2
3
© L’Harmattan, 2007
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan 1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-03465-5
EAN : 9782296034655
5
M arion P esch eu x
L’Harmattan
6
Déjà paru
SOMMAIRE
Introduction 11
Préambule : La « pratique » 21
Chapitre 1 :
L’analyse de pratique et les théories de l’apprentissage
et du développement. Aperçus enneurobiologie 29
Piaget et l'abstraction réfléchissante 30
Ochanine et l'image opérative 32
Vergnaud et l’invariant opératoire 33
Vygostki et la médiation 35
Bruner et l’étayage 36
Flavell et la métacognition 38
Aperçus en neurobiologie : la conscience et le soi autobiographique 42
En résumé 44
Programmation méthodologique
Etape 10. Consignes et actes de l’enseignant 173
Etape 11. Déroulement de la tâche pour l’apprenant 196
Etape 12. Matériel et installation à prévoir 204
Conclusion 237
Bibliographie 241
Remerciements 249
Index thématique 251
Index des auteurs 253
9
INTRODUCTION
formation d’adulte. Le fait de dire sa pratique est donc le point central de cette
démarche.
Ce livre est né de l’envie de faire se rencontrer, dans le champ de
l’enseignement de la langue, deux domaines pour moi familiers mais qui me
semblaient peu en contact : celui de la recherche en didactique du FLE et celui
de la recherche en formation des adultes, spécialement à propos de cet objet
« étrange » qu’est le savoir du praticien sur sa pratique. Autant la didactique du
FLE avait, me semble-t-il, réussi à délimiter en moins de trente ans, à force de
débats internes et externes, son champ de réflexion et ses finalités, ses arrières-
plans théoriques et le statut des concepts utilisés, autant me semble-t-il, ses
outils de recherche sur son objet, l ’acte d ’enseignement du français comme
langue étrangère, avaient encore intérêt à emprunter à d ’autres disciplines déjà
pourvues, telles que la sociologie, la psychologie du travail et l’ergonomie,
toutes disciplines ayant elles mêmes fourni la formation des adultes. En outre,
s’agissant de l ’enseignement d ’une langue étrangère, la question du recueil
d ’observables ou d’expériences didactiques comme indicateurs tant de
l’enseignement que du processus d’apprentissage d’une langue renvoie aux
relations qu’entretient la didactique du FLE avec la recherche en acquisition des
langues. Ces deux disciplines ont en commun le besoin de recueillir des
observables et de l’expérience didactique : « L’accès aux deux types de données
(observables et expérience) passe par des voies différentes. Les observables
supposent des recueils par prélèvements d’échantillons dans divers contextes
naturels ou expérimentaux, grâce notamment à des enregistrements suivis de
transcriptions pour l’oral et à des collections de documents scripturaux pour
l’écrit.
L’expérience transparaît à travers les multiples discours des divers
protagonistes de la pratique didactique : récits, descriptions, théorisations
ponctuelles ou globales, explications, polémiques, ainsi que par l’observation
extérieure des fonctionnements didactiques. » (Py, 2000 : 399). Ces multiples
discours se prêtent en fait à deux types d’études : d’une part, l’étude des
conditions de leur production et de leur signification dans la relation
pédagogique, pour la formation des enseignants de langue - et c’est ce qui
occupe maintenant cet ouvrage -, d’autre part, l ’étude des productions
linguistiques qu’ils fournissent - énoncés, expressions, lexèmes -, qui font
l’objet d’autres recherches, dont on ne parlera pas ici. Dans ce dernier cas, les
productions linguistiques sont des objets d’étude pour la théorie linguistique,
dans le premier cas, ce sont des matériaux pour la compréhension de la
communication didactique en FLE. Une brève digression est alors utile pour
exposer le positionnement adopté dans les réflexions qui vont suivre.
Deux préoccupations animent ma démarche : une préoccupation pour la
description de la langue, ou plus précisément pour la théorie linguistique,
notamment au travers des théories sémantiques linguistiques, et une
préoccupation pour l’ergonomie de la didactique de la langue. C ’est bien
entendu de cette dernière qu’il sera question dans ces lignes, mais pour autant, il
ne me paraît pas possible d’analyser sa pratique enseignante en FLE sans
12
13
13
14
focaliser sur la seconde partie du livre. Pour l’enseignant non natif, mes prises
de positions en faveur d’un enseignement ergonomique qui laisse le champ à
l’expression et à la prise en compte d’activités cognitives et de concep
tualisation de la part de l’apprenant peut paraître quelque peu imprégnée de la
culture pédagogique occidentale des cinquante dernières années. Il n’est pas
dans mes intentions de faire adopter aux enseignants des comportements
contraires aux pratiques éducatives de leur pays d’origine, mais plutôt d’éclairer
des ouvertures possibles pour l’enseignant : prendre le temps de connaître les
modes de fonctionnement de ses apprenants peut à terme gagner du temps, et il
ne me paraît pas incompatible avec la tenue d’un programme traditionnel ; de
même pour avoir guidé des classes de soutien en FLS, le temps passé à réfléchir
avec les apprenants sur leurs propres productions et à en tirer des enseignements
m’a toujours paru profitable à terme.
L’ouvrage est divisé en deux parties, la première constituant la justification
théorique de l’analyse de pratique par la présentation de quelques référents
théoriques, la seconde s’efforçant de fournir une démarche de réflexion structurée et
itérative des différentes étapes d’une analyse de pratique attachée à un cours de
FLE : il s’agit bien ici non pas de décrire l’ingénierie de formation que constituerait
la mise en place d’une démarche complète d’analyse de pratique, mais d’inventorier
les questions que pourrait se poser un enseignant qui prépare puis analyse un de ses
cours, par exemple sur une heure, ou au plus, sur deux séances d’une heure. Nous
visons donc ici la préparation didactique et méthodologique d’un cours et son retour
réflexif pour un enseignant de FLE.
La première partie définira tout d’abord les notions qui désignent les
objets de l’analyse de pratique : la pratique, l ’action, Y activité, Y habitus. Puis
on justifiera en psychologie cognitive l’approche constructiviste de
l’apprentissage qui a été la nôtre en abordant l’apprentissage des enseignants de
FLE à travers l’analyse de leurs pratiques. Les chapitres suivants proposeront en
Sciences Humaines en général, puis en formation des adultes, les questions et
les finalités et quelquefois les outils que les disciplines ont élaborés autour de
l’analyse de pratique. Enfin, seront abordées les questions du statut que pourrait
avoir l’analyse de pratique en didactique du FLE, notamment dans le cadre du
débat, malheureusement encore non dépassé entre applicationnisme et
implicationnisme.
La didactique du FLE a besoin des deux approches, et il apparaît que si
l’analyse de pratique est un outil privilégié de la démarche qui tire des
implications à partir de constats de terrain, il appartient au praticien réflexif d’en
tirer les connaissances nécessaires pour appliquer en retour la théorie
linguistique de façon fonctionnelle. C ’est à la lettre suivre une démarche mettant
en relation hypothèses externes - constats de terrain - et hypothèses internes -
théories linguistiques - au sujet de la langue comme objet d’enseignement.
La seconde partie propose tout d’abord de considérer les outils présentés,
par la suite, comme des jalons dans un cheminement de réflexions préactives de
l’enseignant qui se fixe des règles préalables à son action, puis postactives,
c’est-à-dire qui, l’activité enseignante s’étant déroulée, cherche, au moyen de
14
15
15
16
17
P A R T IE I
ANALYSE DE PRATIQUE
19
20
21
PRÉAMBULE
LA « PRATIQUE »
dissociation possible par rapport aux situations et aux sujets sociaux, possibilité
d ’appropriation, de cumul et de transmission, etc. ;
- à la pratique seraient associés au contraire les attributs sociaux des activités de
transformation du monde : contingence, particularité, indissociabilité par rapport
aux situations et aux sujets sociaux, non-communicabilité » (Barbier, Galatanu,
2004:12).
Là réside l’un des obstacles ou l’une des résistances à l’Analyse de
pratique : en fonction de la posture d’étude que l’on se donne ou du point de vue
que l’on privilégie, on est conduit à négliger l’autre pôle ; non moins que le
« théoricien », le « praticien » hiérarchisera positivement la place qu’il occupe
lorsqu’il étudie les faits humains.
On notera qu’avec cet arrière-plan épistémologique, analyser une
pratique, et dans le cas précis, celle de l’enseignement du FLE, ne va pas de soi,
au seul plan des valeurs attachées traditionnellement et quasi spontanément aux
deux pôles théorie et pratique. En effet, D. Schön (1996) détaille les éléments
de l’opposition traditionnellement mis en avant : du côté de la théorie, se
trouveraient la rigueur, la rationalité, la simplicité, la certitude, la stabilité, la
généralité et, enfin, la théorie apporterait toujours des solutions. À l’autre bout,
la pratique oppose à la rigueur sa pertinence, à la rationalité la débrouillardise et
l’intuition, à la simplicité la complexité des situations singulières, à la certitude
l’incertitude, et apporterait, pour l’essentiel, des problèmes... Prenant le contre-
pied de cette vision traditionnelle des deux termes, Schön affirme que la
pratique professionnelle est à la fois un processus de résolution de problème et
un processus de construction de problème parce que, pour transformer une
situation problématique en un problème tout court, un praticien doit dégager le
sens d ’une situation qui semblait n’en avoir aucun. Or, ce en quoi consiste la
construction du problème ou la construction du sens du problème n ’est pas
technique, c’est, pour Schön, une précondition pour l’emploi de techniques.
Pour l ’auteur, il y a un « savoir caché dans l’agir professionnel », savoir que le
praticien doit précisément penser et reconstruire. Or, ce savoir « caché dans
l’agir » a pour propriété d’être incorporé aux gestes - Schön reprend ici l’idée de
Piaget selon laquelle l’action est un savoir autonome, qui sera présentée plus
loin - et de ne se révéler à la conscience que de façon fugace. En fait, il y aurait
deux temps de réflexion pour le praticien : un temps de réflexion en cours
d’action, pendant lequel cette réflexion se concentre de façon interactive sur les
résultats de l’action et l’action elle-même, et un temps de réflexion sur l’action,
suite à l’événement, questionnant la compréhension et l’efficacité de Faction.
C’est ainsi que, pour Schön, lorsque le praticien réfléchit sur l ’action, il devient
un chercheur dans un contexte de pratique.
C’est bien là ce que tente de proposer toute activité d’analyse de
pratique : transformer par exemple l’enseignant en chercheur de sa propre
pratique, parce que la réflexion fait partie de ses activités en tant que praticien.
Plus encore, pour l’auteur, c’est à partir de la pratique qu’il est possible d’édifier
«une théorie du cas particulier». Si l’on transpose sur le plan de la formation
des enseignants de langue, on constate que la demande faite le plus souvent aux
22
23
23
24
pour finir, ce qu’elle oblige à modifier dans la tâche, c’est-à-dire les buts, les
supports, les consignes, etc. Cette interdépendance entre l’activité propre à
l’agent et la tâche donnée par l’environnement est celle qui lie le caractère
prescriptif de la tâche et la réalité de l’activité. Pour Leplat (1997 : 18), la tâche
est communément définie comme « un but à atteindre dans des conditions
déterminées » et note que la tâche peut avoir plusieurs buts, éventuellement
conflictuels et que les buts peuvent être plus ou moins explicitement et
opérationnellement définis. Quant aux conditions, elles sont à entendre de
manière très générale comme tout ce qui contribue à moduler l’activité de
l’agent ou « qui est censé la moduler quand on ne peut le démontrer ! » Ces
conditions externes sont d’ordre physique, technique, organisationnel, social,
économique, etc. Cet ensemble de visées et de conditions externe à l’agent
fournit une sorte de cadre prescriptif pour l’activité, prescription dont s’écarte
nécessairement l’activité, inscrite dans la réalité. Or, analyser une pratique,
notamment la pratique enseignante et plus spécifiquement en FLE, renverra à la
question de la relation et de l’écart entre ce qui était planifié (entre autres dans
une préparation didactique ou méthodologique), autrement dit la tâche prescrite
(qu’elle l’ait été par l’institution, la méthode, le manuel ou encore par
l’enseignant lui-même par anticipation), et l'activité, avec les ajustements
réciproques entre apprenants et enseignant lors de l’interaction en classe de
langue. Autrement dit, la notion de pratique comme activité réelle oblige à
prendre en compte dans son analyse le rapport qu’elle entretient avec le prescrit,
c’est-à-dire la programmation prépédagogique. C ’est précisément ce à quoi
s’attacheront les outils qui seront présentés en deuxième partie de l’ouvrage.
24
25
25
26
Pratique et Habitus
26
27
27
28
28
29
CHAPITRE I
L ’ANALYSE DE PRATIQUE
ET LES THÉORIES DE L ’APPRENTISSAGE
ET DU DÉVELOPPEMENT,
APERÇUS EN NEUROBIOLOGIE
Sujet et objet
Pour Piaget, « la connaissance procède à partir, non pas du sujet, ni de
l’objet, mais de l’interaction entre les deux » (Piaget 1974a : 263). Dans le cas
de l’action enseignante, et en admettant de façon réductrice que l’on puisse
considérer l’enseignant comme sujet et la situation de classe comme objet, la
connaissance que l’enseignant peut en avoir provient donc de son interaction
avec elle, elle ne vient ni de la seule connaissance qu’il a de lui-même, ni de
celle de ses étudiants seuls. La complexité est donc grande au regard de
l’ensemble des facteurs en jeu, et par conséquent des données, ou indices, à
prendre en compte dans une démarche réflexive.
30
31
l’interaction entre les deux ». Ceci s’exprime par le schéma suivant, où P est
périphérique par rapport tant au sujet (S) qu’à l’objet (O).
31
32
32
33
cette situation que les seules informations pertinentes à son objectif. Si dès lors
on réalise une observation doublée d’une « introspection parlée », autrement dit
une des formes de l’analyse de pratique, sur la situation vécue, il est possible de
préciser l’image opérative ou l’ensemble de ces images opératives qu’il se
donne de la situation, c’est-à-dire la sélection et le type de « déformation
fonctionnelle » qu’il opère sur son action. Cette dernière peut être pertinente et
permettre une action efficace, mais, aussi elle peut être sclérosée. L’analyse de
pratique, si elle aboutit à la production d’information sur l’action vécue, peut
être le révélateur tant des savoirs faire efficaces que des savoirs faire sclérosés.
L’analyse de pratique ne se contente pas de révéler des composantes de l’action
du sujet, elle les livre à un jugement d’efficacité, à une médiation sociale. Cette
médiation sociale est jugée constitutive de toute analyse de pratique, tant par les
psychologues que par les didacticiens. Pour Vergnaud, disciple de Piaget,
faction s’accompagne de conceptualisation, et peut être réfléchie par la
présence d’un tiers.
33
34
34
35
VYGOSTKI ET LA MÉDIATION
35
36
Mots et concepts
Vygostki prend le langage comme un des moyens ou des instruments de
la communication sociale. « La communication, fondée sur la compréhension
rationnelle et sur la transmission intentionnelle de la pensée et des expériences
vécues, exige immanquablement un certain système de moyens, dont le
prototype était, est et restera toujours le langage humain, né du besoin de
communiquer dans le processus de travail » (Vygostki, 1985 : 38, 39). Dans ce
moyen qu’est le langage en tant que système, le mot représente une
généralisation cachée : « tout mot déjà généralise, et sous l’angle psychologique
la signification du mot est avant tout généralisation ». Or, cette généralisation
est, pour Vygostki, un acte verbal de la pensée, parce que la signification du mot
est un acte de généralisation qu’effectue la pensée. Le psychologue insiste sur le
fait que « la communication suppose nécessairement la généralisation et le
développement de la signification du mot ». À son tour, « la généralisation devient
possible avec le développement de la communication ». Quant au concept en lui-
même « sous l ’angle psychologique, le concept est à n’importe quel stade de son
développement un acte de généralisation ». Ainsi, pour Vygostki « les concepts, qui
se présentent psychologiquement comme des significations de mots, se
développent. L’essence de leur développement est avant tout le passage d’une
structure de généralisation à une autre. Toute signification de mot est une
généralisation quel que soit l’âge ». Ici, intervient un lien fondamental entre
concept et m ot: « le mot est presque toujours prêt lorsque le concept l’est»
(ibid. : 211,212), Si donc on considère que la communication est un facteur de
généralisation ou de développement de la signification des mots, si, en outre, le
concept est le produit d’un acte de généralisation préparant pour ainsi dire
l’apparition du mot, il devient alors intéressant de mettre en œuvre des
dispositifs de communication à partir de l’activité afin que cet instrument de
médiation sociale qu’est le langage favorise le processus de généralisation et de
conceptualisation. Ce dispositif de communication autour de l’activité qu’est
l’analyse de pratique demande aussi en outre un certain type d’accompagnement
vis-à-vis du praticien qui s’analyse, sous la forme d’un étayage.
BRUNER ET L’ ÉTAYAGE
36
37
37
38
FLAVELL ET LA MÉTACOGNITION
38
39
métacognition, parce que l’opération mentale est effectuée sur les propres
opérations mentales de l’apprenant et non plus sur le contenu du texte lu.
Plus précisément, Noël e t al. proposent de classer les « opérations
métacognitives » produisant des connaissances, selon un modèle en trois axes,
reproduit intégralement ci-après pour son intérêt au regard des réflexions sur les
activités de c o n c e p tu a lis a tio n en FLE, qui sera abordée en Partie TI (Besse et
Porquier 1991; Besse 1992) :
Les auteurs définissent trois axes qui seront illustrés à la fois par l’exemple de
l’activité apprenante et par celui de l’activité enseignante :
39
40
analyse de pratique lorsqu’il détaille les réflexions qu’il s ’est faites soit dans
la préparation didactique, soit pendant le cours ; lors de Y analyse, l ’a p p ren a n t
établit des relations entre plusieurs éléments de sa cognition, par exemple
l’étudiant de langue met en relation sa production, son résultat et une des
étapes de sa démarche utile pour l’atteinte du résultat. Du côté de l ’en seig n a n t
en formation, lors de l’analyse métacognitive, il met en relation entre elles les
réflexions explicitées précédemment : les hypothèses sur la production
attendue en classe, l ’exécution de la consigne et le constat qu’il fait à chaud
de l’exécution de la tâche par les apprenants ; enfin en c o n cep tu a lisa tio n ,
l ’a p p re n a n t abstrait de différentes situations analysées des règles générales
applicables à plusieurs contextes. En FLE, il relie différentes situations
d’écrit, les champs lexicaux rencontrés et les règles qu’il a appliquées pour
mobiliser ces champs lexicaux. Pour l’enseignant en formation, il s ’agit de
relier différentes situations, différents supports et différents publics pour
abstraire les « invariants » de son activité - pour reprendre la notion
développée par Vergnaud.
40
41
41
42
APERÇUS EN NEUROBIOLOGIE :
LA CONSCIENCE ET LE SOI AUTOBIOGRAPHIQUE
42
43
quand nous entrons en relation avec des objets (des personnes, des lieux, des
rages de dents) selon un mouvement qui va de l’extérieur à l’intérieur du
cerveau [...] », formulation proche de « la prise de conscience procède de la
périphérie vers le centre » (cf. ici, chapitre 1 paragraphe « Piaget et l’abstraction
réfléchissante»). Par suite, il semble que l’activité mentale soit essentiellement
fondée sur les images, ou « représentations », et ces images constituent la
conscience. Celle-ci n’est pas monolithique, elle serait constituée (à nouveau je
souligne) d’une part par la conscience-noyau qui « dote l’organisme d’un
sentiment de soi relativement à un moment, maintenant, et relativement à un
lieu, ici. La portée de la conscience noyau est le ici et maintenant », d ’autre part,
et à l’inverse « l’espèce complexe de conscience que j ’appelle conscience-
étendue, dote l’organisme d’un sentiment élaboré de soi - une identité et
une personne, vous ou moi, rien de moins - et place cette personne en un point
du temps historique individuel, avec une riche connaissance immédiate du
passée qu’elle a vécu, comme du futur qu’elle a anticipé, et avec une
connaissance aiguë du monde qu’elle côtoie », À ces deux sortes de conscience
correspondent deux sortes de Soi pour Damasio (ibid. : 29-32) : « le sentiment
de soi qui émerge dans la conscience noyau est le Soi central, une entité
transitoire, sans cesse recréée pour chacun des objets avec lesquels le cerveau
interagit ». Nous aurions donc, avec le Soi central, la source d’information, issue
de l’ici-et-maintenant des actions et des pratiques en relation avec
l’environnement, sur laquelle la deuxième sorte de Soi se bâtit. Du fait de cet
ancrage dans une relative immédiateté et instabilité de la connaissance, il n’y
aurait donc rien d’étonnant à ce que nous n ’y ayons pas accès facilement,
comme cela a été signalé en Préambule. Cependant, c’est à partir de ce Soi
central que se développerait l’autre Soi : « [...] notre notion traditionnelle du Soi
a trait à l’idée d’identité, et correspond à une collection non transitoire de faits et
de manières d’être uniques qui caractérisent une personne. Le terme que j ’utilise
pour cette entité est le Soi-autobiographique. 11 dépend de souvenirs
systématisés et situations où la conscience noyau était occupée à connaître les
caractéristiques les plus invariantes de la vie d’un organisme - de qui vous êtes
issus, où et quand vous êtes nés, vos goûts et dégoûts, votre nom, etc. J’emploie
le terme de mémoire autobiographique pour désigner le compte-rendu organisé
des principaux aspects biographiques d ’un organisme. » Le Soi
autobiographique, reposant sur ce type de mémoire, disposerait donc, sous
forme d ’abord de configurations neuronales, puis peut-être d’« images », de
comptes-rendus organisés des aspects biographiques d’un sujet. C ’est cette
notion de « biographie », qu’on pourrait qualifier de biographie neuronale, qui
permettrait de valider les hypothèses proposées par les psychologues que nous
avons évoqués plus haut : d’une part, l’hypothèse selon laquelle des
représentations des objets de connaissance se forment chez le sujet connaissant
rencontrerait une réalité sous la forme d’« images » formées par des
configurations neuronales ; d’autre part, l’hypothèse selon laquelle parmi ces
objets de connaissance, se trouvent les éléments les plus quotidiennement
autobiographiques du sujet, rencontrerait de son côté la réalité d’un Soi
43
44
EN RÉSUMÉ
44
45
45
46
47
CHAPITRE 2
L ’ANALYSE DE PRATIQUE
EN SCIENCES HUMAINES
RICŒUR ET LE RÉCIT
48
49
49
50
de l’action » {op. cit. 88). L’action est déjà articulée dans des signes, des règles,
des nonnes : « elle est dès toujours symboliquement médiatisée. » Et en
l’occurrence, le symbolisme n ’est pas dans l’esprit, n ’est pas une opération
psychologique destinée à guider l’action, mais «une signification incorporée à
l’action et déchiffrable sur elle par les autres acteurs du jeu social». Nous
retrouvons ici, comme chez Bruner, le thème de la médiation symbolique opérée
par le langage. Le point essentiel est que ce symbolisme est incorporé à
l’action : selon le contexte il peut être interprété différemment, mais, pour
Ricceur, « les symboles sont des interprétants internes à l’action » (op. cit. 92).
Ce repérage symbolique ne s’arrête pas là et ici survient une description de la
Mimesis 1 qui semble répondre à l’une des questions posées en introduction à ce
chapitre : quelle finalité pour l’analyse de pratique ? En fait, la finalité de la
médiation symbolique par le langage est Y appréciation, c’est-à-dire une
préférence morale, avec des degrés de valeur attribués tant aux actions qu’aux
agents eux-mêmes. Autrement dit, repérer l’action c’est en même temps repérer
les symboles de l’action ; c’est parce qu’il y a des constituants symboliques dans
une action qu’elle peut se définir comme telle, mais en outre, ce système
symbolique qui lui est inhérent est lié à une évaluation sociale. En didactique du
FLE, si je choisis telle séquence de mon cours de langue afin d’en faire le récit
et l’analyse, c ’est parce que j ’y repère un système de symboles que je décide de
partager avec autrui ; par exemple, je peux décider d’examiner les consignes que
je donne, parce que je pense qu’elles sont représentatives à la fois de ma
pratique et de ma formation en tant qu’enseignant. De plus, mes consignes, en
tant que système de symboles, ont une valeur axiologique, car elles sont à la fois
une sélection que j ’opère dans l’ensemble des possibilités de formulation de
consignes, et ce, au nom d’une évaluation préalable de ma part, et aussi des
données susceptibles d’être soumises à une évaluation par des tiers.
50
51
51
52
praticien sur son activité, n’est pas plus une reconstitution du passé ou un acte
solitaire que ne l’est toute enquête de type sociologique. Elle consiste plutôt en
l’élaboration d’une représentation, par l’acteur lui-même, de son activité.
Présenter l’analyse de pratique en Sciences Sociales reviendra ainsi à signaler
l’apport et les questions soulevées, entre autres, par le courant de la sociologie
compréhensive à toute démarche d’analyse de l’activité humaine, tout en
essayant de répondre aux interrogations initialement posées : au regard de la
discipline considérée, quel type d’activité correspond à l’analyse de pratique,
avec quels moyens, et avec quelles finalités, ouvertes ou implicites.
52
53
qui dit interpréter dit tisser les liens de cause à effet. Ainsi, le projet de la
sociologie compréhensive, selon son fondateur Max Weber, met en lumière le
fait que ce que l’acteur pose dans son récit de pratique comme moyens-fins,
pourra être interprété par son interlocuteur comme cause-conséquence. Les
catégories des deux partenaires, celui qui raconte et celui qui reçoit, ne sont pas
les mêmes, parce que la lecture de chaque micro-action qui est faite par le
récepteur d’un récit de pratique est empreinte d’un déterminisme très marqué,
déterminisme qui veut voir dans toute action une orientation vers une fin, donc
la présence de causalités, non toujours voulues ni perçues par les acteurs eux-
mêmes.
Cela étant, malgré cette distorsion possible dans l’échange entre acteur et
observateur, dans une analyse de pratique professionnelle d’enseignant, voir
l’enchaînement entre moyens et fins sous l’aspect cause-conséquence est une
façon de recadrer l’action afin d’en faire une compétence de l’enseignant (La
distorsion remplit alors une fonction sociale, dans la professionnalisation de
l’enseignant, cf. chapitre 2). En substance, la compréhension du sens de l’action
par l’agent est un construit : toute analyse de pratique est une tentative de
comprendre l’action, une construction qui n ’a pas pour vocation de révéler un
« déjà-là » ; l’analyse de pratique n’est pas « transparente » vis-à-vis de l’action
réalisée et le premier des présupposés évoqué plus haut, l’illusion rétrospective,
ne tient plus.
53
54
54
55
4. D a n s un quatrièm e tem ps, il est utile de co n stru ire un e p ro b lém a tiq u e, des
hyp o thèses explicatives en relation avec la question d ’enquête, et d e ch o isir l ’outil
le p lu s approprié.
En FLE, cette étape est complémentaire à l ’étape 2 : lors de celle-ci on se pose des
questions sur la pratique de classe, mais également, l’enseignant ne peut manquer
d’émettre soit des hypothèses interprétatives, soit des hypothèses d ’action.
6. L ’a va n t-d ern ière étape est celle du recu eil d es inform ations, de la réalisation de
l ’en q u ête a u près d ’un é c h a n tillo n ; elle d em a n d e d e p r é v o ir la fo r m e d e la
restitution.
À ce stade, l’analyse de pratique enseignante FLE consiste, tout en réalisant une
activité de classe, à recueillir les données sous une forme déterminée à l’étape
précédente.
7. E nfin, la sep tièm e e t dernière étape est celle de l ’a n a lyse des données, de leur
interprétation, d e leur restitution et de l ’évaluation de la dém arche.
Il s’agit ici du cœur de l’analyse de pratique : à partir des données recueillies dans
Faction, l’analysant et son formateur et/ou ses pairs étudient les différents
« indicateurs » recueillis.
55
56
4. D a n s un quatrièm e tem ps, il est utile de co n stru ire un e p ro b lém a tiq u e, des
hyp o thèses explicatives en relation avec la question d ’enquête, et d e ch o isir l ’outil
le p lu s approprié.
En FLE, cette étape est complémentaire à l ’étape 2 : lors de celle-ci on se pose des
questions sur la pratique de classe, mais également, l’enseignant ne peut manquer
d’émettre soit des hypothèses interprétatives, soit des hypothèses d ’action.
6. L ’a va n t-d ern ière étape est celle du recu eil d es inform ations, de la réalisation de
l ’en q u ête a u près d ’un é c h a n tillo n ; elle d em a n d e d e p r é v o ir la fo r m e d e la
restitution.
À ce stade, l’analyse de pratique enseignante FLE consiste, tout en réalisant une
activité de classe, à recueillir les données sous une forme déterminée à l’étape
précédente.
7. E nfin, la sep tièm e e t dernière étape est celle de l ’a n a lyse des données, de leur
interprétation, d e leur restitution et de l ’évaluation de la dém arche.
Il s’agit ici du cœur de l’analyse de pratique : à partir des données recueillies dans
Faction, l’analysant et son formateur et/ou ses pairs étudient les différents
« indicateurs » recueillis.
55
57
57
58
alors que de renoncer à toute analyse de l’activité, au prétexte que la réalité des
choses ne serait qu’effleurée, on peut envisager cette démarche comme un
processus de mise à jour ou de clarification des significations que l’enseignant
attribue à ses pratiques, et ce, afin de les faire évoluer.
La médiation
L’analyse de l’activité est une situation duelle : un analysant et un
analyste se rencontrent autour d’une pratique. Il s’agit d’une interaction, dont on
a déjà débattu plus haut, mais il faut préciser que celle-ci est en partie réglée par
des normes. E. Goffman a largement analysé les R ite s d ’i n te r a c tio n , auxquels
n ’échappe pas la démarche d’analyse de pratique par un sujet avec l’aide d’un
accompagnateur : « le fonctionnement de l’ordre de l’interaction peut aisément
être envisagé comme la conséquence de systèmes de conventions déontiques, au
sens de règles de base d’un jeu, des conditions du code de la route ou des règles
de syntaxe d’un langage » (Goffman dans Pharo 1993 :148). Dans le cadre de
ces « conventions déontiques », l’analyse de l’activité est une médiation parce
que le praticien ne dispose pas de son intention comme d’un contenu de l’esprit
directement accessible. Pour Quéré, (1990 : 106-108), le praticien découvre son
intention en même temps qu’il analyse sa pratique avec le concours des autres :
« l’action n ’est pas un mouvement d’extériorisation d’une intériorité déjà
constituée. Au contraire l’intériorité se forme par réappropriation, internalisation
et formulation des actions et expressions publiques ». En d’autres termes,
analyser l’action introduit une organisation et des médiations « là où on ne
supposait que de la transparence et de l’immédiateté ». Pour l’auteur, la
subjectivité de l’acteur n’accède à elle-même qu’en ayant recours à des
médiations sociales, des symboles, des concepts. Comme chez Ricœur, c’est
parce que le récit est a d r e s s é à u n tie r s qu’il permet de « configurer » et de
reconfigurer l’expérience.
L’intention
Si l’on reprend le projet de sociologie compréhensive de Weber, qui
consistait à mettre à jour les finalités de l’action, le sociologue pourra considérer
alors « comme intentionnel tout comportement qui sera décrit comme guidé par
58
59
L’appropriation
Poussant plus loin les effets de 1’« intervention » sociologique, c’est-à-dire
de l’enquête, le sociologue (Quéré, 1990: 103-105) traite les explications, les
descriptions et les justifications « comme une activité d’appropriation et
d ’articulation d’un sens accompli ou d’une intention incarnée dans l’espace
public ». Le processus d’appropriation implique la participation d’un partenaire
d ’interaction qui prend part à la spécification des traits identifiants d’une
intention-dans-l’action, ou encore est une activité concertée. L’appropriation, une
fois de plus, est une opération de configuration, d’organisation des perceptions, et
une démarche de reconnaissance par l’acteur et ses partenaires dans l’analyse.
L’appropriation va au-delà du constat ou de la saisie perceptive, elle est déjà une
prise de position favorable ou défavorable par rapport à une p r o p o s itio n
d ’appropriation issue du processus d’analyse de pratique.
Dans la formation à la didactique du FLE, la verbalisation des expériences
de classe constitue un moyen de prise en main par l’enseignant en formation de sa
progression professionnelle, un moyen d’appropriation.
Le jugement
Un autre des problèmes conceptuels attachés à l’action, mais aussi un des
effets de la démarche d’analyse de pratique, est le fait que celle-ci articule deux
dimensions : l’individuel et le collectif, Thévenot (1990: 39) déroule un
inventaire des termes se rapportant à l’action individuelle pour la justifier
(« intention », « désir », « croyance », « volonté », « rationalité »), et des termes
de l’activité collective, relevant pour leur part de la légitimation sociale
(« communauté », « normes », « loi », « accord », « maxime », « légitimité »).
L’intérêt précisément de l’analyse de l’activité est qu’elle pose le problème de
sa justification, mais en même temps celui de son identification, deux opérations
59
60
qui procèdent d’un jugement. Pour le sociologue, il faut « l’arrêt d’un jugement
délimitant les contours d’une action, identifiant ce qu’il advient », et il signale
que pour développer une « théorie de l’action » une tâche prioritaire est
d ’étudier « l’opération consistant à sélectionner ce qui importe, aux dépens de ce
qui n ’est pas significatif. » (ibid. : 46). Il faut donc reconnaître des formes
d ’action, les qualifier, les rapprocher, ne serait-ce que pour identifier l’action,
mais au-delà, pour juger de sa pertinence.
En résumé
Si nous avons choisi d’exposer la sociologie compréhensive dans ce
paragraphe, c’est qu’au plan épistémologique, la discipline posait depuis
longtemps des questions inhérentes à toute analyse de l’action, questions
directement utiles à la mise en place de dispositifs de formation à la didactique
du FLE, par l’analyse des pratiques de classe. Ces questions touchent :
• l’objet réellement étudié: s’agit-il de l’action ou d’un métalangage de
l’action ? En l’occurrence, on considérera ici avec la sociologie compréhensive,
que l’analyse de pratique qui se concrétise dans une verbalisation est une
création de métalangage sur l’action,
• les techniques utilisées : dans tous les cas de figure, l’étude des avantages et
des inconvénients conduit à renoncer à l’idéal d’un outil de recueil non
« invasif », c’est-à-dire qui ne modifierait pas « la réalité » des actions
effectuées par l’agent,
• les effets inhérents à l’exploration de l’action : qu’on le veuille ou non, faire de
l’analyse de pratique consiste à charger la pratique originelle d’intention, de
jugement, et à entamer un processus d’appropriation, tremplin pour des
utilisations ultérieures.
Nous tenterons d’expliquer dans la Partie II, pourquoi ces raisons, à elles
seules, justifient la mise en œuvre de l’analyse de pratique dans le domaine de la
formation d’enseignant à la didactique du FLE. Pour l’heure, nous avons
constaté que l’analyse de l’activité produisait une sorte de métadiscours sur
l’action. Poursuivant notre exploration des disciplines concernées par ce type
d’analyse, seront maintenant abordées les disciplines qui ont justement pour
objet le discours.
60
61
récits étudiés par les Sciences du Langage, incluant les récits de pratique : dans
le cadre de la Narratologie, elles étudient le récit porté par un texte littéraire ou
non littéraire, ou le récit non fictionnel ; dans le cadre de l’étude du texte, elles
étudient les récits d ’expériences personnelles). En quoi l’analyse de pratique
enseignante intéresse-t-elle les Sciences du Langage, et plus exactement, en quoi
les Sciences du Langage peuvent-elles apporter quelque chose à notre
connaissance de l’analyse de pratique enseignante, notamment en FLE ? Du
point de vue du praticien qui analyse son activité avec l’aide d’un formateur,
quels sont les éléments susceptibles d’apporter un éclairage pertinent sur la
démarche d’analyse de pratique dans les réflexions de la Linguistique ?
Deux apports complémentaires seront distingués dans ce paragraphe :
1- un éclairage sur le cadre d ’interlocution auquel participent et que
construisent l’enseignant-praticien et le formateur : ceci pour permettre une
certaine prise de conscience de la position des partenaires dans cette démarche,
au sein d ’une « formation discursive » spécifique.
2- un éclairage sur les mécanismes communicatifs et langagiers mobilisés par la
prise de parole, notamment du praticien : que présente-t-il de lui-même et
comment se présente-t-il dans son discours ? Ceci peut mettre en lumière
comment celui qui analyse sa pratique se « met en scène » pour autrui au moyen
du langage.
Concernant la place de l’analyse de pratique dans la discipline étudiée, ici
les Sciences du Langage, on constate qu’elle n’est pas un objet d ’étude pour la
linguistique, mais que cependant, cette dernière prend pour objet les discours
tenus sur les pratiques sociales. Au plan linguistique, nous allons tenter de
préciser ce qui est susceptible d’enrichir notre compréhension de l’analyse de
pratique, au travers des discours qu’elle produit.
61
62
Sujet
interprétant
63
64
64
65
Le je et la polyphonie énonciative :
mise en scène de l’analyse de pratique
En linguistique, l’Analyse du discours mobilise la notion de subjectivité
dans la langue et la notion de polyphonie pour rendre compte des mécanismes
de présentations discursives utilisés par les locuteurs. La notion de subjectivité
renvoie aux articles fondateurs de Benveniste qui introduit la notion de
« subjectivité dans la langue » (Benveniste, 1958 : 258) et, pour ne prendre que
l’exemple du pronom personnel je, le décrit ainsi : « A quoi donc se réfère-t-il ?
À quelque chose de très singulier, qui est exclusivement linguistique : je se
réfère à l’acte de discours individuel où il est prononcé, et il en désigne le
locuteur. [...] La réalité à laquelle il renvoie est la réalité du discours ». Il ne
s’agit pas ici de psychologie, mais de l’inscription du sujet parlant dans une
réalité de discours, cette réalité qui autorise ainsi un locuteur à mettre en scène
des énonciateurs différents. En définitive, le discours est porteur de marques de
présence du locuteur (je/nous) et de l’interlocuteur (,tu/vousj, qui sont des choix
65
66
66
67
67
68
Les finalités
U ergonomie s’attache à l’étude des lois du travail, mais de façon plus
ouverte, la discipline vise la conception et l’aménagement des systèmes de
travail et en cela, on peut voir l’ergonomie comme « une science de l’action »
(Teiger 1995 : 15,17). La Société d’Ergonomie de Langue Française -SELF-,
donne l’ergonomie comme « l’ensemble des connaissances scientifiques
relatives à l’homme et nécessaires pour concevoir des outils, des machines et
des dispositifs qui puissent être utilisés avec le maximum de confort, de sécurité2
68
69
69
70
72
71
73
72
Objets de l’Ergonomie
Pour l’ergonome, l’accent est mis sur : 1) les composantes cognitives, 2) la
signification de l’action pour le sujet, 3) le « langage dans le travail » et 4) le
« langage sur le travail » - dans le sens ou « langage » est employé pour
« discours » Ces deux derniers étant du point de vue de la discipline des accès
privilégiés aux deux premiers (Teiger, 1993 : 82). Les discours sont, une fois de
plus, comme en sociologie, les accès à l’expérience vécue, et l’analyse de pratique
enseignante permet, par le discours partagé, de produire des significations, voire des
représentations de composantes cognitives de l’enseignant qui analyse sa propre
pratique dans une classe de langue (cf. n°l ci-dessus).
74
73
75
74
76
75
CHAPITRE 3
L’ANALYSE DE PRATIQUE
EN FORMATION D’ADULTES
DÉFINITIONS
« La formation d’adultes »
Nous emprunterons ici largement aux travaux du Centre de Recherche sur
la Formation (CRF) du Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM-
Paris), et, concernant la «form ation», Barbier (1996b : 44) la définit comme
« un champ de pratiques spécialisé dans la production de nouvelles capacités ou
de nouvelles dispositions transférables dans d’autres champs ». Nous allons
donc nous intéresser, dans l’analyse de pratique, à ce qui permet précisément la
production de nouvelles capacités et leur transfert.
« L’analyse de pratique »
Il est considéré initialement que l’analyse de pratique est surtout un outil
de formation notamment pour des adultes disposant déjà d’une expérience
professionnelle. Pour Barbier (1996b : 27) l’analyse des pratiques apparaît
comme un outil pour l’action et pour la recherche par la prise en compte du réel
vécu « grâce à une activité d’intelligibilité et/ou de finalisation des situations
concrètes ». L’auteur rappelle que la plupart des nouveaux modes d’organisation
du travail (démarche de qualité, démarche de projet, collectifs de travail sont en
effet le plus souvent fondés sur une activité individuelle ou collective « de
mentalisation, de formalisation des processus productifs par ceux-là mêmes qui
les réalisent », et requièrent pour cela des outils intellectuels permettant leur
approche. Cet outil de formation s’est particulièrement développé depuis les
années 1970, accompagnant la mise en place de nouvelles formes de formations
(Barbier 1996c: 10; Barbier, Boru, Berton 1996) liées particulièrement au
monde de l’entreprise. Les auteurs signalent les évolutions concernant le monde
76
78
77
79
78
EFFETS ATTENDUS
Comme dans toute formation, il serait ambitieux de prévoir tous les effets
de celle-ci sur les participants ; néanmoins, force est de constater que les
institutions qui engagent des formations, et notamment lorsqu’elles mobilisent
des analyses de pratique, en attendent au moins deux effets : l’un sur les savoirs
et compétences, l’autre sur la construction de l’identité professionnelle. Il nous
faut dans un premier temps définir les savoir/compétences ainsi visés, puis nous
examinerons la double attente des institutions, enfin, les effets eux-mêmes de
l’analyse de pratique sur les individus.
80
79
Des savoirs
Ce à quoi s’applique l’analyse de pratique, ce que cette activité réflexive
cherche à faire advenir sont des « savoirs d’action ». Dans un premier temps, on
notera que la définition de savoirs renvoie à « des énoncés propositionnels associés
de façon relativement stable à des représentations ou des systèmes de
représentations sur le monde et sa transformation, faisant l’objet d’une
reconnaissance sociale et d’un contrôle se situant dans le registre de la validité
épistémique (vrai/faux), pragmatique (efficace/inefficace), et considérés comme
susceptibles d’être investis dans des activités de pensée, de communication, ou
de transformation de l’environnement » (Barbier, Galatanu, 2004 : 42). Ainsi,
pour qu’il y ait savoir, il faut qu’il y ait des énoncés, mais ce qui intéresse
l’analyse de pratique, ce sont des énoncés opératifs, c’est-à-dire des énoncés
« associés à des représentations relatives à des séquences d’opérations
susceptibles d’être engagées pour assurer une transformation possible du
monde » et « qui apparaissent dans le contexte direct d’activités de
transformation du réel, supposant de la part de ceux qui y sont impliqués une
activité supplémentaire de prise de conscience, d’explicitation et de mise en
m ots» (Barbier, 1996b: 15). En transposant à l’enseignement du FLE, on
considérera que pour l’enseignant en activité dans sa classe, les différentes
situations produisent des savoirs à propos d’une part, des « opérations » que sont
les interactions enseignant-apprenant, et d’autre part, des « matériaux » que sont
les supports, manuels et conditions matérielles de l’environnement enseignant. Les
facteurs de stabi 1ité/variabilité des opérations et des matériaux sont donc très
nombreux à analyser. En outre, s’agissant d’une situation de communication
didactique, on peut se demander quelle est la part des « savoirs de routine », des
« savoirs procéduraux » ou des « savoirs d’action » dans l’expérience, et surtout si,
malgré leur imbrication il est possible de les distinguer dans l’analyse. Ceci
constitue l’une des difficultés de l’analyse de pratique.
Des compétences
En ce qui concerne la notion de « compétences », elle sera définie par le
fait qu’elle renvoie à « des constructions représentationnelles et discursives,
inférées pour le présent à partir d’actions situées et parvenues à leurs fins,
attribuées à des sujets individuels et/ou collectifs, souvent décrites en termes de
combinaisons de ressources préexistantes » (Barbier, Galatanu, 2004 : 64 ;
Barbier, 1996c : 14). Les auteurs précisent bien que les compétences n’ont pas
le caractère d’entités psychologiques et sociales sur lesquelles il serait possible
d ’élaborer des constructions représentationnelles et discursives parce qu’elles
sont e lle s -m ê m e s des constructions représentationnelles et discursives produites
dans le cadre d’interactions entre acteurs sociaux : « Il n’existe pas de
compétence qui ne soit dite, représentée ou communiquée par les acteurs à
propos d’autres acteurs ou d’eux-mêmes ». Une des conséquences importantes
pour les deux auteurs est notamment que ces compétences, ces constructions
81
80
82
81
IV. un autre postulat réside dans le fait de penser que, parce que la raison est
universelle, le cheminement intellectuel du maître, s’il est authentique, ne peut
que susciter le cheminement identique des élèves ;
V. enfin, le postulat selon lequel il suffit à l’élève d’imiter pour apprendre,
parce qu’imiter va de soi.
83
82
« Toutes ces interventions éducatives ont un point commun : elles peuvent être
caractérisées comme l ’ouverture d’espaces spécifiquement conçus et organisés
autour d’une double intention de production de bien ou de services (ou de
transformation de l’environnement physique et/ou social) et le développement
des compétences investies dans cette même production [...]. L’hypothèse
centrale fondant l’ouverture de ces espaces est bien sûr l’hypothèse qu’il est
possible de transformer de manière conjointe l’acteur et l ’action, l’opérateur et
l ’opération, le praticien et la pratique, le travailleur et le travail » (Barbier,
ibid).
84
83
Il est à noter au passage que ces attitudes réflexives s’appuient sur les
travaux de D. Schôn, mais, au-delà, Vincent Lang rappelle que, dès les années
1990, dans de nombreux IUFM, l’accent est mis sur des dispositifs d’analyse de
pratique. Ainsi, la « production de compétence » est un processus présentant un
caractère plutôt paradoxal, déjà évoqué précédemment : l’instrumentalisation
par une institution des compétences se fonde sur une démarche assumée et
entreprise par un individu donné, prenant pour objet sa propre activité,
autrement dit, sur une démarche constructrice de l’identité de cet individu. Au
bout du compte, pour des motifs très différents, tous les acteurs peuvent avoir à
tirer parti de l’analyse de pratique. Au croisement de ces deux registres, celui de
85
84
86
85
Ces traces et ces sédiments sont d ’autant plus riches que ces pratiques sont
plus variées et qu’elles s ’accompagnent de phénomènes représentationnels et
affectifs plus intenses » (Barbier, 1996b : 40).
La notion d’identité qui nous intéressera dans ses lignes est celle
d ’« identité pour soi » définie comme identité « subjective » de Soi (Dubar,
1995 ; 1996 : 43). Le point qui sera ici retenu comme effet possible de l’analyse
de pratique en formation d’enseignant, est le fait que le travail réflexif, scion
l’objectif fixé et les outils utilisés, pourra s’attacher tant à des savoir faire et des
savoirs d ’action, qu’à des affects et plus vraisemblablement à l’imbrication des
uns et des autres. Or, l’analyse de pratique, en tant qu’outil de formation
d ’enseignant, est un outil au service de leur apprentissage, que cet apprentissage
soit celui du métier d’enseignant ou d’une « professionnalité » accrue. En tant
qu’outil d ’apprentissage (apprentissage au sens de Piaget), l’analyse de pratique,
par laquelle les actions antérieures et l’histoire, même fragmentée, du sujet peut
être retrouvée, pourrait être considérée comme une démarche déstabilisante, parce
que susceptible de remettre en cause aussi bien des « théories professées » sur
l’action (Schôn, 1996b : 212), que des valeurs et des croyances, mais elle peut
aussi être considérée comme une démarche enrichissante, par la récupération de
savoirs cachés. Dans les faits, l’analyse de pratique a lieu le plus souvent dans un
espace de formation, c’est-à-dire dans un espace protégé pour celui qui
l’entreprend; cet espace lui permet d’expérimenter ces nouvelles manières de
penser et d’agir : Bourgeois (1996 : 33) souligne que la formation doit constituer
pour lui une «scène» où il peut se permettre d’emprunter, d’essayer d’autres
manières de voir le monde et d’agir, d’en expérimenter provisoirement les
conséquences sur autrui (les acteurs avec lesquels il interagit au sein de l’espace
de formation) sans que cela porte à conséquences dans la vie réelle : « c’est la
métaphore de la situation de formation comme scène de théâtre, comme aire de
jeu, comme laboratoire, comme réalité virtuelle (c’est comme la réalité, ce n ’est
pas la réalité). ». L’analyse de pratique, si elle s’amorce dans le cadre d’un
espace protégé en formation, est cependant un outil que l’enseignant en
formation peut réinvestir au quotidien dans sa pratique. L ’essentiel est d’avoir
temporairement le regard de pairs, non engagé dans un contexte institutionnel, et
qui permet de prendre le recul nécessaire. Ainsi, l’analyse de pratique mise en
œuvre dans un espace de formation par exemple en Didactique du FLE, peut
avoir pour effet de structurer l’identité professionnelle enseignante, tout en
développant ses compétences : dans les deux cas, ces effets sont obtenus par la
mise en mot de l’expérience des acteurs. Cette mise en mot est, on l’a remarqué
tout au long de ces chapitres, une constante des dispositifs, qu’il s’agisse de
sociologie, de linguistique, de disciplines étudiant le travail ou de formation
professionnelle. Elle n’est autre qu’une façon de formaliser des expériences qui,
autrement, resteraient tues, voire inconscientes. L ’enjeu est donc, pour
l’enseignant en recherche de perfectionnement de sa pratique quotidienne, si ce
n’est en recherche tout court, de se doter d’outils pour opérer ce renforcement
du savoir qu’il détient sur ses propres gestes professionnels.
87
86
Ces traces et ces sédiments sont d ’autant plus riches que ces pratiques sont
plus variées et qu’elles s ’accompagnent de phénomènes représentationnels et
affectifs plus intenses » (Barbier, 1996b : 40).
La notion d’identité qui nous intéressera dans ses lignes est celle
d ’« identité pour soi » définie comme identité « subjective » de Soi (Dubar,
1995 ; 1996 : 43). Le point qui sera ici retenu comme effet possible de l’analyse
de pratique en formation d’enseignant, est le fait que le travail réflexif, scion
l’objectif fixé et les outils utilisés, pourra s’attacher tant à des savoir faire et des
savoirs d ’action, qu’à des affects et plus vraisemblablement à l’imbrication des
uns et des autres. Or, l’analyse de pratique, en tant qu’outil de formation
d ’enseignant, est un outil au service de leur apprentissage, que cet apprentissage
soit celui du métier d’enseignant ou d’une « professionnalité » accrue. En tant
qu’outil d ’apprentissage (apprentissage au sens de Piaget), l’analyse de pratique,
par laquelle les actions antérieures et l’histoire, même fragmentée, du sujet peut
être retrouvée, pourrait être considérée comme une démarche déstabilisante, parce
que susceptible de remettre en cause aussi bien des « théories professées » sur
l’action (Schôn, 1996b : 212), que des valeurs et des croyances, mais elle peut
aussi être considérée comme une démarche enrichissante, par la récupération de
savoirs cachés. Dans les faits, l’analyse de pratique a lieu le plus souvent dans un
espace de formation, c’est-à-dire dans un espace protégé pour celui qui
l’entreprend; cet espace lui permet d’expérimenter ces nouvelles manières de
penser et d’agir : Bourgeois (1996 : 33) souligne que la formation doit constituer
pour lui une «scène» où il peut se permettre d’emprunter, d’essayer d’autres
manières de voir le monde et d’agir, d’en expérimenter provisoirement les
conséquences sur autrui (les acteurs avec lesquels il interagit au sein de l’espace
de formation) sans que cela porte à conséquences dans la vie réelle : « c’est la
métaphore de la situation de formation comme scène de théâtre, comme aire de
jeu, comme laboratoire, comme réalité virtuelle (c’est comme la réalité, ce n ’est
pas la réalité). ». L’analyse de pratique, si elle s’amorce dans le cadre d’un
espace protégé en formation, est cependant un outil que l’enseignant en
formation peut réinvestir au quotidien dans sa pratique. L ’essentiel est d’avoir
temporairement le regard de pairs, non engagé dans un contexte institutionnel, et
qui permet de prendre le recul nécessaire. Ainsi, l’analyse de pratique mise en
œuvre dans un espace de formation par exemple en Didactique du FLE, peut
avoir pour effet de structurer l’identité professionnelle enseignante, tout en
développant ses compétences : dans les deux cas, ces effets sont obtenus par la
mise en mot de l’expérience des acteurs. Cette mise en mot est, on l’a remarqué
tout au long de ces chapitres, une constante des dispositifs, qu’il s’agisse de
sociologie, de linguistique, de disciplines étudiant le travail ou de formation
professionnelle. Elle n’est autre qu’une façon de formaliser des expériences qui,
autrement, resteraient tues, voire inconscientes. L ’enjeu est donc, pour
l’enseignant en recherche de perfectionnement de sa pratique quotidienne, si ce
n’est en recherche tout court, de se doter d’outils pour opérer ce renforcement
du savoir qu’il détient sur ses propres gestes professionnels.
87
87
CHAPITRE 4
Les définitions qui suivent n’ont pas pour ambition d’être exhaustives,
elles tentent surtout de placer ces définitions comme des jalons ou des témoins
de l’évolution de la didactique du FLE, et de situer la démarche d’analyse de
pratique enseignante dans un certain arrière-plan non seulement disciplinaire
mais aussi idéologique et épistémologique.
90
89
91
90
- Une méthodologie ?
Pour le Dictionnaire de Didactique des Langues de 1976, il existe deux
acceptions du terme : dans la première acception, la « méthodologie » est
l’analyse des «m éthodes» (i.e. méthodes des manuels de langue) dans leurs
finalités, leurs principes, leurs procédés et leurs techniques. Cette analyse peut
déboucher sur la confrontation des différents choix de chacune, et devrait porter
essentiellement sur l’ensemble des principes qui constituent les fondements
théoriques des « méthodes » et la justification de tout ce qui fait leur existence.
Dans ce cas, la « méthodologie » - que nous appellerons ici Méthodologie 1 -
serait une démarche d ’analyse comparative de «m éthodes», quant à leurs
principes. Dans la seconde acception, la « méthodologie » serait l’ensemble des
principes et des hypothèses qui sous-tend l’élaboration d’une « méthode ». La
méthodologie de l’enseignement des langues serait une discipline charnière qui
prendrait appui sur : la linguistique, pour ce qui est de la matière à enseigner ; la
92
91
93
92
94
93
Que faire des questions que l’on se pose dans sa pratique ? Telle semble
bien être une des problématiques majeures du FLE dès les années 1980. « Tl n ’est
que temps pour les praticiens de dire non à l’autoritarisme, à l’orthodoxie et au
système, temps de battre en brèche le légitimisme des chercheurs patentés, temps
de prendre la parole, de cesser de croire, pour vouloir et pour savoir » (Galisson,
1982 : 67 ; Galisson, Puren, 2000). Cette parole militante vient donc témoigner en
faveur de la « pratique ».
Cette prise de position a pour point de départ d’un côté les problèmes et les
critiques que rencontre la « méthodologie », aux sens de Méthodologie 2 et 3 que
nous lui avons donnés (cf. chapitre 3), et d’un autre côté, l ’opposition
traditionnelle théorie/pratique. Ces deux aspects seront donc évoqués à présent,
parce qu’ils constituent à la fois l’arrière plan et la justification essentiels de la
mise en œuvre d’une analyse de pratique enseignante, en FLE comme dans de
nombreuses autres disciplines.
95
94
critiques qui lui sont adressées, en constatant leur actualité plus de quinze ans
après : nombre d’écrits contemporains continuent de revendiquer la prise en
compte du terrain dans la réflexion didactique.
Deux types de critiques sont adressées à la « Méthodologie » : des
critiques concernant les besoins et le vécu des enseignants et des critiques
concernant le flou conceptuel de la discipline.
96
95
97
96
98
97
Théorie/pratique
Retrouvant ici des querelles séculaires, la conception de la relation
théorie/pratique est, comme dans les autres disciplines, axiologisée selon le
point de vue où l’on se place. Deux points de vue s’opposeraient : la conception
positiviste de la connaissance comme représentation de la réalité et la
conception pragmatiste de la connaissance comme confrontation avec la réalité
(Galisson Puren, 2000 : 35). Autrement dit, dans le cas de la didactique du FLE,
d ’un côté, la représentation de la réalité, c’est-à-dire une conceptualisation du
réel, notamment d’ordre linguistique, de l’autre, la pratique conçue comme
champ d ’application ou moyen au service de la théorie linguistique. Or en fait,
en matière d’enseignement d’une langue étrangère, le réel entremêle d’une part
des productions linguistiques, indicateurs sur l’état de la langue entre deux
langues, L1 et L2, ou interlangue, issues d’une mise en fonctionnement de cette
langue, et d’autre part, des interactions didactiques au moyen desquelles sont
élaborées les productions linguistiques. Ainsi, dans le matériau issu du réel, se
99
98
100
99
Applicationnisme/implicationnisme :
linguistique appliquée - didactique/ didactologie
L’exposé du débat empruntera encore largement à deux des auteurs qui
ont particulièrement remis en cause la domination de la théorie sur la pratique
dans le champ de l’enseignement des langues. Galisson et Puren (2000 : 88)
distinguent deux catégories de disciplines susceptibles de régir l’enseignement
du FLE : des disciplines « théorétiques » et des disciplines « praxéologiques »
ou d’intervention qui s’opposent selon eux, de façon irréconciliable, et ils
prennent parti : « nous sommes en présence d’un théorécisme suffisant, mou et
facile ». Dans la « discipline théorétique », on considère la théorie comme une
fin en soi, aussi celle-ci n’a-t-elle pas à intervenir sur le terrain ; au contraire, la
« discipline praxéologique » a vocation d’intervenir sur le terrain, et de
concevoir des actions, elle prône l’action en vue d’agir sur le réel. (id. : 84 ;
119). Du côté de la théorie, 1’« applicationnisme » ou linguistique appliquée, du
côté de lapraxéologie, 1’« implicationnisme » et la didactologie.
101
100
Implicationnisme, didactologie
Le terme, forgé à partir du concept de linguistique impliquée, par
opposition à la linguistique appliquée, recouvre une démarche dans laquelle « la
pratique d’enseignement rencontre ses propres problèmes, pose ses propres
questions et s’adresse pour résoudre les uns et répondre aux autres, aux théories
élaborées par d’autres disciplines considérées désormais comme « disciplines
contributoires » » (Galisson Puren, op. cit. : 119, 120). Cette démarche se fonde -
je souligne - sur « une épistémologie pragmatique où l’on s’intéresse moins à la
théorie comme produit qu’au processus constant de théorisation, et où l’on
considère qu’une théorisation interne à la didactique est possible directement à
partir des données empiriques fournies par / ’observation des pratiques
d ’enseignement et d’apprentissage ; sur une épistémologie complexe adaptée à la
complexité fondamentale de son objet, à savoir le processus
102
101
103
10 2
104
10 3
105
104
106
105
107
106
108
107
109
108
ce faire, on peut commencer par découper ce travail et l’on peut considérer qu’il
se déroule en trois temps :
• le pré-méthodique, qui est une thésaurisation de matériaux et des
informations nécessaires à l’émergence ultérieure de la méthode ;
• le méthodique, construction de la méthode proprement dite ;
• le post-méthodique, mise en œuvre et adaptation de la méthode dans une
classe et par un enseignant donné (Calisson, 19 8 2 : 45).
Une autre façon de décrire la pratique didactique comporte aussi trois temps,
légèrement décalés par rapport aux précédents (Dargirolles, 1999 : 144) :
• une phase pré-active de planification qui sert d ’aide-mémoire, de mode
d’emploi ou de guide, avec pour fonction principale de s ’adapter aux
particularités de chaque situation de classe ;
• une phase inter-active, autre forme de planification qui peut se faire entre
deux leçons ou entre deux moments de la classe en fonction de ce qui vient de
se passer ; elle relève du court terme et de l’immédia te té.
• une phase post-active permet d’établir un bilan sur lequel l’enseignant
s’appuiera pour sa planification pré-active suivante.
110
109
111
110
Conceptualiser et théoriser
Pour Besse, il s’agit de reformuler le plus rationnellement possible une
partie des discours empiriques issus de la pratique : « il s’agit de
reconceptualiser l’expérience qu’en ont (eu) ses praticiens, de la reconstruire
abstraitement en hypothèses qui soient « falsifiables » dans les classes » (Besse,
1982: 13). Dans tous les cas, le courant didactologique s’accorde pour
rechercher une théorisation interne à la didactique des langues ; cette
« intemalité » est en quelque sorte fondée sur l’analyse de la pratique, parce que
la pratique enseignante est un produit interne à la discipline de l’enseignement
112
111
du FLE, et non une théorie ou un produit conceptuel issu d’un autre champ que
celui de l’enseignement du FLE.
113
11 2
114
11 3
115
114
116
115
117
116
118
117
119
118
120
119
121
120
Enjeux
La démarche de conceptualisation du programme didactologique en FLE
est véritablement une avancée théorique et pratique en didactique des langues et
se révèle indispensable aux praticiens, comme dans de nombreux autres
domaines de professionnalisation enseignante. Une des difficultés du débat
didactologique depuis les années 80 est d’obtenir un consensus de la part des
chercheurs sur une définition claire des concepts en DLE au niveau
terminologique et, au delà, épistémologique (Dargirolles, 1999 : 149). Pour elle,
au delà de la connaissance de la structure sous-jacente à l ’enseignement d’une
L2, le problème de définition des concepts didactiques a des enjeux
institutionnels forts puisque la description des invariants de structure de l’acte
d ’enseignement permettrait de fonder une épistémologie de la didactique des
langues étrangères et d’obtenir ainsi une reconnaissance par la communauté
scientifique. Cette reconnaissance, naturellement, serait la marque de
l’autonomie de la didactique du FLE/S en particulier par rapport aux disciplines
dites « mères » ou « sources » (linguistiques, psychologiques, sociologiques,
etc.).
La formation
Une formation développant une « approche cognitive » de l’observation
(Dargirolles, 1999 : 151) consisterait pour les stagiaires à élaborer et utiliser des
outils d ’observation par eux-mêmes. Cette approche initierait entre autres, deux
choses. La première étant la prise de conscience, au fur et à mesure du
déroulement de la formation, de la complexité de l’enseignement
/apprentissage : apprendre à nommer, décrire, analyser les données recueillies
sur le terrain à partir des situations observées ; la seconde étant de théoriser à
partir de l’observation - « se former à la pratique de la théorisation » (Galisson,
Puren 2000 : 40) -, ceci permettant de comprendre que l’appréhension des
pratiques de classe ne peut se faire sans un minimum de connaissances
théoriques. En terme de modalité, qu’il s’agisse de formation initiale ou
122
121
Rôle du formateur
Le rôle du formateur ne se réduit donc pas à la transmission de
connaissances. Le formateur devient à la fois un facilitateur et un guide de
formation, qui agira sur les deux temps de l’approche cognitive qui était
évoquée plus haut. Le formateur peut ainsi encadrer l’observation de la
complexité des pratiques et accompagner le processus de conceptualisation
enseignante afin de permettre aux stagiaires de s’approprier eux-mêmes leur
objet de connaissances, et d’autre part, assumer un rôle de médiateur entre les
savoirs, les discours scientifiques et les enseignants. Les chercheurs insistent sur
cet aspect (Dargirolles, op. cit. ; Castelloti, de Carlo, op. cit ; Altet, Paquay,
Perrenoud, 2002), ce qui pose en conséquence la question de la formation de
formateur qui ne sera pas abordée ici, et à laquelle la démarche d ’analyse de
pratique proposée dans la dernière partie de l’ouvrage peut apporter quelque
éclairage.
DISPOSITIFS D ’OBSERVATION
123
12 2
124
12 3
effets sur la pratique (Dargirolles (1999 : 142 ; 145). Après 1990, les recherches
menées par Germain et son équipe au Canada se font à partir d’observations
empiriques du terrain, et se centrent sur la compréhension du processus
d ’enseignement de la langue étrangère, processus continu de prise de décisions
(Germain, 1996 : 7) : le résultat de ces recherches sera présenté dans la seconde
partie de cet ouvrage.
Finalité
Pour tenter de définir la finalité de l’analyse de pratique en didactique du
FLE, on pourra considérer qu’elle présente les mêmes caractéristiques que toute
analyse de pratique, dans le champ de la didactique du FLE/S : centrée sur
l’enseignant, elle fournit une médiation entre les actes réalisés et la pensée, elle
vise à repérer l’intentionnalité de l’acteur, à favoriser Y appropriation de ses
connaissances pratiques par celui-ci et à forger son jugement (cf. chapitre 3). Par
ailleurs, on ne saurait négliger que l’observation de classe et la conceptualisation
peuvent conduire à l’identification de schèmes - organisation invariante de la
conduite pour une classe donnée de situation - et d ’invariants opératoires -
reconnaissance des objets présents dans les classes de situation et de celles de
leurs propriétés nécessaires à l’évocation de règles d’action adaptées au but visé
(cf chapitre 1) - ; ces schèmes et invariants sont spécifiques aux actes
enseignants visant l’apprentissage du FLE/S et leur conscientisation fait partie
des effets cognitifs recherchés en formation professionnelle. Si alors il est utile
de distinguer, comme le fait Puren (2002, non publié), les finalités de l’analyse
de pratique selon son utilisation en psychanalyse, en sciences de l’éducation, en
formation professionnelle (« comprendre et s’approprier les représentations, les
normes et les valeurs de la profession ») et en didactique et méthodologie des
langues (« faire découvrir les problématiques fondamentalement liées au
processus d’enseignement/apprentissage de la langue-culture»), on peut
néanmoins tenter de formuler la finalité de l’analyse de pratique en FLE/S de la
façon suivante :
Pour un enseignant donné, l’analyse de pratique vise l ’appropriation des
schèmes d ’action et des invariants opératoires q u ’il mobilise, propres à
l’interaction de classe, interaction organisée par lui-même et ayant pour but
l’acquisition du FLE/S par ses apprenants. Dans la démarche d’analyse de la
pratique, il tente d’identifier ses intentions et d’exercer un jugement d ’efficacité
sur ses actes enseignants par rapport aux indices d ’apprentissage de la langue
chez ses élèves.
Ces indices d’apprentissage témoignent de stratégies d’apprentissage.
Pour peu que l’on s’autorise à considérer que les schèmes sont des stratégies
d ’enseignement, ces stratégies d’enseignement tiennent compte des stratégies
d ’apprentissage (Galisson,1982 : 45). Il faut alors considérer le lien qui unit les
unes et les autres, et prendre en compte le fait que les schèmes d’action des
praticiens interagissent avec les schèmes d’action des apprenants de langue.
125
124
Dans cette dernière partie, on développera une piste de réflexion qui tente
d ’articuler l’analyse de pratique enseignante en FLE et l’analyse de pratique
apprenante, c’est-à-dire l’exercice de « conceptualisation » en cours de FLE,
cette dernière pouvant être en quelque sorte une évaluation formative des
enseignants de FLE (Pescheux 2002). En effet, l’exercice de « concep
tualisation », parce qu’il consiste en l ’explicitation par l ’apprenant lui-même de
ce q u ’il fa it lorsqu’il apprend, avec le guidage de l ’enseignant, permet à
l’enseignant de connaître les pratiques apprenantes par ceux-là même qui les
réalisent et d’évaluer en partie l’effet de son action. Cette activité de classe de
langue sera développée dans la deuxième partie de cet ouvrage, et seule
l’existence du lien entre la pratique apprenante et pratique enseignante par le
biais de cette activité sera développée dans ces lignes.
Liées dans l’interaction de classe, pratique apprenante et pratique
enseignante sont liées également spécifiquement en FLE par les quelques points
suivants (Besse 1986 : 15) : les énoncés produits dans une classe de L2 sont de
nature métalinguistique et ce qui est clair pour les participants à l’interaction,
enseignants comme apprenants, c’est qu’il s’agit de parler, et de parler aussi à
propos de la langue ; l’origine des « fautes » incite à corriger autrement que par
une simple sanction ou par répétition de la bonne réponse ; l’interlangue d’un
apprenant ou même d’un groupe peut être analysée comme une langue - ou
langue/grammaire transitoire entre L1 et L2 -, et elle est l’indice de processus
qui provoquent l’évolution et les progrès de l’apprentissage ; la progression
d ’enseignement a probablement une incidence sur les erreurs des apprenants, et
sur leurs interlangues successives ; le fait de traduire ou non, de donner des
explications grammaticales ou non, d’utiliser des documents authentiques ou
non change le discours de la classe. Il s’agit alors d’envisager les problèmes de
compréhension/production non en termes d’objectifs globaux à atteindre, mais
de capacités à mettre en œuvre dans des situations de communication précises.
Pour Galisson, (1982 : 63-65) les enseignants de langues étrangères auraient
besoin de confronter et d’ajuster leurs pratiques à leurs connaissances, d’affiner,
de diversifier leurs conduites de classe pour l’acquisition de la langue, parce que
l’expérience didactique est particulièrement sensible à la multiplicité et à
l’hétérogénéité des facteurs en cause, ces facteurs étant entre autres (Py, 2000 :
401) : « l’instabilité des connaissances (sans laquelle l’apprentissage serait tout
simplement impossible), leur dépendance par rapport au contexte, les
imbrications multiples entre compétences linguistiques et stratégies
d ’apprentissage ou de communication, entre stratégies cognitives universelles,
ethnométhodes de résolution de problèmes et stratégies conjoncturelles, l’action
de l’étayage pédagogique sur les comportements des apprenants, l’hétérogénéité
des microsystèmes et des divers niveaux d’organisation des unités ».
Une théorie et une pratique de l’enseignement des langues impliquent non
seulement une théorie du langage et une théorie de l’apprentissage mais aussi
126
125
une articulation entre l’une et l’autre non encore constituées à ce jour. En bref,
la question serait : comment gérer les relations entre méthodologies
d’enseignement et méthodologies d’apprentissage? (Besse et Porquier, 1991 :
179; Galisson Puren, 2000: 4 1 ; 53). Cette articulation entre pratique
enseignante et apprenante passe entre autres par l’activité métalinguistique ou
métacognitive des apprenants, spontanée ou provoquée, et révèle comment ils
appréhendent et traitent à leur manière les descriptions grammaticales sous-
jacentes aux exercices et aux tâches, et comment ils les adaptent à leurs propres
conduites et stratégies d’apprentissage. Une « conscientisation de
l’apprentissage» de la part des apprenants et des enseignants, et pour ces
derniers, la conscientisation des apprentissages qu’ils cogèrent et de leurs
propres stratégies d’enseignement, dépend en grande partie de la façon dont
l’enseignant lui-même conçoit cet enseignement et l’assume : une théorisation
de la discipline implique une réflexion empirique sur les pratiques
d ’enseignement et d’apprentissage et sur leurs relations avec le savoir
métalinguistique (Besse et Porquier, 1991 : 260). Autrement dit, analyser la
pratique enseignante impliquerait d’analyser systématiquement la pratique
apprenante. Or, qui dit analyser, présuppose de recueillir dans un premier temps
de l’information sur cette pratique ; l’analyse de pratique enseignante FLE
pourrait avoir parmi ses finalités l’analyse des pratiques apprenantes en classe,
et élaborer des outils de collecte d’information sur ces pratiques apprenantes en
classe. L’articulation entre pratique d’apprenant et pratique d’enseignant est
encore soulignée par de Salins (2000 : 424) lorsqu’elle compare les approches
dans le domaine de l’acquisition d’une langue étrangère et dans la didactique de
la langue : le didacticien procède par « auto-observation participante » et a
besoin de voir et d’entendre son interlocuteur-apprenant, mais surtout d’interagir
avec lui, pour percevoir et apprécier ses progrès. Si l’on se rappelle les
recommandations de Schôn (« quand quelqu’un réfléchit sur l’action, il devient un
chercheur dans un contexte de pratique »), l’enseignant est un chercheur dans un
contexte de pratique et son interaction avec les apprenants est sa source
d ’information principale pour sa compréhension de la pratique apprenante, et
partant, de sa pratique enseignante. Nous allons tenter à présent de préciser quelle
démarche et quels outils l’enseignant peut mobiliser. C ’est la forme d’un guide et
mémento qui sera proposée en deuxième partie, au chapitre 5.
127
126
127
P A R T IE II
Dans les deux chapitres qui vont suivre une démarche d’analyse de
pratique propose de fournir des outils de réflexion et d’action à l’enseignant en
formation. Ces « outils » sont classiques en formation d’enseignant et leur
formalisation dans ces pages est le produit de travaux réalisés dans trois champs
d’intervention didactique et pédagogique. Dans le champ des Sciences de
l’éducation, la formation d’enseignants à la médiation cognitive au Centre de
Formation Continue de Paris V par Alain Moal en 1996-97 est à la source des
«grilles» méthodologiques portant sur la scénarisation de l’action en classe.
Dans le champ de la formation d’enseignants en Maîtrise FLE, à l’Université de
Nantes, les différentes étapes de préparation et d’analyse de pratique de cours
qui vont être énumérées font l’objet de dossiers de validation de cours et d’autre
part de partie de mémoire de stage. Dans ce même contexte, ces documents ont
été conçus et développés comme des outils pédagogiques de formation
d’enseignant. Enfin, dans le champ de la formation en ligne et à distance, les
étapes que l’on va présenter constituent un module de Master 1 FLE, à valider
dans le cadre de l’Université Virtuelle des Pays de Loire (UVPL) depuis 2003,
regroupant quatre universités : Le Mans, Angers, Nantes, Tours.
Le chapitre 5, premier des deux chapitres, en est tout à la fois
l’introduction et l’explication. En effet, la démarche d’analyse de pratique
intervient la plupart du temps après coup, après l’activité enseignante. 11 paraît
naturel que la pratique précède son analyse, que le matériau d’analyse soit
produit avant que se produise l’analyse. Or, la démarche qui est proposée inclut,
outre la phase post-active, c’est-à-dire la phase de réflexion a posteriori, aussi la
phase pré-active, c’est-à-dire la phase de programmation didactique et
méthodologique. 11 ne s’agit ni d’une dérive ni de présenter une version
supplémentaire de méthodologie de préparation de cours, mais plutôt d’inciter
l’enseignant en formation ou autoformation à programmer son analyse de
pratique comme on programme une observation, en lui suggérant de porter son
128
130
129
CHAPITRE 5
L’ANALYSE DE PRATIQUE,
DE LA RÈGLE À LA RÉGULARITÉ
« The m ore I study, the m ore know. The m ore I
know, the m o re fo rg e t. The m ore I fo rg et, the less
I know , So, w h y stu d y ? »
Ce sont ces deux étapes que nous détaillerons dans le chapitre suivant et
qui sont conçues comme des outils au service de la conceptualisation
enseignante, au sens de la didactologie. Ceci peut paraître paradoxal si l’on s’en
tient à une définition stricte de la notion de « programmation » comme mode
d'élaboration et de définition d'un programme, où « programmer » équivaut à
planifier, organiser une suite d’opérations. Dans le domaine du FLE, le mot
renvoie à l’enseignement programmé, ou aussi à la notion de «progression».
Dans chacun de ces cas, l’idée est celle d’une programmation séquentielle,
découpage de contenu disciplinaire, orientée principalement vers des
« contenus » et planificatrice.
On peut alors opposer cette conception de la programmation didactique à
celle d ’une programmation comme scénarisation de l’action enseignante,
orientée vers la conceptualisation enseignante et la préparation au retour
d ’expérience. C’est cette dernière conception que nous développerons ici. Les
étapes, programmation didactique et méthodologique, sont concrétisées par des
« grilles ». Le terme de « grille » est sujet à de nombreux débats, déjà évoqués
en première partie. Pour certains (Stirman-Langlois, Waendendries, 1999 : 214),
donner une grille au départ reviendrait à donner des clés, alors que l’on attend au
contraire des stagiaires qu’ils construisent eux-mêmes la leur, qui devient ainsi
la trace de leur conceptualisation : « la procédure, heuristique, consiste à
découvrir, identifier et nommer des paramètres puis à prendre conscience de
leurs relations ». Cependant, on a choisi de conserver le terme et les outils
« grilles » par commodité et parce que l’expérience de formation des enseignants
de FLE dans la filière universitaire montrait que, contrairement à ce qu’on
pourrait en craindre, elles ne présentaient pas de caractère véritablement
« modélisant » ou inhibiteur pour la créativité des enseignants en formation. Ces
« grilles » sont des inventaires ouverts d ’informations repérables en phases pré
active, inter-active et post-active d’enseignement du FLE (les définitions de ces
phases ont été données au chapitre 4), autrement dit, sont conçues comme des
moyens à la fois de planifier, observer et analyser les pratiques : dans quelle
institution se déroule le cours, avec quel public, avec quels supports, quels
objectifs, quelles consignes, etc., étapes ou « points de passage » qui seront
détaillés au chapitre 6. Il est clair que le fait qu’elles soient de simples
inventaires de points de passage fait de ces grilles des outils pratiques, mais à
coup sûr, « fourre tout ». C’est pourquoi elles peuvent être plus efficacement
utilisées avec le guidage d’un formateur, à condition qu’il suscite de la part des
132
131
133
13 2
134
13 3
135
134
OBSERVATEUR OBSERVÉ
136
135
QUELQUES RAPPELS
137
136
138
137
ÉVALUATION EXTERNE
Moirand (1990 : 44) précise naturellement que tout schéma est par nature
réducteur et qu’une démarche fonctionnelle « réflexive » suppose des remises en
question incessantes, des retours en arrière, des sauts en avant, ce qui veut dire
qu’il n ’y a pas de chronologie imposée dans les étapes envisagées : les trois
cadres extérieurs « tournent » autour de la classe avant et tout au long du cours.
Dans le chapitre qui va s’ouvrir à présent, nous aurons l’occasion de reprendre
139
138
quelques-uns des éléments de ce schéma, éléments que l’on retrouve aussi chez
Galisson et Puren (2000 : 51), qui proposent d’analyser par exemple une
situation dans laquelle les élèves n’arrivent pas à assimiler une structure
grammaticale déjà introduite, expliquée et travaillée. La « grille » conceptuelle,
c’est-à-dire de conceptualisation enseignante, comporte :
140
139
CHAPITRE 6
LA DÉMARCHE
142
141
143
14 2
CONSIGNE ;
Vous faites un cours avec vos apprenants ou avec des volontaires
Vous enseignez actuellement en Université, Centre de langues, Association
pour l ’intégration, Alliance Française, Lycée, etc., la liste n ’est pas exhaustive ;
vous allez peut-être choisir d’analyser un de vos cours : vous précisez donc ici
le type d ’institution d ’enseignement où vous exercez, ainsi que le program m e,
les fin a lité s e t les objectifs de celle-ci, tous facteurs qui conditionnent votre
enseignement
ATTENTION :
Vous avez la possibilité de ne remplir cette étape qu ’après que vous ayez
imaginé avec quel public (Étape nc:2) vous pouvez travailler, l’activité et le
support que vous avez choisis (Étapes n°4 et n°5). Vous pouvez ainsi faire des
allers-retours pour affiner votre choix.
Cette étape a pour but de concentrer l ’attention sur les facteurs institutionnels
rencontrés dans la pratique, afin d’en mesurer l ’impact éventuel sur celle-ci aux
étapes 14 à 18.
Exemple
Association de quartier pour l’insertion de primo-arrivants en France ; Alliance
Française... ; Lycée bilingue... ; Classe d’accueil... ; Centre de langues à l ’Université... ;
etc. Chez Moirand (1990: 46), se demander quelle est l ’institution, c ’est chercher à
déterminer : son statut (institut de formation et/ou institut d’utilisation, pour reprendre les
formulations de Richterich et Chancerel 1977, établissement public ou privé, national ou
international, etc.) et ses ressources (moyens matériels, financiers, et... humains -
enseignants, techniciens, secrétaires) ; ses dem andes, et par le biais par exemple d’une
analyse de contenu des programmes : ses propres objectifs (l’institution a tendance à
définir les besoins des apprenants à partir de ses propres objectifs), ses attitudes face aux
apprenants, aux enseignants, aux méthodes, la représentation qu’elle a d’une compétence
de communication et des moyens d’enseignement pour y parvenir, et ses habitudes
d ’organisation, de contrôle et d’évaluation, sans sous-estimer dans ces données
l’importance des contraintes d’ordre politique et idéologique1.
1 L’institution conditionne largement la situ a tio n d e c o m m u n ic a tio n dans laquelle s’exerce la pratique de
l’enseignant (Charaudeau, 1992) : la situ a tio n d e co m m u n ica tio n étant d ’ordre psychosociale, externe à l’acte
de langage, et qui en constitue les conditions de réalisation, elle se décrit par des caractéristiques physiques
(partenaires, canal), identitaires (sociales, psychologiques, relationnelles), contractuelles (échanges ou non,
rituels et rôles attendus), tous éléments tributaires de l’institution dans laquelle elle est inscrite.
144
14 3
CONSIGNE ;
Vous allez préciser ici l’âge, l’origine culturelle et sociale, et toute
information concernant votre public et qui pourra vous informer sur ses
besoins, ses attentes, etc.- s a u f le niveau de langue en L l et FLE, q ui fa it
l ’o b jet de l ’étape su iva n te (E ta p e n °3 ), e t ses prérequis, q u i fo n t l ’o b jet de
l'É ta p e n °9 .
ATTENTION :
Cette étape est bien sûr liée au support (Étape n°4) et à l’activité à laquelle
vous pensez (Étape n°5) ; ces trois éléments - p ublic, activité, su p p o rt - sont
interdépendants dans votre choix, puisque tous les supports et toutes les
activités ne conviendront pas à tous les publics, selon leur niveau, leurs
a tte n te s , vos com pétences et vos p ré fé re n ce s : tous ces paramètres sont à
prendre en compte dans votre réflexion.
Exemple
• Adolescents d’origine : thaïlandaise, algérienne, colombienne
• Garçons
• Filles, etc.
Type de public
Vous pouvez entre autres vous demander :
- quelle est son identité : âge, sexe, situation familiale, statut social, ressources, etc.
- mais aussi ses m otivations.
En outre, et ce qui est d ’une certaine importance pour l’apprentissage :
• quelles im ages il se fait de ses besoins en langue, c ’est-à-dire de ses « manques »,
• quelles images il a de sa compétence de communication à l’arrivée, ou visée,
• quelles a ttitudes il a face à :
» la langue visée et
• envers ceux qui la parlent,
• quelles rep résentations il s ’est construites à propos :
• de l’apprentissage des langues,
• de son propre apprentissage et
• de ses expériences antérieures d ’apprentissage,
• quelles sont :
• ses connaissances,
• ses domaines d ’expérience et
• ses habitudes d ’apprentissage
Toutes ces données devraient entrer en ligne de compte dans le choix des
stratégies d’enseignement (Moirand 1990 : 46). Par ailleurs, elles sont non seulement
utiles avant le début du cours pour permettre à l’enseignant de mieux se représenter son
public, mais tout au long du parcours d ’enseignement, parce qu’elles sont évolutives. Il
145
144
n ’est pas non plus indifférent que les apprenants eux-mêmes soient conscients de leurs
représentations et de leurs attitudes, et puissent éventuellement s ’exprimer sur ces sujets.
En effet, selon la théorie de Tolman (in Gaonac’h, 1991 : 71,72), la nature des
acquisitions dépendrait dans une large mesure des objectifs que se fixe l’élève, qui ne
sont pas toujours explicités. Les objectifs dont nous parlons ici sont ceux de l’apprenant,
et non les objectifs pédagogiques de l’enseignant, qui seront traités à l’étape 8. Il se peut
que les objectifs réels des apprenants soient des objectifs « scolaires » et non
« linguistiques » : faire plaisir au professeur en répétant des productions dont on est sûr
qu’elles apporteront un jugement approbatif. En conséquence, clarifier et négocier des
objectifs ponctuels et globaux est donc une nécessité liée d ’une part aux aspects
relationnels dans la classe, et d ’autre part, une nécessité liée à la simple efficacité de ce
qu’on y fait. Pour reprendre la terminologie de Tolman, toute activité étant par nature
orientée, les caractéristiques et l ’efficience des traces qu’elle peut laisser à titre
d ’acquisitions dépendent en grande partie de la possibilité qu’a l ’élève de trouver la
confirmation que le résultat de cette activité est en correspondance avec son orientation.
146
145
CONSIGNE :
Vous précisez ici la langue L1/maternelle de vos apprenants, éventuellement
s ’ils possèdent une ou d’autres L2 que le français, et lesquelles. Vous précisez
ici le niveau :
- dans la langue L1/maternelle : a-t-il été déjà scolarisé dans sa langue d ’origine
ou pas et jusqu’à quel niveau ; possède-t-il l’écrit dans celle-ci
(lecture/écriture) ; ceci vous informera sur son expérience, ses connaissances, et
ses habitudes linguistiques et métalinguistiques passées : celles-ci sont des
facteurs qui favoriseront - ou non - l’apprentissage de la L2/FLE (ex. : si un
apprenant ne possède pas l’écrit dans sa propre langue, cela constitue un objectif
ou une difficulté/contrainte pour vous, l’enseignant) ;
- en français, en vous rapportant aux niveaux « classiques » des manuels (I, II
ou III) ou à d ’autres échelles du même type si vous les possédez.
ATTENTION :
Il vous faudra tenir compte des connaissances linguistiques de vos apprenants,
réels ou imaginés, notamment en p ré p a ra tio n d id a ctiq u e dans le choix des
supports et activités (Étapes 4 et 5). dans la fixation des objectifs de la tâche
(Etape n°8) ; des prérequis liés à la tâche (Etape 9). aussi dans toute la
p rép a ra tio n p é d a g o g iq u e (Etapes 10 à 12),
Exemple
LM : Thaïlandais, écrit et parlé ;
Français : oral et écrit niveau 1
Scolarisation dans les pays d’origine : ............................ OUI/NON
Type de scolarisation : classe................................................................
Culture scolaire d ’origine : cours magistral/non magistral............
LANGUES ET INTERLANGUE
147
146
1) Définitions du concept
148
147
Santacroce 2000 : 437). Cette activité épilinguistique est observable à travers les
productions verbales intermédiaires ou stabilisées (dans le cas de « fossilisation
d ’erreurs») des apprenants, et ceci autoriserait donc à s ’interroger sur leur prise en
compte dans la constitution des programmes d’enseignements (Beacco 2001 : 4).
L’interlangue est déterminée par les descriptions auxquelles l ’apprenant est exposé et par
les pratiques de classe, mais aussi par sa langue maternelle et les autres langues connues
de lui ; il semble également que sa conscience linguistique et les représentations qu’il se
fait de la grammaire jouent un rôle dans la constitution de cette grammaire intériorisée.
On rappellera alors que la connaissance par l’enseignant de ces représentations est
envisagée à l’étape 2. On peut rencontrer diverses appellations de l’interlangue :
« système approximatif, compétence transitoire, dialecte idiosyncrasique, système
intermédiaire, interlangue, système approximatif de communication, langue de
l ’apprenant, ou système approché » (Besse et Porquier, en renvoyant aux travaux de
Frauenfelder, Noyau, Perdue, Porquier 1991 : 216).
Pour certains auteurs (Carlo 2000 : 440) la linguistique d e l ’interla n g u e est une
discipline à part entière. 11 est alors demandé à la didactique des langues de prendre en
compte la description de l’interlangue comme ne relevant pas d ’une linguistique
appliquée mais d’une théorie linguistique. Cette notion d ’interlangue est partagée par la
didactique des langues (DDL) et par la recherche sur l’apprentissage des langues (RAL).
Cette dernière aurait tendance à donner à la notion d ’interlangue une interprétation
su b sta n tia liste (Py 2000 : 401), c ’est-à-dire à représenter les connaissances de
l ’apprenant en L2 comme d ’authentiques variétés de langues naturelles, susceptibles de
descriptions linguistiques au sens usuel de l’expression. Mais en fait, l ’expérience
didactique amène à tempérer cette représentation par la multiplicité et l ’hétérogénéité
des facteurs en cause, ce qui amènerait la recherche actuelle à donner la préférence à une
version heuristique de cette notion, c ’est-à-dire qui a une certaine utilité dans la
découverte des faits de l’apprentissage des langues.
149
148
d ’acquisition : c ’est, entre autres, leur caractère systématique qui conduit à cette
hypothèse. Pour Corder, les erreurs sont une manifestation d’un état du développement
langagier de l’enfant ; elles permettent, à ce titre, de décrire la « connaissance » de la
langue par l’enfant (sa « grammaire » au sens chomskyen) à un stade donné. Le caractère
systém a tiq u e de certaines erreurs en L2, souvent proches des erreurs relevées chez les
enfants en L l, doit être lié à la présence d’un systèm e, c ’est-à-dire d ’une compétence
transitoire (différente de la compétence du locuteur de la langue-cible), et non à des aléas
de performance. Le relevé et l’analyse des erreurs doivent permettre à l ’enseignant et au
chercheur de déterminer où en est l’apprenant. Ceci confère aux erreurs un statut
essentiel dans le développement des acquisitions langagières : leur évaluation est pour
l’apprenant l’occasion d’infirmer des hypothèses sur le fonctionnement de la langue
qu’il apprend. La production d’erreurs est un mode fondamental d’apprentissage :
« l’apprentissage des langues est une activité d’ordre cognitif de traitement de
données et de formation d’hypothèses. Ce point de vue considère les phrases
idiosyncrasiques de l ’apprenant comme autant de manifestations d’hypothèses
fausses. Lorsque l ’apprenant aura été exposé à plus de données, et qu’il les
aura traitées, soit par l’observation directe, soit à l’aide d’explications du
professeur, [...] l’interaction entre celles-ci et les hypothèses de départ lui
permettra de formuler de nouvelles hypothèses plus conformes aux faits
linguistiques de la langue-cible » (Corder 1971, in Gaonac’h, op. cité).
Au delà, les erreurs peuvent être considérées comme des composantes d’un dialecte
idiosyncrasique, d’une langue provisoire et personnelle, propre à l’apprenant.
4) Un dialecte idiosyncrasique
150
149
151
150
Complexification/simplification
« L’apprenant sélectionne à sa manière, dans les données langagières qui lui sont
fournies, des schèmes et des formes qui serviront de repères et de matériaux pour le
montage de sa grammaire intériorisée >> {Besse et Porquier op. cit. 224). Une interlangue
serait un système simplifié de la langue cible, mais cette considération conduirait à nier ou
à ignorer sa complexité interne. Ce qui caractériserait une interlangue, c ’est la
complexification progressive - sauf fossilisation ou éventuelle régression - et le processus
de complexification que reflètent la nature et l’évolution de ses règles internes. « D ’autre
part, on peut observer dans les productions écrites ou orales des phénomènes de
simplification apparente : retour à des formes d’interlangue rudimentaires, non-application
de sous-règles présumées connues, imputables à des stratégies adaptatives de formulation
ou de communication, mobilisées en fonction de contraintes ou d’enjeux « institutionnels »
(éluder les difficultés, réduire le risque d’erreurs) ou de conduites pragmatiques, où
l’efficacité communicative prend le pas sur la correction formelle des énoncés ».
Perméabilité
La perméabilité de l ’interlangue viendrait de l’intériorisation de règles nouvelles en
relation avec le système intériorisé de la langue maternelle, sans qu’on puisse le déceler
dans la performance, sauf en termes de variabilité ou d’interférences occasionnelles
manifestes. Mais la perméabilité peut jouer en sens inverse, dans des cas où les productions
en langue maternelle comportent des traces d’une langue étrangère, phénomène souvent
observé chez les bilingues ou après un long séjour en milieu de langue étrangère. Cette
perméabilité observable dans la performance, et constitutive de l’apprentissage,
s ’expliquerait par la coexistence de deux systèmes intériorisés, l’un stabilisé, l’autre
transitoire et évolutif. En résumé, les travaux portant sur l’interlangue suggèrent que les
connaissances intermédiaires constituent des systèmes quantitativement et qualitativement
différents des systèmes visés par l ’apprentissage : « une interlangue n’est p a s une simple
distorsion ou réduction de la langue » (Alber et Py, 1986 : 79). En outre, pour Py (2002 :
401) la notion d ’interlangue postule un effort vers la construction d ’une sorte de rationalité
et d ’intelligibilité linguistique, et cet effort est un processus plus qu’un résultat.
152
151
153
15 2
154
15 3
155
154
CONSIGNE :
Choisissez le support (matériel ou non) qui servira pour effectuer la tâche/exercice
demandé à vos apprenants. Toutes les sources sont autorisées : manuels de FLE ou
autres, documents authentiques, documents papiers ou audio-visuel, documents déjà
existants ou à créer, etc.
ATTENTION :
Pour le choix de ce support, en préparation didactique , il vous faudra tenir compte :
des connaissances linguistiques (Etape 6) de vos apprenants - réels ou imaginés -, du
choix des tâches possibles à partir du support (Étape 5) ; des objectifs possibles de la
tâche (Étape 81 ; ce support va demander des prérequis (Étape 9 ) en fonction des
éléments linguistiques qu’il comporte ; le choix de ce support aura des conséquences
dans toute la préparation pédagogique (Étapes 10 à 12).
Exemple
> Pages 5 à 8 du P e tit P rince, Saint-Exupéry, Livre de Poche.
> Manuel P a n o ra m a 2, unité 4, page X, exercice Z.
> Publicité parue dans l ’E xpress du XX.ZZ.YY n°AA, page W.
P Un document que vous fabriquez expressément pour le cours.
Support de la tâche
156
155
157
156
CONSIGNE :
Vous indiquez ici le type de tâche que vous envisagez de faire réaliser à vos
apprenants.
Compréhension orale ; Compréhension écrite (Lecture) ;
Production orale ; Production écrite ; etc.
Vous pouvez apporter plus de précision, en évoquant dans ses grandes lignes ce
qui doit selon vous se passer dans le cours, mais sans entrer d ans le détail : vous
établirez le « scénario » détaillé de ce que vous êtes censé faire et dire, et de ce que
les apprenants sont censés réaliser dans la phase de préparation pédagogique, aux
Étapes 10. 11. et 12,
ATTENTION :
Pour le choix de la tâche, en préparation didactique , il vous faudra tenir compte :
du support (Étape 4L des connaissances linguistiques (Étapes 3 et 61 de vos
apprenants ; des objectifs possibles de la tâche (Étape 8) ; cette tâche va demander
des pré-requis (Étape 9) liés à son déroulement, et il vous faudra peut-être alors
faire des aller-retour entre cette étape et P étape de préparation méthodologique
n °l 1 (déroulement de la tâche pour l’apprenant) pour mieux les cerner ; le choix de
cette tâche aura des conséquences dans la prép a ra tio n péd a g o g iq u e aux Étapes 10
(Consignes et actes enseignants) et 12 (Matériel et installation à prévoir).
Exemple
1. Compréhension écrite du texte après lecture globale : tâche en sous-
groupe
2. Production orale à partir d’un jeu de rôle ; etc.
La notion de tâche pourrait être envisagée selon l ’acteur de celle-ci : tâche pour
l ’enseignant ou tâche pour l ’apprenant. En effet, une approche canadienne conceptualise le
rôle de l ’enseignant selon les fonctions de son intervention : Kramsch mentionne (1991 :
64, 67) l’étude réalisée au Canada ( International A ssociation f o r the Evaluation o f
E d u ca tio n a l A chievem ent, IEA), qui voit des tâches et des décisions, sur la base d’analyses
ethnométhodologiques, c ’est-à-dire d’observation de pratiques réelles d’enseignant en
situation. Ces indications sont à visée prescriptive pour l’enseignant : la description de
l’interaction enseignant/apprenant conduit à mettre au point des principes de formation des
enseig n a n ts , mieux adaptés à la réalité complexe de la classe (voir Étape 10). Mais ici, la
notion de tâche désignera ce qui est demandé à Y a pprenant par l ’enseignant. Il s ’agit donc
de tâches pour l’apprenant, tâches envisagées par l ’enseignant. On rappellera ici qu’il s ’agit
bien de la notion de « tâche » telle que la définissent les ergonomes et les psychologues du
travail : le descriptif d’ensemble d ’actions prescrites (voir Partie I). C ’est ce qui distingue
ici la préparation didactique, à cette étape 5, de la description que vous ferez en préparation
méthodologique, à l’étape 11 : à l’étape 11, vous tenterez d ’im aginer la façon dont
158
157
l’apprenant exécutera la tâche, c ’est-à-dire son activité au sens ergonomique ; bien qu’à
l’étape 11 il ne s ’agisse pas de réalité, puisque vous ne la décrirez qu’en phase post-active
à l’étape 16, après le déroulement du cours, elle se distingue néanmoins de l’étape 5,
présente, qui concerne ce que l’apprenant d o it faire.
Compression et expansion
Pour Cuq et Gruca (2002 : 54,55), l ’enseignant peut être considéré comme un
didacticien et un praticien en charge, au point de vue méthodologique, du guidage, dans
un cadre institutionnel, de deux «procédures» accompagnant l’appropriation de la
langue (cette dernière étant la réunion de l’apprentissage et de l’acquisition) : la
procédure de com pression et la procédure à 'e xp a n sio n :
« La compression est une procédure méthodologique2 d’enseignement qui
consiste à prendre en compte le fait que l’acte didactique s ’effectue sous des
contraintes de temps, de lieu et de matériaux dont la caractéristique principale
est d’être réduits par rapport aux éléments non didactiques dont ils sont
abstraits ».
Un exercice, par exemple, n’a d ’intérêt que s ’il a une finalité externe à la situation
d’apprentissage, et constitue une activité d’expansion. Les procédures de compression et
d’expansion sont celles qui assurent « le passage de la société à la classe et de la classe à
la société ». Pour les auteurs, « le travail de didactisation consiste pour le maître à
compresser ses savoirs pour en faire des informations opératoires qui, traitées par
l’apprenant au moyen d ’outils théoriques, deviendront pour lui des savoirs authentiques
si elles se manifestent par des savoir-faire. C ’est cette opération que nous appelons co
construction des savoirs ». On retrouve ici les échos des deux démarches proposées par
Besse et Porquier (1991 : 182), qui opposent l’enseignement guidé et l’apprentissage
naturel, non guidé : « pour enseigner une langue, on part des descriptions de cette langue
pour en structurer l’enseignement et l’apprentissage, de façons diversifiées selon les
différentes variables prises en compte ». En conséquence, « si l ’enseignement des
langues tente de reproduire, d’imiter ou de simuler les situations, les conditions et les
démarches d’appropriation naturelle d’une langue étrangère, il ne peut les reconstituer
dans le cadre même où il opère et qui le contraint : ‘ce qui est difficile ce n’est pas
d’apprendre des langues étrangères, mais de les apprendre en classe’ (G. Kennedy), Il
s ’agit donc moins d’imiter le naturel que de tenter d’en comprendre les mécanismes
2 Cuq et Gruca distinguent trois niveaux de Didactique des Langues Etrangères : métadidactique ou théorique,
méthodologique, technique.(2002 : 8,9).
159
158
profonds pour les mobiliser ou les activer dans des stratégies pédagogiques appropriées,
susceptibles de faciliter l’apprentissage » : la compression est ici au service de
l’expansion qu’elle est sensée faciliter.
160
159
CONSIGNE :
Vous indiquez ici le type de contenus délivrés dans le support que vous avez
prévu :
• s ’agit-il d’informations g én éra les , c ’est-à-dire ayant trait à la vie quotidienne,
à la vie en société, à la vie et au fonctionnement de la société et de ses divers
aspects ordinaires, etc. : en bref qui traitent de sujets concernant tout être
humain, sans spécialisation dans un domaine disciplinaire ou professionnel
spécifique ?
ou bien
* s ’agit-il de contenus qui impliquent en particulier un vocabulaire spécialisé
dans un domaine disciplinaire ou p ro fessionnel donnés : juridique, médical,
technique, scientifique, etc. ?
ATTENTION :
Il vous faut ici étudier votre support (Étape 4) et/ou le thème choisi, afin de
repérer s’il contient en tout ou partie des contenus de type spécialisé.
Si tel était le cas, demandez-vous si la tâche prévoit que les apprenants (Etape 2.
type de public) et Étape 3. niveau LM et L2 possèdent et/ou mobilisent le
vocabulaire qui y est rattaché ou même présent ?
Si oui, demandez-vous si vous l’avez prévu dans la tâche (Étape 5. type de tâche
et/ou Étape 11. déroulement de la tâche pour l’apprenant), et comment ? Quelles
conséquences cela a-t-il pour votre action pédagogique (Étape 10) ?
Il se peut aussi qu’aucun contenu spécifique ne soit présent, et ne requière donc
aucune réflexion pour aménager la tâche.
Exemple
> Connaissances générales : vocabulaire du quotidien (alimentation,
orientation, etc.) ;
> Vocabulaire spécialisé : lexique de l ’économie et de la finance (pour
des étudiants étrangers en économie).
161
160
CONSIGNE :
Vous indiquez ici les compétences spécifiques de l’apprenant que votre tâche et son
support (Étape 5 et Étape 4) vont mobiliser. La compétence de communication dans
une langue comporte un certain nombre de composantes, imbriquées les unes aux
autres (voir ci-après : sémio-linguistiques, référentielles, discursives, pragmatiques,
ethnoculturelles). Mais pour vraiment préciser ces notions de COMPETENCE DE
COMMUNICATION, ainsi que ses composantes, vous lirez Boyer H., Butzbach
M., Pendanx M., 1990, Moirand, S., 1990.
ATTENTION :
Parmi les (quatre ou cinq) compétences, toutes ne sont pas mobilisées de la même
manière par une activité et un support donnés : il vous faut ici étudier la tâche et son
support (Étape 4) en vous efforçant de savoir s ’ils ne sollicitent pas plus
spécialement l’un d’entre elles : par exemple, une tâche de lecture d ’un support
comportant un vocabulaire nouveau va demander dans un premier temps à
l ’apprenant de mobiliser la compétence sém iolinguistique ; un jeu de rôle va
demander, une fois lancé, de mobiliser ses compétences socio-pragm atique et
d iscursives , etc. Il vous faut ici repérer les compétences que demande la tâche que
vous avez choisie afin de savoir si votre public (Étape 21, dispose de celles-ci, et si
son niveau de langue L 2 (Étape 3) lui permet de les utiliser ; enfin, si cette tâche
demande certains prérequis (Étape 91. Ceci vous interrogera à nouveau sur les
conditions pédagogiques (Étape 10. Consignes enseignant ; Étape 11, déroulement de
la tâche pour l’apprenant) qui permettront au mieux de mobiliser ces compétences.
Des compétences
162
161
163
1 62
164
1 63
allogène, n’y aurait-il pas des facteurs plus généraux concernant l’appropriation par les
élèves des langues de scolarisation ? » Pour Vigner, l’idéal du locuteur adulte, cultivé,
natif du pays, modèle du locuteur fort, est en fait rarement atteint, car il ne répond jamais
complètement ni aux besoins immédiats des apprenants, ni aux conditions effectives
d ’enseignement du français. De fait, le modèle du locuteur bilingue semble plus
conforme aux réalités et besoins de l ’apprentissage. « Le locuteur bilingue manifeste
toujours un déséquilibre entre les deux langues, avec une répartition des compétences qui
peut s’organiser selon certains temps d’usage » (Vigner, 2001 : 19, 20).
165
164
CONSIGNE :
Vous indiquez ici ce à qu o i doit a b o u tir , pour l ’apprenant, l ’accomplissement de
la tâche que vous avez choisie. Exprimé d ’une façon générale, il s ’agit des
«o b jectifs» de la tâche. La notion d ’o b je c tif a été largement définie dans des
ouvrages en didactique générale et en didactique des langues. On peut distinguer
les notions de « finalités », d’« intention pédagogique », de « but », d’« objectif
général », d’« objectif spécifique », d ’« objectif opérationnel » En particulier,
vous lirez Hameline D., 1979, L es objectifs p é d a g o g iq u e s, Editions ESF, pages 97
à 100, et vous pourrez utilement, chez vous, faire les exercices des pages 101 à
105, ainsi que ceux de l’ouvrage de Mager R. F., [2000], C om m ent définir les
o b jectifs p éd a g o g iq u e s , Dunod. D ’après cette lecture, vous veillerez :
• d’une part, à distinguer au moins trois niveaux dans votre réponse :
• le niveau des fin a lité s : celui-ci concerne plus spécifiquement l ’ensemble du
programme de langue dans une année donnée, pour une institution donnée, et
rarement une tâche donnée, comme dans votre cas ; cependant, vous pouvez
imaginer et spécifier dans quelle finalité générale s ’inscrivent les objectifs que
vous identifiez pour la tâche ;
• le niveau des objectifs généraux de la tâche ;
• le niveau des objectifs opérationnels de la tâche.
• d’autre part, pour les objectifs , à les exprimer en termes de capacités des
apprenants : « au terme de la tâche, l’apprenant être capable de.......»
ATTENTION :
Pour la fixation des finalités et objectifs, vous analyserez votre support (Etape 4) et
la tâche (Étape 5) que vous avez choisis en explicitant quels sont les comportements
observables et formulés dans des termes non équivoques qui sont les indices de
l ’atteinte des objectifs par l ’apprenant. Ceci, en fonction du support (Étape 4 ). de la
tâche (Étape 51. de votre public (Étape 21. de ses prérequis (Étape 9). va avoir des
conséquences sur toute la préparation méthodologique (Étape 10. consignes ; Étape
11, déroulement pour l’apprenant ; Étape 12. matériel à prévoir).__________________
Exemple
Un jeu de rôle « Chez les commerçants » (boulanger, supérette, boucher,
journaux, etc.).
Finalité :
• rendre les apprenants autonomes dans l’achat de produits alimentaires
Objectif général : les apprenants seront capables
• de demander des renseignements sur les produits aux commerçants
Objectifs opérationnels : à la fin de la séance les apprenants seront capables :
• d’utiliser à l’oral les formules interrogatives : (pouvez-vous ?/ qu’est-ce
que... etc.) ;
• selon le type d’interrogation : totale (OUI/NON) ou partielle, et ce, au moins
deux fois pour chaque type de produit demandé.
166
165
Complétant alors les apports de Hameline dans le cadre du FLE, Richterich (in
Cuq et Gruca, op. cit. 1 3 6 )précise que les «objectifs d’apprentissage» donnent des
informations qui peuvent porter sur le sens, l ’intention, le contenu, l’aboutissement de
l ’acte d’apprendre et qui reflètent les in teractions des apprenants ou groupes
167
166
d ’apprenants avec leur environnement : il semble que cet ajout porte essentiellement sur
ce que Hameline appelle les objectifs généraux, car dans cette énumération, à part
« l’aboutissement de l’acte d’apprendre », des indicateurs et des critères d’obtention
d’objectifs opérationnels ne sont pas précisés. Néanmoins, la question du repérage de ce
qui, dans « les interactions des apprenants » témoigne de l ’atteinte d’un objectif, est
posée. Si l ’on se place dans l ’optique fonctionnelle et communicative qui est celle de
Moirand (1990), on peut cerner les situ a tio n s dans lesquelles les apprenants ont à utiliser
en priorité la langue étrangère (situation professionnelle, situations touristiques,
situations académiques, etc. ; situations d’oral en face à face, situations d’oral en réunion
de groupe, situation de lecture, situations de communication épistolaire, situations
d ’examen, etc,). Pour elle, il s ’agit donc dV ob jectifs situ a tio n n els » qui devront ensuite
être exprimés en termes d’analyse de la communication (interactions, actes de parole,
gestes, règles de cohérence, etc.). Reprenant à leur tour Hameline, Cuq et Gruca (o p . cit.
208) distinguent :
* les objectifs spécifiques qui combinent une attitude et un contenu particulier et
limité, comme par exemple, se présenter, demander son chemin ; l’ensemble de
ces objectifs compose les objectifs généraux ;
• les objectifs opérationnels qui résultent de la décomposition des objectifs
spécifiques et qui reformulent ceux-ci en fonction de l’évaluation : ils
définissent à la fois un comportement attendu ou une performance, les
conditions dans lesquelles cette performance doit se réaliser et les critères d’un
niveau de performance acceptable ; par exemple, écrire une lettre de candidature
en respectant des contraintes énoncées (en-tête, formule d’attaque de la lettre,
motivation, expériences passées, salutations finales, etc.).
Dès lors, par rapport à quelle(s) référence(s) fixer ces différents niveaux
d ’objectifs ? Dans le cas du FLE, et d ’une façon très large, on considérera avec Moirand
(1990: 51) qu’il s ’agit pour l’enseignant de recueillir des informations sur les
apprenants, les enseignants et l’institution (pour l ’auteur, d’ailleurs, ces trois acteurs de
la situation d’enseignement peuvent également participer à ces investigations effectuées
sur eux-mêmes ou sur les deux autres, par exemple, par la mise au point par les
apprenants d’une échelle destinée à évaluer l’image qu’ils ont de la langue qu’ils veulent
- ou doivent - apprendre). Ces investigations fournissent une image globale de la
situation d’enseignement et permettent de poser des compromis entre ce que sont et ce
que semblent vouloir les apprenants, les demandes et les contraintes de l’institution, ce
que peuvent faire enfin les enseignants, en bref, de poser des objectifs en cours de
langue, reflets de ces compromis.
168
167
néo-directivité incluse dans la pédagogie par les objectifs s ’établit sur un pari néo
rationaliste : la production de l’humain est quelque chose qui se contrôle, qui se planifie,
qui s ’organise, qui s ’ordonnance, qui se rentabilise. Elle est affaire de stratèges et de
gestionnaires ». Il juge ceci comme une régression menaçante, mais elle n’est pas fatale
pour peu que l ’on voit, au travers de la terminologie qu’il propose, qu’il s ’agit de se
doter d’indices observables ; ce ne sont que les indices d’une ca p a cité postulée chez
l ’apprenant ; d’où la formulation canonique des « objectifs » : « être capable de... ».
Quant aux besoins des apprenants, Moirand (1990 : 46) rappelle qu’il est devenu
banal, depuis les premiers travaux du Conseil de l’Europe, de faire précéder la définition
des objectifs d ’un programme de langue d ’une analyse des besoins langagiers. Elle
soulève l’opposition épistémologique apparente entre la démarche de fixation d ’objectifs
et la démarche de recueil des besoins, mais souligne que le besoin, même entouré des
adjectifs « subjectif », « objectif », « ressenti », et accompagné des notions connexes de
d em a n d e, d 'a tte n te et de désir, est insuffisant à lui seul pour décrire l’ensemble des
paramètres d’une situation d ’enseignemenfiapprentissage. En outre, il n’est pas inutile de
se souvenir que le besoin est un objet construit, c ’est-à-dire le résultat d’un choix de la
part de celui qui étudie le besoin de l ’apprenant, et que l’identification des besoins est
souvent un leurre qui peut faire croire qu’on donne la parole à celui qui apprend.
S ’informer sur son public, ses attentes, est indispensable pour l’enseignant, mais la
notion de besoin peut être à l’origine à 'a p r io r i de la part de l’enseignant qui l’empêche
d’être attentif aux indices que toute interaction avec ses apprenants lui apportent sur
leurs attentes, leur demande et leur capacité d ’atteindre les objectifs envisagés.
169
168
[...]. C ’est une bonne chose que les praticiens de l’éducation soient capables de
rechercher la rationalité dans les actions volontaires. L’aspect volontariste de
l’éducation moderne est évident. Quand on parle de ‘faire apprendre1, il s ’agit
bien d’un processus de transformation qui n’est pas spontané mais dirigé : il
s ’agit bien d’agir sur le système pour lui faire produire les effets escomptés. [...]
On peut ainsi relever que des praticiens de l’éducation ont à développer, entre
autres capacités, les capacités suivantes :
• analyser les situations concrètes singulières où ils sont acteurs ;
• prendre les distances nécessaires pour se détacher d’une appréhension
« impressionniste » et « émotionnelle » des données ;
• faire usage d’instruments d’enregistrement, de déchiffrage, d’interprétation
et d ’évaluation des données ;
• s ’approprier des concepts théoriques et les rendre opérationnels pour des
praticiens [...] ;
• critiquer le discours pédagogique « spontané » ;
• faire usage au moment opportun, de la « lecture » appropriée de leur propre
situation pédagogique ;
• utiliser la pensée systémique dans l’analyse des situations pédagogiques et
particulièrement identifier et formuler des objectifs pédagogiques. » (1972 :
39,40).
On retrouve ici quelques unes des exigences exprimées par Galisson dans le
programme didactologique dans l ’enseignement des langues : dans l’optique qui est la
nôtre, les objectifs, loin de n ’ètre que des contraintes « rationalisantes » - ce
qu’indéniablement ils peuvent être, sont à considérer non seulement comme l ’un des
moments, l ’un des gestes essentiels de la pratique enseignante en phase de
programmation prépédagogique, et donc à inclure dans l ’analyse de leur formulation,
mais également comme l’un des outils au service des apprenants et au service des
praticiens, comme potentiellement « théoriciens de leur pratique » ; on retrouve là
également les recommandations institutionnelles relevées par Lang dans la
professionnalisation des enseignants (cf. Partie I, chapitre 3). Si l’on suit Hameline, être
théoricien de sa pratique, c ’est évaluer celle-ci au regard d ’objectifs préalablement
formulés. Or, ces objectifs sont formulés en termes de capacité de l’apprenant en
interaction avec l ’enseignant ; de là à envisager la fixation des objectifs pédagogiques
comme un moment de la pratique évaluative non seulement des apprenants mais des
enseignants eux-mêmes, il n’y a qu’un pas, que nous franchirons. Ainsi, parler
d’objectifs, c ’est envisager leurs utilisations, en premier lieu, l ’évaluation des
apprenants, dans un second temps, l’auto-évaluation des enseignants.
En premier, la notion d ’évaluation comme détermination de la valeur des
productions langagières d es apprenants par un enseignant FLE sera ici employée dans
un sens relativement limitatif : si l ’on regarde l ’index de l ’ouvrage de Daniel Hameline
(1979: 197), il y a quatorze entrées pour «évalu ation » ( évaluation , évaluation
certificative, critériée, critérielle, diagnostique, explicite, fo rm a tiv e , im plicite,
im provisée, instituée, norm ative, som m ative, d es objectifs, d u p rocessus, du p ro d u it).
Parmi celles-ci, seules les évaluations critériées (« quand on ne compare pas l’apprenant
aux autres, mais qu’on détermine par la référence à des critères si, ayant atteint tel
objectif, il est en mesure de passer aux apprentissages ultérieurs »), explicites ou
im plicites (« est explicite une situation présentée ouvertement comme évaluatrice, par
exemple [...] une mise à l’épreuve »), et éventuellement fo rm a tiv e s (« son but prioritaire
170
169
est de fournir immédiatement à l’apprenant une information utile sur son progrès ou ses
lacunes et les moyens de remédier à ces dernières »), à l’exclusion des évaluations
n o rm a tives (« confrontation à une moyenne ») et som m atives (« intervenant en fin de
formation sous une forme globale, tardive et lacunaire), seront prises en compte ici : il
s ’agit pour l’heure d’analyser la pratique enseignante, et il n’est pas encore sûr que
l ’évaluation normative et sommative soient de nature à rendre compte des effets des
pratiques enseignantes.
Ensuite, dans le cadre d’une analyse de pratique d’enseignement FLE, nous
considérerons que l’évaluation de son action p o u r l ’en seig n a n t est la mise en relation des
productions langagières des apprenants au cours d ’une tâche ou d ’un cours avec les
objectifs pédagogiques qu’il a fixés (Pescheux 2002), d ’où le double intérêt de la
fixation d’objectifs dans une préparation didactique. Une question surgit souvent de la
part des étudiants en formation à propos de la pose d’objectifs : faut-il ou non les
expliciter aux apprenants ? On retiendra à cet égard les observations de Cicurel (1985)
sur les stratégies de l ’enseignant qui opère une « maïeutique métalinguistique » et
n ’affiche pas toujours directement tous ses objectifs, au nom d ’une théâtralisation de la
présentation des savoirs. Cependant, on prendra le parti de la transparence, puisque la
plupart du temps l’apprenant intervient pour déterminer l ’objectif de l’activité dans
laquelle il s ’engage (Holec in Cuq et Gruca 2002 : 135) :
• « lorsque l’objectif n ’est pas explicité par l’enseignant ou que l’explication
fournie n ’est pas entendue, l’apprenant 1’« invente », le construit à partir de sa
perception de la situation d’apprentissage ;
• lorsque l ’objectif est explicité, l’apprenant intègre, internalise l ’explicitation
fournie et reconstmit l’objectif à partir de l’interprétation qu’il fait de
l ’explicitation : par cette opération, il transforme l’information qu’il reçoit en
connaissance opératoire susceptible d’orienter son activité ; c ’est une opération
nécessaire : sans elle, l ’information reçue reste à l’état de connaissance
‘intellectuelle’ externe, et n’a aucune incidence sur le comportement
d’apprentissage ».
171
170
CONSIGNE :
Vous indiquez ici les connaissances et/ou compétences que doit déjà posséder
l ’apprenant pour être capable d’effectuer la tâche que vous lui demandez :
autrement dit, ce qu’il doit déjà savoir ou ce qu’il doit déjà être capable de faire
a va n t d’entamer la tâche.
Ces prérequis sont donc des connaissances/compétences préalables, et ne sont donc
pas à inclure dans les objectifs propres à la tâche (Étape 8) : si les prérequis (ces
connaissances préalables) sont certes mobilisés dans la tâche et si ils contribuent à
atteindre les objectifs, la tâche n’a cependant pas pour objectif de les faire acquérir,
parce que ces connaissances préalables sont une des conditions de réalisation de la
tâche.
P a r exem ple , les prérequis pour réaliser un jeu de rôle qui consisterait pour
l ’apprenant à demander son chemin - dont Y o b je c tif serait alors de mobiliser le
vocabulaire concernant les orientations spatiales qui vient d’être présenté dans le
cours - pourraient être de posséder déjà certaines formulations de l’interrogation ou
certaines formules de politesse.
ATTENTION :
Pour identifier les prérequis, vous partez de la tâche (Étape 5) et du support (Étape
4) en vous demandant ce que la tâche demande comme connaissance pour la
comprendre et la réaliser, et ce que le support demande pour en prendre
connaissance.
Une fois que vous aurez cerné ces prérequis, revenez sur le public à l’Étape 2 et à
l’Étape 3. et voyez si l’âge, l ’origine et le niveau correspondent à ces prérequis.
172
171
CONSIGNE :
Vous indiquez ici la succession des consignes (= « instructions ») que vous allez
donner pour faire réaliser la tâche aux apprenants, ainsi que les actions que vous
allez effectuer pour accompagner ces consignes et les activités des apprenants
(= distribuer des documents, aider tel apprenant, reformuler ou faire préciser la
consigne, etc.). À ce stade, il s ’agit du scénario p révisio n n el de votre activité
d ’enseignant, de ce que vous anticipez de faire. A p rès l ’expérim entation (Étape 13t.
vous réviserez (peut-être) ce scénario pour l’améliorer dans la perspective de le
réutiliser ultérieurement. Pour l ’instant, il s ’agit de p révisio n s. Vous écrivez donc ici
ce que vous comptez dire, dans les termes mêmes que vous allez employer - la
formulation d’une consigne induit toujours des effets qui lui sont propres, et
différents d’une autre formulation. Vous imaginez ce que vous allez fa ir e au fur et à
mesure du déroulement de la tâche de façon « idéale ».
Vous préciserez en particulier autant que faire se peut :
1 si la/les consignes sont données verbalement ou par écrit,
2 si elles sont données en langue maternelle LM/L1 (si vous la connaissez) ou en
L2/français, et à quel moment,
3 si les communications sont en LM ou L2 et à quel moment,
4 si c ’est vous qui donnez les consignes ou si vous les faites découvrir - et
comment - aux apprenants,
5 si ces consignes sont suivies d’exemples, à l’oral, ou d ’illustrations sous forme
de documents, gestes, schémas, etc....
ATTENTION :
Vous pourrez « scénariser » votre cours en formulant vos consignes et vos actions à
partir de deux types d’informations essentielles :
• l’ensemble des éléments de la préparation didactique (Étapes 1 à 9) : connaissance du
public, de son niveau de langue, du support, des objectifs, des prérequis, qui constituent
des contraintes vis-à-vis de ce que vous pouvez dire ou faire,
* les difficultés éventuelles rencontrées par l’apprenant dans le déroulement de la
tâche d’après votre anticipation (Étape 11). qui vont influer sur vos actions. À cette
étape, vous pouvez donc, dans l’ordre :
1- partir de vos choix aux Étapes 1 à 9.
2- décrire vos prévisions d’action « idéales » ici, à l’Étape 10,
3- passer à la rédaction de l’Étape 11 (déroulement de la tâche pour l’apprenant)
4- revenir ici, à l’Étape 10. compléter vos prévisions d’action en fonction du
déroulement de la tâche pour l’apprenant/Étape 11,
et ce, autant de fois que nécessaire.
173
1 72
s ’agit ici par exemple d’imaginer le déroulement d’une heure de cours, mieux, de
s ’imaginer en train de faire le cours ; c ’est donc une scénarisation ou écriture d’un script,
comme au théâtre : lorsque vous serez dans la classe de langue, les choses ne se
dérouleront vraisemblablement pas de la façon attendue, mais ce scénario est un « fil
rouge », ou selon les goûts en matière de métaphore, une « colonne vertébrale » ou un
« garde-fou ». En tout état de cause, il est le témoin de ce qu’en phase pré-active vous
pensiez de vos apprenants, de vous-même et des contenus pertinents à délivrer ; les
écarts qui ne manqueront pas de se produire dans la réalité vont vous permettre, en phase
post-active, de réévaluer vos représentations, objectivées par cette préparation
méthodologique. A cette étape, cinq types de commentaires ou rappels théoriques seront
proposés. Puisqu’il s’agit d ’activités que vous, en tant qu’enseignant, voulez effectuer,
on situera d ans un p re m ie r tem ps ces activités dans une perspective vygostkienne :
l ’enseignant est un partenaire dans le développement cognitif de l’apprenant, et opère
une médiation sociale entre ce dernier et le savoir. En outre, cette médiation prenant la
forme d’une tutelle vis-à-vis de l ’apprenant, Bruner définit les fonctions d’étayage que
déploie le tuteur dans l’interaction visant l ’acquisition des connaissances. D ans un
se co n d tem ps, plus spécifiquement, on évoquera l ’une des tâches qui incombe à
l’enseignant, et par laquelle sont structurées les activités entrant dans le scénario d ’un
cours, celle qui consiste à répartir le contenu des connaissances, en d ’autres termes, la
conception de la progression. D a n s un troisièm e tem ps, comme tout enseignement se
déroule dans le cadre d ’une communication didactique, on tentera de cerner trois
questions propres à l ’interaction en classe de langue qui se posent à l’enseignant dans
cette phase pré-active : quel est le rôle de l ’interaction en classe de langue - objet ou
outil ? doit-on utiliser la langue maternelle lorsqu’on la possède ? enfin, qu’en est-il de
l ’utilisation de la consigne ? D ans un quatrièm e tem p s , la grammaire étant une des
spécificités de la classe de langue et étant transversale à toute activité pédagogique,
quelle position adopter : expliciter ou non ? Enfin, dans un d ern ier tem ps, quelles
conséquences peut-on tirer de ces différents éclairages en ce qui concerne le rôle de
l’enseignant ?
Les actes des enseignants au sein d ’une classe peuvent être considérés, si l’on
adopte la vision de L. Vygostki, comme des médiations entre le monde - en langue, des
connaissances culturelles et linguistiques - et les apprenants. A. Rivière (1990: 94)
rappelle que pour Vygostki « l’humanisation se réalise dans des contextes interactifs
dans lesquels les personnes qui entourent l’enfant ne sont pas des objets passifs ou de
simples juges de son développement, mais des compagnons actifs qui guident, planifient,
régulent, déterminent, etc. le comportement de l ’enfant. Ce sont des agents du
développement ». Vygostki qualifie de « niveau proximal de développement »
l’ensemble des activités que l’enfant est capable de réaliser avec l ’aide, la collaboration
ou le guidage d’autres personnes. Il différencie le « niveau proximal du développement »
du « niveau actuel du développement » lequel correspond à des cycles évolutifs menés à
terme et qui se définit par l’ensemble des activités que l’enfant est capable d’effectuer
par lui-même sans le guidage et l’aide d’autres personnes. À partir de ces définitions se
situe le concept vygosktien de zo n e p ro x im a le du développem ent : « ce n ’est pas autre
chose - dit-il - que la distance entre le niveau actuel du développement, déterminé par la
capacité de résoudre indépendamment un problème, et le niveau proximal du
174
1 73
175
174
176
175
Ces deux derniers critères de médiation sont proches des deux fonctions
d’étayages chez Bruner que sont la réduction des degrés de liberté et le maintien de
l’orientation, par la fixation de buts atteignables et consciemment posés. Quittant ces
réflexions pédagogiques à portée générale et revenant à présent dans le cadre précis de la
didactique du FLE, un des premiers actes de l ’enseignant en phase préactive est de
rép a rtir les contenus d e co n n a issa n ce dans le temps, et par suite, d ’envisager plus en
détail ses interventions dans le cours.
177
176
178
177
179
178
180
179
181
180
en d olin gu e ^ ^ ex o lin g u e
182
181
conséquent, une bonne partie de l’activité de l’apprenant tout autant que de l’enseignant :
« Nous postulerons que la réussite communicative en situation d’asymétrie linguistique
dépend donc d ’un travail accru d’intelligibilisation fondé sur la coopération des
interlocuteurs, accompagné d’une répartition fonctionnelle des tâches entre le partenaire
linguistiquement fort et le partenaire linguistiquement faible ». Examinant les processus
utilisés par les interlocuteurs, Alber et Py rappellent le rôle de la sim plification pour se
comprendre, et préfèrent globaliser les processus d’ajustement réciproques par la notion
de fa c ilita tio n (reformulation par exemple, balayage paradigmatique) et ce, sous deux
formes : l’a u tofacilitation « consiste à se faciliter à soi-même le travail de verbalisation
ou, plus généralement, la participation à une conversation » ; l'h étéro fa cilita tio n , elle, a
pour fonction de faciliter ce travail à l’interlocuteur.
Dans cet esprit de coopération, Kramsch (1991 : 84-85), citant Tarone, considère
les stratégies de communication comme l ’effort mutuel de deux interlocuteurs pour
s ’accorder sur une signification dans les situations où les structures sémantiques
nécessaires ne semblent pas être partagées. Les conditions qui rendent ces stratégies
possibles sont les suivantes :
• le locuteur désire communiquer une signification X à un auditeur ;
• le locuteur pense que la structure linguistique ou sociolinguistique requise
pour communiquer cette signification ne lui est pas accessible ou n ’est pas
partagée avec l’auditeur ;
• le locuteur décide d’éviter le problème (c ’est-à-dire communiquer la
signification X) ou d’essayer de communiquer X par d ’autres moyens. Le
locuteur cesse de chercher des alternatives lorsqu’il devient clair que sa
signification est partagée.
183
1 82
184
1 83
185
184
France doit intégrer une série d’éléments propres à notre culture scolaire tout autant que
l ’enseignant français dans un pays étranger ; pour l’étudiant, il peut arriver qu’il la
reçoive et s ’en croie engagé à titre p e rso n n e l , et non en tant qu’apprenant, d’où parfois
des stratégies de détournement, voire de rejet de la tâche proposée. Nous rejoindrons
alors les auteurs qui proposent, pour éviter ces situations, d’aider les étudiants à prendre
conscience des divers aspects d ’une consigne et de la difficulté d ’en proposer qui soient
convenables, en leur faisant rédiger des consignes. Une autre approche qui, comme la
précédente, dépend de la culture didactique des apprenants, consiste en proposant un
support de leur demander d ’émettre des hypothèses sur le contenu de la consigne qui
l’accompagne. Poursuivant, Cuq et Gruca rappellent la dimension proprement cognitive
de la consigne et citent Beaucourt, pour qui le décodage de la consigne est une opération
complexe qui s ’effectue à trois niveaux « saisie du message, compréhension du but et
estimation des procédures à mettre en œuvre pour l ’effectuation de la tâche». C ’est
pourquoi la rédaction de la consigne devrait être très explicite : « le lexique doit être
précis, la morphosyntaxe simple et permettant d’identifier rapidement, avec le minimum
de doutes, les différentes propositions et informations contenues ». Mais ici encore,
l ’activité de classe qui consiste à découvrir le but de l ’enseignant peut être un objectif en
soi. De ces réflexions apparaît à nouveau la nécessité pour l’enseignant de tenter de
penser ou d’identifier la Zone Proximale de Développement qu’il peut viser pour ses
apprenants, parce que c ’est à partir d’elle qu’il peut définir les mots qui guideront les
apprenants dans l’effectuation de la tâche. De ceci découle un constat quelque peu
paradoxal qui tend à faire de la consigne, ou tout acte de parole directif de l ’enseignant,
avant tout une co ntrainte que lui impose son rôle (Cicurel, 1986 : 104-106) : « Juge de la
parole produite, ch ef de chœur des élèves, tout donne à penser que le professeur possède
un pouvoir discrétionnaire. En réalité, chacun de ses privilèges se double d’une servitude. [...]
Le «maître de la classe» est soumis à un protocole didactique d’une telle ampleur qu’il
pourrait tout aussi bien être qualifié de « serviteur». [...] Les « obligations de service» de
l’enseignant semblent être les suivantes :
• Tout enseignant commence son cours en annonçant ce qu’il va faire
(a u jo u r d ’h ui n ous allons voir, n ous co m m en ço n s u n e n o u velle leçon) ;
• Il balise son discours d’énoncés faisant référence à un savoir acquis comme
s ’il fallait marquer des pauses avant d’aller plus loin, s ’assurer que les troupes
suivent, qu’elles avancent au même pas (vous sa vez déjà, rappelez-vous, nous
avons vu la sem a in e dernière...) ;
• L’enseignant sent la nécessité de récapituler, afin de marquer ce qu’il pense
devoir être su de tous ;
• Il donne une information d’ordre « métapédagogique » en indiquant ce qu’il
est important de retenir, hiérarchisant ainsi les contenus enseignés (ça, vous
d evez le sa vo ir : c ’e st im p o rta n t !) ;
• Il a recours à des procédures de théâtralisation du savoir. Il diffère les
réponses aux questions, fait semblant de ne pas savoir ( j ’ai m al entendu, j e
vous dis qu e j e suis so u rd e).
186
185
formes de consignes que l’on vient d’évoquer, voire d’en trouver de nombreuses autres. Dans
une optique d’intelligibilité générale de la consigne, on relèvera les recherches de Rivière
(2002) portant sur la façon dont, en classe d’accueil par exemple, la consigne peut être un
« lieu d’inscription d’une co-construction de la culture éducative ». L’auteur repère en
particulier la structuration thématique et actionnelle de ce qu’elle appelle « l’interaction
prescriptive » : selon les classes ou les publics, il peut être intéressant pour l’enseignant de
repérer quelles alternances interactionnelles se produisent entre lui et les apprenants autour de
l’administration de la consigne (lecture de consigne écrite - consigne source - suivie de
l’indication d’éléments de l’exercice par l’enseignant ; puis de la production attendue par les
apprenants ; d’une reformulation de consigne par l’enseignant ; de l’indication d’une
contrainte par l’enseignant, etc.). L’étude de ces alternances est de nature à mieux cerner la
façon dont les apprenants perçoivent les consignes et aussi à moduler l’administration de
celles-ci en fonction des observations réalisées. Enfin, une autre question que peut se poser
l’enseignant concerne la formulation des règles en matière de grammaire.
La g ra m m a ire dont nous parlons dans ce paragraphe relève des deux dernières
catégories, et la question pédagogique qu’elle soulève est de déterminer si l’on doit
ou non expliciter ces règles et ces savoirs sur la langue. Ce débat repose sur deux
co n cep tio n s de l ’apprentissage de la langue, conceptions à partir desquelles découlent
les deux voies didactiques entre lesquelles opérer un choix pour l’enseignant.
187
186
3Pour les définitions des méthodes structurales, on renverra à Boyer e t al. 1990, Besse 1992, Cuq et Gruca
2002 entre autres.
188
187
implicite, comme dans l’exercice structural. Quoi qu’il en soit, ces méthodes
présupposent ou imposent toujours un certain modèle métalinguistique, même si la
terminologie métalinguistique est censurée. La différence entre Y exp licite et Y im p licite
résiderait alors, selon Candelier, dans le fait que, pour la première, « la règle apparaît
forcément au niveau de la conscience >> des apprenants, alors que pour la seconde « on
ne peut avoir de certitude à ce sujet» puisque la prise de conscience n’est pas
manifestée. C’est donc un des critères dans la préparation méthodologique qui peut être
pris en compte dans le choix ou non d’une explicitation grammaticale.
189
188
exp licite de la grammaire pourra alors s ’opérer [et elle] sera d’autant plus pertinente
qu’elle s ’adressera à des élèves qui disposent d’une expérience du français plus
longue »), l ’explicitation grammaticale semble être nécessaire, à condition de lier sa
mise en œuvre : d’une part, aux « potentialités métalinguistiques des étudiants auxquels
on s ’adresse » (Besse et Porquier) ; d’autre part, à des objectifs de fonctionnalité vis-à-
vis d’un contexte communicatif donné {Cuq et Gruca) ; enfin, à des exercices de
conceptualisations, permettant de travailler à la fois la correction des erreurs et
l ’argumentation dans la communication didactique. Pour finir, au plan pratique de la
formulation même des éléments grammaticaux, et, partant, de la scénarisation qui nous
occupe dans cette préparation méthodologique, Cicurel signale que la grande diversité
des procédés d ’enseignement de la grammaire ne nous permet pas de faire une
récapitulation de tous les moyens adoptés par l ’enseignant pour «parler grammaire».
Cependant, elle met à jour des tendances générales car chaque problème grammatical va
engendrer une manière différente de procéder. Ces stratégies pédagogiques dépendent du
public d’apprenants, de la formation de l ’enseignant et de la nature du fait linguistique à
expliquer. On peut toutefois avoir la certitude de rencontrer les procédés suivants :
• la répétition de l’énoncé à expliquer ou la substitution de l’une de ses parties ;
• l’énonciation de la règle sous une forme souvent extrêmement simplifiée ;
• l’observation des formes et leur manifestation ;
• l’utilisation de la question, soit pour faire découvrir le fonctionnement d’un aspect du code,
soit pour faire réutiliser la structure étudiée ;
• le recours à l’exemple pour montrer le fonctionnement d’une structure ;
• l’utilisation d’un langage paragrammatical prenant en compte le niveau linguistique et
métalinguistique des apprenants.
« Ces divers procédés ne se rencontrent pas dans un ordre immuable. Ce sont les
circonstances ou les habitudes pédagogiques de l’enseignant qui vont privilégier l ’un ou
l ’autre d’entre eu x » (Cicurel: 1986: 71). Ainsi, si à cette étape de préparation
méthodologique l’enseignant formalise précisément les paroles même qu’il compte
utiliser, il sera en mesure, lors de son retour réflexif en phase post-active, de constater les
écarts et surtout de découvrir ses « façons de faire » préférées et/ou efficaces.
Un homme/femme orchestre
L’image de l’enseignant, et à fortiori de son formateur, comme exclusivement
« transmetteur » de savoir a vécu, même si les pratiques sont encore loin de refléter ce
changement. Pour Boyer, Butzbach, Pendanx (1990 : 228) si l’on examine le profil de
l ’enseignant idéal, celui-ci apparaît de plus en plus comme « un homme/femme orchestre,
connaisseur des mécanismes d’apprentissage d’une langue seconde, philologue, linguiste
mais aussi psychopédagogue, animateur ou artiste, capable d’analyser des situations
d ’enseignement/apprentissage, fin négociateur et évaluateur des processus enclenchés et
190
189
disposant d’un matériel de plus en plus diversifié, pour ne pas dire sophistiqué
méthodologiquement ». Il est demandé à l’enseignant(e) de savoir choisir, sélectionner ou
fabriquer certains de ses outils, de ne pas craindre l’erreur, de connaître le moteur et les
processus de l’apprentissage, et en outre, (comme d’ailleurs dans cet ouvrage !)
d ’expérimenter et rendre compte de ces expériences et de ces outils, en étant « réflexif ».
En fait, cette vision, plus qu’un idéal ou une utopie, peut plutôt être comprise comme un
programme de développement personnel et professionnel de l ’enseignant. Ainsi, on
adoptera la définition de Boyer et al. (o p . cit.) : l ’enseignement est une tentative de
médiation organisée entre l’objet d ’apprentissage et l’apprenant. C’est cette médiation qui
peut être appelée « guidage ». Le terme est souvent repris, et chez Cuq et Gruca (2002 :
118), «dans cette relation, l’enseignant est la partie guidante et l’apprenant la partie
guidée. ». Il est important de souligner que les auteurs reprennent la position de H. Holec,
concernant l’auto-apprentissage (ou encore auto-enseignement, ou auto-guidage, qui
suppose que « l ’apprenant acquière progressivement la capacité de prendre les décisions
qui concernent son apprentissage »). Se retrouvent donc dans le domaine du FLE des
réflexions et des partis pris déjà envisagés ailleurs : la notion de médiation et de guidage,
ainsi que l’auto-apprentissage en FLE s’ancre dans des théories fondatrices du courant de
l’éducation cognitive (cf. chapitre 1), et on trouve ici des échos de cette représentation de
l’apprenant comme acteur de son apprentissage, avec l’étayage d ’un « tuteur ».
A propos du « guidage »
De Salins (2000 : 425) pointe sur la « mission d’intervention » du didacticien sur
les apprentissages et introduit, dans cette perspective, l’interlocution : pour elle,
l’essentiel, dans la perspective didactique, c ’est de comprendre comment on peut, par
l’interlocution, amorcer une relation communicative valorisante pour les membres de la
classe, tout en leur fournissant des ressources langagières suffisamment riches, où seront
découverts des repères significatifs susceptibles d’étayer, de modifier et d’améliorer, au
fur et à mesure des séances, leurs compréhensions/productions verbales : « En fait, le
didacticien guide, mais surtout accompagne, l’apprentissage des significations. C ’est
pourquoi, au cours des interactions de classe, toute preuve de « compréhension » est
alors considérée comme un signe positif du déclenchement de l’acquisition, même si
parallèlement, les productions verbales restent longtemps imparfaites ».
Une fois de plus, le rôle des actes enseignants dans l ’apprentissage est souligné,
incluant les actes de langage dans l ’interlocution entre enseignants et apprenants - et
notamment les consignes qui font l ’objet de la réflexion à cette étape de préparation
méthodologique : il est donc important de les formuler en phase pré-active autant que
faire se peut. On pourrait penser que la notion de guidage renvoie à une pédagogie
behavioriste au sens étroit, mais on rappellera la précision que Gaonac’h apporte au
crédit de l’approche behavioriste : « l’apprentissage [est] au contraire la constitution de
comportements nouveaux, de par une activité de l’élève dont les tenants et les
aboutissants sont soigneusement contrôlés» (Gaonac’h 1991 : 30). Or, c ’est bien à la
facilitation de comportements nouveaux que s ’intéresse l ’enseignant, et ces « tenants » et
« aboutissants » de l’activité apprenante sont constitués par le dispositif pédagogique
choisi et l’activité guidante de l ’enseignant : il appartient à celui-ci de se doter des
moyens d’observation de sa propre activité comme de celle des élèves, à minima en les
prévoyant/imaginant.
191
190
Un lien enseignement-apprentissage
Le programme qui est aujourd’hui proposé à l’enseignant est de se rendre conscient,
du mieux qu’il peut, des liens qui se tissent entre le processus d’enseignement dont il
organise la mise en œuvre dans sa classe et le processus d ’apprentissage de ses élèves. Ceci
passe par de nombreuses dispositions concrètes et par la posture qu’il adopte en tant
qu’enseignant. L’impact de cette appréhension du processus d’apprentissage sur la pratique
d ’enseignant est aussi relevée par Castellotti et de Carlo (1995 : 52, 53) ; voir aussi Rivers
(1990 : 49, 50) :
« La conscience des phénomènes évoqués [processus d’apprentissage]
entraîne des conséquences pédagogiques spécifiques, dont les plus
importantes devraient constituer matière à réflexion dans la formation des
enseignants :
1 - une atmosphère chaleureuse et tolérante est une condition indispensable à
l’apprentissage ;
2 - les tâches à accomplir doivent exploiter des aptitudes multiples et
mobiliser des capacités différentes ;
3 - les contenus proposés doivent être suffisamment riches pour permettre aux
apprenants d’y projeter leur expérience ;
4 - les activités de compréhension doivent occuper une grande place dans le
curriculum , parce que l’exposition à une quantité importante de langue
authentique donne la possibilité aux élèves d’apprendre ce qui n’est pas
enseigné de façon explicite par l’enseignant ;
5 - les erreurs ne doivent plus être considérées comme des écarts à redresser,
mais comme des hypothèses formulées par l ’apprenant à un certain stade de
son interlangue ;
6 - la responsabilité de l’apprentissage est partagée entre l’apprenant et
l ’enseignant ;
7 - l’enseignant devra concentrer son attention sur le processus
d’apprentissage plutôt que sur les résultats ;
8 - les résultats atteints par les élèves seront nécessairement différents entre
eux et aucun ne correspondra exactement à ce qui a été enseigné.
Ce sont là des principes généraux que l’on peut recommander de suivre aux
enseignants dans leur formation ou auto-formation, mais il est encore possible de
préciser leur rôle, si l’on fait un parallèle entre leur pratique et celle d’autres spécialistes,
que nous avons déjà présentés en Partie I : les ergonomes.
192
191
appliquée aux situations scolaires ». Cette ergonomie est encore du domaine du futur
mais il propose deux pistes :
• l’une portant sur la notion même de « situation » appliquée aux apprentissages
institutionnalisés, qui reste d’un grand flou : la nature des interactions, le degré
d’initiative de l ’élève, la tolérance grammaticale, la relation sens-forme, les
contraintes cognitives associées aux contraintes linguistiques ne sont pour
l ’auteur actuellement définies que de manière très empirique ;
• l’autre incluant dans les « contraintes de la tâche », l’élève lui-même, la manière
dont il perçoit et conçoit la tâche lui-même parce que « l’élève lui-même est en
quelque sorte un théoricien de l’acquisition des L2 ».
193
1 92
et lui oppose un autre modèle issu des années 1970, le triangle pédagogique, repris et
développé par Houssaye :
élève
E n s e ig n e r
Pour Houssaye, toute situation pédagogique s ’articule autour de trois pôles savoir-
professeur-élève(s), mais, fonctionnant sur le principe du tiers exclu, les modèles
pédagogiques qui en naissent sont centrés sur une relation privilégiée entre deux de ces
termes : Enseigner exclut l’Élève, Apprendre exclut l’Enseignant, Former exclut le Savoir.
Pour Aumont, Mesnier ce triangle fait apparaître « la combinatoire sommairement
dualiste » qui sévit dans le système d’enseignement et pourrait un jour céder la place à une
relation contractuelle de l ’enseignant et de l ’apprenant leur permettant à l’école de «jouer
le jeu » à tour de rôle tandis que l’autre serait « au mort » : « l’élève a l’habitude d’être
« au mort », silencieux et intéressé par le cours dans le meilleur des cas. Mais l ’enseignant
peut-il accepter un tel rôle ? » (Aumont, Mesnier 1995 : 27). Tentant de répondre à cette
question, les auteurs signalent que le « mort » dans le jeu de bridge représente une place
d ’observateur attentif. « N ’intervenir qu’à bon escient, laisser l’apprenant autonome dans
sa relation à l’objet d ’apprentissage et accepter la perte de pouvoir conduirait l’enseignant
à se tenir ‘à bonne distance’ de toute relation fusionnelle avec son savoir ou avec
194
1 93
l’apprenant pour opérer un travail de triangulation : ‘quand l’enseignant se sent exclu, c ’est
qu’il n’accepte pas la relation directe de l’apprenant au savoir et il se croit dépossédé.’
(ibid .). Mais un positionnement est suggéré par les méthodes d’éducation cognitive que
nous évoquerons à l’étape suivante, et est indiqué par une flèche sur le triangle de
Houssaye :
apprenant
Savoir Enseignant
195
194
CONSIGNE ;
• SUCCESSION DES ACTIONS DE L’APPRENANT
Vous indiquez ici la su ccessio n des actes de l’apprenant pour effectuer la tâche :
par exemple, pour analyser un texte publicitaire selon une consigne donnée,! 1) il
lui faut écouter la consigne, (2) il pourra parcourir et lire (éventuellement) le
titre, puis (3) repérer tel ou tel indice pour comprendre l’objet de la publicité, (4)
formuler, pour lui-même des hypothèses quant à ce contenu à partir de ces
indices, (5) écrire ses hypothèses, individuellement ou en sous-groupe et/ou (6)
discuter avec ses collègues soit en LM soit en français, (7) répondre soit
individuellement soit en sous-groupe, soit en LM soit en français, etc. Chacune
de ces étapes peut elle-même être détaillée, cela dépend de la tâche.
ATTENTION :
Pour pouvoir imaginer ou anticiper comment les apprenants sont susceptibles de
« réagir » à votre tâche et vos consignes, nous vous conseillons de fa ire
in tég ra lem ent la tâche vous-m êm e en a n a lysa n t les étapes par lesquelles vous
passez. Comme vous êtes enseignant de français, voire un locuteur natif, vous ne
pouvez naturellement imaginer toutes les difficultés possibles et naturellement,
cette démarche est biaisée au départ. Mais le seul fait de faire soi-même la tâche
met souvent en lumière des imprécisions, des erreurs ou des lacunes au niveau des
objectifs fixés à la tâche (Etape 8L au niveau de la définition des prérequis ( Etape
9), de la connaissance du niveau de langue des apprenants (Étape 3). au niveau de
la formulation des consignes (Étape 10). Ainsi, lorsque vous avez identifié ces
difficultés potentielles, il vous faut ensuite revenir à l’Étape 10 (Consigne et actes
enseignants), afin de modifier vos consignes et vos actions et/ou de rajouter les
consignes et actions que vous prévoyez pour a id er l ’a p p re n a n t à su rm o n ter ces
difficultés.
À cette étape, le point de vue adopté est celui d’un enseignant qui tente, de sa
position d’enseignant, et avant le cours, d’anticiper les réactions de ses apprenants,
tandis qu’à l’étape 16, après expérimentation, il s ’agira pour lui de rapporter ce qu’il a
observé dans le déroulement réel de son cours, tant de la part de ses apprenants que de la
sienne. Certes, les comportements imaginés ont peu de chance d ’être les mêmes que
ceux qui vont se manifester, et cette anticipation est utile avant tout à l ’enseignant pour
196
195
197
196
L’cducation « cognitive »
198
197
Des échos de ces méthodes se trouvent dans les préceptes de Wong-Fillmore issus
de l ’observation d’enfants (5-7 ans) hispanophones en situation d’acquisition de l’anglais
par immersion (dans Kramsch 1991 : 33 ; voir aussi Gaonac’h 1991 : 194) :
« Stratégies cognitives :
• supposez que ce qui se dit est en liaison avec la situation ou l’activité en
cours, méta-stratégie : devinez ;
• repérez quelques expressions que vous comprenez, et commencez à parler ;
• repérez ce qui se répète dans les expressions que vous connaissez ;
• utilisez au maximum ce que vous avez acquis ;
• consacrez vos efforts au plus important, gardez les détails pour plus tard ».
199
198
conscience par l’apprenant de ses stratégies. Il peut donc être intéressant de l’envisager en
phase préparatoire.
La conceptualisation métalinguistique
La c o n cep tu a lisa tio n , définie comme une réflexion appliquée par les apprenants
aux différents domaines de la langue (la syntaxe, la morphologie, le lexique, la
phonétique, le discours), et aboutissant à la prise de conscience de régularités,
d ’organisations ou de règles (Calisson Puren, 2 0 0 0 : 118), a pour objectif, par des
pratiques tour à tour communicatives et cognitives (celles-ci s ’appuyant ou non sur une
explication), d’aider les apprenants à structurer conceptuellement ce qu’ils ont pratiqué,
interactivement ou « par routine », dans les étapes précédentes (Besse, 1992 : 168, 169).
Ces exercices ont été proposés dès la fin des années soixante d ’abord pour des étudiants
avancés, puis pour des étudiants débutants. Besse (ibid. : 116) précise que l’exercice de
conceptualisation suppose qu’on parte d’un corpus d’exemples produits par les étudiants
en fonction de la compétence qu’ils ont acquise et en relation avec le microsystème
morpho-syntaxique ou sémantico-pragmatique sur lequel on veut travailler :
« Il suppose que le professeur ne cherche pas à amener les étudiants à la règle
ou à la conceptualisation qui est la sienne ou celle de la description
grammaticale à laquelle il se réfère, mais que les étudiants é la b o re n t eux-
m êm es non pas cette règle ou conceptualisation particulière mais une règle et
une conceptualisation en fonction d’une part de leur compétence en L1 et de
celle en voie d’acquisition en L2, d’autre part, des concepts et opérations
métalinguistiques (de la ou des théories grammaticales) qu’ils ont appris lors
de leur scolarisation en L l, enfin du consensus qui se dégage des discussions
entre étudiants pour admettre telle règle ou formulation plutôt que telle
autre. »
200
199
Viselthier, à la lumière des écrits de Vygostki, est persuadé pour sa part que
l’apprenant automatise d ’autant mieux les faits de langue qu’il est soutenu dans son
apprentissage par un travail de réflexion sur la langue, l’incitant à découvrir les réseaux
autour desquels la langue s ’organise et à transformer le savoir qu’il acquiert en véritables
savoir-faire, ce qui est la démarche évolutive de son interla n g u e :
« Je souhaitais les amener à exercer une activité réflexive leur permettant de
comprendre les mécanismes de la langue, de les stocker en mémoire à long
terme en les codant par un discours personnel qui donne accès à
l’intériorisation des données, mais aussi de réutiliser correctement, grâce à
une grammaire intérieure disponible à tout moment comme un logiciel
informatique, une connaissance particulière aussi aisément qu’ils le feraient
en L l. [...] Aucune auto-censure ne devait exister à ce niveau, car toute
tentative d ’explication ou de justification même maladroite, est bénéfique à
l’ensemble du groupe et permet à chacun de progresser, ne serait-ce que parce
qu’elle permet de relativiser son point de vue. »
On voit que les réflexions que l’enseignant peut mener à cette étape de
préparation méthodologique s ’appuient sur des connaissances qu’il a déjà inventoriées
au cours de sa préparation didactique, à l’étape n°3 par exemple - qui tente de définir le
niveau de langue des apprenants, en référence à la notion d ’interlangue. C ’est bien le
développement de cette dernière qui est en jeu dans les activités cognitives des
apprenants, et l’exercice de conceptualisation est bien de nature à accompagner son
évolution. Ceci repose sur un certain nombre de convictions, ou présupposés, que nous
allons expliciter.
201
200
Nous pensons donc que l’enseignant-praticien réflexif, dans les questions qu’il se
pose à l’occasion de cette préparation méthodologique, n’est autre qu’un chercheur dans
un contexte de pratique. Il s ’agit en fait d’une ergonomie cognitive ou d ’une
202
201
203
202
203
ÉTAPE N° 14
APRÈS L’EXPÉRIMENTATION
• PUBLIC RÉEL
• COMPARAISON AVEC ÉTAPES 2 et 3
CONSIGNE :
Vous indiquez ici le public réel et son niveau dans la langue maternelle et en
français que vous avez constaté en faisant le cours.
Vous revenez aux étapes 2 (type de public) et 3 (LM et L2) et vous comparez :
constatez-vous un écart entre ce que vous attendiez et la réalité ou non ?
Si oui, cela a-t-il modifié dans l’interaction de classe ce que vous aviez prévu
dans vos préparations didactiques et méthodologiques ? Quel élément en
particulier et de quelle façon ?
Quelle leçon en tirez-vous ?
ATTENTION :
Il se peut que le type de public vous ait obligé à modifier entre a u tres, pendant
la classe, vos objectifs (Étape 8). votre support (Étape 4 ). vos consignes (Étape
10). Passez en revue ce qui a été touché par un public « inattendu » (Étapes 1 à
9) et (Étapes 10 à 12)
205
204
ÉTAPE N° 15
APRÈS L’EXPÉRIMENTATION
CONSIGNE :
Vous indiquez ici ce que vous avez réellement fait pendant T expérimentation.
Ceci sera d’autant plus facile si vous avez recueilli des données : soit
enregistrements, soit notes à posteriori, etc. Si vous avez transcrit tout ou
partie de la séance, vous pouvez mieux analyser ce qui s ’est passé et utiliser
alors quelques-uns des concepts ou outils descriptifs présentés aux étapes
précédentes. Vous reprenez ensuite ce que vous aviez envisagé aux Étapes 10
et 11. et vous comparez. Vous indiquez ici les différences ou les écarts par
rapport à ce qui était prévu. Vous essayez d’expliquer les raisons précises de
ces différences, ce qui a fait que vous avez été obligé de vous adapter au réel.
ATTENTION :
Pour expliquer les différences, vous allez bien naturellement parcourir les
éléments qui ont contribué à modifier vos prévisions : déroulement réel de la
tâche par les apprenants (Étape 161. évaluation imprécise ou erronée des
objectifs (Étape 81. etc., utilisation inattendue du support par les apprenants
par rapport à ce qui était prévu (Étape 111, disponibilité du matériel en réalité
par rapport à ce qui était prévu {Étape 12 de la préparation didactique) et ce
n ’est pas exhaustif.
À cette étape, comme l ’enseignant (vous) dispose des données de son expérience,
surtout s ’il a pu noter ce qui s ’est passé, voire enregistrer le cours, il dispose d ’un
matériau d’auto-analyse. Il peut questionner d’une part les différences entre ce qui était
prévu aux étapes 10 et 11, en phase préactive, d’autre part ce qu’il a fait au regard des
différents éléments des grilles d’analyse des activités enseignantes fournies par des
didacticiens. On examinera les points suivants, traitant de l’activité enseignante :
1 - les « Activités Didactiques » globales, identifiées par le groupe ASHILE ;
2 - la conduite des échanges, tant verbaux que paraverbaux ou non-verbaux ;
3 - les types de discours dans l ’interaction didactique : « e n s e ig n é » ; «régulateur»;
« métalinguistique » ;
4 - l’improvisation métalinguistique ;
5 - le traitement des erreurs ;
6 - le questionnement d ’explicitation par l’enseignant, par exemple dans des exercices de
conceptualisation.
La liste n’est pas exhaustive et souligne des points pertinents dans notre approche
du rôle l’enseignant «ergon om e». Elle ne constitue qu’un outil pour permettre à
l’enseignant conduisant son analyse de pratique d ’ouvrir des pistes de repérages de son
activité. Les activités que l’on peut analyser en premier vont de séquences englobant
plusieurs actions à des micro-actions telles que des questions. Un premier niveau
d’analyse sera global et permettra à l’enseignant une première identification ou
206
205
dénomination des grandes catégories d’actions qu’il lui était possible de réaliser. La
façon dont il les a exécutées, c ’est-à-dire les critères d’évaluation et son jugement
d ’efficacité, ne sont pas vraiment envisagés, mais rien ne l’empêche de s ’y livrer. Nous
proposons à ce stade de mettre des mots sur des parties de sa séquence de cours, au titre
de premier repérage. Cela étant, l ’analyse pourra s ’arrêter à ce stade si besoin est ;
autrement, pour préciser et affiner son analyse, il pourra alors passer aux paragraphes
suivants. Quant aux « grilles » proposées, il faut signaler le caractère hétérogène de leur
rassemblement dans ces pages. Il ne s ’agit pas plus d ’un inventaire que de prescriptions
d’analyse : chaque organisme de formation d ’enseignant de langue en France et à
l’étranger ayant sans aucun doute ses propres grilles, il n ’était pas dans la visée de ce
travail d ’en faire le comparatif exhaustif. Plus spécifiquement, celles qui sont présentées
ci-après répondent à l’intention d’aider l’enseignant à identifier par « mots-clefs » des
phases d’activités réalisées pendant un cours. Or, ces « activités-clefs », chaque
enseignant peut les dénommer soit d’une façon qui lui soit propre, soit en important dans
son auto-analyse la terminologie des manuels ou des « méthodes constituées »
(« exposition », « exercitation » etc.). En l’occurrence, il nous paraît préférable qu’il se
forge ses propres représentations parce qu’une maîtrise accrue de son métier passe en
particulier par le fait de maîtriser une mise en mot personnalisée de son activité. Quoi
qu’il en soit, toute grille rencontrée en formation d’enseignant est bonne à prendre, à
partir du moment où elle est un support de réflexion adapté à ses préférences.
207
206
Présentation
• Exposé magistral
• Explication, etc.
Pratique
• Jeu de rôle
• Jeu
• Simulation
• Ecoute (dialogue)
• Production écrite
Exploitation
• Questions-réponses
Transposition
• Usage de la langue dans la vie (je)
Révision
Correction
Vérification
Activité organisationnelle
• Présences
• Distribution copies, annonce sorties
• Maintien de l ’ordre
• Accueil observateur
Germain (1999 : 179,180)
Revenant alors à des outils spécifiquement conçus pour analyser des pratiques
enseignantes, on mentionnera les grilles d’évaluation des pratiques de classe, utilisées en
formation d ’enseignant à l’Alliance Française de Paris (Stirman-Langlois,
Waendendries, 1999 : 226) et qui montrent comment affiner l’observation des actes
enseignants par un groupe de tuteurs, au fur et à mesure de trois phases de mise en
situation des enseignants en formation. Nous ne mentionnerons qu’un tableau
récapitulatif des étapes d’analyse, qui ne donne naturellement qu’un aperçu succinct de
l ’important travail de tutorat qui soutient cette démarche. Trois dimensions d’observation
sont prises en compte : la façon dont sont conduits les échanges d’un point de vue verbal,
le comportement paraverbal et non-verbal, enfin les « techniques de classe », telles les
208
207
consignes et les explications. Chacune des dimensions est à nouveau détaillée selon une de
ses composantes, puis une critérisation est proposée : fréquence, variété, clarté, etc.
3- Techniques de
classe : + clarté,
• Consignes --------- + renforcement : + économie.
vérification/
reformulation.
• Explications------- + opportunité + variété et choix des
+ qualité, techniques,
+ vérification de la + économie.
compréhension. +variété des techniques,
• Corrections-------- + opportunité, + économie.
+ qualité.
209
208
Chaque activité est analysée selon plusieurs critères communicatifs d’où sont tirés
ces exemples :
1 - L ’usage de la langue étrangère par enseignant et apprenants. La langue
étrangère est-elle uniquement objet d ’apprentissage ou est-elle aussi
instrument d ’acquisition ?
2 - L ’initiative dans les prises de parole. Les apprenants ne parlent-ils que
quand on leur donne la parole ou bien parlent-ils spontanément ?
l ’observation porte sur le nombre :
a) de questions,
b) de commentaires initiés spontanément par les apprenants.
3 - Les écarts d’information (« information gap »). L’information requise ou
échangée est-elle rituelle, c ’est-à-dire prévisible, ou bien est-elle nouvelle
pour les participants ? (pseudo-questions dont le locuteur connaît déjà la
réponse ou bien véritables requêtes d ’information : expression, négociation
et interprétation du sens voulu par le locuteur ?) La réponse serait-elle la
même quelque soit l’interlocuteur, ou bien y a-t-il plusieurs réponses
possibles ?
4 - Choix de structures : les apprenants doivent-ils répondre avec un code
restreint (répétition, substitution, transformation, lectures à haute voix, etc.)
ou bien ont-ils la liberté du choix ? (description d ’une image, vocabulaire
limité par l’image et la nature de la tâche ; récit d’une histoire lue ou
entendue avec obligation d ’employer un vocabulaire particulier, ou récit
libre, conversation libre).
5 - Corrections-réparations : l’accent est-il mis sur la correction de la forme ou
sur le sens de la communication ?
6 - Des échanges : l’interaction est-elle limitée à des échanges de longueur
minime (« bien », « c ’est ça » / paraphrase de l’énoncé précédent) ou y a-t-il
coopération dans la construction thématique du discours (expansions,
commentaires, développements, etc.) ?
210
209
211
210
étapes d’analyse didactique suggérées. Ceci ne peut pallier l’absence d ’une interaction
formative, mais permet à l’enseignant de se comparer à d ’autres pratiques. En outre,
reprenant le tableau de l’Alliance Française, il est en particulier un point d’observation
dont le recueil et l ’interprétation sont assez délicats : le comportement p a ra v e rb a l et
non-verbal. Pour sa part, le paraverbal, à savoir la voix et les caractéristiques de celle-ci
(débit, rythme, intonation, etc.) fait l’objet de types de recherches spécifiques, qui ne se
focalisent pas nécessairement sur le paraverbal dans l’enseignement des langues , et qui
nécessitent des enregistrements et un codage spécifique avant interprétation : l ’analyse
demande donc à l’observateur de posséder les outils pour ce faire. Il paraît raisonnable
de considérer que d’autres données d’observation sont plus accessibles tant pour le
recueil que pour l’interprétation. Même le non verbal qui, selon Ferrao-Tavares (1999 :
154), recouvrirait : la proxémie (l’utilisation que l’enseignant et les apprenants font de
l ’espace, les distances et les déplacements dans cet espace), le temps, la kinésie (les
orientations du corps, les postures, les gestes, les mimiques, les regards, les sourires,
« les indices ayant valeur de communication qui ne manquent jamais dans tout contexte
qui est le théâtre d’une interaction » (Watzlawick, 1972 : 60), même celui-ci demande
l ’enregistrement vidéo, suivi d’une confrontation ou d’une auto-confrontation, voire
d ’une auto-confrontation croisée, afin d’interpréter les raisons et finalités de ces
comportements. Ils sont donc d’un intérêt essentiel puisqu’ils constituent une des traces
des interactions avec les apprenants, mais demeurent pour l’instant des données
d’analyse difficiles à manier. On a donc ici à faire à des approches plus fines des
activités de classe, et qui reposent la plupart du temps sur une appréciation non pas
individuelle mais collective, entre tuteurs et enseignants, voire entre enseignants en
formation. Cette dimension collective est essentielle à l ’analyse de pratique mais
l ’enseignant qui, seul, fait retour sur sa pratique, peut s ’inspirer des domaines
d ’observation pour orienter sa réflexion. Même si ces grilles sont destinées à un dialogue
entre tuteur enseignant et enseignant en formation, les critères qu’on y trouve sont de
nature à orienter tout enseignant dans son « auto-observation participante ».
D’une façon plus générale, on peut rappeler que les éléments d ’observation dans
la classe portent sur une interaction d id a ctiq u e et que ce sont les différentes
composantes de cette interaction qui peuvent, chacune à leur tour, ainsi que leurs
relations, être l’objet d’une analyse par l’enseignant. C’est bien dans la perspective de
favoriser les progrès de ses apprenants que l’enseignant qui analyse sa pratique cherche à
améliorer celle-ci, et c ’est Y interaction qui fournit des éléments propices à la réflexion.
Besse (1992 : 139) inscrivant l’interaction notamment dans la filiation de la notion
d 'a c te de lan g a g e rappelle qu’ainsi comprise l’action langagière ne peut être le fait du
seul locuteur, même placé dans les circonstances appropriées ; elle suppose
confrontation et coopération entre les interlocuteurs, ce qui ne peut se faire sans mettre
en jeu les rapports interpersonnels et sociaux et que « pour réussir une interaction
langagière il faut, à quelque degré, s ’y engager affectivement et cognitivement, et il faut
engager, au moins symboliquement, son moi profond, social et culturel ». Par suite, tout
d iscours dans la classe est le résultat d’une processus coopératif à plusieurs niveaux
entre au moins deux interlocuteurs, processus de construction et de reconstruction de
significations à l’origine individuelles, qu’on ajuste progressivement, par négociation, au
sein d’un réseau d’interactions personnelles et sociales. Ainsi, ces interactions se
212
211
traduisent par des échanges discursifs qui présentent des caractéristiques, susceptibles
d’être l’objet d’une analyse encore plus fine de l’activité enseignante. On rappellera ainsi
que les études concernant le discours des enseignants - « teacher talk » - (cf. Grandcolas,
1986 : 117), invitent les enseignants à étudier ces types de discours, cela afin de réguler
leur propre performance. Mais au delà, au moins trois caractéristiques des discours de
l ’interaction didactique sont intéressantes à repérer dans l’analyse de l ’activité
enseignante : ce sont des discours « enseignés », mais aussi des discours « régulateurs »,
enfin des discours de nature métalinguistique.
A partir de cette distinction, une autre base de grille d’analyse est concevable en
croisant les règles imposées par le maître au plan du thèm e du discours, c ’est-à-dire ce
sur quoi porte le discours (aspect constitutif), avec l ’activité, c ’est-à-dire la variété des
procédures, règles ou routines qui règlent la conduite du discours (aspect régulatif) (cf.
Van Lier dans Kramsch 1991 : 62) :
1 - «T hèm e libre, activité libre, c ’est-à-dire «parlez de tout ce que vous
voulez, de la manière que vous voulez ». Exemple : petite conversation,
discussion de groupe sur thème choisi par les élèves.
2 - Thème dirigé, activité libre, c ’est-à-dire « certaines informations doivent
être échangées». Exem ples: annonces, directives, explications, exposés,
travaux de groupe sans supervision, discussion à plusieurs sur thème donné.
3 - Activité dirigée, thème dirigé, c ’est-à-dire « certaines informations doivent être
échangées de telle et telle manière selon des règles précises ». Exemple : exercice
structural, interview, rapport, résumé, débat.
4 - Thème libre, activité dirigée, c ’est-à-dire, « telle et telle chose doit être dite
selon telle et telle règle. Suivez les règles et tout ira bien ». Exemples :
exercice oral de répétition ou de substitution, travail dirigé, jeux de rôles
dirigés, jeux à règles précises ».
Avec une telle approche, il s ’agirait ici de diagnostiquer la nature des règles
proposées par l’enseignant dans le discours constitutif et la nature de l ’activité discursive
ainsi que leur combinatoire. Or, la classe de langue est à considérer comme un lieu
privilégié d’observation et d’expérience (Kramsch, op. cit. 36). Elle n ’est plus seulement
213
212
la salle de répétition d ’une action qui ne reçoit son véritable sens que dans le pays où la
langue est parlée ; Kramsch réclame une « pédagogie de la communication » qui devrait
être une pédagogie des rapports interpersonnels s ’exprimant à travers les processus
d’interaction et de discours : de ces processus apprenants et enseignants doivent prendre
conscience. Ainsi, revenant à notre analyse post-didactique, en ce qui concerne
l ’enseignant, nous pensons que dans l ’analyse de sa pratique, il a tout intérêt à tenter de
repérer les deux types de discours produits lors d’un cours ainsi que leur articulation et
leur justification tant linguistique que pédagogique. Au bout du compte, on peut insister
(à la suite de Curran, in Kramsch 1991 : 78) sur la nécessité pour apprenant et enseignant
de prendre conscience de leurs responsabilités vis-à-vis l’un de l’autre, et non seulement
vis-à-vis de la matière à enseigner ou à apprendre. L’enseignant est, tout autant que les
apprenants un « client » dont les apprenants sont à leur tour les « conseillers ». En
analysant sa propre pratique discursive en classe, il lui est possible de repérer les
« conseils » que lui donnent les apprenants, par l’étude de leurs propos non seulement
dans les discours à objet linguistique (du premier type), mais aussi et surtout dans les
discours régulateurs de l ’interaction (du second type).
214
213
Ensuite, dans la d é fin itio n , le mot à expliquer est extrait de son contexte d’origine
et accompagné d’introducteurs métalinguistiques : « sorte de », « personne qui », « acte
de », « celui qui », etc. Deux catégories de définitions peuvent être distinguées : les
définitions relationnelles et les définitions substantielles (Galisson 79) :
• les définitions relationnelles renvoient au « mot de base » ou « racine » du terme
à définir (« il échoue/échec » ; « séductrice/ du verbe séduire »), si les apprenants
sont susceptibles de connaître cette racine ;
• les d éfin itio n s su b sta n tielles comportent un signifié voisin et des différences
spécifiques (« coquin, c ’est quelqu ’un q ui est m alin, au d ép a rt c ’est su rto u t
p o u r les enfants »).
215
214
216
215
On remarquera ici dans les cinq dernières questions l’importance du tra item en t de
l ’erreu r - ou faute -, qui sera développée plus loin.
Improvisation métalinguistique
Enfin, dans le cas où l’enseignant n’aurait pas prévu une explication méta
linguistique, il lui arrive de procéder à des improvisations, qu’il est utile de noter si
possible « à chaud », c ’est-à-dire pratiquement après le cours. À cet égard, on
s ’intéressera aux recherches ex abrupto de Héberlé-Dulouard, Porquier, Rosen (2002)
sur l ’im provisation m éta lin g u istiq u e dans la classe de langue étrangère, qui soulève le
problème de fournir des explications instantanées, en réponse à des questionnements
imprévus, d ’où improvisation ou ajournement de la réponse : « Par exemple, dans un
cours de français langue étrangère, à la question posée par un(e) apprenant(e) :
« P o u rq u o i est-ce qu ’on d it ça a été p o u r dire ça va au p a ssé ? On ne d it p a s c ’est
allé ? ». De telles questions viennent souvent échapper à la démarche de progression
planifiée par l’enseignant(e), et au cadre de l’activité en cours. Elles sont déstabilisantes
à plusieurs titres (programme, compétence linguistique, face) ». L’étude s ’attache à
observer comment procèdent les enseignants, et notamment à questionner :
• la nature de la pratique réflexive qui détermine et structure leurs actions et
éventuellement leurs réponses, suscitées par l ’activité réflexive, consciente
ou infra-consciente de l’apprenant(e) ;
• l’apport de tels épisodes à la restructuration respective des grammaires de
l’apprenant et de l’enseignant et de leurs représentations métalinguistiques.
Comme cela a été évoqué à l’étape 3 - Langue Maternelle des apprenants -, l’erreur
sera considérée comme l’indice de la construction du savoir linguistique et
métalinguistique de l’apprenant ; le savoir efficace, rappellent Cuq et Gruca (2002 : 353),
n ’est pas le résultat d’un transfert de données d’un individu à un autre, mais d’une
activité structurante de l’apprenant : « Il s ’agit d’une volonté d’organiser les données de
l’observation pour en déduire des fonctionnements opératoires et réutilisables en cas de
confrontation ultérieure à un problème comparable. C’est donc une activité intellectuelle
de prise de conscience d’un fonctionnement linguistique et de formulation
métalinguistique ». On ne reviendra pas ici sur les liens entre erreurs et interlangue qui
ont été présentés à l’étape 3. Il est symptomatique de constater qu’en 1976, le
D ictio n n a ire de D idactique d es la n g u es , pour l’entrée « Erreur », renvoyait à « faute »,
217
216
terme qui, lui-même, désigne divers types d’erreurs ou d ’écarts par rapport à des normes,
elles-mêmes diverses. Les auteurs signalaient d’ailleurs qu’une conscience plus fine de
la diversité des usages sociolinguistiques conduisait à considérer avec une certaine
relativité la notion de faute. Ainsi, il faudrait distinguer les « fautes » tenant à une
méconnaissance ou à une connaissance incomplète ou inexacte des règles de la langue, et
qui présentent généralement un caractère systématique (application de règles
inadéquates, phénomènes d’interférences, etc.) permettant de mettre à jour des
« systèmes de fautes » et de mieux en diagnostiquer l ’origine et la cohérence. Ceci nous
renvoie à la notion d’interlangue, déjà évoquée. Or les théories de l’apprentissage
peuvent donner plus ou moins d’importance à la faute (Galisson Coste, 1976 : 215, 216).
L’analyse des erreurs (A.E.) a donné lieu à de nombreuses recherches, dont, en 1977,
Porquier fait un premier bilan, en affirmant Y utilité de cette pratique : « Elle sert à
décrire, expliquer et corriger les erreurs (orientation didactique) ; d’autre part, elle aide à
mieux comprendre les processus et les stratégies d’apprentissage des langues étrangères
(orientation psycholinguistique) ». L’auteur met en lien le traitem ent de l ’erre u r e t la
p o s e d ’o b jectifs p éd a g o g iq u e s (on se reportera à l ’étape 8) : « un aspect fondamental de
l ’apprentissage institutionnel, c ’est l ’attitude des enseignants et des apprenants vis-à-vis
de l’erreur, c ’est-à-dire la conception qu’ils en ont, et ses incidences sur les résultats. De
cela dépend pour beaucoup la réussite objective d ’un cours de LE selon qu’il existe ou
non un consensus explicite ou implicite là-dessus entre enseignant et apprenant, et aussi
selon que l’appréciation et la correction des erreurs sont clairement reliées ou non aux
objectifs d ’apprentissage » (Porquier 1977 : 30). Concernant des recommandations de
m éthode d ’identification d es erre u rs , qui nous intéressent à cette étape de retour sur les
actes enseignants, Porquier propose des repères, non exclusifs, pour émettre des
jugements de conformité ou d’adéquation :
• le système de la LE ;
• les normes sociolinguistiques (variétés sociolinguistiques) ;
• la communication (degré d ’intelligibilité en fonction des situations, des
types de discours et des interlocuteurs) ;
• l ’in p u t (soit la norme pédagogique, soit en situation naturelle) ;
• l’apprentissage (systèmes intermédiaires individuels, paliers et progression
d’apprentissage, facteurs psychologiques divers).
Ces éléments font partie des points envisagés dans les différentes étapes de cette
démarche d’analyse de pratique, et ils peuvent donc chacun être questionnés. Porquier
attire l’attention sur l ’interprétation d e l ’erreu r et ses incidences : nature lexicale ou
218
217
phonétique, ponctuelle ou globale, ainsi que sur le fait qu’elle peut s ’effectuer en
colla b o ra tion avec l ’a p p ren a n t : « Corder (1973) a montré que l’analyse des systèmes
intermédiaires requiert des données « textuelles » ( textual da ta ) ‘intuitives’ ( intuitional
data). Les premières s ’obtiennent par l’examen détaillé d’une ou de plusieurs
productions d ’un individu au même stade, de façon à reconstituer les règles et le système
de règles qu’il y utilise et qui sont à l ’origine d’erreurs et de non-erreurs. Ces données
restant souvent insuffisantes, il faut alors recueillir auprès du locuteur lui-même d’autres
données complémentaires au moyen de diverses techniques d V elicitation », inspirées de
celles utilisées pour les enquêtes linguistiques et les enquêtes sur l’acceptabilité, et aussi
de celles pratiquées dans les recherches sur l’acquisition du langage maternel : « an
elicitation p ro c e d u re is a n y p ro c e d u re w hich causes a learner to m a ke a ju d g m e n t a b o u t
the g ra m m a tic a l a ccep ta b ility o f a fo rm o r p ro v o k e s him into g e n e ra tin g a linguistic
response » (op. cit. 37). Ce type de procédure repose sur un questionnement de la part de
l ’enseignant qui demande une technique à 'e xp lic ita tio n spécifique, qui sera abordée au
dernier paragraphe. Porquier (op. cit. 40) argumente enfin pour une didactique des
erreurs et des procédures didactiques qui consiste à :
• partir des productions des apprenants, soit par le biais d ’un relevé -analyse
d’erreurs préalable, soit directement dans la classe ;
• accepter les erreurs comme reflétant les compétences transitoires et comme outil
de manipulation ou de réflexion sur le système de la langue ;
• mettre en jeu la compétence intermédiaire des apprenants, leur intuition
grammaticale, leur capacité d’auto-correction et d’inter-correction ;
• limiter le rôle de l ’enseignant à celui d’un observateur et d ’un facilitateur
d’apprentissage, servant de témoin (et non déjugé) pour la correction formelle
et l ’intelligibilité des énoncés et pour la conceptualisation.
219
218
Plus globalement, il semble que le concept d’« erreur » n ’a pas encore acquis ses
lettres de noblesse en classe de langue, alors que le rôle de l ’enseignant est considéré par
de nombreux didacticiens comme une médiation entre l ’apprenant et ses productions
langagières, non pour corriger, mais pour en accompagner la compréhension.
M é d ia tio n e t tr a n sitio n
Cette médiation est rendue possible dans l’espace de la classe, considéré comme
esp a ce tra n sitio n n el (Santacroce, 2000 : 436) c ’est-à-dire un espace protégé qui permet à
l ’apprenant d’expérimenter de nouvelles connaissances, linguistiques dans le cas qui
nous occupe (Bourgeois 1996: 33). Cette expérimentation est propice aux erreurs
linguistiques, dans la mesure où il est autorisé - et il arrive - que la « félicité
communicationnelle » soit prise en défaut : pour Santacroce (2000 : 436),
l’incompréhension partielle ou totale génère une recrudescence de l’activité
métalinguistique susceptible à son tour de combler un déficit communicationnel. C’est
cette activité métalinguistique, stimulée par la reconnaissance de futilité des erreurs, qui
permet le développement d’une « grammaire transitionnelle » par l’enseignant avec les
apprenants :
« Pour être plus précis, il nous faut évoquer les deux moteurs d’une démarche
transitionnelle ; d ’une part l ’échec communicationnel relatif, d’autre part
220
219
Les va-et-vient entre les données, les hypothèses spontanées et les propositions
théoriques amorcent un mouvement caractéristique des approches hypothético-
déductives. Une telle démarche didactique, qualifiée de tra n sitio n n elle parce qu’elle est
instable, ne vise ni à décrire des faits grammaticaux objectifs, ni à imposer une ou des
descriptions linguistiques particulières, mais « à accompagner un raisonnement
linguistique naturel qui forge un métalangage transitoire et suit une progression en partie
imprévisible que nous qualifierons de progression intuitionnelle, liée aux aléas, ratages
et réussites dans la communication exolingue en milieu institutionnel. » L’auteur
demande alors à l ’enseignant d ’évoluer conjointement dans les élaborations
conceptuelles explicites des apprenants et d ’aider à reproblématiser les fragments
221
220
222
221
Il n’est pas possible dans le cadre de cet ouvrage de développer les techniques de
questionnement, souvent spécifiques au champ de la formation d’adulte ou à la didactique
professionnelle, mais il est important de mentionner quelques-unes des caractéristiques de
ce questionnement à un enseignant qui souhaiterait le mettre en œuvre, dans l ’optique
d ’une activité de conceptualisation. Ainsi, dans la formation des enseignants, comme
d ’ailleurs dans celles des formateurs, la maîtrise ou tout du moins la connaissance de ses
propres façons de questionner peut aider à développer des compétences proprement
pédagogiques : la façon de poser des questions en classe est ainsi un des observables qui peut
faire l’objet d’une analyse de la part de l’enseignant à cette étape post-active. En termes de
démarche, et entre autres composantes, l’entretien d’explicitation s’attache donc à :
1 - la verbalisation de l’action vécue ;
2 - faire référence à une tâche réelle et spécifiée (tel exercice qui vient d’être
réalisé en classe ou telle situation de communication vécue par
l ’apprenant) ;
3 - focaliser sur l’action plutôt que sur le contexte, l’environnement, les
circonstances ou les jugements, les opinions, les commentaires ;
4 - vérifier que, au moment où il s ’exprime, l’apprenant est en évocation du
vécu de son action spécifiée ; c ’est-à-dire qu’il « revit » la situation ;
5 - aider à l’accès de la mémoire concrète ; ne pas solliciter la mémoire
consciente, désamorcer tout enjeu et toute tension visant un effort conscient
de rappel, chercher l ’accès sensoriel.
223
222
224
223
ÉTAPE N° 16
APRÈS L’EXPÉRIMENTATION
CONSIGNE :
• Vous indiquez ici :
• ce que les apprenants ont réellement fait dans l’expérimentation
(déroulement) et
• le type de compétences qu’il vous semble avoir mobilisé en réalité, et ce, à
partir des données que vous avez recueillies. Si vous avez fait des
transcriptions d’un enregistrement ou pris des notes, vous pouvez mieux
analyser les comportements.
• Vous reprenez ensuite vos prévisions de l’Étape 11 en préparation
méthodologique (déroulement de la tâche pour l ’apprenant) et de l ’Étape 7
(compétences m obilisées par la tâche) en préparation didactique et vous comparez
le prévu et le réel.
• Vous indiquez ici les différences ou les écarts par rapport à ce qui était prévu.
• Vous essayez de vous expliquer ensuite les raisons précises de ces différences,
ce qui a fait que les apprenants n’ont pas réalisé la tâche comme prévu.
ATTENTION :
Pour expliquer les différences, vous allez bien naturellement parcourir tous les
éléments qui ont contribué à modifier vos prévisions : vos modifications de
consignes i Étape 151. une évaluation imprécise ou erronée des objectifs (Étape 8.
etc.), un public différent de ce qui était prévu (Étape 14). une évaluation inadaptée
des compétences demandées par la tâche dans la réalité (Étape 7). et ce n ’est pas
exhaustif.
225
224
l’existence pour expliquer justement les actes de ses apprenants, et qui seront abordées
ensuite ; leur mobilisation s ’étayant sur des processus dits de « bas » ou de « haut »
niveau dans l’acquisition de la langue. En final, ces recherches ont aussi à tenir compte,
voire à développer, la conscience m éta co g n itive ou conceptualisante des apprenants pour
apporter des contributions à la compréhension et à l’accompagnement de leur activité.
APPRENTISSAGE : ASS1MILATION/ACCOMMODATION
ASSIMILATION _____ ^
M---------- ACCOMODATION
APPROPRIATION
Pour les auteurs, la sa isie est un traitement perceptif, sous forme explicite, implicite ou
mixte, des matériaux fournis par l’exposition, et repose en partie sur l ’attente perceptive.
Elle comporte une part de contrôle interne, parfois verbalisé, le plus souvent tacite. Mais
quoi qu’il en soit, la saisie est déjà structurante, c ’est-à-dire qu’elle résulte d’une a c tiv ité ,
consciente ou non, volontaire ou non, du sujet sur les objets de connaissance. Ensuite,
Y in tégration correspondrait pour Besse et Porquier à V assim ilation et à
l'a cco m m o d a tio n et l ’intégration mettrait enjeu des opérations cognitives diverses, telles
que la généralisation ou l ’inférence, qui organiseraient le matériel saisi en relation avec
la connaissance intérieure, soit par restructuration de celle-ci, soit par adaptation à celle-
226
225
ACQUISITION VS APPRENTISSAGE
Acquisition A pprentissage
227
226
On renverra aussi à Holec pour qui il est nécessaire de faire une stricte distinction
entre trois termes, et qui articule sans les séparer acquisition et apprentissage ; d’une
part :
• « le processus cognitif, interne (« covert »), largement sinon totalement
involontaire, qui conduit l ’apprenant d ’une seconde langue d’un stade de
départ de non-compétence communicative dans cette langue à un stade de
compétence plus ou moins étendue [...], c ’est le processus d ’acquisition ;
d ’autre part :
• la démarche observable (« overt ») volontaire et consciente par laquelle
l’apprenant s ’engage dans une série d’activités dont l’objectif est de
déclencher, alimenter, mener à son terme le processus d’acquisition, c ’est
l’apprentissage ; et enfin
• l’enseignement, démarche par laquelle quelqu’un qui n ’est pas l’apprenant
s’engage dans une série d ’activités dont l’objectif ne peut être, par la force
des choses, que de créer un environnement d’apprentissage pour l’apprenant
qui a recours à ce « service ».
228
227
L ’idée de mixité des deux processus est proche de l’idée de c o n tin u u m , et certains
chercheurs pensent aussi qu’il n ’y a pas de raison sérieuse de postuler une différence de
nature et que l’on pourrait à la limite faire l’économie de l ’un des deux termes (Carlo
2000; Santacroce, 2000 : 435), La question théorique de savoir s ’il existe vraiment, au-
delà des moyens mis en œuvre, une différence fondamentale entre apprendre et acquérir
pour s’approprier une langue étrangère semble davantage du ressort des psychologues et
des psycholinguistes que des didacticiens. Comme Cuq et Gruca (2002 : 110), et jusqu’à
plus ample informée, nous ferons de la différence entre apprentissage et acquisition une
différence d’ordre méthodologique : une différence dans les circonstances où la situation
d’appropriation, parmi lesquelles la didactique des langues, choisit prioritairement la
première pour terrain d’étude. On peut alors tenter de cerner l ’activité d ’appropriation de
façon plus précise. Certaines des composantes de cette activité ont particulièrement de
l’importance dans l’élaboration de l’apprentissage.
STRATÉGIES D’APPRENTISSAGE
229
228
230
229
dans quelle mesure il propose des activités susceptibles de générer des stratégies de plus
en plus autonomes. En effet, un apprentissage conscientisé et autonomisé d ’une langue
étrangère, et en particulier de la grammaire de cette langue, dépendrait en grande partie
de la façon dont l’enseignant lui-même le conçoit, ainsi que d’une réflexion empirique
sur les pratiques d’enseignement et d ’apprentissage et sur leurs relations avec le savoir
métalinguistique (Besse et Porquier (o p . cit. 260). À titre d ’exemple, on relèvera avec
intérêt l’enquête réalisée par Vrhovac (2002) qui demande aux apprenants de se situer
par rapport à la liste suivante des comportements d’apprentissage possible. Cette liste
peut largement donner matière à réflexion à tout enseignant, et au-delà, l’aider à se poser
des questions sur les stratégies d ’apprentissage et, en conséquence, ses propres stratégies
d ’enseignant :
• J’apprends d’abord les règles grammaticales, ensuite je fais les exercices à
partir des exemples présentés.
• D ’abord je fais les exercices ensuite j ’apprends les règles grammaticales.
• Je n ’apprends pas les règles grammaticales, je fais seulement les exercices.
• J’apprends les règles grammaticales sur mes notes seulement.
• Je cherche l ’explication des règles grammaticales dans d’autres livres aussi,
comme par exemple la grammaire française, le dictionnaire, les manuels et le
cahier d’exercice de l’école primaire.
• Pour comprendre la forme et l’emploi des formes grammaticales et des
structures de la langue française, je les compare avec les formes et les
structures identiques croates. [...]
• La règle grammaticale m ’aide à comprendre la façon dont les formes et les
structures grammaticales sont formées et employées.
• Les règles grammaticales formulées en français me rendent la compréhension
de la formation et de l’emploi de nouvelles structures plus difficiles. [...]
• Si, en faisant un exercice, j ’ai fait une erreur, je relis la règle pour comprendre
où j ’ai fait cette erreur et pourquoi je l’ai faite. [...]
• Quand l’enseignant me demande quelle erreur j ’ai faite, je suis capable de le
lui expliquer.
• Je ne reconnais pas la faute jusqu’au moment où l’enseignant attire mon
attention sur la faute [...] (Vrhovac, 2002).
231
230
compris. Je n ’aime pas tâtonner. Pourquoi est-ce qu’elle n’explique pas tout,
tout de suite ? Je n ’ai pas appris l’anglais comme ça. On faisait de la
grammaire. Elle aurait pu présenter toutes les particules d’un coup, ça m ’a
perturbée de voir qu’il y en avait autant. » [...] (Klinger, 2002)
Il est certain que ceci constitue un matériau très riche et d’une exploitation
délicate : tant de facteurs sont en jeu qu’il appartient à chaque enseignant de porter
l’attention selon ses centres d’intérêt mais aussi en cohérence avec ses objectifs
pédagogiques, le public et l’institution. La régulation des interprétations sur les activités
apprenantes, comme celles portant sur les activités de l ’enseignant, repose sur la
recherche de cohérence entre toutes les étapes qui ont été déroulées jusqu’à présent.
232
231
CONSIGNE ;
Vous indiquez ici si les objectifs prévus en Étape 8 vous semblent atteints en tout
ou partie, et quels sont les objectifs qui en réalité sont atteints, selon vous.
Vous analysez les raisons des écarts entre le prévu et le réel, en passant en revue
des facteurs déjà envisagés : public, tâche, consignes et actes enseignants réels,
déroulement réel pour les apprenants, etc., aux étapes précédentes.
233
232
CONSIGNE :
Vous pouvez formaliser ici un récapitulatif des analyses réalisées aux étapes
14. 15. 16. 17.
Vous indiquez quelles seraient, selon vous, les leçons à retirer de ces
expériences pour l ’avenir.
Vous pouvez tirer des conclusions à partir de ces expériences mais aussi des
lectures que vous avez effectuées.
CONCLUSION DE LA PARTIE II
Au-delà de l’exercice qui consiste à répondre aux questions que pose chacune des
étapes, les outils qui ont été proposés doivent rendre compte de deux réalités qui ont été
envisagées en introduction à cette Partie : d’une part, la façon dont la règle - qu’on
s ’impose en programmation didactique - est mise en œuvre dans la classe, d ’autre part,
les régu la rités émergentes constatées dans la pratique. Ainsi, la démarche analytique qui
vient d’être déroulée et, peut-être, utilisée par le lecteur, ne doit pas cacher deux
perspectives qui dépassent le cheminement pointilliste des dix-huit étapes attachées à un
cours spécifique. La première perspective, à un premier niveau, qu’on pourrait qualifier
de d ia ch ro nique, concerne un type d ’analyse intra-pratique et individuel : elle consiste à
comparer l ’avant et P après, le prévu/prescrit et le réel, la phase pré-active et la phase
post-active au niveau du cours X d’un enseignant donné. Elle procède d’une auto
évaluation, à court terme, de l ’action de l ’enseignant, et elle constitue une première
étape. Cette perspective a pour visée la correction ou la rectification de décisions et de
comportements attachés à une séquence particulière de cours, en référence à la règle
d ’action qui était prévue - même pour l’ignorer ou la transgresser. La seconde
perspective, de deuxième niveau, que l’on pourrait qualifier de synchronique, concerne
un type d’analyse inter-pratique et individuel. Elle s’appuie sur des analyses réalisées
dans la perspective précédente, diachronique et intra-pratique, et vise à comparer entre
elles les pratiques des enseignants. Elle a lieu dans le long terme, et permet de repérer
234
233
235
234
235
CONCLUSION
238
237
vraies, c’est-à-dire réinvestissables par l’individu dans une institution, etc., que
la nature des productions et des effets de l ’analyse de pratique. Avant déjuger si
les savoirs supposés produits par l’analyse de pratique valent l’investissement en
formation qu’elle demande, encore faut-il cerner ces « connaissances »,
« compétences », « savoirs », etc., encore faut-il étudier à la fois les dispositifs
constitutifs des différentes démarches d’analyse de pratique et étudier avec une
visée descriptive les productions et les effets d’une démarche donnée. Or, dans
la démarche qui a été présentée, l’intention d’étayer l’activité enseignante, si elle
n ’est pas à visée modélisante, est cependant finalisante : il s’agissait de
progresser dans son métier d’enseignant de FLE ; notre démarche demande à
l’enseignant de produire de nombreuses verbalisations sur son action afin de la
mieux maîtriser. Ce qui est en soi important. Mais chemin faisant, il est
vraisemblable que l’enseignant qui « convertit ses pratiques en savoirs »
(Barbier, Galatanu 2 0 0 4 : 18) découvre que les seules énonciation et
dénomination de ses actions désignent des savoirs inédits jusque-là, autrement
dit, des « savoirs d’action », des savoirs portant sur 1’« acte d ’enseigner » que
nous évoquions plus haut. Ce sont précisément ces types de savoirs et leur
condition de production - le cadre interlocutif de l’analyse de pratique - qui nous
paraissent à étudier, au moins tout autant que leur transfert dans de futures
activités par Faction de formation ou d’auto-formation.
239
238
240
239
BIBLIOGRAPHIE
CARLO C-, 2000, « Une composante expérimentale en didactique des langues : l’étude de
l’intégration de l’apport (input) en situation d ’interaction due lie », in E tudes de
L inguistique A ppliquée, n°120, octobre-décembre 2000, p. 439-452.
CASTELLOTI V., de CARLO M., 1995, L a fo rm a tio n d es enseignants de langue, CLE
international, 189 p.
CHARAUDEAU P., 1992, G ram m aire d u sens e t d e l ’expression, Hachette éducation.
CHARAUDEAU P., 1995, « Une analyse sémiologuistique du discours », in L a n g a g es
n°l 17, p. 96-110. ^
CHARTIER D., LAUTREY J., 1.992, L ’orientation sco la ire et p ro fe ssio n n e lle , Vol. 21,
n ° l,p . 27-46.
CICUREL F,, 1985, P arole su r p a ro le, le m éta la n g a g e en cla sse d e langue, CLE
international, 126 p.
CICUREL F., 1993, « Le discours en classe de langue, un discours sur mesure ? » dans
E tudes de L in g u istiq u e A p p liq u ée n°61, janvier-mars 1986, p. 103-113.
CLOT Y., 1993, « L e garçon de b lo c » dans E ducation P erm anente n° 116, 1993-3,
p. 97-107.
CONEIN B., 1990, « Pcut-on observer l ’interprétation ? » dans Les fo r m e s d e l ’action,
sém a n tiq u e et sociologie, Raisons pratiques, EHESS,31 1-333.
COURTILLON J., 2001, « L a grammaire dans l’enseignement-apprentissage
universitaire du FLE au Japon » in C. Puren (coord.) P ra tiq u es de l'e n se ig n e m e n t et
d e l ’a p p ren tissa g e d e la gra m m a ire, Etudes de linguistique appliquée, n°122, avril-
juin 2001, p. 153-164.
CUQ J.-P., GRUCA I., 2002, C ours de d id a ctiq u e du fra n ç a is langue étrangère et
seconde, Presses Universitaires de Grenoble, 427 p.
DABENE M., 1986, « Ralentir... travaux » dans E tudes de lin g u istiq u e appliquée, n°64,
octobre-décembre 1986, p.31-38.
DAMASIO A., 1995, L ’erreur de D escartes, Odile Jacob, Paris, 368 p.
DAMASIO A., 2002, Le sentim ent m êm e de soi, Odile Jacob Poche, 478 p.
242
241
243
242
244
243
MANNING B.-H., 1979, C ognitive Self-In stru ctio n f o r C lassroom p ro c esse s, State
University o f N ew York Press, N ew York, chapitres 1 et 2.
MOIRAND S., 1990, E nseigner à com m uniquer en langue étrangère, Hachette FLE,
189 p.
MOIRAND S., 1992, «Présentation» dans P arcours lin g u istiq u e d e disco u rs de
spécialité.
MOIRAND S., ALI BOUACHA A , BEACCO J.-C , COLLINOT A., 1992, Colloque
en Sorbonne, 23-25 septembre 1992, Peter Lang.
MONTREUIL S., 1995, « Formation à l ’ergonomie des professionnels impliqués dans la
conception et l ’organisation des systèmes de travail» dans E ducation P erm anente
n ° 1 2 4 ,1995-3, p. 29-40.
NOËL B., 1991, La m étacognition, Liège Bruxelles, de Boeck Université.
NOËL B„ ROMAINVILLE M„ WOLFS J.-L., 1995, « L a métacognition: facettes et
pertinence du concept en éducation», in R evu e F ra n ça ise de p é d a g o g ie , n°112,
juillet, août, septembre 1995, p. 47-56.
OCHANINE D., 1978, «Le rôle des images opératives dans la régulation des activités de
travail » dans Revue de R ech erch e des L a b o ra to ires A sso ciés au C N RS, n°259,
Université de Toulouse le Mirail, n°2, mai 1978, p. 63-72.
OMBREDANE A., FAVERGE J.-M., 1955, L 'analyse du travail, PUF.
PAMBIANCHT G, 1999, «Description d’une démarche d’observation pour l’analyse de
l’enseignement de l’anglais langue étrangère en Chine » dans Etudes d e Linguistique
A ppliquée, n°144, p. 189-208.
PESCHEUX M., 1998, « Discours à propos du travail : effets fondateurs-formateurs de
l’activité linguistique », in Anne LAZAR (Coord.), les A ctes du C olloque « L a n g a g e
et tra va il : enjeu de fo rm a tio n », Réseau « Langage et travail »-INRP-CNAM, Paris,
1998a, p. 376-381.
PESCHEUX M., 2001, «D iscours de sujets sur leur activité: pour une approche
pragmatique linguistique de la pratique de recherche », in J.-M. BARBIER (dir.),
Q uestions de recherche en E ducation n°2, INRP, 2001 a, p. 137-155.
PESCHEUX M., 2001, Thèse, 2001b.
PESCHEUX M., 2002, « Analyses de pratiques de l’enseignement du FLE : pour une
évaluation de compétences langagières des apprenants en cours d’activité », in les
A c tes d es Jo u rn ées d ’études organisées p a r l ’A sso cia tio n des L in g u istes de
l ’E n seig n em en t S u p érieu r (A.L.E.S.), « P roblém atiques du F L E », 21 juin 2002.
PETIT J.-L. « L’action intentionnelle » dans Les fo r m e s de l ’action, sém a n tiq u e et
sociologie. Raisons pratiques, EHESS, p. 71 -84.
PEYTARD J,, 1992, « D e l’altération et de l’évaluation des discours» dans P arcours
lin guistique de disco u rs de sp é cia lité , p. 69-80, colloque en Sorbonne (23-25
septembre 1992), MOIRAND, S., ALI BOUACHA A., BEACCO J.-C., COLLINOT
A., Peter Lang.
PHARO P., 1993, L e sens de l ’action e t la com préhension d ’autrui, L ’Harmattan,
Logiques Sociales, 280 p.
PHARO P., QUERE L., 1990, « Introduction » dans Les form es de l ’action, sém antique et
sociologie, Raisons pratiques, EHESS, p. 7-12.
PHARO P., 1990, « La question du pourquoi » dans Les fo r m e s de Faction, sém a n tiq u e
et sociologie, Raisons pratiques, EHESS, p. 267-309.
PIAGET J., 1974, La p r is e d e conscience, PUE, 1974a.
PIAGET J., 1974, R éu ssir e t c om prend re, PUF, 1974b.
245
244
PINARD A., 1992, M étaconscience et m éta co g n itio n , Canadian Psychology, Vol. 33,
n ° l,p . 27-41. "
PINEAU G., et Le GRAND J.-L., 1993, Les histoires d e vie, PUF.
PORQUIER R., 1977, « L’analyse des erreurs, problèmes et perspectives» dans Etudes de
linguistique appliqués , n°25, p. 23-43.
PUREN C. 1999, « Observation de classes et didactique des langues » dans E tudes de
L in g u istiq u e A p p liq u é e n °l 14, p. 133-140.
PUREN C., 2003, « Pour une didactique comparée des langues-cultures » in E tudes de
L in g u istique A ppliquée, n°129.
PUREN C., BERTOCCHTNT P., COSTANZO E., 1998, 5e fo r m e r en d id a ctiq u e des
langues, Ellipses, Editions Marketing SA, 205 p,
PY B., 2000, « Didactique des langues étrangères et recherche sur l’acquisition. Les
conditions d’un dialogue » dans Etudes de L inguistique A ppliquée n°120, p. 395-405.
QUERE L ., 1990, « Agir dans l’espace public », in Pharo P., Quéré L. (dir.) L es fo rm e s
d e l ’a ctio n , R aisons p ra tiq u e s, EHESS, Paris, 343 p.
QUIVY R., V A N CAMPENHOUDT L., 1988, M a n u el de R ech erch e en Sciences
Sociales, Dunod, 271 p.
RTCOEUR P., 1983, Tem ps e t récit, Tome 1, édition du Seuil, 320 p.
RTEGEL M., PELLAT J.-C., RÏOUL R., 1997, G ram m aire m éth o d iq u e du fra n ç a is,
PUF, Paris, 646 p.
RIVERS W., 1990, « Les dix principes de l’apprentissage/ enseignement interactif des
langues » in E tudes de L in g u istiq u e A p p liq u ées, n°77, p. 47-61.
RIVIERE A., 1990, La psychologie de Vygostki, Mardaga éditeur, 152 p.
RIVIERE V., 2002, « Analyse interactionnelle de l ’activité prescriptive de l ’enseignant
en classe d’enfants non francophones » in C olloque In tern a tio n a l « La d idactique
des langues fa c e au x cultures linguistiques e t éducatives », Paris, 12-14 décembre
2002 .
ROMAINVILLE M., 1993, S a v o ir p a r le r de ses m éthodes, de Boeck Université.
RUPH F, 1996, Les fo n d e m e n ts théoriques de l ’éducation cognitive. Université du
Québec en Abitibi Témiscamingue.
RUPH F., 1999, L es effets d ’un p ro g ra m m e p a rtic u lie r d ’éducation cognitive, l ’atelier
d ’efficience cognitive, su r le ch a n g em en t d es stra tég ies d ’ap p ren tissa g e d ’étudiants
u n iversitaires, Thèse de Ph. D. Sciences de l ’Education, option andragogie,
Université de Montréal, 305 p.
SALINS de, G-D, 2000, « Didactique du FLE/acquisitionnisme : convergences et
divergences de v u e » dans E tudes d e L inguistique A p p liq u ée, n°120, octobre-
décembre 2 0 0 0 ,p . 419-433.
SAMURÇAY R., PASTRE P., « La conceptualisation des situations de travail dans la
formation des compétences », E ducation P erm a n en te, 07/1995, n°123, p. 13-31.
SANTACROCE M., 2000, « Vers une grammaire transitionnelle : faire de la grammaire ou
laisser la grammaire se faire » in Etudes de Linguistique Appliquée, n°120, octobre-
décembre 2 0 0 0 ,p .433-439.
SCHÔN D.-A., 1996, « A la recherche d’une nouvelle épistémologie de la pratique et de
ce qu’elle implique pour l ’éducation des adultes », in Barbier J.-M, (dir.), Savoirs
théoriques et sa vo irs d ’action, PUF, p. 201-223.
SCHÔN D.A., 1994, L e p ra tic ie n r é fle x if à la recherche du sa vo ir ca ch é dans l ’agir
p ro fessio n n el, Les Editions Logiques, Québec, 418 p.
SCHWEBEL M, MAHER C.-A., FAGLEY N., 1990, P ro m o tin g co g n itive g ro w th over
the life span, Hillsdale, N ew Jersey, Lawrence Erlbaum Associates, chapitre 1.
246
245
247
246
248
247
R e m e r c ie m e n t s
Enfin, s’il est d’une grande banalité de dire qu’on a beaucoup appris de
ses étudiants, je ne peux que remercier : Peggy, Sarah, Sara, Tatiana, Elena,
Julien, Loïc, Corinne, Lucie, Jana, Nadège, Odile, Eliana, Coralie, Isabelle,
Yann et beaucoup d’autres que je ne peux tous citer mais que je n ’oublie pas.
Leurs interrogations et leur créativité ont alimenté mon intérêt pour écrire ces
pages qui leur sont adressées.
248
249
I n d e x t h é m a t iq u e
252
251
In d e x d e s a u t e u r s
P e s c h e u x M . 7 0 , 126, 171 R o s e n E . 1 2 3 ,2 1 7
P e y ta rd J . 6 6 R u p h F. 175, 1 7 6 , 199
P h a ro P. 52, 5 7 , 58 S a lin s d e , G .-D . 1 2 7 , 137, 191
P ia g e t J. 18, 2 2 , 2 4 , 2 5 , 2 6 , 2 9 , 3 0 , 3 1 , 3 2 , S a n ta c ro c e M . 149, 1 5 5 , 2 2 0 ,2 2 1 , 2 2 9
33, 35, 38, 4 0 , 42, 4 3 , 79, 80, 87, 98, S c h a e ffe r J.-M , 6 0 , 163
197, 2 2 5 , 2 2 6 , 2 2 7 , 2 3 7 S c h ò n D .-A . 2 2 , 7 9 , 8 0 , 8 5 , 8 7 , 9 4 , 102,
P in a rd A . 40 1 2 7 ,2 2 5
P in e a u G , 56 S e a rle J.-R . 59
P o r q u ie r R . 3 9 , 106, 1 0 7 , 1 1 0 , 1 1 3 , 1 2 3 , 127, S tirm a n -L a n g lo is 1 2 3 , 1 3 2 , 2 0 8 ,2 0 9
148, 149, 1 5 1 , 1 5 2 , 153, 154, 155, 187, T e ig e r C . 6 8 , 6 9 , 7 0 , 7 1 , 7 2 , 7 4 , 7 5 , 76
188, 189, 2 0 0 , 2 0 2 , 2 1 7 , 2 1 8 , 219, 226, T h é v e n o t L . 59
227, 228, 229 T o c h o n F -V . 7 8 , 7 9
P u re n C. 9 3 , 9 4 , 9 5 , 9 8 , 9 9 , 100, 101, 102, T ro c m é -F a b re H . 4 0
103, 108, 109, 1 1 4 , 116, 118, 119, 120, V e rg n a u d G . 18, 2 9 , 3 3 , 3 4 , 4 0 , 74
122, 125, 127, 1 4 0 , 183, 198, 200, 211, V e rm e rs c h P. 2 1 , 2 4 , 7 1 , 2 2 2 , 2 2 3
227, 235 V é ro n iq u e D . 2 2 9
P y B . 12, 108, 1 2 6 , 149, 1 5 2 , 1 5 4 , 181, 182, V ig n e r G . 1 6 4 , 165, 189
183 V is e lth ie r B . 201
Q u é ré L . 5 7 , 5 8 , 59 V y g o s tk i L . 18, 2 9 , 3 5 , 3 6 , 3 7 , 3 8 , 4 1 , 7 5 ,
R ic œ u r P. 19, 4 7 , 4 8 , 4 9 , 5 0 , 5 1 , 5 2 , 5 7 , 58 1 7 4 , 1 7 5 , 2 0 1 ,2 3 5
R iv e rs W . 192 W a e n d e n d rie s 1 2 3 , 132, 2 0 8 , 2 0 9
R iv iè re A . 3 5 , 3 7 , 1 2 3 , 1 7 4 , 1 7 5 , 187 W a tz la w ic k 2 1 2
R o m a in v ille M . 3 8 , 4 0 W r in g e C . 123
254
253
Mise en page
Sylvie Wojciechowski-Goulard
Alise
47120 Sainte-Colombe de Duras
254
L’Harmattan, I talia
V iaD e g li A rtisti 15 ; 10124 Torino
L’Harmattan Hongrie
K ônyvesbolt; Kossuth L. u. 14-16
1053 Budapest
L’Harmattan Guinee
A lm am ya Rue KA 028
En face du restaurant le cèdre
OKB agency B P 3470 Conakry
(00224) 60 20 85 08
harm attanguinee@ yahoo.fr
L’Harmattan Mauritanie
Espace El K ettab d u livre francophone
N D472 avenue Palais des Congrès
BP 316 N ouakchott
(0 0 2 2 2 )6 3 25 980
L’Harmattan Cameroun
BP 11486
Yaoundé
(00237) 458 67 00
(00237) 976 61 66
harm attan cam@ y ahoo. fr
255