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Licence eden-19-7-3657293-7-99622302-22643762 accordée le 10

avril 2021 à 3657293@7.com


INSCRIPTIONS ANTIQUES
DU MAROC
PUBLICATIONS DE LA SECTION ANTIQUITÉ
du Centre de Recherches sur l'Afrique Méditerranéenne
Faculté des Lettres - 13 - Aix-en-Provence

Rédaction : M. René REBUFFAT


Secrétariat : Mlle Sylvie SEMPERE
CENTRE DE RECHERCHES SUR L'AFRIQUE MÉDITERRANÉENNE

INSCRIPTIONS ANTIQUES
DU MAROC

INSCRIPTIONS LIBYQUES
par Lionel G A L A N D
Professeur à l'Ecole Nationale des Langues Orientales vivantes

INSCRIPTIONS PUNIQUES ET NÉOPUNIQUES


par James F É V R I E R
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes

INSCRIPTIONS HÉBRAÏQUES
des sites antiques

par Georges V A J D A
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes

ÉDITIONS DU C E N T R E NATIONAL DE LA R E C H E R C H E SCIENTIFIQUE


15, quai Anatole-France - Paris-VIIe
1966

Licence eden-19-7-3657293-7-99622302-22643762 accordée le 10


avril 2021 à 3657293@7.com
Cet ouvrage représente le premier aboutissement d'une entreprise déjà
ancienne. Dans le cadre de la préparation d'un Corpus des Inscriptions Antiques
du Maroc, Messieurs Lionel Galand et James Février voulurent bien accepter
d'assurer respectivement la publication des inscriptions libyques et sémitiques.
Grâce à l'aide de la Commission des Fouilles et missions archéologiques du
Ministère des Affaires Etrangères, ils purent en 1959 et 1963 venir sur place
contrôler ou compléter les textes qu'une première enquête de Monsieur Jean
Marion avait regroupés. Leurs contributions étaient prêtes depuis longtemps
déjà lorsque le Centre National de la Recherche scientifique nous permit d'en
envisager la publication.
Les difficultés propres des textes libyques et sémitiques ont conduit à
laisser à chacun des spécialistes la plus grande liberté dans la conception de
leur participation.
Maurice EUZENNAT
Correspondant de l'Institut.

Les photographies illustrant cet ouvrage sont dues à MM. Kostomaroff et


Latour. Les cartes ont été dessinées par M. Rival sous la direction technique
de M. Hallier, chef du bureau d'architecture. M. Bozec et Mme Doucin ont
participé à la mise au point du manuscrit.
R.R.
SOMMAIRE

Pages

L. GALAND. — Inscriptions libyques 1

J.G. FÉVRIER. — Inscriptions puniques et néopuniques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 81

G. VAJDA. — Inscriptions hébraïques des sites antiques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133


INSCRIPTIONS LIBYQUES

par

Lionel GALAND
Ancien membre de l'Ecole française de Rome
Professeur de berbère à l'Ecole nationale des langues orientales vivantes
BIBLIOGRAPHIE

Cette bibliographie est strictement limitée aux publications qui intéressent l'épigraphie
libyque du Maroc ou qui se trouvent citées, souvent en abrégé, dans le cours de l'ouvrage.
Les titres qui concernent plus particulièrement telle ou telle inscription seront rappelés
à leur place.

A. BASSET, Ecritures libyque et touarègue, dans Notices sur les caractères étrangers... réunies
par Ch. Fossey, Paris, 1948, pp. 135-143 = A. BASSET, Articles de dialectologie ber-
bère, Paris, 1959, pp. 167-175.

H. BASSET, Deux pétroglyphes du Maroc occidental (région des Zaer), Hespéris, III, 1923,
pp. 141-145, 2 pl.

F. BENOIT, Les stèles de Maaziz, BSPM, 1932, pp. 47-50 (photographies pp. 48-49).

G. CAMPS, Aux origines de la Berbérie : Massinissa ou les débuts de l'histoire, Libyca


(Archéologie-Epigraphie), VIII, 1960, 320 p. Abréviation : Massinissa.

G. CAMPS, Aux origines de la Berbérie : Monuments et rites funéraires protohistoriques,


Paris, Arts et Métiers graphiques, 1 vol., s.d. (1961), 628 p., 1 carte h.t. (Délégation
générale en Algérie, Sous-direction des Beaux-Arts). Abréviation : Monuments et
rites funéraires.

J. CARCOPINO, Volubilis regia Iubae, Hespéris, XVII, 1933, pp. 1-24 ; article reproduit
dans Le Maroc antique, Paris, s.d. (1943), pp. 167-190 (2e éd.).

J.B. CHABOT, Recueil des inscriptions libyques, Paris, 1 vol. et supplément, 1940, XXIV
et 248 p. ; planches, 1941, XII pl. (Gouvernement Général de l'Algérie). Abréviation :
RIL.

M. COHEN, La grande invention de l'écriture et son évolution, Paris, 3 vol., 1958 : Texte :
XII et 471 p. Documentation et index : 228 p. Planches : 95.
P. DE CONINCK et L. GALAND, Un essai des Kel-Antessar pour améliorer l'écriture touarègue,
Groupe ling. d'études chamito-sémitiques, VIII, pp. 78-83 (24 février 1960).

J.G. FÉVRIER, Que savons-nous du libyque ? RAI, C, 1956, pp. 263-273.

J.G. FÉVRIER, Inscriptions puniques du Maroc, BCTH, années 1955-56, paru en 1958,
pp. 29-35, 4 ph. h.t. (communication du 10 janvier 1955 à la Commission de l'Afri-
que du Nord).

J.G. FÉVRIER, Histoire de l'écriture, Paris, nouv. éd., 1959, 616 p. (Bibliothèque historique
Payot).

LE P. DE FOUCAULD, Notes pour servir à un essai de grammaire touarègue (dialecte de


l'Ahaggar), Alger, 1920, 171 p.

L. GALAND, L'Inscription libyque RIL 648, JA, 1957, pp. 367-369, photographie.

L. GALAND, L'Inscription des Azibs n'Ikkis, BAM IV, pp. 418-421 (note jointe à une
publication de J. MALHOMME, ibid. pp. 411-417). V. aussi P. DE CONINCK.

T. GARCIA FIGUERAS, Marruecos, Barcelone, 1939.

A. GAUDIO, Notes sur le Sahara espagnol, Journal de la Société des Africanistes, XXII,
1952, pp. 17-25. En dépit du titre, la deuxième partie de ces notes, pp. 22-23, présente
brièvement « Trois inscriptions libyques découvertes récemment dans le départe-
ment de Yobala au Maroc espagnol » (nos 2, 3, 4, ci-dessous). Abréviation : Notes.

J. HERBER, A propos de deuxpétroglyphes du musée Henri Basset, Hespéris, IX, 1929, p. 323.

A. JODIN, Les gravures rupestres du Yagour (Haut-Atlas) : Analyse stylistique et théma-


tique, BAM, V, 1964, pp. 47-116, en particulier pp. 110-114. Abréviation : Analyse.

G.A. LAFUENTE, Le rôle du signe = dans les inscriptions libyques, RAf, CI, 1957, pp. 388-392.
E. LAOUST, Le berbère, dans Initiation au Maroc, Paris, nouv. éd., 1945, pp. 191-219 (Ins-
titut des Hautes Etudes marocaines).

R. LESVEN et A. MERCIER, Observations lithologiques sur la pierre d'Ain Djemâa, BSPM,


1928, pp. 2-6 (photographie, p. 3).
J. MALHOMME, Corpus des gravures rupestres du Grand Atlas, Ire partie, Rabat, 1959,
XI et 156 p., planches et plans, PSAM XIII ; 2e partie, Rabat, 1961, 164 p., planches
et plans, PSAM XIV. Voir aussi L. GALAND.

J. MARCILLET-JAUBERT, Musée d'Alger : inscriptions libyques, Libyca, Archéologie-Epigra-


phie, VIII, 1960-62, pp. 149-157.

G. MARCY, La pierre écrite d"Ain-Jma'a, BSPM, 1932, pp. 14-22


G. MARCY, L'épigraphie berbère (numidique et saharienne), Annales de l'Institut d'études
orientales, II, 1936, pp. 128-164, V pl. et 1 tabl. h.t. (Fac. des Lettres de l'Univ. d'Alger).
Abréviation : Epigraphie.

G. MARCY, Introduction à un déchiffrement méthodique des inscriptions « tifinâgh » du


Sahara central, Hespéris, XXIV, 1937, pp. 89-118, 1 tabl. h.t. Abréviation : Introduc-
tion.

G. MARCY, Les Inscriptions libyques bilingues de l'Afrique du Nord, Paris, 1936, 191 p.,
XXII pl. (Cahiers de la Société asiatique, Ire série, V). Abréviation : ILB.
A. MERCIER : V. R. LESVEN.

P. QUINTERO ATAURI, Memoria resumen de las excavaciones practicadas (en Tamuda)


en 1940, Larache, 1941, p. 7 et pl. 5. Abréviation : Memoria.

P. QUINTERO ATAURI, Apuntes sobre arqueologia mauritana de la zona espaFiola. Compendio


de noticias referentes a los descubrimientos arqueolôgicos efectuados en el siglo actual,
Tetuân, 1941, pp. 71-78 (inscriptions du Musée de Tétouan) (Protectorado de Espana
en Marruecos, Patronato de investigaciôn y alta cultura de Marruecos). Abréviation :
Apuntes.

P. QUINTERO ATAURI, Estudios varios sobre los principales objetos que se conservan en
el Museo, Museo Arqueológico de Tetuán, 1942, 87 p., 49 pl. Abréviation : Estudios.

M. REYGASSE, Contribution à l'étude des gravures rupestres et inscriptions tifinar' du Sahara


central, Alger, 1932, 98 p. Abréviation : Contribution.

0. RÔSSLER, Die Sprache Numidiens, dans Sybaris, Festschrift Hans Krahe... dargebracht,
Wiesbaden, 1958, pp. 94-120.

0. RÔSSLER, commentaire des inscriptions nos 100, 101, 153 (= RIL 1, 2, 31) dans :
H. DONNER-W. RÔLLIG, Kanaaniiische und Aramâische Inschriften, mit einem Bei-
trag von 0. Rôssler, Wiesbaden, 0. Harrassowitz, Bd II, Kommentar, 1964,
XV + 330 p. Abréviation : Kan. und Aram. Inschriften.

A. RUHLMANN, Les recherches de préhistoire dans l'extrême sud marocain, PS AM, V, Rabat-
Paris, 1939, 108 p., carte.

E.H.L. SCHWARZ, A propos de la pierre d'Aïn-Djemâa, BSPM, 1929, p. 28 (reproduit


une lettre du même auteur, publiée dans le Mercure de France du 15 janvier 1929).

Société de Préhistoire du Maroc (Comité de la), La pierre d'Ain Djemâa, BSPM, 1928, p. 1.

J.M. SOLÁ SOLÉ, La inscription pûnico-ltbica de Lixus, Sefarad, XIX, 1959, pp. 371-378,
1 pl.
M. TARRADELL, Guia arqueolôgica del Marruecos espanol editada con motivo del 1 Congreso
arqueolôgico del Marruecos espafiol, Tetuân, 1953, 45 p., 7 pl. h.t., carte (inscriptions
libyques, p. 17). V. aussi TOVAR.

R. THOUVENOT, Les travaux de l'Inspection des Antiquités du Maroc en 1942-44, BCTH,


1945, p. 401.

A. TOVAR, Papeletas de epigrafia libica, Boletin del Seminario de Estudios de Arte y Arqueo-
logîa, Valladolid : I) Sobre la inscripciôn libio-latina de Tetuân, VII, pp. 67-71.
III) Un framento inédito de Tamuda, X, p. 52, 1 phot., 1 pl. h.t., tabl. IV) Sobre la
W en el alfabeto Hbico, XI, pp. 69-74. V) Una hipôtesis sobre el origen del alfabeto
libico, XI, pp. 74-76, VIII) Sobre el signo g, XIV, pp. 31-33. Abréviation : BSEAA.

A. TOVAR, Lenguas prerromanas indoeuropeas : testimonios antiguos, dans Enciclopedia


lingüistica hispanica, t. I, Madrid, 1959, pp. 101-126 (Consejo superior de investi-
gaciones cientîficas).

A. TOVAR et M. TARRADELL, Cuatro inscripciones Ubicas inéditas del Museo Arqueolôgico


de Tetuan, dans I Congreso arqueolôgico del Marruecos espanol, Tetuan, 22-26 junio
1953, Tetuân, 1954, pp. 437-442 (ci-dessous numéros 2, 3, 4, 10). Abréviation : I
Congreso.

TABLE DE CONCORDANCE

avec le Recueil des inscriptions libyques


ABRÉVIATIONS

BAM Bulletin d'Archéologie marocaine.

BCTH Bulletin Archéologique du Comité des Travaux Historiques et Scientifiques.

BSEAA Boletin del Seminario de Estudios de Arte y ArqueologÍa, Valladolid.


BSPM Bulletin de la Société de Préhistoire du Maroc.

JA Journal Asiatique.

I Congreso I Congreso arqueolôgico del Marruecos espanol, Tetuan, 22-26 junio 1953,
Tetuân, 1954.

ILB G. Marcy, Les inscriptions libyques bilingues de l'Afrique du Nord.

Kan. und Aram. Inschriften 0. Rôssler, contribution à : H. Donner et W. Rôllig, Kanaa-


niiische und Aramiiische Inschriften.

LOc alphabet libyque « occidental ».


LOr alphabet libyque « oriental ».

PSAM Publications du Service des Antiquités du Maroc.


RAf Revue Africaine.

RIL J.B. Chabot, Recueil des inscriptions libyques.


Sybaris Sybaris, Festschrift Hans Krahe... dargebracht.
TA alphabets touaregs « anciens ».
TM alphabets touaregs modernes.

Les dimensions sont données en centimètres, sauf indication contraire.


INTRODUCTION

Sur plus de mille cent vingt inscriptions réunies par l'abbé J.-B. Chabot dans son
Recueil des inscriptions libyques (1), neuf seulement provenaient du Maroc : les numéros
881 à 888, auxquels il faut joindre le numéro 842 bis, que l'éditeur, ignorant la présence
de cette pierre au musée de Volubilis, attribuait par conjecture à « la région du sud cons-
tantinien ou de Sétif ». L'infime proportion des textes marocains suffit à montrer que
l'extrême ouest de la Berbérie n'offre pas à l'épigraphie libyque des conditions très favo-
rables. Cependant plusieurs documents nouveaux ont été découverts depuis la publication
du Recueil, trop peu sans doute pour que notre ignorance du libyque « occidental » en
soit sensiblement réduite, mais assez pour que l'idée d'un corpus local s'imposât
à M. M. Euzennat, qui me fit l'amitié de m'en confier la préparation à l'époque où il
dirigeait le Service des Antiquités du Maroc (2).

(1) Des indications bibliographiques plus complètes sont réunies aux p. 3-6. Les références aux
travaux qui figurent dans cette liste ne sont généralement données qu'en abrégé dans le cours de l'ouvrage.
V. p. 7 le tableau des abréviations et, p. 6, la table de concordance entre la numérotation de J.B. Chabot
et la mienne.

(2) En juin 1959, une mission m'a permis d'examiner moi-même les inscriptions marocaines, à l'excep-
tion des nos 5, 6,17 et 27, perdus ou égarés, et des nos 13 et 23, qui ont été découverts après mon passage. J'ai
pu prendre des estampages des nos 14, 15 et 16 et j'ai disposé de bonnes photographies des pierres conservées
dans les musées. Il m'est agréable d'exprimer mes remerciements, pour leur accord ou leur concours, à
Monsieur le Recteur Mohammed El Fasi, alors Ministre de l'Education nationale, à MM. Abdelaziz ben
Abdallah, Directeur de l'Enseignement supérieur, et Nasser El Fasi, Directeur du Centre Universitaire
de la Recherche scientifique, ainsi qu'à M. M. Euzennat et à tous ceux qui m'ont aidé, MM. J. Boube et
G. Hallier à Rabat, A. Luquet à Volubilis, Temsamani et Tomillo à Tétouan, A. Jodin et M. Ponsich à
Tanger. MM. Cherotzky et Monition ont procédé à la détermination géologique des stèles de Rabat. Je
dois une mention particulière à M. G. Souville qui s'est chargé de me fournir, après mon retour, les rensei-
gnements complémentaires et les indications pratiques nécessaires à l'édition. — Ce travail était achevé
au début de 1962. Diverses circonstances en ont retardé la publication, maintenant assumée par le Centre
de Recherches sur l'Afrique méditerranéenne que dirige M. R. Le Tourneau. J'ai à nouveau éprouvé l'obli-
geance de M. Euzennat, placé à la tête de la section d'archéologie. Grâce à M. R. Rebuffat, le manuscrit
a été adapté aux normes de la nouvelle collection et complété par une carte, avec un soin et une patience
qui méritent toute ma gratitude.
Caractère et limites du recueil

Le caractère de la publication était commandé dès l'abord par l'état des études liby-
ques. Si une lueur semble poindre à l'est, surtout en Tunisie, grâce à toute une série de
travaux (3), l'obscurité reste quasi totale à l'ouest, où les inscriptions ne sont ni comprises
ni même lues, et l'optimisme qu'affichaient certains érudits il y a un quart de siècle n'est
plus guère partagé (4). Aggravé par le manque de chercheurs, le retard tient surtout à la
nature même des documents, comme on pourra s'en convaincre. Décrire et classer restent
donc les tâches essentielles : ce recueil n'a pas d'autre objet et voudrait être, à l'exemple
de celui de Chabot, « une publication en quelque sorte matérielle » (5). Il est vrai que
toute hypothèse n'en est pas exclue, la présentation des textes exigeant souvent un choix
entre plusieurs possibilités, mais je me suis efforcé de fournir au lecteur les éléments
d'appréciation.

Il fut plus embarrassant de définir le contenu de l'ouvrage. Les découvertes


de M. J. Malhomme dans le Grand Atlas ont à nouveau attiré l'attention sur les signes
d'écriture qui, sur certaines parois rocheuses, accompagnent les gravures (6). Il était donc
tentant de réunir la totalité des inscriptions libyques et rupestres du Maroc. Nous nous
trouvâmes finalement d'accord, M. Euzennat et moi, pour renoncer à ce projet. Rien
n'assurait la cohérence de l'ensemble : aux stèles du nord, qui n'ont pas toujours échappé
aux influences puniques ou latines, s'opposent les inscriptions rupestres du sud, tantôt
soignées, tantôt simples graffiti rebelles à toute chronologie. Le seul trait commun aux deux
groupes est l'emploi d'un même type d'écriture, auquel appartiennent aussi les alphabets
touaregs. Cette écriture affectait déjà des formes diverses dans l'Antiquité et l'on observe
encore des variations dans l'usage actuel, si limité qu'il soit : de telles fluctuations
sont inévitables dans un domaine où triomphe la différenciation dialectale, sans qu'aucun
parler se soit jamais élevé pour longtemps au rang de langue officielle ou littéraire. Le
détail de l'évolution nous échappe et nous ne connaissons pas tous les alphabets auxquels
elle a donné naissance. Aussi la terminologie reste-t-elle assez floue. Il est peut-être impru-
dent, comme le pensait G. Marcy (7), d'appeler également « libyques » des inscriptions

(3) V. notamment, outre le RIL, les articles de MM. J.G. Février (RAf), 0. RÕssler (Sybaris ; Kan.
und Aram. Inschriften) et A. Tovar (BSEAA).
(4) On sait avec quelle assurance G. Marcy lisait et traduisait même les textes occidentaux (v. Biblio-
graphie). M. 0. RÕssler apprécie plus justement la situation lorsqu'il écrit qu'on ne peut absolument pas
parler d'une compréhension linguistique de ces derniers : « Von sprachlichem Verstândnis der westlichen
Texte kann überhaupt keine Rede sein » (Sybaris, p. 94, § 3).
(5) RIL, p. III.
(6) V. en dernier lieu le Corpus des gravures rupestres du Grand Atlas et A. Jodin, Analyse.
(7) G. Marcy, Epigraphie, p. 145, réprouve le choix de l'adjectif « libyque », « qui évoque mal à propos
une localisation spatiale [la Libye] ou temporelle [les Libyens] entièrement controuvée ». Cette critique
serait fondée si ce terme, désormais traditionnellement appliqué aux inscriptions, avait conservé la valeur
précise que lui suppose Marcy. Mais justement, « libyque » n'est plus « libyen ».
aussi différentes que celles de Dougga et celles du Maroc. Si pourtant cette dénomination
commode reste réservée aux textes « indigènes » de l'Afrique du Nord ancienne (8), le
danger paraît réduit : les documents présentent comme un air de famille ; ce sont presque
toujours des stèles, dont l'antiquité est prouvée par le milieu archéologique ou suggérée
par l'absence de toute écriture locale à l'époque moderne. Il est plus difficile d'étiqueter
les inscriptions rupestres (9), presque toutes sahariennes ou présahariennes, dont la date,
la langue et à fortiori le contenu demeurent souvent énigmatiques. Le terme (d libyco-
berbère », qui désigne traditionnellement une certaine catégorie de gravures, ne paraît
pas très propre à qualifier un état de langue supposé intermédiaire entre le libyque et le
berbère (10). Quant au nom de « tifinarh », il désigne proprement les signes de l'écriture
touarègue, ancienne ou actuelle. On n'a pas intérêt à le donner indistinctement à tous les
alphabets analogues et il est encore plus abusif de le rapporter, comme on le fait parfois,
à un parler ou à une langue. Or les inscriptions du Grand Atlas et du Sud marocain appar-
tiennent, au moins provisoirement, au groupe le plus mal défini, qui ne relève ni du libyque
ni du touareg. Elles n'ont été signalées qu'accessoirement, par des préhistoriens dont
l'attention était ailleurs : d'un ensemble aussi important que celui de la vallée du Dra,
c'est à peine si nous possédons quelques échantillons (11). La publication de pareils textes
aurait exigé un examen direct que les circonstances ne permettaient pas. Ainsi empêchés
d'inclure des documents qui, par ailleurs, auraient compromis l'unité du recueil, nous
n'avons retenu que les inscriptions du Nord.

Nature, répartition et âge des documents

Vingt-sept inscriptions libyques sont actuellement connues au Maroc et ont été réunies

(8) Cf. J.G. Février, Histoire de l'écriture, p. 321. — Il serait prématuré d'annexer les Iles Canaries
au domaine libyque sans autre forme de procès. Je n'ai pas encore pu consulter l'ouvrage de D.J. Wôlfel,
Monument a Linguae Canariae, Graz, 1965.
(9) H. Duveyrier, Sculptures antiques de la province marocaine de Sous découvertes par le Rabbin
Mardochée, Bull. de la Soc. de Géogr., XII (1876), p. 140, parle de « cippe funéraire » à propos d'une ins-
cription de la région du Dra (cf. planche h.-t., n° 49 ; le n° 46 présente aussi l'aspect d'un cippe). De son
côté, M. Reygasse a observé dans le Sahara central des inscriptions sur « monolithes » : Contribution,
p. 63. De tels monuments seraient à revoir. Selon H. Lhote, Les Touaregs du Hoggar, Paris, 1944, p. 145,
« on ne connaît pas, jusqu'à présent, de stèles funéraires gravées en caractères tifinagh ».
(10) H. Lhote, ouvr. cité, p. 141-145, l'emploie pourtant ainsi. Par contre M. Cohen. La grande
invention de l'écriture et son évolution, p. 132-133, entend par « libyco-berbère » l'ensemble du libyque et
du berbère.
(11) Sur les inscriptions rupestres du sud marocain, voir notamment A. Ruhlmann, Les recherches
de préhistoire dans l'extrême sud marocain, Rabat-Paris, 1939, 108 p. (PSAM, V) ; A. Glory, Ch. Allain,
M. Reine, Les gravures libyco-berbères du Haut-Drâa (Maroc), Actes du Congrès panafricain de préhistoire,
IIe session, Alger, 1952, (1955), pp. 715-722 ; J. Malhomme, Corpus des gravures rupestres ; le même, L'homme
à l'inscription des Azibs n'1kkis : Yagour, BAM, IV, 1960, pp. 411-417 ; L. Galand, L'inscription des Azibs
n'Ikkis ; G. Camps, Massinissa, p. 272-274 ; le même, Monuments et rites funéraires, pp. 449-455 ; A. Jodin,
Analyse.
ici (12). L'abbé Chabot, on l'a vu, en avait publié neuf. Par la suite, MM. A. Tovar et
M. Tarradell avaient présenté quatre pierres nouvelles (13). Je me suis efforcé de vérifier
et d'améliorer les lectures des précédents éditeurs. D'autre part, la photographie d'une
stèle du musée de Volubilis avait été publiée sans commentaire par G. Marcy (14) et la
pierre de Sidi Slimane, dont on avait décrit une face, est également gravée sur l'autre (15),
ce qui porte à quinze le nombre des inscriptions éditées ici pour la première fois (16).
Tous les documents, sauf un, sont des stèles probablement funéraires, comme celles
du domaine oriental (16 bis). Leur origine n'est pas toujours connue avec exactitude,
mais leur répartition entre les musées de Tétouan, Volubilis et Rabat permet, dans une
certaine mesure, de tenter un classement géographique (17). A l'intérieur de ce cadre, j'ai
tenu compte des indications fragiles que peuvent donner l'aspect du texte, le style de la
gravure ou la forme des lettres. Le matériel est trop réduit pour autoriser des conclusions
précises, mais il ne semble pas parfaitement homogène et l'on pressent l'existence de
plusieurs types différents.
Voici l'ordre dans lequel sont présentées les inscriptions :
1° Stèles de la région de Tétouan (nos 1 à 8) : Elles constituent un ensemble cohérent
et original. Les huit textes sont écrits en gros caractères et, chose rare au Maroc, ils comp-
tent plusieurs lignes. Quatre stèles, les seules du genre au Maroc, juxtaposent un texte
latin au libyque. On peut rappeler à ce propos que la partie nord-ouest des Jbala possède
presque tous les noms actuels de villages ou de « clans familiaux » à suffixe -es, terminaison
dans laquelle M. G.S. Colin reconnaîtrait volontiers la désinence de pluriel -es de la troi-
sième déclinaison latine. Une enquête récente a permis à M. D.M. Hart (17 bis) de compter
64 noms de ce type, dont 18 se trouvent groupés dans la seule zone de l'Anjra d'où pro-
viennent nos inscriptions. Existerait-il un lien entre une latinisation assez poussée et un
certain épanouissement de l'épigraphie, même libyque ? On retiendra en tout cas que

(12) On en verra la répartition sur la carte que je joins à ce recueil. Aussi bien sur cette carte que dans
mon texte, je me suis résigné à une graphie de type traditionnel pour les toponymes modernes, dont je
n'ai pu vérifier la forme locale : l'essentiel était de fournir les points de repère indispensables.
(13) Nos 2, 3, 4, 10.
(14) N° 14.
(15) N° 11.
(16) Je n'ai pas retenu un petit autel du musée de Volubilis, sur lequel est tracée horizontalement une
série de barres verticales ou obliques. Dans le même musée, un fragment qui porte deux traits parallèles
coupés par deux autres ne m'a pas semblé provenir d'une inscription libyque.
(16 bis) V. G. Camps, Monuments et rites funéraires, pp. 80-81, pp. 554-555.
(17) Le partage des stèles entre Rabat et Volubilis a dépendu de circonstances diverses, si bien que
le n° 22, par exemple, se trouve à Rabat, quoiqu'il ait été découvert plus près de Volubilis. Le n° 18 est déposé
au Jardin de la Mamounia, à Rabat. Les nos 5, 6 et 17 n'ont pas été retrouvés.
(17 bis) V. G.S. Colin, Etymologies magribines, Hespéris, 1926, pp. 59-60, n° 10; p. 65-68, n° 21 ;
ibid., 1927, pp. 98-100, n° 21 ; D.M. Hart, Tribal and Place Names among the Arabo-Berbers o f North western
Morocco : A Preliminary Statistical Analysis, Hespéris-Tamuda, 1, 1960, pp. 465-467 (et n. 21).

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la région fait preuve de personnalité. Il est piquant que deux des stèles du musée de Tétouan
(nos 3 et 4) aient été trouvées près du village de Belâaichich (bdleaises) dont le nom présente
justement la désinence en question.
2° Stèles de Lixus (nos 9 et 10) : Elles trahissent des influences puniques.
3° Stèles de la région de Volubilis (nos 11 à 17) : certaines se signalent par la fermeté
de la gravure et par une écriture « carrée », qui évite les lignes courbes ; telles sont les
pierres de Sidi Slimane et de Tifflet (n°s 11, conservé à Rabat, et 12) ; une autre (n° 15)
doit sans doute à une influence punique la finesse du trait et la petitesse des lettres ; la qualité
du fragment n° 16 est également assez exceptionnelle.
4° Stèles conservées à Rabat (nos 18 à 26) : plusieurs (nos 18 à 21) ont été trouvées
sur le plateau ou dans la région littorale, au sud du limes romain ; ce sont des blocs à
peine façonnés, sur lesquels de grandes lettres ont été très profondément gravées ; mais
l'effritement de la pierre, grès ou calcaire grossier, a émoussé le trait ; quelques signes
ont des formes insolites. Une inscription provient de la région d'Azrou (n° 22). Elle reste
isolée, dans l'ignorance où nous sommes de l'origine des quatre dernières stèles (nos 23
à 26).
5° Tesson provenant des fouilles de Banasa: il porte deux rangées de signes d'appa-
rence libyque. Ce document malheureusement égaré n'a pas d'équivalent : une tombe de
Tiddis, dans le Constantinois, renfermait bien une poterie peinte du premier siècle av.
J.-C. sur laquelle on reconnaît trois caractères libyques, mais l'inscription de Banasa
présente un tout autre aspect ; gravée à la pointe sèche, elle est plus longue et moins soi-
gnée, on serait tenté de dire plus cursive que celle de Tiddis. Elle ne ressemble pas non plus
aux courts graffiti sur poteries qui ont été signalés — loin du Maroc — à Aqua Viva et à
Sila (18). Il a paru préférable de la séparer des stèles, avec lesquelles on ne peut guère la
comparer.
Il est actuellement impossible de dater avec précision les inscriptions libyques du
Maroc. Leur contenu nous échappe et leur contexte archéologique, quand par chance il
a été décrit, n'a fourni jusqu'à maintenant aucun repère précis. Toutefois on ne peut
négliger le fait que plusieurs d'entre elles gisaient au milieu ou au voisinage de ruines
antiques (19). G. Marcy, reprenant une opinion de Faidherbe, parlait d'une sorte de
« symbiose » entre l'épigraphie libyque et les civilisations carthaginoise et romaine (20).
Sur ce point, rien n'est venu infirmer sa théorie et les stèles du Maroc, pourtant trois fois
plus nombreuses aujourd'hui, demeurent groupées dans le nord-ouest du pays. Est-ce
un hasard ? Ni le sud ni l'est, jusqu'à l'Oranie, n'en ont encore livré. L'épigraphie libyque
a été stimulée par les exemples punique et latin : on le constate à Lixus et à Volubilis, où une

(18) G. Camps, Monuments et rites funéraires, p. 184 (n. 1), 283-285, 323, 356-357 (avec bibliographie).
(19) Le n° 7 vient de Tamuda, les nos 9 et 10 de Lixus ou des environs, le n° 13 d'un établissement
romain proche de Volubilis, le n° 17 de Volubilis (?), le n° 27 de Banasa.
(20) G. Marcy, Epigraphie, p. 133.
stèle libyque (n° 15) ressemble fort aux stèles puniques du même musée (21). L'existence
de stèles bilingues, même s'il s'agit parfois de pierres remployées (22), montre aussi que
le libyque fut le voisin, sinon l'associé, du punique et du latin. En définitive, une date
ancienne, antérieure à la conquête arabe, est certaine pour plusieurs de nos inscriptions
et vraisemblable pour les autres. Mais on doit se contenter de cette approximation.

Problèmes de la lecture et du déchiffrement

La teneur des textes est évidemment le problème majeur. C'est aussi le plus difficile,
au point qu'on peut se demander si la documentation existante en permet la solution. Il
comporte de multiples inconnues et, dès le départ, on cherche en vain un point d'appui
solide. Nous ignorons à la fois la langue dans laquelle sont rédigées les inscriptions et la
valeur des signes qui notent les mots de cette langue. Le n o m de libyque n'est guère plus
qu'une étiquette, on l'a vu (23). Même si le libyque du Maroc s'apparente à celui de Tunisie,
dont on entrevoit maintenant quelques traits, on doit s'attendre à des divergences égales
à celles que l'on observe aujourd'hui entre les parlers berbères. Le berbère à son tour,
généralement considéré comme l'état présent du libyque, ne peut être d ' u n grand secours
dans la première phase du déchiffrement : avant de comparer les formes anciennes aux
modernes, il est nécessaire de les lire, donc d'établir l'alphabet. On l'a fait en Tunisie
grâce aux inscriptions bilingues qui ont permis de déterminer la valeur de presque toutes
les lettres. Mais les inscriptions du Maroc, comme beaucoup de textes d'Algérie, emploient
certains signes qui sont inconnus à l'est et ignorent d'autres signes qui font partie de l'alpha-
bet oriental. Une écriture alphabétique est un système de lettres qui s'efforce de corres-
pondre à un système de phonèmes ; dans l'un comme dans l'autre, tout se tient ; on est
donc fondé à se demander si les différences évidentes, qui portent sur la forme des lettres,
ne supposent pas d'autres différences, qui pourraient affecter la valeur des signes communs
aux deux groupes. Tel est le sens qu'il faut accorder, je crois, à la distinction désormais
classique entre l'écriture libyque orientale et l'occidentale : la réalité n'est sans doute pas
aussi simple (24), mais il reste qu'on n ' a pas affaire à un domaine uniforme et que les

(21) V. ci-dessous le commentaire des nos 9 et 15 ; cf. aussi le n° 16.


(22) Sur ce point, v. ci-dessous. Pour des raisons paléographiques, on a attribué au Ille s. av. J.C.
le texte punique du n° 9 et au Ille s. ap. J.C. le texte latin du n° 1 (v. les commentaires).
(23) V. p. 11.
(24) M. A. Tovar, Papeletas IV, BSEAA, XI, pp. 69-74, n'a pas eu de peine à montrer que la dis-
tinction entre une écriture « numidique » (orientale) et une écriture « saharienne » (occidentale et méri-
dionale), proposée par G. Marcy dès son étude sur La pierre écrite duAin Jma'a, BSPM, 1932, pp. 14-22,
et reprise dans ses publications ultérieures, simplifiait trop les faits. Cf. aussi les observations présentées
ci-dessus, pp. 10 et 11. A. Basset, Ecritures libyque et touarègue, p. 137, se défiait lui aussi de la théorie
schématique de Marcy. A Aïn Taya, près d'Alger, une inscription inédite dont je dois la connaissance à
M. P. Salama semble combiner les deux types d'écriture (à moins qu'il n'y ait eu remploi). Entre les zones
orientale et occidentale, la limite géographique n'est pas franche, tandis qu'à l'intérieur de chaque zone
on observe, comme au Maroc, une certaine diversité. Cependant l'opposition entre libyque oriental et liby-
que occidental reste commode, si l'on n'en fait pas un cadre trop rigide. Sur cette question, cf. J.G. Février,
RAf, 1956, p. 265.
lectures parfois proposées pour quelques inscriptions marocaines dépendent de concor-
dances hypothétiques avec l'alphabet oriental ou avec les tifinarh (25).

A côté du texte libyque, cinq de nos stèles portent une inscription rédigée dans une
autre langue, punique (n° 9, de Lixus) ou latin (nos 1, 2, 3, 4, de l'Anjra). Cette circonstance
en apparence favorable demeure sans effet : dans tous les cas, l'un des deux textes se trouve
détérioré ou mutilé et l'on ne décèle aucune correspondance entre les fragments des deux
rédactions (26), si bien qu'on a parfois douté que l'un fût la traduction de l'autre ; on a
même envisagé la possibilité d ' u n remploi, notamment pour la stèle de Lixus : la même
pierre aurait reçu deux textes indépendants l'un de l'autre (27).

La brièveté des inscriptions ajoute à ces difficultés. Les plus longues, qui comptent
de deux à cinq lignes, sont groupées dans l'extrême nord du pays, de même que les bilin-
gues : est-ce un effet du hasard ? Le tesson de Banasa conserve deux lignes d'écriture.
Partout ailleurs, une seule ligne est visible (28). Au contraire de ce qui a lieu dans l'est,
où l'on reconnaît souvent des noms propres, des indications relatives à la fonction ou aux
titres du défunt, etc., rien ne transparaît ici de la structure des textes.

Dans ces conditions, il semble que la tâche la plus urgente soit, comme je l'ai dit,
essentiellement descriptive. Il faut observer la forme des lettres, déterminer leur nombre,
évaluer leur fréquence et chercher à définir leur distribution, c'est-à-dire les positions où
elles sont admises et les groupes qu'elles forment entre elles. Une étude comparative
du tracé et du nombre des lettres dans les divers secteurs de l'épigraphie libyque et ber-
bère conduirait à des remarques intéressantes et peut-être à des hypothèses plausibles sur
la valeur de certains signes. Une telle étude n ' a pas sa place ici ; les documents du Maroc
devraient être examinés en même temps que les inscriptions « occidentales » d'Algérie.
Ils sont du reste trop peu nombreux pour autoriser de véritables statistiques et les chiffres
qui seront donnés plus bas ne peuvent constituer qu'un apport partiel à une enquête plus
étendue.

La disposition des bilingues et la forme des stèles, quand elles ne sont pas trop mutilées,

(25) C'est le cas des transcriptions tentées par G. Marcy, puis par MM. Solà Solé, Tarradell et Tovar.
Si légitimes que soient de tels essais, je crois devoir m'en abstenir, comme l'a fait Chabot, dans un recueil
de matériaux.
(26) G. Marcy, ILB, croyait pourtant avoir découvert des relations précises entre les deux textes de
chacune des bilingues qu'il a étudiées.
(27) V. pour le n° 2 Tovar-Tarradell, I Congreso, pp. 437-439, et pour le n° 9 Sola Solé (qui, je crois,
va trop loin), dans Sefarad, pp. 374 et 378.
(28) Toutefois la stèle de Sidi Slimane porte une ligne sur chacune des deux faces. — Voici, à titre
indicatif, le classement des inscriptions d'après le nombre des signes que je considère comme sûrs ou assez
probables : 33 signes (n° 9), 25 signes (n° 3), 22 signes (n°s 5, 11), 19 signes (nos 8, 27), 16 signes (n° 2),
15 signes (n°s 7, 15), 13 signes (n°" 1, 4, 21), 11 signes (nos 14,19, 20) (10 signes (nos 10, 26). 9 signes (nOS 6,
12, 23), 8 signes (nos 13, 17, 24), 7 signes (n° 25), 5 signes (nos 18, 22) , 4 signes (n° 16). Le nombre réel
était un peu plus élevé, puis certains signes ont disparu ou sont devenus illisibles.
prouvent que les lignes d'écriture étaient verticales, conformément à l'usage le plus fréquent
en libyque (29). Les textes dans lesquels on reconnaît le mot V □ + (30) ont été écrits
de bas en haut, ce qui, à nouveau, correspond au tracé le plus courant. On admettra
provisoirement qu'il en va de même pour tous les autres et les signes seront comptés
à partir du bas de chaque ligne. Par convention et en l'absence de tout critère sûr, les
lignes d'une même inscription sont numérotées de gauche à droite, mais l'ordre inverse
n'aurait rien d'extraordinaire (31).
Une dernière difficulté surgit, et ce n'est pas la moindre, bien que tous les auteurs
l'aient passée sous silence : plus d'une fois, il est impossible de déterminer avec certitude
la position correcte d'une stèle, de façon à savoir dans quel sens l'inscription doit être
examinée. Il y a en effet des caractères libyques qui ne sont pas modifiés par une rotation
de 180°; d'autres sont attestés dans l'une et l'autre des positions entre lesquelles on
voudrait choisir. Si une inscription ne contient que des signes de ce genre et si, de surcroît,
la pierre elle-même est trop fruste ou trop mutilée pour fournir aucun argument décisif,
le choix reste aventureux. Le meilleur guide serait un tableau de la fréquence des signes
et de leurs combinaisons, mais, dans le cas d'un groupe aussi limité que celui des inscrip-
tions marocaines, ce tableau lui-même dépend du choix que l'on a fait : il y a donc cercle
vicieux et l'on ne peut présenter les matériaux sans avoir pris parti. Je m'y suis résigné,
en m'appuyant, quand je l'ai pu, sur des comparaisons et avec la pensée que l'essentiel
était de prévenir le lecteur.

Forme et fréquence des signes

Si l'on néglige les lettres qui sont trop effacées ou trop détériorées pour être lues
sans arbitraire, on compte dans les vingt-sept inscriptions du Maroc 350 signes répartis
entre 48 formes différentes. Pour classer ces formes, on ne peut se fonder ni sur une tradi-
tion ni sur leur valeur, encore incertaine ou inconnue. Il m'a semblé utile de considérer
le degré de dépendance où elles se trouvent par rapport au sens de l'écriture et qui, par
suite, les rend plus ou moins aptes à suggérer la direction de la lecture (32). Pour ordonner
les signes à l'intérieur de chacun des groupes, j'ai tenu compte de leur complexité et de
leur structure. Je leur conserve ici la position que leur donne une écriture supposée verticale
et dirigée du bas vers le haut. Le chiffre qui suit chaque signe indique le nombre des exemples,
sûrs ou vraisemblables, relevés au Maroc.

(29) V. RIL, p. VI. Cette observation n'est peut-être pas valable pour le tesson de Banasa (n° 27).
(30) V. ci-dessous, p. 35.
(31) RIL, p. VI.
(32) Il arrive qu'une même lettre reçoive, normalement ou par erreur, des orientations opposées,
sans changer de valeur (v. RIL, p. VII). Mais on constate une tendance à affecter aux phonèmes les plus
fréquents les lettres les plus indépendantes du sens de l'écriture.
1° Signes indifférents à une rotation de 90° : ils ne peuvent renseigner ni sur la direc-
tion, ni même sur la disposition horizontale ou verticale de l'écriture.

Au total : 106 exemples.

2° Signes sensibles à une rotation de 90°, mais indifférents à une rotation de 180° :
ils ne renseignent pas sur le sens de l'écriture ; de plus, lorsqu'ils se retrouvent dans les
inscriptions horizontales de Tunisie, ils n'y subissent pas tous la rotation de 90°.

Au total : 128 exemples.

30 Signes sensibles à une rotation de 180° : on remarque ici que plusieurs signes
s'opposent deux à deux ; il peut s'agir, selon les cas, de deux lettres distinctes ou de deux
variantes d'une même lettre ; lorsqu'un signe appartient à l'une de ces paires, sa présence
sur une inscription ne suffit donc pas à déterminer le sens de la lecture.

a) Admettent un axe de symétrie vertical :

Au total : 75 exemples.

b) Admettent un axe de symétrie horizontal :

< 4 ex. C 15 ex. 3 1 ex.


> 2 ::J 8

Au total : 30 exemples.
c) N'admettent aucun axe de symétrie :

� 7 ex. 1h 1 ex. j Y (?) 1 ex.


11 ! i F (?) 1

Au total : 11 exemples.

Comme je l'ai déjà souligné, le nombre total des signes est assez modeste, ce qui
limite la portée des observations. De plus, si l'orientation proposée pour certaines stèles
s'avérait inexacte, la correction entraînerait quelques modifications dans le détail des
chiffres et des tableaux. On peut cependant formuler quelques remarques. Le chiffre de
48 formes dépasse de beaucoup ce qu'on attend pour un alphabet de ce type, qui ne devrait
guère excéder la trentaine de lettres (33). Outre qu'il faudrait revoir la lecture des lettres X
et F, qui ne me sont connues que par copie ou calque (34), il est évident que notre docu-
mentation n'est pas homogène. Déjà plus frustes que la plupart des autres, les stèles trou-
vées sur le plateau au sud du limes romain (nos 18 à 21) portent des signes si aberrants
qu'on peut se demander s'il s'agit bien de lettres : ru Ul Mil nnn. Les autres pierres
conservées à Rabat et à Volubilis ne composent pas un groupe uniforme : quelques-unes
ont subi des influences urbaines (35), d'autres paraissent plus rustiques. Limitée aux
textes de Tétouan et Lixus, qui présentent une plus forte unité, la liste serait effectivement
ramenée à une trentaine de signes : . + X 0 0 Œ.1 0 .. 1 111111111 Ml 11111 ? - H H V A W
M U W .1. ï < > C il 3 i' 1h Y ?. Si l'on élimine • • , dont la fonction est démarca-
vative (36) et si l'on considère que certains signes ne sont que des variantes d'une même
lettre — cela est certain pour 0 et 0 , [J et O , C et 3 , probable pour d'autres (37) —,
on obtient un chiffre tout à fait normal. Il est même possible que l'alphabet ainsi tiré des
dix inscriptions du nord ne soit pas complet.

Les signes suivants sont communs aux inscriptions occidentales et orientales, ce qui
n'implique pas qu'ils aient la même valeur dans les deux groupes : - + X 0 0 E 0
1 Il 111 1111 - r z N H W M L i n ? i l i r n ? £ ? C ? I I M ? Y . I l e s t à remarquer que toutes
les lettres indifférentes à la disposition de l'écriture (38) figurent dans cette liste.

Voici les signes qui sont inconnus des inscriptions orientales: - - IIIII -H+ ffit H
H fil Ul Mil V A cm mil .1. T nmi < > 3 1h F . L'abbé Chabot avait signalé une

(33) V.J.G. Février, Histoire de l'écriture, pp. 321 et 327 : 23 lettres en libyque selon Fulgence, 24
dans les bilingues punico-libyques de l'est, 24 dans l'alphabet ancien des Touaregs.
(34) Une lettre X a pourtant été signalée par Chabot, RIL, p. V.
(35) V. ci-dessus, p. 13.
(36) V. p. 22.
(37) V. N et M, p. 26 ; V et A , p. 27 ; W et M , pp. 28-29, etc.
(38) V. ci-dessus, p. 17, 1°.
douzaine de lettres qui lui paraissaient étrangères à l'alphabet oriental (39) ; trois seu-
lement se retrouvent ici : w V '1' .

Inversement, les textes marocains semblent ignorer cinq des signes employés dans
l'écriture verticale de la zone orientale : H o u I XT H.

Le tableau suivant ordonne les caractères libyques du Maroc en fonction de leur


fréquence absolue et signale les groupes de deux signes qui représentent, ou pourraient
représenter, un seul et même phonème :

On voit que le nombre des exemples décroît rapidement et que la fin de la liste réunit
la moitié des signes. Cela provient de l'insuffisance numérique des matériaux, aggravée
par leur fractionnement entre plusieurs types d'inscriptions. Il est inévitable que les carac-
tères propres à chaque groupe apparaissent moins nettement : c'est ainsi qu'aucune des
« lettres » particulières au sud du limes n'est attestée plus d'une fois. Les données maro-
caines ne prendront toute leur valeur que dans le cadre d'une étude plus vaste.

Emplois et distribution des signes

Je crois devoir compléter la description des textes libyques du Maroc par un répertoire
des lettres, rangées dans l'ordre qui a été proposé plus haut (40). Chacune est accom-
pagnée d'une notice et d'un tableau.

(39) RIL, p. VI.


(40) Pp. 17-18.
La notice indique brièvement le nombre et la répartition des exemples marocains,
puis elle rappelle, s'il y a lieu, l'emploi que d'autres alphabets font du même signe. Il a
paru commode de désigner par LOr l'alphabet libyque oriental, par LOc l'alphabet libyque
occidental, par TA les alphabets touaregs anciens et par TM les alphabets touaregs moder-
nes, sans que ces appellations impliquent un classement définitif des types d'écriture (41).

Le tableau est une liste des séquences formées par le signe considéré, par celui qui le
précède et par celui qui le suit. Les signes dont la lecture m'a paru probable, sans être
sûre, sont placés entre crochets carrés (42). L'astérisque marque le début ou la fin d'une
ligne, indication dont il faut se contenter puisqu'on peut rarement délimiter les mots. Le
point d'interrogation signale les passages illisibles ou mutilés.

Les groupes de lettres libyques sont écrits ici de gauche à droite, mais, sauf indication
expresse, chaque lettre conserve la forme et la position que lui donne l'écriture verticale
ascendante.

Quinze exemples, dont 6 pour la bilingue punico-libyque de Lixus et 3 pour la stèle


punicisante de Volubilis. Dans LOr, le point semble être tantôt un signe démarcatif,
tantôt une lettre ; dans TM, il note une voyelle finale. Sa fonction démarcative est bien
attestée au Maroc : dans l'inscription n° 15, le mot connu V □ + est suivi d'un point.
La présence du même signe en fin de ligne (quatre exemples dont deux sont assurés) et
peut-être au début de la ligne (un seul exemple, douteux) pose un problème. Dans l'en-
semble, le point semble réservé à une écriture soignée, de tradition citadine.

35 exemples, répartis dans tous les groupes d'inscriptions. Ce signe note t dans LOr,
TA et TM, comme dans certains alphabets sémitiques et en ibérique ; aussi peut-on sup-
poser sans grand risque qu'il a la même valeur ici. Sur X , v. ci-après.

(41) Sur ce problème, v. ci-dessus, p. 14 et n. 24.


(42) Les crochets indiquent bien, conformément à l'usage, une restitution, mais celle-ci est fondée
sur la trace des lettres, non sur le contexte.
X

4 exemples, t o u s d a n s le n o r d d u p a y s : trois p r o v i e n n e n t de la r é g i o n de T é t o u a n ;
le q u a t r i è m e , d o u t e u x , serait à Lixus. D a n s L O r , T A et T M , ce signe n ' e s t q u ' u n e v a r i a n t e
de + . A u M a r o c , o n r e n c o n t r e les s é q u e n c e s c o m p a r a b l e s W Il X (n° 8) et W Il + (n° 2),
mais, c o m m e les d e u x f o r m e s + et X p e u v e n t se p r é s e n t e r d a n s u n m ê m e texte (cf. la
suite + X , n° 5), o n est t e n t é d ' a t t r i b u e r u n e signification à ce c h a n g e m e n t d e g r a p h i e .
P o u r G. M a r c y , d o n t l ' a r g u m e n t a t i o n ne m e p a r a î t p a s c o n v a i n c a n t e , X noterait un t
s p i r a n t (43). P a r ailleurs, o n p e u t r a p p e l e r q u e les i n s c r i p t i o n s de D o u g g a o n t p o u r l ' o c c l u -
sive d e n t a l e s o u r d e , à c ô t é d e + et de X , u n signe 3] (en é c r i t u r e h o r i z o n t a l e ) , qui
p o s e u n p r o b l è m e a n a l o g u e (44). D a n s les textes m a r o c a i n s , X se t r o u v e d e u x fois s u r
q u a t r e à la finale ; il est vrai q u e + est f r é q u e n t aussi d a n s cette p o s i t i o n .

+ X * 5 Il X - 8
El X * 4 ? [X] U 9

o et O

16 exemples de 0 ; 13 exemples de 0 . La forme carrée est seule employée dans la


région de Tétouan et elle domine dans celle de Volubilis ; on observe une répartition
analogue pour r::J et 0 . Le tesson de Banasa (n° 27) montre que la limite n'est pas tou-
jours nette entre un style d'écriture et l'autre. On peut réunir les deux signes, auxquels
LOr, TA et TM donnent la même valeur r.

(43) G. Marcy, Introduction, § 1, B, b, 2° ; cf. ILB, p. 24.


(44) J.G. Février, RAf, 1956, p. 271, a présenté à ce sujet d'intéressantes observations.
El et 0

8 exemples de Il ; 15 exemples de 0 . La forme carrée est confinée dans les régions


de Tétouan et de Volubilis ; la forme ronde se trouve dans tous les groupes d'inscriptions ;
la répartition rappelle donc fortement celle de 0 et de 0 , ci-dessus. On peut consi-
dérer ces deux signes comme les variantes d'une même lettre, tout comme dans LOr,
où ils notent b, et dans TM, où ils notent s.

2 exemples, dont un douteux, dans la région de Tétouan. Ce signe paraît inconnu


de LOr ; dans TM, les deux points :, en écriture horizontale, notent w et répondent à la
lettre Il que TA employait en écriture verticale. Au Maroc, on ne peut admettre qu'un signe
aussi rare représente le phonème w, probablement assez fréquent. Il se trouve que dans
les deux exemples les deux points précèdent ou suivent immédiatement le mot connu
V II + , ce qui suggère une fonction démarcative.

+ .. V 8 1 H [--l V 2
1

7 exemples, dont 5 pour la seule région de Tétouan. Ce signe note n dans toutes les
inscriptions orientales, quel que soit le sens de l'écriture ; le petit nombre des exemples
fait douter qu'il ait ici la même valeur. Ce problème sera repris plus bas, à propos de — .
Dans TA, la lettre 1 , parallèle à la ligne d'écriture, représente une voyelle.

+ 1 ? 3 1 1 U 6
0 1 III 27 III 1 1 6 X 1C 5
0 1 -k- 7 1 III 1 # 27 1

Il

38 exemples, répartis dans tous les groupes. La lettre Il , parallèle à la ligne d'écriture,
note w dans LOr et dans TA. En particulier, c'est ainsi que les inscriptions libyques orien-
tales représentent constamment le mot w « fils de », pour indiquer la filiation. Au Maroc,
cette lettre se trouve six fois en position initiale et, dans deux de ces exemples, elle semble
être isolée au début de la ligne, devant un point (n° 10).

III

13 exemples, provenant presque tous du nord du Maroc; deux seulement, dont un


douteux, se rencontrent sur des stèles conservées à Rabat. Ce signe existe dans LOr, où
il peut représenter une voyelle (45), et dans TA, où il note la fricative vélaire sonore g ;

(45) V. J.G. Février, Histoire de l'écriture, p. 327, et G.A. Lafuente, Le rôle du signe — dans les ins-
criptions libyques.
ces deux alphabets connaissent la variante = , qui ne semble pas attestée ici (46).

* III I 6 | [11] III * 9 | [M] [III] H 9


+ 111-19 ! m III e 1 7 ! C III - 5
0 III 0 27 | - [III] El 3 j C III . 9
[0] [III] - 2 1 ! V III 0 l i a ! ? III 0 27
I III 1 27 i I

llll

5 exemples, tous à Tétouan et Lixus. Ce signe note l'occlusive dentale sourde empha-
tique t dans LOr et la fricative laryngale h dans TA.

Il 1111 - 2 - llll - 5 1 M llll [M] 9


1 - [llll] [W] 3 ? llll W 1

lllll

1 exemple à Sidi Slimane. La haste médiane est plus longue que les autres. Ce signe
semble inconnu de LOr, TA et TM.

fi lllll Il l l b

■Ht

1 exemple, dans la région de Volubilis. Cette lettre ne paraît pas se rencontrer dans
LOr ; elle a été signalée par l'abbé Chabot dans LOc (47) ; d'après A. Basset (48), le
signe -w serait la ligature de = 1 et de + t dans TA et il prendrait la forme HH ,
même en écriture horizontale, dans TM.

N n + 14

(46) A moins qu'il ne faille lire — au n° 20, 10e signe.


(47) RIL, p. VI.
(48) A. Basset, Ecritures libyque et touarègue, p. 139, qui corrige le P. de Foucauld, Notes pour servir
à un essai de grammaire touarègue, pp. 6, 8. On rencontre ce signe dans certaines inscriptions sahariennes ;
v. par ex. H. Lhote, Gravures rupestres d'Aguennar (Ahaggar), Journal de la Société des Africanistes, XXXIV,
1964, p. 78, pl. XXV, nos 467, 468, 472, etc.
•m-

3 exemples, à Volubilis et au sud du limes. Ce signe semble inconnu de LOr, TA et


TM. Faut-il le rapprocher de ITTl ? (cf. ci-dessous).

0 1HJ. nnn 19 1 - -fffi- III 17 1 C ittt + 20

37 exemples, répartis dans tous les groupes d'inscriptions ; dix textes commencent
par ce signe. Il note z dans LOr, mais le grand nombre des exemples marocains ne cor-
respond pas à ce qu'on attendrait de ce phonème ; par contre, le signe 1 , qui représente n
dans LOr, est étrangement rare au Maroc (cf. ci-dessus). On serait donc tenté de lire
ici — comme n et 1 comme z, à l'inverse de ce qu'on observe à l'est. Les considérations
qui suivent pourraient justifier cette hypothèse.
Lorsqu'il passe de l'écriture horizontale à l'écriture verticale, l'alphabet libyque
oriental, assez curieusement, ne fait pas subir aux caractères 1 n ett — z la rotation
de 90° qu'il impose à d'autres lettres, comme II , □ , etc. On peut se demander si ce n'est
pas là une particularité régionale. On constate en effet que TA représente n par — en
écriture verticale, tandis que pour le même phonème TM emploie 1 en écriture hori-
zontale, appliquant ainsi la rotation (49). Il ne serait donc pas surprenant que les inscrip-
tions du Maroc, écrite de bas en haut, eussent — pour n et 1 pour z. Le tableau suivant
résume ces observations :

(49) Quant au phonème z, il est représenté dans TA et dans TM par d'autres signes que le simple trait.
On voit que seule, sur ce point, l'écriture libyque verticale de l'est se séparerait des
autres. La situation est plus complexe que ne le pensait G. Marcy, lorsqu'il opposait les
. alphabets « sahariens » (LOc , TA, TM) au type « numidique » (LOr).

6 exemples, limités à la collection de Rabat ; 2 sont douteux. Ce signe note 1 dans LOr,
TA et TM (sous la forme Il quand l'écriture est horizontale). On hésite à lui attribuer
la même valeur au Maroc, en raison du petit nombre des exemples.

0 = = 26 | 0 [=1 20 2 0 i N = 0 25

[0] = C 23 | = = * 26 i III [ = ] ? 20

H et H
2 exemples de H , 1 exemple de H , tous dans le voisinage de Tétouan. Ce sont
peut-être les variantes d'une même lettre. Faut-il les considérer comme les formes locales
de N et H , connus dans les régions de Volubilis et de Rabat (cf. ci-dessous), ou encore
les rapprocher de H , attesté dans LOr avec la valeur d'une sifflante sonore emphatique
; et dans TA et TM avec la valeur f?
* HW8 ! D H 1:1 3
Il H .. 2 i

N et V1

4 exemples de N, 5 exemples de H, provenant tous des collections de Volubilis et


de Rabat. Le passage d'une des formes à l'autre est fréquent dans LOr, où elles notent la
semi-voyelle y ; encore aujourd'hui, les Touaregs Kel-Antessar représentent ce phonème
par la lettre V1 (50). On peut donc considérer qu'on a ici les variantes d'un même caractère,
dont il reste à déterminer la valeur. Il est remarquable que V1 se trouve quatre fois au début
de la ligne ou après un point. Sur une graphie particulière de N, v. le n° 14 ; le n° 18 pré-
sente peut-être la même particularité pour H.
- N O 14 ; * [M] 0 27
- N = 25 ; * [kl1 Il 18
M N rrn 12 | . H M 15
3 N ffi- 14 . H Ulll 15
D M * 12

ru et in

1 exemple de fij et 1 exemple, douteux, de III, sur une même pierre de la région de
Casablanca. Ces signes, qui paraissent inconnus ailleurs, seraient-ils des variantes de N
et H ? Cf. UIfl, ci-dessous, et Mn, p. 31. Selon H. Duveyrier, la lettre > peut avoir,
dans TA et TM, un tracé plus arrondi 3 ; de son côté, G. Marcy indique, parmi les variantes
de la même lettre, une forme � , qui, comportant un élément de plus que la précédente,
se rapproche de notre Mn. Des tracés de ce genre sont attestés dans l'Ahaggar (51).

- ru Mfl 20 | [=] [UI] [=] 20

UUI

1 exemple, dans la région de Casablanca. Cf. ru et III, p. 27 ; flIUl , p. 3].


ni uui c 20

V et A

12 exemples de V , 2 exemples de A , tous à Tétouan, Lixus et Volubilis, à l'excep-


tion d'un seul, qui est douteux. LOc emploie le signe V , mais ignore la lettre qui,
dans l'est, note k. Aussi M. A. Tovar pense-t-il que V pourrait représenter ici le pho-
nème k. D'autre part, s'appuyant sur des exemples comme J d et Ël t (LOr), il consi-
dère la répétition d'un même signe comme un moyen d'écrire la consonne sourde (52) :
serait-ce le cas de notre inscription n° lia ? (cf. aussi < < et > > , p. 32, M* et
M, p. 33. Si la forme V ne figure pas dans LOr, une inscription bilingue du Constan-

(50) V. P. de Coninck et L. Galand, GLECS, VIII, pp. 80 et 83.


(51) H. Duveyrier, Les Touâreg du Nord, Paris, 1864, pl. XXI, p. 388 ; G. Marcy, Epigraphie, Tableau ;
H. Lhote, art. cité (ci-dessus p. 24, n. 48), p. 78, pl. XXV, nos 462, 465, 467, 468, 469, etc.
(52) A. Tovar, BSEAA, XI, pp. 71, 75 ; A. Tovar-M. Tarradell, I Congreso, p. 442. Tovar attire
l'attention sur la suite de deux A , qui noterait k dans RIL 570.
tinois emploie A et transcrit ce signe par le latin c (53). Dans TA, les deux formes V et
A notent l'occlusive palatale sonore g et sont des variantes de � (v. p. 33) ; mais au
Maroc V et is se trouvent côte à côte sur une inscription de la région de Tétouan (n° 5).
Dans TM, le chevron apparaît comme variante d'une forme à angles droits : en écriture
horizontale, les quatre signes à ouverture latérale U V n A représentent d ; on pourrait
donc se demander s'il n'y a pas lieu d'admettre la même équivalence lorsque les signes sont
disposés, comme ici, dans l'axe de l'écriture : V et A seraient à ranger avec U et n
respectivement. Mais cette hypothèse se heurte à une double difficulté : d'abord, les chevrons
ainsi orientés ne sont pas connus du touareg, qui emploie seulement la forme à angles droits,
U en écriture verticale ou :J en écriture horizontale de droite à gauche, pour noter m ;
ensuite, il arrive qu'une inscription marocaine présente à la fois V et U (cf. le n° 8). En
définitive, si l'équivalence de V avec A paraît acceptable, leur valeur reste problématique.

14 exemples, dont 13 dans le voisinage de Tétouan ; un seul provient de la région de


Volubilis. Cette lettre, connue ailleurs, est l'une des plus remarquables pour les varia-
tions que l'on observe dans son emploi. Elle représente la chuintante sourde s dans LOr
et TA, la semi-voyelle y dans la plupart des alphabets touaregs modernes. Au Maroc,
G. Marcy l'a transcrite par y, l'écriture libyque occidentale étant, selon lui, de type « saha-
rien » (54). Cette théorie n'est nullement vérifiée : les divergences que l'on constate entre TA
et TM suffiraient à l'ébranler ; pour le libyque, M. A. Tovar a montré, précisément à propos
du signe W , qu'elle ne rendait pas compte de la complexité des faits. Après avoir donné
à la lettre W des inscriptions marocaines la valeur i (y), M. Tovar (55) a adopté une
transcription s (graphie à l'espagnole pour s ?), sans doute par analogie avec LOr.
Sur M , cf. ci-dessous.

(53) RIL 145.


(54) G. Marey, ILB, pp. 5, 159 ; cf. ci-dessus, p. 14, n. 24.
(55) A. Tovar, BSEAA, XI, pp. 69-74 ; puis A. Tovar - M. Tarradell, I. Congreso. Cf. ci-dessus, p. 14
et n. 25.
M

21 exemples : à elle seule, la bilingue de Lixus en fournit sept ; cinq autres proviennent
également de la zone nord (Tétouan) ; on en rencontre six dans la région de Volubilis
et trois, dont un seul est sûr, dans la collection de Rabat. Les formes W et M sont par-
fois employées ensemble (cf. n° 4). Elles ont la même valeur s dans TA et sont probablement,
ici aussi, de simples variantes : on peut comparer — W Il (nO 17) et — [M] Il (n° 24).
Mais le nombre assez élevé des exemples m'incite à présenter séparément les tableaux
de W et de M , que l'on pourra, de toute façon, confronter sans difficulté.

12 exemples, tous dans la zone nord (Tétouan, Lixus). Cette lettre qui tourne le dos
au sens de l'écriture note m dans LOr, TA et TM.

::Jf U C3 ' 1 U * 6 WU ? 8
G [U] ? 8 [II] U - 4 M U - 9
+ U — 2 - U ? 10 ? U —7
+ U ? 7 V U CI 8
[X] U .1. 9 | j

n
5 exemples : 3 dans la collection de Volubilis et 2 dans celle de Rabat ; ces derniers
sont douteux. Ce signe n'est peut-être qu'une variante ou une erreur pour U . Toutefois
il faut rappeler que dans l'écriture horizontale de Dougga, qui procède de la droite à la
gauche, une lettre C note s et s'oppose à :J m.

Il n 3 14 - ln] + 21 1 ? ln] [II] 26


; - n 11111 I1b
| - n m 13
LU

1 exemple, près de Tétouan. LOr note ainsi, sur une inscription libyque et latine (56),
un phonème que le latin rend par s. TA donne au même signe la valeur de z et TM celle
de d (emphatique). Il n'est pas impossible qu'un lien existe entre W et LU , comme le
suggère l'abbé Chabot (57), mais leurs valeurs restent distinctes en touareg et sans doute
aussi dans l'inscription marocaine, qui les emploie simultanément.

?WW 4

1 exemple, dans la région de Volubilis, sur une stèle dont l'orientation n'est pas assurée.
TA note ainsi le phonème emphatique z et l'oppose à LU , z non emphatique.

n m El 13

fin

2 exemples, dans la région de Volubilis, flîl et Iill figurent sur des inscriptions libyques
occidentales : ainsi RIL 871, 874, 876. Il faut distinguer cette lettre d'un ornement marginal
que l'abbé Chabot signale sur plusieurs inscriptions et qui serait une « main stylisée (sorte
de peigne à 4 ou 5 dents) » (58).

N mi lk 12 | M fïïl ? 16

mu

1 exemple, dans la région de Volubilis. Comme le précédent, ce signe est placé sur
la ligne d'écriture et ne doit pas être confondu avec le « peigne » signalé par Chabot
(cf. ci-dessus).
111 UUl ï 15

(56) RIL 252.


(57) RIL, p. V, tableau.
(58) RIL, p. XIII ; v. aussi p. VI.
.1. et T (?)

1 exemple de .1. , à Lixus ; 1 exemple de '1' (ou T ?), près de Tétouan. Ce dernier
signe a déjà été signalé dans LOc (59). Selon l'abbé Chabot, LOr note par -r , en écriture
horizontale, l'occlusive vélaire sourde q. TA emploie le même signe -r ou sa variante
pour représenter une occlusive palatalisée gY et l'on retrouve dans TM un signe très semblable
à celui du Maroc, les deux points étant rejetés à l'une ou l'autre extrémité du trait, perpen-
diculaire au sens de l'écriture : .1. ou '1' en écriture horizontale ; la valeur est encore gY.
Il semble donc qu'on puisse rapprocher ici .1. et T , si toutefois la lecture de ce dernier
est préférée à »i* ; leur valeur reste incertaine.

U .1. M 9 | ? [T] W. 4

1 exemple, sur une stèle conservée à Volubilis mais trouvée près de Tifflet. La situa-
tion est confuse : on trouve une lettre X , dont l'orientation paraît indifférente (60),
avec la valeur f dans LOr et avec la valeur g dans TM, tandis que g et R notent dans
TA la sifflante emphatique sourde y ou l'occusive vélaire q. M. A. Tovar a consacré à
certains de ces signes une étude qu'il étend aux alphabets méditerranéens (61). Il n'est du
reste pas évident que le signe marocain k s'identifie à l'un ou l'autre des précédents.

fin ^ + 12

fUUl

1 exemple, près de Maaziz. Est-ce bien une lettre? Des « lignes sinueuses » qui ornent
des pétroglyphes trouvés dans la même région ont déjà attiré l'attention de certains au-
teurs (62). Mais ici le motif est beaucoup plus court et s'insère dans une ligne d'écriture.
Il paraît constituer une série avec les signes ru IR UU1 , qui sont gravés sur une pierre de la
région de Fédala (v. p. 27).
iftt niui - 19

(59) RIL, p. VI. Dans le texte n° 4, Tovar eT Tarradell lisent, non T , mais *i* et considèrent cette
lettre, de valeur incertaine, comme caractéristique de LOc. V. aussi l'inscription n° 8, ligne 2, 7 e signe
(hypothétique).
(60) RIL, p. VII.
(61) A. Tovar, Papeletas VIII, BSEAA, XIV, pp. 31-33. V. aussi BSEAA, XI, p. 75, qui donne d'autres
références.
(62) H. Basset. Hesnéris, 1923, pp. 141-145 ; F. Benoit, BSPM, 1932, pp. 47-50 ; J. Herber, Hespéris,
1929, p. 323.
< et >

4 exemples de < , l'un près de Tétouan, les autres sur le tesson de Banasa, dont
l'orientation n'est pas sûre ; 2 exemples de > , à la suite l'un de l'autre, sur une inscription
de la région de Tétouan. Les séquences < < et > > attirent l'attention et évoquent
une remarque de M. A. Tovar, pour qui l'alphabet libyque recourt à la répétition d'un
même signe pour noter les consonnes sourdes (cf. V et A , p. 27, h et 1 , p. 33). Mais
ce n'est pas une règle absolue : le signe double j- est transcrit, dans une inscription orien-
tale bilingue (RIL 145), par le latin dh ; de plus, les exemples marocains de < < et de > >
appartiennent au tesson de Banasa, document de nature particulière qui présente aussi
les suites 0 0 et 0 0 . Dans T M les chevrons en travers de la ligne, V et A en
écriture horizontale, sont des variantes de U et f l , d.

0 < 27 27 M< - 1 + > > 3


Il < ? 27 < < Il 27 > > * 3

E et :

15 exemples de E , dont onze dans le nord (Tétouan, Lixus), les autres à Rabat;
8 exemples de 3 , à Tétouan et à Volubilis. Les deux formes peuvent être employées
côte à côte (cf. n° 4). Elles notent d dans LOr, TA et TM. Les inscriptions marocaines les
traitent également comme de simples variantes, puisque les deux graphies V C + et
V □ + sont attestées pour ce mot incompris, mais connu.

1 exemple, à Lixus. Aucun rapprochement ne s'impose. Serait-ce une variante de


tin (v. p. 30) ? Ou une ligature ? Ou l'ornement décrit par Chabot ?

. 3 ? 10

� et 1

7 exemples de f*, dont six à Tétouan et Lixus ; le dernier est donné par la stèle puni-
cisante de Volubilis ; 1 exemple de 1, sur cette même stèle. Quatre fois ces signes se trou-
vent en fin de ligne ou devant un point. LOr et TA emploient h et 1 pour noter l'occlusive
palatale sonore g. Une inscription bilingue du Constantinois transcrit 1 par la lettre
latine c (RIL 252). Toutefois, c'est la lettre 11" qui le plus souvent représente l'occlusive
sourde k dans LOr ; M. A. Tovar voit dans cette lettre un redoublement du signe P ( 1 ) g
et la donne comme un exemple du caractère systématique de l'écriture libyque, qui, pour
noter une consonne sourde, peut répéter le signe de la sonore ; M. Tovar cite aussi M
(RIL 31, à Maktar), variante de If (63). Au Maroc, on rencontre les séquences N" et
M, mais, au lieu d'être réunis en un caractère unique comme M à Maktar, les deux
signes, placés l'un au-dessus de l'autre, restent distincts.

+ r*5 1 wr* 1 ri^-9


II 9 ! mu 1 15 M - 15
V h 4- 5 1 ? r CI 4

Ih

1 exemple, au sud du limes. G. Marcy a vu là le signe Ih , qui est une variante de k


dans LOr et TA (64). Lecture problématique : le tracé même de la lettre ne s'y prête qu'à
demi et la présence d'un Ih unique au Maroc serait surprenante.

0 Ih [O] 21

X (?)

1 exemple, près de Tétouan. Je n'ai vu qu'une copie, due à M. A. Tovar. Le signe


ressemble à une lettre de LOc dont la valeur reste inconnue (65).

* X1 5

F (?)

1 exemple, sur le tesson de Banasa. Je n'ai vu que le calque, dû à M. Luquet. Faut-il


lire E , qui pourrait être une variante de LU ou de m ?

< F III 27

(63) V. ci-dessus p. 27 et n. 52, et p. 32.


(64) G. Marcy, BSPM, 1932, pp. 14-22.
(65) RIL 923 et p. V.
A l'aide du répertoire, il est facile d'étudier la distribution de chacun des signes.
J'ai signalé au passage les lettres dont la position m'a paru mériter une remarque : c'est
ainsi que la fréquence de V1 et surtout de — à l'initiale (66) a été soulignée.

Groupes de lettres

Il est intéressant de relever les groupes de lettres qui se présentent au moins deux fois
dans l'ensemble des documents : la répétition peut être fortuite, certes, mais elle peut aussi
révéler la présence d'un élément morphologique ou lexical. La liste qui suit n'est destinée
qu'à faciliter les recherches. Aussi comprend-elle des groupes qui, logiquement, ne devraient
pas coexister : par exemple, si l'on rapproche les deux séquences + 1- 0 — Il (n° 21)
et + 0 [0] = (n° 23) pour en extraire un groupe h 0 , il devient impossible
de rapprocher 1- 0 [0] = (n° 23) et k + El 0 V1 (nO 12) pour en tirer le groupe
+ El 0 , et inversement. C'est pourtant ce que j'ai fait, en attendant qu'apparaissent
les critères d'un choix.

Groupes de deux lettres

Il n'est pas rare de rencontrer plusieurs fois un même groupe de deux lettres, mais
ces rencontres ne sont guère significatives, car le nombre limité des signes suffit sans doute
à expliquer beaucoup d'entre elles. Je n'en ai donc pas dressé la liste complète, me conten-
tant de signaler quelques cas plus remarquables.
— Il (à l'initiale) 16, 22.
—N (à l'initiale) 14, 25.
—M (à l'initiale) 12 : cf. - W 17.
—n (à l'initiale) 13, 21.
V Il (à l'initiale) 2, 9.
W Il (à l'initiale) 2 (2 fois), 3, 5, 8. Cf. aussi W Il 6 (à la finale ?), 17 et
M II 9, 24 (?).
M El (après point) 10, l l b .
C + 7 (3 fois). Ce groupe est fréquent dans LOr et LOc. « On le trouve habi-
tuellement vers le haut des inscriptions, écrit l'abbé Chabot (67), en marge
du dernier n o m de la ligne voisine et, peut-être, quelquefois au début ».
Dans deux des trois exemples marocains, les lettres sont isolées du reste
de l'inscription et répondent à la description de Chabot.
f I" (devant point) 9 : cf. h 1 15.

(66) Il ne faut entendre par là, je le rappelle, que l'initiale des lignes, la division en mots n'étant géné-
ralement pas faite.
(67) RIL, p. XV ; cf. pp. VI et XVI.
Groupes de trois lettres

+ El 0 12, 23.
o + 0 13 : cf. 0 + [0] 18.
El 0 Il Ilb : cf. 0 [0] = 23.
0 0 1 7, 27. Rapprochement sans doute fortuit, les deux inscriptions étant de
nature très différente.
O — Il 13, 19, 21, 26. Mais cf. + 0 - Il et 0 - Il [0] ci-dessous.
Il + U 2, 7 ; cf. Il + :3 11 b.
Il 0 + 18, 19, 22. Mais cf. — Il 0 + ci-dessous. Si l'on donne aux lettres
la valeur qu'elles ont dans l'alphabet libyque oriental, on rapprochera
du groupe Il 0 + , wrt, le nom propre WRTM lu par M. Solâ Solé
dans le texte punique du n° 9. V. aussi RIL 945.
- + 0 21, 23. Mais cf. + 0 - Il ci-dessous.
- il 0 19, 21, 22 (à l'initiale), 26. Mais cf. 0 - Il 0 et - Il 0 + ci-dessous.
- W Il 17 (à l'initiale) : cf. - [M ] Il 24.
V [II] + 3, 7.
V □ + 2 (après ponctuation), 3 (à l'initiale), 15 (à l'initiale devant ponctuation);
V C + 8 (à l'initiale devant ponctuation). Mot fréquent dans les
inscriptions occidentales (v. p. 36).
W Il + (à l'initiale) 2 : cf. W Il X 8.
M - U (à l'initiale) 10 : cf. M - n 1 lb.
M C 0 1 (à l'initiale), 24.
U - C 4, 7.
U E ci 3 (à l'initiale) : cf. n 3 O 14.

Groupes de quatre lettres

+ O - Il 13, 21.
0 - Il O 19, 21, 26.
— Il 0 + 19, 22 : cf. Il 0 + ci-dessus. La même séquence se trouve, mais avec
première lettre douteuse, sur la roche des Azibs n'Ikkis : v. L. Galand,
L'inscription des Azibs n'Ikkis, BAkI, IV, 1960, p. 419-420, signes 5,
6, 7, 8.
Une comparaison de ces groupes de lettres avec ceux que l'on rencontre dans les autres
inscriptions libyques excéderait les limites du présent travail. Je me contenterai de formuler
ici une observation. A l'intérieur du domaine libyque, un lien était déjà visible entre le
Maroc et les autres provinces, puisque le groupe C + , employé près de Tétouan, figure
dans plusieurs inscriptions occidentales et peut-être même dans quelques textes orientaux.
Mais, outre que tous les exemples marocains de ce groupe sont réunis sur une seule stèle,
il n'est que bilitère, ce qui accroît le risque d'une ressemblance fortuite. Au contraire, le
mot V 3 + ( V E + ) est assurément celui-là même qu'on avait remarqué dans
vingt-deux inscriptions du type occidental (68). Depuis la région de Guelma, qui marque
encore sa limite vers l'est (RIL 643), l'aire de ce mot s'étendait jusqu'aux environs de
Saïda, au sud-est d ' O r a n (RIL 876). Elle recouvre maintenant tout l'ouest du domaine
libyque (69). C'est donc sur un immense territoire, de Guelma à Volubilis et à Tétouan,
du Hodna à la Kabylie et à la mer Méditerranée, que l'épigraphie décèle une certaine unité
linguistique, en même temps qu'elle pressent, par un de ces contrastes dont l'Afrique du
N o r d est coutumière et à l'intérieur même de la petite collection des documents marocains,
une déconcertante diversité.
Décembre 1961 et février 1965.

(68) A côté de RIL 842 bis ( = nH 15 ci-dessous) qu'il faut maintenant rendre au Maroc, 21 exemples
sont réunis dans le RIL (v. index, p. XV ; ajouter le n° 1123) ; un 22e exemple, encore inédit, a été décou-
vert à Aïn Taya, près d'Alger ; j'en dois la copie à M. P. Salama.
(69) Le cas des Iles Canaries restant réservé ; v. ci-dessus, p. 11, n. 8.
RÉGION DE TÉTOUAN

1. (RIL 882.)

Stèle trouvée en 1930 dans l'Anjra (Carcopino), à Jarda, près du Khmis (Quintero
Atauri et Tovar-Tarradell). Au Musée de Tétouan, où elle a été scellée sur un socle.

Hauteur 105 (Quintero Atauri) ; hauteur actuellement visible 98 ; largeur 70 ; épais-


seur 16.
Grès rouge-brun ; le grain est de grosseur moyenne ; l'angle inférieur gauche manque
et le texte libyque n'est pas complet en bas. Le champ épigraphique est assez usé, l'arête
des traits est émoussée, mais la plupart des lettres, profondément gravées, restent
très lisibles. Copie ; photographie (Pl. I).
Inscription bilingue, latine et libyque. L'aspect
général de la gravure et surtout la préparation subie
par le champ épigraphique, dont les différentes par-
ties sont soigneusement délimitées, montrent que les
deux textes forment un ensemble, ce qui ne signifie
pas nécessairement que l'un traduise l'autre. Pour des
raisons paléographiques, M. A. Tovar attribue cette
inscription au Ille siècle après J.C.

Latin

Hauteur des lettres 7 à 9,5.

D(is) m(anibus) s(acrum) ] Tacneidirl Securi [ f


(ilius)] exi Masaisulis uixit \ annos xxxxu.

L. 2 : Tacneidir : Tacneidis Carcopino ; Tagneidir Tovar. L'élément initial est rapproché


du touareg tag « descendance » par G. Marcy et du touareg tagn (erreur pour atagya)
par M. A. Tovar citant G. Mercier. n serait la préposition connue du berbère et le nom
signifierait « les enfants » ou « l'affranchi d'Idir ». Aucun de ces rapprochements ne me
convainc, parce qu'ils restent isolés. Le nom Tknh (RIL 444), dans lequel h représente sans
doute une voyelle, ou encore celui du Numide Tacfarinas, qui lutta contre les armées de
Tibère (Tacite, Annales, II, 52), pourraient aussi être évoqués : ils sont plus proches du
libyque, sinon plus lumineux.
L'élément final est mis en rapport par G. Marcy et par M. A. Tovar, avec le nom
berbère actuel Idir, que G. Mercier croyait déjà rencontrer dans des formes anciennes,
notamment dans le toponyme Rusaddir et dans le nom du dieu Baliddir. Mais Ba'al Addir
est mentionné à Byblos dès le IVe siècle av. J.-C. (v. J.G. Février, A propos de Ba'al Addir,
Semitica, II, 1949, p. 21-28). Il n'y a donc pas lieu d'expliquer par le libyque le deuxième
élément de Baliddir ni même celui de Rusaddir. Tout au plus peut-on imaginer que ces
noms ont bénéficié en Afrique de leur ressemblance avec des termes locaux. Un nom de
personne Ydr est attesté en libyque (RIL 260) ; il peut correspondre au moderne Idir
(Idder, etc.), qui est en réalité une forme verbale à valeur d'optatif, « qu'il vive ! » (pour
le sens, cf. l'arabe Yabya). Le verbe berbère idir « vivre » présente des thèmes à alternance
consonantique (ddar, etc.) : v. A. Basset, Sur le verbe berbère signifiant « vivre », Afri-
kanistische Studien D. Westermann... gewidmet, Berlin, 1955, pp. 45-50. La forme pre-
mière de l'aoriste serait yidir pour la 3e personne du masculin singulier ; on la trouve par
exemple dans le nom des Bni Yidir, les Beni Ider des cartes, sur lesquels M. J. Marion a
bien voulu attirer mon attention parce qu'ils habitent justement dans le voisinage de
Tétouan. Il n'est pas impossible que la finale de Tacneidir se rattache à ce verbe, puisque
rien ne suggère ici une étymologie phénicienne ou punique. Mais ce n'est là qu'une hypo-
thèse, désormais privée de l'appui que paraissaient lui apporter les formes Baliddir et
Rusaddir.
L. 3 : Securi: Il s'agit sans doute, comme le pense M. Tovar, d'un nom africain caché
sous une apparence latine. Beaucoup de noms propres libyques et berbères ont une racine
du type sifflante + occlusive palatale + r (ainsi Skr, RIL 595, 990, 992 ; Zegrenses, sur
uns inscription latine de Banasa ; etc.) et mériteraient une étude particulière.
Je conserve, malgré G. Marcy, la restitution de f (ilius) après le mot Securi, proposée
par M. J. Carcopino et justifiée par l'effritement de la pierre, qui a dû effacer une lettre
à cet endroit.
L. 4 : Masaisulis : Sur ce nom de population bien connu, v. S. Gsell, Histoire ancienne
de l'Afrique du Nord, t. V, 1929, p. 95 sqq. (en particulier la note 1 de la p. 96, à laquelle
l'inscription de Tétouan apporte un précieux complément) et les différents éditeurs de
l'inscription.

Libyque (70)

Le lapicide a pris la précaution de diviser le champ épigraphique en six bandes verti-


cales, mais il n'a utilisé, semble-t-il, que les quatre premières à gauche et peut-être le bas

(70) Les lignes sont numérotées de gauche à droite et les signes de bas en haut (v. p. 16).
de la cinquième : là où G. Marcy a cru voir d'autres lettres, je n'aperçois que des défauts
ou des éraflures de la pierre. On peut donc penser que le texte libyque commençait à gauche.
M. O. Rôssler estime que ce texte est trop endommagé pour qu'on puisse le déchiffrer,
mais il y reconnaît avec certitude l'écriture occidentale, « westnumidisch-mauritanischer
Duktus », qu'il met en rapport avec « l'unité ethno-politique » des Masaesyles.
Dimensions du signe El : hauteur 6 ; largeur 7,5 ; épaisseur du trait : 7 à 10 mm.

L. 1 : 3e signe : Marcy, Tovar. Sur la pierre, je n'ai vu qu'un point, peut-être


accidentel.

L. 2 : Le groupe Il W � se trouve dans RIL 646.

L. 3 : 1er signe : M Marcy, Tovar, sans doute avec raison. La lettre est maintenant
noyée en partie dans le ciment du socle.
4e signe : -1- Marcy, Tovar. La lettre est effacée et rien n'appuie cette interpré-
tation.

Le groupe M C El se retrouve au n° 24.

L. 4 : 1er signe : 0 Marcy, mais la ligne verticale à droite du signe se prolonge jusqu'à
la moitié de la ligne et n'est qu'une rayure. C Tovar, avec raison.
2e signe : Marcy lit, transcrit et traduit deux M consécutifs entre la lre lettre
et le chevron < , mais il y a là, manifestement, un seul M .
4e signe : H- Marcy. W Tovar. La pierre porte seulement le signe — . L'er-
reur est due, comme pour le 1er signe de cette ligne, aux stries verticales dont la pierre
est couverte ; elles sont peu profondes et diffèrent de la gravure.

L. 5 : 1er signe : W Marcy. 1 ? Tovar. On n'aperçoit plus qu'une entaille, qui pourrait
en effet être le haut de la lettre 1 émergeant du ciment.

Bibliographie

G. Camps, Massinissa, pp. 149-150, n° 466.


J. Carcopino, Hespéris, XVII, 1933, p. 9, n. 1 = Maroc antique, 2e éd., p. 175, n. 3.
J.B. Chabot, RIL 882 (photographie) ; l'auteur fait remonter la découverte de l'ins-
cription à 1932, au lieu de 1930.
J. Desanges, Catalogue des tribus africaines de l'Antiquité classique à l'ouest du Nil,
Dakar, 1962, p. 34 , 62 (et n. 1).
T. Garcia Figueras, Marruecos, 1939.
G. Marcy, ILB, pp. 156-161 (photographie, p. 157) ; — Epigraphie, pl. 1 et tableau,
Observation 17.
G. Mercier, La langue libyenne et la toponymie antique de l'Afrique du Nord, JA,
1924, pp. 189-320 ; sur Idir, v. les pp. 259-262.
P. Quintero Atauri, Memoria, p. 7 et pl. V ; — Apuntes, p. 73 et pl. XXVI ; — Estudios,
pp. 79-82 et pl. XLVIII.
O. Rôssler, Sybaris, § 5, p. 95.
A. Tovar, BSEAA, VII, pp. 67-71 ; — XI, p. 74 (où l'auteur, à la suite de Marcy,
attribue cette inscription à Lixus).

2.

Stèle trouvée en novembre 1949 à quatre ou cinq cents mètres de l'ancien bureau
espagnol (Intervenciôn) du Khmis de l'Anjra, dans un lieu dépourvu de tout autre reste
archéologique. Au Musée de Tétouan, où elle a été scellée
sur un socle.

Hauteur 140 (Tovar-Tarradell) ; hauteur actuellement


visible 103 ; largeur au sommet 48, à la base 41 ; épaisseur
7,5 à 11,5.
Grès de couleur brique. La stèle est brisée en bas et à
droite, mais le champ épigraphique semble entier ; il est très
usé en haut. Copie ; photographie (Pl. I).

Inscription bilingue, latine et libyque. Le latin est dis-


posé avant (texte a) et après (texte b) le texte libyque. Cette
répartition et le tracé de la lettre E, dont les barres transver-
sales montent de gauche à droite dans le texte a et descendent
dans le texte b, suggèrent qu'on est peut-être en présence de
deux inscriptions latines distinctes ; par contre, le texte latin
b et le texte libyque paraissent former un ensemble. D'abord
employée pour a, la pierre aurait reçu plus tard une inscrip-
tion bilingue, ou inversement.

Latin

Texte a :

L. 1 : Illisible.
L. 2 : AV(?)... 7 ...VETI Tovar-Tarradell. Je n'ai pas vu le signe 7 . Les deux der-
nières lettres, TI (?), sont placées au-dessus de la ligne.
Texte b :
Hauteur moyenne des lettres 3.
L. 1 et 2 : De Val(e)ntini 1 anus est: Tovar-Tarradell signalent que cet exemple de
l'emploi du nominatif après de est unique à date si ancienne. Il n'est pourtant pas possible
d'établir ici une chronologie précise.

Libyque

Dimensions du signe + (ligne 1) : hauteur 6,5 ; largeur 5,4 ; épaisseur du trait 7 à


10 mm.
L. 1 : V Il : ce groupe initial se retrouve au n° 9.
4e signe : Il n'est pas sûr que les deux points après H soient une lettre ; To-
var-Tarradell les négligent, peut-être avec raison.

V □ + : mot connu ; v. p. 35 et p. 36.

L. 2 : 4e et 5e signes : Quoique l'intervalle entre eux soit faible, les deux signes sont
nettement séparés et il faut lire U — plutôt que Il . C'est aussi ce qu'ont fait Tovar-
Tarradell, comme le montre leur transcription mz.
Les traits confus qu'on aperçoit au-dessus du signe — sont peut-être des
traces de lettres.
La suite Il + U se retrouve au nO 7 (v. p. 46), mais ici il semble que Il fasse
groupe avec W ; en effet W Il (lignes 2 et 3) est fréquent au début d'une ligne (v. p. 34).
On peut aussi rapprocher W Il + de W Il X , qui figure au n° 8.
Tovar-Tarradell croient retrouver, au début des lignes 2 et 3, un nom swt qu'ils rap-
prochent du nom de femme Tsawt, signalé en punique. Mais, même si l'on admet ici une
transcription fondée sur l'alphabet oriental, on ne peut négliger la différence entre +
(t ordinaire, ligne 2) et 1111 (t emphatique, ligne 3). De toute façon, comme le remarquent
ces auteurs, on n'aperçoit pas de correspondance entre le texte latin et le libyque.

Bibliographie

A. Gaudio, Notes, pp. 22-23 ; croquis sommaire (fig. 2, n° 1).


A. Tovar et M. Tarradell, / Congreso, pp. 437-438, n° 1 (copie incomplète et photo-
graphie).
A. Tovar, Linguas prerromanas indoeuropeas : Testimonios antiguos, Enciclopedia
lingÜÍstica hispanica, Madrid, 1959, t. I, p. 118.

3.

Stèle trouvée en décembre 1951 à Kdiwat Slim (« tertres des musulmans »), près du
village de Belâaichich (baleai§es' : sur ce nom, v. p. 13), fraction de Barcoquien (graphie
espagnole), à quatre kilomètres de l'ancien bureau espagnol (Intervenciôn) du Khmis
et à six cents mètres du no 4. Elle servait de seuil à une construction plus récente. Au Musée
de Tétouan, où elle a été scellée sur un socle.

Hauteur 160 (Tovar-Tarradell) ; hauteur actuellement visible 125; largeur 60; épais-
seur 20.
Grès ; le grain est de grosseur moyenne. La stèle semble entière, quoiqu'elle ait été
endommagée en bas et à gauche. La face inscrite est bosselée et usée, surtout en haut, ce
qui rend la lecture difficile. Copie ; photographie (Pl. II).

Inscription bilingue, libyque et latine. Le texte latin est


en haut. On aperçoit les traces de quatre lignes et il y avait
place, entre la première et la deuxième, pour une ou deux
autres. Les quatre lignes de libyque sont disposées vertica-
lement et elles arrivent si près du latin qu'on peut se deman-
der si les deux textes ne se chevauchaient pas : ils seraient
alors indépendants l'un de l'autre et la pierre aurait été rem-
ployée, ce qui expliquerait la dégradation plus accentuée de
la partie supérieure.

Latin

L. 1 : D(is) Mianibus) [s(acrum)].


L. 2 et 3 : Traces incertaines ; le nom du défunt devait
figurer là.
L. 4 : ...I...ITA... Tovar-Tarradell. La lecture uixit est
sûre et confirme anni[s].

L. 5 : TIA...M Tovar-Tarradell. On discerne les traces d'autres lettres, sans pouvoir


reconstituer le texte.

L. 6 : s[ib]i uiu[o feci]t ? Interprétation très conjecturale, mais l'existence de cette


ligne est sûre, quoiqu'elle ait échappé à Tovar et Tarradell.
Libyque

Dimensions du signe C de la ligne 4 : hauteur 8,5 ; largeur 8 ; épaisseur du trait


4 à 5 mm.

L. 1 : 2e signe : 0 Tovar-Tarradell, erreur due à une rayure de la pierre. Il s'agit


certainement de 3 , qui donne le mot connu V 3 + : v. p. 35 et p. 36.
5e signe : :1 Tovar-Tarradell, peut-être avec raison. J'ai opté pour III, qui serait
placé dans l'axe de la ligne, mais la haste gauche n'est pas aussi nette que les autres.
6e signe : 3 Tovar-Tarradell ; El me paraît sûr.

L. 2 : 6e signe : +1 Tovar-Tarradell. Mais la barre horizontale semble accidentelle


et il y a plus de deux hastes verticales ; on peut hésiter entre 1111 et 11111 .
7e signe : V Tovar-Tarradell. J'opte pour W , douteux.

L. 3 : W Il : groupe fréquent au début d'une ligne ; v. p. 34.


4e signe : 1 Tovar-Tarradell, peut-être avec raison. J'ai opté pour " , mais la
haste de gauche n'est pas au niveau de l'autre. La suite V [11] + , avec un signe Il égale-
ment douteux, se retrouve au n° 7.
6e et 7e signes : la copie de Tovar-Tarradell porte ^ , qu'ils ne transcrivent
pas. Mais les deux chevrons sont distincts, même s'ils doivent être interprétés comme un
ensemble (v. p. 32).

L. 4 : U E □ : le no 14 a n :i 0 .
A droite du 3e signe de la ligne 4, la pierre présente une rayure qui ne paraît pas être
une lettre.

Bibliographie

A. Gaudio, Notes, pp. 22-23 ; croquis sommaire (fig. 2, n° 3) ; ayant regardé l'inscrip-
tion à l'envers, l'auteur n'en a pas reconnu les lettres latines.
A. Tovar et M. Tarradell, I Congreso, pp. 440-441, n° 3 (copie).

4.

Stèle trouvée en décembre 1951 à Feddan Aakaba, près du village de Belâaichich


(baleaigç,e : sur ce nom, v. p. 13), fraction de Barcoquien (graphie espagnole), à quatre
kilomètres au nord de l'ancien bureau espagnol (Intervenciôn) du Khmis et à six cents
mètres du n° 3 ; on voit en cet endroit des traces de culture en banquettes. Au Musée de
Tétouan, où elle a été scellée sur un socle.

Hauteur à dr. 70 ; largeur au niveau de la lettre El 80 ; épaisseur moyenne 16.


Grès à patine rouge brique ; le grain est assez fin. La stèle est incomplète en bas et
peut-être en haut. Copie ; photographie (Pl. II).

Inscription bilingue, libyque et latine. Le


texte latin, qui compte deux lignes, est en haut.
En dessous sont disposées cinq lignes de liby-
que dont le début manque, comme le montrent
les traces de lettres qu'on aperçoit au bas des
lignes 2, 4 et 5. On ne discerne aucune corres-
pondance d'un texte à l'autre.

Latin

L. 1 : SASRAP : le deuxième A est plus


petit et a dû être ajouté. Pour Tovar et Tar-
radell, Sasrap est un nom, encore inconnu.

L. 2 : D(is) M(anibus) : Le mot s(acrum) ne devait pas être exprimé, car il ne semble
pas que la pierre soit brisée à droite.

Libyque

Dimensions du signe El : hauteur 6,8 ; largeur 7 ; épaisseur du trait 9 mm.


L. 2 : 1er signe : traces d'une lettre.
2e signe : T Tovar-Tarradell (v. p. 31, n. 59). Ce qu'ils ont pris pour le troi-
sième point n'était peut-être que l'extrémité d'une longue crevasse de la pierre ; c'est
pourquoi je lis '1' .

L. 4 : 1er signe : Il Tovar-Tarradell. On ne voit plus le bas de la lettre, mais les deux
traits verticaux sont trop rapprochés pour qu'on puisse lire U ; de plus, Tovar-Tarradell
ont dû examiner la stèle avant qu'elle ne fût scellée ; j'adopte donc leur lecture.
La suite U — C se trouve au n° 7.

L. 5 : 1er signe : Trace d'une lettre, au-dessous de LU .


Cette inscription réunit E et 3 (v. p. 32), W et M (v. pp. 28-29).
Bibliographie

A. Gaudio, Notes, pp. 22-23 ; croquis sommaire (fig. 2, n° 2).


A. Tovar et M. Tarradell, I Congreso, pp. 439-440, n° 2 (copie et photographie).

5.

Stèle trouvée dans « la région de Tétouan » (A. Tovar). Je ne


l'ai pas vue à Tétouan et je ne sais ce qu'elle est devenue. M.
A. Tovar, vers 1955, a eu en mains une photographie de cette
inscription dont il a bien voulu me signaler l'existence, en m'auto-
risant à publier la copie provisoire qu'il en avait faite.
L. 1 : 2e signe : On serait tenté de lire C en raison de la
fréquence du mot V C + (v. p. 35 et p. 36, ainsi que les nos 3 et 8,
où ce mot occupe la même position).
L. 2 : W Il : Groupe fréquent au début d'une ligne (v. p. 34
et, en particulier, les inscriptions nos 2, 3, 8).
6e et 7e lettres : On rencontre ailleurs + et X sur une
même inscription (RIL 690, 691, 692, etc. ; v. ci-dessus, p. 21).
L. 3 : 1er signe : Y a déjà été signalé dans l'est (RIL 2, 309-311,
923), mais on n'en a pas d'autre exemple au Maroc ; v. p. 33.
D + : Ces deux lettres, séparées du reste de l'inscription, occupent l'emplacement
habituel du mot C + (ou U + ) (v. p. 34). Peut-être faut-il corriger la lecture 0 en
C ou U.

Cette inscription était inédite.


6.

Stèle trouvée dans « la région de Tétouan ». Je la publie, grâce à


M. A. Tovar, dans les mêmes conditions que le n° 5.
Si l'on retrouve un jour cette pierre, on pourra sans doute vérifier le
sens de la lecture. On aurait plusieurs raisons de l'inverser, à condition
que la forme de la stèle le permît : la lettre III paraîtrait plus nor-
male en fin de ligne ; la lettre A reste exceptionnelle, tandis que V
est courant ; enfin V C pourrait être un fragment du mot fréquent
V E + (v. p. 35 et p. 36). Mais, en l'absence d'autres critères,
aucun de ces motifs n'est assez déterminant pour m'autoriser à
retourner la copie de M. A. Tovar.
Cette inscription était inédite.
7. (RIL 883)

Fragment de stèle trouvé à Tamuda (Marcy, Tovar ; cf. Bibliographie, ci-dessous).


Au Musée de Tétouan, où il a été scellé sur un socle.

Hauteur à dr. 28 ; largeur 38 ; épaisseur 6.


Grès de couleur grise ; le grain est fin. La pierre est
cassée de tous côtés ; l'arête du trait est émoussée. La pré-
sence du mot C + assure l'orientation correcte du fra-
gment. Copie ; photographie (Pl. III).
Dimensions du signe 0 : diamètre 5 ; épaisseur du
trait 5 mm.

L. 1 : Traces de lettres, connues de Tovar, mais non


de Chabot (sur la source de ce dernier, cf. Bibliographie,
ci-dessous).
L. 2 : 1er signe : Traces d'une lettre, peut-être + , comme le veut Tovar.
2e signe : V Tovar, Chabot. Mais le trait de droite semble être seulement
une éraflure de la pierre ; je lis V .
3e signe : W (?) Chabot. Je propose, comme Tovar, la lecture Il, quoique la
lettre n'apparaisse pas nettement et que les hastes soient plus rapprochées qu'à l'ordi-
naire.
5e signe : □ « dudoso » Tovar ; U Chabot. La pierre étant cassée en haut,
on peut hésiter entre les deux lectures ; j'ai opté pour U .
V [II] + : Ce groupe se retrouve au n° 3, tandis que le n° 2 a la suite Il + U .
L. 3 : Bas de la ligne : 1 Tovar. Je n'ai pas retenu cette lettre, qui me paraît douteuse.
C + : V. ligne 5.
L. 4 : 1er signe : Traces d'une lettre, au-dessous de U .
U— E : Cette suite de lettres se retrouve au n° 4. Il est vrai qu'on pourrait
rattacher C au + suivant (cf. lignes 3, 5 et p. 34) ; mais d'habitude le mot C + est
isolé, ce qui n'est pas le cas ici.
L. 5: 1er signe : Probablement 0 . Tovar et l'auteur de la copie reproduite par Chabot
ont vu le point, aujourd'hui noyé dans le ciment du socle. Le groupe 0 0 1 se retrouve
sur le tesson de Banasa (nO 27), mais ce document est si différent des stèles qu'il s'agit
sans doute d'une coïncidence.
E + : Je ne vois pas le point que Tovar et la source de Chabot placent
au-dessous du signe E . De toute façon, un espacement plus grand et un léger décalage

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vers la droite séparent le mot C + du reste du texte ; ici comme à la ligne 3, ce mot
répond donc à la description que Chabot en a faite (v. ci-dessus, p. 34).

Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 883 (copie dont j'ignore la provenance ; il semble que Chabot ait
commis une confusion en renvoyant à J. Carcopino, Hespéris, XVII).
G. Marcy, BSPM, 1932, p. 14 sqq. et ILB, 1936, p. 91, nous renseigne sur l'origine
de cette stèle : quand J.B. Chabot a publié son recueil, en 1940, il ne connaissait que trois
inscriptions libyques au Musée de Tétouan, deux bilingues et celle-ci; c'est donc sans doute
à cette dernière que se référait Marcy lorsqu'il parlait, quelques années plus tôt, d'un
texte non bilingue conservé à Tétouan et provenant de Tamuda. Toutefois Marcy n'éditait
pas ce texte.
A. Tovar, BSEEA, X, p. 52, publié avant RIL, d'où le titre : Un fragmento inédito de
Tamuda ; ainsi se trouve confirmée l'origine du fragment.

8.

Stèle d'origine inconnue ; sa ressemblance avec les nos


2, 3 et 5 permet de l'attribuer à la région de Tétouan et plus
précisément à l'Anjra. Au Musée de Tétouan, où elle a été
scellée sur un socle.

Hauteur visible à g. 162, à dr. 172 ; largeur moyenne


37 ; épaisseur 7.
Grès de couleur grise à patine rouge ; le grain est assez
fin. La stèle paraît entière, sauf peut-être en haut ; on pos-
sède certainement le début des trois lignes, car leurs lettres
les plus basses sont encore à 0,89 m du socle. Le champ
épigraphique a subi une assez forte usure, surtout en haut et
à droite. Copie ; photographie, qui a complété très efficace-
ment l'examen direct (Pl. III).
Dimensions du signe E (ligne 1) : hauteur 7,7 ; largeur
6,5 ; épaisseur du trait 1.
L. 1 : V C + : Mot connu (v. p. 35 et p. 36).
4e signe : Deux points clairement visibles sur la
photographie.

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V U 0 : Ce groupe se retrouve dans RIL 855, 860.
ge signe : On peut hésiter entre Il et III, mais le trait de droite est plutôt une
éraflure de la pierre.
L. 2 : W Il X rappelle la suite W Il + du n° 2 ; d'autre part, le groupe W 11 est
fréquent au début d'une ligne (v. p. 34).
5e signe : Le point central est mis en évidence par la photographie.
6e signe : J'avais lu sur la pierre le signe 11111, que je croyais sûr; mais la photo-
graphie, sous un éclairage plus favorable, montre un signe à angles droits, probablement U .
Il n'y a sans doute pas lieu de tenir compte du point que l'on aperçoit à l'intérieur de ce
signe et dont le cliché est peut-être responsable.
7e signe ( ?) : Au-dessus du 6e signe, la photographie présente des traces qui
pourraient être la lettre T (v. le n° 4) ou de simples éraflures ; je n'ai rien vu à l'examen
direct.

L. 3 : 4e signe (?) : Il est possible et même probable qu'une lettre aujourd'hui effacée
ait été placée immédiatement au-dessus du signe U .
5e signe : Traces d'une lettre qui pouvait être un W , dont seule la moitié droite
est encore visible (avec un point accidentel). On ne peut affirmer que cette lettre était la
dernière de la ligne.

Cette inscription était inédite.


LIXUS

9. (RIL 881)

Stèle trouvée près des ruines de Lixus (Quintero). Au Musée de Tétouan, où elle a été
scellée sur un socle.

Hauteur totale actuelle 83 ; hauteur du champ épigraphique (punique et libyque) 45 ;


largeur au fronton 31, au niveau de la lettre U (ligne 4) 34,5 ; épaisseur 16.
Calcaire à patine rougeâtre, de grain très grossier. La pierre est usée et creusée d'innom-
brables alvéoles. Pourtant elle a été façonnée avec plus de soin que la plupart des autres.
Elle a la forme d'un trapèze surmonté
d'un triangle ; l'angle inférieur droit a
disparu. Le tiers inférieur du trapèze pré-
sente, en creux, « un demi-cercle dont le
diamètre égale à peu de chose près la lar-
geur de la stèle » (Marcy) ; les numéros 10
et 15, ainsi que certaines stèles puniques de
Volubilis, ont aussi des évidements de for-
me circulaire. Copie ; photographie (Pl. IV).

Inscription bilingue, punique et liby-


que. Un texte punique de cinq lignes oc-
cupe le tiers supérieur du trapèze ; un texte
libyque est disposé, à partir du demi-cercle,
en quatre lignes verticales, deux à gauche
et deux à droite, les lignes extrêmes (1 et
4) se prolongeant de part et d'autre du
texte punique. Le sommet triangulaire ne
porte aucune inscription. L'inscription pu-
nique est complète ; l'autre semble entière
à gauche, mais le début de la ligne 4, en
bas et à droite, a disparu.
Comme à l'ordinaire, G. Marcy a cru retrouver un lien entre les deux textes et il a
même voulu éclairer le punique par le libyque, le mal connu par l'inconnu. Certaines de
ses lectures seront discutées plus loin, à propos du texte libyque, mais il m'est impossible
d'entrer dans le détail de ses hypothèses, qui n'ont pas convaincu des sémitisants comme
J.B. Chabot, M. J.G. Février ou J.M. Solâ Solé et auxquelles, en tant que berbérisant,
je ne peux pas davantage me rallier. En fait, on n'aperçoit aucune correspondance entre
les deux textes et M. Solà Solé n'hésite pas à conclure que la pierre, après avoir reçu l'ins-
cription punique (dans la première moitié du Ille siècle ?) a dû être remployée pour le texte
libyque. Je n'irai pas aussi loin, et cela pour plusieurs raisons. D'abord, comme le souligne
M. Solâ Solé (p. 378), le libyque occidental ne se laisse pas encore interpréter ; fondée sur
l'alphabet oriental, la transcription elle-même demeure hypothétique, ce qui compromet
tout essai de comparaison entre les deux textes. Ensuite, l'unité de l'ensemble n'impli-
querait pas nécessairement l'identité des textes. Or cette unité est, sinon prouvée, du moins
suggérée par l'utilisation rationnelle qui a été faite du champ épigraphique : chacune
des deux langues a reçu l'emplacement qui convenait à son type d'écriture ; en particulier,
la coupure du texte libyque en deux groupes de lignes symétriques témoigne d'un souci
de présentation et d'un respect de l'autre texte qui seraient assez surprenants dans le cas
d'un remploi. J'inclinerais donc à rattacher cette stèle, de même que la suivante et un ou
deux fragments conservés à Volubilis (n° 15, peut-être n° 16 ; v. p. 13) à une certaine tra-
dition épigraphique où se manifeste une influence punique. Si les textes, encore énigma-
tiques, ne nous disent pas comment cette dernière s'est exercée sur les croyances, ils mon-
trent des améliorations techniques qu'elle explique sans doute : taille plus habile de la pierre,
préparation plus poussée du champ épigraphique, dimensions plus réduites des lettres.
Quoique l'association entre punique et libyque ait pris au Maroc une forme particulière, elle
rappelle le processus auquel nous devons les inscriptions libyques monumentales de Dougga.

Punique
M. J.G. Février commente le texte punique dans la section Inscriptions puniques et
néo-puniques, n° 123.
De son côté, M. Solà Solé conclut ainsi son étude du même texte : « On observera
que nous nous trouvons en présence d'une inscription funéraire qui, en raison du caractère
stéréotypé de la plupart de celles que nous connaissons, est de première importance. Déjà
la formule initiale est nouvelle; mais, de plus, l'indication de la filiation du personnage
féminin à l'aide de celle de son frère, personnage assurément important, et l'expression
du complément de nom au moyen de la périphrase et du pronom personnel suffixe [litté-
ralement : « la sœur de lui à P"SYG » ; c'est à peu près la construction berbère (L.G.)],
seraient tout à fait révolutionnaires » (p. 378).

Libyque
Dimensions du signe U (ligne 3) : hauteur 3,4 ; largeur 3,4 ; épaisseur du trait 3
à 4 mm.
L. 1 : 1er signe : - Marcy, Tovar, Chabot. Solâ Solé ne donne pas ce point, visible,
mais peut-être accidentel.
4e signe (?) : Au-dessus de la lettre 0 , la pierre présente un défoncement que
les éditeurs n'ont pas signalé. Il est possible, encore que peu probable, qu'il s'agisse d'un
point intentionnel.

8e signe : 111 tous les éditeurs, avec raison.


13e signe : N Marcy, par erreur. M Tovar, Chabot, Solà Solé : lecture possible,
qui semble confirmée par certaines photographies (cf. RIL). Pourtant l'examen direct
de la pierre et, dans une certaine mesure, les clichés publiés par Solâ Solé me font opter,
avec hésitation, pour un signe M dont les deux hastes latérales seraient plus longues que
celles du milieu (cf. les autres exemples de la même lettre dans cette inscription) ; la haste
de gauche aurait partiellement disparu.
14e et 15e signes : III et - tous les éditeurs. Lecture vraisemblable, mais toute
cette partie du champ épigraphique, où le texte punique rejoint le libyque, est assez confuse.
Illl M III : Cette suite rappelle 1111 M = (RIL 870).

L. 2 : 1er signe : M Marcy ; W Tovar ; < Chabot ; V Solâ Solé. Ces divergences
résultent de l'entrecroisement de plusieurs traits, intentionnels ou non, dont l'aspect varie
avec l'éclairage. La lecture V paraît la meilleure.
2e signe : Il tous les éditeurs. J'adopte cette lecture, quoique la barre de droite,
nettement plus courte que l'autre, ne soit peut-être qu'une éraflure.
V Il à l'initiale se retrouve au n° 2.

3e signe : U Marcy, Tovar, Chabot, Solâ Solé. Lecture possible ; mais le trait
horizontal manque de fermeté et le signe paraît plus étroit qu'un U (cf. les proportions
de la lettre U aux lignes 3 et 4) ; je propose donc, sans certitude, de lire Il .

L. 3 : 1er signe : Il tous les éditeurs. J'adopte cette lecture, quoique la barre de droite,
ici encore, paraisse moins nette.

4e signe : • Marcy, Tovar ; . Chabot, Solâ Solé, avec raison. On distingue


trois points, mais il est presque certain qu'un seul, celui du bas, est intentionnel.

L. 4 : 1er et 2e signes : N Marcy, Tovar ; X Solâ Solé ; Chabot ne propose aucune


lecture. Il semble qu'il y ait ici un trait oblique, reste d'une lettre aujourd'hui incomplète,
immédiatement surmonté d'une croix. C'est l'ensemble des deux signes qui a dû entraîner
l'interprétation de Marcy et de Tovar. La lettre X , très nette sur la photographie publiée
par Marcy, est de dimensions anormalement réduites : elle a pu être ajoutée après coup.

4e signe : -1- Marcy, Tovar, Chabot ; .1. Solâ Solé, avec plus de précision.
5e et 6e signes : M Il sont sans doute distincts du groupe W II , fréquent
à l'initiale (v. p. 34).
7e et 8e signes : f f devant un point : cf. M , n° 15, et p. 33
ge signe : Comme l'a vu Solâ Solé, il y a un point entre f et 11 . Je considère
comme accidentel un deuxième point, visible sur la photographie.
10e signe : III Marcy, Tovar, Chabot ; Il Solà Solé, avec raison. Le troisième
trait à gauche appartient au texte punique.

Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 881 (copie et transcription du punique ; copie du libyque ; photo-
graphie).
G. Marcy, Epigraphie, pl. II ; ILB, pp. 90-103 et planche 7 (photographie) ; interpré-
tation des plus aventureuses.
P. Quintero Atauri, Apuntes, p. 74 et pl. XXVI (photographie) ; reproduit les conclu-
sions de G. Marcy.
J.M. Solà Solé, Sefarad, 1959, pp. 371-378 (transcription et commentaire du texte
punique : v. ci-dessus ; copie et transcription, fondée sur l'alphabet oriental, du texte
libyque ; deux photographies du texte punique et des lettres libyques voisines ; l'un des
clichés a été pris avec un filtre rouge).
A. Tovar, BSEAA, XI, p. 73 (texte libyque seulement) ; l'auteur, pour une fois, suit
Marcy.

10.

Fragment de stèle trouvé en 1950 dans les ruines de Lixus ; il avait été remployé dans
les assises d'un mur et l'on ne sait à quel niveau archéologique il appartenait (Tovar-
Tarradell). Au Musée de Tétouan, où il a été scellé sur un socle.

Hauteur 48 (Tovar-Tarradell) ; hauteur actuellement visible 43,5 ; largeur 32 ; épais-


seur moyenne 14.
Pierre de couleur gris-noir, au grain de grosseur moyenne. La stèle est cassée de tous
côtés, mais un évidement circulaire qui, malgré une certaine maladresse, rappelle celui
du n° 9, devait se trouver près de la base et permet d'orienter l'inscription. Il est possible
que des lignes manquent à gauche et à droite ; celles qui subsistent sont incomplètes en
haut. La gravure est nette et profonde. Copie ; photographie (Pl. IV).
Dimensions du signe 0 : hauteur 3,8 ; largeur 4 ;
épaisseur du trait 4 mm.

L. 1 : M — U : Cf. M — n , également au début d'une


ligne (nO 1lb).

L. 2 : 31 : Exemple unique au Maroc ; v. p. 32.

L. 3 : 2e signe (?): Il y a un point très net, mais plus petit


que celui de la ligne 2, entre Il et M . Tovar-Tarradell ne l'ont
pas noté.

M 0 , après point, se retrouve au n° 11b, déjà cité.

L. 4 (?) : H Tovar-Tarradell, qui n'ont pas tenu compte


de ce signe dans leur transcription. Il s'agit plutôt de deux traits verticaux très courts,
qu'il est difficile de considérer comme une simple éraflure, mais dont je ne sais que faire.

Bibliographie

A. Tovar et M. Tarradell, I Congreso, pp. 441-442, n° 4 (la copie, p. 440, a été retour-
née à la mise en page).
RÉGION DE VOLUBILIS

11.

Stèle trouvée en 1936 à Sidi Slimane (Chabot, d'après Chatelain). Au Musée de


Rabat, où elle a été fichée en terre.

Hauteur 160 (Chabot); hauteur actuellement visible 115; largeur 61; épaisseur
moyenne 16,5.
Calcaire clair, à patine plus brune dans le haut de la face a et sur la face b ; grain
assez fin. Chacune des deux faces porte une ligne de caractères libyques ; cette particu-
larité, que m'a signalée M. G. Souville, avait échappé à Chatelain, si bien que Chabot
n'a publié que la face b. Le style de la gravure est le même de part et d'autre : la section
du trait, au lieu d'être en V, garde une largeur constante, les arêtes sont nettes et les lettres
ne présentent aucun arrondi. On peut donc penser que les deux inscriptions forment un
ensemble, mais l'ordre a et b est arbitraire. On notera cependant que seule la face a paraît
avoir été aplanie ; elle est maintenant très usée et plusieurs lettres, peut-être même d'autres
lignes, ont disparu. La face b est fortement bosselée et striée ; on a l'impression que le
graveur s'est contenté de loger entre les plis de la pierre une ligne qui n'avait pu trouver
place de l'autre côté (?). L'emploi des deux faces d'une stèle reste rare dans l'épigraphie
libyque : cf. RIL 853 ; une inscription inédite, découverte à Aïn Taya, près d'Alger, par
M. P. Salama, offre un autre exemple. Copie ; photographies (Pl. V).

Pour déterminer avec quelque vraisemblance l'orientation du texte, on admettra


que les lignes d'écriture sont plus proches du sommet que de la base.

Face a

Bas de la ligne : Traces d ' a u moins une lettre, puis 0 M .

3e signe lisible : Et , plus net sur la photographie q u ' à l'examen direct. Au-dessus
de ce signe, on aperçoit les traces ou la place de cinq ou six lettres.

4e et 5e signes lisibles : V V : sur ce groupe, v. pp. 27-28.

6e signe : 111 . U n mot V 1111 0 est attesté dans les inscriptions occidentales (par
ex. RIL 839, 841), mais rien ne permet de lire ou de supposer ici la lettre 1111 .

8e signe : douteux. J'avais lu — , mais la photographie fait apparaître aussi un trait


vertical. Au-dessus de cette lettre, on ne discerne aucune trace de gravure.

Face b = RIL 885

Il semble qu'on ait ici la ligne entière. Dimensions du signe 11111 : hauteur 3 ; largeur
5,6 ; épaisseur du trait 6 mm.

4e signe : exemple sans doute unique au Maroc : v. p. 24 et p. 48 (à propos du n° 8,


ligne 2, 6e signe).

7e signe : Il y a un point, semble-t-il, entre 0 et M . Chatelain ne l'a pas noté.


8e et 9e signes : Le groupe M [J , après un point, se retrouve au n° 10. Par là même,
et aussi à cause de la différence qui doit exister entre 1I et — , il est difficile de comparer
E3 0 Il avec 0 [ 0 ] = (nO 23). Le rapprochement de Il + :1 avec il + U (nos 2, 7) suppo-
serait également une confusion de la part du lapicide.

Bibliographie

Inscription a : Elle était inédite.


Inscription b : J.B. Chabot, RIL 885 (copie de L. Chatelain et photographie, pl. XII,
no 4).
12. (RIL 887)

Stèle trouvée près de Tifflet. à Ras Bikfriwen (Marcy), à Aman Ihabchan (E. Laoust).
Au Musée de Volubilis.

Hauteur mesurée par L. Chatelain 170 ; longueur actuelle du côté g. 110 (fragment
inférieur 51, fragment supérieur 59) ; largeur (suivant la cassure) 60 ; épaisseur du fragment
inférieur 9, du fragment supérieur 7.
Pierre de couleur brun-rouge ; grain assez fin. La stèle a éprouvé des dommages à diver-
ses reprises : elle est sans doute incomplète en bas ; une cassure transversale la divise en
deux fragments qui se raccordent exactement ; enfin les angles supérieurs gauche et droit
ont été brisés et ont disparu après que fut prise la photographie publiée par Chabot, détail
qui sera utilisé plus loin. L'unique ligne de l'inscription n'a pas souffert de ces accidents ;
les caractères sont très nets, sauf en haut. Copie ; photographie (Pl. VI).

Il est difficile de déterminer la position correcte de


la stèle. La forme des lettres ne fournit aucun critère
décisif : M , rM, ne s'imposent pas plus que W, LU], ^
(v. pp. 29, 30, 31) et les autres lettres ne sont pas
affectées par une rotation de 180°. Marcy et Laoust
n'ont pas eu à trancher et se sont contentés d'un
cliché qui montre la pierre posée de champ. Chabot,
sans discuter la question, a présenté le texte de façon
que la lettre — fût la dernière en haut. Cette interpré-
tation permet certains rapprochements avec des textes
libyques orientaux : la finale N W — fait penser à
H W - ysz (RIL 996) tandis que le groupe M0 El
évoque les noms N 0 0 (RIL 1047) et M 0 0 = +
(RIL 426) ; on est surtout tenté de comparer, quoi-
que Chabot ne l'ait pas fait (cf. son index, p. XVIII),
M0 El + y avec £ 0 0 + X yrbts (RIL 648 ;
cf. L. Galand, L'inscription libyque RIL 648, JA,
1957, pp. 367-369, avec photographie) ; qui plus est,
la lettre X de l'inscription orientale manque de
netteté et admettrait la lecture X (variante de X),
qui assurerait l'identité des deux noms.

Sans exclure la possibilité de cette première solution, j'ai choisi la seconde : elle ne
conduit pas à un rapprochement aussi spectaculaire, mais elle tient compte, me semble-t-il,
de l'aspect de la stèle et des données épigraphiques locales. La photographie la plus ancien-
ne, qui représente la stèle complète, moins la base, et qui fut heureusement confiée à Chabot,
montre que la partie de la pierre que ce dernier a placée en bas avait été façonnée et ressem-
blait à un sommet plutôt qu'à une base destinée à être enfouie ; on observera aussi que dans
cette même partie, qui devait être le haut, la pierre était un peu moins épaisse. A cela
s'ajoute que la ligne d'écriture est vraisemblablement plus proche du sommet que de la
base de la stèle : or, c'est du côté de la lettre — que l'espace est le plus grand entre le
texte et l'extrémité correspondante de la pierre ; la différence est encore accentuée par le
double fait que la pierre est cassée et incomplète du côté de cette lettre et que la ligne
d'écriture est prolongée, à l'autre extrémité, par des traces de signes qui ont échappé à
Chabot ; il semble donc que la lettre — soit placée, non dans le haut, mais dans le bas
de la ligne. C'est précisément une position dans laquelle cette lettre est très souvent attestée
au Maroc (v. ci-dessous).
1er et 2e signes : — M : Les inscriptions marocaines offrent dix autres exemples,
parfois conjecturaux, de — au début de la ligne ; le n° 17 a le groupe — W , dans la
même position.
5e signe : lk : exemple unique au Maroc ; v. p. 31.
6e, 7e et 8e signes : Le groupe + El 0 se retrouve au n° 23.
lOe, 1Ie et 12e signes : Au-dessus de H, certains clichés (Chabot, Laoust, Marcy)
montrent les traces d'au moins trois lettres, peut-être 0 (?) il = , dont Chabot ne dit
rien. Leur identification étant douteuse, je n'en ai pas tenu compte dans l'étude de la
distribution des signes.

Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 887 (copie ; photographie, pl. XII, n° 10).


E. Laoust, dans Initiation au Maroc, photographie sans commentaire, n° 21, en face
de la page 193.
G. Marcy, Epigraphie, photographie sans commentaire, pl. IV.

13.

Fragment de stèle découvert par M. Euzennat, en juillet 1960, à Aïn el-Outa (C.L.
489,05 x 389,45 de la carte de Fès au 1/200 000). M. G. Souville me signale que l'inscrip-
tion a été trouvée « au milieu de ruines romaines situées près de la source. Parmi de nom-
breuses pierres de taille, on a recueilli quelques fragments d'amphores et de sigillée claire ;
bien que l'épaisseur soit à peu près partout identique et que l'on ne puisse pas distinguer
de traces d'enterrement, il semble que la pierre ait été orientée dans le sens où elle est
publiée ici » (lettre personnelle, 27 juin 1961). Au Musée de Volubilis.
Hauteur 103 à dr., 72 à g. ; largeur 58-60 ;
épaisseur moyenne 18.
Le grain de la pierre paraît fin. La stèle étant
brisée en haut, l'unique ligne d'écriture qu'elle porte
est incomplète. La surface est plane et à peu près
dépourvue de rayures accidentelles. Le trait est
mince et net. La lecture matérielle des caractères
ne présente aucune difficulté. Je n'ai pu voir cette
stèle, découverte après mon séjour au Maroc. Copie
de M. Souville ; photographie (Pl. VI).
Les observations de M. Souville, déjà citées, l'in-
tervalle de 0,51 m qui sépare la lettre — de l'extrémité
correspondante de la pierre et la fréquence de cette
lettre au début des inscriptions marocaines (v. p. 26)
permettent de considérer ce fragment comme la partie
inférieure de la stèle.

Hauteur moyenne des lettres 3.


1er et 2e signes : — n . Sur la fréquence de la lettre — à l'initiale, v. p. 26. Le
groupe — n se retrouve dans la même position au n° 21.
8e signe : certainement Il .
13 + 0 : C'est peut-être ce groupe qu'on retrouve au n° 18, au lieu de 0 + [0] .
Mais avec la série + 0 — Il , le n° 21 fournit un rapprochement plus séduisant, qui
exclurait le précédent.

Bibliographie

Cette inscription était inédite. Elle est pourtant mentionnée, sans description ni com-
mentaire, par A. Luquet, Contribution à l'Atlas archéologique du Maroc : Région de Volu-
bilis, BAM, V. 1964, pp. 291-300 (en particulier p. 296, n° 18), qui en signale le numéro
d'inventaire (10.282).

14.

Stèle d'origine inconnue. Au Musée de Volubilis.


Hauteur 94 ; largeur à la base 33, au sommet 22 ; épaisseur environ 20.
Pierre brun-rouge ; grain de grosseur moyenne. La stèle, aujourd'hui assez gros-
sière, n ' a sans doute jamais été façonnée avec soin. Le côté droit présente, dans le
sens de la longueur, une série de stries naturelles. Le côté
gauche a subi quelques dommages, mais il semble que l'es-
sentiel subsiste, y compris l'inscription d'une ligne. Copie ; es-
tampage ; photographie (Pl. VII).

Rien ne permet de distinguer avec certitude le haut et le bas,


mais il est tentant de considérer que la lettre — marque le début
du texte, comme il arrive souvent au Maroc (v. p. 26). La stèle
est du reste plus large à cette extrémité, ce qui conviendrait à la
base d'un monument qui paraît avoir été posé plutôt que fiché en
terre.

Plusieurs des lettres du texte se signalent par des formes


larges et écrasées. Diamètre du signe 0 3,5 ; largeur du
signe 4* 3,5.
1er signe : Sur la fréquence de — à l'initiale, v. p. 26.
2e signe : N, avec une orientation particulière que présente
aussi le 5e signe ; cf. [H] au n° 18.

Le groupe — N se retrouve, dans la même position, au n° 25.

3e signe : 0 plutôt que 0 .

5e signe : N ; cf. 2e signe.

6e signe : Seul exemple de fft au Maroc jusqu'ici.

7e et 8e signes : + Il . Ces deux lettres sont séparées par un trait horizontal beaucoup
moins net et sans doute accidentel. Entre Il et FI , trace confuse ( 0 ?), dont je n'ai pas
tenu compte.

10e signe : □ . Mais les proportions ne sont pas habituelles. Cf. le 4e signe de cette
inscription et surtout le 4e signe du n° 20.

11e signe: 0 plutôt que O , le point paraissant accidentel. Le trait vertical qu'on
aperçoit parfois au-dessus de ce signe (cf. la photographie publiée par Marcy) n'est qu'une
rayure de la pierre.

Bibliographie

Cette inscription était inédite. G. Marcy, Epigraphie, pl. V, donne sans commentaire
la photographie d ' u n moulage, disposé horizontalement.
15. (RIL 842 bis)

Fragment de stèle d'origine incertaine, trouvé sans doute à Volubilis ou dans les
environs. La présence du mot V _'j + a fait croire à Chabot, qui disposait seulement
d'un estampage dépourvu de toute indication, que ce texte provenait de « la région du sud
constantinien ou de Sétif » ; c'est évidemment une erreur. Au Musée de Volubilis.

Hauteur 56 ; largeur 54 ; épaisseur environ 19.


Pierre gris-jaune ; grain de grosseur
moyenne. Il ne reste que l'angle inférieur
droit de la stèle. En haut et à gauche, le frag-
ment présente un évidement circulaire qui
rappelle à la fois certaines stèles puniques de
Volubilis, publiées par M. J.G. Février (cf.
les photographies de ses inscriptions nos 1, 3
et 5) et les inscriptions de Lixus (n°s 9 et 10,
ci-dessus). A droite, le fragment porte une
inscription libyque d'une ligne, peut-être in-
complète en haut ; le champ épigraphique ne
paraît pas avoir été aplani avec beaucoup de
soin, mais le texte est remarquable par la
minceur du trait et la petitesse des caractères,
particularités que j'attribue, comme le cercle
creusé dans la pierre, à une influence punique.
Copie; estampage; photographie (Pl. VII).

Dimensions de la lettre □ : hauteur 1,8 ; largeur 1,7 ; épaisseur du trait 1 mm.


Les quinze signes visibles forment une ligne longue de 29 cm.

V 3 + : Mot connu ; v. p. 35 et p. 36 ; son emploi ici assure l'orientation cor-


recte du texte.

5e signe : Légère variante de V1.

6e signe : !" Chabot. Je crois qu'il faut lire M , peu visible à l'examen direct, mais
assez net sur la photographie publiée par Marcy ; l'estampage dont je dispose est confus
à cet endroit.

10e signe : H. Cette lettre a échappé à Chabot.

12e et 13e signes : Sur la suite M , v. p. 33 ; le n° 9 a f T .

Je ne vois pas la lettre 1, que Chabot a lue tout en haut de la ligne, au-dessus de + .
Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 842 bis (copie d'après un estampage ; sur l'erreur de localisation,
v. ci-dessus).
J.G. Février, BCTH, 1955-1956, pp. 30-33 (étude de quatre stèles puniques de Volu-
bilis, numérotées 1, 2, 3, 5, avec photographies ; l'auteur ne publie pas le n° 4 qui, précise-t-il,
« est un texte libyque » : peut-être s'agit-il de notre inscription).
G. Marcy, Epigraphie, pl. III (photographie sans commentaire).

16.

Fragment de stèle d'origine inconnue. Au Musée de Volubilis.

Hauteur 24 ; largeur 15 ; épaisseur 11.


Grès rouge ; le grain est fin. La pierre est brisée en bas, à droite et à gauche, si bien
qu'il reste seulement quatre lettres de l'inscription libyque qu'elle portait. Il semble que
ce soit le début (ou la fin) du texte : en effet la cassure est assez éloignée de la lettre — et, si
un autre signe s'était trouvé là, on en verrait au moins une partie. Le champ épigraphique a
été soigneusement aplani ; le trait est net et profond. Une présentation aussi élaborée trahit
sans doute une influence punique ou romaine. Copie ; estampage ; photographie (Pl. VII).

Il m'a semblé préférable de donner à la lettre — la position initiale


qu'elle a souvent, mais cette orientation du texte demeure conjecturale.
Dimensions du signe fin : hauteur 3,5 ; largeur 5 ; épaisseur du trait
4 mm.

1er et 2e signes : — Il . Sur la fréquence de la lettre — à l'initiale, v. p.


26. La lettre Il qui suit — au n° 22 entre peut-être dans d'autres combi-
naisons (v. p. 23), si bien que l'existence d'un groupe — Il reste douteuse.

Cette inscription était inédite.

17. (RIL 886)

Stèle trouvée à Volubilis (Chabot) ; pourtant M. R. Thouvenot, qui fut Inspecteur


des Antiquités au Maroc, m'écrit qu' « aucune [des inscriptions libyques du Maroc] ne
provient de Volubilis ou de ses alentours immédiats. Celles qui se trouvaient à Volubilis
provenaient de Sidi Slimane ou de Khemisset » (7 novembre 1959). Je n'ai pas retrouvé
celle-ci.
Hauteur 65 ; largeur 49 (Chabot).
« Pierre très grossière ; face gravée aplanie incomplètement » (Chabot). Copie de L.
Chatelain, publiée par Chabot.

Rien n'autorise à proposer une autre orientation du texte.


1er, 2e et 3e signes : — W II . Sur la fréquence de la lettre — à l'initiale,
v. p. 26. Dans la même position, on rencontre — M au n° 12 et — [M] Il
au n° 24. Quant à la suite W Il , elle est assez fréquente, mais elle se place géné-
ralement à l'initiale (v. p. 28), si bien que ce rapprochement, peu compatible
avec les précédents, est moins satisfaisant.
7e signe : Sans doute .
8e signe : Peut-être 111 ; mais Mn'est pas impossible.

Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 886 (copie de L. Chatelain).


SUD DU LIMES

18.

Stèle trouvée en 1956 à Sidi Yahia des Zaer, par M. G. Hallier, Inspecteur des Monu-
ments historiques ; reposant sur la face inscrite, elle servait de seuil à l'un des deux mara-
bouts situés dans le cimetière musulman. « Les deux marabouts semblent être situés sur
deux tertres qui sont sans doute deux tumuli. Ce site paraît très ancien » (Hallier). Au
Jardin de la Mamounia à Rabat (juin 1959).

Hauteur 88 ; largeur 35 ; épaisseur 20.


Le grain de la pierre est grossier. La stèle a été façonnée
sommairement, si même elle l'a été. Elle porte une ligne de carac-
tères dont l'identification est rendue difficile par l'usure et l'effrite-
ment du champ épigraphique. Copie ; photographies (Pl. VIII).

La forme de la pierre ne permet guère d'en reconnaître le som-


met et la base. L'orientation proposée ici fait retrouver la séquen-
ce 11 O + , attestée ailleurs (v. ci-dessous).
Dimensions du signe Il : hauteur 6,5 ; largeur 4,5.
1er signe : Douteux. On peut lire M, sous la forme de -r (cf. Z
au n° 14), si l'on considère comme accidentels les deux traits qui
prolongent ce signe à droite, l'un en bas (horizontal), l'autre en
haut (oblique). La lettre H se rencontre plusieurs fois à l'initiale ou
après point (v. p. 27).
2e, 3e et 4e signes : 11 0 + . Ce sont les seuls qui soient sûrs. Ce groupe semble
assez fréquent au Maroc (v. p. 35) et ailleurs (cf. RIL 945).
5e signe : Peut-être 0 . On ne peut exclure la possibilité d'un signe 0 , qui permet-
trait un rapprochement avec la suite 0 + 0 (n° 13) ; mais alors il faudrait peut-être
renoncer au groupement Il 0 + , mieux établi et plus intéressant.
6e signe : Peut-être W . Mais je n'ai pas tenu compte de cette lecture trop conjecturale.

Cette inscription était inédite.


19.

Stèle trouvée en 1958 dans la région de Maaziz, près du Souq el-Jmaâ (route de Tifflet
à Maaziz), par un agent du Centre de Travaux n° 35 (carte au 1/100 000 : N 1-29-XII-4,
y = 3449, x = 4195). C'est de la région de Maaziz que provenaient les deux pétrogly-
phes étudiés par H. Basset, J. Herber, F. Benoît (v. la Bibliographie donnée plus haut,
p. 3). Au Musée de Rabat depuis octobre 1958.

Hauteur 95 ; largeur 55 ; épaisseur jusqu'à 22.


Grès rougeâtre, à ciment calcaire et à débris coquilliers ; grain assez gros. La stèle
est à peine façonnée, si même elle l'est. L'une des extrémités, assez effilée, paraît entière
ou peu entamée ; l'autre a été brisée, si bien que l'unique ligne d'écriture est incomplète.
Le trait est large et profond ; les caractères, de grande taille, ressortent nettement. Copie ;
plusieurs photographies (PI IX).
La forme des lettres ne fournit aucun critère décisif
pour l'orientation du texte. On pourrait considérer que la
lettre — se trouve au bas de la ligne, comme il arrive
souvent. Mais de ce côté-là la pointe de la pierre est bien
courte pour avoir servi de base : la pierre ayant été dressée
sur cette pointe et fichée en terre, au Musée, la lettre —
se trouvait presque cachée au ras du sol. Si au contraire
on reconnaît là le sommet de la stèle, on obtient d'intéres-
santes séquences de lettres (v. ci-dessous).

Longueur du signe NUI : 15,5 ; longueur de la lettre —


(4e signe) 10 ; épaisseur du trait 1.

1er signe : 0 .

3e signe : flflJl . Sur cette forme insolite, v. p. 31.

5e au ge signe : La séquence 0 — 11 0 + suggère


plusieurs rapprochements (v. p. 35) : on retrouve 0 — Il
au no 13, 0 - 110 aux nos 21 et 26, - 1 1 0 + au
n° 22, Il 0 + a u n ° 18. La lettre Il étant seule commune à
tous les groupes, il est improbable que tous ces rapprochements puissent être acceptés
simultanément, mais les critères d'un choix font défaut.

Haut de la ligne : Un trait horizontal, qui ne se situe pas exactement dans


l'axe de la ligne, est visible au-dessus du signe — ; je ne crois pas que ce soit une
lettre.

Cette inscription était inédite.


20.

Stèle trouvée en octobre 1949 dans la région de Fédala, au domaine de Sidi Lârbi,
près de la piste d'Aïn Tekki au Souq El-Jmaâ (carte au 1/50 000 : Fedala, feuille N 1 24
XI 4 a, x = 323,4, y = 335,6). La pierre était enfouie à trente ou quarante centimètres de
profondeur, près d'une grosse dalle sous laquelle se trouvait un squelette orienté est-
ouest ; il y avait peut-être un deuxième squelette, perpendiculaire au précédent. En mars
1947 et en avril 1948, on avait découvert, sous deux buttes situées dans le même domaine,
des poteries, des pièces, des tombes également orientées est-ouest (rapport de la Compa-
gnie Marocaine de Casablanca, à laquelle est due la découverte). Au Musée de Rabat,
où la stèle a été fichée en terre.

Hauteur totale 153 ; largeur au niveau du signe C 51, au sommet 47 ; épaisseur 17 à 23.
Calcaire très grossier, de couleur brun-rouge, avec des
plaques blanches dans la partie médiane. La stèle n'a pas
été façonnée ou l'a été sommairement. Elle est cassée à
l'une de ses extrémités et la ligne de caractères qu'elle porte
n'est pas complète. Les caractères sont très profondément
gravés ; quelques-uns sont remarquables par des dimensions
et par des formes insolites. Copie ; photographies (Pl. IX).
Compte tenu de la fréquence de la lettre — à l'initiale,
j'ai admis que ce signe indiquait ici le bas de la ligne ; la
distance qui le sépare de l'extrémité de la pierre convient du
reste à une base. La partie brisée serait le sommet. En
haut et à droite, une lettre + , isolée, appartenait peut-être
à la fin du texte, qui n'aurait pu trouver place au bout de
la ligne ; la présence de cette lettre surprendrait davantage
si l'on admettait l'orientation inverse, ce qui amènerait le
signe + en bas et à gauche de la ligne.
Dimensions de la lettre + (6e signe) : hauteur et largeur
5. Dimensions du signe ilH- : hauteur 14 ; largeur 23 ;
épaisseur et profondeur du trait 1,5.
1er signe : Sur la fréquence de la lettre — à l'ini-
tiale, v. p. 26.
2e et 3e signes : v. p. 27 et le no 19, 3e signe.
4e signe : Peut-être E , mais les proportions ne sont pas habituelles ; cf. n° 14, 4e et
surtout 10e signes.
5e signe : . Cf. le n° 19, 2e signe ; mais ici la barre horizontale déborde largement
à gauche et à droite.
8e et ge signes : Ils sont douteux, la pierre ayant été endommagée à cet endroit. Il
faut peut-être lire = et M, cette dernière forme devant être rapprochée des 2e et 3e signes.
10e signe : Peut-être = , mais la stèle, brisée ici, portait peut-être E ou même = ,
quoique ces lettres ne soient pas attestées dans les autres inscriptions du Maroc.
En haut et à droite de la ligne figure la lettre + : v. ci-dessus.

Cette inscription était inédite.

21. (RIL 888)


Stèle trouvée en janvier 1926 à Aïn Jmaâ, dans les terres de la ferme du Service de
l'Elevage, à 15 km au sud-ouest de Casablanca (BSPM); la face gravée était tournée vers
le bas, l'extrémité large se trouvait plus enfoncée que l'autre (Lesven et Mercier). D'abord
à Casablanca (Chabot) ; maintenant au Musée de Rabat.
Hauteur totale 158 (90 pour le champ épigraphique, 52
en bas, 16 en haut) ; largeur 44 ; épaisseur au niveau de l'ins-
cription environ 13, en bas 23.
Calcaire dunaire grossier, fréquent dans la région mais
non sur le site même (Lesven et Mercier). Couleur brun-
rouge, plus claire aux extrémités. Selon Lesven et Mercier,
la face gravée, relativement plane et moins patinée, a dû
être dressée avant la gravure. La ligne d'inscription, épousant
la forme générale de la pierre, est incurvée ; elle paraît com-
plète, mais elle est moins nette en haut qu'en bas, quoique
le trait soit assez profond. Copie ; photographie (Pl. X).
Plusieurs indices permettent de considérer que l'ex-
trémité large est la base de la pierre : la position de celle-ci
lorsqu'elle fut trouvée (v. les indications de Lesven et Mer-
cier, reprises par Marcy), les proportions de l'ensemble, les
dimensions des lettres, que le graveur semble avoir été
contraint de réduire au fur et à mesure qu'il montait
et qu'il appréciait mieux l'espace disponible, enfin la fré-
quence du signe — à l'initiale.
Largeur de la lettre + (5e signe) 10,5 ; épaisseur du
trait 1.
1er signe : Sur la fréquence de la lettre — à l'initiale,
v. p. 26.
2e signe : M Marcy. Pourtant l'angle intérieur est à
peine marqué. Je préfère lire fl . Le n° 13 a aussi le groupe
initial —n .
4e au ge signe : La séquence - + 0 — Il 0 se prête à plusieurs rapprochements
entre lesquels on ne peut choisir pour l'instant, faute de critères suffisants : on trouve
- + 0 au no 23, + O — 11 au n° 13, 0 - Il O aux nos 19 et 26, — I I O au n° 22.

10e signe : Marcy le transcrit par k, l'assimilant sans doute à la lettre — de Dougga
(écriture horizontale, RIL 1) ; j'hésite à le suivre (v. p. 33).

11e signe : Marcy sépare le point, qu'il transcrit a, et le demi-cercle, qu'il considère
comme une variante de n d (alphabet oriental). Même si l'on accepte ces transcriptions
hypothétiques, on doit observer que le point est situé nettement à l'intérieur du demi-
cercle et qu'il est arbitraire de les dissocier. Peut-être faut-il restituer le signe 0 . On
pourrait aussi considérer le point comme accidentel, d'autant qu'on en trouve au moins
trois autres, au-dessus du demi-cercle, auxquels Marcy lui-même n ' a pas reconnu de valeur
graphique. Toute cette partie du texte a été endommagée.

12e signe : III Marcy, non sans vraisemblance.

13e signe : - Marcy. Lecture exacte, à moins que le point ne soit simplement la
trace d'un choc.

Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 888 (photographie sans commentaire).


R. Lesven et A. Mercier, BSPM, 1928, pp. 2-6 (photographie, p. 3).
G. Marcy, BSPM, 1932, pp. 14-22. L'auteur souligne avec raison l'intérêt de ce docu-
ment relativement éloigné des centres classiques du Maroc ancien ; mais l'interprétation
qu'il en présente s'expose au reproche qu'il adresse lui-même à celle de Schwarz (cf. ci-
dessous).
E.H.L. Schwarz, Mercure de France, 15 janvier 1929 = BSPH, 1929, p. 28. L'inscrip-
tion serait rédigée en touareg ! Lecture et bref commentaire auxquels Marcy reproche
avec raison de n'être qu'un « concours d'imagination ».
Société de Préhistoire du Maroc (Comité de la), BSPM, 1928, p.l. Cf. Mercure de
France, 1er juillet 1928, p. 218.

22. (RIL 884)

Fragment de stèle trouvé « dans la région du Tigrigra » (Marcy), près d'Azrou.


Maintenant au Musée de Rabat.

Hauteur 73 ; largeur 23 ; épaisseur 27.


Calcaire à grain fin très compact, gris avec des taches rougeâtres. La face inscrite
semble avoir été aplanie avec soin. La pierre est brisée en haut et l'unique ligne d'inscrip-
tion est incomplète. Gravure assez fine, mais nette. Copie ; pho-
tographie (Pl. X).

La lettre — , comme souvent, révèle sans doute le début de


la ligne. Au-dessous de cette lettre, Chabot a cru voir sur l'es-
tampage « trois signes effacés » qui ne paraissent pas exister.
Au contraire, il y a là un espace anépigraphe qui convient à la
base d'une stèle. Enfin, cette orientation permet certains rappro-
chements intéressants (v. ci-dessous).
Longueur du signe — 10 ; diamètre du signe 0 4 ; épais-
seur du trait 5 mm.

1er au 4e signe : Sur la fréquence de la lettre — à l'initiale,


v. p. 26. La séquence — 11 0 + se prête à plusieurs rapproche-
ments entre lesquels il est difficile de choisir ; on rencontre
— Il au n0 16, — 11 0 aux nos 21 et 26, — Il 0 + au n° 19 et
Il 0 + au n° 18.

Bibliographie

J.B. Chabot, RIL 884 (copie d'après estampage ; photographie, pl. XII, n° 7).
G. Marcy, ILB, p. 91 (simple mention).
ORIGINE INCONNUE

23.

Stèle d'origine inconnue, retrouvée en 1959 dans les réserves de préhistoire du Musée
de Rabat.

Hauteur 60 ; largeur 40 ; épaisseur 8 à 9.


« Pierre brisée en trois morceaux avec, mal-
heureusement, un espace manquant qui portait
certainement des lettres » (G. Souville) ; en outre,
la stèle est certainement incomplète en bas, peut-
être aussi en haut. Je n'ai pu voir cette inscription ;
copie de G. Souville ; photographies (Pl. XI).

Il semble naturel de considérer la partie la


plus large comme la base, disposition qui permet
des comparaisons avec d'autres textes.
Fragment a :
Au-dessous de la lettre + et au bord de la
cassure, on aperçoit l'extrémité d'une lettre dis-
parue.
Fragment b :
Entre le signe + du fragment a et le signe
C du fragment b, il y avait place pour au moins
une lettre, dont on aperçoit l'extrémité.
A cheval sur les fragments b et c, traces d'une
lettre ( llll ?).
Fragment c :

3e signe de ce fragment : C'est une croix, + ; la pierre a éclaté à l'intersection des


deux traits, ce qui a provoqué un certain empâtement de la lettre.
La suite - + 0 se trouve au n° 21, où du reste elle ne représente que l'un des
groupements possibles. Ici même on pourrait songer aussi à isoler un groupe + 0 □
(cf. no 12).
La lettre gravée au-dessus du signe 0 a été corrigée ou simplement endommagée.
Serait-ce un carré, CI , dont les côtés de gauche et de droite auraient été prolongés vers le
bas par erreur ? Un rapprochement avec le n° 11b, qui a la suite El 0 Il , est en tout
cas bien hasardeux.

Cette inscription était inédite.

24.

Fragments d'une stèle d'origine inconnue. Au Musée de Rabat.


Hauteur totale 109 (fragment inférieur 67, fragment supérieur 42) ; largeur au niveau
de la cassure 38 ; épaisseur en bas 20, en haut 14.
Grès quartzite de couleur brun-rouge ; le grain est fin. Les
deux morceaux se raccordent, mais la stèle reste incomplète à
gauche et surtout en haut. La fin de la ligne d'écriture fait dé-
faut. Trait mince et peu profond, mais net. Copie ; photo-
graphie (Pl. XI).

On peut admettre que le fragment effilé était la base, fichée


dans le sol. Le texte commence donc par la lettre — , une fois
de plus.
Largeur de la lettre + 3 ; largeur de la lettre M 4 ;
épaisseur du trait 2 à 3 mm.
Fragment inférieur :
Sur la fréquence de la lettre — à l'initiale, v. p. 26.
Fragment supérieur :
On n'aperçoit aucune trace d'écriture entre + (fragment
inférieur) et M (fragment supérieur), quoique ces deux lettres
soient plus espacées que les autres.
Le groupe M E 0 se retrouve au n° 1.

5e signe de ce fragment : Douteux. Peut-être N, ou encore M , dont la haste de droite


aurait disparu (au lieu de rejoindre obliquement la haste voisine, elle lui aurait été presque
parallèle, comme cela se produit dans le 1er signe du même fragment). La séquence M Il
obtenue ici ne doit probablement pas être rapprochée du groupe W Il , fréquent à l'ini-
tiale (v. p. 34).

Cette inscription était inédite.


25.

Stèle d'origine inconnue. Au Musée de Rabat.

Hauteur 96 ; largeur 28 ; épaisseur moyenne 19.


Calcaire clair à grain fin. La pierre porte une ligne d'écriture,
au trait peu profond et assez mince. Le tracé n'apparaît pas tou-
jours nettement, surtout en haut, où l'usure est plus prononcée.
Copie ; photographie (Pl. XII).

L'orientation du texte reste hypothétique. Elle repose sur la


fréquence de la lettre — à l'initiale, donc en bas. De plus, les let-
tres sont moins bien alignées à l'une des extrémités, négligence qui a
dû se manifester en fin de ligne plutôt qu'au début.
Largeur du signe N 5 ; largeur du signe = 9 ; épaisseur du
trait 4 mm.
1er et 2e signes : — N. Sur la fréquence de la lettre — à l'ini-
tiale, v. p. 26. Le groupe —N se retrouve au n° 14. Entre ces deux
signes et à gauche, la pierre présente un défoncement que je crois
accidentel.
3e signe : = .
4e signe : [3 .
5e signe : Le point placé au-dessus de la lettre 0 peut être
intentionnel.

6e signe : Il est la lecture la plus vraisemblable, malgré les éraflures de la pierre.

7e signe : M , avec la haste de gauche en partie effacée, plutôt que M.


8e signe : Peut-être M ou N. L'usure de la pierre, à gauche, ne permet pas d'iden-
tifier cette lettre, dont je n'ai pas tenu compte.

Cette inscription était inédite.

26.

Stèle d'origine inconnue. Au Musée de Rabat (où elle est plantée le sommet en terre).

Hauteur 85 ; largeur 49 ; épaisseur 15.


Calcaire dunaire ; le haut et la tranche sont rouges, le reste est gris. L'angle inférieur
droit est brisé. Le champ épigraphique, très granuleux et endommagé, est assez maladroi-
tement encadré par un sillon large de 3 cm qui dessine une sorte de cartouche. Une entaille
pratiquée à droite montre que la stèle a dû être remployée comme montant de porte. Les
caractères manquent de netteté. Le trait est large et pro-
fond, mais les arêtes sont émoussées. Copie ; photogra-
phie (Pl. XII).

Le texte comporte une ligne, plus une lettre qui


révèle, semble-t-il, l'orientation correcte de la stèle : en
effet, on expliquerait mal la présence d'une lettre isolée
en bas et à gauche de la ligne d'écriture ; il s'agit plutôt
de la fin du texte, ajoutée en haut et à droite. Cette ex-
trémité de la stèle, du reste, a la forme d'un sommet.
Largeur de la lettre Il 4,5 ; diamètre de la lettre 0
(8e signe) 5 ; épaisseur du trait 1 à 1,5.
La lecture est souvent conjecturale.
1er signe : n ? La pierre étant brisée, il est possi-
ble que cette lettre ne soit pas la première de la ligne ;
on serait tenté de restituer [—] n , groupe connu (v.
p. 26).
2e signe : Il ?

3e signe : A ?

4e signe : 0 ?

7e signe : 0 ? On trouve les séquences 0 — Il au n° 13 et 0 — Il 0 aux nos 19


et 21.

8e signe : 0 .

ge signe : = .

En haut et à droite de la ligne, figure à nouveau la lettre = . Sur la place de cette


lettre, v. ci-dessus.

Cette inscription était inédite.


INSTRUMENTUM

27.

Fragment de poterie découvert en 1955 par M. A. Luquet, au cours d'un sondage


dans le quartier méridional de Banasa. Dans le même secteur aurait été trouvé un autre
fragment qui portait deux noms puniques. Au Musée de
Rabat, où toutefois je n'ai pu le voir.

Longueur de la ligne 1 : 14 ; longueur de la ligne


2 : 15.
Deux lignes de caractères ont été gravées à la pointe
sèche après cuisson (Luquet). Calque de M. Luquet.

L'inscription n'est peut-être pas complète et l'on ne


dispose d'aucun critère sûr pour l'orienter. L'écriture sur
poterie, dans un milieu d'influence punique, a pu être hori-
zontale, si bien qu'on peut hésiter entre quatre sens de lec-
ture. Deux caractères ne se laissant pas identifier et les autres
se réduisant à des types géométriques élémentaires, on est
même fondé à se demander si le document est bien libyque.
Mais il n'existe aucune raison décisive de le récuser. Il
suffit de ne pas oublier que ces lignes sont peut-être une
simple marque, un compte, etc. plutôt qu'un texte propre-
ment dit : la proportion des signes redoublés y est remar-
quable. En ce qui concerne l'emploi de l'écriture libyque sur
poterie, v. p. 13.
Dimensions du signe 0 (ligne 1) : hauteur 8 mm ;
largeur 10 mm. Dimensions du signe III (ligne 2) : hauteur
10 mm ; largeur 7 mm. Cette inscription permet d'observer
le passage des graphies carrées, du type [3 , aux graphies
rondes, du type 0 , ou inversement.
L. 1 : 1er signe : H ?
Il faut sans doute attribuer à une coïncidence le fait que la suite 0 0 1 se trouve
à la fois sur cette poterie et sur la stèle n° 7.
L. 2 : 1er signe : + .
4e signe : V. p. 33.
8e et ge signes : < < . Sur le redoublement de cette lettre, v. p. 32 ;
toutefois le même phénomène se produit, dans cette inscription, pour 0 ou 0 (2 fois)
et pour 0 .

Cette inscription était inédite.


TABLE DES P L A N C H E S

N.B. : les numéros en chiffres arabes sont ceux qui ont été donnés aux ins-
criptions dans ce recueil.
INSCRIPTIONS LIBYQUES DU MAROC
L. GALAND Pl. i
L. GALAND Pl. il
L. GALAND Pl. m
L. GALAND Pl. IV
L. GALAND PI- V
L. G AL AND Pl. VI
L. GALAND Pl. VH
L. GALAND Pl. VIn
L. G ALAND Pl. IX
L. GALAND Pl. x

Licence eden-19-7-3657293-7-99622302-22643762 accordée le 10


avril 2021 à 3657293@7.com
L. GALAND Pl. 32
L. G AL AND Pl. Xil
INSCRIPTIONS PUNIQUES
ET

NÉOPUNIQUES

par

James FÉVRIER
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes
ABREVIATIONS

AbPa W Abhandlungen der preussischen Akademie der Wissenschaften, Berlin.

BCTH Bulletin Archéologique du C o m i t é des T r a v a u x H i s t o r i q u e s et Scientifiques

BAM Bulletin d ' A r c h é o l o g i e m a r o c a i n e

BAS OR Bulletin o f the A m e r i c a n Schools o f O r i e n t a l R e s e a r c h

Byrsa C a h i e r s de B y r s a

CIS C o r p u s I n s c r i p t i o n u m S e m i t i c a r u m (la p a r s p r i m a c o n t i e n t les textes p h é n i -


ciens et p u n i q u e s ) .

EL Hofra A. BERTHIER et R. CHARLIER, L e s a n c t u a i r e p u n i q u e d ' E l H o f r a , C o n s t a n -


tine, 1955.

H AA N S. GSELL, H i s t o i r e ancienne de /' Afrique du N o r d

JA J o u r n a l Asiatique

JAOS J o u r n a l o f the A m e r i c a n O r i e n t a l Society

PalEQ Palestine Exploration Quarterly

RAss Revue d ' A s s y r i o l o g i e

REA Revue des E t u d e s Anciennes

RBi Revue Biblique

REL Revue des E t u d e s L a t i n e s

RES R é p e r t o i r e d ' é p i g r a p h i e sémitique

RIL J.B. CHABOT, Recueil des inscriptions libyques

SDB S u p p l é m e n t a u D i c t i o n n a i r e de la Bible

Sem Semitica

ZDMG Z e i t s c h r i f t der D e u t s c h e n M o r g e n l â n d i s c h e n Gesellschaft


VOLUBILIS

LES STÈLES MONUMENTALES

Ces stèles sont au nombre de quatre (nos 1 à 4 de ce recueil) et forment un groupe d'une
remarquable unité. Par la matière des stèles d'abord. Elles sont taillées dans une pierre
de mauvaise qualité, extraite d'une carrière proche. Des craquelures multiples, surtout
horizontales, rendent parfois la lecture ambiguë. Cette pierre n'a été employée qu'à l'époque
maurétanienne, avant l'occupation romaine. Ce seul fait montre déjà l'antiquité des
documents.
D'autre part les quatre stèles avaient, semble-t-il (il n'en reste que des fragments,
à la vérité importants), les mêmes dimensions et la même forme. Elles étaient de grand
format : chacune d'elles, intacte, devait peser quelques centaines de kilogrammes.
Le sommet avait la forme d'un fastigium (voir photographies des nos 1 et 2). Nous ne
savons si ce fastigium, dont seule subsiste l'amorce, portait une décoration. L'inscription
était gravée plus ou moins soigneusement, plus ou moins régulièrement, au dessous de
ce fastigium. Enfin tout en bas de la stèle étaient gravés en creux deux cercles concentriques.
J'avais d'abord hésité sur la signification de ce symbole (voir mon article dans le BCTH
1955-56, p. 31) ; mais la comparaison avec certaines stèles votives d'El Hofra, près de
Constantine (voir plus loin) montre sans contestation possible, à mon avis, qu'il s'agit
de la représentation d'un bouclier rond, d'une parma avec son umbo. De ces quatre stèles
trois sont des stèles funéraires, tandis que le n° 3 est une stèle votive. On notera que l'épi-
taphe est gravée directement sur les stèles funéraires (de même que sur les stèles funéraires
néopuniques) et non sur une petite tablette en pierre, dite pas, comme ce semble avoir été
la règle à Carthage, avant la chute de la ville.
Ces quatre stèles ont été découvertes jadis par M. Desroziers presque en surface sur
le flanc nord du petit tumulus qui domine la vieille cité maurétanienne et qui n'a été
encore que très partiellement fouillé. « Plutôt qu'une sépulture préhistorique, disait déjà
M. Euzennat en 1960 (1), le tumulus de Volubilis, véritable omphalos de la cité, pourrait

(1) BAM, 1960, p. 555.


donc recouvrir un monument de tradition néopunique ». J'irai beaucoup plus loin encore :
nous sommes ici sur un terrain punique et qui l'a été dès le Ille siècle avant notre ère.
Longtemps après les trouvailles de M. Desroziers un sondage fut effectué en 1956 ;
puis en 1960 M. Souville entreprit la fouille de ce tumulus, fouille qui ne put malheureu-
sement être menée à son terme. Il débuta « en décapant sa face méridionale, qui s'appuie
sur un mur épais de 1,50 m, construit en briques crues, au dessus d'un haut soubassement
en moellons soigneusement appareillés ; une sorte de contrefort ou de glacis, fait de pisé
et de briques crues, renforce ce mur vers le sud et recouvre les soubassements en pierre
de deux pièces rectangulaires contiguës. Les tessons retrouvés, de céramique campanienne
ou de vases peints locaux surtout, correspondent au niveau III du sondage fait non loin
de là en 1956 (Ier s. av. J.C.)). Je signale immédiatement que du point de vue épigra-
phique les stèles semblent remonter au IIe siècle avant notre ère ou au début du Ier.
Il nous faut maintenant examiner de près ces précieux documents (Pl. I-II).

1. (BCTH no 1 - Punique)

De cette inscription il ne subsiste qu'un fragment, correspondant à la partie supérieure


gauche de la stèle. Il semble d'ailleurs que le bord supérieur gauche subsiste intact sur
une certaine longueur ; puis il tourne à droite, amorçant ainsi un fastigium. Tout en bas
un court segment du cercle inférieur, représentant un bouclier, a été conservé. C'est au
dessus de ce cercle que se trouvait le texte punique, comprenant trois lignes, plus, semble-t-il,
quelques lettres au-dessous de la fin (à gauche) de la ligne 3. Ces lignes sont complètes
à gauche (c'est-à-dire à la fin), sauf la ligne 3 ; en revanche elles sont très incomplètes à
droite (c'est-à-dire au début), comme le montre ce qui reste du cercle inférieur.

Le texte, en écriture punique (et non néopunique), semble un des plus récents de
la série punique. Il est moins ancien en particulier que le n° 4. L'écriture est irrégulière :
qu'on compare par exemple le shin de la ligne 1 et ceux de la ligne 3 ; les lettres sont de
taille très inégale.

Les traces très visibles du cercle, tout au bas du fragment, prouvent que le fragment
appartenait à une stèle monumentale, analogue de tous les points de vue aux trois autres
stèles de cette série. Stèle funéraire, comme les deux autres, à coup sûr, puisque l'âge du défunt
était indiqué à la ligne 3 (ce que je n'avais pas admis dans mon article du BCTH).
De la ligne 1 il ne subsiste que les lettres SG'S. Le sadé initial est à peu près sûr et le
'ayin est probablement une mater lectionis. Ce ne saurait être qu'un nom propre libyque —
ou la fin d'un nom propre. Je n'ai pas trouvé trace d'un nom propre analogue dans le
RIL (Recueil des inscriptions libyques) de J.B. Chabot ; mais l'onomastique libyque est si
riche qu'il n'y a pas lieu de s'en étonner. La lacune de la ligne 1 à droite de ce mot est
considérable. On peut restituer tout au début un mot comme NSB ou MSBT « stèle »,
ou encore comme 'BN « pierre ». Il est probable qu'entre ce mot et le nom propre SG'§
s'intercalaient un ou deux autres noms propres reliés par BN « fils de ». SG'S n'était donc
pas le défunt, mais le père ou le grand-père du défunt.
Au début de ce qui subsiste de la ligne 2 on restituera ou bien le nom propre S]PT
« Shafot » ou bien le nom commun HS]PT « le sufète ». Je penche vers la seconde hypo-
thèse, mais n'ose rien affirmer. En tout cas si l'on admet la leçon « le sufète », cette épi-
thète peut difficilement se rapporter au SG'S de la ligne 1, car il faut combler la lacune
du début de la ligne 2. On doit donc restituer : SG'S Il [BN x HS]pr « SG'S, [fils de X
le su]fète ». Il n'est même pas certain que cette restitution suffise à combler la lacune:
il est possible par exemple que SG'S fût lui-même qualifié de « sufète ».
Viennent ensuite quelques lettres très embarrassantes. On attendrait le verbe TN'
ou TN' L' « a érigé » ou «a érigé à lui », puis, comme sujet de ce verbe, le nom de l'ordon-
nateur des funérailles. C'est la formule rituelle qu'on retrouve sur les inscriptions néo-
puniques de Tunisie. Or à première vue on lit bien plutôt TM' (avec un mêm et un 'ayin)
et il y a, semble-t-il, un espace entre le mêm et le 'ayin ; mais cette lecture ne donne aucun
sens plausible. La pierre, toute craquelée, est pleine de traits horizontaux ou obliques et
de trous dans lesquels on peut être tenté de chercher d'autres lettres à demi effacées ; je
crois pourtant que la lecture TM', s'impose. Je me vois donc contraint de recourir à un pro-
cédé que j'exècre à cause de sa facilité : admettre une erreur du lapicide ou de l' ordinator,
qui aurait confondu le mêm et le nun. Hypothèse qui est pleine de difficultés. On comprend
bien qu'un lapicide grave un nun au lieu d'un mêm : le cas se présente parfois, par exemple
dans les textes d'El Hofra. Bien souvent en effet le mêm ne se distingue du nun que par
l'adjonction d'un petit trait, qui peut échapper à l'œil peu attentif du graveur. Mais l'in-
verse, c'est-à-dire la substitution d'un mêm à un nun, est plus malaisé à imaginer. Je ne
vois pourtant pas d'autre solution.
Si on se rallie en désespoir de cause à cette conjecture, on notera encore que la forme
TN' (avec un 'ayin) est réservée d'ordinaire pour le féminin (3e personne du parfait, à
l'actif ou au passif). Il arrive pourtant qu'elle soit attestée pour le masculin. Par exemple
la NP 63 (v. JA, 1917, I, p. 163) porte à la ligne 3 : TN' L' 'BY' « a érigé (la stèle) pour
lui son père ». Deux interprétations sont donc possibles. En premier lieu le mot TN'
pourrait être une 3e personne du féminin passif et on devrait restituer TN' ['BN ST] etc :
« [cette pierre] a été érigée, etc. », le mot 'BN « pierre » étant lui-même un féminin ;
mais cette formule se rencontre d'ordinaire au début et non au milieu de l'épitaphe. En
second lieu (et c'est l'opinion qui me paraît le plus vraisemblable) on peut comprendre,
que TN' est au masculin : « A érigé (un tel, etc.) ».
Le nom sujet de TN', c'est-à-dire le nom de l'ordonnateur des funérailles, devait se
trouver tout au début de la ligne 3, dans la partie détruite. Il était accompagné sans doute
de son patronymique, dont subsistent les deux dernières lettres, à savoir BR. Je propose
de restituer ['K]BR, nom propre punique, bien connu par ailleurs. C'est un sobriquet
« Le rat ». L'emploi de noms d'animaux, souvent répugnants, en guise de noms propres,
est bien attesté dans le domaine cananéen et araméen (2). A Palmyre on trouve
YQRWR « Crapaud» (3). On a supposé que ces noms étranges étaient donnés à des en-
fants particulièrement beaux afin de les protéger contre le mauvais œil. On peut songer
aussi à un reste de totémisme.

On lit ensuite très nettement, en lettres assez petites : BN §NT S... « âgé de... ans ».
Le chiffre numéral commençait par un shin et peut être restitué de diverses façons. Vu le
manque de place, je penche pour S[SM] « soixante ». Mais au-dessous des dernières lettres
de la ligne 3 on lit, semble-t-il, WT... (plutôt que W§...). Il s'agit donc d'une seconde indi-
cation numérique : TS' « neuf » ou T§'M « quatre-vingt-dix ». Nous avons donc affaire
à un nom de dizaine suivi d'un nom d'unité ou à un nom d'unité suivi d'un nom de dizaine :
les deux constructions sont usitées (4). Bien entendu l'indication de l'âge vise le défunt,
c'est-à-dire ce descendant de SG'S, dont le nom était mentionné dans la lacune initiale
de la ligne 1.
En somme j'aboutis à l'interprétation suivante, qui diffère assez sensiblement de celle
que j'avais proposée dans le BCTH.

'BN(?) x BN] SG'S


BN x H(?)S]PT 'J'M' (pour TN<?)...
L' x BN 'K]BR BN SNT S...
WT[S'

« Stèle de X, fils de ] Sagash, [fils de X le su]fète. A érigé (la stèle) [pour lui X, fils de
'Ak]bar. Agé de... ans ».

2. (BCTH n° 2 - Punique)

Il s'agit encore d'un fragment d'une stèle funéraire. On distingue, sur une brève
longueur, le haut du côté droit, qui tourne ensuite à gauche pour amorcer le fastigium.
L'inscription, qui comprend seulement le début des deux premières lignes d'écriture,
est très incomplète. Il est probable que la stèle portait, comme les autres stèles, dans sa
partie inférieure, la représentation d'un bouclier ; mais il n'en subsiste rien. En tout cas

(2) M. Noth, Die isrealitischen Personennamen..., R. de Vaux, RBi, 1939, p. 186 et n. 7 et 8. W.F.
Albright, BAS OR, 82, avril 1941, p. 18 et suivantes.
(3) RES, 1606, 1. 5.
(4) J. Friedrich, Punische Studien, ZDMG, 1957, p. 295.

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la pierre est la même que celle des autres stèles : ce petit monument remonte donc à l'épo-
que maurétanienne, avant l'arrivée des Romains. L'examen de l'écriture confirme ce pre-
mier diagnostic : c'est indubitablement du punique — et non du néopunique. Je ne vois
donc pas la possibilité de descendre la date de ce texte sensiblement après 100 avant notre
ère. On comprendra plus loin l'importance de cette remarque.

Passons au texte. Je lis :


'BN KY'...
YBR'K...

Le resh à la ligne 2 est à peu près sûr.

Je n'ai guère à changer à la traduction et au commentaire que j'ai donnés dans le


BCTH, 1955-56, pp. 30-31. Comme dans un très grand nombre d'inscriptions néopuniques
le mot 'BN, littéralement « pierre », signifie « stèle funéraire ». Il est écrit ici très correc-
tement avec un aleph. Il semble que ce mot soit passée en libyque sous la forne BN, avec
chute — au moins dans l'écriture — de l'aleph initial. C'est là une des particularités
de la transcription du punique en libyque (5). Le nom propre K Y ' est plus embarrassant.
Il correspond évidemment au nom propre libyque translittéré K I H par J.B. Chabot dans
son Recueil des inscriptions libyques. On notera que la lettre finale, que Chabot rend par
un H, n ' a en réalité rien à voir avec cette consonne et Chabot lui-même l'indique. C'est
une mater lectionis, tout comme l'aleph du punique KY'. Mater lectionis passe partout,
qui dans les transcriptions des noms propres étrangers rend aussi bien la désinence latine
-u (pour -us), que l'aleph final du punique. Par exemple le libyque M N T N H correspond
au nom propre latin Montanu(s) et B H N H rend le punique Ba'alhanno, qui en fait se pro-
nonçait Banno (cf. la forme Banno dans CIL, V, 4919). Dès lors le nom propre K Y ' - KIH
ne serait-il pas tout simplement le latin Caius ? Je ne le crois pas pourtant. Comme chacun
le sait, Caius se prononçait Gaius, avec un G initial et c'est avec un G qu'il est transcrit
très correctement dans les textes néopuniques (6) et peut être dans G I H dans les inscrip-
tions libyques (7). D'autre part il ne faut pas confondre ce nom propre K Y ' - KIH avec
le nom propre libyque GII (en punique G ' Y Y et en latin Gaia) que portait le père de Massi-
nissa. Je crois qu'il faut tout simplement reconnaître en KY' - KIH un nom propre authen-
tiquement libyque.

Au début de la ligne 2 subsiste seulement le mot YBR'K. On songe d'abord à un


imparfait piél : « Qu'il ( = le dieu) bénisse ! » Mais comment expliquer la vocalisation
en a, qu'indique le 'ayin ? Puis une telle expression serait étrange sur une stèle funéraire ;

(5) J.G. Février, JA, 1949, p. 87.


(6) Déjà dans un texte punique, El Hofra 2 ; fréquent en néopunique.
(7) Pour les noms propres libyques cités ici, se reporter à l'index du RIL de J.B. Chabot (en vérifiant
soigneusement les références indiquées par lui).
elle semble réservée aux textes votifs. J'y verrais plutôt le début d'un nom propre théo-
phore punique ou bien un nom propre apocopé. On comparera les noms propres Y'ZR
(CIS 2074 et 3637), YPTN (CIS 746 et 1481), peut-être YHNB'L (CIS 1289), encore que
de telles formes avec l'imparfait soient très rares en phénicien non punique (on a pourtant
YHMLK et YHWMLK). Le mélange de noms propres libyques et puniques (ici KY'
et YBR'K, dans le n° 1 SG'S et 'KBR, etc.) montre bien l'interpénétration des cultures
punique et libyque à Volubilis.
Je traduis donc : « Stèle de KY', [fils de..., fils de] YBR'K... ». Il est possible que la
lacune finale de la ligne 1 ait contenu encore d'autres indications.

3. (BCTH n° 3 - Punique)

Cette inscription est gravée sur un fragment de stèle. Manquent le fastigium et le bas ;
le côté gauche est intact, tandis que le côté droit est sérieusement écorné. Le double cercle
(bouclier avec umbo ?) est presque entièrement conservé. C'est au-dessus de cette repré-
sentation qu'ont été conservées deux lignes d'une écriture un peu négligée et irrégulière.
A peu près certainement le texte devait comporter, au-dessus de ces deux lignes, une ou
deux autres lignes, qui ont disparu avec le fastigium.
L'écriture est la même que sur les autres stèles monumentales. La lecture est rendue
parfois difficile par les craquelures, surtout horizontales, de la pierre.
Je lis :
S]PT EN 3PT L'DN' TDRS' T.N'M
TS'MRN' BGWD

A la ligne 1 les deux SPT me paraissent être l'un et l'autre des noms propres. Encore
que le BN qui les sépare soit d'une lecture très malaisée, je ne crois pas qu'on puisse déchif-
frer HSPT « le sufète ». L'DN' signifie évidemment « à son seigneur ». Ce mot a une très
grande importance. Il s'agit évidemment d'un dieu, dont le nom ne nous est malheureu-
sement pas donné. Par conséquent nous avons affaire à une stèle votive — et non à une
stèle funéraire. En second lieu l'emploi de l'aleph (avec valeur phonétique o) pour noter
le suffixe pronominal de la 3e personne du singulier est spécifiquement punique ; et c'est
sans doute là de tous les arguments en faveur d'une influence punique — et non phéni-
cienne — à Volubilis le plus pertinent.
Le mot suivant est embarrassant. On peut être tenté d'abord de lire TBRS' mais
un examen attentif montre que la deuxième lettre est un dalet et non un bet : TDRS'.
Le sens de « rechercher, prendre soin de » est bien attesté en hébreu pour cette racine :
par exemple dans Ps 142,5 : 'ên dorés rnafsi « il n'y a personne qui prenne soin de moi ».
Je comprend donc : « tu ( = le dieu) prendras soin de lui ». Vient ensuite le mot TN'M :
le mêm final n'est pas sûr ; il est possible qu'entre le taw et le nun il y ait eu une lettre de
petite dimension, comme un shin ou un 'ayin ; enfin il semble qu'après le mêm était gravé
un taw, qui était sans doute la première lettre d'un autre verbe à la 2e personne du singu-
lier de l'imparfait.
Le sens de la racine N'M en hébreu est l'idée de grâce ou de beauté ; en arabe la
IVe forme de cette même racine signifie « accorder une faveur ». La lecture T[']N'M
nous permettrait de retrouver ici un iphil ayant un sens analogue : « tu (lui) témoigneras
de la faveur ».
Au début de la ligne 2 la lecture TS'MRN' (avec un aleph final) me semble désormais
assurée ; seul, l'aleph n'est pas absolument sûr. Il s'agit évidemment d'un imparfait éner-
gique : « tu le protégeras ». Mais à quelle forme appartient-il ? Au piél, comme pourrait
le faire supposer la vocalisation en a de la première radicale ? Dans les Annali de l'Istituto
Orientale di Napoli (sez. ling. 1962, pp. 89-93), un spécialiste de la linguistique nord sémi-
tique, G. Garbini, s'est penché sur ce petit problème. Il ne croit pas qu'il puisse s'agir ici
d'un piél, forme non attestée en hébreu pour le verbe SMR ; il est d'avis que nous avons
là un exemple de la « seconde conjugaison à préfixe », attestée de façon sûre seulement
en akkadien, en guèze (éthiopien) et dans certains dialectes sud-arabiques.
Restent tout à la fin de la ligne 2 quelques lettres, qui m'ont donné beaucoup de peine,
car leur tracé interfère avec les craquelures de la pierre. Je crois aujourd'hui que la lecture
BGWD est à peu près assurée. Nous trouvons en hébreu une racine GWD ou GDD avec
le sens d'« attaquer ». Le substantif gedud signifie soit « raid guerrier », soit « bande de
partisans ou de pillards ». C'est le premier sens que je retiens ici : « tu le protégeras dans
la guerre ».
A la lumière de ces explications on peut compléter de façon très approximative le
début de l'inscription et donner des deux lignes conservées la traduction suivante :
[« Stèle qu'a vouée X... fils de] Saphot à son seigneur. Tu prendras soin de lui, tu...,
tu le protégeras dans la guerre ».

4. (BCTH n° 5 - Punique)

De même que les autres inscriptions monumentales de Volubilis, ce texte a déjà été
publié par mes soins dans le BCTH, 1955-56, sous le n° 5, pp 32 et suivantes. Depuis lors
j'ai pu examiner longuement sur place cette inscription, au cours d'un voyage au Maroc
en 1963. J'ai été amené ainsi à modifier sensiblement ma lecture de la ligne 1 et surtout
les conclusions qu'on peut tirer de ce texte.
Comme toutes les autres stèles, celle-ci a été brisée et il n'en reste qu'un fragment,
très volumineux d'ailleurs et contenant la plus grande partie du texte primitif. Le fastigium
a disparu. Il en a été de même de tout le bas de la stèle : seul subsiste une petite partie
du « bouclier » gravé sur cette partie. Le côté droit du reste de la stèle est à peu près intact,
mais le côté gauche est gravement endommagé. L'inscription elle-même contient quatre
lignes en écriture punique (et non point néopunique, je le répète encore) ; ces lignes sont
complètes à droite, c'est-à-dire au début, mais fort incomplètes (surtout la troisième et
la quatrième) à gauche, c'est-à-dire à la fin.

Le premier problème qui se pose donc à nous, c'est de déterminer approximativement


l'étendue des lacunes à gauche, soit à la fin des lignes. Fort heureusement nous disposons
d'un assez bon élément d'appréciation : c'est le segment de cercle (bord du « bouclier »),
qui subsiste tout au bas du fragment. Ce cercle était placé bien au milieu de la stèle, à
égale distance des deux bords, comme on peut s'en convaincre en examinant certaines
stèles d'El Hofra (8) et comme il est naturel d'ailleurs. Dès lors il suffit de prolonger par
la pensée le segment de cercle conservé pour déterminer à peu près la position de l'arête
gauche de la stèle et par conséquent l'étendue des lacunes.

Passons maintenant à la lecture et à l'interprétation de l'inscription.

Ligne 1 — Le début de la ligne 1 est mal conservé. Je crois distinguer un bet suivi
d'un qof, puis peut-être un bet et la tête d'une lettre qui pourrait être un resh. Le mot
QBR «tombeau» conviendrait bien ici. Le même mot se retrouve sur de nombreuses épi-
taphes carthaginoises et à la ligne 3 de la Cherchell 2, l'inscription funéraire de Micipsa (9).
Le bet qui est en tête pourrait être la dernière lettre du mot NSB n sib « stèle ». Je n'ignore
point que ce mot est réservé d'ordinaire pour les stèles votives, tandis qu'on emploie
MSBT massébat pour les stèles funéraires ; mais la règle n'a rien d'absolu : j'ai rencontré
NSB à la fin d'une épitaphe (10).

Le nom propre SWYTMKN, qui vient ensuite, m'est inconnu ; mais il est libyque
à coup sûr. Il est accompagné du mot HSPT « le sufète ». Mais ce qui suit m'a beaucoup
embarrassé. J'ai dû renoncer à ma lecture de 1955. On déchiffrerait volontiers 'S'N'(plutôt
que 'S'R', à cause de l'orientation de la haste de la quatrième lettre). Or ce qu'on attend
est 'S TN' « (stèle) qu'a érigée, etc. ». Faut-il incriminer le lapicide, qui se serait trompé ?
Je crois qu'on doit tenir compte ici de deux facteurs qui gênent la lecture. En premier lieu
les lettres, dans ce passage, ne sont incisées que légèrement : c'est ainsi que le côté droit
du tét dans l'indubitable HSPT, aussitôt avant 'S'N', a complètement disparu. En second
lieu le tet a deux formes différentes dans cette inscription : l'une très large (c'est la plus
fréquente), l'autre beaucoup plus étroite (voir YMSTN HSPT au milieu de la ligne 3).
On peut donc supposer que le soi-disant 'ayin de 'S'N' est en réalité un tét de petite dimen-

(8) El Hofra, planche XVIII, fig. A, B, C et D.


(9) Inscription dite Cherchell 2. Voir en dernier lieu J.G. Février, RAss, 1951, p. 139 et suivantes.
(10) Sem, V. pp. 63-64.
sion, dont la partie inférieure a disparu. Enfin les trois lettres MKL me paraissent former
le début du nom propre MKLL, qui figure intégralement à la ligne 3.
Je lis donc :
NS]B QBR SWYTMKN HSPT 'S TN' MKL[L...
« Stè]le du tombeau de SWYTMKN le sufète, qu'a érigée (?) MKL[L... ».

Quelle était l'étendue de la lacune à la fin de cette ligne ? Si l'on recourt au critère
que j'ai indiqué plus haut, à savoir la position du cercle inférieur, si l'on tient compte de
la nécessité de laisser à gauche une marge correspondant à peu près à celle de droite, si
l'on considère enfin que le premier mot de la ligne suivante est un nom propre, on recon-
naîtra sans doute que la restitution MKL[L BN « MKLL, fils de » donnerait satisfaction.

Ligne 2 — La lecture de la ligne 2 ne paraît pas souffrir de difficulté sérieuse et je la


donne immédiatement :
HYMLL BN MLWYTNK HSPT BN R...

Le premier mot HYMLL est certainement un nom propre libyque ; j'ai cherché en
vain à lire HYMLK, nom propre carthaginois bien connu. Le het initial surprend assu-
rément, puisque l'alphabet libyque ne contient pas de gutturales, mais sommes-nous cer-
tains que cet alphabet a noté fidèlement le phonétisme libyque ? ou encore le het ne pour-
rait-il jouer ici le rôle d'une mater lectionis ? En tout cas le rapprochement avec le nom
propre libyque IMLL (11) me paraît décisif. Le nom propre suivant, certainement libyque
aussi, n'est pas attesté ailleurs. Je ne me risquerai pas enfin à restituer le nom propre com-
mençant par un R.
Je traduis donc :

«HYMLL, fils de MLWYTNK le sufète, fils de R..., fils de ».

Ligne 3 — La lecture est très claire :


'RS HSPT BN YMSTN HSPT BN MKLL...

« Aris le sufète, fils d'YMSTN le sufète, fils de MKLL... » Le nom propre 'RS est
punique ; quant au nom propre YMSTN, il est libyque et peut être rapproché du nom
propre IMS (12).
Mais la restitution de la fin de la ligne 3 pose un problème très délicat. La lacune
est un peu plus importante que celle de la ligne 2, elle-même plus étendue que celle de la

(11) RIL, 621.


(12) RIL, 336.
ligne 1 : d'une façon très approximative on peut l'évaluer de 7 à 8 lettres. Comment la
combler ?

Le début de la ligne 4 nous donne un fil directeur. Il contient les deux lettres 'T,
suivies de l'indication de l'âge du défunt. Comme ces deux lettres n'ont aucun sens par
elles-mêmes, il nous faut les rattacher à la fin de la ligne 3. Parmi les diverses hypothèses
possibles, deux me semblent particulièrement attirantes.

En premier lieu on pourrait restituer : M K L L [ H M M L K ] ' T « M K L L le roi ». Sans


doute on écrit d'ordinaire M M L K T mamlâkût, sans aleph comme mater lectionis ; mais
il est au moins une exception : dans l'inscription funéraire de Micipsa (Cherchell 2), à
la ligne 2, le mot est écrit avec un aleph : M Y S R 'RST RBT M M L K ' T « régissant des
terres nombreuses, roi » (13). Le sens obtenu ainsi est très satisfaisant : à l'origine de
la généalogie des sufètes on trouverait un roi. Le malheur est que la restitution est un peu
courte — d'autant plus courte qu'elle ne contient pas de lettres occupant beaucoup de
place, comme le taw et le yod.

En second lieu on peut supposer que les lettres 'T constituent la fin du nom propre
BG'T. Ce nom propre nous est connu par la ligne 4 de Cherchell 2, où il désigne un des
fils du roi Massinissa et aussi par une stèle carthaginoise (CIS, I, 5940). On sait qu'il a été
porté par divers rois de Maurétanie (14). Il a été transcrit Bogud par les historiens latins,
mais le terme Mauretania Bogutania (15) conserve la prononciation authentique. La ten-
tation est vive de retrouver dans le Bogud de notre inscription l'ancêtre lointain des rois
du même nom, qui sont mentionnés dans les textes classiques. Assurément la restitution
M K L L [BN BG]'T serait trop courte, mais il est loisible de supposer que MKLL, comme
ses descendants, était sufète. Dans ce cas la restitution M K L L [H§PT BN BG]'T don-
nerait satisfaction de tous les points de vue.

Arrêtons-nous un instant pour répondre à une objection, qui s'est sans doute présentée
déjà à l'esprit du lecteur : comment se fait-il que cette longue généalogie soit celle de celui
qui s'est chargé (ou a été chargé) du soin des funérailles — et non celle du défunt lui-
même ? N'est-ce point cette dernière que nous attendions ?

Tout s'explique, si nous nous reportons encore une fois à l'inscription funéraire de
Micipsa (Cherchell 2). Dans cette dernière, si le nom du défunt, à savoir Micipsa ( M K U S N
dans son orthographe punique), est suivi d'une kyrielle d'épithètes et de titres aussi louan-
geurs qu'ampoulés, on ne nomme aucun de ses ancêtres, pas même son père Massinissa.
C'est l'ordonnateur des funérailles qui nous donne sa généalogie : Y'ZM, fils de Y Z G G S N ,
fils de Bogut, fils de Massinissa. Pourquoi ? Parce qu'il tient à rappeler et à affirmer sa
qualité de prince du sang, qui lui donne qualité pour ériger le tombeau, et qu'il poursuit

(13) Voir note 9.


(14) S. Gsell, HAAN, V. passim.
(15) Sem, XI, p. 10.
cette généalogie jusqu'à ce qu'il ait bien établi qu'il descend en ligne directe du roi Massi-
nissa. De même ici le MKLL de la ligne 1, qui a érigé la stèle funéraire et sans doute cons-
truit aussi le tombeau, n'a de cesse qu'il n'ait montré qu'il descend de l'ancêtre illustre
de qui descendait aussi le défunt et qu'il est bien habilité à se charger des funérailles.
En somme cet ordonnateur des funérailles agit en tant que représentant de la famille. Nous
retrouvons une idée analogue dans le monde punique proprement dit. L'épitaphe de Milk-
pillés, prêtre qui semble être mort sans enfant, a bien été rédigée par un ami, mais approuvée,
contresignée en quelque sorte, à la fois par le chef du clan ('DR 9PH) auquel appartenait
Milkpillés, et par le temple, c'est-à-dire le grand prêtre (16).

Ligne 4 — Pas de difficultés de lecture :

'T BN SNT S[SM] WSB' LM YSHB

Les lettres 'T appartiennent, nous l'avons vu, au dernier mot de la ligne précédente.
Puis vient l'indication de l'âge du défunt. Seule la restitution S[SM] « soixante » est admis-
sible, vu le peu de place disponible. Il faut lire YSHB, avec un sadé et non un sa'mek. Cette
dernière leçon, soit YSHB, que j'avais adoptée dans le BCTH de 1955-56, donne évi-
demment un sens excellent : « Qu'ils ne traînent pas (la stèle) pour la dérober » (16 bis).
Etant donné le poids de la stèle intacte (plusieurs centaines de kilogrammes), on compren-
drait aisément que cette formule ait été substituée à l'expression usuelle en pareil cas :
LM Y'MS « qu'ils n'emportent pas (la stèle) ». Mais il faut se soumettre au texte : c'est
bien un §adé que nous avons ici. La racine SHB n'est pas attestée en hébreu et m'est incon-
nue en araméen ; mais en arabe elle signifie à la 4e forme : « éloigner ». Je traduis donc
ainsi cette ligne : « ...âgé de soi[xante]-sept ans. Qu'on n'emporte pas (la stèle)...»
Voici enfin la traduction d'ensemble de cette inscription : « [Stè]le du tombeau (?)
de SWYTMKN le sufète, qu'a érigée MKL[L, fils de] HYMLL, fils de MLWYTNK
le sufète, fils de R[..., fils de] Aris le sufète, fils de YMSTN le sufète, fils de MKLL[ le
sufète, fils de Bo]gud (?). Agé de soixante-sept ans. Qu'on n'emporte pas (la stèle).

L'écriture et la chronologie

Il nous faut maintenant essayer de grouper et de discuter les données éparses que
nous ont fournies ces quatre stèles monumentales. Tâche malaisée, car, comme on a pu
le remarquer, la mutilation des monuments, le caractère incomplet des inscriptions nous
ont empêché souvent d'aboutir à des conclusions fermes.

(16) J.G. Février, BCTH, 1951, p. 74 et suivantes.


(16 bis) Cf inscription de Mesa, roi de Moab (ligne 18).
Commençons par l'écriture. Dans le domaine de l'épigraphie nord sémitique les
termes de « punique » et de « néopunique » devraient s'appliquer uniquement à l'écriture.
L'écriture punique est l'écriture officielle de Carthage, que nous connaissons presque exclu-
sivement par des inscriptions monumentales (textes religieux ou administratifs, dédicaces
à Tanit, etc.). Après la chute de Carthage, en 146 avant notre ère, elle se maintient d'abord
sans altération en territoire numide, sous le règne de Micipsa, puis disparaît très rapide-
ment. De façon très approximative, on peut dire qu'elle n'est plus guère attestée, au moins
sur le territoire de l'actuelle Tunisie, après 80 ou 100 : sur les monnaies, dont l'écriture
est toujours très traditionnaliste, elle est remplacée à partir du règne de Juba Ier par la
néopunique. Il est à remarquer que l'écriture néopunique ne provient pas de la punique,
mais bien d'une cursive phénicienne attestée dès le Ve siècle avant notre ère (17).

L'apparition de cette écriture néopunique à Carthage est antérieure à la chute de cette


ville, mais l'emploi ne s'en généralise qu'au début du Ier siècle avant notre ère. Cette géné-
ralisation coïncide avec une modification profonde de l'orthographe, en particulier avec
une multiplication des matres lectionis, consonnes employées avec valeur de voyelles.
Tandis que l'écriture punique a conservé assez rigoureusement jusqu'à sa disparition un
caractère consonnantique, la néopunique s'oriente vers une notation phonétique mala-
droite et incomplète, ce qui peut faire croire à tort à une dégénérescence rapide et brutale
de la langue.

On voit que les termes de « punique » et de « néopunique », réservés théoriquement


à l'écriture, peuvent à la rigueur être utilisés dans une chronologie relative : on peut parler
d'époque punique et d'époque néopunique, le clivage se faisant aux environs de - 8 0
ou de —100. Il est inexact en revanche d'opposer la langue punique et la langue néopunique
de façon tranchée, la seconde ne faisant que continuer la première.

Revenons à nos textes. Nous avons déjà dit — et cela saute aux yeux — que l'écriture
n'en est pas néopunique : sur la stèle 4, par exemple, seuls le waw, le pé et le shin ont déjà
une forme néopunique. On n'a donc le choix qu'entre la punique et la phénicienne. Or le
taw paraît punique plutôt que phénicien. D'autre part il serait étrange qu'une écriture
phénicienne ait été contaminée par la néopunique. Je crois donc qu'il s'agit d'une écriture
punique et non phénicienne. L'orthographe apporte un argument supplémentaire et, à
mon avis, décisif. La notation du suffixe de la 3e personne du singulier par un aleph (L'DN'
« à son seigneur », à la ligne 1 du texte n° 3) est typiquement punique.
Il semble plus aventureux de vouloir classer chronologiquement nos documents d'après
les seuls critères fournis par l'écriture, car cette écriture ne varie guère d'un texte à l'autre.
Toutefois l'inscription n° 1, à cause de l'irrégularité des caractères et des lignes, me paraît
appartenir à une période de décadence ; et d'autre part la belle ordonnance de l'inscription
n° 4 me porterait à la considérer comme plus ancienne que les trois autres. Ce n'est au fond

(17) M. Lidzbarski, Phônizische und aramâische Kruginschriften, AbPAW, 1912.


qu'une impression. En tout cas j'attribuerais volontiers l'ensemble de ces quatre stèles à
la seconde moitié du IIe siècle avant notre ère ou à la première moitié du Ier siècle, à sup-
poser, bien entendu, que la chronologie de l'évolution paléographique ait été à peu près
la même dans toute l'Afrique Mineure, ce que je suis enclin à penser.

Les représentations de boucliers

Ces arguments, tirés de la paléographie, paraissent confirmés par un autre d'ordre


archéologique. J'ai déjà indiqué qu'à la partie inférieure de chaque stèle était gravé un
cercle, contenant lui-même un cercle plus petit. Or nous trouvons la même représentation
sur certaines stèles votives d'El Hofra, le célèbre sanctuaire punique situé près de Constan-
tine. A. Berthier et R. Charlier, qui ont édité dans une étude fondamentale les trouvailles
d'El Hofra (18), nous en donnent maints exemples. Je renvoie par exemple aux figures A,
B et C de la planche XVIII, où cette représentation est accompagnée de celle d'une pique
ou plutôt d'un javelot. Il s'agit évidemment du bouclier rond de la cavalerie, avec son
umbo, par opposition au bouclier ovale, figuré ailleurs (planche XVII, A). Or nous savons —
en particulier par des mentions expresses des rois Massinissa et Micipsa — que les stèles
d'El Hofra s'échelonnent le long du IIe siècle avant notre ère : celles de Volubilis ne sau-
raient leur être de beaucoup postérieures.

Le problème du sufète

Des textes que nous avons cherché à interpréter il résulte entre autres choses que
certains personnages importants étaient appelés « sufètes » et d'autre part que le titre se
retrouve souvent dans une certaine famille (inscription 4), soit qu'il ait été héréditaire,
soit que cette famille ait exercé, comme ce fut plusieurs fois le cas à Carthage, une hégé-
monie de fait.

C'est surtout l'inscription dite « des sufètes » (n° 4) à laquelle nous nous adresserons.
Elle date environ de la deuxième moitié du deuxième siècle avant notre ère ; elle est donc
bien antérieure à Juba II. J'ai déjà expliqué plus haut qu'elle nous donne la généalogie
non du sufète défunt, mais de l'ordonnateur des funérailles ; mais la distinction est plus
formelle que réelle, puisque l'ordonnateur des funérailles appartenait à la même famille
que le sufète. Selon la restitution qu'on adopte pour la fin de la ligne 3, les ancêtres de
cet ordonnateur sont au nombre de six ou de sept : voilà qui nous reporte environ cent
cinquante ans en arrière, soit aux environs de 250 avant notre ère, peut-être un peu plus
haut. Peut-on tirer de ce texte l'indication que la fonction de sufète était héréditaire à

(18) A. Berthier et R. Charlier, Le sanctuaire punique d'El Hofra à Constantine, 1955 (désigné ici
par l'abréviation El Hofra).
Volubilis ? Le cas le plus embarrassant est celui de l'ancêtre dont le nom commence par
R... (fin de la ligne 2). Il paraît difficile de loger dans la lacune finale de ce mot un nom
propre, l'épithète HSPT « le sufète » et l'obligatoire BN « fils de ». Mais, étant donné le
procédé approximatif auquel j'ai eu recours pour évaluer l'étendue de cette lacune, je n'ose
pas être trop affirmatif ; d'autant qu'il est bien possible qu'un héritier légitime soit mort
avant d'accéder au pouvoir et qu'ainsi la charge de sufète soit passée directement du
grand-père au petit fils.
Peut-être y verrons-nous un peu plus clair, si nous essayons de dégager les diverses
réalités politiques que peut recouvrir le terme de « sufète ». Il se rencontre seulement chez
les anciens Hébreux ; à Tyr, métropole de Carthage ; à Carthage même ; et enfin chez les
Numides orientaux, qui l'ont eux-mêmes emprunté à Carthage (19). La racine du mot
contient l'idée de «juger » ; mais les «juges » de l'Ancien Testament nous apparaissent
surtout comme des chefs de guerre, dont l'autorité est brève et qui ne fondent pas de dynas-
tie ; ils ne sont pas oints et n'ont donc pas le caractère religieux du roi ; dans une mesure
limitée on songe au « tyran » grec. De même à Tyr, les « juges », qui sont substitués
provisoirement aux rois au VIe siècle avant notre ère, sont nommés pour peu de temps (20).
A Carthage ils ont succédé aux rois, et leur magistrature s'exerce, au moins en principe,
dans des conditions comparables à celles du consulat des Romains (21).
Mais pour comprendre le sens du mot « sufète » à Volubilis il faut surtout élucider
celui qu'il a pris chez les Numides orientaux, sous la dynastie de Massinissa. C'est vrai-
semblablement entre Numides et Maurétaniens, de même race et de même civilisation,
qu'il faut établir un parallèle.
A Mactar le titre de sufète était attribué, aux environs de notre ère ou peu après,
à certains magistrats municipaux. C'est ainsi qu'il figure dans l'inscription n° 2 de Ber-
ger (22) : les magistrats ainsi appelés étaient d'ailleurs, à en juger par leur onomastique,
de purs Numides. Le seul problème qui se pose à leur sujet et que j'hésite à trancher, c'est
de savoir s'ils étaient au nombre de deux ou de trois. En faveur de la seconde hypothèse
on peut alléguer qu'un texte récemment découvert, l'inscription A, mentionne un « chef
des sufètes » RB SPTM (23).
A Dougga deux siècles plus tôt il n'en allait pas de même. J'ai déjà abordé ce problème

(19) Pour les «juges » dans le monde hébraïque, voir en dernier lieu H. Cazelles, SDB, fasc. XXIII,
col. 1394-1414 (avec bibliographie), s. v. Juges (Le livre des).
(20) Pour les sufètes à Tyr et à Carthage voir S. Gsell, HAAN, II, pp. 193-201.
(21) Voir G. Picard, Les sufètes de Carthage dans Tite Live et Cornelius Nepos, REL, 1964, p. 271 et
suivantes.
(22) Ph. Berger, Mémoires de l'Académie des Inscriptions, XXXVI, 2e partie ; J.G. Février, Byrsa,
IX, 1960-61, p. 33 et suivantes.
(23) Voir mon article sur les nouvelles inscriptions néopuniques de Mactar (Karthago. XII 1965,
pp. 45-59).

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dans mon étude sur : La constitution municipale de Dougga à l'époque numide, qui a
paru dans les Mélanges de Carthage, 1964, p. 85 ss. J'y reviens brièvement ici.
Dans une inscription bilingue, punique et libyque, de Dougga (RIL 2) est relatée
l'érection d ' u n temple funéraire à la mémoire de Massinissa par les « citoyens » ou les
« notables » de la ville. L'inscription semble être datée de l'an 10 de Micipsa. Aussi bien
Massinissa que son père Gaïa sont appelés « rois », M M L K T en punique. Ce terme de
M M L K T , employé fréquemment en phénicien, correspond à l'hébreu mamlâkut, mot
abstrait signifiant littéralement « règne » ou « royauté » ; on le traduirait volontiers par :
« la majesté royale ». Dans la partie libyque le mot correspondant est GLD, q u ' o n rap-
prochera du berbère agellid. Or ces deux mêmes termes, M M L K T en punique et G L D en
libyque, sont utilisés dans cette inscription pour désigner le premier magistrat de la cité
(tout au moins du point de vue honorifique), celui qui donne son nom à l'année : c'est une
sorte d'archonte roi. Aussitôt après l'archonte roi venaient deux magistrats, qui déte-
naient probablement une grande partie de l'autorité. Or on n'a pas recours pour eux au
terme de sufète. Ils sont appelés « chefs des Cent » en punique et en libyque M U S N H ,
mot dont le sens exact nous est inconnu. En revanche le père du roi Gaïa, du nom de Zilil-
san, porte le titre de sufète, aussi bien dans le texte libyque que dans le texte punique.
J'insiste sur ce point. Alors que dans la version libyque tous les autres titres (il n'y en a
pas moins de six) sont libyques, seul celui de SPT est emprunté au punique, mais avec le
sens de « dynaste ». Or Zililsan a vécu au Ille siècle avant notre ère, c'est-à-dire est à
peu près contemporain de « Y M S T N le sufète », qui figure sur l'inscription n° 4.
On comprend dès lors que, rencontrant à Volubilis des personnages portant ce titre
de façon héréditaire au IIIe et au IIe siècle avant notre ère, je sois d'avis de voir en eux
des dynastes locaux et non de simples magistrats municipaux. Comment ne pas être frappé
par le fait que les stèles funéraires des sufètes de Volubilis étaient rassemblées dans le
tumulus altier, mais somme doute de dimensions très réduites, qui dominait la vieille ville
maurétanienne ? S'il s'était agi de simples magistrats municipaux et annuels, comment
aurait-on pu y loger plusieurs centaines de stèles funéraires de grande dimension ? Dira-t-on
que ce tumulus contenait seulement les tombes d'une grande famille, ayant compté parmi
ses membres une demi douzaine de sufètes, sur un total de trois ou quatre cents pour un
siècle et demi ou deux siècles ? Mais dans ce dernier cas comment comprendre le caractère
vraiment hors de pair de ce tumulus et surtout la vénération profonde qui l'entourait ?
Vénération telle que les ingénieurs romains n'oseront pas l'éventrer pour permettre le pas-
sage d ' u n aqueduc, mais le contourneront d'une façon aussi peu rationnelle que possible.
Le problème posé par la restitution de la fin de la ligne 3 de l'inscription 4 prend
dès lors une importance capitale. S'il était possible de restituer M M L K ] ' T « r o i » , il en
résulterait que les principicules de Volubilis seraient issus d ' u n cadet d'une grande famille
royale. Si au contraire, comme on peut le croire, l'espace est trop grand pour cette resti-
tution, on doit se résigner à tout ignorer des conditions dans lesquelles a été fondée la
dynastie de Volubilis. Peut-être un jour la découverte d'un éclat de pierre complétant
notre stèle permettra-t-elle de résoudre ce problème.
LES TEXTES NÉOPUNIQUES

A côté de ces inscriptions monumentales en écriture punique s'en trouvent d'autres


plus tardives en écriture néopunique. Ce sont bien souvent de simples graffiti. Elles n'en
attestent pas moins la persistance de la langue punique à Volubilis (Pl. III).

5.

Une des plus intéressantes, soigneusement incisée sur un tesson trouvé dans le temple B,
contient seulement, mais intégralement, le nom propre, qui semble bien libyque, MR'WZ'
(sic). C'est de toute évidence le même nom propre avec une graphie légèrement différente,
que nous rencontrons par exemple dans la Néo Punique 7 : BT M'RWZ' BN B'LSLK
« A gravé Maruzo, fils de Ba'alsillék ». Pour cette traduction du mot BT ( = arabe batta),
déjà attesté sous la forme W'BT « et j'ai gravé » à la ligne 8 de l'inscription de Milkpillés
(cf. RES 13 et 236) je renvoie aux Cahiers de Byrsa, VIII, 1958-59, p. 30 et suiv.
Comment faut-il interpréter l'orthographe aberrante que nous rencontrons ici ? On
pourrait supposer que ce nom propre se prononçait en réalité Marauzo. Le graveur de
la Néo Punique 1 aurait noté la diphtongue au par un simple waw, tandis que celui de
Volubilis aurait noté explicitement cette diphtongue, mais négligé le premier a. Chacun
sait en effet que l'écriture néopunique, même avec le secours des matres lectionis, est loin
de donner toujours une vocalisation intégrale. Bien entendu, notre connaissance de l'ono-
mastique libyque est trop insuffisante pour nous guider ici.
Mais il est une explication plus simple. Le lapicide a omis le 'ayin ; puis lorsqu'il
s'est aperçu de son erreur, il l'a écrit après le resh. A près d'un millénaire de distance, c'est
le procédé auquel avait déjà eu recours le lapicide de l'inscription de Yéhimilk à Byblos (24).
La similitude de forme entre le 'ayin et la tête du resh fait comprendre l'erreur. Mais pour-
quoi avoir écrit le 'ayin à une place qui n'était pas la sienne ? Parce que le lapicide était
habitué à ce que l'on comptât les lettres de l'inscription en guise de vérification. Je me
suis expliqué à ce sujet dans mon article Une bévue de lapicide (25).
L'écriture est manifestement néopunique : les formes du mêm et de l'aleph sont
caractéristiques. Toutefois la graphie semble indiquer soit une date relativement ancienne,
soit un remarquable maintien de l'ancienne tradition. On notera en particulier le tracé du
mêm, qui n'est pas encore réduit à une simple croix de Saint André, et celui du zayin, inter-
médiaire entre le zayin punique et son correspondant néopunique. Je situerais donc volon-
tiers ce texte un peu avant notre ère.

(24) W.F. Albright, Phoenician Inscriptions o f the lOth Century, JAOS, LXVII, juillet-septembre 1947.
p. 156, n. 32.
(25) J.G. Février, BCTH, 1951-52, p. 261 et suivantes.
6.

D'autres textes néopuniques, un peu plus tardifs, ont été recueillis à Volubilis : ce
sont des graffiti ou des restes de graffiti, gravés à la pointe sur des poteries italiques. Restes
qu'on serait tenté d'appeler misérables, si leur date ne montrait le maintien de la tradition
et si l'origine des noms propres ne soulignait le brassage des races et des civilisations sous
les règnes de Juba II et de son fils Ptolémée. En tout cas la négligence avec laquelle sont
tracés ces graffiti contraste avec l'écriture très soignée du numéro précédent.
On notera tout d'abord un fragment de poterie italique, qu'on peut attribuer à la
première moitié du premier siècle après notre ère ; il appartient au fond d'une assiette.
Le graffito se lit M N'Y — ou peut-être MT'Y, la confusion entre le nun et le taw étant
fréquente en néopunique. Faut-il songer au nom propre libyque MTI (RIL 194) ? Ou bien
y retrouver une transcription très correcte de l'éthnique latin Menaeus, « le Ménéen »,
c'est-à-dire l'homme de la ville de Menae (Mevat) en Sicile ?.

7.

A la même époque appartient le pied d'un petit bol d'origine italique. Dans un car-
touche est écrit ATE(ius), nom d'un potier d'Arezzo. Le graffito néopunique se lit très
nettement BSK', nom qui n'est pas punique. S'il est complet, il faut sans doute l'iden-
tifier au nom propre libyque BSKH (RIL 1080) ; mais ce nom pourrait bien avoir été em-
prunté au latin, à en juger par sa terminaison. On sait qu'en Afrique du Nord le v est sou-
vent remplacé par un b, par exemple QW'TRBR pour quattuorvir dans la Trip 37 (26) :
on pourrait donc songer à un sobriquet : vascus « qui est de travers ».

8.

Pied de bol en poterie sigillée. Dans un cartouche en forme de losange figure la marque
du potier OFMCO. Le graffito néopunique, pour lequel je ne dispose que d'une copie,
est mal gravé. Il semble comprendre quatre lettres, dont la première (en commençant
naturellement par la droite) me semble être un kaph et la troisième un 'ayin. Je n'ose pro-
poser aucune lecture complète.

(26) REA, 1953, p. 358 et suivantes.


9.

Tesson (exactement : dessous du pied) d'un vase de poterie sigillée. Il porte l'estampille
OFMCO. On peut lui assigner la date approximative du Ier au IIe siècle après notre ère.
Ma copie est la suivante :

Ce texte m'embarrasse et j'en arrive à me demander s'il est bien sémitique. Si tel
est le cas, il faudrait admettre que les lettres sont orientées vers la droite et que le mot
lui-même se lit de gauche à droite. Mais la dernière lettre ne peut être alors que celle d'un
aleph punique archaïque, dont la présence à cette époque est invraisemblable. Vu la date
de la poterie, je croirais volontiers à une influence de l'écriture latine. Si l'on croit pouvoir
avancer la lecture RS' (qui reste très douteuse), on songera au nom propre libyque RSl
(RIL 371).
10.

Elément de fusaïole en forme de disque convexe, percé au milieu. Il est difficile de


lui assigner une date tant soit peu précise. Ce petit objet porte une inscription néopunique
en caractères très schématisés. Elle est d'autant plus difficile à lire que certains traits peuvent
être accidentels. Ce qui complique encore le problème, c'est qu'une lettre au moins, à savoir
l'aleph, est franchement punique (tout comme sur le n° 9). Je propose de lire :

.. 'RK BT BRK

Du premier nom propre je n'ai pu déchiffrer sûrement que les trois dernières lettres,
alors qu'il en comptait quatre ou cinq. Avant l' aleph venait un taw (?) ou peut-être un
samek néopunique de forme ancienne ; avant cette lettre on croit reconnaître un zayin,
mais de forme punique. Ce nom propre ZT'RK ou ZS'RK m'est inconnu. Il désignait
le possesseur de l'objet, probablement une femme. BRK Birik est un nom propre hypo-
coristique, bien connu en punique. « ZT'RK (ou ZSRK), fille de Birik ».

11.

Je joins à la liste des textes néopuniques de Volubilis un petit graffito, provenant de


Aïn Schkour, à 3 km au nord de la ville. Les quelques lettres qui le composent ont été
gravées à la pointe sur le fond d'un vase de sigillée gallo-romaine. Le tesson a été enregistré
au musée de Rabat sous le n° A 523. Les copies que j'en possède ne m'ont permis aucune
lecture sûre.
THAMUSIDA

Le site de Thamusida, ville antique située au nord de la moderne Kenitra, à l'embou-


chure de l'oued Sebou, a livré deux intéressants tessons épigraphes (Pl. III).

12.

Ce tesson (n° 600 d'inventaire de Thamusida) a été trouvé, d'après les rensei-
gnements qui m'ont été fournis par M. Rebuffat, à un niveau superficiel du « temple
carré ». Il porte l'estampille ,.. NT . OF En dépit de l'excellente photographie que j'en
possède, il m'a été impossible d'en tirer un sens satisfaisant. Il est vrai que ce graffito
est certainement incomplet au début, c'est-à-dire à droite (on distingue encore la tête
d'une lettre), et probablement à la fin. La première lettre me semble être un hé punique
à deux branches, analogue (mais plus anguleux) à celui qui figure sur le n° 4 (punique)
de Volubilis. La deuxième lettre pourrait être un qof (je ne garantis rien) ; mais, comme la
tête de la lettre manque, il m'est impossible de dire s'il est punique ou néopunique. Puis
viennent un yod (néopunique) et un bét (punique ou néopunique). L'épigraphiste est évi-
demment déconcerté par ce mélange de caractères puniques et néopuniques. On aboutit
ainsi à la lecture ...HQYB... S'il fallait absolument avancer une hypothèse, on pourrait
songer à un nom propre latin terminé en -ecius (transcrit HQY) et suivi de la première lettre
du mot BN « fils de ».

13.

C'est également un tesson de poterie sigillée, inventorié à Thamusida sous le n° 754.


Le graffito est rédigé en écriture néopunique cursive. On croit lire :

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Je lis non sans hésitation : MNNKTT, nom propre libyque qui m'est inconnu, mais
qui, si telle est bien sa lecture véritable, serait à rapprocher des noms propres libyques
MNK (RIL l29. etc.) et MNKH (RIL 814). Ou bien : MNNKT a gravé ?
BANASA

14 et 15.

Signalons (Pl. IV) tout d'abord deux tessons néopuniques. Ils ont été trouvés en 1955
dans le four de potier n° 1. Ce sont des tessons de céramique grossière marron à engobe gris,
ayant appartenu à des jarres, que M. Euzennat paraît dater avant le Ier siècle avant notre
ère. Dans les deux cas l'inscription a été gravée à la pointe après cuisson, certainement par
la même personne. Si le shin est punique, le nun est franchement néopunique. Les deux
textes sont identiques, à cela près que la dernière lettre manque sur l'un d'entre eux. On
lit SYN'K ou encore SYN'N. C'est évidemment un nom propre, d'ailleurs intégralement
vocalisé à l'aide de deux matres lectionnis, le yod et le 'ayin. Le nom propre SNN est attesté
en punique (CIS, I, 3843).

16.

Fragment de jarre (céramique gallo-romaine), au musée de Rabat sans numéro d'in-


ventaire. Ce fragment a été trouvé près d'un grand bâtiment, au nord du decumanus (27).
Il porte une lettre de 5 cm de haut, fort bien gravée. Ce pourrait être un shin assez ancien,
dernière lettre d'un mot dont le début manque.

17.

Graffito tracé à la pointe sur un fond de vase gallo-romain, portant le n° d'inventaire


B 116. L'écriture me paraît punique bien plutôt que néopunique. La première lettre est un
waw ; la seconde un qof avec une boucle supérieure caractéristique du phénicien-punique ;
enfin vient la tête d'une lettre qui est probablement un dalet (ou peut-être un resh ou un
bét, si le bas de la haste a disparu). Je lis donc : WQD, mais ne puis rien en tirer.

(27) M. Euzennat, BCTH, 1955-56, p. 232 .


MELILLA

18.

Dans les comptes rendus du Primo Congreso arqueo/Ógico del Marruecos Espaiiol,
1953, M. Tarradell (pp. 253-256) a publié une inscription néopunique, qui se retrouve
dans la Melilla prehispanica (Madrid, 1945, p. 230), de R. Fernândez de Castro y Pedrera.
On lit :

Il s'agit du nom propre punique fréquent BD'STRT « Bod'aStart », signifiant « Qui


est dans la main d'Astarté » ou « (qui est né) grâce à Astarté ».
ORIGINE INCONNUE

Il est au musée de Rabat un certain nombre de tessons épigraphes dont la provenance


n'est pas indiquée. Ils portent des graffiti tracés plus ou moins maladroitement à la pointe.

19.

Pot italique de la première moitié du Ier siècle de notre ère. Sur ce pot figure un graffito
néopunique, certainement incomplet. Il paraît devoir se lire :

Soit : W R D ' BN..., les deux premières lettres n'étant pas très sûres. Le premier
mot, avec son waw initial et son aleph final pour -us, a toutes chances d'être un nom propre
latin. Doit-on songer à une forme barbare Viridus pour Viridis ? A moins qu'on ne préfère
se rabattre sur le nom propre libyque U R T U (RIL 884) ?

20.

Pied de vase en poterie sigillée, portant un graffito. Je crois discerner :

Je n'ose rien proposer.


21.

Fragment de bol, en poterie sigillée. Graffito incomplet portant deux lettres néo-
puniques.

C'est évidemment la fin d'un nom propre latin en -eus.


MOGADOR

Les célèbres tessons de Mogador se trouvent présentement répartis en deux collec-


tions. La première, provenant des fouilles de Kœberlé et Desjacques, alors instituteurs
à Mogador, est en la possession de M. Kœberlé. De fâcheux malentendus m'ont empêché
d'y avoir recours directement. J'ai dû me contenter : 1° des quelques copies et photogra-
phies publiées par P. Cintas dans sa Contribution à l'étude de l'expansion carthaginoise au
Maroc (tome LVI des Publications de l'Institut des Hautes Etudes Marocaines), fig. 71 et
73, pp. 128 et 130 ; 2° de quelques photographies qui m'avaient été communiquées par
mon ami R. Thouvenot, alors inspecteur des Antiquités au Maroc ; elles ont été malheu-
reusement égarées lors de l'impression de mon article (BCTH, 1955-56, pp. 33-35) ; 3° d'un
lot de photographies, de valeur très inégale, de la collection de M. Kœberlé, qui m'ont
été adressées par le Service des Antiquités du Maroc ; 4° d'excellentes photographies
des trouvailles de M. Jodin ; je les dois à l'amabilité de ce dernier, qui a bien voulu aussi
me communiquer les originaux. Je devrais mentionner aussi les nombreux dessins des
inscriptions trouvées par M. Kœberlé, que celui-ci m'a envoyés jadis ; mais j'ai la manie
ou l'outrecuidance, pour laquelle je réclame l'indulgence, de me méfier des copies, fussent-
elles les miennes.

On sait que la prospection fructueuse entreprise par Kœberlé et Desjacques a fait


place de 1956 à 1958 à une fouille systématique, dirigée par André Jodin, qui a pratiquement
épuisé le site. C'est seulement après avoir examiné les inscriptions elles-mêmes que nous
pourrons essayer de dresser un tableau d'ensemble des résultats auxquels conduit leur
étude. Signalons seulement dès maintenant qu'il s'agit de très brèves épigraphes, tout
au plus : « Un tel, fils d'un tel » ; souvent manquent à la fois le début du premier nom
propre et la fin du second. A maintes reprises nous n'avons plus qu'une partie d'un seul
nom. Ces textes ont été gravés à la pointe sur des jarres aujourd'hui en miettes. Elles sont
rédigées en écriture phénicienne ou punique : nous discuterons ce point plus loin.
Un fait capital, c'est la date de cette céramique. On avait parlé d'abord — non sans
réserves substantielles — du Ille siècle avant notre ère. A vrai dire cette datation semble
cadrer assez mal avec l'aspect de l'écriture, encore que celle-ci manque d'unité, ce qui
ne facilite pas le diagnostic. F. Villard, dans un article qui paraît avoir reçu l'approbation
unanime des archéologues (27 bis), se prononce pour la seconde moitié du septième siècle.
Cette opinion n'est pas pour déplaire à un épigraphiste sémitisant. Il est sans doute des
formes de lettres qui peuvent paraître plus récentes ; mais on n'oubliera pas qu'il s'agit
d'une écriture sinon vraiment cursive, du moins de tous les jours. Par conséquent on ne
saurait équitablement comparer les graffiti à la pointe tracés sur les jarres avec les ins-
criptions monumentales du VIle siècle, qui ont naturellement un ductus plus archaïque.
Si l'on veut établir un parallèle, il faut le faire avec les graffiti d'une destination et d'une
teneur analogues figurant sur des tessons de jarres trouvés à Eléphantine, en Haute Egypte,
et datés du Ve siècle avant notre ère (28). Or ces derniers annoncent souvent, comme
l'a montré Mark Lidzbarski dans une étude célèbre, l'écriture néopunique. Ils sont donc
nettement plus récents que les nôtres et rien ne s'oppose, du point de vue épigraphique,
à ce qu'on adopte la date proposée, pour des raisons d'ordre archéologique, par François
Villard.

Avant de passer en revue les très médiocres photographies de la collection Kœberlé,


je tiens à bien préciser que je n'ai l'intention ni d'en présenter une édition sûre et exhaustive,
ni d'enlever à qui que ce soit le privilège d'une telle édition. Comme tous les sémitisants,
tous les historiens, je souhaite ardemment la venue de cette édition. En attendant je juge
de mon devoir de porter à la connaissance du monde savant ce que je crois savoir de ces
textes (Pl. V-VII).

TESSONS KŒBERLÉ-DESJACQUES

22.

Lire 'KN, nom propre qui se retrouve en hébreu 'Akân. Déjà signalé dans BCTH,
1955-56, n° 3, p. 35.
23.

Je suis tenté de lire GS ou peut-être GZR, cette dernière lecture, ayant l'avantage,
si elle est possible, de rappeler le toponyme hébraïque Gèzèr. Mais il est plus probable que
nous avons affaire à un très grand hét, initiale d'un nom propre.

(27 bis) F. Villard, Céramique grecque du Maroc, BAM, 1960, p. 1 et suivantes.


(28) Voir note 17.
24.

Seulement un yod, sans doute le début d'un nom propre formé avec YTN « a donné ».

25.

Je lis ZY... Divers noms propres hébraïques commencent par ces deux lettres.

26.

Je lis 'R..., mais le 'ayin n'est pas sûr.

27.

Je lis LH... « appartenant à H... ». Il s'agit peut-être du nom propre H'M, qui se
rencontre ailleurs (voir n° 29).
C'est le tesson i du BCTH.
27 bis.
Lire LZ...
27 ter.
Lire ...HK ou ...HN.
28.

Je crois lire 'WT, le tet final étant en partie détruit. Il m'est impossible de rien
tirer de cette lecture.

29.

On lit nettement ...BN H ' M « fils de H ' M ». C'est sans doute le même tesson que
le tesson b de BCTH 1955-56. Peut-être le premier nom propre est-il [']ÔD' 'Abdo, nom
propre bien connu.

30.
Seul subsiste un grand aleph.
31.
Reste un aleph.
32.
Reste un aleph.
33.
Reste un hé ( ?).
34.
Peut-être un taw.
35.
Un hét à deux branches.
36.
Un zayin.
37.
Un hét précédé d'une haste.
38.

Un signe étrange, qui n'est sans doute pas une lettre. Peut-être un sigle numérique ?

39.

Texte très peu lisible. Peut-être 'YQ ou 'LQ, mais rien n'est moins sûr.

40.

Le nom propre MGN (latin Mago) est très nettement gravé. Voir n° 107.

41.

On distingue 'H'S ; peut-être le début d'un nom propre 'V'S[MN, « Esmun est
frère ». Voir n° 106.

42.
Restes d'un aleph.
43.
Un hét.
44.

Un 'ayin suivi d'une lettre indistincte.

45.

Texte très peu lisible : LL.. ' « AL.. ' ».


46.
Reste un laméd.
47.

Peut-être SP'L, mais ce n'est pas sûr.

48.

Texte très peu lisible. La dernière lettre est peut-être un aleph.

49.

Lire peut-être 'BLBNN. Faut-il y voir une abréviation d'un nom propre 'BDLBNN
« Serviteur du (dieu) Liban » ? L'écriture est très cursive, ce qui doit inciter à la prudence.

50.

Sigle ressemblant à un hé, mais qui ne paraît pas être une lettre.

51.

BRTN ou BDTN, avec possibilité de compléter le mot au début et à la fin. Peut-être


le nom propre 'BDTNT « Serviteur de Tanit ».

52.

Lire BDL, qui est peut-être à compléter en 'BDL'Y « Serviteur du Puissant » (CIS, I,
3914), nom propre qui se retrouve aussi bien à Carthage qu'à Chypre. Pour ce nom cf.
J G. Février, BCTH, 1951-52, p. 76 et A.M. Honeyman, PEQ, 1961, p. 151 et suiv.

53.

Peut-être BNTNT, mais c'est très douteux. Auquel cas on trouverait trace peut-être
d'une influence punique.
54.
Het à deux branches.
55.

Trois lettres semblant former le début d'un mot. La première est peut-être un yod,
la dernière un taw en forme de croix de St André ( ?).
56.

Deux ou trois lettres. La dernière semble être un yod, précédé peut-être d'un aleph.

57.

Petit fragment. Je ne puis rien lire avec certitude.

58.

Texte déjà donné par P. Cintas (Contribution..., p. 55 et fig. 71, 3, p. 128).


Le mot 'SMN « Esmun » est suivi à peu près certainement d'un het. Il faut
donc restituer 'SMNH[LS « Esmun a délivré », nom propre bien connu.

58 bis.

Lire MGN Magon, nom propre très fréquent à Carthage.

59.

Lire LH(?). Sans doute la fin d'un nom propre, provenant peut-être de la racine SLH
« envoyer ». Cf le nom propre hébraïque Silhi.

60.

Lire peut-être GP', avec un pé de forme très archaïque, ou plutôt GK', forme abrégée
de GRSKN Gersakon, signifiant « hôte de Sakon » (latin Gisco). L'aleph final semble
indiquer un « Kosenamen » d'origine punique. Voir n° 110.

61.

On lit nettement H'B. On peut songer au nom propre hébraïque 'H'B, c'est-à-dire
Achab.
62.

Je lis ...BLK BN 'DN... La lecture du nun final est douteuse et le dalét est placé en
surcharge au-dessus de la ligne : en tout état de cause il s'agit d'un nom propre com-
mençant par 'DN 'adôni « Mon seigneur est... » La première lettre du texte me paraît
être un bét plutôt qu'un mêm ; or le nom propre H B L K , au lieu d e H M L K Himiik, est typi-
quement carthaginois. C'est le tesson a du BCTH.

Je traduis donc : «Hi]bilk, fils d'Adoni[ba'al ? ».

63.

Un hé est séparé d'un taw par une barre verticale, qui semble être un trait de séparation
plutôt qu'une lettre. Il serait possible que nous ayons ici affaire à un nom propre désigné
seulement par son initiale et au patronymique, indiqué seulement par sa lettre finale.
Le patronymique pourrait donc être un nom propre comme H M L K T (latin Himilco).

Pour les problèmes de ce genre je renvoie à J.B. Chabot, BCTH, 1943-45, p. 217
et suiv. et 237 et suiv.

64.

Je lis BK..., le kaph ayant la forme d'un psi grec, forme qui ne se trouve guère que
sur la stèle de Mésa. On peut songer au nom propre hébraïque Bèkèr. C'est le tesson 1
du BCTH.

65.

Je crois lire 'BRHND... A la vérité la plupart des lettres sont douteuses. Je serais
tenté de comprendre : « le chef ('abbir) du... ».

66.

Peut-être H W D (cf. le nom propre hébraïque Hôd ?).

67.

Je lis YTN, comme P. Cintas (Contribution... p. 55 et fig. 71, 4, p. 128). C'est évidem-
ment la fin d ' u n nom propre théophore : « X a donné ».

68.
Un aleph de grande taille.

69.

Ecriture très cursive. Trois lettres que je ne puis identifier.


70.

La première lettre est peut-être un $adé phénicien. Je ne puis identifier les autres.

71.

Un laméd est suivi d'un het à deux branches et d'une lettre indistincte, peut-être un
dalét ou un resh.
72.

Lire B'L, début d'un nom propre théophore, par exemple B'LYTN « Ba'al a donné ».
C'est le tesson g du BCTH.
73.
Un hé.
74.

Un bét, suivi d'un resh ou d'un nun (?).

75.

Je crois lire SH', nom d'origine égyptienne.

76.
Un hét, suivi peut-être d'un waw.
77.
Je n'ose proposer aucune lecture.

78.

...BN H... « fils de H... » ou bien le nom propre BNHDS Benbodes, signifiant «fils
de ( = né à) la nouvelle lune », nom propre attesté à Carthage.

79.
Peut-être ...QD.
80.

Un bét suivi d'un nun ou d'un laméd (?).


81.

Deux lignes d'écriture incomplètes. La ligne supérieure porte 'YM, le 'ayin étant dou-
teux ; à la ligne inférieur YTN... sans doute un nom théophore qui était celui du père
et était précédé de BN « fils de ».
82.

...LQ, suivis d ' u n trait vertical ou d'un resh.

83.

Lire 'KS Akis, plutôt que 'RS Aris, à cause de l'orientation de la haste du kaph.
Dans l'Ancien Testament un roi philistin de Gath porte ce nom.

84.
Un hét.
85.

Un taw en forme de croix de St André (ou un aleph), suivi d ' u n gimél (ou d ' u n resh ?).

86.
Deux lettres, que j'hésite à identifier.
87.

Deux bét, séparés par un trait vertical. C'est le tesson c de mon article du BCTH.

88.
Un zayin.

89.

Trois lettres, en partie abîmées ; la seconde est un hét. Je suis tenté de lire: L H Y ,
le yod étant très douteux.
90.

KMS... S'agirait-il d ' u n nom théophore, formé avec le nom du célèbre dieu moabite
Kemôs ?
91.
Un aleph de grande taille.
92.
ZY... Le zayin est plutôt phénicien.
93.
Un yod de grande taille.
94.

Un yod ( ?) et une autre lettre, que je ne puis identifier.

95.

Un 'ayin, un trait vertical, un zayin (ou un yod ?) et un 'ayin. Je n'ose rien proposer.

TESSONS CINTAS

Au cours de sa mission archéologique à Mogador, M. Pierre Cintas avait lui-même


mis à jour divers tessons épigraphes. Il a publié (29) les photographies de trois d'entre eux.

96.

...NYTN. Le yod a une forme singulière. On restituera 'SMNYTN « Eshmun a donné »


nom propre connu.
97.

...M HYM. Entre le premier mêm et le hét il y a un large espace. Je crois que la qua-
trième et dernière lettre est un mêm, mais ce pourrait aussi être un samék, comme le veut
Cintas.
98.

...RSQY. Devant le resh on croit distinguer les restes d'un bét. Ce mot pourrait être
un ethnique.

(29) P. Cintas, Contribution à l'étude de l'expansion carthaginoise au Maroc, 1954, fig. 71, p. 128 et
fig. 73, p. 130.

Licence eden-19-7-3657293-7-99622302-22643762 accordée le 10


avril 2021 à 3657293@7.com
Enfin P. Cintas a donné les copies de sept autres textes, qui, dit-il, « sont restés
entre les mains de Kœberlé ». Ce sont les nos 1 à 4 et 6 à 8 du tableau 71, p. 128, de la
Contribution à l'étude de l'expansion carthaginoise au Maroc.
De l'épigraphe 6 il ne reste à peu près rien. Le n° 1 correspond à notre n° 88 ; le n° 3
à notre n° 58 ; le n° 4 à notre n° 66 ; je n'ai pas retrouvé trace du n° 7, non plus que du
n° 8, qui porterait les lettres 'B.

TESSONS JODIN

Avec la collection Jodin nous retombons enfin sur un terrain sûr. Je ne saurais trop
remercier M. Jodin d'avoir bien voulu me confier l'édition du matériel épigraphique
phénicien-punique qu'il a exhumé. Les photographies sont excellentes. D'ailleurs lors
de mon voyage à Rabat j'ai pu examiner longuement les originaux (Pl. VIII-X).

99. (numéro d'inventaire 57/1)

Un aleph isolé. Son ductus aux lignes courbes montre l'influence d'une cursive, tracée
sur papyrus ou tesson à l'aide d'un calame ou d'un pinceau (cf. écriture archaïque de
Byblos).

100.(57/2)

On lit très nettement B'LH..., puis une lettre qui pourrait être un aleph, un espace et,
semble-t-il, un taw. Il s'agit donc d'un nom théophore formé avec Ba'al ; mais on ne peut
pas restituer B'LH[LS.

101. (57/3)
Une croix grecque (taw ?).

102.(57/4)
Un het.

103. (57/5)
Un hé ?

104.(57/6)

Lire 'ST... Le taw, quoique mutilé, me paraît sûr.


105. (57/7)

Lire L'. Il faut peut-être restituer 'BDL'Y, comme dans le n° 52. Ce nom propre se
retrouve à Carthage (CIS I, 3914) et à Malte (Honeyman, PEQ, 1961, p. 151). Cf. le no 52.

106. (57/8)

C'est le même ostracon que le no 41 de la collection Kœberlé. On lit sur cette photo-
graphie-ci le nom propre 'H'SM[N ( Esmun est mon frère ».

107. (57/9)

C'est le même ostracon que le no 40 de la collection Kœberlé, mais il semble avoir


été écorné avant la photographie Jodin. Lire MGN, latin Mago.

108. (57/10)

Lire S.L. La lettre entre le shin et le lamed est peut-être un yod, soit S[Y]L. J'ignore
un tel nom de personne.
109. (57/11)

Lire YHW'B, nom propre signifiant « (Mon) père a vivifié », le « père » étant un
dieu, non désigné explicitement. On comparera ce nom propre avec celui du roi de Byblos
YHWMLK « Yehaumilk », signifiant : « Le Roi a vivifié » (CIS, I, 1, ligne 1).

110. (57/12)

C'est le même ostracon que le n° 60 de la collection Kœberlé.

111. (57/13)

Sur l'original j'ai cru discerner, peut-être à tort, KY'. Dans ce cas, qui reste très pro-
blématique, ce serait le même nom propre que sur la stèle n° 2.

112. (57/14)

Lecture difficile. Peut-être... T'R, mais c'est douteux. Dans ce cas doit-on imaginer
un nom propre comme ['STR]T'R « Astarté est ma lumière » ?
113 et 113 bis. (57/15 A et 57/15 B)

Deux tessons semblant appartenir au même vase. Sur l'un est gravé un nun, sur l'autre
GR, peut-être le début d'un nom propre théophore formé avec gér « hôte ».

114. (57/16)

Lire MGN, latin Mago. La graphie est comparable, mais non identique à celle du
n° 107 ( = n° 40).
115. (57/17)

On a l'impression de se trouver en face d'un sigle ou d'un anagramme, plutôt que


devant des lettres véritables.
116. (57/18)

Lire ...HWL, fin (?) d'un nom propre (?). Je ne saurais rien proposer.

117. (57/19)

Après un nun vient un signe compliqué ; sigle numérique ou marque de propriété.

118. (58/1)

Lire TNR ou TNB... Il ne semble pas qu'il y ait une lettre avant le taw. On songera
peut-être à un nom propre comme YTNR[SP « Reseph a donné », dont le yod initial
serait tombé.
119. (58/2)

Lire probablementHNN avec des nun très cursifs. On comparera le nom propre hébraï-
que Hânân.
120. (58/3)

Probablement un qof, dont la haste a presque entièrement disparu dans la cassure ;


si tel est bien le cas, c'est une forme très ancienne (v. J.G. Février, J A, 1948, p. 4 et 5).

121. (58/4)
Restes d'un taw ?
122. (58/5)

Simple dessin ou sigle, sans trace de lettres.


COMMENTAIRE

Le profane comprend mal au premier abord l'intérêt énorme qu'ont suscité dès les
premières trouvailles ces misérables tessons, sur lesquels il ne subsiste bien souvent qu'une
lettre, parfois un nom propre plus ou moins mutilé, ou encore le mot BN « fils de ».

Cet intérêt tient d'abord à la date des tessons. Seconde moitié du septième siècle
avant notre ère, affirme l'archéologue François Villard. Je ne crois pas que les épigraphistes
sémitisants soient tentés de le démentir, bien que les critères dont ils disposent soient
beaucoup moins précis. Encore une fois certaines lettres, comme le qof, ont une forme très
archaïque. La question qui se pose presque aussitôt vise l'origine de ces documents : la
Phénicie proprement dite, Gadès ou Carthage ? Ici il nous faut bien avouer notre igno-
rance, tout au moins dans la mesure où l'on se borne à interroger l'épigraphie nord-
sémitique. Les textes phéniciens originaires de la péninsule ibérique sont rares (pratiquement
une dizaine) et difficiles à dater de façon précise : une partie d'entre-eux d'ailleurs, d'épo-
que néopunique, ne saurait intervenir pour une comparaison (29 bis). A Carthage même
les textes les plus anciens ne semblent pas dépasser le VIe siècle ; et encore à une date
aussi haute il est à peu près impossible de différencier l'écriture carthaginoise d'autres
écritures phéniciennes. Assurément j'ai conjecturé la présence de l'élément T N T (le nom
de la déesse carthaginoise) dans certains noms propres théophores mutilés. Mais, à supposer
que ma conjecture soit juste, il ne faut pas oublier que Tanit semble être originaire du
Liban (30) et que le nom propre ' B D T N T qui signifie « Serviteur de Tanit » figure dans
une inscription phénicienne du Pirée (31).

J'avoue donc mon impuissance à résoudre ce problème.

Mais ce problème lui-même peut-il être tranché ?

Quel but visent les inscriptions gravées sur les jarres ? De toute évidence affirmer
un droit de propriété. C'est la même raison qui a poussé à inscrire des noms propres sur
des assiettes et des plats. Mais, puisqu'il s'agit de jarres et d'amphores, c'est-à-dire de
récipients, et non de vaisselle, on doit penser que ces récipients (d'importation) ne sont
pas arrivés vides à Mogador, qu'ils contenaient une pacotille destinée à la vente. Dès lors
il est très vraisemblable que l'affirmation du droit de propriété, matérialisée par un graffito
indiquant le nom et le patronymique du possesseur légitime, avait pour but de protéger
non seulement la jarre elle-même, mais aussi et surtout son contenu. Il convient de dis-
tinguer soigneusement ces inscriptions, gravées sur les jarres elles-mêmes, et par exemple

(29 bis) Sur ce point je ne puis que renvoyer à l'érudit petit corpus dressé par J.M. Solà Solé dans
la revue Sefarad, 1955, pp. 41-53 : Inscripciones fenicias de la peninsula Ibérica.
(30) Une inscription punique de Carthage, CIS, I, 3914, est dédiée à Astarté et à « Tanit du Liban »,
TNT BLBNN (ligne 1).
(31) CIS, I, 116, Le nom est rendu en grec assez librement par 'ApTEfLL3eùpoç.
les tessons inscrits de Samarie (VIIIe siècle), véritables « lettres de voiture » accompagnant
une livraison et donnant des détails précis sur l'origine, le destinataire, la nature, etc.
de l'envoi (32). Nos documents doivent en revanche être rapprochés des épigraphes ana-
logues, des Krugaufschriften phéniciennes retrouvées à Eléphantine (Egypte) et datant du
ve siècle avant notre ère. Nous y avons déjà fait allusion (33).
Je crois donc qu'à Mogador comme plus tard à Eléphantine existait un comptoir
phénicien ou punique. Des « facteurs », pour employer le terme technique, y demeuraient
en permanence. De loin en loin ils recevaient de leurs mandants des jarres remplies de paco-
tille et portant le nom du propriétaire. Elles étaient probablement accompagnées de lettres
de voiture détaillées, sur tessons ou papyrus, qui ne nous ont pas été conservées. Les fac-
teurs troquaient la pacotille contre des marchandises du cru, que les bateaux, au voyage
suivant, ramenaient dans la métropole. Sans doute m'accusera-t-on d'imaginer une orga-
nisation commerciale trop compliquée pour une époque aussi ancienne. Mais il suffit
de se reporter au voyage célèbre de Wenamon, accompli au XIe siècle par un Egyptien
sur les côtes de Syrie : il y est question de navires mouillant dans le port de Byblos, qui
sont en hèbèr (c'est-à-dire en association) soit avec le Pharaon Smendès, soit avec un
certain Birkat-el. Non seulement ce dernier personnage d'après son nom est un Phénicien,
mais le terme même de hèbèr « association » est passé du phénicien en égyptien, tant l'idée
même était foncièrement phénicienne (34).
Reportons-nous maintenant à la graphie des tessons. Elle n'est pas uniforme. Dans
le tracé du gimel le trait oblique part tantôt du sommet de la haste et tantôt de son milieu.
Le hét a tantôt deux, tantôt trois barres transversales. Dans le tracé du taw la barre trans-
versale ou bien traverse la haste verticale ou bien en part. Le laméd tantôt a un crochet, un
Schnôrkel, comme diraient les épigraphistes allemands, à droite et tantôt en est dépourvu.
De tels exemples — et il y en a d'autres — m'avaient amené d'abord à me demander si
les tessons épigraphes ne se répartissaient pas sur plusieurs siècles et si les différences de
graphie ne traduisaient pas une évolution corrélative de l'écriture. Mais l'avis des archéo-
logues n'est pas favorable à une telle solution. Il nous faut donc expliquer les différences
de graphie par l'emploi, plus ou moins variable, selon les scribes, de l'écriture cursive (com-
me à Eléphantine) et peut-être aussi (mais c'est plus douteux), dans une certaine mesure,
par le fait que les marchands ne seraient pas tous de la même ville.
Dans de pareilles conditions il me paraît difficile de dire si les commerçants qui
trafiquaient avec Mogador étaient originaires de la Phénicie propre, de Gadès ou de Car-
thage. Je penche pour Carthage, mais sans argument de poids.

(32) Voir, pour une orientation sommaire, mon article Ostraca, sceaux et cachets, SDB, fasc. XXXIII,
col. 948-964.
(33) Voir note 17.
(34) A. Erman, The Literature of the Ancient Egyptians, p. 179, n. 2.
LIXUS

LA STÈLE PUNICO-LIB Y QUE

123.

Cette stèle est actuellement conservée au Musée de Tétouan, en plein air. La mauvaise
qualité du calcaire fait craindre d'ailleurs qu'elle ne s'abîme lentement sous l'effet des
intempéries. Elle est présentement scellée sur une base en ciment, orientée de telle sorte
que le contre-jour est parfois gênant. Fort heureusement je possède diverses photogra-
phies du monument, prises sous des angles et des éclairages différents. Certaines d'entre-
elles ont été réalisées par mes soins ; mais je dois les meilleures à l'amabilité de divers
savants, comme feu G. Marcy, mon ami Sola Solé, divers membres du Service des Anti-
quités du Maroc (Pl. XI-XII).

La photographie Marcy est particulièrement intéressante. Elle a été prise avant que
la stèle soit encastrée dans sa base en ciment ; aussi on distingue très nettement tout en bas
les deux cercles concentriques qui caractérisent déjà les stèles puniques monumentales de
Volubilis. Il semble même que ces deux cercles soient reliés l'un à l'autre par des rayons.
On se souvient que nous avons proposé de reconnaître dans cette figuration, qui se retrouve
sur les stèles d'El Hofra, sur celles de Volubilis et sur celle de Lixus la représentation d'un
bouclier rond, parma, avec son umbo. Cette constatation a une grande importance du point
de vue chronologique. A El Hofra les stèles portant cette décoration datent du IIe siècle
avant notre ère : les stèles de Volubilis et de Lixus doivent donc remonter à peu près
à la même époque. De plus on notera qu'à El Hofra et aussi à Volubilis la graphie et
l'orthographe révèlent une tradition punique — et non phénicienne : on doit donc s'atten-
dre à ce qu'il en soit de même ici.

En fait le texte gravé sur la stèle de Lixus comprend deux parties bien distinctes :
d'une part un texte de cinq lignes en caractères puniques (et non néopuniques) ; de l'autre
un texte libyque, en colonnes verticales, dans les marges laissées libres à droite et à gauche
par l'inscription punique. Il suffit de regarder la stèle pour se rendre compte que la partie
libyque a été gravée après coup sur la stèle réemployée; en tout cas elle n'avait pas été
prévue par le premier lapicide et elle n'a aucun rapport avec l'inscription punique. Le
lecteur en jugera par le commentaire qu'en donne Lionel Galand (34 bis). C'est bien
dommage d'ailleurs, car les deux essais de traduction (du punique et du libyque) ne peuvent
s'appuyer l'un sur l'autre. Un tel réemploi n'a rien d'exceptionnel : on en trouvera un
exemple parmi d'autres dans l'inscription 813 du R.I.L. de Chabot.

L'écriture, ai-je déjà dit, me paraît punique plutôt que phénicienne. De ce point de vue
la forme du taw, qu'on retrouve dans les inscriptions monumentales de Volubilis, est
assez caractéristique. Il faut évidemment se garder d'être trop catégorique, car la mau-
vaise qualité de la pierre, l'effacement de certains caractères, outre qu'ils rendent la lecture
malaisée, empêchent souvent de suivre le ductus précis de la lettre. Un point demeure
pourtant : cette écriture n'est pas de date très récente. Même en tenant compte du fait que
des formes plus anciennes ont pu se maintenir plus longtemps sur la périphérie de la civi-
lisation carthaginoise, il me paraît difficile d'admettre une date plus récente que le
IIe siècle avant notre ère.

Passons maintenant à l'interprétation du texte punique. Nous savons, grâce aux docu-
ments de Volubilis, que les stèles de ce genre peuvent être aussi bien votives que funéraires.
Mais ici aucune hésitation n'est permise ; dès les premiers mots nous savons que nous som-
mes en présence d'une épitaphe.

Cette stèle a fait déjà l'objet de diverses études, dues en particulier à G. Marcy (35),
J.B. Chabot (36) et Solâ Solé (37). J'écarte dès le début la lecture et encore davantage
l'interprétation de G. Marcy, de qua tacere melius est, comme disaient poliment les vieux
humanistes. Restent les opinions de J.B. Chabot et de J.M. Solâ Solé, épigraphistes d'une
valeur reconnue : j'en ai tenu le plus grand compte.
Ligne 1 — Chabot et Solâ Solé s'accordent à lire d'abord : 'BN Z 'S TN' L...
« Cette pierre ( = stèle) qui a été érigée pour... » Bien entendu le Z ( = zô, démonstratif
féminin) est indubitablement un démonstratif et non un relatif. Quant à T N ' c'est ou bien
la 3e personne du féminin puai, ou bien — ce qui me paraît moins vraisemblable — un
participe passif féminin, la désinence -at devenant -â, puis -ô. Reste à la fin de la ligne
un nom propre, qui a été lu P'BR par Chabot et YP'BRD par Solâ Solé. D'après une
bonne photographie je penche pour la lecture Y'RRD et je retrouve ce nom propre dans
IRRD (RIL 386) : dans ce dernier cas aucune indication n'est donnée sur le sexe du por-
teur de ce nom. L'inscription porte seulement : IRRD STRN MKRH. Le mot MKRH

(34 bis) Inscriptions libyques, n° 9.


(35) G. Marcy, Les inscriptions libyques bilingues de l'Afrique du Nord (Cahiers de la Société Asiatique,
vol. V), 1936, pp. 90-102.
(36) J.B. Chabot, Recueil des inscriptions libyques, 1940, p. 193.
(37) J.M. Solà Solé, La inscripciôn pùnico-libica de Lixus, dans Sefarad, 1959, pp. 371-378 (avec de
bonnes photographies).
est une épithète ou un substantif. STRN est à peu près certainement le nom propre punique
' S T ' R N Y (38), avec chute de la voyelle initiale, comme c'est la règle dans les translitté-
rations libyques (39). Ce STRN n'est pas le père de IRRD, puisqu'il n'est pas précédé du
mot U « fils de ». Dès lors I R R D serait-elle sa femme ? et auraient-ils été enterrés ensem-
ble ?
Ligne 2 — Au début Solâ Solé a très joliment retrouvé le mot ' H T « sœur ». On est
tenté de voir dans cette sœur la personne qui a érigé la stèle. Assez fréquemment — sinon
toujours — cette tâche incombait aux parents ou aux parentes ou même aux amis des dé-
funts : d ' o ù sur les stèles libyques les mentions US, ULTS, MTS, qui signifient respecti-
vement : « son fils », « sa fille », « sa mère ». Mais si l'on adoptait cette interprétation,
la construction grammaticale serait impossible. D'autre part comment expliquer qu'on
n'ait pas mentionné le nom du père du défunt ?
Beaucoup plus séduisante et surtout plus logique est l'interprétation de Solà Solé.
Le nom propre qui précède le mot ' H T « sœur » est un nom de femme ; cette femme
( Y ' R R D selon ma lecture) est « la soeur » d ' u n tel et c'est à celui-ci, c'est-à-dire à son frère,
qu'est accrochée la généalogie de la défunte. Mais quel était le nom de ce frère ? Solâ
Solé a lu : ' H T ' L P " S Y G BN, etc, le laméd placé après ' H T ' indiquant l'appartenance
« sa sœur à ( = de) P"SYG, fils de, etc. ». C'est-à-dire « sœur de, etc. ». Du point de vue
grammatical c'est une construction très régulière. Quant à moi je ne suis sûr ni de la pré-
sence du suffixe pronominal représenté par l'aleph, ni du laméd d'appartenance, ni des deux
lettres qui suivent et forment le début du nom propre ; mais le sens général est bien celui
que suggère Solâ Solé.
Ligne 3 — Le début de la ligne est d'une lecture difficile. Il y a peut-être BZSK ou
NZSK, mais rien n'est moins sûr. Solâ Solé a lu SMSK. De toute façon c'est un nom
propre. Ensuite je crois distinguer ' B D S H M ou plutôt 'BDSSM BN. Le nom propre
théophore 'BDSSM m'est inconnu, mais il est évidemment de formation punique (ou
phénicienne), puisque son premier élément est le mot 'abd « serviteur de ». C'est ce qui
explique sans doute qu'il ne soit pas précédé du mot BN « fils de ». C'est un seul et même
personnage qui portait le n o m libyque de N Z S K ou SMSK (lecture douteuse) et le nom
punique 'BDSSM (lu 'BDYSN par Solâ Solé): de même dans l'inscription du cap Djinet (39
bis) le dédicant indique d'abord son nom libyque D R K , puis son nom punique ldnibal. Ce
nom propre 'BDSSM, quelle qu'en soit la lecture exacte se retrouve, comme nous allons
le voir, aux lignes 4 et 5.

Ligne 4 — Je déchiffre : B R K ' 'BDSSM BN. Le nom propre B R K ' est sans doute
un hypocoristique punique, formé avec la racine B R K « bénir » ; il est d'ailleurs passé
en libyque sous la forme BRK. Dans ce cas encore le même personnage a deux noms :
c'était d'ailleurs nécessaire pour le distinguer de son fils, qui s'appelait comme lui 'BDSSM.

(38) Cf. J.G. Février, JA, 1949, p. 86.


(39) Ibidem, p. 87.
(39 bis) Voir en dernier lieu J.G. Février, La deuxième stèle punique du cap Djinet, RAss, 1954.
Ligne 5 — La lecture du premier mot proposée par Solâ Solé, à savoir W R T M ,
semble être la plus probable. On comparera le nom propre libyque U R T U (RIL 884),
s'il est bien sûr. On lira ensuite T N ' 'BDSSM « A érigé (la stèle) 'BDSSM.
M a lecture d'ensemble et ma traduction sont donc les suivantes :

'BN Z 'S T N ' L Y ' R R D


' H T ...'SYG BN
NZSK(?) 'BDSSM BN
B R K ' 'BDSSM BN
W R T M T N ' 'BDSSM

« Cette » stèle, qui a été érigée à Y ' R R D , sœur de ...'SYG, fils de MZSK(?) 'BDSSM,
fils de Bariko 'BDSSM, fils de W R T M . (La lui) a érigée 'BDSSM ».

On voit que mon essai de lecture et ma traduction diffèrent peu des propositions de
Solà Solé. C'est surtout la lecture des noms propres qui nous a embarrassés l'un et l'autre.

Essayons maintenant d'interpréter ce texte. La stèle porte une épitaphe en l'honneur


d'une femme ; et c'est la généalogie du frère de cette femme et non de cette femme elle-
même — ce qui d'ailleurs revient pratiquement au même — qui nous est fournie. Quant à
celui qui a érigé la stèle, j ' y verrais volontiers le père de la défunte, NZSK(?) 'BDSSM.
Et s'il mentionne avec sa fille défunte le frère de celle-ci, c'est peut-être parce que celui-ci
était déjà mort.

L ' I N S C R I P T I O N D E LA M A R T I N I È R E

124.

Cette inscription a été trouvée sur le site de l'ancienne Lixus par la Martinière
durant un de ses voyages au Maroc. Il avait envoyé à Paris un estampage, dont Ph. Berger
a publié une photographie, en même temps qu'une traduction et un commentaire. J'ai
cherché en vain, tant au Maroc q u ' à Paris, à retrouver soit le monument lui-même, soit l'es-
tampage. Force est donc de se contenter de la médiocre photographie de Ph. Berger (40).

Ce qui reste du texte tient en quatre lignes, la quatrième étant d'ailleurs illisible
Ph. Berger a lu et traduit :
'BD[K
[PRS] BN
SB[H]TM BT

(40) Ph. Berger, BCTH, 1892, pp. 62-64.


« [Ton serviteur] Perets, fils de Tsabahtam, fille de... »
Selon son habitude, Berger, en usant des signes diacritiques en usage dans l'épigra-
phie a fait montre de la plus grande imprécision. Au début de la ligne 1 le mot 'BD « ser-
viteur » est à peu près sûr, encore que le dalet final ait une haste assez longue ; la lecture
'BR, quoique moins vraisemblable, n'est donc pas impossible a priori. Puis vient une
lettre à haste verticale, dans laquelle je ne suis pas certain de retrouver un kaph. Il ne
semble pas qu'il y ait encore d'autres lettres après celle-ci, mais je n'ose rien affirmer.
A la ligne 2 la lecture PRS, présentée par Berger comme une restitution dans sa trans-
cription et comme sûre dans sa traduction, me paraît contestable. Je penche pour la lecture
GDW. Le waw a une forme curieuse et ressemble d'une façon frappante au waw néopu-
nique. Assurément le facies archaïque de l'écriture empêche d'admettre qu'elle ait pu
contenir des graphies néopuniques ; mais on sait que l'écriture néopunique n'est qu'un
rejeton tardif de la cursive phénicienne ; et à Eléphantine, au Ve siècle avant notre ère,
nous trouvons déjà l'amorce d'un tracé analogue. Je lis ensuite un bét, suivi d'une lettre
peu distincte, mais qui, à en juger par la direction de la haste, semble être un resh. On abou-
tit ainsi pour la ligne 2 à la lecture GDWBR, sans préjuger de la séparation des mots.
A la troisième et dernière ligne je crois retrouver avec Berger un çadé suivi d'un bét,
puis un gimel, un dalet (ou un resh?) et un mêm très net, soit SBGDM. Suivent quelques
lettres indistinctes et tout à la fin un dalet ou un resh. Etant donné que la fin de chacune
des trois lignes a disparu ou est illisible et qu'il est possible qu'au-dessus de la première
ligne conservée ait existé au moins une autre ligne (ou croit discerner les restes d'un mêm),
on conçoit mon embarras pour attribuer un sens aux quelques lettres qui subsistent. Tout
au plus supposerais-je volontiers qu'à la ligne 2, GD est la fin d'un nom propre.
Dans la mesure où l'on peut faire intervenir la paléographie, l'examen de l'écriture
me porterait à croire que l'inscription est antérieure au IIe siècle avant notre ère, comme
le voulait Philippe Berger : elle appartient à une époque précédente, alors que l'écriture
punique se différenciait encore mal de l'écriture phénicienne proprement dite. Il est cepen-
dant un indice qui pourrait nous faire pencher en faveur d'une origine punique : c'est la
graphie du çadé. Il est formé par un sigle ayant l'aspect d'un 1 français (avec apices) greffé
sur une haste oblique, tandis qu'en phénicien ce même sigle a l'aspect d'un Z français.
Indice bien léger assurément, mais qui concorderait avec tous ceux que nous avons recueillis
précédemment en faveur de l'influence carthaginoise au Maroc.

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TABLE DES PLANCHES

Pl. 1 et II Inscriptions monumentales de Volubilis.

Pl. III Textes néopuniques de Volubilis et de Thamusida.

Pl. IV Textes néopuniques de Banasa.

Pl. V à VII Tessons de Mogador - collection Kœberlé.

Pl. VIII à X Tessons de Mogador - fouilles Jodin.

Pl. XI La stèle punique de Lixus (cliché Marcy).

Pl. XII La stèle punique de Lixus (clichés du Service des Antiquités).


INSCRIPTIONS PUNIQUES ET NÉOPUNIQUES DU MAROC
J. G. FEVRIER Pl. 1
J. G. FEVRIER Pl. II
J. G. FEVRIER Pl. m

Volubilis (5, 6, 7, et 10) Thamusida (12-13)

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J. G. FEVRIER Pl. IV
J. G. FEVRIER Pl. V

Mogador
J. G. FEVRIER Pl. VI

Mogador
J. G. FEVRIER Pl. VII

Mogador
J. G. FEVRIER Pl. v m

Mogador
J. G. FEVRIER Pl. IX

Mogador
J. G. FEVRIER Pl. X

Mogador
J. G. FEVRIER Pl. XI

123 — Lixus

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J. G. FEVRIER Pl. x n

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INSCRIPTIONS HÉBRAÏQUES
DES SITES ANTIQUES

par

Georges VAJDA
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes

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1.

Inscription trouvée à Rabat Chellah (Sala). Au Musée de Rabat (pl. 1).

...'HRN BR
...BSNT
HRLB THY
?

« ...Aharon, fils de... dans l'année... que soit ... »


Texte funéraire, probablement incomplet. Peut-être faut-il restituer T]HR LB « pur
de coeur » à la ligne 3.

Bibliographie

J.-G. FÉVRIER, BCTH, 1954, p. 43.

2.

Inscription funéraire, trouvée à Rabat Chellah (Sala). Au Musée de Rabat (pl. 1).

NPTR R(?) 'B[RHM


BR YSHQ BN (sic)
'LPR' TLK S...
HMST 'LPYM WSLS
M'WT WSB'H WSSYM
LYSYRH TNSBH (1)

« ^ s t décédé R(abbi) Ab[raham], 2fils d'Isaac, fils de3... Qu'aille... [Année]4 cinq

mille trois 5cent soixante sept 6de la création. Que son âme s o i t s e r r é e d a n s le f a i s c e a u

(ou " s a c h e t " ) d e s v i v a n t s (1) ».

L'an 5367 de la création s'étend de septembre 1606 à septembre 1607 de l'ère


chrétienne.

(1) Pour l'origine de cette formule se reporter à l'étude magistrale d'Otto EISSFELDT, Der Beutel
der Lebendigen (Ber. über die Verh. der Sachs. Ak. der Wiss. zu Leipzig, 105, 6, 1960).
Bibliographie

J.-G. FÉVRIER, BCTH, 1954, p. 43.

3.

Inscription funéraire, trouvée à Volubilis (pl. II)

NPTR TWBYH(?) H'B[D ??...


HHKM HSLM KHR
YSR'L BN MS'WD BN DWD WYWSP(?)
LBYT 'WLMW (W) HYY LRBNN SBQ YWM
'HD BSBT SNY YMYM BHDS HSWN
SNT HMST 'LPYM W'RB' M'WT
WSB'YM LBRY'T 'WLM

« lEst décédé Tobie (?) le serviteur (?) de... 2le sage parfait, (Son) H(onneur) le
R(abbi) 3Israël fils de Mas'ud, fils de David; et il fut accueilli (?) 4dans sa demeure éter-
nelle ; et il laissa vie aux docteurs, le jour 5du dimanche, le deuxième (jour) du mois de
Heswan, 'l'année cinq mille quatre cent 7soixante dix de la