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Retour à l’objet,
fin du musée disciplinaire ?
Peter Lang
Peter Lang
L’ Ate li e r Das Atelier
Th e Wo rk shop Vol. 7
Diane Antille est historienne de l’art, ancienne élève de l’Ecole du Louvre. Elle rédige
actuellement à l’Institut d’histoire de l’art et de muséologie de l’Université de
Neuchâtel sa thèse de doctorat portant sur la culture matérielle des femmes à la fin
du Moyen Age.
Peter Lang
www.peterlang.com
Retour à l’objet, fin du musée disciplinaire ?
L’Atelier - Das Atelier - The Workshop
Travaux d’Histoire de l’art et de Muséologie
Arbeiten zur Kunstgeschichte und Museumskunde
Art History and Museum Studies
Vol.
© Peter Lang SA
Editions scientifiques internationales
Bern 2019
Tous droits réservés.
Printed in Germany
www.peterlang.com
Sommaire
Diane Antille
Pour un musée polyphonique .............................................................. 5
Yves Bergeron
Mythes de fondation de la muséologie Europe – Amérique ............. 27
Alice Berthon
Le musée national d’ethnologie du Japon :
un musée disciplinaire encore d’actualité ? ...................................... 57
Octave Debary
La part manquante du musée d’ethnographie ................................. 103
Géraldine Delley
Les musées de préhistoire, les objets et la contextualisation
des pratiques savantes XIXe-XXIe siècles ....................................... 117
Nicolas Hatot
Les collections médiévales et Renaissance du musée
des Antiquités de Rouen : précocité antiquaire,
pluridisciplinarité et enjeux muséographiques ................................ 143
2 Sommaire
Alexandre Fiette
Mon histoire, ton histoire, notre histoire ......................................... 205
Bruno Jacomy
Le musée, du carrefour de disciplines à l’échangeur d’idées ......... 231
Le présent volume doit son existence aux rencontres qui ont eu lieu à
l’Université de Neuchâtel du 12 au 16 décembre 2016. A l’occasion du
Séminaire de l’Ecole du Louvre, organisé chaque année depuis 2007 par
l’Institut d’histoire de l’art et de muséologie, professionnels des musées
et chercheurs échangent leur point de vue autour d’une problématique ré-
pondant aux enjeux actuels de la muséologie. Ces journées scientifiques,
qui se distinguent en particulier par la diversité des intervenants qu’elles
convoquent, sont prioritairement destinées aux étudiants en muséologie
de l’Université de Neuchâtel et aux élèves de l’Ecole du Louvre, dans le
cadre d’un partenariat. C’est dans cet environnement qu’avec le profes-
seur Pierre Alain Mariaux, nous avons souhaité réunir des historiens, des
ethnologues, des muséologues, des historiens de l’art, des archéologues,
des conservateurs et des directeurs d’institutions. Chacun à sa manière
a abordé la problématique choisie et qui constitue désormais le titre de
cet ouvrage, même s’il n’en est pas les actes : « Retour à l’objet, fin du
musée disciplinaire ? »
Ce sont la qualité des conférences, les échanges d’idées, les ques-
tions, les apartés, les visites de musées, les travaux des étudiants et les
débats de cette semaine qui ont nourri l’enthousiasme d’une publica-
tion. Chacun des participants et des intervenants, également ceux qui
n’ont pu ou n’ont pas souhaité fournir un essai (Sandrine Balan, Sophie
Bärtschi Delbarre, Xavier Dectot, Laurent Golay, Agnès Parent, Chantal
Prod’Hom, Regula Schorta, Evelyne Ugaglia, Boris Wastiau), sont à re-
mercier. J’exprime en particulier ma profonde gratitude à Yves Bergeron
et Bruno Jacomy qui ont accepté de livrer les délicates contributions
d’ouverture et de clôture, essentielles à la dynamique de la rencontre
et maintenues ici dans le même ordre. De la même manière, j’aimerais
témoigner ma reconnaissance aux modérateurs du séminaire qui ont
animé ces journées avec l’expertise du sujet qui est la leur et qui nous a
constamment autorisés à envisager la problématique sous un jour neuf
4 Avant-propos et remerciements
mois plus tard, l’Université Laval inaugurait son Diplôme d’études su-
périeures spécialisées (DESS) en muséologie. Bien que la muséologie
québécoise entrait alors dans une phase de développement sans précé-
dent avec la création de grands musées dont le Musée de la civilisation
à Québec, le Musée canadien des civilisations à Gatineau, le musée de
Pointe-à-Callières (Montréal), le Biodôme, la Biosphère et l’agrandisse-
ment du musée McCord et du Musée du Québec, nous disposions alors
de peu de sources pour retracer le développement des collections et la
naissance des premiers musées au Canada et plus particulièrement au
Québec. Les thèses et les grands chantiers sur les collections allaient
bientôt nous donner des repères afin de baliser cette histoire des musées.
Au même moment, j’entreprenais un chantier de recherche sur l’histoire
des collections du Séminaire de Québec et de l’Université Laval qui s’est
étendu de 1991 à 1997. Dès lors, je me suis plongé dans l’histoire des
collections du musée du Séminaire de Québec qui s’est révélé être le
premier musée au Canada dont les collections remontent à l’origine de
la Nouvelle-France au XVIIe siècle et qui fut officiellement inauguré en
1806. Ce musée constitué de collections de sciences naturelles, d’œuvres
d’art, de collections ethnographiques et d’un cabinet de physique ser-
vait essentiellement à l’enseignement. Cette collection occupe une place
centrale dans l’histoire des musées, car elle est également à l’origine
de la création par le Séminaire de la première université française en
Amérique, l’Université Laval fondée en 1852. A l’ouverture, les col-
lections initiales du Séminaire prennent place dans les huit musées de
l’Université qui occupent un étage complet du nouveau pavillon central
construit sur le site historique du Séminaire. La collection du Séminaire
et de l’Université Laval sera finalement intégrée au Musée national de
la civilisation en 1995.3
Cet intérêt pour l’histoire des collections a pris forme dans des ou-
vrages4 et une série d’articles5 que j’ai publiés de 1993 à 2010. Depuis
la redécouverte de la collection du Séminaire et de l’Université Laval, je
3 Bergeron 1996.
4 Bergeron 2002.
5 A titre indicatif : Arpin & Bergeron 2001 ; Bergeron 2003 ; Bergeron 2004 ;
Bergeron 2005.
30 Yves Bergeron
valeurs qui remontent à la Renaissance et qui prend tout son sens dans
la longue durée.
Que ce soit dans la culture populaire ou la culture savante, les lea-
ders d’une discipline et notamment ceux qui se définissent comme his-
toriens construisent des récits collectifs qui donnent un sens au groupe.
Les mythes sont ici entendus comme des récits (parfois vrais, souvent
inventés ou fabulés) mais partagés par l’ensemble de la communauté
muséale. Ces récits s’apparentent à des sagas dans la mesure où ils ont
un fondement historique, mais relèvent davantage de la mythologie en
enracinant ces récits dans le système de valeurs du groupe. C’est pour-
quoi ils sont reconnus par la communauté muséale et les chercheurs qui
valident en quelque sorte la création des musées. Ces récits de fondation
apparentés à des mythes d’origine s’inscrivent dans la culture du monde
muséal en traduisant surtout des valeurs communes qui structurent la
pratique muséale.
Bien que la littérature en muséologie soit particulièrement riche
en mythes, j’en ai identifié quelques-uns dans la littérature européenne.
Afin de proposer une analyse comparée de ces mythes avec la tradition
muséale nord-américaine, j’en ai retenu cinq qui apparaissent comme in-
contournables à tout le moins dans la littérature scientifique francophone.
Le premier mythe est bien sûr celui du Mouseion d’Alexandrie qui est
à l’origine même des musées et de l’association faite avec les muses de
l’Antiquité. Il semble que le Musée d’Alexandrie était un lieu réservé
avant tout aux chercheurs. Ce qui est intéressant dans ce cas, c’est qu’il
existe peu de sources premières de sorte qu’on sait finalement peu de
choses de ce musée. Marie-Cécile Bruwier l’a bien démontré dans un
article publié en 2004 qui constitue probablement la référence la plus
exhaustive sur ce musée9. Pourtant, tous les historiens de la muséologie
évoquent le musée d’Alexandrie et les discours à ce sujet se révèlent
très riches. Il y a dans ce récit une forme de paradoxe. Et c’est préci-
9 Bruwier 2004.
Mythes de fondation de la muséologie Europe – Amérique 33
1.2 L’Antiquité
10 Pomian 1987.
11 Brouet 2004, pp. 81-135.
12 La licorne et le bézoard 2013.
Mythes de fondation de la muséologie Europe – Amérique 35
2. De l’Europe à l’Amérique
14 Dans le même esprit, John James Audubon publie entre 1827 et 1838 The Birds of
America.
38 Yves Bergeron
Fig. 1. Robert Nanteuil, Cardinal Jules Mazarin Seated Within the Gallery of his
Palace, 1659, gravure, New York, Metropolitan Museum of Art.
Source : Wikipédia. Œuvre du domaine public.
Mythes de fondation de la muséologie Europe – Amérique 47
Fig. 2. Charles Willson Peale, The Artist in His Museum, 1822, huile sur toile,
263.5 x 202.9 cm, Philadelphie, Pennsylvania Academy of the Fine Arts, Gift of Mrs.
Sarah Harrison (The Joseph Harrison, Jr. Collection). Courtesy of the Pennslvania
Academy of the Fine Arts, Philadelphia.
Source : Wikipédia. Œuvre du domaine public.
dans ces musées des objets « reliques » plutôt que des chefs-d’œuvre.
Ce sont en quelque sorte des « objets-prétextes »33 qui ont pour fonction
de définir les identités nationales et régionales. On peut qualifier ces
objets d’« objets phares » puisqu’ils sont à l’origine de la construction
de récits imaginaires et de narrations romancées de l’histoire nationale.
J’ai développé cette hypothèse à travers deux des objets les plus impor-
tants conservés dans les collections du Musée canadien de l’histoire
(astrolabe de Champlain) et du Musée de la civilisation à Québec (dra-
peau de Carillon).34 En d’autres termes, les musées de société ne s’ins-
crivent pas dans une perspective scientifique, mais dans une démarche
de création comme pour le cinéma et le théâtre. A première vue, ces
deux concepts se révèlent antinomiques. Science et création s’opposent
fondamentalement au projet muséal centré sur « la chose vraie » alors
que l’imaginaire conduit tout naturellement à la « chose inventée ». Il
faut rappeler que le concept même d’imaginaire s’inscrit dans l’espace
sémantique de ce qui est qualifié de « chimérique », d’ « illusoire », de
« fabuleux » et de « mythique », de sorte qu’il s’oppose aux concepts de
ce qui est reconnu comme « historique », comme preuve « matérielle »
et « authentique ». Dans les deux cas étudiés, les objets se révèlent
être des faux. Bien qu’en apparence antinomiques, ces deux notions se
révèlent complémentaires et indissociables. Dans la pratique muséale,
ce sont deux notions associées et complices qui contribuent à un même
objectif, c’est-à-dire créer du lien social au sein des communautés. Il
faut rappeler que les musées ne sont pas les espaces culturels objectifs
et scientifiques que l’on croit. Au contraire, ils s’inscrivent à travers
les expositions, les activités éducatives, les programmes culturels et les
stratégies de médiation dans des pratiques de création. C’est précisément
ce qui rend les musées intéressants.
Si les musées disciplinaires tendent à se transformer, les objets
restent malgré tout au centre des musées. Parfois négligés, margina-
lisés, ils refont périodiquement surface et de nouvelles générations de
conservateurs, de commissaires et de muséologues les convoquent sur
Bibliographie