualisation puisqu’on utilise
le contexte de la Renaissance dans le théâtre antique. Les premiers lieux où le théâtre de l’Antiquité va
ressurgir sont les lieux d’enseignements comme les collèges, à la manière des Anciens qui utilisaient leurs
pièces dans les écoles. Dans les écoles, on va utiliser les pièces pour chercher des enseignements moraux, ou
encore en prétexte pour organiser des débats rhétoriques. On s’intéresse beaucoup moins à ce que les pièces
étaient à leur époque, mais plus en prétexte. Enseigner l’art du théâtre est logique, puisque parler devant un
public est utile dans chaque métier ; généralement des métiers liés à la haute société.
puisque le théâtre fut réinventé au Moyen-Age comme un lieu d’enseignement ; et même si de la manière de
conception médiévale. « [Les spectacles de théâtre] sont non seulement utiles, mais absolument nécessaires
au Peuple pour l’instruire, et pour lui donner quelque teinture de vertus morales ». Le théâtre permettrait de
dispenser un enseignement moral aux personnes n’ayant pas accès à ces enseignements ; le théâtre est
l’école du peuple. Pour que l’utilité morale du théâtre soit opérante, les messages doivent apparaître
clairement (rendre la vertu sympathie et le vice antipathique) ; cette vision est véritablement différente de ce
qui se passait dans le théâtre antique. On retrouve la logique religieuse du théâtre du Moyen-Age. Le théâtre
est un lieu où s’enseigne la vertu. Lorsqu’on va remplacer les théâtres des scènes religieuses à des scènes
antiques, une partie des autorités religieuses va se retrouver fortement contre ce théâtre ; pour contrer cela,
on va justifier la notion d’enseignement que le théâtre possède et le fait que le théâtre condamne les vices et
Aujourd’hui, lorsqu’on s’intéresse au théâtre antique, on pense que le théâtre antique possédait
une valeur civique et populaire : au cours de la Révolution Française, on pensait toutes les sociétés antiques
comme des sociétés où s’épanouissait un sens civique. L’Antiquité constitue en effet une référence sur la
conception des démocraties modernes, mais cette idée se reflète dans le théâtre. Puisque les pièces traitent
régulièrement de pouvoir, il n’est pas absurde de lier le théâtre antique à la démocratie : par exemple,
Anouilh, dans sa version d’Antigone, il fait des deux personnages les figures allégoriques de la situation
française avec Antigone résistante et Créon vichiste. L’idée d’un théâtre antique à valeur civique apparaît à
la fin de la Seconde Guerre Mondiale avec l’apparition d’un théâtre public subventionné par l’état, soit le
théâtre national populaire. Pour motiver les politiques à financer le théâtre, on va insister sur la vertu civique
du théâtre. Cette idée est restée très ancré encore aujourd’hui : certains metteurs en scène utilisent le théâtre
antique pour être militants. La démarche de décontextualisation du théâtre et de faire dire au théâtre antique
l’exploite non seulement dans une démarche politique, mais aussi dans une recherche de la nature humaine.
A partir d’une pièce à tenant mythologique, un metteur en scène peut chercher à trouver un écho
contemporain : dans la mise de Prométhée enchainé de Stéphane Braunschweig, le héros va devenir un lien
avec notre temps. Le même metteur en scène peut reprendre la même pièce pour l’insérer dans des périodes
différentes comme Antoine Vitez qui met en scène trois fois Electre avec un effet d’écho au présent
différent. Vitez ne fait pas de l’œuvre une pièce militante, mais souligne l’universalité de la pièce en
Pour cette dernière partie, d’autres démarches consistent à prendre la mesure de tout ce que ces
pièces ont d’exotique, éloigné de nous. D’autres démarches artistiques ont pour logique de prendre le parti
opposé : il ne s’agit pas de prendre tout ce qui nous rapproche du théâtre antique et leur propos, mais bien
leur étrangeté. Les mises en scènes de ce genre sont nourries sur les travaux des chercheurs. Des gros
travaux de documentation sont effectués par les metteurs en scène sur ces pièces, comme pour l’adaptation
télévisée des Perses d’Eschyle par Jean Prat. Cette démarche cherche à montrer tout ce que ces pièces ont de
bizarres, d’éloignés. Le but est de montrer que la tragédie grecque, même pour les grecs antiques, est
étrange. Une autre démarche est d’utiliser des esthétiques de théâtre orientaux pour les adapter dans le
théâtre occidental, comme lorsque Ariane Mnouchkine utilise le kathakali, un théâtre codifié traditionnel du
sud de l’Inde. L’éloignement chronologique est remplacé par un éloignement géographique et culturel.
D’autres metteurs scènes vont passer par des formes de fantaisies pures, comme une reprise de certains
nombres majeurs de caractéristiques romaines, comme avec le chœur et une composition entièrement
masculine. Tout est fait pour mettre à distance et retrouver l’impression que le théâtre pouvait produire dans
le théâtre antique.