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INSCRIPTIONS ANTIQUES
DU MAROC
INSCRIPTIONS LIBYQUES
par Lionel G A L A N D
Professeur à l'Ecole Nationale des Langues Orientales vivantes
INSCRIPTIONS HÉBRAÏQUES
des sites antiques
par Georges V A J D A
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes
Pages
par
Lionel GALAND
Ancien membre de l'Ecole française de Rome
Professeur de berbère à l'Ecole nationale des langues orientales vivantes
BIBLIOGRAPHIE
Cette bibliographie est strictement limitée aux publications qui intéressent l'épigraphie
libyque du Maroc ou qui se trouvent citées, souvent en abrégé, dans le cours de l'ouvrage.
Les titres qui concernent plus particulièrement telle ou telle inscription seront rappelés
à leur place.
A. BASSET, Ecritures libyque et touarègue, dans Notices sur les caractères étrangers... réunies
par Ch. Fossey, Paris, 1948, pp. 135-143 = A. BASSET, Articles de dialectologie ber-
bère, Paris, 1959, pp. 167-175.
H. BASSET, Deux pétroglyphes du Maroc occidental (région des Zaer), Hespéris, III, 1923,
pp. 141-145, 2 pl.
F. BENOIT, Les stèles de Maaziz, BSPM, 1932, pp. 47-50 (photographies pp. 48-49).
J. CARCOPINO, Volubilis regia Iubae, Hespéris, XVII, 1933, pp. 1-24 ; article reproduit
dans Le Maroc antique, Paris, s.d. (1943), pp. 167-190 (2e éd.).
J.B. CHABOT, Recueil des inscriptions libyques, Paris, 1 vol. et supplément, 1940, XXIV
et 248 p. ; planches, 1941, XII pl. (Gouvernement Général de l'Algérie). Abréviation :
RIL.
M. COHEN, La grande invention de l'écriture et son évolution, Paris, 3 vol., 1958 : Texte :
XII et 471 p. Documentation et index : 228 p. Planches : 95.
P. DE CONINCK et L. GALAND, Un essai des Kel-Antessar pour améliorer l'écriture touarègue,
Groupe ling. d'études chamito-sémitiques, VIII, pp. 78-83 (24 février 1960).
J.G. FÉVRIER, Inscriptions puniques du Maroc, BCTH, années 1955-56, paru en 1958,
pp. 29-35, 4 ph. h.t. (communication du 10 janvier 1955 à la Commission de l'Afri-
que du Nord).
J.G. FÉVRIER, Histoire de l'écriture, Paris, nouv. éd., 1959, 616 p. (Bibliothèque historique
Payot).
L. GALAND, L'Inscription libyque RIL 648, JA, 1957, pp. 367-369, photographie.
L. GALAND, L'Inscription des Azibs n'Ikkis, BAM IV, pp. 418-421 (note jointe à une
publication de J. MALHOMME, ibid. pp. 411-417). V. aussi P. DE CONINCK.
A. GAUDIO, Notes sur le Sahara espagnol, Journal de la Société des Africanistes, XXII,
1952, pp. 17-25. En dépit du titre, la deuxième partie de ces notes, pp. 22-23, présente
brièvement « Trois inscriptions libyques découvertes récemment dans le départe-
ment de Yobala au Maroc espagnol » (nos 2, 3, 4, ci-dessous). Abréviation : Notes.
J. HERBER, A propos de deuxpétroglyphes du musée Henri Basset, Hespéris, IX, 1929, p. 323.
G.A. LAFUENTE, Le rôle du signe = dans les inscriptions libyques, RAf, CI, 1957, pp. 388-392.
E. LAOUST, Le berbère, dans Initiation au Maroc, Paris, nouv. éd., 1945, pp. 191-219 (Ins-
titut des Hautes Etudes marocaines).
G. MARCY, Les Inscriptions libyques bilingues de l'Afrique du Nord, Paris, 1936, 191 p.,
XXII pl. (Cahiers de la Société asiatique, Ire série, V). Abréviation : ILB.
A. MERCIER : V. R. LESVEN.
P. QUINTERO ATAURI, Estudios varios sobre los principales objetos que se conservan en
el Museo, Museo Arqueológico de Tetuán, 1942, 87 p., 49 pl. Abréviation : Estudios.
0. RÔSSLER, Die Sprache Numidiens, dans Sybaris, Festschrift Hans Krahe... dargebracht,
Wiesbaden, 1958, pp. 94-120.
0. RÔSSLER, commentaire des inscriptions nos 100, 101, 153 (= RIL 1, 2, 31) dans :
H. DONNER-W. RÔLLIG, Kanaaniiische und Aramâische Inschriften, mit einem Bei-
trag von 0. Rôssler, Wiesbaden, 0. Harrassowitz, Bd II, Kommentar, 1964,
XV + 330 p. Abréviation : Kan. und Aram. Inschriften.
A. RUHLMANN, Les recherches de préhistoire dans l'extrême sud marocain, PS AM, V, Rabat-
Paris, 1939, 108 p., carte.
Société de Préhistoire du Maroc (Comité de la), La pierre d'Ain Djemâa, BSPM, 1928, p. 1.
J.M. SOLÁ SOLÉ, La inscription pûnico-ltbica de Lixus, Sefarad, XIX, 1959, pp. 371-378,
1 pl.
M. TARRADELL, Guia arqueolôgica del Marruecos espanol editada con motivo del 1 Congreso
arqueolôgico del Marruecos espafiol, Tetuân, 1953, 45 p., 7 pl. h.t., carte (inscriptions
libyques, p. 17). V. aussi TOVAR.
A. TOVAR, Papeletas de epigrafia libica, Boletin del Seminario de Estudios de Arte y Arqueo-
logîa, Valladolid : I) Sobre la inscripciôn libio-latina de Tetuân, VII, pp. 67-71.
III) Un framento inédito de Tamuda, X, p. 52, 1 phot., 1 pl. h.t., tabl. IV) Sobre la
W en el alfabeto Hbico, XI, pp. 69-74. V) Una hipôtesis sobre el origen del alfabeto
libico, XI, pp. 74-76, VIII) Sobre el signo g, XIV, pp. 31-33. Abréviation : BSEAA.
TABLE DE CONCORDANCE
JA Journal Asiatique.
I Congreso I Congreso arqueolôgico del Marruecos espanol, Tetuan, 22-26 junio 1953,
Tetuân, 1954.
Sur plus de mille cent vingt inscriptions réunies par l'abbé J.-B. Chabot dans son
Recueil des inscriptions libyques (1), neuf seulement provenaient du Maroc : les numéros
881 à 888, auxquels il faut joindre le numéro 842 bis, que l'éditeur, ignorant la présence
de cette pierre au musée de Volubilis, attribuait par conjecture à « la région du sud cons-
tantinien ou de Sétif ». L'infime proportion des textes marocains suffit à montrer que
l'extrême ouest de la Berbérie n'offre pas à l'épigraphie libyque des conditions très favo-
rables. Cependant plusieurs documents nouveaux ont été découverts depuis la publication
du Recueil, trop peu sans doute pour que notre ignorance du libyque « occidental » en
soit sensiblement réduite, mais assez pour que l'idée d'un corpus local s'imposât
à M. M. Euzennat, qui me fit l'amitié de m'en confier la préparation à l'époque où il
dirigeait le Service des Antiquités du Maroc (2).
(1) Des indications bibliographiques plus complètes sont réunies aux p. 3-6. Les références aux
travaux qui figurent dans cette liste ne sont généralement données qu'en abrégé dans le cours de l'ouvrage.
V. p. 7 le tableau des abréviations et, p. 6, la table de concordance entre la numérotation de J.B. Chabot
et la mienne.
(2) En juin 1959, une mission m'a permis d'examiner moi-même les inscriptions marocaines, à l'excep-
tion des nos 5, 6,17 et 27, perdus ou égarés, et des nos 13 et 23, qui ont été découverts après mon passage. J'ai
pu prendre des estampages des nos 14, 15 et 16 et j'ai disposé de bonnes photographies des pierres conservées
dans les musées. Il m'est agréable d'exprimer mes remerciements, pour leur accord ou leur concours, à
Monsieur le Recteur Mohammed El Fasi, alors Ministre de l'Education nationale, à MM. Abdelaziz ben
Abdallah, Directeur de l'Enseignement supérieur, et Nasser El Fasi, Directeur du Centre Universitaire
de la Recherche scientifique, ainsi qu'à M. M. Euzennat et à tous ceux qui m'ont aidé, MM. J. Boube et
G. Hallier à Rabat, A. Luquet à Volubilis, Temsamani et Tomillo à Tétouan, A. Jodin et M. Ponsich à
Tanger. MM. Cherotzky et Monition ont procédé à la détermination géologique des stèles de Rabat. Je
dois une mention particulière à M. G. Souville qui s'est chargé de me fournir, après mon retour, les rensei-
gnements complémentaires et les indications pratiques nécessaires à l'édition. — Ce travail était achevé
au début de 1962. Diverses circonstances en ont retardé la publication, maintenant assumée par le Centre
de Recherches sur l'Afrique méditerranéenne que dirige M. R. Le Tourneau. J'ai à nouveau éprouvé l'obli-
geance de M. Euzennat, placé à la tête de la section d'archéologie. Grâce à M. R. Rebuffat, le manuscrit
a été adapté aux normes de la nouvelle collection et complété par une carte, avec un soin et une patience
qui méritent toute ma gratitude.
Caractère et limites du recueil
Le caractère de la publication était commandé dès l'abord par l'état des études liby-
ques. Si une lueur semble poindre à l'est, surtout en Tunisie, grâce à toute une série de
travaux (3), l'obscurité reste quasi totale à l'ouest, où les inscriptions ne sont ni comprises
ni même lues, et l'optimisme qu'affichaient certains érudits il y a un quart de siècle n'est
plus guère partagé (4). Aggravé par le manque de chercheurs, le retard tient surtout à la
nature même des documents, comme on pourra s'en convaincre. Décrire et classer restent
donc les tâches essentielles : ce recueil n'a pas d'autre objet et voudrait être, à l'exemple
de celui de Chabot, « une publication en quelque sorte matérielle » (5). Il est vrai que
toute hypothèse n'en est pas exclue, la présentation des textes exigeant souvent un choix
entre plusieurs possibilités, mais je me suis efforcé de fournir au lecteur les éléments
d'appréciation.
(3) V. notamment, outre le RIL, les articles de MM. J.G. Février (RAf), 0. RÕssler (Sybaris ; Kan.
und Aram. Inschriften) et A. Tovar (BSEAA).
(4) On sait avec quelle assurance G. Marcy lisait et traduisait même les textes occidentaux (v. Biblio-
graphie). M. 0. RÕssler apprécie plus justement la situation lorsqu'il écrit qu'on ne peut absolument pas
parler d'une compréhension linguistique de ces derniers : « Von sprachlichem Verstândnis der westlichen
Texte kann überhaupt keine Rede sein » (Sybaris, p. 94, § 3).
(5) RIL, p. III.
(6) V. en dernier lieu le Corpus des gravures rupestres du Grand Atlas et A. Jodin, Analyse.
(7) G. Marcy, Epigraphie, p. 145, réprouve le choix de l'adjectif « libyque », « qui évoque mal à propos
une localisation spatiale [la Libye] ou temporelle [les Libyens] entièrement controuvée ». Cette critique
serait fondée si ce terme, désormais traditionnellement appliqué aux inscriptions, avait conservé la valeur
précise que lui suppose Marcy. Mais justement, « libyque » n'est plus « libyen ».
aussi différentes que celles de Dougga et celles du Maroc. Si pourtant cette dénomination
commode reste réservée aux textes « indigènes » de l'Afrique du Nord ancienne (8), le
danger paraît réduit : les documents présentent comme un air de famille ; ce sont presque
toujours des stèles, dont l'antiquité est prouvée par le milieu archéologique ou suggérée
par l'absence de toute écriture locale à l'époque moderne. Il est plus difficile d'étiqueter
les inscriptions rupestres (9), presque toutes sahariennes ou présahariennes, dont la date,
la langue et à fortiori le contenu demeurent souvent énigmatiques. Le terme (d libyco-
berbère », qui désigne traditionnellement une certaine catégorie de gravures, ne paraît
pas très propre à qualifier un état de langue supposé intermédiaire entre le libyque et le
berbère (10). Quant au nom de « tifinarh », il désigne proprement les signes de l'écriture
touarègue, ancienne ou actuelle. On n'a pas intérêt à le donner indistinctement à tous les
alphabets analogues et il est encore plus abusif de le rapporter, comme on le fait parfois,
à un parler ou à une langue. Or les inscriptions du Grand Atlas et du Sud marocain appar-
tiennent, au moins provisoirement, au groupe le plus mal défini, qui ne relève ni du libyque
ni du touareg. Elles n'ont été signalées qu'accessoirement, par des préhistoriens dont
l'attention était ailleurs : d'un ensemble aussi important que celui de la vallée du Dra,
c'est à peine si nous possédons quelques échantillons (11). La publication de pareils textes
aurait exigé un examen direct que les circonstances ne permettaient pas. Ainsi empêchés
d'inclure des documents qui, par ailleurs, auraient compromis l'unité du recueil, nous
n'avons retenu que les inscriptions du Nord.
Vingt-sept inscriptions libyques sont actuellement connues au Maroc et ont été réunies
(8) Cf. J.G. Février, Histoire de l'écriture, p. 321. — Il serait prématuré d'annexer les Iles Canaries
au domaine libyque sans autre forme de procès. Je n'ai pas encore pu consulter l'ouvrage de D.J. Wôlfel,
Monument a Linguae Canariae, Graz, 1965.
(9) H. Duveyrier, Sculptures antiques de la province marocaine de Sous découvertes par le Rabbin
Mardochée, Bull. de la Soc. de Géogr., XII (1876), p. 140, parle de « cippe funéraire » à propos d'une ins-
cription de la région du Dra (cf. planche h.-t., n° 49 ; le n° 46 présente aussi l'aspect d'un cippe). De son
côté, M. Reygasse a observé dans le Sahara central des inscriptions sur « monolithes » : Contribution,
p. 63. De tels monuments seraient à revoir. Selon H. Lhote, Les Touaregs du Hoggar, Paris, 1944, p. 145,
« on ne connaît pas, jusqu'à présent, de stèles funéraires gravées en caractères tifinagh ».
(10) H. Lhote, ouvr. cité, p. 141-145, l'emploie pourtant ainsi. Par contre M. Cohen. La grande
invention de l'écriture et son évolution, p. 132-133, entend par « libyco-berbère » l'ensemble du libyque et
du berbère.
(11) Sur les inscriptions rupestres du sud marocain, voir notamment A. Ruhlmann, Les recherches
de préhistoire dans l'extrême sud marocain, Rabat-Paris, 1939, 108 p. (PSAM, V) ; A. Glory, Ch. Allain,
M. Reine, Les gravures libyco-berbères du Haut-Drâa (Maroc), Actes du Congrès panafricain de préhistoire,
IIe session, Alger, 1952, (1955), pp. 715-722 ; J. Malhomme, Corpus des gravures rupestres ; le même, L'homme
à l'inscription des Azibs n'1kkis : Yagour, BAM, IV, 1960, pp. 411-417 ; L. Galand, L'inscription des Azibs
n'Ikkis ; G. Camps, Massinissa, p. 272-274 ; le même, Monuments et rites funéraires, pp. 449-455 ; A. Jodin,
Analyse.
ici (12). L'abbé Chabot, on l'a vu, en avait publié neuf. Par la suite, MM. A. Tovar et
M. Tarradell avaient présenté quatre pierres nouvelles (13). Je me suis efforcé de vérifier
et d'améliorer les lectures des précédents éditeurs. D'autre part, la photographie d'une
stèle du musée de Volubilis avait été publiée sans commentaire par G. Marcy (14) et la
pierre de Sidi Slimane, dont on avait décrit une face, est également gravée sur l'autre (15),
ce qui porte à quinze le nombre des inscriptions éditées ici pour la première fois (16).
Tous les documents, sauf un, sont des stèles probablement funéraires, comme celles
du domaine oriental (16 bis). Leur origine n'est pas toujours connue avec exactitude,
mais leur répartition entre les musées de Tétouan, Volubilis et Rabat permet, dans une
certaine mesure, de tenter un classement géographique (17). A l'intérieur de ce cadre, j'ai
tenu compte des indications fragiles que peuvent donner l'aspect du texte, le style de la
gravure ou la forme des lettres. Le matériel est trop réduit pour autoriser des conclusions
précises, mais il ne semble pas parfaitement homogène et l'on pressent l'existence de
plusieurs types différents.
Voici l'ordre dans lequel sont présentées les inscriptions :
1° Stèles de la région de Tétouan (nos 1 à 8) : Elles constituent un ensemble cohérent
et original. Les huit textes sont écrits en gros caractères et, chose rare au Maroc, ils comp-
tent plusieurs lignes. Quatre stèles, les seules du genre au Maroc, juxtaposent un texte
latin au libyque. On peut rappeler à ce propos que la partie nord-ouest des Jbala possède
presque tous les noms actuels de villages ou de « clans familiaux » à suffixe -es, terminaison
dans laquelle M. G.S. Colin reconnaîtrait volontiers la désinence de pluriel -es de la troi-
sième déclinaison latine. Une enquête récente a permis à M. D.M. Hart (17 bis) de compter
64 noms de ce type, dont 18 se trouvent groupés dans la seule zone de l'Anjra d'où pro-
viennent nos inscriptions. Existerait-il un lien entre une latinisation assez poussée et un
certain épanouissement de l'épigraphie, même libyque ? On retiendra en tout cas que
(12) On en verra la répartition sur la carte que je joins à ce recueil. Aussi bien sur cette carte que dans
mon texte, je me suis résigné à une graphie de type traditionnel pour les toponymes modernes, dont je
n'ai pu vérifier la forme locale : l'essentiel était de fournir les points de repère indispensables.
(13) Nos 2, 3, 4, 10.
(14) N° 14.
(15) N° 11.
(16) Je n'ai pas retenu un petit autel du musée de Volubilis, sur lequel est tracée horizontalement une
série de barres verticales ou obliques. Dans le même musée, un fragment qui porte deux traits parallèles
coupés par deux autres ne m'a pas semblé provenir d'une inscription libyque.
(16 bis) V. G. Camps, Monuments et rites funéraires, pp. 80-81, pp. 554-555.
(17) Le partage des stèles entre Rabat et Volubilis a dépendu de circonstances diverses, si bien que
le n° 22, par exemple, se trouve à Rabat, quoiqu'il ait été découvert plus près de Volubilis. Le n° 18 est déposé
au Jardin de la Mamounia, à Rabat. Les nos 5, 6 et 17 n'ont pas été retrouvés.
(17 bis) V. G.S. Colin, Etymologies magribines, Hespéris, 1926, pp. 59-60, n° 10; p. 65-68, n° 21 ;
ibid., 1927, pp. 98-100, n° 21 ; D.M. Hart, Tribal and Place Names among the Arabo-Berbers o f North western
Morocco : A Preliminary Statistical Analysis, Hespéris-Tamuda, 1, 1960, pp. 465-467 (et n. 21).
(18) G. Camps, Monuments et rites funéraires, p. 184 (n. 1), 283-285, 323, 356-357 (avec bibliographie).
(19) Le n° 7 vient de Tamuda, les nos 9 et 10 de Lixus ou des environs, le n° 13 d'un établissement
romain proche de Volubilis, le n° 17 de Volubilis (?), le n° 27 de Banasa.
(20) G. Marcy, Epigraphie, p. 133.
stèle libyque (n° 15) ressemble fort aux stèles puniques du même musée (21). L'existence
de stèles bilingues, même s'il s'agit parfois de pierres remployées (22), montre aussi que
le libyque fut le voisin, sinon l'associé, du punique et du latin. En définitive, une date
ancienne, antérieure à la conquête arabe, est certaine pour plusieurs de nos inscriptions
et vraisemblable pour les autres. Mais on doit se contenter de cette approximation.
La teneur des textes est évidemment le problème majeur. C'est aussi le plus difficile,
au point qu'on peut se demander si la documentation existante en permet la solution. Il
comporte de multiples inconnues et, dès le départ, on cherche en vain un point d'appui
solide. Nous ignorons à la fois la langue dans laquelle sont rédigées les inscriptions et la
valeur des signes qui notent les mots de cette langue. Le n o m de libyque n'est guère plus
qu'une étiquette, on l'a vu (23). Même si le libyque du Maroc s'apparente à celui de Tunisie,
dont on entrevoit maintenant quelques traits, on doit s'attendre à des divergences égales
à celles que l'on observe aujourd'hui entre les parlers berbères. Le berbère à son tour,
généralement considéré comme l'état présent du libyque, ne peut être d ' u n grand secours
dans la première phase du déchiffrement : avant de comparer les formes anciennes aux
modernes, il est nécessaire de les lire, donc d'établir l'alphabet. On l'a fait en Tunisie
grâce aux inscriptions bilingues qui ont permis de déterminer la valeur de presque toutes
les lettres. Mais les inscriptions du Maroc, comme beaucoup de textes d'Algérie, emploient
certains signes qui sont inconnus à l'est et ignorent d'autres signes qui font partie de l'alpha-
bet oriental. Une écriture alphabétique est un système de lettres qui s'efforce de corres-
pondre à un système de phonèmes ; dans l'un comme dans l'autre, tout se tient ; on est
donc fondé à se demander si les différences évidentes, qui portent sur la forme des lettres,
ne supposent pas d'autres différences, qui pourraient affecter la valeur des signes communs
aux deux groupes. Tel est le sens qu'il faut accorder, je crois, à la distinction désormais
classique entre l'écriture libyque orientale et l'occidentale : la réalité n'est sans doute pas
aussi simple (24), mais il reste qu'on n ' a pas affaire à un domaine uniforme et que les
A côté du texte libyque, cinq de nos stèles portent une inscription rédigée dans une
autre langue, punique (n° 9, de Lixus) ou latin (nos 1, 2, 3, 4, de l'Anjra). Cette circonstance
en apparence favorable demeure sans effet : dans tous les cas, l'un des deux textes se trouve
détérioré ou mutilé et l'on ne décèle aucune correspondance entre les fragments des deux
rédactions (26), si bien qu'on a parfois douté que l'un fût la traduction de l'autre ; on a
même envisagé la possibilité d ' u n remploi, notamment pour la stèle de Lixus : la même
pierre aurait reçu deux textes indépendants l'un de l'autre (27).
La brièveté des inscriptions ajoute à ces difficultés. Les plus longues, qui comptent
de deux à cinq lignes, sont groupées dans l'extrême nord du pays, de même que les bilin-
gues : est-ce un effet du hasard ? Le tesson de Banasa conserve deux lignes d'écriture.
Partout ailleurs, une seule ligne est visible (28). Au contraire de ce qui a lieu dans l'est,
où l'on reconnaît souvent des noms propres, des indications relatives à la fonction ou aux
titres du défunt, etc., rien ne transparaît ici de la structure des textes.
Dans ces conditions, il semble que la tâche la plus urgente soit, comme je l'ai dit,
essentiellement descriptive. Il faut observer la forme des lettres, déterminer leur nombre,
évaluer leur fréquence et chercher à définir leur distribution, c'est-à-dire les positions où
elles sont admises et les groupes qu'elles forment entre elles. Une étude comparative
du tracé et du nombre des lettres dans les divers secteurs de l'épigraphie libyque et ber-
bère conduirait à des remarques intéressantes et peut-être à des hypothèses plausibles sur
la valeur de certains signes. Une telle étude n ' a pas sa place ici ; les documents du Maroc
devraient être examinés en même temps que les inscriptions « occidentales » d'Algérie.
Ils sont du reste trop peu nombreux pour autoriser de véritables statistiques et les chiffres
qui seront donnés plus bas ne peuvent constituer qu'un apport partiel à une enquête plus
étendue.
La disposition des bilingues et la forme des stèles, quand elles ne sont pas trop mutilées,
(25) C'est le cas des transcriptions tentées par G. Marcy, puis par MM. Solà Solé, Tarradell et Tovar.
Si légitimes que soient de tels essais, je crois devoir m'en abstenir, comme l'a fait Chabot, dans un recueil
de matériaux.
(26) G. Marcy, ILB, croyait pourtant avoir découvert des relations précises entre les deux textes de
chacune des bilingues qu'il a étudiées.
(27) V. pour le n° 2 Tovar-Tarradell, I Congreso, pp. 437-439, et pour le n° 9 Sola Solé (qui, je crois,
va trop loin), dans Sefarad, pp. 374 et 378.
(28) Toutefois la stèle de Sidi Slimane porte une ligne sur chacune des deux faces. — Voici, à titre
indicatif, le classement des inscriptions d'après le nombre des signes que je considère comme sûrs ou assez
probables : 33 signes (n° 9), 25 signes (n° 3), 22 signes (n°s 5, 11), 19 signes (nos 8, 27), 16 signes (n° 2),
15 signes (n°s 7, 15), 13 signes (n°" 1, 4, 21), 11 signes (nos 14,19, 20) (10 signes (nos 10, 26). 9 signes (nOS 6,
12, 23), 8 signes (nos 13, 17, 24), 7 signes (n° 25), 5 signes (nos 18, 22) , 4 signes (n° 16). Le nombre réel
était un peu plus élevé, puis certains signes ont disparu ou sont devenus illisibles.
prouvent que les lignes d'écriture étaient verticales, conformément à l'usage le plus fréquent
en libyque (29). Les textes dans lesquels on reconnaît le mot V □ + (30) ont été écrits
de bas en haut, ce qui, à nouveau, correspond au tracé le plus courant. On admettra
provisoirement qu'il en va de même pour tous les autres et les signes seront comptés
à partir du bas de chaque ligne. Par convention et en l'absence de tout critère sûr, les
lignes d'une même inscription sont numérotées de gauche à droite, mais l'ordre inverse
n'aurait rien d'extraordinaire (31).
Une dernière difficulté surgit, et ce n'est pas la moindre, bien que tous les auteurs
l'aient passée sous silence : plus d'une fois, il est impossible de déterminer avec certitude
la position correcte d'une stèle, de façon à savoir dans quel sens l'inscription doit être
examinée. Il y a en effet des caractères libyques qui ne sont pas modifiés par une rotation
de 180°; d'autres sont attestés dans l'une et l'autre des positions entre lesquelles on
voudrait choisir. Si une inscription ne contient que des signes de ce genre et si, de surcroît,
la pierre elle-même est trop fruste ou trop mutilée pour fournir aucun argument décisif,
le choix reste aventureux. Le meilleur guide serait un tableau de la fréquence des signes
et de leurs combinaisons, mais, dans le cas d'un groupe aussi limité que celui des inscrip-
tions marocaines, ce tableau lui-même dépend du choix que l'on a fait : il y a donc cercle
vicieux et l'on ne peut présenter les matériaux sans avoir pris parti. Je m'y suis résigné,
en m'appuyant, quand je l'ai pu, sur des comparaisons et avec la pensée que l'essentiel
était de prévenir le lecteur.
Si l'on néglige les lettres qui sont trop effacées ou trop détériorées pour être lues
sans arbitraire, on compte dans les vingt-sept inscriptions du Maroc 350 signes répartis
entre 48 formes différentes. Pour classer ces formes, on ne peut se fonder ni sur une tradi-
tion ni sur leur valeur, encore incertaine ou inconnue. Il m'a semblé utile de considérer
le degré de dépendance où elles se trouvent par rapport au sens de l'écriture et qui, par
suite, les rend plus ou moins aptes à suggérer la direction de la lecture (32). Pour ordonner
les signes à l'intérieur de chacun des groupes, j'ai tenu compte de leur complexité et de
leur structure. Je leur conserve ici la position que leur donne une écriture supposée verticale
et dirigée du bas vers le haut. Le chiffre qui suit chaque signe indique le nombre des exemples,
sûrs ou vraisemblables, relevés au Maroc.
(29) V. RIL, p. VI. Cette observation n'est peut-être pas valable pour le tesson de Banasa (n° 27).
(30) V. ci-dessous, p. 35.
(31) RIL, p. VI.
(32) Il arrive qu'une même lettre reçoive, normalement ou par erreur, des orientations opposées,
sans changer de valeur (v. RIL, p. VII). Mais on constate une tendance à affecter aux phonèmes les plus
fréquents les lettres les plus indépendantes du sens de l'écriture.
1° Signes indifférents à une rotation de 90° : ils ne peuvent renseigner ni sur la direc-
tion, ni même sur la disposition horizontale ou verticale de l'écriture.
2° Signes sensibles à une rotation de 90°, mais indifférents à une rotation de 180° :
ils ne renseignent pas sur le sens de l'écriture ; de plus, lorsqu'ils se retrouvent dans les
inscriptions horizontales de Tunisie, ils n'y subissent pas tous la rotation de 90°.
30 Signes sensibles à une rotation de 180° : on remarque ici que plusieurs signes
s'opposent deux à deux ; il peut s'agir, selon les cas, de deux lettres distinctes ou de deux
variantes d'une même lettre ; lorsqu'un signe appartient à l'une de ces paires, sa présence
sur une inscription ne suffit donc pas à déterminer le sens de la lecture.
Au total : 75 exemples.
Au total : 30 exemples.
c) N'admettent aucun axe de symétrie :
Au total : 11 exemples.
Comme je l'ai déjà souligné, le nombre total des signes est assez modeste, ce qui
limite la portée des observations. De plus, si l'orientation proposée pour certaines stèles
s'avérait inexacte, la correction entraînerait quelques modifications dans le détail des
chiffres et des tableaux. On peut cependant formuler quelques remarques. Le chiffre de
48 formes dépasse de beaucoup ce qu'on attend pour un alphabet de ce type, qui ne devrait
guère excéder la trentaine de lettres (33). Outre qu'il faudrait revoir la lecture des lettres X
et F, qui ne me sont connues que par copie ou calque (34), il est évident que notre docu-
mentation n'est pas homogène. Déjà plus frustes que la plupart des autres, les stèles trou-
vées sur le plateau au sud du limes romain (nos 18 à 21) portent des signes si aberrants
qu'on peut se demander s'il s'agit bien de lettres : ru Ul Mil nnn. Les autres pierres
conservées à Rabat et à Volubilis ne composent pas un groupe uniforme : quelques-unes
ont subi des influences urbaines (35), d'autres paraissent plus rustiques. Limitée aux
textes de Tétouan et Lixus, qui présentent une plus forte unité, la liste serait effectivement
ramenée à une trentaine de signes : . + X 0 0 Œ.1 0 .. 1 111111111 Ml 11111 ? - H H V A W
M U W .1. ï < > C il 3 i' 1h Y ?. Si l'on élimine • • , dont la fonction est démarca-
vative (36) et si l'on considère que certains signes ne sont que des variantes d'une même
lettre — cela est certain pour 0 et 0 , [J et O , C et 3 , probable pour d'autres (37) —,
on obtient un chiffre tout à fait normal. Il est même possible que l'alphabet ainsi tiré des
dix inscriptions du nord ne soit pas complet.
Les signes suivants sont communs aux inscriptions occidentales et orientales, ce qui
n'implique pas qu'ils aient la même valeur dans les deux groupes : - + X 0 0 E 0
1 Il 111 1111 - r z N H W M L i n ? i l i r n ? £ ? C ? I I M ? Y . I l e s t à remarquer que toutes
les lettres indifférentes à la disposition de l'écriture (38) figurent dans cette liste.
Voici les signes qui sont inconnus des inscriptions orientales: - - IIIII -H+ ffit H
H fil Ul Mil V A cm mil .1. T nmi < > 3 1h F . L'abbé Chabot avait signalé une
(33) V.J.G. Février, Histoire de l'écriture, pp. 321 et 327 : 23 lettres en libyque selon Fulgence, 24
dans les bilingues punico-libyques de l'est, 24 dans l'alphabet ancien des Touaregs.
(34) Une lettre X a pourtant été signalée par Chabot, RIL, p. V.
(35) V. ci-dessus, p. 13.
(36) V. p. 22.
(37) V. N et M, p. 26 ; V et A , p. 27 ; W et M , pp. 28-29, etc.
(38) V. ci-dessus, p. 17, 1°.
douzaine de lettres qui lui paraissaient étrangères à l'alphabet oriental (39) ; trois seu-
lement se retrouvent ici : w V '1' .
Inversement, les textes marocains semblent ignorer cinq des signes employés dans
l'écriture verticale de la zone orientale : H o u I XT H.
On voit que le nombre des exemples décroît rapidement et que la fin de la liste réunit
la moitié des signes. Cela provient de l'insuffisance numérique des matériaux, aggravée
par leur fractionnement entre plusieurs types d'inscriptions. Il est inévitable que les carac-
tères propres à chaque groupe apparaissent moins nettement : c'est ainsi qu'aucune des
« lettres » particulières au sud du limes n'est attestée plus d'une fois. Les données maro-
caines ne prendront toute leur valeur que dans le cadre d'une étude plus vaste.
Je crois devoir compléter la description des textes libyques du Maroc par un répertoire
des lettres, rangées dans l'ordre qui a été proposé plus haut (40). Chacune est accom-
pagnée d'une notice et d'un tableau.
Le tableau est une liste des séquences formées par le signe considéré, par celui qui le
précède et par celui qui le suit. Les signes dont la lecture m'a paru probable, sans être
sûre, sont placés entre crochets carrés (42). L'astérisque marque le début ou la fin d'une
ligne, indication dont il faut se contenter puisqu'on peut rarement délimiter les mots. Le
point d'interrogation signale les passages illisibles ou mutilés.
Les groupes de lettres libyques sont écrits ici de gauche à droite, mais, sauf indication
expresse, chaque lettre conserve la forme et la position que lui donne l'écriture verticale
ascendante.
35 exemples, répartis dans tous les groupes d'inscriptions. Ce signe note t dans LOr,
TA et TM, comme dans certains alphabets sémitiques et en ibérique ; aussi peut-on sup-
poser sans grand risque qu'il a la même valeur ici. Sur X , v. ci-après.
4 exemples, t o u s d a n s le n o r d d u p a y s : trois p r o v i e n n e n t de la r é g i o n de T é t o u a n ;
le q u a t r i è m e , d o u t e u x , serait à Lixus. D a n s L O r , T A et T M , ce signe n ' e s t q u ' u n e v a r i a n t e
de + . A u M a r o c , o n r e n c o n t r e les s é q u e n c e s c o m p a r a b l e s W Il X (n° 8) et W Il + (n° 2),
mais, c o m m e les d e u x f o r m e s + et X p e u v e n t se p r é s e n t e r d a n s u n m ê m e texte (cf. la
suite + X , n° 5), o n est t e n t é d ' a t t r i b u e r u n e signification à ce c h a n g e m e n t d e g r a p h i e .
P o u r G. M a r c y , d o n t l ' a r g u m e n t a t i o n ne m e p a r a î t p a s c o n v a i n c a n t e , X noterait un t
s p i r a n t (43). P a r ailleurs, o n p e u t r a p p e l e r q u e les i n s c r i p t i o n s de D o u g g a o n t p o u r l ' o c c l u -
sive d e n t a l e s o u r d e , à c ô t é d e + et de X , u n signe 3] (en é c r i t u r e h o r i z o n t a l e ) , qui
p o s e u n p r o b l è m e a n a l o g u e (44). D a n s les textes m a r o c a i n s , X se t r o u v e d e u x fois s u r
q u a t r e à la finale ; il est vrai q u e + est f r é q u e n t aussi d a n s cette p o s i t i o n .
+ X * 5 Il X - 8
El X * 4 ? [X] U 9
o et O
+ .. V 8 1 H [--l V 2
1
7 exemples, dont 5 pour la seule région de Tétouan. Ce signe note n dans toutes les
inscriptions orientales, quel que soit le sens de l'écriture ; le petit nombre des exemples
fait douter qu'il ait ici la même valeur. Ce problème sera repris plus bas, à propos de — .
Dans TA, la lettre 1 , parallèle à la ligne d'écriture, représente une voyelle.
+ 1 ? 3 1 1 U 6
0 1 III 27 III 1 1 6 X 1C 5
0 1 -k- 7 1 III 1 # 27 1
Il
38 exemples, répartis dans tous les groupes. La lettre Il , parallèle à la ligne d'écriture,
note w dans LOr et dans TA. En particulier, c'est ainsi que les inscriptions libyques orien-
tales représentent constamment le mot w « fils de », pour indiquer la filiation. Au Maroc,
cette lettre se trouve six fois en position initiale et, dans deux de ces exemples, elle semble
être isolée au début de la ligne, devant un point (n° 10).
III
(45) V. J.G. Février, Histoire de l'écriture, p. 327, et G.A. Lafuente, Le rôle du signe — dans les ins-
criptions libyques.
ces deux alphabets connaissent la variante = , qui ne semble pas attestée ici (46).
llll
5 exemples, tous à Tétouan et Lixus. Ce signe note l'occlusive dentale sourde empha-
tique t dans LOr et la fricative laryngale h dans TA.
lllll
1 exemple à Sidi Slimane. La haste médiane est plus longue que les autres. Ce signe
semble inconnu de LOr, TA et TM.
fi lllll Il l l b
■Ht
1 exemple, dans la région de Volubilis. Cette lettre ne paraît pas se rencontrer dans
LOr ; elle a été signalée par l'abbé Chabot dans LOc (47) ; d'après A. Basset (48), le
signe -w serait la ligature de = 1 et de + t dans TA et il prendrait la forme HH ,
même en écriture horizontale, dans TM.
N n + 14
37 exemples, répartis dans tous les groupes d'inscriptions ; dix textes commencent
par ce signe. Il note z dans LOr, mais le grand nombre des exemples marocains ne cor-
respond pas à ce qu'on attendrait de ce phonème ; par contre, le signe 1 , qui représente n
dans LOr, est étrangement rare au Maroc (cf. ci-dessus). On serait donc tenté de lire
ici — comme n et 1 comme z, à l'inverse de ce qu'on observe à l'est. Les considérations
qui suivent pourraient justifier cette hypothèse.
Lorsqu'il passe de l'écriture horizontale à l'écriture verticale, l'alphabet libyque
oriental, assez curieusement, ne fait pas subir aux caractères 1 n ett — z la rotation
de 90° qu'il impose à d'autres lettres, comme II , □ , etc. On peut se demander si ce n'est
pas là une particularité régionale. On constate en effet que TA représente n par — en
écriture verticale, tandis que pour le même phonème TM emploie 1 en écriture hori-
zontale, appliquant ainsi la rotation (49). Il ne serait donc pas surprenant que les inscrip-
tions du Maroc, écrite de bas en haut, eussent — pour n et 1 pour z. Le tableau suivant
résume ces observations :
(49) Quant au phonème z, il est représenté dans TA et dans TM par d'autres signes que le simple trait.
On voit que seule, sur ce point, l'écriture libyque verticale de l'est se séparerait des
autres. La situation est plus complexe que ne le pensait G. Marcy, lorsqu'il opposait les
. alphabets « sahariens » (LOc , TA, TM) au type « numidique » (LOr).
6 exemples, limités à la collection de Rabat ; 2 sont douteux. Ce signe note 1 dans LOr,
TA et TM (sous la forme Il quand l'écriture est horizontale). On hésite à lui attribuer
la même valeur au Maroc, en raison du petit nombre des exemples.
0 = = 26 | 0 [=1 20 2 0 i N = 0 25
[0] = C 23 | = = * 26 i III [ = ] ? 20
H et H
2 exemples de H , 1 exemple de H , tous dans le voisinage de Tétouan. Ce sont
peut-être les variantes d'une même lettre. Faut-il les considérer comme les formes locales
de N et H , connus dans les régions de Volubilis et de Rabat (cf. ci-dessous), ou encore
les rapprocher de H , attesté dans LOr avec la valeur d'une sifflante sonore emphatique
; et dans TA et TM avec la valeur f?
* HW8 ! D H 1:1 3
Il H .. 2 i
N et V1
ru et in
1 exemple de fij et 1 exemple, douteux, de III, sur une même pierre de la région de
Casablanca. Ces signes, qui paraissent inconnus ailleurs, seraient-ils des variantes de N
et H ? Cf. UIfl, ci-dessous, et Mn, p. 31. Selon H. Duveyrier, la lettre > peut avoir,
dans TA et TM, un tracé plus arrondi 3 ; de son côté, G. Marcy indique, parmi les variantes
de la même lettre, une forme � , qui, comportant un élément de plus que la précédente,
se rapproche de notre Mn. Des tracés de ce genre sont attestés dans l'Ahaggar (51).
UUI
V et A
21 exemples : à elle seule, la bilingue de Lixus en fournit sept ; cinq autres proviennent
également de la zone nord (Tétouan) ; on en rencontre six dans la région de Volubilis
et trois, dont un seul est sûr, dans la collection de Rabat. Les formes W et M sont par-
fois employées ensemble (cf. n° 4). Elles ont la même valeur s dans TA et sont probablement,
ici aussi, de simples variantes : on peut comparer — W Il (nO 17) et — [M] Il (n° 24).
Mais le nombre assez élevé des exemples m'incite à présenter séparément les tableaux
de W et de M , que l'on pourra, de toute façon, confronter sans difficulté.
12 exemples, tous dans la zone nord (Tétouan, Lixus). Cette lettre qui tourne le dos
au sens de l'écriture note m dans LOr, TA et TM.
::Jf U C3 ' 1 U * 6 WU ? 8
G [U] ? 8 [II] U - 4 M U - 9
+ U — 2 - U ? 10 ? U —7
+ U ? 7 V U CI 8
[X] U .1. 9 | j
n
5 exemples : 3 dans la collection de Volubilis et 2 dans celle de Rabat ; ces derniers
sont douteux. Ce signe n'est peut-être qu'une variante ou une erreur pour U . Toutefois
il faut rappeler que dans l'écriture horizontale de Dougga, qui procède de la droite à la
gauche, une lettre C note s et s'oppose à :J m.
1 exemple, près de Tétouan. LOr note ainsi, sur une inscription libyque et latine (56),
un phonème que le latin rend par s. TA donne au même signe la valeur de z et TM celle
de d (emphatique). Il n'est pas impossible qu'un lien existe entre W et LU , comme le
suggère l'abbé Chabot (57), mais leurs valeurs restent distinctes en touareg et sans doute
aussi dans l'inscription marocaine, qui les emploie simultanément.
?WW 4
1 exemple, dans la région de Volubilis, sur une stèle dont l'orientation n'est pas assurée.
TA note ainsi le phonème emphatique z et l'oppose à LU , z non emphatique.
n m El 13
fin
2 exemples, dans la région de Volubilis, flîl et Iill figurent sur des inscriptions libyques
occidentales : ainsi RIL 871, 874, 876. Il faut distinguer cette lettre d'un ornement marginal
que l'abbé Chabot signale sur plusieurs inscriptions et qui serait une « main stylisée (sorte
de peigne à 4 ou 5 dents) » (58).
N mi lk 12 | M fïïl ? 16
mu
1 exemple, dans la région de Volubilis. Comme le précédent, ce signe est placé sur
la ligne d'écriture et ne doit pas être confondu avec le « peigne » signalé par Chabot
(cf. ci-dessus).
111 UUl ï 15
1 exemple de .1. , à Lixus ; 1 exemple de '1' (ou T ?), près de Tétouan. Ce dernier
signe a déjà été signalé dans LOc (59). Selon l'abbé Chabot, LOr note par -r , en écriture
horizontale, l'occlusive vélaire sourde q. TA emploie le même signe -r ou sa variante
pour représenter une occlusive palatalisée gY et l'on retrouve dans TM un signe très semblable
à celui du Maroc, les deux points étant rejetés à l'une ou l'autre extrémité du trait, perpen-
diculaire au sens de l'écriture : .1. ou '1' en écriture horizontale ; la valeur est encore gY.
Il semble donc qu'on puisse rapprocher ici .1. et T , si toutefois la lecture de ce dernier
est préférée à »i* ; leur valeur reste incertaine.
U .1. M 9 | ? [T] W. 4
1 exemple, sur une stèle conservée à Volubilis mais trouvée près de Tifflet. La situa-
tion est confuse : on trouve une lettre X , dont l'orientation paraît indifférente (60),
avec la valeur f dans LOr et avec la valeur g dans TM, tandis que g et R notent dans
TA la sifflante emphatique sourde y ou l'occusive vélaire q. M. A. Tovar a consacré à
certains de ces signes une étude qu'il étend aux alphabets méditerranéens (61). Il n'est du
reste pas évident que le signe marocain k s'identifie à l'un ou l'autre des précédents.
fin ^ + 12
fUUl
1 exemple, près de Maaziz. Est-ce bien une lettre? Des « lignes sinueuses » qui ornent
des pétroglyphes trouvés dans la même région ont déjà attiré l'attention de certains au-
teurs (62). Mais ici le motif est beaucoup plus court et s'insère dans une ligne d'écriture.
Il paraît constituer une série avec les signes ru IR UU1 , qui sont gravés sur une pierre de la
région de Fédala (v. p. 27).
iftt niui - 19
(59) RIL, p. VI. Dans le texte n° 4, Tovar eT Tarradell lisent, non T , mais *i* et considèrent cette
lettre, de valeur incertaine, comme caractéristique de LOc. V. aussi l'inscription n° 8, ligne 2, 7 e signe
(hypothétique).
(60) RIL, p. VII.
(61) A. Tovar, Papeletas VIII, BSEAA, XIV, pp. 31-33. V. aussi BSEAA, XI, p. 75, qui donne d'autres
références.
(62) H. Basset. Hesnéris, 1923, pp. 141-145 ; F. Benoit, BSPM, 1932, pp. 47-50 ; J. Herber, Hespéris,
1929, p. 323.
< et >
4 exemples de < , l'un près de Tétouan, les autres sur le tesson de Banasa, dont
l'orientation n'est pas sûre ; 2 exemples de > , à la suite l'un de l'autre, sur une inscription
de la région de Tétouan. Les séquences < < et > > attirent l'attention et évoquent
une remarque de M. A. Tovar, pour qui l'alphabet libyque recourt à la répétition d'un
même signe pour noter les consonnes sourdes (cf. V et A , p. 27, h et 1 , p. 33). Mais
ce n'est pas une règle absolue : le signe double j- est transcrit, dans une inscription orien-
tale bilingue (RIL 145), par le latin dh ; de plus, les exemples marocains de < < et de > >
appartiennent au tesson de Banasa, document de nature particulière qui présente aussi
les suites 0 0 et 0 0 . Dans T M les chevrons en travers de la ligne, V et A en
écriture horizontale, sont des variantes de U et f l , d.
E et :
15 exemples de E , dont onze dans le nord (Tétouan, Lixus), les autres à Rabat;
8 exemples de 3 , à Tétouan et à Volubilis. Les deux formes peuvent être employées
côte à côte (cf. n° 4). Elles notent d dans LOr, TA et TM. Les inscriptions marocaines les
traitent également comme de simples variantes, puisque les deux graphies V C + et
V □ + sont attestées pour ce mot incompris, mais connu.
. 3 ? 10
� et 1
7 exemples de f*, dont six à Tétouan et Lixus ; le dernier est donné par la stèle puni-
cisante de Volubilis ; 1 exemple de 1, sur cette même stèle. Quatre fois ces signes se trou-
vent en fin de ligne ou devant un point. LOr et TA emploient h et 1 pour noter l'occlusive
palatale sonore g. Une inscription bilingue du Constantinois transcrit 1 par la lettre
latine c (RIL 252). Toutefois, c'est la lettre 11" qui le plus souvent représente l'occlusive
sourde k dans LOr ; M. A. Tovar voit dans cette lettre un redoublement du signe P ( 1 ) g
et la donne comme un exemple du caractère systématique de l'écriture libyque, qui, pour
noter une consonne sourde, peut répéter le signe de la sonore ; M. Tovar cite aussi M
(RIL 31, à Maktar), variante de If (63). Au Maroc, on rencontre les séquences N" et
M, mais, au lieu d'être réunis en un caractère unique comme M à Maktar, les deux
signes, placés l'un au-dessus de l'autre, restent distincts.
Ih
0 Ih [O] 21
X (?)
* X1 5
F (?)
< F III 27
Groupes de lettres
Il est intéressant de relever les groupes de lettres qui se présentent au moins deux fois
dans l'ensemble des documents : la répétition peut être fortuite, certes, mais elle peut aussi
révéler la présence d'un élément morphologique ou lexical. La liste qui suit n'est destinée
qu'à faciliter les recherches. Aussi comprend-elle des groupes qui, logiquement, ne devraient
pas coexister : par exemple, si l'on rapproche les deux séquences + 1- 0 — Il (n° 21)
et + 0 [0] = (n° 23) pour en extraire un groupe h 0 , il devient impossible
de rapprocher 1- 0 [0] = (n° 23) et k + El 0 V1 (nO 12) pour en tirer le groupe
+ El 0 , et inversement. C'est pourtant ce que j'ai fait, en attendant qu'apparaissent
les critères d'un choix.
Il n'est pas rare de rencontrer plusieurs fois un même groupe de deux lettres, mais
ces rencontres ne sont guère significatives, car le nombre limité des signes suffit sans doute
à expliquer beaucoup d'entre elles. Je n'en ai donc pas dressé la liste complète, me conten-
tant de signaler quelques cas plus remarquables.
— Il (à l'initiale) 16, 22.
—N (à l'initiale) 14, 25.
—M (à l'initiale) 12 : cf. - W 17.
—n (à l'initiale) 13, 21.
V Il (à l'initiale) 2, 9.
W Il (à l'initiale) 2 (2 fois), 3, 5, 8. Cf. aussi W Il 6 (à la finale ?), 17 et
M II 9, 24 (?).
M El (après point) 10, l l b .
C + 7 (3 fois). Ce groupe est fréquent dans LOr et LOc. « On le trouve habi-
tuellement vers le haut des inscriptions, écrit l'abbé Chabot (67), en marge
du dernier n o m de la ligne voisine et, peut-être, quelquefois au début ».
Dans deux des trois exemples marocains, les lettres sont isolées du reste
de l'inscription et répondent à la description de Chabot.
f I" (devant point) 9 : cf. h 1 15.
(66) Il ne faut entendre par là, je le rappelle, que l'initiale des lignes, la division en mots n'étant géné-
ralement pas faite.
(67) RIL, p. XV ; cf. pp. VI et XVI.
Groupes de trois lettres
+ El 0 12, 23.
o + 0 13 : cf. 0 + [0] 18.
El 0 Il Ilb : cf. 0 [0] = 23.
0 0 1 7, 27. Rapprochement sans doute fortuit, les deux inscriptions étant de
nature très différente.
O — Il 13, 19, 21, 26. Mais cf. + 0 - Il et 0 - Il [0] ci-dessous.
Il + U 2, 7 ; cf. Il + :3 11 b.
Il 0 + 18, 19, 22. Mais cf. — Il 0 + ci-dessous. Si l'on donne aux lettres
la valeur qu'elles ont dans l'alphabet libyque oriental, on rapprochera
du groupe Il 0 + , wrt, le nom propre WRTM lu par M. Solâ Solé
dans le texte punique du n° 9. V. aussi RIL 945.
- + 0 21, 23. Mais cf. + 0 - Il ci-dessous.
- il 0 19, 21, 22 (à l'initiale), 26. Mais cf. 0 - Il 0 et - Il 0 + ci-dessous.
- W Il 17 (à l'initiale) : cf. - [M ] Il 24.
V [II] + 3, 7.
V □ + 2 (après ponctuation), 3 (à l'initiale), 15 (à l'initiale devant ponctuation);
V C + 8 (à l'initiale devant ponctuation). Mot fréquent dans les
inscriptions occidentales (v. p. 36).
W Il + (à l'initiale) 2 : cf. W Il X 8.
M - U (à l'initiale) 10 : cf. M - n 1 lb.
M C 0 1 (à l'initiale), 24.
U - C 4, 7.
U E ci 3 (à l'initiale) : cf. n 3 O 14.
+ O - Il 13, 21.
0 - Il O 19, 21, 26.
— Il 0 + 19, 22 : cf. Il 0 + ci-dessus. La même séquence se trouve, mais avec
première lettre douteuse, sur la roche des Azibs n'Ikkis : v. L. Galand,
L'inscription des Azibs n'Ikkis, BAkI, IV, 1960, p. 419-420, signes 5,
6, 7, 8.
Une comparaison de ces groupes de lettres avec ceux que l'on rencontre dans les autres
inscriptions libyques excéderait les limites du présent travail. Je me contenterai de formuler
ici une observation. A l'intérieur du domaine libyque, un lien était déjà visible entre le
Maroc et les autres provinces, puisque le groupe C + , employé près de Tétouan, figure
dans plusieurs inscriptions occidentales et peut-être même dans quelques textes orientaux.
Mais, outre que tous les exemples marocains de ce groupe sont réunis sur une seule stèle,
il n'est que bilitère, ce qui accroît le risque d'une ressemblance fortuite. Au contraire, le
mot V 3 + ( V E + ) est assurément celui-là même qu'on avait remarqué dans
vingt-deux inscriptions du type occidental (68). Depuis la région de Guelma, qui marque
encore sa limite vers l'est (RIL 643), l'aire de ce mot s'étendait jusqu'aux environs de
Saïda, au sud-est d ' O r a n (RIL 876). Elle recouvre maintenant tout l'ouest du domaine
libyque (69). C'est donc sur un immense territoire, de Guelma à Volubilis et à Tétouan,
du Hodna à la Kabylie et à la mer Méditerranée, que l'épigraphie décèle une certaine unité
linguistique, en même temps qu'elle pressent, par un de ces contrastes dont l'Afrique du
N o r d est coutumière et à l'intérieur même de la petite collection des documents marocains,
une déconcertante diversité.
Décembre 1961 et février 1965.
(68) A côté de RIL 842 bis ( = nH 15 ci-dessous) qu'il faut maintenant rendre au Maroc, 21 exemples
sont réunis dans le RIL (v. index, p. XV ; ajouter le n° 1123) ; un 22e exemple, encore inédit, a été décou-
vert à Aïn Taya, près d'Alger ; j'en dois la copie à M. P. Salama.
(69) Le cas des Iles Canaries restant réservé ; v. ci-dessus, p. 11, n. 8.
RÉGION DE TÉTOUAN
1. (RIL 882.)
Stèle trouvée en 1930 dans l'Anjra (Carcopino), à Jarda, près du Khmis (Quintero
Atauri et Tovar-Tarradell). Au Musée de Tétouan, où elle a été scellée sur un socle.
Latin
Libyque (70)
(70) Les lignes sont numérotées de gauche à droite et les signes de bas en haut (v. p. 16).
de la cinquième : là où G. Marcy a cru voir d'autres lettres, je n'aperçois que des défauts
ou des éraflures de la pierre. On peut donc penser que le texte libyque commençait à gauche.
M. O. Rôssler estime que ce texte est trop endommagé pour qu'on puisse le déchiffrer,
mais il y reconnaît avec certitude l'écriture occidentale, « westnumidisch-mauritanischer
Duktus », qu'il met en rapport avec « l'unité ethno-politique » des Masaesyles.
Dimensions du signe El : hauteur 6 ; largeur 7,5 ; épaisseur du trait : 7 à 10 mm.
L. 3 : 1er signe : M Marcy, Tovar, sans doute avec raison. La lettre est maintenant
noyée en partie dans le ciment du socle.
4e signe : -1- Marcy, Tovar. La lettre est effacée et rien n'appuie cette interpré-
tation.
L. 4 : 1er signe : 0 Marcy, mais la ligne verticale à droite du signe se prolonge jusqu'à
la moitié de la ligne et n'est qu'une rayure. C Tovar, avec raison.
2e signe : Marcy lit, transcrit et traduit deux M consécutifs entre la lre lettre
et le chevron < , mais il y a là, manifestement, un seul M .
4e signe : H- Marcy. W Tovar. La pierre porte seulement le signe — . L'er-
reur est due, comme pour le 1er signe de cette ligne, aux stries verticales dont la pierre
est couverte ; elles sont peu profondes et diffèrent de la gravure.
L. 5 : 1er signe : W Marcy. 1 ? Tovar. On n'aperçoit plus qu'une entaille, qui pourrait
en effet être le haut de la lettre 1 émergeant du ciment.
Bibliographie
2.
Stèle trouvée en novembre 1949 à quatre ou cinq cents mètres de l'ancien bureau
espagnol (Intervenciôn) du Khmis de l'Anjra, dans un lieu dépourvu de tout autre reste
archéologique. Au Musée de Tétouan, où elle a été scellée
sur un socle.
Latin
Texte a :
L. 1 : Illisible.
L. 2 : AV(?)... 7 ...VETI Tovar-Tarradell. Je n'ai pas vu le signe 7 . Les deux der-
nières lettres, TI (?), sont placées au-dessus de la ligne.
Texte b :
Hauteur moyenne des lettres 3.
L. 1 et 2 : De Val(e)ntini 1 anus est: Tovar-Tarradell signalent que cet exemple de
l'emploi du nominatif après de est unique à date si ancienne. Il n'est pourtant pas possible
d'établir ici une chronologie précise.
Libyque
L. 2 : 4e et 5e signes : Quoique l'intervalle entre eux soit faible, les deux signes sont
nettement séparés et il faut lire U — plutôt que Il . C'est aussi ce qu'ont fait Tovar-
Tarradell, comme le montre leur transcription mz.
Les traits confus qu'on aperçoit au-dessus du signe — sont peut-être des
traces de lettres.
La suite Il + U se retrouve au nO 7 (v. p. 46), mais ici il semble que Il fasse
groupe avec W ; en effet W Il (lignes 2 et 3) est fréquent au début d'une ligne (v. p. 34).
On peut aussi rapprocher W Il + de W Il X , qui figure au n° 8.
Tovar-Tarradell croient retrouver, au début des lignes 2 et 3, un nom swt qu'ils rap-
prochent du nom de femme Tsawt, signalé en punique. Mais, même si l'on admet ici une
transcription fondée sur l'alphabet oriental, on ne peut négliger la différence entre +
(t ordinaire, ligne 2) et 1111 (t emphatique, ligne 3). De toute façon, comme le remarquent
ces auteurs, on n'aperçoit pas de correspondance entre le texte latin et le libyque.
Bibliographie
3.
Stèle trouvée en décembre 1951 à Kdiwat Slim (« tertres des musulmans »), près du
village de Belâaichich (baleai§es' : sur ce nom, v. p. 13), fraction de Barcoquien (graphie
espagnole), à quatre kilomètres de l'ancien bureau espagnol (Intervenciôn) du Khmis
et à six cents mètres du no 4. Elle servait de seuil à une construction plus récente. Au Musée
de Tétouan, où elle a été scellée sur un socle.
Hauteur 160 (Tovar-Tarradell) ; hauteur actuellement visible 125; largeur 60; épais-
seur 20.
Grès ; le grain est de grosseur moyenne. La stèle semble entière, quoiqu'elle ait été
endommagée en bas et à gauche. La face inscrite est bosselée et usée, surtout en haut, ce
qui rend la lecture difficile. Copie ; photographie (Pl. II).
Latin
L. 4 : U E □ : le no 14 a n :i 0 .
A droite du 3e signe de la ligne 4, la pierre présente une rayure qui ne paraît pas être
une lettre.
Bibliographie
A. Gaudio, Notes, pp. 22-23 ; croquis sommaire (fig. 2, n° 3) ; ayant regardé l'inscrip-
tion à l'envers, l'auteur n'en a pas reconnu les lettres latines.
A. Tovar et M. Tarradell, I Congreso, pp. 440-441, n° 3 (copie).
4.
Latin
L. 2 : D(is) M(anibus) : Le mot s(acrum) ne devait pas être exprimé, car il ne semble
pas que la pierre soit brisée à droite.
Libyque
L. 4 : 1er signe : Il Tovar-Tarradell. On ne voit plus le bas de la lettre, mais les deux
traits verticaux sont trop rapprochés pour qu'on puisse lire U ; de plus, Tovar-Tarradell
ont dû examiner la stèle avant qu'elle ne fût scellée ; j'adopte donc leur lecture.
La suite U — C se trouve au n° 7.
5.
Bibliographie
J.B. Chabot, RIL 883 (copie dont j'ignore la provenance ; il semble que Chabot ait
commis une confusion en renvoyant à J. Carcopino, Hespéris, XVII).
G. Marcy, BSPM, 1932, p. 14 sqq. et ILB, 1936, p. 91, nous renseigne sur l'origine
de cette stèle : quand J.B. Chabot a publié son recueil, en 1940, il ne connaissait que trois
inscriptions libyques au Musée de Tétouan, deux bilingues et celle-ci; c'est donc sans doute
à cette dernière que se référait Marcy lorsqu'il parlait, quelques années plus tôt, d'un
texte non bilingue conservé à Tétouan et provenant de Tamuda. Toutefois Marcy n'éditait
pas ce texte.
A. Tovar, BSEEA, X, p. 52, publié avant RIL, d'où le titre : Un fragmento inédito de
Tamuda ; ainsi se trouve confirmée l'origine du fragment.
8.
L. 3 : 4e signe (?) : Il est possible et même probable qu'une lettre aujourd'hui effacée
ait été placée immédiatement au-dessus du signe U .
5e signe : Traces d'une lettre qui pouvait être un W , dont seule la moitié droite
est encore visible (avec un point accidentel). On ne peut affirmer que cette lettre était la
dernière de la ligne.
9. (RIL 881)
Stèle trouvée près des ruines de Lixus (Quintero). Au Musée de Tétouan, où elle a été
scellée sur un socle.
Punique
M. J.G. Février commente le texte punique dans la section Inscriptions puniques et
néo-puniques, n° 123.
De son côté, M. Solà Solé conclut ainsi son étude du même texte : « On observera
que nous nous trouvons en présence d'une inscription funéraire qui, en raison du caractère
stéréotypé de la plupart de celles que nous connaissons, est de première importance. Déjà
la formule initiale est nouvelle; mais, de plus, l'indication de la filiation du personnage
féminin à l'aide de celle de son frère, personnage assurément important, et l'expression
du complément de nom au moyen de la périphrase et du pronom personnel suffixe [litté-
ralement : « la sœur de lui à P"SYG » ; c'est à peu près la construction berbère (L.G.)],
seraient tout à fait révolutionnaires » (p. 378).
Libyque
Dimensions du signe U (ligne 3) : hauteur 3,4 ; largeur 3,4 ; épaisseur du trait 3
à 4 mm.
L. 1 : 1er signe : - Marcy, Tovar, Chabot. Solâ Solé ne donne pas ce point, visible,
mais peut-être accidentel.
4e signe (?) : Au-dessus de la lettre 0 , la pierre présente un défoncement que
les éditeurs n'ont pas signalé. Il est possible, encore que peu probable, qu'il s'agisse d'un
point intentionnel.
L. 2 : 1er signe : M Marcy ; W Tovar ; < Chabot ; V Solâ Solé. Ces divergences
résultent de l'entrecroisement de plusieurs traits, intentionnels ou non, dont l'aspect varie
avec l'éclairage. La lecture V paraît la meilleure.
2e signe : Il tous les éditeurs. J'adopte cette lecture, quoique la barre de droite,
nettement plus courte que l'autre, ne soit peut-être qu'une éraflure.
V Il à l'initiale se retrouve au n° 2.
3e signe : U Marcy, Tovar, Chabot, Solâ Solé. Lecture possible ; mais le trait
horizontal manque de fermeté et le signe paraît plus étroit qu'un U (cf. les proportions
de la lettre U aux lignes 3 et 4) ; je propose donc, sans certitude, de lire Il .
L. 3 : 1er signe : Il tous les éditeurs. J'adopte cette lecture, quoique la barre de droite,
ici encore, paraisse moins nette.
4e signe : -1- Marcy, Tovar, Chabot ; .1. Solâ Solé, avec plus de précision.
5e et 6e signes : M Il sont sans doute distincts du groupe W II , fréquent
à l'initiale (v. p. 34).
7e et 8e signes : f f devant un point : cf. M , n° 15, et p. 33
ge signe : Comme l'a vu Solâ Solé, il y a un point entre f et 11 . Je considère
comme accidentel un deuxième point, visible sur la photographie.
10e signe : III Marcy, Tovar, Chabot ; Il Solà Solé, avec raison. Le troisième
trait à gauche appartient au texte punique.
Bibliographie
J.B. Chabot, RIL 881 (copie et transcription du punique ; copie du libyque ; photo-
graphie).
G. Marcy, Epigraphie, pl. II ; ILB, pp. 90-103 et planche 7 (photographie) ; interpré-
tation des plus aventureuses.
P. Quintero Atauri, Apuntes, p. 74 et pl. XXVI (photographie) ; reproduit les conclu-
sions de G. Marcy.
J.M. Solà Solé, Sefarad, 1959, pp. 371-378 (transcription et commentaire du texte
punique : v. ci-dessus ; copie et transcription, fondée sur l'alphabet oriental, du texte
libyque ; deux photographies du texte punique et des lettres libyques voisines ; l'un des
clichés a été pris avec un filtre rouge).
A. Tovar, BSEAA, XI, p. 73 (texte libyque seulement) ; l'auteur, pour une fois, suit
Marcy.
10.
Fragment de stèle trouvé en 1950 dans les ruines de Lixus ; il avait été remployé dans
les assises d'un mur et l'on ne sait à quel niveau archéologique il appartenait (Tovar-
Tarradell). Au Musée de Tétouan, où il a été scellé sur un socle.
Bibliographie
A. Tovar et M. Tarradell, I Congreso, pp. 441-442, n° 4 (la copie, p. 440, a été retour-
née à la mise en page).
RÉGION DE VOLUBILIS
11.
Hauteur 160 (Chabot); hauteur actuellement visible 115; largeur 61; épaisseur
moyenne 16,5.
Calcaire clair, à patine plus brune dans le haut de la face a et sur la face b ; grain
assez fin. Chacune des deux faces porte une ligne de caractères libyques ; cette particu-
larité, que m'a signalée M. G. Souville, avait échappé à Chatelain, si bien que Chabot
n'a publié que la face b. Le style de la gravure est le même de part et d'autre : la section
du trait, au lieu d'être en V, garde une largeur constante, les arêtes sont nettes et les lettres
ne présentent aucun arrondi. On peut donc penser que les deux inscriptions forment un
ensemble, mais l'ordre a et b est arbitraire. On notera cependant que seule la face a paraît
avoir été aplanie ; elle est maintenant très usée et plusieurs lettres, peut-être même d'autres
lignes, ont disparu. La face b est fortement bosselée et striée ; on a l'impression que le
graveur s'est contenté de loger entre les plis de la pierre une ligne qui n'avait pu trouver
place de l'autre côté (?). L'emploi des deux faces d'une stèle reste rare dans l'épigraphie
libyque : cf. RIL 853 ; une inscription inédite, découverte à Aïn Taya, près d'Alger, par
M. P. Salama, offre un autre exemple. Copie ; photographies (Pl. V).
Face a
3e signe lisible : Et , plus net sur la photographie q u ' à l'examen direct. Au-dessus
de ce signe, on aperçoit les traces ou la place de cinq ou six lettres.
6e signe : 111 . U n mot V 1111 0 est attesté dans les inscriptions occidentales (par
ex. RIL 839, 841), mais rien ne permet de lire ou de supposer ici la lettre 1111 .
Il semble qu'on ait ici la ligne entière. Dimensions du signe 11111 : hauteur 3 ; largeur
5,6 ; épaisseur du trait 6 mm.
Bibliographie
Stèle trouvée près de Tifflet. à Ras Bikfriwen (Marcy), à Aman Ihabchan (E. Laoust).
Au Musée de Volubilis.
Hauteur mesurée par L. Chatelain 170 ; longueur actuelle du côté g. 110 (fragment
inférieur 51, fragment supérieur 59) ; largeur (suivant la cassure) 60 ; épaisseur du fragment
inférieur 9, du fragment supérieur 7.
Pierre de couleur brun-rouge ; grain assez fin. La stèle a éprouvé des dommages à diver-
ses reprises : elle est sans doute incomplète en bas ; une cassure transversale la divise en
deux fragments qui se raccordent exactement ; enfin les angles supérieurs gauche et droit
ont été brisés et ont disparu après que fut prise la photographie publiée par Chabot, détail
qui sera utilisé plus loin. L'unique ligne de l'inscription n'a pas souffert de ces accidents ;
les caractères sont très nets, sauf en haut. Copie ; photographie (Pl. VI).
Sans exclure la possibilité de cette première solution, j'ai choisi la seconde : elle ne
conduit pas à un rapprochement aussi spectaculaire, mais elle tient compte, me semble-t-il,
de l'aspect de la stèle et des données épigraphiques locales. La photographie la plus ancien-
ne, qui représente la stèle complète, moins la base, et qui fut heureusement confiée à Chabot,
montre que la partie de la pierre que ce dernier a placée en bas avait été façonnée et ressem-
blait à un sommet plutôt qu'à une base destinée à être enfouie ; on observera aussi que dans
cette même partie, qui devait être le haut, la pierre était un peu moins épaisse. A cela
s'ajoute que la ligne d'écriture est vraisemblablement plus proche du sommet que de la
base de la stèle : or, c'est du côté de la lettre — que l'espace est le plus grand entre le
texte et l'extrémité correspondante de la pierre ; la différence est encore accentuée par le
double fait que la pierre est cassée et incomplète du côté de cette lettre et que la ligne
d'écriture est prolongée, à l'autre extrémité, par des traces de signes qui ont échappé à
Chabot ; il semble donc que la lettre — soit placée, non dans le haut, mais dans le bas
de la ligne. C'est précisément une position dans laquelle cette lettre est très souvent attestée
au Maroc (v. ci-dessous).
1er et 2e signes : — M : Les inscriptions marocaines offrent dix autres exemples,
parfois conjecturaux, de — au début de la ligne ; le n° 17 a le groupe — W , dans la
même position.
5e signe : lk : exemple unique au Maroc ; v. p. 31.
6e, 7e et 8e signes : Le groupe + El 0 se retrouve au n° 23.
lOe, 1Ie et 12e signes : Au-dessus de H, certains clichés (Chabot, Laoust, Marcy)
montrent les traces d'au moins trois lettres, peut-être 0 (?) il = , dont Chabot ne dit
rien. Leur identification étant douteuse, je n'en ai pas tenu compte dans l'étude de la
distribution des signes.
Bibliographie
13.
Fragment de stèle découvert par M. Euzennat, en juillet 1960, à Aïn el-Outa (C.L.
489,05 x 389,45 de la carte de Fès au 1/200 000). M. G. Souville me signale que l'inscrip-
tion a été trouvée « au milieu de ruines romaines situées près de la source. Parmi de nom-
breuses pierres de taille, on a recueilli quelques fragments d'amphores et de sigillée claire ;
bien que l'épaisseur soit à peu près partout identique et que l'on ne puisse pas distinguer
de traces d'enterrement, il semble que la pierre ait été orientée dans le sens où elle est
publiée ici » (lettre personnelle, 27 juin 1961). Au Musée de Volubilis.
Hauteur 103 à dr., 72 à g. ; largeur 58-60 ;
épaisseur moyenne 18.
Le grain de la pierre paraît fin. La stèle étant
brisée en haut, l'unique ligne d'écriture qu'elle porte
est incomplète. La surface est plane et à peu près
dépourvue de rayures accidentelles. Le trait est
mince et net. La lecture matérielle des caractères
ne présente aucune difficulté. Je n'ai pu voir cette
stèle, découverte après mon séjour au Maroc. Copie
de M. Souville ; photographie (Pl. VI).
Les observations de M. Souville, déjà citées, l'in-
tervalle de 0,51 m qui sépare la lettre — de l'extrémité
correspondante de la pierre et la fréquence de cette
lettre au début des inscriptions marocaines (v. p. 26)
permettent de considérer ce fragment comme la partie
inférieure de la stèle.
Bibliographie
Cette inscription était inédite. Elle est pourtant mentionnée, sans description ni com-
mentaire, par A. Luquet, Contribution à l'Atlas archéologique du Maroc : Région de Volu-
bilis, BAM, V. 1964, pp. 291-300 (en particulier p. 296, n° 18), qui en signale le numéro
d'inventaire (10.282).
14.
7e et 8e signes : + Il . Ces deux lettres sont séparées par un trait horizontal beaucoup
moins net et sans doute accidentel. Entre Il et FI , trace confuse ( 0 ?), dont je n'ai pas
tenu compte.
10e signe : □ . Mais les proportions ne sont pas habituelles. Cf. le 4e signe de cette
inscription et surtout le 4e signe du n° 20.
11e signe: 0 plutôt que O , le point paraissant accidentel. Le trait vertical qu'on
aperçoit parfois au-dessus de ce signe (cf. la photographie publiée par Marcy) n'est qu'une
rayure de la pierre.
Bibliographie
Cette inscription était inédite. G. Marcy, Epigraphie, pl. V, donne sans commentaire
la photographie d ' u n moulage, disposé horizontalement.
15. (RIL 842 bis)
Fragment de stèle d'origine incertaine, trouvé sans doute à Volubilis ou dans les
environs. La présence du mot V _'j + a fait croire à Chabot, qui disposait seulement
d'un estampage dépourvu de toute indication, que ce texte provenait de « la région du sud
constantinien ou de Sétif » ; c'est évidemment une erreur. Au Musée de Volubilis.
6e signe : !" Chabot. Je crois qu'il faut lire M , peu visible à l'examen direct, mais
assez net sur la photographie publiée par Marcy ; l'estampage dont je dispose est confus
à cet endroit.
Je ne vois pas la lettre 1, que Chabot a lue tout en haut de la ligne, au-dessus de + .
Bibliographie
J.B. Chabot, RIL 842 bis (copie d'après un estampage ; sur l'erreur de localisation,
v. ci-dessus).
J.G. Février, BCTH, 1955-1956, pp. 30-33 (étude de quatre stèles puniques de Volu-
bilis, numérotées 1, 2, 3, 5, avec photographies ; l'auteur ne publie pas le n° 4 qui, précise-t-il,
« est un texte libyque » : peut-être s'agit-il de notre inscription).
G. Marcy, Epigraphie, pl. III (photographie sans commentaire).
16.
Bibliographie
18.
Stèle trouvée en 1956 à Sidi Yahia des Zaer, par M. G. Hallier, Inspecteur des Monu-
ments historiques ; reposant sur la face inscrite, elle servait de seuil à l'un des deux mara-
bouts situés dans le cimetière musulman. « Les deux marabouts semblent être situés sur
deux tertres qui sont sans doute deux tumuli. Ce site paraît très ancien » (Hallier). Au
Jardin de la Mamounia à Rabat (juin 1959).
Stèle trouvée en 1958 dans la région de Maaziz, près du Souq el-Jmaâ (route de Tifflet
à Maaziz), par un agent du Centre de Travaux n° 35 (carte au 1/100 000 : N 1-29-XII-4,
y = 3449, x = 4195). C'est de la région de Maaziz que provenaient les deux pétrogly-
phes étudiés par H. Basset, J. Herber, F. Benoît (v. la Bibliographie donnée plus haut,
p. 3). Au Musée de Rabat depuis octobre 1958.
1er signe : 0 .
Stèle trouvée en octobre 1949 dans la région de Fédala, au domaine de Sidi Lârbi,
près de la piste d'Aïn Tekki au Souq El-Jmaâ (carte au 1/50 000 : Fedala, feuille N 1 24
XI 4 a, x = 323,4, y = 335,6). La pierre était enfouie à trente ou quarante centimètres de
profondeur, près d'une grosse dalle sous laquelle se trouvait un squelette orienté est-
ouest ; il y avait peut-être un deuxième squelette, perpendiculaire au précédent. En mars
1947 et en avril 1948, on avait découvert, sous deux buttes situées dans le même domaine,
des poteries, des pièces, des tombes également orientées est-ouest (rapport de la Compa-
gnie Marocaine de Casablanca, à laquelle est due la découverte). Au Musée de Rabat,
où la stèle a été fichée en terre.
Hauteur totale 153 ; largeur au niveau du signe C 51, au sommet 47 ; épaisseur 17 à 23.
Calcaire très grossier, de couleur brun-rouge, avec des
plaques blanches dans la partie médiane. La stèle n'a pas
été façonnée ou l'a été sommairement. Elle est cassée à
l'une de ses extrémités et la ligne de caractères qu'elle porte
n'est pas complète. Les caractères sont très profondément
gravés ; quelques-uns sont remarquables par des dimensions
et par des formes insolites. Copie ; photographies (Pl. IX).
Compte tenu de la fréquence de la lettre — à l'initiale,
j'ai admis que ce signe indiquait ici le bas de la ligne ; la
distance qui le sépare de l'extrémité de la pierre convient du
reste à une base. La partie brisée serait le sommet. En
haut et à droite, une lettre + , isolée, appartenait peut-être
à la fin du texte, qui n'aurait pu trouver place au bout de
la ligne ; la présence de cette lettre surprendrait davantage
si l'on admettait l'orientation inverse, ce qui amènerait le
signe + en bas et à gauche de la ligne.
Dimensions de la lettre + (6e signe) : hauteur et largeur
5. Dimensions du signe ilH- : hauteur 14 ; largeur 23 ;
épaisseur et profondeur du trait 1,5.
1er signe : Sur la fréquence de la lettre — à l'ini-
tiale, v. p. 26.
2e et 3e signes : v. p. 27 et le no 19, 3e signe.
4e signe : Peut-être E , mais les proportions ne sont pas habituelles ; cf. n° 14, 4e et
surtout 10e signes.
5e signe : . Cf. le n° 19, 2e signe ; mais ici la barre horizontale déborde largement
à gauche et à droite.
8e et ge signes : Ils sont douteux, la pierre ayant été endommagée à cet endroit. Il
faut peut-être lire = et M, cette dernière forme devant être rapprochée des 2e et 3e signes.
10e signe : Peut-être = , mais la stèle, brisée ici, portait peut-être E ou même = ,
quoique ces lettres ne soient pas attestées dans les autres inscriptions du Maroc.
En haut et à droite de la ligne figure la lettre + : v. ci-dessus.
10e signe : Marcy le transcrit par k, l'assimilant sans doute à la lettre — de Dougga
(écriture horizontale, RIL 1) ; j'hésite à le suivre (v. p. 33).
11e signe : Marcy sépare le point, qu'il transcrit a, et le demi-cercle, qu'il considère
comme une variante de n d (alphabet oriental). Même si l'on accepte ces transcriptions
hypothétiques, on doit observer que le point est situé nettement à l'intérieur du demi-
cercle et qu'il est arbitraire de les dissocier. Peut-être faut-il restituer le signe 0 . On
pourrait aussi considérer le point comme accidentel, d'autant qu'on en trouve au moins
trois autres, au-dessus du demi-cercle, auxquels Marcy lui-même n ' a pas reconnu de valeur
graphique. Toute cette partie du texte a été endommagée.
13e signe : - Marcy. Lecture exacte, à moins que le point ne soit simplement la
trace d'un choc.
Bibliographie
Bibliographie
J.B. Chabot, RIL 884 (copie d'après estampage ; photographie, pl. XII, n° 7).
G. Marcy, ILB, p. 91 (simple mention).
ORIGINE INCONNUE
23.
Stèle d'origine inconnue, retrouvée en 1959 dans les réserves de préhistoire du Musée
de Rabat.
24.
26.
Stèle d'origine inconnue. Au Musée de Rabat (où elle est plantée le sommet en terre).
3e signe : A ?
4e signe : 0 ?
8e signe : 0 .
ge signe : = .
27.
N.B. : les numéros en chiffres arabes sont ceux qui ont été donnés aux ins-
criptions dans ce recueil.
INSCRIPTIONS LIBYQUES DU MAROC
L. GALAND Pl. i
L. GALAND Pl. il
L. GALAND Pl. m
L. GALAND Pl. IV
L. GALAND PI- V
L. G AL AND Pl. VI
L. GALAND Pl. VH
L. GALAND Pl. VIn
L. G ALAND Pl. IX
L. GALAND Pl. x
NÉOPUNIQUES
par
James FÉVRIER
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes
ABREVIATIONS
Byrsa C a h i e r s de B y r s a
JA J o u r n a l Asiatique
SDB S u p p l é m e n t a u D i c t i o n n a i r e de la Bible
Sem Semitica
Ces stèles sont au nombre de quatre (nos 1 à 4 de ce recueil) et forment un groupe d'une
remarquable unité. Par la matière des stèles d'abord. Elles sont taillées dans une pierre
de mauvaise qualité, extraite d'une carrière proche. Des craquelures multiples, surtout
horizontales, rendent parfois la lecture ambiguë. Cette pierre n'a été employée qu'à l'époque
maurétanienne, avant l'occupation romaine. Ce seul fait montre déjà l'antiquité des
documents.
D'autre part les quatre stèles avaient, semble-t-il (il n'en reste que des fragments,
à la vérité importants), les mêmes dimensions et la même forme. Elles étaient de grand
format : chacune d'elles, intacte, devait peser quelques centaines de kilogrammes.
Le sommet avait la forme d'un fastigium (voir photographies des nos 1 et 2). Nous ne
savons si ce fastigium, dont seule subsiste l'amorce, portait une décoration. L'inscription
était gravée plus ou moins soigneusement, plus ou moins régulièrement, au dessous de
ce fastigium. Enfin tout en bas de la stèle étaient gravés en creux deux cercles concentriques.
J'avais d'abord hésité sur la signification de ce symbole (voir mon article dans le BCTH
1955-56, p. 31) ; mais la comparaison avec certaines stèles votives d'El Hofra, près de
Constantine (voir plus loin) montre sans contestation possible, à mon avis, qu'il s'agit
de la représentation d'un bouclier rond, d'une parma avec son umbo. De ces quatre stèles
trois sont des stèles funéraires, tandis que le n° 3 est une stèle votive. On notera que l'épi-
taphe est gravée directement sur les stèles funéraires (de même que sur les stèles funéraires
néopuniques) et non sur une petite tablette en pierre, dite pas, comme ce semble avoir été
la règle à Carthage, avant la chute de la ville.
Ces quatre stèles ont été découvertes jadis par M. Desroziers presque en surface sur
le flanc nord du petit tumulus qui domine la vieille cité maurétanienne et qui n'a été
encore que très partiellement fouillé. « Plutôt qu'une sépulture préhistorique, disait déjà
M. Euzennat en 1960 (1), le tumulus de Volubilis, véritable omphalos de la cité, pourrait
1. (BCTH no 1 - Punique)
Le texte, en écriture punique (et non néopunique), semble un des plus récents de
la série punique. Il est moins ancien en particulier que le n° 4. L'écriture est irrégulière :
qu'on compare par exemple le shin de la ligne 1 et ceux de la ligne 3 ; les lettres sont de
taille très inégale.
Les traces très visibles du cercle, tout au bas du fragment, prouvent que le fragment
appartenait à une stèle monumentale, analogue de tous les points de vue aux trois autres
stèles de cette série. Stèle funéraire, comme les deux autres, à coup sûr, puisque l'âge du défunt
était indiqué à la ligne 3 (ce que je n'avais pas admis dans mon article du BCTH).
De la ligne 1 il ne subsiste que les lettres SG'S. Le sadé initial est à peu près sûr et le
'ayin est probablement une mater lectionis. Ce ne saurait être qu'un nom propre libyque —
ou la fin d'un nom propre. Je n'ai pas trouvé trace d'un nom propre analogue dans le
RIL (Recueil des inscriptions libyques) de J.B. Chabot ; mais l'onomastique libyque est si
riche qu'il n'y a pas lieu de s'en étonner. La lacune de la ligne 1 à droite de ce mot est
considérable. On peut restituer tout au début un mot comme NSB ou MSBT « stèle »,
ou encore comme 'BN « pierre ». Il est probable qu'entre ce mot et le nom propre SG'§
s'intercalaient un ou deux autres noms propres reliés par BN « fils de ». SG'S n'était donc
pas le défunt, mais le père ou le grand-père du défunt.
Au début de ce qui subsiste de la ligne 2 on restituera ou bien le nom propre S]PT
« Shafot » ou bien le nom commun HS]PT « le sufète ». Je penche vers la seconde hypo-
thèse, mais n'ose rien affirmer. En tout cas si l'on admet la leçon « le sufète », cette épi-
thète peut difficilement se rapporter au SG'S de la ligne 1, car il faut combler la lacune
du début de la ligne 2. On doit donc restituer : SG'S Il [BN x HS]pr « SG'S, [fils de X
le su]fète ». Il n'est même pas certain que cette restitution suffise à combler la lacune:
il est possible par exemple que SG'S fût lui-même qualifié de « sufète ».
Viennent ensuite quelques lettres très embarrassantes. On attendrait le verbe TN'
ou TN' L' « a érigé » ou «a érigé à lui », puis, comme sujet de ce verbe, le nom de l'ordon-
nateur des funérailles. C'est la formule rituelle qu'on retrouve sur les inscriptions néo-
puniques de Tunisie. Or à première vue on lit bien plutôt TM' (avec un mêm et un 'ayin)
et il y a, semble-t-il, un espace entre le mêm et le 'ayin ; mais cette lecture ne donne aucun
sens plausible. La pierre, toute craquelée, est pleine de traits horizontaux ou obliques et
de trous dans lesquels on peut être tenté de chercher d'autres lettres à demi effacées ; je
crois pourtant que la lecture TM', s'impose. Je me vois donc contraint de recourir à un pro-
cédé que j'exècre à cause de sa facilité : admettre une erreur du lapicide ou de l' ordinator,
qui aurait confondu le mêm et le nun. Hypothèse qui est pleine de difficultés. On comprend
bien qu'un lapicide grave un nun au lieu d'un mêm : le cas se présente parfois, par exemple
dans les textes d'El Hofra. Bien souvent en effet le mêm ne se distingue du nun que par
l'adjonction d'un petit trait, qui peut échapper à l'œil peu attentif du graveur. Mais l'in-
verse, c'est-à-dire la substitution d'un mêm à un nun, est plus malaisé à imaginer. Je ne
vois pourtant pas d'autre solution.
Si on se rallie en désespoir de cause à cette conjecture, on notera encore que la forme
TN' (avec un 'ayin) est réservée d'ordinaire pour le féminin (3e personne du parfait, à
l'actif ou au passif). Il arrive pourtant qu'elle soit attestée pour le masculin. Par exemple
la NP 63 (v. JA, 1917, I, p. 163) porte à la ligne 3 : TN' L' 'BY' « a érigé (la stèle) pour
lui son père ». Deux interprétations sont donc possibles. En premier lieu le mot TN'
pourrait être une 3e personne du féminin passif et on devrait restituer TN' ['BN ST] etc :
« [cette pierre] a été érigée, etc. », le mot 'BN « pierre » étant lui-même un féminin ;
mais cette formule se rencontre d'ordinaire au début et non au milieu de l'épitaphe. En
second lieu (et c'est l'opinion qui me paraît le plus vraisemblable) on peut comprendre,
que TN' est au masculin : « A érigé (un tel, etc.) ».
Le nom sujet de TN', c'est-à-dire le nom de l'ordonnateur des funérailles, devait se
trouver tout au début de la ligne 3, dans la partie détruite. Il était accompagné sans doute
de son patronymique, dont subsistent les deux dernières lettres, à savoir BR. Je propose
de restituer ['K]BR, nom propre punique, bien connu par ailleurs. C'est un sobriquet
« Le rat ». L'emploi de noms d'animaux, souvent répugnants, en guise de noms propres,
est bien attesté dans le domaine cananéen et araméen (2). A Palmyre on trouve
YQRWR « Crapaud» (3). On a supposé que ces noms étranges étaient donnés à des en-
fants particulièrement beaux afin de les protéger contre le mauvais œil. On peut songer
aussi à un reste de totémisme.
On lit ensuite très nettement, en lettres assez petites : BN §NT S... « âgé de... ans ».
Le chiffre numéral commençait par un shin et peut être restitué de diverses façons. Vu le
manque de place, je penche pour S[SM] « soixante ». Mais au-dessous des dernières lettres
de la ligne 3 on lit, semble-t-il, WT... (plutôt que W§...). Il s'agit donc d'une seconde indi-
cation numérique : TS' « neuf » ou T§'M « quatre-vingt-dix ». Nous avons donc affaire
à un nom de dizaine suivi d'un nom d'unité ou à un nom d'unité suivi d'un nom de dizaine :
les deux constructions sont usitées (4). Bien entendu l'indication de l'âge vise le défunt,
c'est-à-dire ce descendant de SG'S, dont le nom était mentionné dans la lacune initiale
de la ligne 1.
En somme j'aboutis à l'interprétation suivante, qui diffère assez sensiblement de celle
que j'avais proposée dans le BCTH.
« Stèle de X, fils de ] Sagash, [fils de X le su]fète. A érigé (la stèle) [pour lui X, fils de
'Ak]bar. Agé de... ans ».
2. (BCTH n° 2 - Punique)
Il s'agit encore d'un fragment d'une stèle funéraire. On distingue, sur une brève
longueur, le haut du côté droit, qui tourne ensuite à gauche pour amorcer le fastigium.
L'inscription, qui comprend seulement le début des deux premières lignes d'écriture,
est très incomplète. Il est probable que la stèle portait, comme les autres stèles, dans sa
partie inférieure, la représentation d'un bouclier ; mais il n'en subsiste rien. En tout cas
(2) M. Noth, Die isrealitischen Personennamen..., R. de Vaux, RBi, 1939, p. 186 et n. 7 et 8. W.F.
Albright, BAS OR, 82, avril 1941, p. 18 et suivantes.
(3) RES, 1606, 1. 5.
(4) J. Friedrich, Punische Studien, ZDMG, 1957, p. 295.
3. (BCTH n° 3 - Punique)
Cette inscription est gravée sur un fragment de stèle. Manquent le fastigium et le bas ;
le côté gauche est intact, tandis que le côté droit est sérieusement écorné. Le double cercle
(bouclier avec umbo ?) est presque entièrement conservé. C'est au-dessus de cette repré-
sentation qu'ont été conservées deux lignes d'une écriture un peu négligée et irrégulière.
A peu près certainement le texte devait comporter, au-dessus de ces deux lignes, une ou
deux autres lignes, qui ont disparu avec le fastigium.
L'écriture est la même que sur les autres stèles monumentales. La lecture est rendue
parfois difficile par les craquelures, surtout horizontales, de la pierre.
Je lis :
S]PT EN 3PT L'DN' TDRS' T.N'M
TS'MRN' BGWD
A la ligne 1 les deux SPT me paraissent être l'un et l'autre des noms propres. Encore
que le BN qui les sépare soit d'une lecture très malaisée, je ne crois pas qu'on puisse déchif-
frer HSPT « le sufète ». L'DN' signifie évidemment « à son seigneur ». Ce mot a une très
grande importance. Il s'agit évidemment d'un dieu, dont le nom ne nous est malheureu-
sement pas donné. Par conséquent nous avons affaire à une stèle votive — et non à une
stèle funéraire. En second lieu l'emploi de l'aleph (avec valeur phonétique o) pour noter
le suffixe pronominal de la 3e personne du singulier est spécifiquement punique ; et c'est
sans doute là de tous les arguments en faveur d'une influence punique — et non phéni-
cienne — à Volubilis le plus pertinent.
Le mot suivant est embarrassant. On peut être tenté d'abord de lire TBRS' mais
un examen attentif montre que la deuxième lettre est un dalet et non un bet : TDRS'.
Le sens de « rechercher, prendre soin de » est bien attesté en hébreu pour cette racine :
par exemple dans Ps 142,5 : 'ên dorés rnafsi « il n'y a personne qui prenne soin de moi ».
Je comprend donc : « tu ( = le dieu) prendras soin de lui ». Vient ensuite le mot TN'M :
le mêm final n'est pas sûr ; il est possible qu'entre le taw et le nun il y ait eu une lettre de
petite dimension, comme un shin ou un 'ayin ; enfin il semble qu'après le mêm était gravé
un taw, qui était sans doute la première lettre d'un autre verbe à la 2e personne du singu-
lier de l'imparfait.
Le sens de la racine N'M en hébreu est l'idée de grâce ou de beauté ; en arabe la
IVe forme de cette même racine signifie « accorder une faveur ». La lecture T[']N'M
nous permettrait de retrouver ici un iphil ayant un sens analogue : « tu (lui) témoigneras
de la faveur ».
Au début de la ligne 2 la lecture TS'MRN' (avec un aleph final) me semble désormais
assurée ; seul, l'aleph n'est pas absolument sûr. Il s'agit évidemment d'un imparfait éner-
gique : « tu le protégeras ». Mais à quelle forme appartient-il ? Au piél, comme pourrait
le faire supposer la vocalisation en a de la première radicale ? Dans les Annali de l'Istituto
Orientale di Napoli (sez. ling. 1962, pp. 89-93), un spécialiste de la linguistique nord sémi-
tique, G. Garbini, s'est penché sur ce petit problème. Il ne croit pas qu'il puisse s'agir ici
d'un piél, forme non attestée en hébreu pour le verbe SMR ; il est d'avis que nous avons
là un exemple de la « seconde conjugaison à préfixe », attestée de façon sûre seulement
en akkadien, en guèze (éthiopien) et dans certains dialectes sud-arabiques.
Restent tout à la fin de la ligne 2 quelques lettres, qui m'ont donné beaucoup de peine,
car leur tracé interfère avec les craquelures de la pierre. Je crois aujourd'hui que la lecture
BGWD est à peu près assurée. Nous trouvons en hébreu une racine GWD ou GDD avec
le sens d'« attaquer ». Le substantif gedud signifie soit « raid guerrier », soit « bande de
partisans ou de pillards ». C'est le premier sens que je retiens ici : « tu le protégeras dans
la guerre ».
A la lumière de ces explications on peut compléter de façon très approximative le
début de l'inscription et donner des deux lignes conservées la traduction suivante :
[« Stèle qu'a vouée X... fils de] Saphot à son seigneur. Tu prendras soin de lui, tu...,
tu le protégeras dans la guerre ».
4. (BCTH n° 5 - Punique)
De même que les autres inscriptions monumentales de Volubilis, ce texte a déjà été
publié par mes soins dans le BCTH, 1955-56, sous le n° 5, pp 32 et suivantes. Depuis lors
j'ai pu examiner longuement sur place cette inscription, au cours d'un voyage au Maroc
en 1963. J'ai été amené ainsi à modifier sensiblement ma lecture de la ligne 1 et surtout
les conclusions qu'on peut tirer de ce texte.
Comme toutes les autres stèles, celle-ci a été brisée et il n'en reste qu'un fragment,
très volumineux d'ailleurs et contenant la plus grande partie du texte primitif. Le fastigium
a disparu. Il en a été de même de tout le bas de la stèle : seul subsiste une petite partie
du « bouclier » gravé sur cette partie. Le côté droit du reste de la stèle est à peu près intact,
mais le côté gauche est gravement endommagé. L'inscription elle-même contient quatre
lignes en écriture punique (et non point néopunique, je le répète encore) ; ces lignes sont
complètes à droite, c'est-à-dire au début, mais fort incomplètes (surtout la troisième et
la quatrième) à gauche, c'est-à-dire à la fin.
Ligne 1 — Le début de la ligne 1 est mal conservé. Je crois distinguer un bet suivi
d'un qof, puis peut-être un bet et la tête d'une lettre qui pourrait être un resh. Le mot
QBR «tombeau» conviendrait bien ici. Le même mot se retrouve sur de nombreuses épi-
taphes carthaginoises et à la ligne 3 de la Cherchell 2, l'inscription funéraire de Micipsa (9).
Le bet qui est en tête pourrait être la dernière lettre du mot NSB n sib « stèle ». Je n'ignore
point que ce mot est réservé d'ordinaire pour les stèles votives, tandis qu'on emploie
MSBT massébat pour les stèles funéraires ; mais la règle n'a rien d'absolu : j'ai rencontré
NSB à la fin d'une épitaphe (10).
Le nom propre SWYTMKN, qui vient ensuite, m'est inconnu ; mais il est libyque
à coup sûr. Il est accompagné du mot HSPT « le sufète ». Mais ce qui suit m'a beaucoup
embarrassé. J'ai dû renoncer à ma lecture de 1955. On déchiffrerait volontiers 'S'N'(plutôt
que 'S'R', à cause de l'orientation de la haste de la quatrième lettre). Or ce qu'on attend
est 'S TN' « (stèle) qu'a érigée, etc. ». Faut-il incriminer le lapicide, qui se serait trompé ?
Je crois qu'on doit tenir compte ici de deux facteurs qui gênent la lecture. En premier lieu
les lettres, dans ce passage, ne sont incisées que légèrement : c'est ainsi que le côté droit
du tét dans l'indubitable HSPT, aussitôt avant 'S'N', a complètement disparu. En second
lieu le tet a deux formes différentes dans cette inscription : l'une très large (c'est la plus
fréquente), l'autre beaucoup plus étroite (voir YMSTN HSPT au milieu de la ligne 3).
On peut donc supposer que le soi-disant 'ayin de 'S'N' est en réalité un tét de petite dimen-
Quelle était l'étendue de la lacune à la fin de cette ligne ? Si l'on recourt au critère
que j'ai indiqué plus haut, à savoir la position du cercle inférieur, si l'on tient compte de
la nécessité de laisser à gauche une marge correspondant à peu près à celle de droite, si
l'on considère enfin que le premier mot de la ligne suivante est un nom propre, on recon-
naîtra sans doute que la restitution MKL[L BN « MKLL, fils de » donnerait satisfaction.
Le premier mot HYMLL est certainement un nom propre libyque ; j'ai cherché en
vain à lire HYMLK, nom propre carthaginois bien connu. Le het initial surprend assu-
rément, puisque l'alphabet libyque ne contient pas de gutturales, mais sommes-nous cer-
tains que cet alphabet a noté fidèlement le phonétisme libyque ? ou encore le het ne pour-
rait-il jouer ici le rôle d'une mater lectionis ? En tout cas le rapprochement avec le nom
propre libyque IMLL (11) me paraît décisif. Le nom propre suivant, certainement libyque
aussi, n'est pas attesté ailleurs. Je ne me risquerai pas enfin à restituer le nom propre com-
mençant par un R.
Je traduis donc :
« Aris le sufète, fils d'YMSTN le sufète, fils de MKLL... » Le nom propre 'RS est
punique ; quant au nom propre YMSTN, il est libyque et peut être rapproché du nom
propre IMS (12).
Mais la restitution de la fin de la ligne 3 pose un problème très délicat. La lacune
est un peu plus importante que celle de la ligne 2, elle-même plus étendue que celle de la
Le début de la ligne 4 nous donne un fil directeur. Il contient les deux lettres 'T,
suivies de l'indication de l'âge du défunt. Comme ces deux lettres n'ont aucun sens par
elles-mêmes, il nous faut les rattacher à la fin de la ligne 3. Parmi les diverses hypothèses
possibles, deux me semblent particulièrement attirantes.
En second lieu on peut supposer que les lettres 'T constituent la fin du nom propre
BG'T. Ce nom propre nous est connu par la ligne 4 de Cherchell 2, où il désigne un des
fils du roi Massinissa et aussi par une stèle carthaginoise (CIS, I, 5940). On sait qu'il a été
porté par divers rois de Maurétanie (14). Il a été transcrit Bogud par les historiens latins,
mais le terme Mauretania Bogutania (15) conserve la prononciation authentique. La ten-
tation est vive de retrouver dans le Bogud de notre inscription l'ancêtre lointain des rois
du même nom, qui sont mentionnés dans les textes classiques. Assurément la restitution
M K L L [BN BG]'T serait trop courte, mais il est loisible de supposer que MKLL, comme
ses descendants, était sufète. Dans ce cas la restitution M K L L [H§PT BN BG]'T don-
nerait satisfaction de tous les points de vue.
Arrêtons-nous un instant pour répondre à une objection, qui s'est sans doute présentée
déjà à l'esprit du lecteur : comment se fait-il que cette longue généalogie soit celle de celui
qui s'est chargé (ou a été chargé) du soin des funérailles — et non celle du défunt lui-
même ? N'est-ce point cette dernière que nous attendions ?
Tout s'explique, si nous nous reportons encore une fois à l'inscription funéraire de
Micipsa (Cherchell 2). Dans cette dernière, si le nom du défunt, à savoir Micipsa ( M K U S N
dans son orthographe punique), est suivi d'une kyrielle d'épithètes et de titres aussi louan-
geurs qu'ampoulés, on ne nomme aucun de ses ancêtres, pas même son père Massinissa.
C'est l'ordonnateur des funérailles qui nous donne sa généalogie : Y'ZM, fils de Y Z G G S N ,
fils de Bogut, fils de Massinissa. Pourquoi ? Parce qu'il tient à rappeler et à affirmer sa
qualité de prince du sang, qui lui donne qualité pour ériger le tombeau, et qu'il poursuit
Les lettres 'T appartiennent, nous l'avons vu, au dernier mot de la ligne précédente.
Puis vient l'indication de l'âge du défunt. Seule la restitution S[SM] « soixante » est admis-
sible, vu le peu de place disponible. Il faut lire YSHB, avec un sadé et non un sa'mek. Cette
dernière leçon, soit YSHB, que j'avais adoptée dans le BCTH de 1955-56, donne évi-
demment un sens excellent : « Qu'ils ne traînent pas (la stèle) pour la dérober » (16 bis).
Etant donné le poids de la stèle intacte (plusieurs centaines de kilogrammes), on compren-
drait aisément que cette formule ait été substituée à l'expression usuelle en pareil cas :
LM Y'MS « qu'ils n'emportent pas (la stèle) ». Mais il faut se soumettre au texte : c'est
bien un §adé que nous avons ici. La racine SHB n'est pas attestée en hébreu et m'est incon-
nue en araméen ; mais en arabe elle signifie à la 4e forme : « éloigner ». Je traduis donc
ainsi cette ligne : « ...âgé de soi[xante]-sept ans. Qu'on n'emporte pas (la stèle)...»
Voici enfin la traduction d'ensemble de cette inscription : « [Stè]le du tombeau (?)
de SWYTMKN le sufète, qu'a érigée MKL[L, fils de] HYMLL, fils de MLWYTNK
le sufète, fils de R[..., fils de] Aris le sufète, fils de YMSTN le sufète, fils de MKLL[ le
sufète, fils de Bo]gud (?). Agé de soixante-sept ans. Qu'on n'emporte pas (la stèle).
L'écriture et la chronologie
Il nous faut maintenant essayer de grouper et de discuter les données éparses que
nous ont fournies ces quatre stèles monumentales. Tâche malaisée, car, comme on a pu
le remarquer, la mutilation des monuments, le caractère incomplet des inscriptions nous
ont empêché souvent d'aboutir à des conclusions fermes.
Revenons à nos textes. Nous avons déjà dit — et cela saute aux yeux — que l'écriture
n'en est pas néopunique : sur la stèle 4, par exemple, seuls le waw, le pé et le shin ont déjà
une forme néopunique. On n'a donc le choix qu'entre la punique et la phénicienne. Or le
taw paraît punique plutôt que phénicien. D'autre part il serait étrange qu'une écriture
phénicienne ait été contaminée par la néopunique. Je crois donc qu'il s'agit d'une écriture
punique et non phénicienne. L'orthographe apporte un argument supplémentaire et, à
mon avis, décisif. La notation du suffixe de la 3e personne du singulier par un aleph (L'DN'
« à son seigneur », à la ligne 1 du texte n° 3) est typiquement punique.
Il semble plus aventureux de vouloir classer chronologiquement nos documents d'après
les seuls critères fournis par l'écriture, car cette écriture ne varie guère d'un texte à l'autre.
Toutefois l'inscription n° 1, à cause de l'irrégularité des caractères et des lignes, me paraît
appartenir à une période de décadence ; et d'autre part la belle ordonnance de l'inscription
n° 4 me porterait à la considérer comme plus ancienne que les trois autres. Ce n'est au fond
Le problème du sufète
Des textes que nous avons cherché à interpréter il résulte entre autres choses que
certains personnages importants étaient appelés « sufètes » et d'autre part que le titre se
retrouve souvent dans une certaine famille (inscription 4), soit qu'il ait été héréditaire,
soit que cette famille ait exercé, comme ce fut plusieurs fois le cas à Carthage, une hégé-
monie de fait.
C'est surtout l'inscription dite « des sufètes » (n° 4) à laquelle nous nous adresserons.
Elle date environ de la deuxième moitié du deuxième siècle avant notre ère ; elle est donc
bien antérieure à Juba II. J'ai déjà expliqué plus haut qu'elle nous donne la généalogie
non du sufète défunt, mais de l'ordonnateur des funérailles ; mais la distinction est plus
formelle que réelle, puisque l'ordonnateur des funérailles appartenait à la même famille
que le sufète. Selon la restitution qu'on adopte pour la fin de la ligne 3, les ancêtres de
cet ordonnateur sont au nombre de six ou de sept : voilà qui nous reporte environ cent
cinquante ans en arrière, soit aux environs de 250 avant notre ère, peut-être un peu plus
haut. Peut-on tirer de ce texte l'indication que la fonction de sufète était héréditaire à
(18) A. Berthier et R. Charlier, Le sanctuaire punique d'El Hofra à Constantine, 1955 (désigné ici
par l'abréviation El Hofra).
Volubilis ? Le cas le plus embarrassant est celui de l'ancêtre dont le nom commence par
R... (fin de la ligne 2). Il paraît difficile de loger dans la lacune finale de ce mot un nom
propre, l'épithète HSPT « le sufète » et l'obligatoire BN « fils de ». Mais, étant donné le
procédé approximatif auquel j'ai eu recours pour évaluer l'étendue de cette lacune, je n'ose
pas être trop affirmatif ; d'autant qu'il est bien possible qu'un héritier légitime soit mort
avant d'accéder au pouvoir et qu'ainsi la charge de sufète soit passée directement du
grand-père au petit fils.
Peut-être y verrons-nous un peu plus clair, si nous essayons de dégager les diverses
réalités politiques que peut recouvrir le terme de « sufète ». Il se rencontre seulement chez
les anciens Hébreux ; à Tyr, métropole de Carthage ; à Carthage même ; et enfin chez les
Numides orientaux, qui l'ont eux-mêmes emprunté à Carthage (19). La racine du mot
contient l'idée de «juger » ; mais les «juges » de l'Ancien Testament nous apparaissent
surtout comme des chefs de guerre, dont l'autorité est brève et qui ne fondent pas de dynas-
tie ; ils ne sont pas oints et n'ont donc pas le caractère religieux du roi ; dans une mesure
limitée on songe au « tyran » grec. De même à Tyr, les « juges », qui sont substitués
provisoirement aux rois au VIe siècle avant notre ère, sont nommés pour peu de temps (20).
A Carthage ils ont succédé aux rois, et leur magistrature s'exerce, au moins en principe,
dans des conditions comparables à celles du consulat des Romains (21).
Mais pour comprendre le sens du mot « sufète » à Volubilis il faut surtout élucider
celui qu'il a pris chez les Numides orientaux, sous la dynastie de Massinissa. C'est vrai-
semblablement entre Numides et Maurétaniens, de même race et de même civilisation,
qu'il faut établir un parallèle.
A Mactar le titre de sufète était attribué, aux environs de notre ère ou peu après,
à certains magistrats municipaux. C'est ainsi qu'il figure dans l'inscription n° 2 de Ber-
ger (22) : les magistrats ainsi appelés étaient d'ailleurs, à en juger par leur onomastique,
de purs Numides. Le seul problème qui se pose à leur sujet et que j'hésite à trancher, c'est
de savoir s'ils étaient au nombre de deux ou de trois. En faveur de la seconde hypothèse
on peut alléguer qu'un texte récemment découvert, l'inscription A, mentionne un « chef
des sufètes » RB SPTM (23).
A Dougga deux siècles plus tôt il n'en allait pas de même. J'ai déjà abordé ce problème
(19) Pour les «juges » dans le monde hébraïque, voir en dernier lieu H. Cazelles, SDB, fasc. XXIII,
col. 1394-1414 (avec bibliographie), s. v. Juges (Le livre des).
(20) Pour les sufètes à Tyr et à Carthage voir S. Gsell, HAAN, II, pp. 193-201.
(21) Voir G. Picard, Les sufètes de Carthage dans Tite Live et Cornelius Nepos, REL, 1964, p. 271 et
suivantes.
(22) Ph. Berger, Mémoires de l'Académie des Inscriptions, XXXVI, 2e partie ; J.G. Février, Byrsa,
IX, 1960-61, p. 33 et suivantes.
(23) Voir mon article sur les nouvelles inscriptions néopuniques de Mactar (Karthago. XII 1965,
pp. 45-59).
5.
Une des plus intéressantes, soigneusement incisée sur un tesson trouvé dans le temple B,
contient seulement, mais intégralement, le nom propre, qui semble bien libyque, MR'WZ'
(sic). C'est de toute évidence le même nom propre avec une graphie légèrement différente,
que nous rencontrons par exemple dans la Néo Punique 7 : BT M'RWZ' BN B'LSLK
« A gravé Maruzo, fils de Ba'alsillék ». Pour cette traduction du mot BT ( = arabe batta),
déjà attesté sous la forme W'BT « et j'ai gravé » à la ligne 8 de l'inscription de Milkpillés
(cf. RES 13 et 236) je renvoie aux Cahiers de Byrsa, VIII, 1958-59, p. 30 et suiv.
Comment faut-il interpréter l'orthographe aberrante que nous rencontrons ici ? On
pourrait supposer que ce nom propre se prononçait en réalité Marauzo. Le graveur de
la Néo Punique 1 aurait noté la diphtongue au par un simple waw, tandis que celui de
Volubilis aurait noté explicitement cette diphtongue, mais négligé le premier a. Chacun
sait en effet que l'écriture néopunique, même avec le secours des matres lectionis, est loin
de donner toujours une vocalisation intégrale. Bien entendu, notre connaissance de l'ono-
mastique libyque est trop insuffisante pour nous guider ici.
Mais il est une explication plus simple. Le lapicide a omis le 'ayin ; puis lorsqu'il
s'est aperçu de son erreur, il l'a écrit après le resh. A près d'un millénaire de distance, c'est
le procédé auquel avait déjà eu recours le lapicide de l'inscription de Yéhimilk à Byblos (24).
La similitude de forme entre le 'ayin et la tête du resh fait comprendre l'erreur. Mais pour-
quoi avoir écrit le 'ayin à une place qui n'était pas la sienne ? Parce que le lapicide était
habitué à ce que l'on comptât les lettres de l'inscription en guise de vérification. Je me
suis expliqué à ce sujet dans mon article Une bévue de lapicide (25).
L'écriture est manifestement néopunique : les formes du mêm et de l'aleph sont
caractéristiques. Toutefois la graphie semble indiquer soit une date relativement ancienne,
soit un remarquable maintien de l'ancienne tradition. On notera en particulier le tracé du
mêm, qui n'est pas encore réduit à une simple croix de Saint André, et celui du zayin, inter-
médiaire entre le zayin punique et son correspondant néopunique. Je situerais donc volon-
tiers ce texte un peu avant notre ère.
(24) W.F. Albright, Phoenician Inscriptions o f the lOth Century, JAOS, LXVII, juillet-septembre 1947.
p. 156, n. 32.
(25) J.G. Février, BCTH, 1951-52, p. 261 et suivantes.
6.
D'autres textes néopuniques, un peu plus tardifs, ont été recueillis à Volubilis : ce
sont des graffiti ou des restes de graffiti, gravés à la pointe sur des poteries italiques. Restes
qu'on serait tenté d'appeler misérables, si leur date ne montrait le maintien de la tradition
et si l'origine des noms propres ne soulignait le brassage des races et des civilisations sous
les règnes de Juba II et de son fils Ptolémée. En tout cas la négligence avec laquelle sont
tracés ces graffiti contraste avec l'écriture très soignée du numéro précédent.
On notera tout d'abord un fragment de poterie italique, qu'on peut attribuer à la
première moitié du premier siècle après notre ère ; il appartient au fond d'une assiette.
Le graffito se lit M N'Y — ou peut-être MT'Y, la confusion entre le nun et le taw étant
fréquente en néopunique. Faut-il songer au nom propre libyque MTI (RIL 194) ? Ou bien
y retrouver une transcription très correcte de l'éthnique latin Menaeus, « le Ménéen »,
c'est-à-dire l'homme de la ville de Menae (Mevat) en Sicile ?.
7.
A la même époque appartient le pied d'un petit bol d'origine italique. Dans un car-
touche est écrit ATE(ius), nom d'un potier d'Arezzo. Le graffito néopunique se lit très
nettement BSK', nom qui n'est pas punique. S'il est complet, il faut sans doute l'iden-
tifier au nom propre libyque BSKH (RIL 1080) ; mais ce nom pourrait bien avoir été em-
prunté au latin, à en juger par sa terminaison. On sait qu'en Afrique du Nord le v est sou-
vent remplacé par un b, par exemple QW'TRBR pour quattuorvir dans la Trip 37 (26) :
on pourrait donc songer à un sobriquet : vascus « qui est de travers ».
8.
Pied de bol en poterie sigillée. Dans un cartouche en forme de losange figure la marque
du potier OFMCO. Le graffito néopunique, pour lequel je ne dispose que d'une copie,
est mal gravé. Il semble comprendre quatre lettres, dont la première (en commençant
naturellement par la droite) me semble être un kaph et la troisième un 'ayin. Je n'ose pro-
poser aucune lecture complète.
Tesson (exactement : dessous du pied) d'un vase de poterie sigillée. Il porte l'estampille
OFMCO. On peut lui assigner la date approximative du Ier au IIe siècle après notre ère.
Ma copie est la suivante :
Ce texte m'embarrasse et j'en arrive à me demander s'il est bien sémitique. Si tel
est le cas, il faudrait admettre que les lettres sont orientées vers la droite et que le mot
lui-même se lit de gauche à droite. Mais la dernière lettre ne peut être alors que celle d'un
aleph punique archaïque, dont la présence à cette époque est invraisemblable. Vu la date
de la poterie, je croirais volontiers à une influence de l'écriture latine. Si l'on croit pouvoir
avancer la lecture RS' (qui reste très douteuse), on songera au nom propre libyque RSl
(RIL 371).
10.
.. 'RK BT BRK
Du premier nom propre je n'ai pu déchiffrer sûrement que les trois dernières lettres,
alors qu'il en comptait quatre ou cinq. Avant l' aleph venait un taw (?) ou peut-être un
samek néopunique de forme ancienne ; avant cette lettre on croit reconnaître un zayin,
mais de forme punique. Ce nom propre ZT'RK ou ZS'RK m'est inconnu. Il désignait
le possesseur de l'objet, probablement une femme. BRK Birik est un nom propre hypo-
coristique, bien connu en punique. « ZT'RK (ou ZSRK), fille de Birik ».
11.
12.
Ce tesson (n° 600 d'inventaire de Thamusida) a été trouvé, d'après les rensei-
gnements qui m'ont été fournis par M. Rebuffat, à un niveau superficiel du « temple
carré ». Il porte l'estampille ,.. NT . OF En dépit de l'excellente photographie que j'en
possède, il m'a été impossible d'en tirer un sens satisfaisant. Il est vrai que ce graffito
est certainement incomplet au début, c'est-à-dire à droite (on distingue encore la tête
d'une lettre), et probablement à la fin. La première lettre me semble être un hé punique
à deux branches, analogue (mais plus anguleux) à celui qui figure sur le n° 4 (punique)
de Volubilis. La deuxième lettre pourrait être un qof (je ne garantis rien) ; mais, comme la
tête de la lettre manque, il m'est impossible de dire s'il est punique ou néopunique. Puis
viennent un yod (néopunique) et un bét (punique ou néopunique). L'épigraphiste est évi-
demment déconcerté par ce mélange de caractères puniques et néopuniques. On aboutit
ainsi à la lecture ...HQYB... S'il fallait absolument avancer une hypothèse, on pourrait
songer à un nom propre latin terminé en -ecius (transcrit HQY) et suivi de la première lettre
du mot BN « fils de ».
13.
14 et 15.
Signalons (Pl. IV) tout d'abord deux tessons néopuniques. Ils ont été trouvés en 1955
dans le four de potier n° 1. Ce sont des tessons de céramique grossière marron à engobe gris,
ayant appartenu à des jarres, que M. Euzennat paraît dater avant le Ier siècle avant notre
ère. Dans les deux cas l'inscription a été gravée à la pointe après cuisson, certainement par
la même personne. Si le shin est punique, le nun est franchement néopunique. Les deux
textes sont identiques, à cela près que la dernière lettre manque sur l'un d'entre eux. On
lit SYN'K ou encore SYN'N. C'est évidemment un nom propre, d'ailleurs intégralement
vocalisé à l'aide de deux matres lectionnis, le yod et le 'ayin. Le nom propre SNN est attesté
en punique (CIS, I, 3843).
16.
17.
18.
Dans les comptes rendus du Primo Congreso arqueo/Ógico del Marruecos Espaiiol,
1953, M. Tarradell (pp. 253-256) a publié une inscription néopunique, qui se retrouve
dans la Melilla prehispanica (Madrid, 1945, p. 230), de R. Fernândez de Castro y Pedrera.
On lit :
19.
Pot italique de la première moitié du Ier siècle de notre ère. Sur ce pot figure un graffito
néopunique, certainement incomplet. Il paraît devoir se lire :
Soit : W R D ' BN..., les deux premières lettres n'étant pas très sûres. Le premier
mot, avec son waw initial et son aleph final pour -us, a toutes chances d'être un nom propre
latin. Doit-on songer à une forme barbare Viridus pour Viridis ? A moins qu'on ne préfère
se rabattre sur le nom propre libyque U R T U (RIL 884) ?
20.
Fragment de bol, en poterie sigillée. Graffito incomplet portant deux lettres néo-
puniques.
TESSONS KŒBERLÉ-DESJACQUES
22.
Lire 'KN, nom propre qui se retrouve en hébreu 'Akân. Déjà signalé dans BCTH,
1955-56, n° 3, p. 35.
23.
Je suis tenté de lire GS ou peut-être GZR, cette dernière lecture, ayant l'avantage,
si elle est possible, de rappeler le toponyme hébraïque Gèzèr. Mais il est plus probable que
nous avons affaire à un très grand hét, initiale d'un nom propre.
Seulement un yod, sans doute le début d'un nom propre formé avec YTN « a donné ».
25.
Je lis ZY... Divers noms propres hébraïques commencent par ces deux lettres.
26.
27.
Je lis LH... « appartenant à H... ». Il s'agit peut-être du nom propre H'M, qui se
rencontre ailleurs (voir n° 29).
C'est le tesson i du BCTH.
27 bis.
Lire LZ...
27 ter.
Lire ...HK ou ...HN.
28.
Je crois lire 'WT, le tet final étant en partie détruit. Il m'est impossible de rien
tirer de cette lecture.
29.
On lit nettement ...BN H ' M « fils de H ' M ». C'est sans doute le même tesson que
le tesson b de BCTH 1955-56. Peut-être le premier nom propre est-il [']ÔD' 'Abdo, nom
propre bien connu.
30.
Seul subsiste un grand aleph.
31.
Reste un aleph.
32.
Reste un aleph.
33.
Reste un hé ( ?).
34.
Peut-être un taw.
35.
Un hét à deux branches.
36.
Un zayin.
37.
Un hét précédé d'une haste.
38.
Un signe étrange, qui n'est sans doute pas une lettre. Peut-être un sigle numérique ?
39.
Texte très peu lisible. Peut-être 'YQ ou 'LQ, mais rien n'est moins sûr.
40.
Le nom propre MGN (latin Mago) est très nettement gravé. Voir n° 107.
41.
On distingue 'H'S ; peut-être le début d'un nom propre 'V'S[MN, « Esmun est
frère ». Voir n° 106.
42.
Restes d'un aleph.
43.
Un hét.
44.
45.
48.
49.
Lire peut-être 'BLBNN. Faut-il y voir une abréviation d'un nom propre 'BDLBNN
« Serviteur du (dieu) Liban » ? L'écriture est très cursive, ce qui doit inciter à la prudence.
50.
Sigle ressemblant à un hé, mais qui ne paraît pas être une lettre.
51.
52.
Lire BDL, qui est peut-être à compléter en 'BDL'Y « Serviteur du Puissant » (CIS, I,
3914), nom propre qui se retrouve aussi bien à Carthage qu'à Chypre. Pour ce nom cf.
J G. Février, BCTH, 1951-52, p. 76 et A.M. Honeyman, PEQ, 1961, p. 151 et suiv.
53.
Peut-être BNTNT, mais c'est très douteux. Auquel cas on trouverait trace peut-être
d'une influence punique.
54.
Het à deux branches.
55.
Trois lettres semblant former le début d'un mot. La première est peut-être un yod,
la dernière un taw en forme de croix de St André ( ?).
56.
Deux ou trois lettres. La dernière semble être un yod, précédé peut-être d'un aleph.
57.
58.
58 bis.
59.
Lire LH(?). Sans doute la fin d'un nom propre, provenant peut-être de la racine SLH
« envoyer ». Cf le nom propre hébraïque Silhi.
60.
Lire peut-être GP', avec un pé de forme très archaïque, ou plutôt GK', forme abrégée
de GRSKN Gersakon, signifiant « hôte de Sakon » (latin Gisco). L'aleph final semble
indiquer un « Kosenamen » d'origine punique. Voir n° 110.
61.
On lit nettement H'B. On peut songer au nom propre hébraïque 'H'B, c'est-à-dire
Achab.
62.
Je lis ...BLK BN 'DN... La lecture du nun final est douteuse et le dalét est placé en
surcharge au-dessus de la ligne : en tout état de cause il s'agit d'un nom propre com-
mençant par 'DN 'adôni « Mon seigneur est... » La première lettre du texte me paraît
être un bét plutôt qu'un mêm ; or le nom propre H B L K , au lieu d e H M L K Himiik, est typi-
quement carthaginois. C'est le tesson a du BCTH.
63.
Un hé est séparé d'un taw par une barre verticale, qui semble être un trait de séparation
plutôt qu'une lettre. Il serait possible que nous ayons ici affaire à un nom propre désigné
seulement par son initiale et au patronymique, indiqué seulement par sa lettre finale.
Le patronymique pourrait donc être un nom propre comme H M L K T (latin Himilco).
Pour les problèmes de ce genre je renvoie à J.B. Chabot, BCTH, 1943-45, p. 217
et suiv. et 237 et suiv.
64.
Je lis BK..., le kaph ayant la forme d'un psi grec, forme qui ne se trouve guère que
sur la stèle de Mésa. On peut songer au nom propre hébraïque Bèkèr. C'est le tesson 1
du BCTH.
65.
Je crois lire 'BRHND... A la vérité la plupart des lettres sont douteuses. Je serais
tenté de comprendre : « le chef ('abbir) du... ».
66.
67.
Je lis YTN, comme P. Cintas (Contribution... p. 55 et fig. 71, 4, p. 128). C'est évidem-
ment la fin d ' u n nom propre théophore : « X a donné ».
68.
Un aleph de grande taille.
69.
La première lettre est peut-être un $adé phénicien. Je ne puis identifier les autres.
71.
Un laméd est suivi d'un het à deux branches et d'une lettre indistincte, peut-être un
dalét ou un resh.
72.
Lire B'L, début d'un nom propre théophore, par exemple B'LYTN « Ba'al a donné ».
C'est le tesson g du BCTH.
73.
Un hé.
74.
75.
76.
Un hét, suivi peut-être d'un waw.
77.
Je n'ose proposer aucune lecture.
78.
...BN H... « fils de H... » ou bien le nom propre BNHDS Benbodes, signifiant «fils
de ( = né à) la nouvelle lune », nom propre attesté à Carthage.
79.
Peut-être ...QD.
80.
Deux lignes d'écriture incomplètes. La ligne supérieure porte 'YM, le 'ayin étant dou-
teux ; à la ligne inférieur YTN... sans doute un nom théophore qui était celui du père
et était précédé de BN « fils de ».
82.
83.
Lire 'KS Akis, plutôt que 'RS Aris, à cause de l'orientation de la haste du kaph.
Dans l'Ancien Testament un roi philistin de Gath porte ce nom.
84.
Un hét.
85.
Un taw en forme de croix de St André (ou un aleph), suivi d ' u n gimél (ou d ' u n resh ?).
86.
Deux lettres, que j'hésite à identifier.
87.
Deux bét, séparés par un trait vertical. C'est le tesson c de mon article du BCTH.
88.
Un zayin.
89.
Trois lettres, en partie abîmées ; la seconde est un hét. Je suis tenté de lire: L H Y ,
le yod étant très douteux.
90.
KMS... S'agirait-il d ' u n nom théophore, formé avec le nom du célèbre dieu moabite
Kemôs ?
91.
Un aleph de grande taille.
92.
ZY... Le zayin est plutôt phénicien.
93.
Un yod de grande taille.
94.
95.
Un 'ayin, un trait vertical, un zayin (ou un yod ?) et un 'ayin. Je n'ose rien proposer.
TESSONS CINTAS
96.
...M HYM. Entre le premier mêm et le hét il y a un large espace. Je crois que la qua-
trième et dernière lettre est un mêm, mais ce pourrait aussi être un samék, comme le veut
Cintas.
98.
...RSQY. Devant le resh on croit distinguer les restes d'un bét. Ce mot pourrait être
un ethnique.
(29) P. Cintas, Contribution à l'étude de l'expansion carthaginoise au Maroc, 1954, fig. 71, p. 128 et
fig. 73, p. 130.
TESSONS JODIN
Avec la collection Jodin nous retombons enfin sur un terrain sûr. Je ne saurais trop
remercier M. Jodin d'avoir bien voulu me confier l'édition du matériel épigraphique
phénicien-punique qu'il a exhumé. Les photographies sont excellentes. D'ailleurs lors
de mon voyage à Rabat j'ai pu examiner longuement les originaux (Pl. VIII-X).
Un aleph isolé. Son ductus aux lignes courbes montre l'influence d'une cursive, tracée
sur papyrus ou tesson à l'aide d'un calame ou d'un pinceau (cf. écriture archaïque de
Byblos).
100.(57/2)
On lit très nettement B'LH..., puis une lettre qui pourrait être un aleph, un espace et,
semble-t-il, un taw. Il s'agit donc d'un nom théophore formé avec Ba'al ; mais on ne peut
pas restituer B'LH[LS.
101. (57/3)
Une croix grecque (taw ?).
102.(57/4)
Un het.
103. (57/5)
Un hé ?
104.(57/6)
Lire L'. Il faut peut-être restituer 'BDL'Y, comme dans le n° 52. Ce nom propre se
retrouve à Carthage (CIS I, 3914) et à Malte (Honeyman, PEQ, 1961, p. 151). Cf. le no 52.
106. (57/8)
C'est le même ostracon que le no 41 de la collection Kœberlé. On lit sur cette photo-
graphie-ci le nom propre 'H'SM[N ( Esmun est mon frère ».
107. (57/9)
108. (57/10)
Lire S.L. La lettre entre le shin et le lamed est peut-être un yod, soit S[Y]L. J'ignore
un tel nom de personne.
109. (57/11)
Lire YHW'B, nom propre signifiant « (Mon) père a vivifié », le « père » étant un
dieu, non désigné explicitement. On comparera ce nom propre avec celui du roi de Byblos
YHWMLK « Yehaumilk », signifiant : « Le Roi a vivifié » (CIS, I, 1, ligne 1).
110. (57/12)
111. (57/13)
Sur l'original j'ai cru discerner, peut-être à tort, KY'. Dans ce cas, qui reste très pro-
blématique, ce serait le même nom propre que sur la stèle n° 2.
112. (57/14)
Lecture difficile. Peut-être... T'R, mais c'est douteux. Dans ce cas doit-on imaginer
un nom propre comme ['STR]T'R « Astarté est ma lumière » ?
113 et 113 bis. (57/15 A et 57/15 B)
Deux tessons semblant appartenir au même vase. Sur l'un est gravé un nun, sur l'autre
GR, peut-être le début d'un nom propre théophore formé avec gér « hôte ».
114. (57/16)
Lire MGN, latin Mago. La graphie est comparable, mais non identique à celle du
n° 107 ( = n° 40).
115. (57/17)
Lire ...HWL, fin (?) d'un nom propre (?). Je ne saurais rien proposer.
117. (57/19)
118. (58/1)
Lire TNR ou TNB... Il ne semble pas qu'il y ait une lettre avant le taw. On songera
peut-être à un nom propre comme YTNR[SP « Reseph a donné », dont le yod initial
serait tombé.
119. (58/2)
Lire probablementHNN avec des nun très cursifs. On comparera le nom propre hébraï-
que Hânân.
120. (58/3)
121. (58/4)
Restes d'un taw ?
122. (58/5)
Le profane comprend mal au premier abord l'intérêt énorme qu'ont suscité dès les
premières trouvailles ces misérables tessons, sur lesquels il ne subsiste bien souvent qu'une
lettre, parfois un nom propre plus ou moins mutilé, ou encore le mot BN « fils de ».
Cet intérêt tient d'abord à la date des tessons. Seconde moitié du septième siècle
avant notre ère, affirme l'archéologue François Villard. Je ne crois pas que les épigraphistes
sémitisants soient tentés de le démentir, bien que les critères dont ils disposent soient
beaucoup moins précis. Encore une fois certaines lettres, comme le qof, ont une forme très
archaïque. La question qui se pose presque aussitôt vise l'origine de ces documents : la
Phénicie proprement dite, Gadès ou Carthage ? Ici il nous faut bien avouer notre igno-
rance, tout au moins dans la mesure où l'on se borne à interroger l'épigraphie nord-
sémitique. Les textes phéniciens originaires de la péninsule ibérique sont rares (pratiquement
une dizaine) et difficiles à dater de façon précise : une partie d'entre-eux d'ailleurs, d'épo-
que néopunique, ne saurait intervenir pour une comparaison (29 bis). A Carthage même
les textes les plus anciens ne semblent pas dépasser le VIe siècle ; et encore à une date
aussi haute il est à peu près impossible de différencier l'écriture carthaginoise d'autres
écritures phéniciennes. Assurément j'ai conjecturé la présence de l'élément T N T (le nom
de la déesse carthaginoise) dans certains noms propres théophores mutilés. Mais, à supposer
que ma conjecture soit juste, il ne faut pas oublier que Tanit semble être originaire du
Liban (30) et que le nom propre ' B D T N T qui signifie « Serviteur de Tanit » figure dans
une inscription phénicienne du Pirée (31).
Quel but visent les inscriptions gravées sur les jarres ? De toute évidence affirmer
un droit de propriété. C'est la même raison qui a poussé à inscrire des noms propres sur
des assiettes et des plats. Mais, puisqu'il s'agit de jarres et d'amphores, c'est-à-dire de
récipients, et non de vaisselle, on doit penser que ces récipients (d'importation) ne sont
pas arrivés vides à Mogador, qu'ils contenaient une pacotille destinée à la vente. Dès lors
il est très vraisemblable que l'affirmation du droit de propriété, matérialisée par un graffito
indiquant le nom et le patronymique du possesseur légitime, avait pour but de protéger
non seulement la jarre elle-même, mais aussi et surtout son contenu. Il convient de dis-
tinguer soigneusement ces inscriptions, gravées sur les jarres elles-mêmes, et par exemple
(29 bis) Sur ce point je ne puis que renvoyer à l'érudit petit corpus dressé par J.M. Solà Solé dans
la revue Sefarad, 1955, pp. 41-53 : Inscripciones fenicias de la peninsula Ibérica.
(30) Une inscription punique de Carthage, CIS, I, 3914, est dédiée à Astarté et à « Tanit du Liban »,
TNT BLBNN (ligne 1).
(31) CIS, I, 116, Le nom est rendu en grec assez librement par 'ApTEfLL3eùpoç.
les tessons inscrits de Samarie (VIIIe siècle), véritables « lettres de voiture » accompagnant
une livraison et donnant des détails précis sur l'origine, le destinataire, la nature, etc.
de l'envoi (32). Nos documents doivent en revanche être rapprochés des épigraphes ana-
logues, des Krugaufschriften phéniciennes retrouvées à Eléphantine (Egypte) et datant du
ve siècle avant notre ère. Nous y avons déjà fait allusion (33).
Je crois donc qu'à Mogador comme plus tard à Eléphantine existait un comptoir
phénicien ou punique. Des « facteurs », pour employer le terme technique, y demeuraient
en permanence. De loin en loin ils recevaient de leurs mandants des jarres remplies de paco-
tille et portant le nom du propriétaire. Elles étaient probablement accompagnées de lettres
de voiture détaillées, sur tessons ou papyrus, qui ne nous ont pas été conservées. Les fac-
teurs troquaient la pacotille contre des marchandises du cru, que les bateaux, au voyage
suivant, ramenaient dans la métropole. Sans doute m'accusera-t-on d'imaginer une orga-
nisation commerciale trop compliquée pour une époque aussi ancienne. Mais il suffit
de se reporter au voyage célèbre de Wenamon, accompli au XIe siècle par un Egyptien
sur les côtes de Syrie : il y est question de navires mouillant dans le port de Byblos, qui
sont en hèbèr (c'est-à-dire en association) soit avec le Pharaon Smendès, soit avec un
certain Birkat-el. Non seulement ce dernier personnage d'après son nom est un Phénicien,
mais le terme même de hèbèr « association » est passé du phénicien en égyptien, tant l'idée
même était foncièrement phénicienne (34).
Reportons-nous maintenant à la graphie des tessons. Elle n'est pas uniforme. Dans
le tracé du gimel le trait oblique part tantôt du sommet de la haste et tantôt de son milieu.
Le hét a tantôt deux, tantôt trois barres transversales. Dans le tracé du taw la barre trans-
versale ou bien traverse la haste verticale ou bien en part. Le laméd tantôt a un crochet, un
Schnôrkel, comme diraient les épigraphistes allemands, à droite et tantôt en est dépourvu.
De tels exemples — et il y en a d'autres — m'avaient amené d'abord à me demander si
les tessons épigraphes ne se répartissaient pas sur plusieurs siècles et si les différences de
graphie ne traduisaient pas une évolution corrélative de l'écriture. Mais l'avis des archéo-
logues n'est pas favorable à une telle solution. Il nous faut donc expliquer les différences
de graphie par l'emploi, plus ou moins variable, selon les scribes, de l'écriture cursive (com-
me à Eléphantine) et peut-être aussi (mais c'est plus douteux), dans une certaine mesure,
par le fait que les marchands ne seraient pas tous de la même ville.
Dans de pareilles conditions il me paraît difficile de dire si les commerçants qui
trafiquaient avec Mogador étaient originaires de la Phénicie propre, de Gadès ou de Car-
thage. Je penche pour Carthage, mais sans argument de poids.
(32) Voir, pour une orientation sommaire, mon article Ostraca, sceaux et cachets, SDB, fasc. XXXIII,
col. 948-964.
(33) Voir note 17.
(34) A. Erman, The Literature of the Ancient Egyptians, p. 179, n. 2.
LIXUS
123.
Cette stèle est actuellement conservée au Musée de Tétouan, en plein air. La mauvaise
qualité du calcaire fait craindre d'ailleurs qu'elle ne s'abîme lentement sous l'effet des
intempéries. Elle est présentement scellée sur une base en ciment, orientée de telle sorte
que le contre-jour est parfois gênant. Fort heureusement je possède diverses photogra-
phies du monument, prises sous des angles et des éclairages différents. Certaines d'entre-
elles ont été réalisées par mes soins ; mais je dois les meilleures à l'amabilité de divers
savants, comme feu G. Marcy, mon ami Sola Solé, divers membres du Service des Anti-
quités du Maroc (Pl. XI-XII).
La photographie Marcy est particulièrement intéressante. Elle a été prise avant que
la stèle soit encastrée dans sa base en ciment ; aussi on distingue très nettement tout en bas
les deux cercles concentriques qui caractérisent déjà les stèles puniques monumentales de
Volubilis. Il semble même que ces deux cercles soient reliés l'un à l'autre par des rayons.
On se souvient que nous avons proposé de reconnaître dans cette figuration, qui se retrouve
sur les stèles d'El Hofra, sur celles de Volubilis et sur celle de Lixus la représentation d'un
bouclier rond, parma, avec son umbo. Cette constatation a une grande importance du point
de vue chronologique. A El Hofra les stèles portant cette décoration datent du IIe siècle
avant notre ère : les stèles de Volubilis et de Lixus doivent donc remonter à peu près
à la même époque. De plus on notera qu'à El Hofra et aussi à Volubilis la graphie et
l'orthographe révèlent une tradition punique — et non phénicienne : on doit donc s'atten-
dre à ce qu'il en soit de même ici.
En fait le texte gravé sur la stèle de Lixus comprend deux parties bien distinctes :
d'une part un texte de cinq lignes en caractères puniques (et non néopuniques) ; de l'autre
un texte libyque, en colonnes verticales, dans les marges laissées libres à droite et à gauche
par l'inscription punique. Il suffit de regarder la stèle pour se rendre compte que la partie
libyque a été gravée après coup sur la stèle réemployée; en tout cas elle n'avait pas été
prévue par le premier lapicide et elle n'a aucun rapport avec l'inscription punique. Le
lecteur en jugera par le commentaire qu'en donne Lionel Galand (34 bis). C'est bien
dommage d'ailleurs, car les deux essais de traduction (du punique et du libyque) ne peuvent
s'appuyer l'un sur l'autre. Un tel réemploi n'a rien d'exceptionnel : on en trouvera un
exemple parmi d'autres dans l'inscription 813 du R.I.L. de Chabot.
L'écriture, ai-je déjà dit, me paraît punique plutôt que phénicienne. De ce point de vue
la forme du taw, qu'on retrouve dans les inscriptions monumentales de Volubilis, est
assez caractéristique. Il faut évidemment se garder d'être trop catégorique, car la mau-
vaise qualité de la pierre, l'effacement de certains caractères, outre qu'ils rendent la lecture
malaisée, empêchent souvent de suivre le ductus précis de la lettre. Un point demeure
pourtant : cette écriture n'est pas de date très récente. Même en tenant compte du fait que
des formes plus anciennes ont pu se maintenir plus longtemps sur la périphérie de la civi-
lisation carthaginoise, il me paraît difficile d'admettre une date plus récente que le
IIe siècle avant notre ère.
Passons maintenant à l'interprétation du texte punique. Nous savons, grâce aux docu-
ments de Volubilis, que les stèles de ce genre peuvent être aussi bien votives que funéraires.
Mais ici aucune hésitation n'est permise ; dès les premiers mots nous savons que nous som-
mes en présence d'une épitaphe.
Cette stèle a fait déjà l'objet de diverses études, dues en particulier à G. Marcy (35),
J.B. Chabot (36) et Solâ Solé (37). J'écarte dès le début la lecture et encore davantage
l'interprétation de G. Marcy, de qua tacere melius est, comme disaient poliment les vieux
humanistes. Restent les opinions de J.B. Chabot et de J.M. Solâ Solé, épigraphistes d'une
valeur reconnue : j'en ai tenu le plus grand compte.
Ligne 1 — Chabot et Solâ Solé s'accordent à lire d'abord : 'BN Z 'S TN' L...
« Cette pierre ( = stèle) qui a été érigée pour... » Bien entendu le Z ( = zô, démonstratif
féminin) est indubitablement un démonstratif et non un relatif. Quant à T N ' c'est ou bien
la 3e personne du féminin puai, ou bien — ce qui me paraît moins vraisemblable — un
participe passif féminin, la désinence -at devenant -â, puis -ô. Reste à la fin de la ligne
un nom propre, qui a été lu P'BR par Chabot et YP'BRD par Solâ Solé. D'après une
bonne photographie je penche pour la lecture Y'RRD et je retrouve ce nom propre dans
IRRD (RIL 386) : dans ce dernier cas aucune indication n'est donnée sur le sexe du por-
teur de ce nom. L'inscription porte seulement : IRRD STRN MKRH. Le mot MKRH
Ligne 4 — Je déchiffre : B R K ' 'BDSSM BN. Le nom propre B R K ' est sans doute
un hypocoristique punique, formé avec la racine B R K « bénir » ; il est d'ailleurs passé
en libyque sous la forme BRK. Dans ce cas encore le même personnage a deux noms :
c'était d'ailleurs nécessaire pour le distinguer de son fils, qui s'appelait comme lui 'BDSSM.
« Cette » stèle, qui a été érigée à Y ' R R D , sœur de ...'SYG, fils de MZSK(?) 'BDSSM,
fils de Bariko 'BDSSM, fils de W R T M . (La lui) a érigée 'BDSSM ».
On voit que mon essai de lecture et ma traduction diffèrent peu des propositions de
Solà Solé. C'est surtout la lecture des noms propres qui nous a embarrassés l'un et l'autre.
L ' I N S C R I P T I O N D E LA M A R T I N I È R E
124.
Cette inscription a été trouvée sur le site de l'ancienne Lixus par la Martinière
durant un de ses voyages au Maroc. Il avait envoyé à Paris un estampage, dont Ph. Berger
a publié une photographie, en même temps qu'une traduction et un commentaire. J'ai
cherché en vain, tant au Maroc q u ' à Paris, à retrouver soit le monument lui-même, soit l'es-
tampage. Force est donc de se contenter de la médiocre photographie de Ph. Berger (40).
Ce qui reste du texte tient en quatre lignes, la quatrième étant d'ailleurs illisible
Ph. Berger a lu et traduit :
'BD[K
[PRS] BN
SB[H]TM BT
Mogador
J. G. FEVRIER Pl. VI
Mogador
J. G. FEVRIER Pl. VII
Mogador
J. G. FEVRIER Pl. v m
Mogador
J. G. FEVRIER Pl. IX
Mogador
J. G. FEVRIER Pl. X
Mogador
J. G. FEVRIER Pl. XI
123 — Lixus
par
Georges VAJDA
Directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes
...'HRN BR
...BSNT
HRLB THY
?
Bibliographie
2.
Inscription funéraire, trouvée à Rabat Chellah (Sala). Au Musée de Rabat (pl. 1).
« ^ s t décédé R(abbi) Ab[raham], 2fils d'Isaac, fils de3... Qu'aille... [Année]4 cinq
mille trois 5cent soixante sept 6de la création. Que son âme s o i t s e r r é e d a n s le f a i s c e a u
(1) Pour l'origine de cette formule se reporter à l'étude magistrale d'Otto EISSFELDT, Der Beutel
der Lebendigen (Ber. über die Verh. der Sachs. Ak. der Wiss. zu Leipzig, 105, 6, 1960).
Bibliographie
3.
« lEst décédé Tobie (?) le serviteur (?) de... 2le sage parfait, (Son) H(onneur) le
R(abbi) 3Israël fils de Mas'ud, fils de David; et il fut accueilli (?) 4dans sa demeure éter-
nelle ; et il laissa vie aux docteurs, le jour 5du dimanche, le deuxième (jour) du mois de
Heswan, 'l'année cinq mille quatre cent 7soixante dix de la