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U juillet-septembre 2004
DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES
LES ORGANISMES DE
GESTION COLLECTIVE AU CAMEROUN
Dr Christophe Seuna1
Sommaire
Introduction ......................................................................................................................................2
B. Le contrôle du fonctionnement..........................................................................................12
Conclusion......................................................................................................................................14
1
Chargé de l’enseignement du droit de la propriété intellectuelle et des nouvelles technologies
à l’Université de Yaoundé II (Cameroun), rapporteur de la Commission permanente de
médiation et de contrôle des organismes de gestion collective, l’auteur du présent article a
aussi été membre de la commission de rédaction de l’avant-projet de la loi camerounaise du
19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
e. Bulletin du droit d’auteur
juillet-septembre 2004
Introduction
En droit positif camerounais, le droit d’auteur est un ensemble de droits exclusifs sur les
créations littéraires ou artistiques originales, alors que les droits voisins constituent des droits
exclusifs octroyés aux auxiliaires de la création (artistes-interprètes, producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes, entreprises de communication audiovisuelle) sur leurs
prestations que sont les interprétations, les vidéogrammes, les phonogrammes, les émissions de
radiodiffusion2. Les droits ainsi octroyés peuvent être exercés par leurs titulaires respectifs. Mais
est-il aussi possible de les mettre en œuvre par ce que la doctrine et les législateurs dénomment
« sociétés de gestion »3, « sociétés de gestion collective », « sociétés d’auteurs »4 ou « de droit
d’auteur »5, « sociétés de perception et de répartition »6, « organismes de gestion et de protection
collective »7 ou « bureaux de droit d’auteur »8 ? Quel est, dans l’ordre juridique camerounais, le
statut de ces organisations dont la mission est d’exercer les droits d’auteur et les droits voisins
pour le compte des titulaires de ces droits ? Sous quel visage se présentent-elles ?
Ce qui, en réalité, est en question, n’est rien moins qu’une technique juridique, qu’une
modalité d’exercice au Cameroun des droits par des organisations dont l’importance ne cesse de
croître dans l’environnement numérique. En effet, rares sont les titulaires de droits d’auteur ou de
droits voisins qui peuvent gérer personnellement leurs droits, en négociant par exemple
directement l’exécution sur scène d’une pièce de théâtre, l’édition d’un roman ou
l’enregistrement d’une composition musicale. La majorité des titulaires, incapables de contrôler
2
Voir la loi camerounaise du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins.
3
Voir le « Titre 4 : Sociétés de gestion » de la loi helvétique du 9 octobre 1992 sur le droit
d’auteur et les droits voisins.
4
A. Schmidt, Les sociétés d’auteurs, S.A.C.E.M.-S.A.C.D., Contrats de représentation, Paris,
L.G.D.J., 1971; J.-L. Tournier, « L’avenir des sociétés d’auteur », Revue internationale du
droit d’auteur (RIDA), n° 170, octobre 1996, p. 96; Th. Desurmont, « Réflexions sur le
devenir de la gestion collective des droits d’auteur: ombres et lumières », in Mélanges,
A. Françon, Paris, Dalloz, 1995, p. 98; U. Uchtenhagen, « La création des sociétés d’auteurs,
expériences et réflexions », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, juin 1991, p. 135.
5
H. Cohen Jehoram, « Principes fondamentaux des sociétés de droit d’auteur », Revue de
l’OMPI, Le droit d’auteur, 1990, p. 224.
6
Ministère français de la Culture, « La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins
en 1995 et 1996 par les sociétés de perception et de répartition des droits », Rapport présenté
par la Sous-direction des affaires juridiques de la Direction des affaires générales, juin 1997;
F. de Ridder, Droits d’auteurs, droits voisins dans l’audiovisuel, les sociétés de perception et
de répartition, Paris, DIXIT, 1994.
7
Voir l’article 54 de la loi grecque du 4 mars 1993.
8
Ex. : Bureau béninois du droit d’auteur. Voir OMPI, Répertoire d’administrations nationales
du droit d’auteur, Genève, OMPI, 1999.
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e. Bulletin du droit d’auteur
juillet-septembre 2004
toutes les utilisations des œuvres protégées, ont besoin d’une gestion par une ou plusieurs
organisations qui peuvent prendre contact avec les usagers, négocier les contrats d’exploitation,
percevoir et répartir les redevances et, le cas échéant, ester en justice. Ces organisations profitent
aussi aux utilisateurs comme les organismes de radiodiffusion, qui ne peuvent, dans des délais
raisonnables, obtenir des milliers de titulaires toutes les autorisations souhaitées. Les nouvelles
technologies permettent de mettre à la disposition du public, par exemple sur l’Internet, un très
grand nombre d’œuvres avec comme conséquence la multiplication des titulaires avec lesquels il
est impossible de négocier individuellement9. Dans la quête d’une protection effective du droit
d’auteur et des droits voisins, la question se pose moins de savoir si la gestion collective est
nécessaire à l’ère numérique que de déterminer comment elle doit s’effectuer10. Tout se passe
comme si la gestion collective était devenue le mode normal de mise en œuvre des droits. Mais,
au-delà de ces considérations d’ordre pratique, le problème du statut des organisations de gestion
collective au Cameroun touche aux principes juridiques qui gouvernent l’exercice collectif des
droits, ainsi qu’à la nature juridique des pouvoirs et du contrôle de ces institutions.
9
A. Lucas, « Nouvelles technologies et modes de gestion des droits », in L’avenir de la
propriété intellectuelle, Paris, Litec, 1993, p. 28; J.-L. Tournier, « La gestion collective
répond aux nouveaux défis » in Dossiers de l’audiovisuel, n° 88, novembre-décembre 1999,
p. 28; Th. Desurmont, op. cit., p. 100.
10
Ph. Gosset, « Quelle gestion collective des droits d’auteurs à l’ère du numérique ? » in
Dossiers de l’audiovisuel, n° 97, mai - juin 2001, p. 66 ; D. Gervais, « Gestion collective du
droit d’auteur et des droits voisins au Canada: perspective internationale », Rapport du
Ministère de la Culture du Canada, 2001, p. 53; N.-P. Boisseau, « La solution de l’avenir à
l’avènement de l’Internet. La gestion collective du droit d’auteur », Le Journal du Barreau,
vol. 30, n° 3, 15 février 1998, p. 1.
11
Loi rendue applicable au Cameroun par le règlement d’application du 19 avril 1958.
12
Voir les divers textes français rendus applicables au Cameroun par le décret du 29 octobre
1887: loi des 19-24 juillet 1793 relative aux droits de propriété des auteurs d’écrits en tout
genre, des compositeurs de musique, des peintres et des dessinateurs, loi du 19 juillet 1791
relative aux spectacles, etc.
13
Texte qui vise dans des dispositions éparses « l’Organisme national du droit d’auteur ».
14
Texte qui, dans l’une de ses dispositions finales, vise « l’organisme professionnel de droit
d’auteur ». Voir pour l’étude de l’ensemble de la loi, Ch. Seuna, « La protection du logiciel
-3-
e. Bulletin du droit d’auteur
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droits voisins. La récente réforme camerounaise de la propriété littéraire et artistique n’a pas
épargné la gestion collective. A travers tout un titre qui lui est consacré15, la loi du 19 décembre
2000 a opéré une refonte du statut de ce qu’elle dénomme « organismes de gestion collective du
droit d’auteur et des droits voisins».16 L’article 75 de la loi dispose : « Les titulaires du droit
d’auteur ou des droits voisins peuvent, aux fins de l’exercice de leurs droits, créer des organismes
de gestion collective ». Mais le législateur camerounais ne se contente pas de formuler
expressément ainsi la possibilité de recourir aux organismes fiduciaires. Il règle les modalités de
la gestion collective en déterminant leur fondement et leur mode de fonctionnement. C’est par
l’examen de ces divers aspects de la gestion collective qu’il convient de prendre la mesure de la
réforme du régime de ces structures.
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e. Bulletin du droit d’auteur
juillet-septembre 2004
seulement par la gestion collective qui, par nature, exclut la spéculation, mais aussi par le souci
de faciliter l’adhésion des organismes camerounais à certaines organisations internationales20.
En visant les formes de société civile et de personne morale à but non lucratif, la loi a
écarté les organismes de gestion collective sous la forme d’entreprise individuelle, c’est-à-dire
d’entité sans personnalité juridique distincte de celles des personnes qui la composent. Le
législateur s’exprime dans une formule dont la généralité autorise à affirmer que la loi s’attache à
toute espèce de société civile et de personne morale à but non lucratif, que celles-ci soient
publiques ou privées. A cet égard, la législation camerounaise tranche quelque peu avec de
nombreuses législations africaines qui ont opté pour une gestion collective par des organisations
publiques ou semi-publiques21.
entreprise publique, personne morale de droit privé dont l’objet est essentiellement de
produire des biens et services contre rémunération (A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-
Brisset, Dictionnaire de droit administratif, Paris, Armand Colin, 2002, p. 136), bien qu’elle
soit chargée d’accomplir une activité d’intérêt général à caractère industriel ou commercial.
Sont exclues les entreprises publiques que la loi du 19 décembre 1999 portant statut général
des établissements publics et des entreprises du secteur public ou parapublic dénomme
sociétés à capital public (dont le capital est « intégralement détenu par l’Etat, une ou
plusieurs collectivités territoriales décentralisées ou une ou plusieurs autres sociétés à capital
public ») et sociétés d’économie mixte (dont le capital est « détenu partiellement d’une part,
par l’Etat, les collectivités territoriales décentralisées ou les sociétés à capital public et d’autre
part, par les personnes morales ou physiques de droit privé »).
19
Tous les organismes agréés ont adopté la forme de société civile : SOCILADRA (Société
civile des droits de la littérature et des arts dramatiques, SOCIDRAP (Société civile des droits
audiovisuels et photographiques), SOCADAP (Société civile de droit d’auteur et droits
voisins des arts plastiques et graphiques), CMC (Cameroon Music Corporation).
20
Voir les principes de la CISAC (Confédération internationale des sociétés d’auteurs et
compositeurs) adoptés lors du 11e Congrès de Berlin en 1936 qui prescrivent « l’exclusion
absolue, de la part de chaque société confédérée, de tout caractère commercial ou de
spéculation, ainsi que de tout but directement ou essentiellement lucratif ».
21
S. Abada, « La gestion collective des droits d’auteur dans les pays en voie de
développement », Revue de l’OMPI, Le droit d’auteur, 1985, p. 280.
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e. Bulletin du droit d’auteur
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Ainsi, doivent se constituer quatre organismes qui sont chargés, chacun dans un domaine
précis, de gérer à la fois le droit d’auteur et les droits voisins. Les répertoires, c’est-à-dire les
ensembles d’œuvres, sont ventilés entre les organismes non par les organismes eux-mêmes, mais
par le législateur qui détermine impérativement leur objet et leur compétence respectifs22. Le
législateur camerounais n’admet donc pas d’organisme à vocation générale en matière de gestion
collective. Comme toute personne morale, publique ou privée, les organismes sont soumis à une
règle d’ordre qui réduit les sources possibles de conflit entre eux. Selon ce « principe de
spécialité », la capacité ou la compétence des organismes est confinée aux buts pour lesquels ils
ont été créés23. La spécialité de chaque organisme se mesure à l’aune d’une catégorie déterminée
par la loi qui lui permet d’exercer toutes les activités qui se rattachent directement ou
indirectement à la mission pour laquelle il a été institué. Comme nous l’avons déjà affirmé24, l’on
est passé au Cameroun d’un système de monopole (un seul « organisme professionnel de droit
d’auteur » selon la loi du 10 août 1990) à un système de pluralité d’organismes avec des
spécialisations exclusives (un seul organisme par catégorie) et transversales (chaque organisme
gère à la fois le droit d’auteur et les droits voisins)25. Ce nouveau système se distingue à la fois
22
Lire sur répartition des répertoires, P. Allaeys, « La ventilation des répertoires entre les
sociétés de gestion collective », Mémoire de DEA de la propriété littéraire, artistique et
industrielle, Université Panthéon-Assas Paris II, année 2002-2003, p. 12.
23
Sur la spécialité, lire L. Constans, Le dualisme de la notion de personne morale
administrative, Paris, Dalloz, 1966, p. 12.
24
Ch. Seuna, « La nouvelle loi camerounaise relative au droit d’auteur et aux droits voisins »,
RIDA, n° 192, avril 2002, p. 394 ; Introduction générale à la protection du droit d’auteur et
des droits voisins au Cameroun, Communication au séminaire national sur la gestion
collective du droit d’auteur et des droits voisins à l’intention des responsables des organismes
de gestion collective, organisé par le gouvernement de la République du Cameroun et
l’OMPI, Yaoundé 19-23 juillet 2004.
25
Voir en ce sens, N. C. Domjié « Les organismes de gestion collective dans la loi n° 2000/11
du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins », Mémoire de DEA,
Université de Yaoundé II, 2002, p. 15 et 16, qui parle d’une « spécialisation transversale » et
d’une « spécialisation monopolistique ».
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e. Bulletin du droit d’auteur
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d’un système d’organisme unique pour toutes les catégories de droits (système qui a la préférence
de la plupart des législations africaines) et d’un système concurrentiel de coexistence
d’organismes concurrents pour une catégorie de droits, adopté par des pays tels que les Etats-
Unis d’Amérique, le Canada et le Brésil. Il présente de multiples avantages, notamment en termes
de professionnalisme, de facilité et de sécurité dans l’octroi des autorisations et de réduction
considérable des frais de gestion26. Ce sont ces avantages qui ont déterminé le choix du
législateur camerounais en 2000, au moment où la gestion collective s’opérait quasi-
exclusivement au profit de la catégorie des musiciens par l’unique organisme d’alors27.
La loi du 19 décembre a édicté des exigences de fond relatives aux personnes qui peuvent
être membres des organismes de gestion collective. Selon son article 77, ne peuvent être
membres des ces organismes que les auteurs, les artistes-interprètes, les producteurs de
phonogrammes et de vidéogrammes, les éditeurs et leurs ayants droit. Considérées d’abord
comme des usagers, les entreprises de communication audiovisuelle ne peuvent s’affilier à aucun
organisme de gestion collective, bien qu’elles soient titulaires de droits voisins sur leurs
émissions.
L’un des corollaires de la spécialité de la gestion collective est qu’il ne suffit pas
d’appartenir à l’une de ces catégories de titulaires visées par l’article 77 : il faut également être
titulaire de droit dans la catégorie sollicitée: art musical, arts audiovisuel et photographique, etc.
C’est la condition posée par le décret d’application pour les membres fondateurs qui, comme le
personnel dirigeant, doivent être à la fois compétents et de bonne moralité. Le législateur
camerounais interdit les discriminations en exigeant que tout organisme de gestion collective soit
« accessible à tout titulaire de droit d’auteur et de droits voisins dans la catégorie sollicitée28. »
Il importe de préciser que les titulaires autres que les entreprises de communication
audiovisuelle jouissent de la simple faculté d’adhérer aux organismes de gestion collective. Car,
selon les termes mêmes de l’article 77, ils « peuvent être membres d’un organisme de gestion
collective ». La loi camerounaise n’exige pas que les droits soient exercés exclusivement par
l’intermédiaire d’un organisme de gestion collective. Les auteurs, les artistes-interprètes, les
producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes, les éditeurs et leurs ayants droit peuvent les
gérer personnellement. La gestion collective est libre et volontaire.
26
M. Ficsor, Gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins, Genève, OMPI, 1990.
27
La SOCINADA (Société civile nationale de droit d’auteur).
28
Art. 20 du décret d’application.
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eux par ledit organisme. Par ailleurs, la copie privée des vidéogrammes et phonogrammes de
commerce et celle des œuvres imprimées sont libres, mais donnent lieu à des rémunérations29
déterminées par l’Etat, perçues et réparties par l’organisme de gestion collective compétent30.
Selon une répartition homologuée par le Ministre de la Culture, les rémunérations pour copie
privée sont gérées par la SOCILADRA (pour les œuvres imprimées), la CMC (pour les
phonogrammes) et la SOCIDRAP (pour les vidéogrammes)31.
De ces deux dispositions qui, par des clauses dites de conformité, ont été intégrées à
l’Accord sur les ADPIC33 et au Traité de l’OMPI sur le droit d’auteur34, l’on peut déduire, en ce
qui concerne le droit d’auteur, que la gestion collective obligatoire, condition d’exercice de
droit35, peut être prescrite dans tous les cas de licence non volontaire, c’est-à-dire chaque fois
qu’une œuvre littéraire ou artistique peut être librement exploitée par un tiers, mais moyennant
29
Au profit des auteurs, artistes-interprètes, producteurs de phonogrammes et de vidéogrammes
et du fonds de soutien à la politique culturelle, pour les copies privées des phonogrammes et
vidéogrammes de commerce ; des auteurs, des éditeurs et du fonds de soutien, pour les copies
privées des œuvres imprimées.
30
Art. 69-74 de la loi du 19 décembre.
31
V. note n° 19.
32
Convention pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (1886).
33
Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce. Cf. art. 9 (1).
34
Art. 1 (4).
35
Voir en ce sens, M. Ficsor, « La gestion collective du droit d’auteur et des droits voisins à la
croisée des chemins: doit-elle rester volontaire, peut-elle être « étendue » ou rendue
obligatoire? », e-Bulletin du droit d’auteur, octobre-décembre 2003, p. 4 ; S. v. Lewinski,
« La gestion collective obligatoire des droits exclusifs et sa compatibilité avec le droit
international et le droit communautaire du droit d’auteur » – Etude de cas, e-Bulletin du droit
d’auteur, janvier-mars 2004, p. 5.
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e. Bulletin du droit d’auteur
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paiement d’une rémunération équitable fixée par voie d’accord ou par une autorité compétente36.
Le législateur camerounais s’est donc conformé aux normes internationales en imposant la
gestion collective de la rémunération pour copie privée et pour l’utilisation des phonogrammes
publiés à des fins de commerce. Car, dans tous ces cas, l’exploitation est libre mais payante37.
La législation camerounaise, par ailleurs, exige que le siège social d’un organisme de
gestion collective soit fixé sur le territoire camerounais38. Elle détermine aussi les formalités
constitutives.
Quelle est la portée de cet acte administratif que constitue l’agrément ? Il n’est pas une
condition d’existence légale des organismes de gestion collective. Même sans être agréé, un
organisme peut exister juridiquement comme société civile ou personne morale à but non lucratif.
Il suffit qu’il remplisse les conditions de constitution propres à ces deux catégories d’institutions.
La naissance de sa personnalité morale ne dépend pas de l’agrément. Mais, s’il existe légalement
sans l’intervention de l’agrément, l’organisme, selon l’article 19, ne peut exercer la gestion
collective sans être agréé. L’agrément est une condition d’exercice de l’activité de gestion
collective. L’on définit l’agrément en général comme un « acte administratif unilatéral
36
Voir en ce sens, M. Ficsor, loc. cit.
37
Voir sur ces cas de licence non volontaire, Ch. Seuna, « Limitations et exceptions dans les
législations des Etats d’Afrique ayant la langue française en partage », Etude réalisée pour
l’UNESCO, 2003.
38
Art. 20 du décret d’application.
39
Lire sur la législation portugaise, P. Katzenberger, « Les divers systèmes du droit de contrôle
de la gestion collective de droits d’auteur dans les Etats européens », in La gestion collective
du droit d’auteur en Europe, Bruxelles, Bruylant, 1995, p. 26.
40
B. Tricot, « L’agrément administratif des institutions privées », Dalloz, 1948, chronique
p. 25.
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e. Bulletin du droit d’auteur
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Une fois agréés, les organismes de gestion collective peuvent exercer la gestion collective
en jouant leur rôle d’intermédiaires entre les titulaires de droits et le public. Dans ce « rôle
médiateur43 », ils opèrent selon les règles du droit commun, mais sont surtout soumis à des
dispositions spéciales qui fixent le mécanisme de leur fonctionnement et en instituent le contrôle.
Selon l’article 77, alinéa 2, de la loi « sauf convention contraire, l’acte d’affiliation à un
organisme de gestion collective confère à celui-ci mandat de son membre pour accomplir tout
acte de gestion collective ». En vertu de cette disposition, en règle générale, les organismes
tiennent de leurs membres les pouvoirs les plus étendus pour exercer leurs droits. Cependant, ce
principe comporte des limites. Tout d’abord les organismes ne peuvent exercer que les droits
patrimoniaux tels que les droits de reproduction, de représentation, de distribution, de
transformation et le droit de suite44. Les « attributs d’ordre moral » que constituent, selon la loi,
les droits de divulgation, droit à la paternité, droit à l’intégrité, droit de repentir ou de retrait45 ne
peuvent pas être couverts par ce mandat, compte tenu de leur caractère personnel. Ensuite,
comme l’affirme la loi elle-même, les parties, c’est-à-dire les membres et les organismes, peuvent
41
A. Van Lang, G. Gondouin, V. Inserguet-Brisset, Dictionnaire de droit administratif, op. cit.,
p. 4.
42
Voir N.-C. Domjié « Les organismes de gestion collective dans la loi n° 200/11 du 19
décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins », op. cit., p. 44, qui affirme
que l’agrément confère des « avantages ou des privilèges ».
43
A. et H.-J. Lucas, Traité de la propriété littéraire et artistique, Paris, Litec, 1994, p. 554.
44
Cf. art. 15, 57, 59, 64, 65 de la loi.
45
Cf. art. 14 et 58 de la loi.
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convenir de limiter les mandats à certains actes de gestion collective, tels que l’autorisation et la
répartition des redevances.
Mais quelles sont la nature juridique et la portée des pouvoirs ainsi conférés aux
organismes de gestion collective ? Agissent-ils en vertu d’un mandat qui leur confère le pouvoir
d’exercer les droits au nom et pour le compte de leurs adhérents ? Agissent-ils plutôt en vertu
d’une cession fiduciaire par laquelle ils exploitent pour le compte des adhérents-cédants, et non
pour leur propre compte, les droits qui leur sont transférés ? Le pouvoir des organismes exclut-il
l’exercice individuel des droits ? C’est le mandat qui a la préférence du législateur. Selon l’alinéa
2 de l’article 77, en principe, le pouvoir des organismes est un mandat. Il ne peut être
interprété comme une cession que si les parties le stipulent. La cession peut ainsi renforcer la
position des organismes de gestion collective en leur permettant notamment, en tant que
cessionnaires, de bénéficier de l’action en contrefaçon46. Selon l’article 75 de la loi, le fait que les
titulaires des droits aient autorisé un organisme de gestion collective à gérer leurs droits, par
mandat ou par cession, ne porte pas préjudice à leurs faculté « d’exercer directement les droits
qui leur sont reconnus ». Cette mesure permet aux titulaires de remédier aux abus de monopole
lorsque, par exemple, un organisme refuse d’autoriser certaines exploitations sans raison valable.
L’alinéa 1 de l’article 78 prescrit que les organismes de gestion collective doivent tenir à
la disposition de leurs membres le « répertoire des membres et de leurs œuvres ».
Les redevances perçues par les organismes doivent être réparties entre leurs membres. La
législation camerounaise règle les modalités de répartition de ces sommes. Elles doivent être
versées dans un compte commun de dépôt spécial ouvert dans un établissement bancaire agréé47.
Selon l’alinéa 2 de l’article 78, les organismes doivent les utiliser selon un barème déterminé par
leurs textes fondamentaux (statuts, règlements généraux, etc.) et approuvé par le ministre chargé
de la Culture. C’est ainsi qu’elles sont distribuées aux organismes selon des barèmes dits de
« répartition intersociale » déterminés par ces derniers et homologués par le ministre48. La somme
globale attribuée à chaque organisme à l’issue du partage intersocial est ensuite répartie à ses
membres. La création du compte de dépôt spécial procède de la volonté de sécuriser les
redevances perçues. Car, après la distribution de ces sommes aux organismes agréés, tout acte de
mauvaise gestion ne produit des effets financiers qu’à l’égard de l’organisme qui en est
responsable.
46
Voir sur la nature juridique des pouvoirs des organismes de gestion collective dans la
législation camerounaise, N.-C. Domjié, « Les organismes de gestion collective dans la loi
n° 2000/11 du 19 décembre 2000 relative au droit d’auteur et aux droits voisins », op. cit.,
p. 59-65.
47
Art. 1er de la décision n° 004/038/MINCULT/CAB du 14 juillet 2004 relative à la
sécurisation des fonds collectés au titre du droit d’auteur et des droits voisins du droit
d’auteur.
48
Voir décision n° 004/036/MINCULT/CAB du 14 juillet 2004 portant homologation d’un
barème de répartition intersociale des droits dus au titre du droit d’auteur et des droits voisins
perçus auprès de certains usagers.
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e. Bulletin du droit d’auteur
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Les organismes entretiennent des relations contractuelles avec les usagers, qui exploitent
les œuvres de leurs répertoires. Les contrats d’exploitation peuvent être soit de nature générale,
autorisant l’usager à utiliser l’ensemble de leurs répertoires, soit des autorisations délivrées au cas
par cas, en contrepartie de redevances fixées selon un barème négocié sous la supervision de la
Commission permanente de médiation et de contrôle des organismes de gestion collective et
homologué49 par le ministre chargé de la Culture. Les organismes ne sont pas entièrement libres
de fixer les tarifs. Car, si la loi ne détermine pas ceux-ci, elle fixe les règles de tarification. En
principe, selon l’article 24 de la loi, les tarifs de droit d’auteur se calculent sous forme de
pourcentage sur les recettes d’exploitation. Ils peuvent être forfaitaires dans certains cas:
impossibilité de déterminer la base de la rémunération proportionnelle, caractère exorbitant des
frais de contrôle, caractère accessoire de l’utilisation de l’œuvre par rapport à l’objet exploité.
Les relations entre les organismes de gestion collective et les usagers sont, en principe, de
nature contractuelle. Cependant, dans certains cas, les perceptions ne s’opèrent pas par contrat,
mais en vertu de la loi. Il en est ainsi du droit de suite50 qui est un droit à une redevance dont le
taux est fixé par le législateur51. Il en va de même pour les rémunérations pour copie privée qui
sont obligatoirement perçues par les organismes et dont les montants sont fixés par le législateur.
Que les relations soient contractuelles ou légales, chaque organisme effectue, pour les
quatre organismes52, les perceptions auprès des usagers, selon une répartition « intersociale » de
portefeuilles d’usagers. En effet, lorsqu'un usager exploite plusieurs types d'œuvres relevant des
répertoires des quatre sociétés agréées ou de quelques-unes seulement d'entre elles, une seule est
chargée de gérer le portefeuille pour l'ensemble. Par exemple, le portefeuille CRTV (organisme
public de radio et télévision) est géré par la CMC alors que celui des cablô-opérateurs l’est par la
SOCIDRAP.
Si les organismes fonctionnent suivant ces mécanismes, ils n’exercent pas pour autant
sans être contrôlés.
B. Le contrôle du fonctionnement
49
Commission créée par décision n° 004/017/MINCULT/CAB du 3 juin 2004.
50
Selon l’article 20 de la loi, c’est l’attribut d’ordre patrimonial du droit d’auteur en vertu
duquel l’auteur d’une œuvre graphique ou plastique perçoit une quote-part sur le prix de
revente faite aux enchères publiques ou par l’intermédiaire d’un commerçant.
51
L’article 3 du décret d’application fixe le montant à 5% du prix de revente de l’original d’une
œuvre graphique ou plastique ou d’un manuscrit.
52
Voir décision n° 004/037/MINCULT/CAB du 14 juillet 2004 portant homologation d’un
tableau d’affectation du porte-feuille usagers aux organismes de gestion collective du droit
d’auteur et des droits voisins du droit d’auteur.
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e. Bulletin du droit d’auteur
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monopoles légaux dont jouissent les organisations et par la position de fiduciaire qu’elles
assument en faveur des titulaires.
L’article 78 exige que les textes fondamentaux des organismes de gestion collective soient
soumis à l’approbation du ministre chargé de la culture. Selon l’article 79 de la loi, les
organismes de gestion collective communiquent au ministre chargé de la culture,
spontanément ou à sa demande, leurs comptes annuels, les modifications des textes
fondamentaux (statuts, règlements généraux, etc.), les conventions conclues avec des tiers, les
décisions et bilans des assemblées générales, les bilans et comptes rendus du commissaire aux
comptes, les noms des représentants. Le contrôle porte sur l’ensemble des activités de chaque
organisme. L’article 22 dispose à cet égard que « lorsqu’un organisme contrevient à ses textes
fondamentaux ou aux dispositions législatives ou réglementaires en vigueur », le ministre peut
suspendre ou retirer l’agrément. Il exerce donc certainement un contrôle sur la légalité des
décisions.
Quelle est l’étendue de ce pouvoir de contrôle que l’administration exerce sur les
organismes ? La réponse dépend du type d’organisme. Le contrôle des personnes privées est
limité à ce qui est prévu par la loi du 19 décembre 2000. Les pouvoirs publics n’ont pas le
pouvoir de suspendre ou de révoquer les personnes ou les organes. Ils ne peuvent annuler les
décisions des organismes ni se substituer à ces derniers. Ils peuvent seulement leur demander
d’agir. En ce qui concerne les personnes publiques comme les établissements publics, au contrôle
prévu par la loi du 19 décembre, s’ajoute le contrôle de tutelle propre aux personnes publiques53.
Le contrôle des organismes porte alors à la fois sur les personnes et les décisions, sur la légalité et
l’opportunité. Elle comporte, suivant les textes, les pouvoirs de révocation, d’annulation, de
suspension ou de substitution.
53
Voir la loi du 19 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des
entreprises du secteur public et parapublic.
54
Art. 3 de la décision du 3 juin portant création de la commission.
55
Art. 3 précité.
56
Par exemple, la Commission d’arbitrage fédérale de la Suisse.
- 13 -
e. Bulletin du droit d’auteur
juillet-septembre 2004
Le contrôle des organismes de gestion collective s’opère aussi à travers la médiation qui
est assumée par la Commission permanente. En effet, elle organise et supervise les concertations
et négociations entre les organismes et les usagers, « gère les conflits entre des organismes de
gestion collective ou entre ces derniers et les usagers ; rapproche les parties en cas de désaccord
et leur propose le cas échéant des solutions57 ». Alors que dans les pays où elles ont été instituées,
les commissions d’arbitrage ou de médiation sont distinctes des autorités de contrôle, la
commission camerounaise fait office à la fois de contrôleur et de médiateur. Dans ce double rôle,
elle comprend des personnalités indépendantes et des représentants des organismes de gestion
collective.
Conclusion
L’examen du système de gestion collective mis en place par le droit positif camerounais
nous a permis d’appréhender, au fil des développements, le statut des organismes de gestion
collective au Cameroun à travers leurs modes de constitution et de fonctionnement. S’est
progressivement affirmée l’idée de véritables institutions, c’est-à-dire d’organismes obéissant à
un ensemble de dispositions spéciales comportant des concepts, des règles, des principes articulés
autour d’un noyau commun, coordonnés par une seule finalité : la protection des titulaires de
droit d’auteur et des droits voisins. Le législateur a imprimé une double physionomie à ces
organisations dont l’importance capitale est avérée. D’un côté, le statut de ces institutions est
classique à maints égards: missions, formes juridiques, organisations, etc. De l’autre, il est
marqué au coin de l’originalité en ce qui concerne la ventilation des répertoires entre les
organismes, les relations entre ces derniers, leur surveillance, etc. La législation camerounaise a
subi l’influence des traditions juridiques en la matière tout en essayant d’adapter le droit de la
gestion collective au contexte camerounais. Ainsi, le système camerounais innove sans être
révolutionnaire. Quoi qu’il en soit, en matière de gestion collective, il n’a pas été légiféré à droit
constant. Ce changement se comprend, qui s’inscrit dans le cadre général de la réforme du droit
d’auteur et des droits voisins.
57
Art. 3 précité.
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Juillet-septembre 2004
DÉVELOPPEMENTS JURIDIQUES
SOMMAIRE
1. Introduction......................................................................................................................3
2. Administration du droit d'auteur et des droits voisins .....................................................4
2.1 Création du Kenya Copyright Board (Conseil kenyan du droit d'auteur)..............4
2.2 Composition et compétences du Kenya Copyright Board .....................................4
2.3 Recours...................................................................................................................4
3. Protection du droit d'auteur et des droits voisins .............................................................5
3.1 Œuvres pouvant prétendre à une protection au titre du droit d'auteur ...................5
3.2 Portée de la protection............................................................................................5
3.3 Durée de la protection ............................................................................................5
3.4 Droits des auteurs...................................................................................................6
3.4.1 Droits patrimoniaux ...................................................................................6
3.4.2 Exceptions et limitations............................................................................6
3.4.3 Droits moraux ............................................................................................7
3.5 Titularité initiale.....................................................................................................7
3.6 Cession et licence...................................................................................................8
4. Atteinte au droit d'auteur..................................................................................................8
4.1 Dispositions anticontournement et systèmes électroniques d'information sur le
régime des droits ....................................................................................................8
4.2.1 Moyens de recours civils............................................................................8
4.2.2 Présomption de titularité du droit d'auteur.................................................9
4.2.3 Les ordonnances Anton Pillar....................................................................9
4.3 Délits et sanctions en cas d'atteinte au droit d'auteur (sanctions pénales) .............9
4.4 Homologation des œuvres protégées par le droit d'auteur .....................................9
4.5 Compétence des tribunaux ...................................................................................10
5. Inspection (Partie V) ......................................................................................................10
6. Domaine public (Partie VI)............................................................................................10
*
State Counsel, Section du droit d'auteur, Bureau du Procureur général (Office of the Attorney General).
e.Bulletin du droit d'auteur
Juillet-septembre 2004
7. Administration collective du droit d'auteur et des droits voisins (Partie VII) ...............11
7.1 Enregistrement .....................................................................................................11
8. Dispositions diverses......................................................................................................12
8.1 Réglementation ....................................................................................................12
8.2 Expression du folklore .........................................................................................12
8.3 Œuvres créées avant l'entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur .12
9. Résumé et conclusion.....................................................................................................12
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e.Bulletin du droit d'auteur
Juillet-septembre 2004
1. Introduction
La première loi kenyane sur le droit d'auteur, qui figure au Chapitre 130 des Lois du Kenya, a
été promulguée en 1966. Bien qu'elle ait été en vigueur pendant plus de 30 ans et malgré plusieurs
révisions importantes1, son administration et son application ne suscitent pas de remarques
particulières. Il est rare que des affaires d'atteinte au droit d'auteur aient été
portées devant les tribunaux2. Il y a pourtant eu une affaire pour laquelle les poursuites ont abouti,
le tribunal ayant accordé au plaignant, Microsoft, des dommages-intérêts pour atteinte au droit
d'auteur3. L'absence de véritables infrastructures administratives et de mécanismes d'application de
la loi a été considérée comme la principale cause de la situation dont est victime l'industrie du droit
d'auteur pour ce qui est de sa protection.
En 2001, une nouvelle loi sur le droit d'auteur a été promulguée par le Parlement après toute
une série de consultations entre le gouvernement, les différentes parties prenantes et les acteurs
économiques. Cette loi, entrée en vigueur en février 2003, a abrogé la loi de 1966 sur le droit
d'auteur. Si elle contient des dispositions de l'Accord sur les ADPIC4 et des traités de l'OMPI de
1996 5 , elle prévoit également la mise en place d'une structure administrative et de mécanismes
d'application plus efficaces.
La Loi de 2001 comprend huit parties. La Partie I contient l'interprétation et la définition des
termes utilisés et, en particulier une nouvelle définition des œuvres littéraires qui inclut les
programmes d'ordinateur ainsi que les tableaux et les compilations de données 6 . La Partie II
contient des dispositions spécifiques sur les structures administratives dans le domaine du droit
d'auteur et des droits voisins. La Partie III traite de la portée de la protection du droit d'auteur, des
conditions d'attribution de la protection, de la durée de la protection et de la nature des droits sur les
œuvres littéraires, musicales et artistiques ainsi que sur les enregistrements sonores, les émissions
de radiodiffusion et les œuvres audiovisuelles. Elle prévoit des droits moraux mais aussi
patrimoniaux. Les conséquences des atteintes au droit d'auteur sont énoncées à la Partie IV et la
1
Il y a eu trois amendements majeurs à la loi de 1966 sur le droit d'auteur. En 1975 a été introduite la protection
juridique des signaux porteurs de programmes transmis par satellite, en 1989 la protection des droits sur les
enregistrements sonores et les interprétations et exécutions et en 1995, dernier amendement important, les
programmes informatiques et les compilations de données originales ont été inclus dans la catégorie des œuvres
littéraires et artistiques.
2
Dans aucune des 13 affaires portées devant les tribunaux en 2000 il n'a été statué en faveur des plaignants
(par exemple R. contre Wilson Irungu CF 2433/2000, non publié). Plusieurs plaintes ont été rejetées pour des
raisons techniques telles que l'absence de juridiction compétente (R. contre Lucy Wanjiru CF 2438/2000,
non publié) ou le non-respect de critères officiels (v. Evelyn Mbai CF 2440/2000, non publié).
3
Microsoft contre Microskills (affaire civile n° 323 de 1999). Cette affaire a fait date au Kenya car les tribunaux
ont ainsi explicitement apprécié l'importance de la protection du droit d'auteur. Malheureusement, Microsoft n'a
pas perçu de dommages-intérêts, Microskills ayant entre-temps déposé son bilan.
4
Le Kenya est membre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et est à ce titre lié par les dispositions de
l'Accord sur Les ADPIC (Aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce).
5
Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur (WCT) et Traité de l'OMPI sur les interprétations et exécutions et les
phonogrammes (WPPT). Bien que le Kenya n'ait pas encore ratifié ces deux traités, la loi de 2001 contient les
principales dispositions de ces deux textes.
6
La section 2 de la Loi contient des définitions et des termes qui ne figuraient pas dans la loi abrogée, en
particulier des mots et expressions qui sont apparus avec les progrès de la technologie numérique et de l'Internet.
-3-
e.Bulletin du droit d'auteur
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Partie V réglemente le contrôle de ces actes. La Partie VI contient des dispositions délimitant le
domaine public. La Partie VII porte sur l'administration collective du droit d'auteur et des droits
voisins et la dernière partie inclut des dispositions diverses.
Le Copyright Board a été officiellement inauguré par le Procureur général (Attorney General)
en juillet 2003. Actuellement, il constitue un secrétariat.
2.3 Recours
La Partie II de la Loi contient aussi des dispositions relatives à la gestion des comptes, au
placement des fonds et à la rémunération des membres du Board. Ce dernier est responsable des
7
Cette instance peut poursuivre en justice et être poursuivie, elle est habilitée à acquérir des biens, à emprunter et
prêter des fonds et à s'acquitter de toute autre tâche définie par la loi ; c'est une personne morale. Il est important
de noter qu'il existe des modèles analogues au Nigéria où une loi porte création de la Nigerian Copyright
Commission (Commission nigériane pour le droit d'auteur).
*
NdT : ci-après appelée le "Board".
8
La section 5 de la Loi définit les fonctions du Kenya Copyright Board.
9
Au Ghana, il existe aussi un bureau spécifiquement chargé du droit d'auteur qui, bien que dirigé par un
administrateur du droit d'auteur, relève toujours du Ministère de la culture. Il existe au Malawi, la Copyright
Society of Malawi (COSOMA) qui s'occupe non seulement de l'administration générale du droit d'auteur et des
droits voisins mais aussi de la gestion collective de ces droits.
10
Voir les sections 11 et 12 de la Loi.
-4-
e.Bulletin du droit d'auteur
Juillet-septembre 2004
préjudices qu'il occasionne mais cette disposition ne s'applique qu'au Board en tant que personne
morale et non pas à ses membres en tant qu'individus. En cas de désaccord avec une décision du
Board, la partie lésée peut, dans un délai de 60 jours, déposer plainte auprès de l'autorité compétente
créée en vertu des dispositions de la section 48 de la Loi. Cette section, qui prévoit le droit de faire
appel de toute décision du Board, a été introduite principalement pour veiller à ce que ce dernier
n'abuse pas de ses pouvoirs.
11
Ce critère s'applique aux œuvres littéraires, artistiques et musicales ; voir section 22 (3).
12
Une disposition analogue figure à la section 1 (4) de la Loi sur le droit d'auteur du Nigéria. Au Kenya, cette
disposition figurait déjà dans la Loi précédente.
13
En conformité avec l'article 5 (2) de la Convention de Berne.
14
Cette question fait toujours l'objet de débats car le sentiment général est que l'enregistrement du droit d'auteur
contribuerait à fournir un commencement de preuve de la titularité du droit, en particulier dans les cas où celle-ci
est controversée. Avec la mise en place du dispositif de lutte contre le piratage (voir 4.4 ci-dessous),
l'enregistrement, même volontaire, sera indispensable pour assurer la réussite du système.
15
L'article 3 de la Convention universelle sur le droit d'auteur prévoit ces dispositions et n'interdit pas
l'accomplissement de formalités telles qu'enregistrement du droit d'auteur, dépôt de l'œuvre, certificats, etc. Il est
important de noter que certains pays comme les États-Unis ou le Ghana exigent l'enregistrement de l'œuvre pour
faciliter l'administration des droits bien qu'ils aient adhéré à la Convention de Berne.
16
À la section 23, on entend par "auteur" toute entité juridique ayant la personnalité morale au regard de la
législation du Kenya.
-5-
e.Bulletin du droit d'auteur
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La section 26 dispose que les auteurs d'œuvres littéraires, musicales et artistiques jouissent du
droit exclusif de contrôler la reproduction des œuvres, y compris les traductions et adaptations de
l'œuvre originale sous quelque forme matérielle que ce soit18, la distribution au public par la vente,
la location, l'importation ou tout autre arrangement commercial, ainsi que la communication de
l'œuvre au public et sa radiodiffusion.
S'agissant des enregistrements sonores, la section 28 dispose que l'auteur a le droit exclusif de
contrôler la reproduction directe ou indirecte de l'enregistrement sonore sous quelque forme
matérielle que ce soit, la diffusion au public par la vente, le prêt, la location ou toute autre
transaction commerciale analogue, l'importation au Kenya de l'enregistrement sonore et la
communication de cet enregistrement au public.
La Loi prévoit certaines exceptions et limitations à l'exercice des droits exclusifs accordés aux
auteurs et aux détenteurs de droits voisins. Celles-ci relèvent de la notion d'usage loyal20. La
section 26 traite plutôt de l'utilisation d'une œuvre à des fins pédagogiques, de l'inclusion
occasionnelle d'une œuvre dans une émission de radiodiffusion ou un film, de l'utilisation en public
d'une œuvre à des fins non lucratives, de la radiodiffusion d'œuvres destinées à des activités
pédagogiques systématiques, de l'utilisation des œuvres par les autorités publiques, les
17
À la section 2 de la Loi, l'"auteur" est défini par rapport à l'œuvre dont il est question. Ainsi, dans le cas d'une
œuvre littéraire, musicale ou artistique, l'auteur est la personne qui crée l'œuvre pour la première fois alors que
dans le cas d'un enregistrement sonore, l'auteur est réputé être la personne qui a procédé au premier
enregistrement.
18
La loi inclut dans la définition de la reproduction ses formes numériques, électroniques et éphémères ; voir
section 2.
19
La section 2 semble contredire la section 29 de la nouvelle Loi car elle exclut la radiodiffusion de la définition de
la communication au public. L'ancienne loi définissait la communication au public comme étant la représentation
ou l'exécution en direct de toute présentation visuelle ou sonore.
20
Voir sections 28 (2) et 26 (a à k) où s'appliquent respectivement les exceptions a, f, l et g, et a, f, h et k.
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bibliothèques publiques et des centres de documentation non commerciaux ainsi que de l'utilisation
d'une œuvre à des fins judiciaires à condition que le nom de l'auteur et la source soient mentionnés.
S'agissant des programmes d'ordinateur, le propriétaire légitime d'un tel programme peut
accomplir les actes ci-après sans l'autorisation de l'auteur : effectuer des copies aux fins de corriger
des erreurs, réaliser une copie de sauvegarde, utiliser la copie afin de tester l'exploitabilité du
programme et pour toute autre fin non interdite par l'accord de licence. La section 26 (5) autorise la
décompilation d'un programme. La Loi stipule clairement que toute copie réalisée en vertu des
dispositions de cette section doit être détruite une fois que l'objectif a été atteint ou que le
propriétaire cesse d'être le détenteur légal du programme.
La sous-section 3 prévoit la reproduction d'une seule copie d'un enregistrement sonore pour
un usage loyal, et introduit une taxe sur les bandes magnétiques vierges payable par les importateurs
ou fabricants de supports vierges aux producteurs de l'enregistrement sonore au point de vente
initial au Kenya. Cette disposition existait déjà à la section 9 (4) du Chapitre 130, mais elle n'a
jamais été appliquée parce que jusqu'en novembre 2003, les producteurs d'enregistrements sonores
n'avaient pas d'organe représentatif pour l'administration collective de leurs droits21. Les
dispositions de la nouvelle section prévoient que la taxe sur les bandes vierges est fixée dans le
cadre de négociations entre les producteurs d'enregistrements sonores et les fabricants et
importateurs de bandes magnétiques vierges. L'autorité compétente (Competent Authority) créée en
vertu de la section 48 de la Loi est chargée du règlement des différends.
Outre les droits moraux de l'auteur tels qu'ils sont énoncés à la section 32 de la Loi, la section
30 (5) introduit des droits moraux pour l'artiste interprète ou exécutant, conformément aux
dispositions du WPPT (WIPO Performances and Phonograms Treaty). Il s'agit notamment du droit
d'être mentionné comme tel et du droit de s'opposer à toute déformation, mutilation ou autre
modification de ces interprétations ou exécutions préjudiciables à sa réputation22. Les droits moraux
existent indépendamment des droits patrimoniaux et sont inaliénables pendant toute la vie de
l'auteur ; ils ne sont cessibles que par disposition testamentaire à la mort de l'auteur.
21
La Kenya Association of Music Producers a été créée en novembre 2003. Elle a notamment pour mission de
défendre les intérêts des producteurs d'enregistrements sonores, d'où l'intérêt pour eux de la taxe sur les bandes
magnétiques vierges.
22
Voir Article 6 bis de la Convention de Berne.
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e.Bulletin du droit d'auteur
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Il y a atteinte au droit d'auteur lorsqu'une personne autre que le titulaire du droit d'auteur, le
cessionnaire ou le preneur de licence effectue ou fait effectuer un acte visé par le droit d'auteur sans
l'autorisation du titulaire de ce droit. Sont visés les droits exclusifs sur les œuvres littéraires,
artistiques et musicales (section 26), les droits exclusifs sur les enregistrements sonores (section 28)
et les droits des organismes de radiodiffusion et des artistes interprètes ou exécutants (section 29).
Le titulaire des droits dispose de plusieurs voies pour faire cesser l'atteinte à ses droits :
En vertu de la section 35, le tribunal peut attribuer des dommages-intérêts supplémentaires s'il
estime que sans cela, le demandeur n'obtiendrait pas une réparation véritable. Toutefois, s'il estime
que le défendeur a porté atteinte aux droits de l'auteur mais qu'au moment de commettre la
23
L'homologation par le Kenya Copyright Board est une nouvelle disposition qui a été introduite pour assurer
l'authenticité de la cession car auparavant, les licences et cessions ne faisaient l'objet d'aucune vérification.
24
Section 33 (9).
25
Les paragraphes (7) à (10) de la section 33 sont nouveaux et spécifiques à la Loi kenyane sur le droit d'auteur.
26
Voir Article 18 du WPPT et Article 11 du WCT. Bien que le Kenya n'ait pas encore ratifié ces deux traités, la
Loi contient des dispositions issues de ces deux textes.
27
Article 19 du WPPT et Article 12 du WCT.
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e.Bulletin du droit d'auteur
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contrefaçon il ne savait pas et n'avait pas de sérieux motifs de croire que l'œuvre en question était
toujours protégée par le droit d'auteur, le tribunal n'ordonne pas le versement de dommages-
intérêts28.
La section 35 (8) traite de la présomption de titularité du droit d'auteur. Le droit d'auteur sur
l'œuvre est présumé subsister si le défendeur n'en conteste pas l'existence et, lorsque ce droit est
présumé ou reconnu, le demandeur, en cas d'action en justice, est présumé en être le titulaire si le
défendeur ne conteste pas cette titularité.
Les ordonnances Anton Pillar, moyen de recours civil utilisé dans le passé par les titulaires du
droit d'auteur, ont été expressément incluses dans la nouvelle Loi29. Ceci permet au titulaire du droit
d'auteur ayant des éléments de preuve qu'il a été porté atteinte à ses droits d'obtenir du tribunal qu'il
ordonne une perquisition dans les locaux où se trouve le matériel ayant servi à la contrefaçon et sa
confiscation pour éviter toute atteinte ultérieure et sauvegarder les preuves. Ce faisant, le tribunal
prend une ordonnance unilatérale. Ce moyen de recours, bien que disponible pour des actions
civiles, a rarement été utilisé en cas d'atteinte au droit d'auteur30.
28
Ces dispositions ne s'appliquent que dans le cadre de la section 35.
29
L'Article 50 de l'Accord sur les ADPIC prévoit des mesures provisoires, en particulier dans les cas où le fait de
ne pas faire cesser immédiatement la contrefaçon est de nature à causer un préjudice irréparable au demandeur.
30
En réalité, ces ordonnances ont été utilisées par Microsoft au Kenya (Microsoft contre Microskills, non publié).
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e.Bulletin du droit d'auteur
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remis en question cette disposition31. Pourtant, cette section prévoit un moyen d'assurer que les
droits des auteurs sont effectivement protégés. Elle n'introduit pas de formalité à effectuer pour
jouir de ces droits, elle ne fait que renforcer l'application du droit d'auteur.
5. Inspection (Partie V)
Comme prévu à la section 3, le Kenya Copyright Board a pour mission de faire respecter le
droit d'auteur et les droits voisins au Kenya. La Partie V de la Loi traite des inspecteurs nommés par
le Kenya Copyright Board pour assurer l'administration et l'application du droit d'auteur et des
droits voisins au Kenya.
Ces inspecteurs sont nommés par le Kenya Copyright Board et sont habilités à faire des
perquisitions dans les cas où l'on a des raisons valables de penser que des locaux sont utilisés à des
fins contraires aux dispositions de la Loi sur le droit d'auteur. La section 42 accorde aux forces de
police et aux inspecteurs le droit d'arrêter toute personne dont on a des raisons légitimes de
soupçonner qu'elle a violé les dispositions de cette loi.
• des œuvres sur lesquelles les auteurs ont renoncé à leurs droits ;
31
C'est une des questions qui a été soulevée par les États-Unis d'Amérique lorsque le Kenya a fait l'objet de
l'examen des ADPIC par l'OMC en 2001. Les États-Unis craignaient principalement que cette disposition ne soit
pas conforme à l'Article 5 (2) de la Convention de Berne et, par voie de conséquence, à l'Article 9 de l'Accord
sur les ADPIC.
32
Affaires non publiées : R contre Christine Mwangi (CF 2436/2000), R contre David Gachecho (CF 2429/2000),
R contre Lucy Wanjiru Murithi (CF 2435/2000). Ces plaintes ont été déposées devant des juridictions
subsidiaires, la Loi stipulant pourtant qu'elles ne pouvaient l'être que devant le Resident Magistrate's Court ou la
High Court. Les défendeurs étaient accusés d'atteinte au droit d'auteur sur des œuvres musicales, conformément
à la section 35 de la Loi de 1966 sur le droit d'auteur. Dans ces trois affaires, bien que l'accusation ait intenté des
poursuites à première vue légitimes, le tribunal a statué qu'il n'était pas compétent.
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Les œuvres qui sont tombées dans le domaine public peuvent être utilisées sans restriction,
sous réserve du paiement d'un droit spécifique au Ministère chargé du droit d'auteur et des droits
voisins au Kenya.
Conformément à la Partie VII de la Loi, les sociétés de gestion collective sont placées sous la
supervision du Kenya Copyright Board. Auparavant, la Loi sur le droit d'auteur ne contenait aucune
disposition à cet égard et les sociétés de perception avaient pour mandat de percevoir et de
distribuer les redevances des membres de la société de gestion collective.
7.1 Enregistrement
La section 46 (1) prévoit qu'une société de gestion collective ne peut fonctionner que si elle
dispose d'un certificat d'enregistrement auprès du Kenya Copyright Board. C'est à lui que doivent
être présentées les demandes et versées les cotisations statutaires. Une fois la demande approuvée,
le Board procède à l'enregistrement de la société de gestion collective. Une seule société de
perception est enregistrée pour la gestion collective du droit d'auteur sur une catégorie d'œuvres
particulières.
Le Procureur général35 est habilité à nommer une autorité compétente en vertu des
dispositions de la section 47 de la Loi. Cet organe est compétent pour traiter de diverses questions
ayant trait à la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins. Le nombre de membres de
l'autorité compétente est compris entre trois et cinq personnes au maximum, dont un avocat qualifié
ayant au moins sept années d'expérience, ou un haut fonctionnaire judiciaire. L'autorité compétente
propose un mécanisme de recours contre les décisions du Board ou contre la pratique d'octroi de
licences des sociétés de perception.
33
La Loi est entrée en vigueur en février 2003 mais la Music Copyright Society of Kenya avait été constituée en
1984, la Society of Performing Artists en septembre 2000 et la Reprographic Rights Society existait déjà avant
l'entrée en vigueur de la nouvelle Loi.
34
Le Copyright Board a été officiellement inauguré en juillet 2003, et ses membres ont été nommés publiquement
en mai 2003, soit trois mois après l'entrée en vigueur de la Loi.
35
Le Procureur général est actuellement le ministre chargé du droit d'auteur et des droits voisins au Kenya.
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8. Dispositions diverses
8.1 Réglementation
Le Procureur général peut prendre toutes réglementations de nature à assurer un
environnement propice à l'administration et à l'application de la Loi.
8.3 Œuvres créées avant l'entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur
Toutes les oeuvres qui étaient protégées en vertu du Chapitre 130 des Lois du Kenya et dont
la durée de protection n'avait pas expiré à l'entrée en vigueur de la Loi de 2001 sur le droit d'auteur
bénéficient de la protection de la nouvelle Loi. Celle-ci ne concerne pas les contrats ou accords
conclus avant son entrée en vigueur.
De fait, la section 52 abroge la partie du Chapitre 130 des Lois du Kenya relative à la Loi sur
le droit d'auteur.
9. Résumé et conclusion
La Loi de 2001 sur le droit d'auteur contient diverses dispositions de conventions et traités
internationaux récents tels que l'Accord sur les ADPIC, le WPPT et le WCT. Les principales
caractéristiques de la nouvelle Loi sur le droit d'auteur sont les suivantes :
• création d'un organe administratif, le Kenya Copyright Board, qui reprend les fonctions
du Copyright Office au département du Registrar General ;
• mise en place d'un dispositif de protection contre le piratage ;
• enregistrement et supervision des sociétés de gestion collective au Kenya ;
• nomination de procureurs et d'inspecteurs qui traitent des atteintes au droit d'auteur et
contribuent à faire respecter les droits que la Loi protège ;
• aggravation des sanctions pénales et introduction spécifique des ordonnances Anton
Pillar conformément aux dispositions de la Partie III de l'Accord sur les ADPIC. Les
amendes infligées en cas d'atteinte au droit d'auteur devraient toutefois être plus
dissuasives. Les voies de recours devraient notamment inclure la saisie et la destruction
des biens et dispositifs contrefaits ;
• protection des systèmes de gestion des droits et mise en place de mesures de protection
techniques.
La Loi de 2001 sur le droit d'auteur constitue assurément un pas dans la bonne direction.
Néanmoins on ne pourra juger de sa réussite que si elle est effectivement appliquée ; une bonne loi
sans dispositif d'application approprié n'a pas d'utilité pour ceux qu'elle est censée protéger. Outre
cette nouvelle loi, il est nécessaire que le Kenya dispose de mécanismes puissants de lutte contre le
piratage, que la population soit bien informée des questions de droit d'auteur et de droits voisins,
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e.Bulletin du droit d'auteur
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que les sociétés de gestion collective soient puissantes et efficaces et qu'il existe une infrastructure
administrative fonctionnelle36.
La section 22 (4) est particulièrement intéressante en ce sens qu’une œuvre ne pourra pas être
considérée comme se voir refuser la protection du droit d’auteur si le seul motif invoqué est que sa
fabrication ou tout acte y relatif constitue une atteinte au droit d'auteur sur une autre œuvre
36
Bien que le Board ait été officiellement créé en juillet de la même année, il n'a pas encore commencé à
fonctionner. En attendant, c'est le Copyright Office qui remplit ses fonctions.
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e-Bulletin du droit d’auteur
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DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES
JURISPRUDENCE
CANADA
Droit d’auteur – Demande que les fournisseurs de services Internet soient contraints au
versement de redevances – Antémémoire – Extraterritorialité de la Loi canadienne sur le droit
d’auteur
La Loi sur le droit d’auteur peut s’appliquer chaque fois qu'une télécommunication a un
lien réel et substantiel avec le Canada et pas uniquement lorsqu'une communication
Internet provient d'un serveur hôte se trouvant au Canada.
L'alinéa 2.4 (1) (b) de la Loi canadienne sur le droit d'auteur dispose que le participant à
une télécommunication qui ne fait que fournir « les moyens de télécommunication
nécessaires » n'est pas réputé en être l'auteur. L'intermédiaire Internet qui ne se livre pas à
une activité touchant au contenu de la communication, mais qui se contente d'être « un
agent » permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l'application de l'al. 2.4 (1) (b).
La « mise en antémémoire » est dictée par la nécessité d'offrir un service plus rapide et plus
économique. Elle ne devrait pas constituer une violation du droit d'auteur lorsqu'elle a lieu
uniquement pour de telles raisons techniques et bénéficie donc de la protection prévue à
l'al. 2.4(1) (b).
Décision de la Cour suprême du Canada, 30 juin 2004 (Extraits tirés du résumé de la décision de
la Cour suprême du Canada)
Faits :
La défenderesse, la SOCAN, est une société de gestion Canadienne qui gère les droits d’auteur
sur les œuvres musicales de ses membres canadiens et des membres étrangers de sociétés
homologues. Elle veut percevoir des redevances auprès des fournisseurs de services Internet
situés au Canada parce que, selon elle, ils violeraient le droit exclusif conféré par la loi au
titulaire du droit d'auteur de communiquer l’œuvre au public par télécommunication et d'autoriser
une telle communication. Les appelantes représentent une vaste coalition de fournisseurs
canadiens de services Internet. Elles font valoir qu'elles ne « communiquent » pas d’œuvres
musicales ni n'« autorisent » leur communication puisqu'elles ne sont que des agents et ne
réglementent pas le contenu des communications Internet qu'elles transmettent.
En 1988, le Parlement a ajouté à la Loi sur le droit d'auteur la disposition antérieure à l'actuel
al. 2.4 (1) (b) prévoyant que la personne qui ne fait que fournir « à un tiers les moyens de
télécommunication nécessaires pour que celui-ci effectue [une communication] » n'est pas elle-
même partie à une communication illicite.
Décision :
[...] En ce qui concerne l'Internet, le facteur de rattachement pertinent est le situs du fournisseur
de contenu, du serveur hôte, des intermédiaires et de l'utilisateur final. L'importance à accorder à
l'un d'eux en particulier varie selon les circonstances de l'affaire et la nature du litige. La
conclusion selon laquelle le Canada pourrait exercer sa compétence en matière de droits d'auteur
à l'égard tant des transmissions effectuées sur son territoire national que de celles provenant de
l'étranger est conforme non seulement à notre droit général, mais aussi aux pratiques nationales et
internationales en la matière.
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e-Bulletin du droit d’auteur
juillet -septembre 2004
2. « Communication » au sens de l’article 2.4 (1) (b) de la Loi canadienne sur le droit
d’auteur
[...] L'alinéa 2.4 (1) (b) de la Loi sur le droit d'auteur dispose que le participant à une
télécommunication qui ne fait que fournir « les moyens de télécommunication nécessaires » n'est
pas réputé en être l'auteur. Cette disposition n'est pas une échappatoire, mais un élément
important de l'équilibre établi par le régime législatif en cause. Il faut interpréter les termes
qu'elle emploie dans leur sens ordinaire et grammatical, selon le contexte. Dans le contexte
considéré, un moyen est « nécessaire » s'il est raisonnablement utile et approprié pour l'obtention
des avantages que sont une économie et une efficacité accrues. Les « moyens » englobent tous les
logiciels de connexion, les services assurant la connectivité, les installations et services offrant
l'hébergement sans lesquels la communication n'aurait pas lieu. L'intermédiaire Internet qui ne se
livre pas à une activité touchant au contenu de la communication, mais qui se contente d'être « un
agent » permettant à autrui de communiquer, bénéficie de l'application de l'alinéa 2.4 (1) (b). Ce
qui caractérise entre autres un tel « agent » c'est l'ignorance du contenu attentatoire et
l'impossibilité (tant sur le plan technique que financier) de surveiller la quantité énorme de
fichiers circulant sur l'Internet.
[...] L'antémémoire n'a aucune incidence sur le contenu et, au vu de l'al. 2.4 (1) (b) de la Loi, elle
ne devrait avoir aucun effet juridique sur la communication intervenant entre le fournisseur de
contenu et l'utilisateur final.
Le fait qu'un fournisseur de services Internet sache que quelqu'un pourrait violer le droit d'auteur
grâce à une technologie sans incidence sur le contenu n'équivaut pas nécessairement à autoriser
cette violation, car il faut démontrer que l'intéressé a approuvé, sanctionné, permis, favorisé ou
encouragé le comportement illicite. L'omission de retirer un contenu illicite après avoir été avisé
de sa présence peut, dans certains cas, être considérée comme une « autorisation ». Celle-ci peut
parfois être inférée, mais tout dépend des faits.
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DEVELOPPEMENTS JURIDIQUES
La piraterie des œuvres musicales sur Internet étant de plus en plus répandue,
plusieurs acteurs de l’industrie musicale tentent de mettre en place des mesures et des
outils pour enrayer le problème. Cependant, la lutte contre la piraterie des œuvres
musicales ne peut se faire sans la sensibilisation et la participation de l’ensemble de la
population, des fournisseurs d’accès Internet, des entreprises privées et bien sûr des
autorités publiques.
Dans ce but, la France s’est donc dotée, le 28 juillet dernier, d’une charte
d’engagement pour le développement de l’offre légale de musique en ligne, de la
propriété intellectuelle et la lutte contre la piraterie numérique*. Cette entente, parrainée
par le gouvernement français, comporte un certain nombre de clauses visant les
fournisseurs d’accès, les ayants droit, les producteurs et les plates-formes de distribution
en ligne qui, ensemble, s’engagent à collaborer avec les pouvoirs publics pour mener à
bien la lutte contre la piraterie sur Internet, promouvoir des actions de prévention et de
sensibilisation, mais également améliorer l’offre légale.
*
Voir le texte de la charte sur le site du Ministère de l’économie, des finances et de l’industrie.
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juillet-septembre 2004
La France est le premier pays à disposer d’une charte entre fournisseurs d’accès et
professionnels de la musique pour lutter contre le piratage. Il sera donc intéressant de
regarder les répercussions de cette charte et de voir si d’autres pays vont lui emboîter le
pas et suivre son exemple.
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ACTIVITES DE L’UNESCO
C’est dans ce cadre que se sont tenues à l’UNESCO plusieurs réunions d’experts
dont la première tâche fut d’entamer une réflexion préliminaire pour mener
éventuellement à la rédaction d’un canevas d’avant-projet. La première réunion du
groupe d’experts s’est tenue le 17 décembre 2003. Elle visait cinq axes majeurs de la
future convention: ses objectifs; la définition et le champ d’application de la protection de
la diversité culturelle et des expressions artistiques; les relations de la future convention
avec d’autres instruments internationaux, en particulier l’Accord général sur le commerce
des services (AGCS) et l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui
touchent au commerce (ADPIC) de l’Organisation mondiale du commerce (OMC); les
mécanismes de la coopération et l’assistance internationale; et enfin les mécanismes de
suivi devant servir de base à son application.
diversité culturelle qui aurait pour mission de collecter, analyser et diffuser toute
information pertinente sur la diversité des expressions culturelles, ainsi que de constituer
une banque de données des bonnes pratiques pour la protection et la promotion de celle-
ci. Les mécanismes de suivi et de règlement des différends ont été affinés.
C’est donc au terme de cette première étape qu’a pu débuter la deuxième phase du
projet : celle des réunions d’experts gouvernementaux. La première réunion d’experts
gouvernementaux sur l’avant-projet de Convention sur la diversité des contenus culturels
et des expressions artistiques s’est tenue du 20 au 24 septembre. Elle a rassemblé environ
600 participants représentant 132 Etats membres, 9 organisations intergouvernementales
et 20 organisations non gouvernementales.
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SELECTION D’OUVRAGES
The Economics of Copyright. Edité par Wendy J. Gordon et Richard Watt. Edward Elgar
Publishing, Cheltenham, UK, 2003, 206 pp. Cet ouvrage contient une sélection des
études les plus intéressantes présentées au Congrès annuel de la SERCI qui s’est tenu à
Madrid (Espagne) en 2002. La SERCI (Society for Economic Research on Copyright
Issues) [Société pour la recherche économique en matière de droits d’auteur], a été créée
en 2001. Son objectif principal est de servir de plate-forme académique pour lancer et
approfondir le débat scientifique sur le droit d’auteur, d’un point de vue économique, en
vue d’améliorer l’efficacité de la gestion des droits d’auteur.
L’ouvrage est composé de 10 chapitres dans lesquelles les études ont été regroupées
autour de 4 thèmes principaux. Les trois premiers chapitres sont consacrés à l’aspect
économique du droit d’auteur en général et plus particulièrement, à l’analyse de l’impact
des nouvelles technologies sur cet aspect économique d’un point de vue historique, par
comparaison avec les effets des avancées technologiques survenues dans les années 70 et
80.
Le deuxième thème, est consacré, dans les chapitres 4 à 6, aux relations contractuelles
entre les créateurs et les distributeurs. Partant du principe que la protection du droit
d’auteur est une conditio sine qua non pour la stimulation de la créativité et un instrument
fondamental de la politique culturelle, les auteurs analysent ici les différentes façons
d’augmenter les revenus des créateurs. Ces chapitres présentent également une étude
intéressante sur les nouveaux défis auxquels doit faire face l’industrie musicale, dans le
« monde après Napster ».