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Principes de microéconomie

Yannick Gabuthy

Université de Lorraine

1
Déroulement du cours

Partie 1 : Monopole

Partie 2 : Oligopole

Partie 3 : Concurrence monopolistique et


différenciation des produits

Partie 4 : Politique de la concurrence

Partie 5 : Sur le marché du travail


2
Références bibliographiques

Pyndick et Rubinfeld (2012), Microéconomie, Pearson

Krugman et Wells (2015), Microéconomie, De Boeck

Varian (2015), Introduction à la microéconomie + Analyse


micréconomique, De Boeck

Julien et Picard (2011), Eléments de microéconomie,


Montchrestien.

Combe (2016) Politique de la concurrence, La Découverte.

3
Introduction

4 principales structures de marché :

§ Concurrence parfaite
§ Monopole
§ Oligopole
§ Concurrence monopolistique

4
Les produits sont-ils différenciés?

Non Oui

Un Monopole Impossible

Combien y a-t-il
de producteurs? Peu Oligopole

Concurrence Concurrence
Beaucoup parfaite monopolistique

5
Partie 1. Le monopole

Comment détermine-t-il son prix et sa production ?

Comment cette structure affecte-t-elle le bien-être social ?

Les pouvoirs publics doivent-ils réguler ?

Pourquoi avons-nous de la discrimination par les prix lorsque


les producteurs ont un pouvoir de marché ?

Quelle forme cette discrimination prend-elle ?

6
Définition : un monopoleur est une firme qui est le seul
producteur d’un bien qui n’a pas de substituts proches.

Secteur d’activités contrôlé par un monopoleur = Monopole.

Le monopole a donc un pouvoir de marché (capacité


d’augmenter son prix au-dessus du niveau concurrentiel en
réduisant sa production).

Pourquoi ? Profits > 0 (≠ CPP)

CPP : les firmes sont preneuses de prix, tandis que les


monopoles sont conscients du fait qu’ils peuvent influencer le
prix et choisissent les quantités en conséquence.

Ex : De Beers qui maintient la rareté (conglomérat diamantaire


sud-africain, 90% de part de marché dans les années 80). 7
1.1. Existence des monopoles

Pourquoi d’autres firmes ne sont-elles pas attirées par des


perspectives de profit positives ?

Pourquoi d’autres firmes n’essayent-elles pas d’entrer sur le


marché ?

Existence de barrières à l’entrée du marché.

§ Contrôle d’une ressource rare


§ Economies d’échelle
§ Supériorité technologique
§ Barrière d’origine gouvernementale
8
Contrôle d’une ressource : mines de diamants, puits de pétrole,

Economies d’échelle : rendements d’échelle croissants.


= Secteurs avec CF élevés et Cm constants.
C(q) = CF + cq ; CM(q) = CF/q + c ; CM’(q) < 0.
Chaque unité suppl. coûte moins chère que le coût unitaire
moyen des unités déjà produites.
Ex : SNCF, France Telecom, … = Monopoles naturels
Avec rendements croissants, les firmes installées ont un
avantage sur tout nouvel entrant et les firmes de grande taille
sont plus profitables que les petites.
9
Supériorité technologique : avance technologique peut générer
une position de monopole.

Cependant :

§ Barrière de CT : à LT, les followers améliorent leurs


technologies ou imitent et rattrapent le leader.
Ex : Intel et AMD (microprocesseurs) ; Apple et Samsung.
§ Rôle des externalités de réseau (valeur que les
consommateurs attribuent au bien augmente avec le nombre
d’utilisateurs de ce bien).

Ex : réseaux sociaux, téléphonie mobile, …

10
Barrière gouvernementale : brevets, droits d’auteur.

Objectif : permettre aux firmes de rentabiliser les


investissements en R&D (incitations à investir).

Le secret est également une source de protection importante


(ex : coca-cola).

North (prix Nobel, 1993) : le développement de la propriété


intellectuelle a permis la croissance (phénomène récent car
propriété intellectuelle récente).

11
1.2. Comportement des monopoles

p(q) : fonction de demande inverse.

C(q) : fonction de coût du monopole.

Recette du monopole : R(q) = p(q)q.

Programme de maximisation :

12
Concrètement, pour maximiser son profit, le monopole
compare le Cm et la Rm :

§ Si Rm > Cm : produire plus permet d’accroître le profit.


§ Si Rm < Cm : produire davantage réduit le profit.

Donc, production jusqu’à Rm = Cm (optimalité).

13
Equation valable pour toute firme qui maximise son profit.

Mais q* différents (CPP/Monopole) en raison de la forme de la


courbe de demande dans chaque cas.

§ CPP : D parfaitement élastique (D = prix du marché). Sa


courbe de demande est donc horizontale.

Rm = p (puisque R(q) = pq), donc p = Cm.

§ Monopole : seul offreur sur le marché. Sa courbe de D


correspond donc à la courbe de D du marché (décroissante).

14
Courbe de demande d’une firme en Courbe de demande d’un
Prix concurrence parfaite Prix monopole

Prix de D
C
marché

D
M
Quantité Quantité

15
Exemple numérique : De Beers et la vente de diamants.

P Q RT = P*Q Rm=ΔRT/ΔQ P Q RT = P*Q Rm=ΔRT/ΔQ


1000 0 0 500 10 5000
950 -50
950 1 950 450 11 4950
850 -150
900 2 1800 400 12 4800
750 -250
850 3 2550 350 13 4550
650 -350
800 4 3200 300 14 4200
550 -450
750 5 3750 250 15 3750
450 -550
700 6 4200 200 16 3200
350 -650
650 7 4550 150 17 2550
250 -750
600 8 4800 100 18 1800
150 -850
550 9 4950 50 19 950
50 -950
500 10 5000 0 20 0
16
La RT commence par augmenter avec la production puis se met
à diminuer (Rm négative).

En effet, la hausse de la production par un monopole a deux


effets opposés sur sa RT :

§ Effet quantité : une unité vendue de plus augmente la RT à


hauteur du prix auquel cette unité est vendue (pΔq avec Δq>0).

§ Effet prix : pour vendre cette dernière unité, le monopole doit


réduire le prix de toutes ses unités, ce qui réduit la RT (qΔp
avec Δp<0). NB : pas d’effet prix en CPP.

Effet total : ΔRT = pΔq+qΔp


Rm = ΔRT/Δq = p+(Δp/Δq)q

17
P Q RT = P*Q Rm=ΔRT/ΔQ P Q RT = P*Q Rm=ΔRT/ΔQ
1000 0 0 500 10 5000
950 -50
950 1 950 450 11 4950
Effet total < 0
850 -150
900 2 1800 400 12 4800
750 -250
850 3 2550 Effet P 350 13 Effet Q
4550
650 -350
800 4 3200 300 14 4200
550 -450
750 5 3750 250 15 3750
450 -550
700 6 4200 200 16 3200
Effet P Effet Q 350 -650
650 7 4550 150 17 2550
250 -750
600 8 4800 100 18 1800
150 -850
550 9 4950 50 19 950
50 -950
500 10 5000 0 20 0
Effet total > 0
18
Demande et recette marginale
Prix, coût, recette
marginale
1,000€
Effet-quantité =
A B +$500
550
500
Effet-prix =
-$450
C
50 D
0 9 10 20
–200 Recette marginale = $50
Rm
–400
Quantité de diamants
Recette totale

Recette L’effet quantité domine l’effet L’effet prix domine l’effet quantité
totale prix

5,000€
4,000
3,000
2,000
1,000
RT
0 10 20
Quantité de diamants
19
Du fait de l’effet prix :
§ Rm < p : la courbe de Rm du monopole est toujours en-
dessous de sa courbe de demande.
§ p > Cm : le prix de vente du monopole est toujours supérieur
à son Cm (≠ CCP où p = Cm).

NB : l’effet prix domine pour des niveaux élevés de production


(voir courbe de RT ; car pas besoin de réduire fortement le prix
pour écouler de faibles quantités).

Monopole / CPP :
§ Production plus faible.
§ Prix plus élevé.
§ Profit > 0.
20
Une illustration avec CF = 0 et Cm constant :
Prix, coût, recette
marginale des
diamants
1,000€ Point optimal du
monopole

B
P 600
M
Point optimal du secteur
Profit du parfaitement concurrentiel
monopole
P 200 Cm = CTM
C A C
D
0
8 10 16 20
Quantité de diamants
–200 Q Q
M Rm C
–400

Profit du M = QM(PM - CTM) = 8*400 = 3200. Profit de


CPP = 0.
21
Mathématiquement (cas continu) :

R(q) = p(q)q (1)

max R(q) − C(q)


q

CPO : R'(q) − C '(q) = 0 ⇔ Rm = Cm (2)

Or (1) : R'(q) = p(q)+ p'(q)q

CSO : R''(q) − C ''(q) ≤ 0


⇔ R''(q) ≤ C ''(q)

22
La CPO donne la quantité produite optimale (q*)

Recette totale = p(q*)q*


Profit total = RT(q*) – CT(q*)

= p(q*)q* - CTM x q*

= [p(q*)-CTM]q*

Remarques :
- CTM ne dépend pas de q car hypothèse de Cm constant (CT(q)
= cq, tel que CTM = Cm = c).
- La RM est égale à la demande : RM(q) = p(q). Donc RM(q) >
Rm(q).
23
Nous retrouvons les éléments du graphique :

Demande linéaire : p(q) = 1000 – 50q

RT(q) = p(q)q = 1000q – 50q2

Rm(q) = p(q)q = 1000 – 100q

Cm = CTM = 200

CPO : Rm(q) = Cm, ce qui donne q* = 8, p* = 600, RT(q*) = 4800


et Profit = 3200.

24
Avec Cm variable :

Prix, coût,
recette
marginale
Cm
CTM
B
P
M

Profit du
monopole
A
D
CTM
M C

Rm

Q Quantité
M

25
Nous avons vu que le monopole tarifait au-dessus du coût
marginal.
Mais de quoi dépend cette différence ?

1/ε(q)
Effet quantité :
Effet prix :
chaque unité
suppl. nécessaire
baisse du prix.
rapporte p.

26
(Indice de Lerner)

Par conséquent :
§ p(q) > Cm(q) (car ε(q) < 0).
§ Plus la demande est élastique, plus le prix sera proche du coût
marginal (le monopole ne peut profiter de son pouvoir de
marché).

27
1.3. Régulation des monopoles

Les monopoles pratiquent des prix plus élevés que les prix
concurrentiels et restreignent les quantités échangées.
Ils réalisent des bénéfices mais réduisent le surplus des
consommateurs.

Or, perte du consommateur > gain du monopole.

Donc réduction du bien-être social.

28
Réduction du bien-être social (illustration avec CF = 0 et
Cm constant) :

Surplus total en concurrence parfaite Surplus total en monopole


Prix, Prix, coût,
coûts Surplus du recette Surplus du
consommateur en marginale consommateur en
concurrence parfaite monopole

P Profit
M
Perte nette

P Cm = CTM Cm = CTM
C
D D
Rm
Q Quantité Q Quantité
C M

29
Avec Cm variable :
Surplus total en concurrence parfaite Surplus total en monopole

NB : Perte nette = Perte sèche = charge morte.

30
Faut-il prévenir l’apparition et le maintien de situations de
monopole ?
A priori, oui.
De nombreux monopoles ont été démantelés dans l’histoire
récente. Ex : Standard Oil (1911).

Autorités veillent au respect de la concurrence (contrôle des


fusions, sanction des abus de position dominante, interdiction
des ententes, …).
France : Autorité de la concurrence ; UE : Commission
Européenne ; USA : Federal Trade Commission.

Voir Partie 4 sur la Politique de la concurrence …

31
Mais exceptions :
- Lorsqu’il apparaît préférable que les quantités échangées
soient faibles …

- Monopole naturel : les autorités sont confrontées à un


dilemme.

Perte de bien-être social (p > Cm) mais CM plus faible qu’un


producteur plus petit (rendements croissants car CF élevés et
Cm constant).

Ex : si une municipalité empêche une entreprise de dominer


l’offre locale de gaz, risque d’augmentation du coût de la
fourniture de gaz aux résidents.

32
Quelles solutions ?

- Propriété publique : au moins le temps d’amortir les coûts


fixes (France Telecom, EDF/GDF, La Poste, …).
Mais la propriété publique peut générer une perte d’efficacité.
à Efficacité des quasi-marchés ?

- Séparation infrastructures/service. Monopole sur la partie fixe


des coûts (gestion de l’infrastructure) et concurrence sur la
partie variable (production et distribution du service).

Ex : SNCF qui exploite les lignes ferroviaires et RFF qui gèrent


l’infrastructure.

- Régulation des prix.


33
Comment réguler les prix ?

- Tarification au coût marginal. Mais monopole non viable dans


ce cas :
C(q) = CF + cq ; CM(q) = CF/q + c.
Π = pq – C(q) = [p – CM(q)]q < 0 (car CM(q) > p = c)
Possibilité de subventions mais coûteux pour le contribuable
(d’où réduction du bien-être social).

- Tarification au coût moyen (Ramsey-Boîteux). Solution


adoptée en général, mais problème potentiel lié à l’existence
d’asymétries d’information sur les coûts de production du
monopole (Laffont et Tirole).
34
Surplus total avec un monopole Surplus total avec un
naturel non régulé monopole naturel régulé

Prix, coût et Prix, coût


revenu Surplus du conso marginal et Surplus du
marginal revenu conso

Profit
P P
M M

CTM P* CTM
R
Cm Cm
D D
Rm Rm
Q Quantité Q Q* Quantité
M M R

Situation optimale du
MAIS : mise en œuvre délicate… point de vue social

35
1.4. Discrimination par les prix

Hypothèse jusqu’à maintenant : monopole à prix unique


(facture le même prix à tous les consommateurs)
En réalité, de nombreux monopoles pratiquent une
discrimination par les prix (deux unités d’un même bien sont
vendues à des prix différents).
Ex : billets de train (-25 ans, seniors, familles nombreuses,
réservation en avance, …), minutes de tél. mobile, …
Pas de discrimination par les prix en CPP.

Y a-t-il discrimination lorsque les coûts et la qualité du bien


sont différents (ex : billets 1ère versus 2nde) ? Oui, si ratio des
prix entre deux unités > ratio des Cm.
36
Types de discrimination (Pigou, 1920) :

Discrimination au 1er degré (parfaite) : chaque consommateur


achète chaque unité à un prix égal à sa disposition à payer.

Discrimination au 2ème degré : le prix auquel est facturé chaque


unité dépend du volume de consommation individuel. Ex : droit
d’accès + facturation à la consommation, forfait, …

Discrimination au 3ème degré : discrimination par segments de


consommateurs ou classes d’usage, définis a priori.

Principe de base : essayer de fixer un prix qui se rapproche le


plus possible de la disposition à payer du consommateur.

37
Discrimination au 1er degré illégale : le monopole s’accapare
l’intégralité du surplus du consommateur.

Ex : artisan qui fixerait son tarif en fonction de la richesse


estimée du client ou de l’urgence de la réparation.
Droit de la consommation impose l’affichage des prix afin de
fixer l’offre avant la transaction.
Solution : pratiquer des règles qui ont indirectement pour effet
d’imposer des tarifs différents à différents types de
consommateurs (discrimination au 3ème degré).
Ex : tarif plus faible si le voyageur passe le week-end sur place,
tarif plus faible en réservant longtemps à l’avance, …
NB : plus le nombre de prix différents est grand, plus le
monopole peut se rapprocher de la discrimination parfaite.
38
Discrimination par prix avec 2 prix différents Discrimination par prix avec 3 prix différents
Prix, Prix,
coût coût

Profit avec Profit avec 3


P
deux prix élevé prix
P
élevé
P
moyen
P
faible P
faible
Cm Cm

D D

Quantité Quantité
Vente aux Vente aux Vente aux Vente aux Vente aux
consommat consommat consomma consommat consommat
eurs ayant eurs ayant teurs ayant eurs ayant eurs ayant
une DAP une DAP une DAP une DAP une DAP
élevée faible élevée moyenne faible

39
Discrimination par les prix parfaite

Prix, coût

Profit avec discrimination parfaite

Cm

Quantité

40
Discrimination au deuxième degré :
Sur certains marchés, la disposition à payer des
consommateurs baisse avec la quantité consommée.
Ex : électricité. En effet, le consommateur peut être prêt à
payer cher les 100 premiers kwh pour faire fonctionner le
réfrigérateur et l’éclairage mais sera enclin à faire des
économies pour le reste.
Principe : prix unitaires décroissants avec la quantité.
Ex : 1 baguette pour 1€, 4 baguettes pour 3€ ; tarification par
lot.

Intérêt pour le monopole : produire davantage, sachant que les


rendements sont croissants (économies d’échelle).

41
L’offre d’électricité par EDF (tarification par lot) :

C < 6 000 kWh/an C > 11 000 kWh/an

6 000 < C < 11 000


42
- Sans discrimination, le prix de monopole
serait P2M (tel que Rm = Cm).
- Avec discrimination, 4 prix différents selon
les quantités consommées.
- La discrimination améliore le profit du
Prix
monopole et peut améliorer le bien-être des
P1
conso. (certains prix plus faibles et
augmentation des quantités).
M
P2M

P3

C
P4C Cm = CTM

D
Rm

Quantité
Q1 Q2 Q3 Q4

43
Discrimination au troisième degré :
Principe : le monopole segmente son marché en plusieurs
groupes pour lesquels les prix sont différents.
Pratique très courante :
- Tarifs jeunes versus seniors.

- Marques de distributeur versus grandes marques.


- Industrie automobile et segmentation géographique : prix
différents selon localisation.

44
En pratique, le monopole doit :

1. Identifier les consommateurs afin de les classer en


différentes catégories.
Possible grâce à plusieurs éléments observables ou
mécanismes d’autosélection.
Etudiants grâce à leur carte, localisation géographique pour
l’achat automobile, grandes marques attirent les
consommateurs qui y attachent de l’importance.

2. Fixer les prix de vente.


P1 pour le 1er groupe ; P2 pour le 2nd.
C(QT) : coût total de production (QT = Q1+Q2); Même Cm.

45
π = P1Q1 + P2Q2 − C(QT )

⇒ Rm1 = Rm2 = Cm

La recette marginale doit être la même pour tous les consommateurs.


! 1$
Or, Rm = P #1+ & (voir diapo. 30)
" ε%

! 1$ " 1%
Rm1 = P1 #1+ & $1+ '
" ε1 % P # ε2 & Faire payer plus aux
⇒ 1= consommateurs dont l’élasticité
! 1$ P2 " 1 %
Rm2 = P2 #1+ & $1+ ' est la plus faible.
" ε2 % # ε1 &

Si ε1 = -2 et ε2 = -4, alors p1/p2 = 1,5 (les conso. 1 paieront 50% + cher).


46
Attention : la discrimination par les prix n’est pas toujours
profitable pour le monopole.

- Discrimination au 2ème degré : la perte liée à la baisse du prix


avec les quantités consommées peut ne pas être compensée
par les rendements croissants.

- Dicrimination au 3ème degré : si la demande de la catégorie 2


est faible et le Cm fortement croissant, il est possible que le
coût supplémentaire pour produire et vendre à cette catégorie
soit supérieur aux revenus supplémentaires.

Dans ce cas : prix unique et vente à la catégorie la plus


importante.

47
Partie 2. L’oligopole

Quelles sont les caractéristiques et origines d’une telle situation


?

Pourquoi les oligopoles sont-ils incités à agir d’une manière qui


réduit leurs profits ?

Pourquoi la collusion peut-elle être bénéfique et comment y


parvenir ?

48
Définition : industrie avec un petit nombre d’offreurs.

Forme très répandue de marché. Ex : téléphonie mobile,


industrie pharmaceutique, …
Elément clé : concurrence imparfaite (interactions stratégiques
; chaque firme a un certain pouvoir de marché).
Existence due aux économies d’échelle.

Comment reconnaître un oligopole ?


Indice de Hirschman-Herfindal (IHH) : somme des parts de
marché au carré.

IHH < 1000 : très concurrentiel.


1000 < IHH < 1800 : relativement concurrentiel.
IHH > 1800 : oligopole.
49
Exemples :

Industrie IHH Firmes les plus grandes

Systèmes 9 182 Microsoft, Linux


d’exploitation
d’ordinateurs
Avions gros porteurs 5 098 Boeing, Airbus
Extraction diamant 2 338 De Beers, Alrosa, Rio Tinto
Automobile 1 432 GM, Ford, Chrysler, Toyota, Honda,
Nissan, VW
Distributeurs de 1 096 Buena Vista, Sony Pictures, 20th
films Century Fox, Warner Bros, Universal,
Paramount, Lionsgate
Fournisseurs d’accès 750 SBC, Comcast, AOL, Verizon, Road
à internet Runner, Earthlink, Charter, Qwest
Vente au détail 321 Wal-Mart, Kroger, Sears, Target, Costco,
Walgreens, Ahold, Albertsons

50
Cas le plus simple : duopole.

Les interactions stratégiques peuvent être complexes :

- Intérêt à se montrer agressifs en pratiquant des prix faibles


afin de gagner des parts de marché.
- D’où intérêt à s’entendre pour maintenir des prix élevés.

- Mais une telle entente est-elle stable dans le temps ?

Dilemme …

Exemple : deux producteurs de lysine (additif utilisé dans les


aliments pour animaux).
Hypothèse : Cm = 0.
51
Prix de la lysine (au kilo) Quantité de lysine demandée Recette totale (millions)
(millions kgs)
12€ 0 0€

11€ 10 110€

10€ 20 200€

9€ 30 270€

8€ 40 320€

7€ 50 350€

6€ 60 360€

5€ 70 350€

4€ 80 320€

3€ 90 270€

2€ 100 200€

1€ 110 110€

0€ 120 0€

52
Si les firmes se font concurrence : qi = 120 et Πi = 0.
Mais les firmes peuvent comprendre que produire beaucoup
tire les prix et leurs profits vers le bas.
Elles pourraient s’entendre pour limiter la production
individuelle et augmenter leurs profits.
Cartel qui agit comme un monopole : fixer qi = 30, telle que Q =
q1+q2 = 60 et Πi = 180.

Exemples :
- Cartel des farines. Amende globale de 1,14 million d'euros
infligée à 3 meuniers en 2019.

- Cartel des revêtements de sols. Amende globale de 302


millions d'euros infligée aux 3 principaux fabricants en 2017.
53
2.1. Duopole et décisions simultanées

Chaque entreprise intègre la réaction de son concurrent dans


sa prise de décision en termes de production ou de prix.
Chaque entreprise détermine sa décision optimale, anticipant
que le concurrent fait de même.
= notion de meilleure réponse.
Couple de meilleures réponses = équilibre de Nash (J. Nash,
prix Nobel 1994).
Hypothèse ici : décisions simultanées.
Deux cas : concurrence en quantités (Cournot) ; concurrence en
prix (Bertrand).
54
Concurrence à la Cournot :

F1 anticipe que F2 produira une quantité q2.


Par conséquent, F1 anticipe une quantité totale Q = q1+q2 et un
prix p(Q).
Programme de maximisation de F1 :

Idem pour F2.


Par conséquent, q1* dépend de q2 : q1* = f(q2).

Et réciproquement : q2* = f(q1).


f(.) : fonction de réaction de la firme.
55
Courbe de réaction de F2
q1

Equilibre de Cournot

Courbe de réaction de F1

q2

A l’équilibre, chaque firme anticipe correctement le comportement de


son concurrent et maximise son profit (aucune incitation à dévier).
56
Illustration
Hypothèses :

- Fonction de D inverse linéaire (p(Q) = a – bQ), avec Q = q1+q2.


- ci = 0 (Cm nul).
max π 1
q1

= max p(Q)q1 − c1q1


q1

= max p(q1 + q2 )q1


q1

= max[a − b(q1 + q2 )]q1


q1

= max aq1 − bq12 − bq1q2


q1
57
Condition du 1er ordre : a − 2bq1 − bq2 = 0
* a − bq2 * a − bq1
⇔q = 1 ;q2 =
2b 2b
* * a
⇔ q1 = q2 =
3b

Application numérique : a = 30 et b = 1.

Fonction de réaction de la firme 1 : q1 = f(q2) = 15 – q2/2

Fonction de réaction de la firme 2 : q2 = f(q1) = 15 – q1/2

Quantités, prix et profits : q1* = 10 ; q2* = 10 ; p = 30 – (10 + 10)


= 10 ; Πi = 100.

58
q1 Courbe de réaction de F2

30

15 Courbe de réaction de F1

10

10 15 30 q2

59
Comme nous l’avons dit précédemment, les firmes pourraient
augmenter leurs profits si elles décidaient de s’entendre.
Dans ce cas : elles déterminent Q qui maximise le profit joint et
se le partage ensuite (cartel).
Ce cartel agit comme un monopole.

Ici : RT = (30 – Q)Q = 30Q – Q2 ; Rm = 30 – 2Q.


Or, Cm = 0. Donc 30 – 2Q = 0, tel que Q* = 15.
Si partage équitable des profits : q1* = q2* = 7,5 ; p = 30 – 15 = 15
; Πi = (Π1 + Π2)/2 = 112,5 (> Πi de Cournot).
Mais la collusion n’est pas si simple (incitation individuelle à
dévier).

60
Concurrence à la Bertrand : les entreprises fixent les prix et
laissent le marché déterminer les quantités.

≠ Cournot : les entreprises fixent les quantités et laissent le


marché déterminer les prix.
Hypothèse : les biens vendus sont homogènes.

Par conséquent : les consommateurs achèteront auprès de


l’entreprise qui pratique le prix le plus faible.
Dans ce cadre, seul équilibre possible : chaque firme fixe un
prix égal à son Cm (= équilibre de CPP) et partage du marché.
En effet, si une firme fixe p > Cm, alors l’autre peut fixer un prix
inférieur (capte toute la D et réalise un profit positif).
Sauf à former un cartel …
61
2.2. Duopole et décisions séquentielles

Jusqu’à maintenant, nous avons considéré qu’il n’y avait pas


d’asymétrie de pouvoir entre les firmes.

Comment caractériser un secteur dans lequel une firme serait


dominante ?

= duopole de Stackelberg.

Le leader “joue” en premier et le concurrent suit.

62
Leadership en quantités : le leader sort un nouveau produit en
anticipant la réaction de son concurrent (ex : Apple).
Hypothèses : fonction de D inverse linéaire (p(Q) = a – bQ) et
Cm = 0.
Firme 1 est leader et choisit de produire qL.

Firme 2 est suiveur : elle considère qL comme une donnée et


réagit (qS = f(qL)). ≠ Cournot : qL n’est pas anticipée mais
observée.
Stratégie du suiveur :

CPO : a − bqL − 2bqS = 0

a − bqL
On obtient : qS = f (qL ) =
2b
63
Stratégie du leader :

a
CPO : − bqL = 0
2
* a
⇔ qL =
2b
*
a − bq a
⇒ qS* = L
=
2b 4b

3a
Production totale du secteur :
* *
q +q =
L S
4b

64
Conclusions :

- Le leader produit davantage que le suiveur, ce qui implique un


profit plus élevé.

- La production totale du secteur est supérieure à celle de


Cournot (3a/4b versus 2a/3b).

- Le prix du marché est donc plus faible et la situation


préférable pour les consommateurs.

65
Leadership en prix : le leader fixe son prix en anticipant la
réaction du suiveur (ex : avantage en termes de coût lié à une
avance technologique).

Le suiveur forme la frange concurrentielle du marché : il


considère le prix comme une donnée.

Le suiveur suit le prix fixé par le leader et choisit la quantité qui


maximise son profit.

On retrouve le résultat de CPP : le suiveur maximise son profit


en égalisant son Cm au prix fixé par le leader.

Cette condition détermine la quantité produite par le suiveur


(c’est-à-dire sa courbe d’offre S(p)).

66
Le leader détermine sa courbe de demande résiduelle :
demande du marché qui, au prix p, n’est pas satisfaite par la
production du suiveur.
Quantité vendue par le leader : R(p) = D(p) – S(p).
Profit (avec Cm = c) :

Le leader choisit une combinaison de prix et quantité telle que


Rm = Cm (mais la Rm est celle qui est associée à la demande
résiduelle).
Autrement dit, le leader se comporte comme un monopole qui
ferait face à une partie seulement de la demande.

Le prix fixé par le leader est donc supérieur à son Cm (ce qui
traduit son pouvoir de marché).
67
Offre du suiveur
P
D du marché

D résiduelle (leader)

p* Rm du leader

Cm du leader

yS yL* yT* Q

68
Application numérique :

F1 : leader ; F2 : suiveur.

Supposons D(p) = a – bp

C1(q1) = cq1 ; C2(q2) = q22/2

Suiveur : Cm2 = q2 = p

Courbe d’offre du suiveur : q*2 = S(p) = p

Courbe de demande résiduelle pour le leader :


R(p) = D(p) – S(p) = a – bp – p = a – p (b+1)

69
70
Le leader pourrait exploiter sa position de manière à éliminer la
frange concurrentielle du marché (= fixer un prix tel qu’il capte
toute la demande et se retrouve en monopole).
Problèmes :
1. Ce comportement est interdit par les autorités
concurrentielles (prédation).
2. Cette stratégie est coûteuse à CT (baisse du prix en dessous
du prix optimal) et n’est pas nécessairement payante à LT :
- La prédation peut ne pas réussir.
- Même si la prédation réussit, le monopole peut avoir des
difficultés à se maintenir après hausse du prix.
3. Il est parfois avantageux de maintenir des concurrents de
faible taille (ex : IBM dans les années 70).

71
Récapitulatif (avec p = a - bQ ; Cm = c ; a > c) :

Bertrand Stackelberg Cournot Monopole

Prix c (a+3c)/4 (a+2c)/3 (a+c)/2

Quantité (a-c)/b 3(a-c)/4b 2(a-c)/3b (a-c)/2b

Profits totaux 0 3(a-c)2/16b 2(a-c)2/9b (a-c)2/4b

72
2.3. Collusion

= Coopération entre les firmes afin d’augmenter les profits


individuels.

Forme la plus exacerbée de collusion : cartel (accord qui


détermine ce que chacune est autorisée à produire).

Intérêt : générer et se partager un profit de monopole.

Mais incitation à dévier (comportement non coopératif).

73
Si cartel, firmes maximisent le profit joint Π(q1 + q2).

Lorsqu’une firme augmente sa production, elle est confrontée à


2 effets :
1/ Hausse du profit liée à la vente d’une unité suppl.
2/ Baisse du profit consécutive à la baisse du prix.
Au sein d’un cartel, chaque firme intègre ces effets dans sa
décision de production (prise en compte du profit total du
cartel).
74
Les cartels rencontrent une difficulté en pratique : incitation
individuelle à dévier de l’accord collusif.

Si chaque firme anticipe que l’autre respectera l’accord,


chacune sera incitée à augmenter sa production/baisser son
prix de manière à accroître son profit.

Situation d’interaction analysée par la théorie des jeux.

Jeu = ensemble de joueurs ; ensemble de stratégies ; gains.

Concept solution (issue de l’interaction) : équilibre de Nash.

75
Firme 1
Coopérer Dévier
Firme 2

Coopérer 20 ; 20 0 ; 30 *

Dévier * 30 ; 0 * 10 ; 10 *

Couple de meilleures réponses (équilibre de Nash) (Dévier ,


Dévier).

76
Firme 1
Coopérer Dévier
Firme 2

Coopérer πK ; πK πC ; πD*

Dévier * πD ; πC * πN ; πN *

πC < πN < πK < πD (dilemme du prisonnier)

77
Comment se fait-il que des cartels existent ?
Comment stabiliser la collusion ?

Répétition de l’interaction : gain de la collusion à LT > gain de


déviation à CT + concurrence à LT.
Condition : préférence pour le présent suffisamment faible.
Illustration : 2 firmes vendent des biens homogènes ; Cm = c ;
Concurrence à la Bertrand.
Jeu répété à horizon infini.
A chaque instant t = 0,1, … ,∞ les firmes fixent leurs prix
simultanément et conditionnellement aux prix pratiqués à la
période précédente.
78
δ < 1 : facteur d’escompte (valeur aujoud’hui d’un euro qui ne
sera obtenu qu’à la période suivante ; préférence pour le
présent).
Autre interprétation : probabilité que l’interaction continue à la
période suivante.
Les firmes formant le cartel adoptent une stratégie de cliquet
(trigger strategy) : je coopère tant que tu coopères et ne
coopère plus jamais si tu n’as pas coopéré.

Autrement dit : la firme i fixe p = pm (prix de monopole) si j a


coopéré et p = c (prix de CPP) pour toujours si j n’a pas coopéré.
La collusion est-elle soutenable ?

Comparaison des profits actualisés en cas de collusion et des


profits actualisés en cas de déviation.
79
Profits actualisés en cas de respect de l’accord collusif (hyp. : les
firmes se partagent le profit joint de manière égalitaire) :

e1 m 1 m 21 m
π = π + δ π + δ π +...
2 2 2
e 1 m 2
π = π (1+ δ + δ +...)
2
e 1 m" 1 %
π = π $ '
2 # 1− δ &

Profits actualisés en cas de déviation (p < pm) :


D m 2 m
π = π + δ 0 + δ 0 +... = π
80
Chaque firme a intérêt à respecter l’accord collusif si :
e D
π >π
1 m# 1 & m
⇔ π % ( > π
2 $ 1− δ '
1
⇔δ > =δ
2
Le cartel est soutenable si le facteur d’escompte est
suffisamment élevé (si les firmes valorisent suffisamment
l’avenir ou si l’interaction a une probabilité suffisante de
perdurer).
Objectifs des autorités concurrentielles : fragiliser le cartel en
agissant sur le facteur d’escompte et les gains de déviation.
81
Un cartel ne peut théoriquement pas apparaître en horizon fini.

L’interaction est répétée t fois.

Quel est l’équilibre de Nash du jeu ?

Raisonnement par induction à rebours (backward induction).

Dernière période : chaque firme a intérêt à dévier (car pas


d’avenir). Donc p = c.
t – 1 : chaque firme anticipe la déviation de l’autre à la dernière
période. Donc p = c.

etc … La coopération n’émerge jamais (folk theorem).

82
Au-delà de l’horizon d’interaction, un élément central favorise
la collusion : la concentration du marché.

Considérons un cartel constitué de n firmes.

Profits actualisés en cas de respect de la collusion :

e1 m" 1 %
π = π $ '
n # 1− δ &
D m
Profits actualisés en cas de déviation : π =π

Facteur d’escompte seuil :


" 1%
δ > $1− ' = δ
# n&
D’où le fait que les autorités concurrentielles surveillent le
degré de concentration (contrôle des fusions).
83
Résultats conformes aux observations empiriques :

Données expérimentales (Huck et al., 2001) : la collusion


émerge bien en horizon infini.

Quelques difficultés à simuler l’horizon infini.

Données réelles : 77% des cartels sanctionnés entre 1990 et


2003 par les autorités US concernaient des ententes entre 6
firmes ou moins.

13% seulement concernaient des ententes entre plus de 50


firmes.

84
Ex. de sanctions pécuniaires pour des ententes (OCDE, 2000) :

Affaire Sanction

Cartel mondial des électrodes en US : 300 millions de $ et peines de


graphite prison
Europe : 218 millions d’€

Entente relative au TGV 378 millions de francs

Entente mondiale des vitamines US : 1 milliard de $ et peines de


prison
Europe : 855 millions d’€

Entente mondiale sur la lysine et US : 200 millions de $ et peines de


l’acide citrique prison

85
Partie 3. Concurrence monopolistique

= Structure de marché dans laquelle il y a :


- Il y a un grand nombre de producteurs.

- Chaque producteur vend des produits différenciés.


- L’entrée et la sortie du marché sont libres (pas de collusion
possible).

Ex : vendeurs de chocolat dans un centre commercial, hôtels


dans une station balnéaire, producteurs de bière, …

86
Comment les firmes d’un même secteur différencient-elles
leurs produits ?

Enjeu crucial car pas de collusion possible : la différenciation


est le seul moyen d’échapper à la concurrence et d’acquérir un
certain pouvoir de marché.

Quel est leur comportement en matière de fixation du prix et


des quantités produites ?

87
Trois types de différenciation :

- Horizontale : offrir des caractéristiques différentes d’un même


produit (ex : coca-cola light, zero, …).

- Verticale : offrir des produits de qualité différente (ex :


Peugeot 208, 308, 508, …).

- Localisation géographique (ex : stations services, supérettes,


…).

Motivation commune : se rapprocher des préférences des


clients et acquérir un av. concurrentiel (prix > Cm).

Mesure du degré de différenciation : élasticité prix croisée.

88
Fondement de la différenciation : hétérogénéité des
préférences des consommateurs.

89
Remarques :
1. La différenciation horizontale n’est pas toujours avantageuse.
Dilemme entre effet prix (décentrage) et effet part de marché
(décentrage). Si effet part de marché > effet prix,
différenciation minimale.
Arguments (Tirole, 1988) :
- Absence de concurrence en prix : prix règlementés, absence
de prix (TV financée par la pub).
- Préférences trop homogènes des consommateurs (mimétisme
de programmation).
2. La différenciation verticale non plus (coût de la qualité).

90
Elément clé : la concurrence monopolistique combine des
caractéristiques du monopole et de la CPP.

- La firme offre un produit distinct. Monopole avec courbe de


demande décroissante et certain pouvoir de marché (capacité à
déterminer le prix de son produit).

- Mais la firme fait face à la concurrence. La quantité de biens


qu’elle peut vendre dépend des prix et quantités fixés par les
concurrents.

91
Considérons une situation dans laquelle : Cm croissant et CF > 0
(ce qui implique une courbe de CTM en U).

Par ailleurs, la firme ressemble à un monopoleur : demande


décroissante (ce qui implique Rm décroissante).

A court terme, 2 situations possibles selon la position de la


courbe de CTM par rapport à la demande (prix).

Dans le 1er cas, la firme réalise un profit positif.


Dans le 2nd cas, elle fait une perte (et ne peut rien faire de plus
que la minimiser).

Dans les 2 cas : prix fixé tel que Rm = Cm.

92
Firme Profitable Firme non-rentable
Prix,
Cm coût, recette
marginale Cm

CTM CTM

P
P
Profit
P Perte
CTM U
P

D D
P U
Rm Rm
P U
Q Quantité Q Quantité
P U
Quantité maximisant le profit Quantité minimisant la perte

93
A long terme :
- Les firmes qui font des pertes vont sortir du marché (car libre
sortie).
Equilibre de LT uniquement lorsque les pertes auront été
éliminées par la sortie de certaines firmes.

- Si les firmes existantes font des profits, certains concurrents


vont entrer sur le marché (car libre entrée).
Equilibre de LT uniquement lorsque perspectives de profit
auront été éliminées par l’entrée de certaines firmes.
Comment le profit d’une firme en place sera-t-il affecté ?

Etant donné que les produits différenciés visent les mêmes


clients, déplacement de la courbe de D (à laquelle la firme est
confrontée) et donc de la Rm.
94
Effets de l’entrée Effets de la sortie

Prix, Prix,
recette recette
marginale marginale
L’entrée déplace les La sortie déplace les
courbes de D et Rm vers courbes de D et Rm
la gauche vers la droite

D
D 2
Rm Rm D 1 Rm Rm D1
2 1 2 1 2
Quantité Quantité

95
Equilibre de LT atteint lorsqu’il n’y plus d’entrées ni de sorties :
lorsque chaque firme fait un profit nul.

A long terme, un secteur en concurrence monopolistique se


retrouve à l’équilibre de profit nul : les firmes en place sont tout
juste rentables.

Les firmes du secteur sont des monopoleurs sans profit (= CPP).

Graphiquement, la courbe de demande de chaque firme est


tangente à sa courbe de CTM.

96
Prix, coût, recette
marginale CMo : concurrence monopolistique

Cm

Point de tangence

CTM

Z
P = CTM
CMo

Rm D

Q Quantité
CMo
97
Comparaison CPP / Concurrence monopolistique :

Equilibre de LT en Equilibre de LT en concurrence


concurrence parfaite monopolistique

Prix, Prix,
coût, recette coût, recette
marginale marginale
Cm CTM Cm CTM

P = CTM
CMo
P = Cm = D= Rm = P
CP CP
CTM
Cm
Rm D
Q Quantité Q Quantité
CP CMo
Production minimisant le coût Production minimisant le coût
98
Différences entre CPP et concurrence monopolistique :
- Les firmes dans une industrie en concurrence monopolistique
ont une capacité excessive : elles produisent moins que la
production à laquelle le coût total moyen est minimisé (prix fixé
dans la partie décroissante de la courbe de CTM).

- Le prix excède le coût marginal (certains échanges


mutuellement bénéfiques ne sont pas donc exploités).

- Mais le prix plus élevé que les consommateurs payent à cause


d’une capacité excessive peut être compensé par le bien-être
qu’ils retirent d’une plus grande diversité.
- Par conséquent, difficile de déterminer si la concurrence
monopolistique est source d’inefficience.

99
Partie 4. Politique de la concurrence

Postulat économique : l’équilibre de CPP est bénéfique pour le


bien-être collectif.
- Le profit des producteurs est nul (prix = Cm).
- Le surplus des consommateurs est maximal.
→ Cet équilibre maximise la quantité de richesse produite.

Préoccupation des autorités publiques à l’égard du respect de la


concurrence et inclination des producteurs à s’en départir:
Stratégies commerciales (différenciation).
Stratégies anticoncurrentielles.
→ Nécessité d’un droit et d’une politique de la
concurrence.
100
L’histoire du droit de la concurrence commence aux Etats-
Unis (fin XIXème siècle) :

Industrie manufacturière représente 65% du PNB et est


fortement concentrée (1er trust: Standard Oil, J.
Rockefeller, 1882).

Pression politique des mouvements populistes qui voient


dans les trusts les responsables du déclin des petits
artisans et agriculteurs.

101
Premières lois fédérales (Congrès américain) :

• Sherman Act (1890) : condamnation des entraves à


la libre concurrence (mais absence de définition →
liberté des tribunaux).

• Clayton Act (1914) : liste de pratiques prohibées


(accords de distribution exclusive, ventes liées, …).

• Federal Trade Commission Act (1914) : création


d’une autorité de la concurrence indépendante de
l’exécutif.

Démantèlement de la Standard Oil en 34 unités


(en 1911).
102
Institutions françaises

Jusqu’en 2008 : coexistence de deux autorités en charge


de la concurrence.

ü La DGCCRF (ministère de l’Economie): phase 1 du


contrôle des concentrations et réalisation des enquêtes
pour les procédures contentieuses.

ü Le Conseil de la concurrence (autorité indépendante):


phase 2 du contrôle des concentrations et
instruction/jugement des procédures contentieuses.

A partir de 2009 : une seule « Autorité de la


concurrence » (émanation du Conseil) et un contrôle par
les juridictions classiques d’appel et de cassation.
103
Présentation de l’Autorité de la concurrence
(https://www.autoritedelaconcurrence.fr/fr)

« … autorité administrative indépendante, spécialisée


dans le contrôle des pratiques anticoncurrentielles,
l'expertise du fonctionnement des marchés et le
contrôle des opérations de concentration. Au service
du consommateur, elle a pour objectif de veiller au
libre jeu de la concurrence et d'apporter son concours
au fonctionnement concurrentiel des marchés aux
échelons européen et international. »

104
Deux modalités d’action :

Un contrôle ex-ante via le contrôle des concentrations


entre entreprises (par fusion ou acquisition).

► Objectif : éviter la création ou le renforcement d’une


position dominante (susceptible de donner lieu à des
abus).

Un contrôle ex-post des stratégies anticoncurrentielles.

► Objectif : détecter et sanctionner les pratiques


d’entreprises qui contribuent à diminuer la concurrence
et à léser le consommateur (le droit de la concurrence
protège les consommateurs, pas les concurrents).

105
4.1. Contrôle des concentrations

Deux grands types d’opérations :

ü Fusion horizontale : concentration dans laquelle les


firmes concernées sont concurrentes sur le même
marché (ex : Coca-Cola et Pepsi-Cola).

ü Fusion verticale : concentration dans laquelle les


firmes concernées opèrent à 2 stades différents d’une
même chaîne de valeur verticale (ex : Kronenbourg et
Auchan).

Nocivité des fusions horizontales ? Augmentation de la


concentration du marché. Or, diminution du nombre de
firmes → hausse des prix).
106
Instrument de mesure de la concentration : Indice de
Hershman-Herfindal (IHH) = somme des carrés des parts
de marché. Une concentration se traduit toujours par une
augmentation du IHH : a2 + b2 < (a + b)2.

Lignes directrices de la Commission Européenne :


• Si IHH < 1000 ou si 1000 < IHH < 2000 mais ∆IHH < 250 :
pas d’effets anticoncurrentiels.
• Si IHH > 2000 ou si 1000 < IHH < 2000 mais ∆IHH > 250 :
susceptible d’identifier des effets anticoncurrentiels.

107
Nocivité des fusions verticales ? Le degré de
concentration du marché n’est pas modifié (car les
firmes fusionnantes n’appartiennent pas au même
marché) mais risque de « forclusion ».

Ex. de forclusion de clients : ce mécanisme revient à


fermer une partie des débouchés à l’aval des entreprises
concurrentes de l’entreprise intégrée, cette dernière ne
s’approvisionnant plus qu’auprès de sa filière amont.

108
Moteurs Moteurs Moteurs Moteurs
Firme A Firme B (amont) Firme B

Voitures Voitures

Firme C (aval)

109
Décisions de la Commission Européenne en matière de
fusions :

• Interdiction de la fusion (très rare). 1ère fois en 2020 :


prise de contrôle joint d'un hypermarché Géant Casino par
la société Soditroy et l'Association des Centres
Distributeurs E. Leclerc.

• Autorisation sans condition.

• Autorisation sous condition :


→ avec des remèdes structuraux (modification des droits
de propriété). Par exemple, cession ou rétrocession
d’actifs.
→ avec des remèdes comportementaux. Par exemple,
engagement de ne pas accorder de distribution exclusive.
110
Exemple : fusion horizontale Nestlé/Perrier (1991)

• Avant la fusion : Perrier (Perrier, Contrex, St Yorre, …,


Volvic) = 27%; Nestlé (Vittel, Hépar) = 20%; BSN (Evian,
Badoit) = 25%.

• Après la fusion sans remèdes : Perrier + Nestlé = 47%;


BSN = 25%.

• Après la fusion avec remèdes (engagement proposé par


Nestlé de céder Volvic à BSN) : Perrier + Nestlé = 40%;
BSN = 32%.

Mais engagements supplémentaires demandés par la


Commission …

111
4.2. Contrôle des stratégies anticonc.

1. Les abus de position dominante (art. 82 du traité CE)

« La position dominante concerne une situation de


puissance économique détenue par une entreprise qui lui
donne le pouvoir de faire obstacle au maintien d’une
concurrence effective sur le marché en cause en lui
fournissant la possibilité de comportements indépendants
vis-à-vis de ses concurrents, de ses clients, et finalement
des consommateurs. », Arrêt Hoffman-La Roche (1979).
NB : ce n’est pas la position dominante qui est sanctionnée !

Critère d’appréciation principal : part de marché (> 50%).


112
Problème : il faut au préalable définir un « marché
pertinent ».

Comment calculer la part de marché de Coca-Cola ?


• Si marché = boissons gaz. au goût de cola → 90%.
• Si marché = sodas, jus de fruit, … → < 50%.
• Si marché = boissons sans alcool → ε %.

Faisceau d’indices dont l’élasticité de


substitution.

113
Exemples de pratiques abusives

La vente liée : une firme en position dominante sur un


marché pratique une vente liée pour étendre cette
position à un autre marché où elle n’est pas plus
efficace.
Ex : Microsoft avec le couplage Windows et Internet
Explorer (sanction de 400 M€ par le Commission
Européenne).

La prédation : investissement dans un pouvoir de


marché futur (pertes à CT par baisse des prix, gains à LT
par éviction de la concurrence).

114
Difficultés pour les autorités de la concurrence :
• La prédation est difficile à évaluer : comment
distinguer un effet d’éviction lié à une moindre efficacité
du concurrent d’une pratique de prédation ? (ex : test
Akzo, 1991 → prix < CVM).

• La sanction peut avoir des effets pervers : maintien de


firmes inefficaces et incitation des firmes efficaces à ne
pas faire bénéficier les consommateurs des gains
d’efficience.

• La prédation peut avoir des effets bénéfiques : le prix


baisse à CT et la perte à LT pour le consommateur n’a
lieu que si la prédation réussit.

115
→ Les sanctions sont rares. 1ère fois en France :

Condamnation par le Conseil de la concurrence de la


société pharmaceutique GlaxoSmithKline (décision du 14
mars 2007).

= prédation par effet de réputation : initier une guerre


des prix à l’encontre d’un nouvel entrant afin de se
construire une réputation d’agressivité et dissuader de
futures entrées (ici, de petits « génériqueurs »).

116
2/ Les ententes injustifiables (cartels) (art. 81 du traité CE)

« Plusieurs firmes concurrentes décident de coordonner


secrètement leur comportement dans le seul but de
réduire la concurrence sur un marché au détriment du
consommateur. », Combe (2004).

Rationalité économique : le profit de monopole est


toujours supérieur à la somme des profits d’un oligopole.

Exemples de comportement collusif : entente sur les prix,


partage géo,...

117
Facteurs structurels facilitant la collusion :

• La concentration du marché (faible nombre de firmes).

• L’existence de barrières à l’entrée du marché (par ex., coûts


fixes importants).

• L’homogénéité des firmes (en termes de structure de coût,


…).

• L’élasticité faible de la demande (par ex., biens


intermédiaires).

118
Mais les cartels sont intrinsèquement instables !

• A court terme, chaque firme est incitée à dévier de l’accord


collusif pour capter davantage de clients en baissant
faiblement son prix en-dessous du prix collusif.
• A long terme, cette déviation la prive des gains collusifs à la
suite de l’effondrement du cartel et/ou de la punition des
autres membres.

→ La stabilité du cartel repose sur l’existence de mécanismes


de détection et de sanction mis en place par les membres eux-
mêmes :
- Détection (échanges d’info., transparence des prix, …) ;
- Sanction (guerre des prix pour punir le déviant, radiation
d’un organisme professionnel, …).
119
Objectifs des autorités concurrentielles :
• Faciliter la détection des cartels.
• Faciliter la condamnation des cartels détectés.
• Accentuer l’instabilité des cartels non détectés.
• Décourager la formation de nouveaux cartels.

Mais les autorités concurrentielles ont des moyens limités


(financiers, établissement de la preuve, …).

120
Instrument principal (récent) : programmes de clémence

Principe : exonération totale ou partielle de sanctions les


membres du cartel qui dénoncent l’entente (au moins le
1er).
Avantages → renforcement de l’instabilité du cartel
(augmentation des gains de la déviation) et économie de
coût (audit).
Inconvénient → incitation à la formation de cartels (par
allègement des sanctions). Solution : compenser la
réduction d’amende accordée au demandeur de
clémence par une hausse des amendes infligées aux
autres membres.

121
Les programmes de clémence sont-ils efficaces ?

Oui ! Entre 2002 et 2006: 80 cartels ont été défaits, 167


entreprises ont fait une demande de clémence et 51 ont
obtenu une réduction d’amende.

Mais une augmentation du nombre de cartels découverts


peut provenir d’une augmentation du nombre de cartels
formés !
Prog. de clémence → Hausse formation cartels → Hausse
condamnations
Difficulté : impossible d’observer les entreprises cartellisées.

Economie expérimentale (simulation: observer comment


les individus réagissent ex-ante à différentes options de
clémence).
122
Partie 5. Sur le marché du travail

Un type de marché non abordé : marché du travail.


= marché standard sur lequel s’échange un bien
particulier (travail) à un prix particulier (salaire).
En concurrence parfaite, le salaire i) égalise l’offre et la
demande de travail et ii) correspond à la productivité
marginale du travail.

NB : l’offre de travail (la demande de travail) émane


des travailleurs (entreprises).

123
En effet :
LD qui maximise Π = pf(L) – wL, où f(L) est la fonction de
production (q), p le prix de vente et w le salaire (déterminés par
le marché).
CPO : pf’(L) = w (salaire = productivité marginale du travail).
Autrement dit : la firme embauche tant que productivité
marginale du travail (décroissante) > au salaire du marché.

Cependant, nous constatons parfois que le salaire est différent


de la productivité marginale du travail.

Pourquoi ?

124
1/ Salaire inférieur au salaire concurrentiel.
Concurrence imparfaite : monopsone (= marché sur
lequel plusieurs offreurs et un seul demandeur).

Exemples :
- Marché des biens : armement.
- Marché du travail : région isolée avec une très
grande entreprise (un demandeur de travail /
plusieurs offreurs).

125
Dans ce cas, le salaire n’est plus déterminé par le
marché : w = w(L).
(voir monopole sur le marché des biens qui a la
possibilité de choisir son prix de vente).
LD qui maximise Π = pf(L) – w(L)L.
CPO : pf’(L) = w’(L)L+w(L) (donc pf’(L) - w(L) = w’(L)L >
0).
Autrement dit : salaire < productivité marginale du
travail (différence = taux de marge de la firme ou
pouvoir de monopsone).

126
Rente du monopsone = wC – wM, avec wC = pf’(L) et wM = w(L).
Permet de comprendre une “anomalie empirique”.
Card et Krueger : hausse de 19% du salaire minimum dans le
New Jersey en 1992. Comparaison de l’évolution de l’emploi
avant et après l’augmentation (473 fast-foods).

Résultat : pas d’impact significatif sur l’emploi.

≠ Prédiction du modèle de CPP (baisse de l’emploi).

Monopsone : maintien de l’emploi en consentant une certaine


érosion de la rente (salaire de monopsone < salaire minimum <
salaire concurrentiel).

127
2/ Salaire supérieur au salaire concurrentiel.
a) Assurance-chômage. Incitation à négocier des salaires élevés
et manque d’incitations à rechercher un emploi.
Néanmoins, objectif de l’assurance-chômage : protéger les
travailleurs contre les risques de perte de revenu.

b) Les lois sur le salaire minimum.


En France :
- Ratio salaire minimum / salaire moyen est l’un des plus élevés
des pays de l’OCDE (63% en 2008 = Indice de Kaitz).
- Progression du salaire minimum réel depuis 1970
(contrairement à la plupart des pays industrialisés).
128
c) Le pouvoir des syndicats dans les négociations collectives.
Dans certains cas, ce sont les négociations collectives qui
déterminent les salaires (et non le marché).
Si syndicats des travailleurs puissants, alors salaires élevés (1er
objet de revendication).
Impact validé empiriquement (différentiel de salaires) :
Booth (1995, RU) : 8%, Blanchflower et Freeman (1992) : 20%
(USA).
Attention :
- Les travailleurs syndiqués peuvent avoir des caractéristiques
inobservées différentes de celles des travailleurs non syndiqués
(biais de sélection).
- Les hausses de salaire obtenus par un syndicat pourraient
accroître le taux de syndicalisation (biais d’endogénéité).
129
d) La théorie du salaire d’efficience.

L’employeur fixe volontairement un salaire supérieur au salaire


concurrentiel.

Explications :
- Incitations à l’effort (Shapiro et Stiglitz, 1984) : licenciement
plus coûteux.
- Signal (Weiss, 1980) : limitation du phénomène de sélection
adverse.
- Renouvellement des travailleurs (Lindbeck et Snower, 1986) :
diminution de la rotation de la main d’œuvre.

- Confiance et loyauté (Akerlof, 1982) : relation don/contre-don.

130
Evaluation empirique de l’approche don/contre-don.
Difficile sur données de terrain (car effort inobservable).

Expérience de Fehr et Gächter (2008)


Jeu de l’investissement : formation de groupes de 2 joueurs (J1
et J2) et chaque joueur du groupe reçoit une dotation de 10€.
Deux étapes :
1/ J1 peut décider de donner une certaine somme X à J2 (0 ≤ X
≤ 10).
2/ J2 reçoit 3 fois le montant donné par J1 et peut décider de
rendre une certaine somme R à J1.

Gains de J1 = 10 – X + R ; Gain de J2 = 10 + 3X – R.

131
Interprétation économique du jeu :

X peut être considéré comme le montant du don (degré de


confiance de J1 envers J2) = niveau de salaire.
R peut être considéré comme le montant du contre-don (degré
de loyauté/réciprocité de J2 envers J1) = niveau d’effort.

Prédiction théorique : R = 0 et X = 0 (optimum : X = 10).

Résultats expérimentaux : X = 5,16€ et R = 4,66€.

NB : diminuent avec l’introduction d’une sanction


(= phénomène d’éviction des motivations intrinsèques).

132
Comme sur le marché des biens, les autorités publiques
essayent d’agir en cas de dysfonctionnement sur le marché du
travail.

Principal dysfonctionnement : chômage (qui peut résulter de


l’existence d’un salaire > au salaire concurrentiel).

Trois mesures principales (du côté de la demande de travail) :

- Création d’emplois publics (« emplois aidés »).

- Allègements de cotisations sociales sur les bas salaires.


- Réduction du temps de travail.

[cf cours d'Economie du travail en L3]


133
+ Mesures visant à protéger les emplois existants

= Législation sur la protection de l'emploi (LPE)

Définition : ensemble de mesures ayant pour objectif de


contrôler les licenciements et l'usage des emplois à durée
déterminée (contraintes légales, indemnités, ...)

Législation jusqu'ici relativement contraignante en


France, ce qui peut être source d'effets pervers

En effet : corrélation entre le degré de rigueur de la


LPE et le taux de chômage (France, Portugal, Italie, ...).
Causalité ? (attention au biais d'endogénéité)

134
Notamment :

- Allongement de la durée du chômage et diminution du taux


d'emploi (déperdition de K humain + usure psychologique
à inactivité)
- Segmentation du marché du travail

Proposition de réforme : alléger la LPE et responsabiliser les


entreprises

- Lettre de cadrage du gouvernement (2018)


- Rapport du CAE (Protection de l'emploi et procédures
de licenciement, Blanchard et Tirole, 2003)
135
Financement de l'assurance chômage en France

= assurance chômage obligatoire financée par des


cotisations salariales et patronales (% du salaire)

Danemark et Suède : assurance chômage volontaire

Eléments positifs du système français : pas d'auto-


assurance (épargne, risque subi, sélection adverse)

Mais certaine incohérence : le volume de cotisations


versées par les employeurs ne dépend pas de leur
comportement de licenciement mais de leur masse
salariale. Or, externalités négatives importantes ....

136
Principe de responsabilisation (Blanchard et Tirole, 2003)

= introduire une taxe sur les licenciements telle que le


risque et les conséquences du chômage ne soient plus
pleinement assumés par la collectivité (et alléger la LPE en
contrepartie)

Inspiration :
- Principe du pollueur-payeur (OCDE, 1972)

- Système du bonus-malus (USA, 1935) : taux de cotisation


dépend de l'historique de licenciement

Attention néanmoins : la lettre de cadrage n'évoque pas


explicitement la mise en œuvre d'un bonus-malus
137
Limites et affinement du mécanisme

- Difficultés financières des entreprises à Introduire des délais de


paiement (mais risque d'évasion fiscale)

- Diminution de la création d'emplois. Ex : contribution Delalande


(1987, versement à la caisse de 3 mois de salaire brut pour le
licenciement d'un senior) à Baisser le coût du travail
(exonération de charges sociales patronales)

- Hétérogénéité des entreprises, des salariés, des régions, ...


à Modulation de la taxe

- Transfert de responsabilité : l'entreprise a intérêt à ce que le


salarié commette une faute ou démissionne. Mais ce phénomène
existe déjà + cela permettrait d'éviter la collusion
salarié/employeur (= entente sur le licenciement sans indemnités)
138
Illustration du phénomène (DARES, 2003)

Les licenciements pour motif personnel peuvent être des


licenciements économiques déguisés
139

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