Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l’Ingénieur JNGG2012–Bordeaux 4-6 juillet 2012

DISPOSITIF TRIAXIAL POUR LES SOLS NON SATURES AVEC MESURES

LOCALES DE LA DEFORMATION, LA SUCCION ET LA TENEUR EN EAU

TRIAXIAL DEVICE FOR UNSATURATED SOILS WITH COMPLETE LOCAL

MONITORING

José MUNOZ-CASTEBLANCO1,2, Pierre DELAGE1, Jean-Michel PEREIRA1, Yu-Jun CUI1

1 Ecole des Ponts ParisTech, Champs-sur-Marne, France

2 Maintenant chez Cathie Associates, Nanterre, France

RÉSUMÉ — Le suivi local complet de l’état d’un échantillon de sol non saturé pendant
un chargement triaxial est rendu possible pour la première fois grâce au
développement d’un nouveau système de mesures locales comprenant la teneur en
eau (sonde de résistivité électrique), la succion (tensiomètre haute capacité
CERMES – 500 kPa) et les déformations axiale et radiale (capteurs à effet Hall). Afin
de tester le système, deux essais triaxiaux ont été réalisés sur des échantillons de
lœss intact (prélevés à 3,3 m de profondeur). L’état de contraintes in situ a été
reproduit au triaxial grâce à un chargement anisotrope suivant un chemin de
contrainte K0 (déformation latérale maintenue nulle). Ces essais, les premiers à notre
connaissance avec une caractérisation complète de l’état d’un sol intact non saturé,
ont montré la bonne qualité des résultats et la précision et la fiabilité du dispositif.

ABSTRACT — To provide a complete local monitoring of the state of an unsaturated

soil sample during triaxial testing, a local water content measurement device was
adapted to a triaxial device comprising the measurement of local displacements (Hall
effect transducers) and suction (High capacity transducer). Water content was locally
monitored by means of a local resistivity probe. Two triaxial tests were carried out on
loess specimens (from 3.3m in depth) from Northern France with this device at low
stresses in the range of in-situ stresses. The in-situ stress state was reproduced by
mean of a K0 stress path (keeping lateral strain to zero). Results showed good quality
and provided some preliminary behavior characteristics of a natural unsaturated
loess, a type of material rarely tested up to now in the literature. They also showed
the device quality and reliability.
1. Introduction
Plusieurs systèmes triaxiaux pour sols non saturés ont été développés ces dernières
années, notamment des appareils qui mesurent ou contrôlent la succion de
l’échantillon (Bishop & Donald 1961, Delage et al. 1987, Cui and Delage 1996, Blatz
et Graham 2000, Chávez et al. 2009, Verbrugge 1978, Tang et al. 2002, Thom et al.
2008, Colmenares and Ridley 2002, Meilani et al. 2002 et Jotisankasa et al. 2007).
Pour les sols non saturés, les changements de degré de saturation sont couplés
avec les variations du volume et de la teneur en eau volumique de l’échantillon. Un

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système triaxial idéal permettrait de suivre en même temps les variations de volume
et de teneur en eau. Dans ce travail. Un nouveau système triaxial est présenté,
permettant la mesure locale des déformations, de la succion et de la teneur en eau.
Ce dispositif permet de mieux étudier le comportement hydromécanique d’un sol
naturel non saturé.

2. Sol utilisé
Le sol étudié est un lœss naturel intact provenant du Nord de la France. Dans cette
zone, il existe des extensions considérables de dépôts lœssiques d’origine
périglaciaire (période Quaternaire). Ces dépôts se sont formés par transport aérien
de particules de limon, provenant de l’érosion produite par des vents de direction
Nord-Ouest (Antoine 2002, 2003). Ce lœss, relativement homogène, a un indice de
plasticité faible et une structure ouverte. Ces caractéristiques expliquent la sensibilité
du lœss à s’effondrer lorsqu’il est exposé à des pluies intenses ou à la rupture
accidentelle de canalisations d’eau existantes (Cui et al. 2004, Delage et al. 2005,
Yang et al. 2008).
Des échantillons de bonne qualité ont été taillés à la main à partir de blocs cubiques
(30 cm de côté) extraits manuellement à 3,3m de profondeur. Les propriétés
géotechniques des échantillons utilisées pour deux tests de faisabilité sont
présentées dans le Tableau 1. L’effondrement dû au remouillage mesuré sous la
contrainte verticale in situ est présenté, montrant la sensibilité de ce lœss aux
changements de conditions hydriques.

Tableau 1. Caractéristiques géotechniques du Loess de Bapaume

Profondeur 3,3 m Test 1 3,3 m Test 2

Teneur en eau, w (%) 17,9 17,0
Indice des vides e 0,60 0,60
Masse volumique sèche d (Mg/m3) 1,67 1,67
Degré de saturation Sr (%) 80 76
Succion (HTC) (kPa) 48 49
Pourcentage d’argiles (% < 2 m) 25 25
Limite de plasticité wp 21 21
Limite de liquidité wl 30 30
Indice de plasticité Ip 9 9
Teneur en carbonates (%) 5 5
Contrainte vertical effective in situ ’v0 (kPa) 36 36
Effondrement (%) sous ’v0 6,3 6,3
3. Appareil triaxial
Une cellule triaxiale (Figure 1) a été modifiée afin de tester des échantillons de
50 mm de diamètre et 100 mm de hauteur. Les mesures de déformation locale ont
été réalisées avec un système de capteurs à effet Hall (deux axiaux, un radial),
installés à mi-hauteur de l’échantillon. Les déformations locales ont été comparées à
la déformation globale mesurée par un dispositif LVDT (transducteur de déplacement

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axial). La succion locale a été mesurée à mi-hauteur de l’échantillon avec un

tensiomètre miniature (diamètre 5 mm) de haute capacité (500 kPa) (Chiu et al.
2002). La teneur en eau a été estimée à partir des mesures de résistivité électrique
réalisées avec une sonde, comprenant quatre électrodes (deux d’entrée de courant
et deux de sortie), construite au laboratoire CERMES (Munoz-Castelblanco et al.
2012).

Figure 1 . Cellule triaxiale modifiée

La pression d’air (maximum 1 MPa) est régulée par un conditionneur contrôlé par
ordinateur. La pression de confinement est appliquée à l’aide d’une cellule d’interface
air / huile, afin de transformer la pression d’air en pression dans le liquide de
remplissage de la cellule (huile). De l’huile a été utilisée afin d’éviter la corrosion des
capteurs attachés à l’échantillon. La pression dans le fluide est mesurée avec un
capteur de pression ayant une capacité de 500 kPa. L’embase métallique de la
cellule a été adaptée pour recevoir une série de câbles qui servent à relier les
capteurs au système d’acquisition. La cellule consiste en un cylindre de Plexiglass et
des plateaux supérieur et inférieur. Le plateau supérieur héberge une valve afin
d’appliquer la pression de confinement.

4. Mesure locale de la succion

Un tensiomètre miniature de haute capacité (HTC) a été utilisé afin de mesurer la
succion à mi-hauteur de l’échantillon (Meilani et al. 2002, Colmenares & Ridley
2002). Comme montré sur la Figure 1, le HTC (Ridley et Burland 1993) (élément n°
13) est un tensiomètre à jauge de déformation intégrée (Tarantino 2004, Delage et
al. 2008) de diamètre 6,4 mm. Les jauges de déformation sont collées à une
membrane métallique, séparée de la pierre poreuse par un compartiment de 0,1m
d’épaisseur rempli d’eau. La pierre poreuse céramique a une haute valeur d’entrée

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d’air (500 kPa), un diamètre 5,7 mm et une hauteur de 1,6 mm (disc céramique
Druck PDCR-81). Le HTC permet la mesure des succions de 0 à 400 kPa. Comme
suggéré par Tarantino et Mongiovi (2001), le HTC doit être saturé initialement sous
une pression d’eau (700 kPa) supérieure à la valeur d’entrée d’air de la pierre
poreuse (500 kPa) afin de minimiser la présence de bulles d’air à l’intérieur du
système. Après chaque cycle de cavitation et de manière régulière (toutes les deux
semaines), le tensiomètre doit être soumis de nouveau à 700 kPa de pression d’eau
afin de re-saturer le système. La réalisation de cycles cavitation-saturation améliore
la performance du dispositif (Tarantino et Mongiovi, 2001 ; Chiu et al. 2002 ; Mantho,
2005).
Le tensiomètre est fixé au contact de l’échantillon au travers de la membrane par un
système d’attache composé d’un bouchon en silicone, d’élastiques et de colle
industrielle afin d’assurer l’étanchéité de l’ensemble. Une fine couche de sol mouillé
est appliquée sur la céramique afin d’éviter la cavitation pendant la phase
d’installation.

5. Mesure locale de la teneur en eau

Une sonde de résistivité électrique a été développée au laboratoire CERMES
(Munoz-Castelblanco et al. 2012) afin de mesurer la teneur en eau à mi-hauteur de
l’échantillon. Ce dispositif a été inspiré du concept des deux électrodes annulaire
concentriques développé par Maryniak et al. (2003). La sonde développée est
composée de quatre électrodes circulaires de diamètre 1.5 mm disposées dans une
grille carré (distance entre électrodes 6 mm). Les électrodes sont isolées
électriquement par un matériau hydrophobe et diélectrique (résine époxy Araldite
2012). Comme montré sur la Figure 1, la sonde (élément 16) est attachée à
l’éprouvette à l’opposé de l’emplacement du tensiomètre.
La sonde comprend deux cathodes et deux anodes. Les cathodes sont alimentées
par une source de tension de 10 V. Le courant électrique traverse le sol et les deux
anodes reçoivent le signal. La résistivité du sol est calculée à partir des valeurs de
tension et d’intensité du courant de sortie. La teneur en eau est calculée à partir
d’une courbe d’étalonnage reliant les variations de la résistivité et de teneur en eau.
D’après la bibliographie, il existe une bonne corrélation entre les variations de teneur
en eau et de résistivité (McCarter 1984, Fukue et al. 1999, Chen et al. 2007, Kalinski
& Kelly 1993). La courbe d’étalonnage du lœss utilisé pour tester l’appareil triaxial
ainsi qu’une discussion sur la relation entre la teneur en eau et la résistivité dans ce
sol sont présentées dans les travaux de Munoz-Castelblanco et al. (2012).

6. Procédure expérimentale
Après taillage, les éprouvettes ont été pesées et mesurées afin de déterminer leur
état initial. A l’état initial (correspondant à la condition in situ), la teneur en eau est
environ 18% et la succion de 50 kPa. L’échantillon est ensuite introduit dans la
cellule triaxiale et protégé par une membrane en latex. Des marques sont
préalablement réalisées sur la membrane afin de bien positionner les différents

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capteurs à mi-hauteur. Puis les capteurs sont installés à l’aide de silicone, de colle et
de bandeaux élastiques. Les capteurs sont légers (70 g) et sont amplement
supportés par la rigidité de l’ensemble sol-membrane.
Une fois tous les capteurs installés, la cellule est fermée, puis remplie avec de l’huile
de silicone. Ensuite, le capteur externe LVDT est installé. Les conduits de drainage
sont plongés dans un récipient ouvert avec de l’eau afin d’éviter le séchage de
l’échantillon et maintenir sa teneur en eau constante. Une fois que la procédure de
chargement est terminée les dispositifs et la membrane sont retirés doucement afin
de ne pas altérer l’état final de l’échantillon. Des mesures du poids et du volume
finaux sont finalement réalisées.

7. Essais de cisaillement sur les échantillons de lœss

Deux essais à des conditions similaires ont été réalisés afin de vérifier la répétabilité
et la qualité des mesures. Les résultats sont présentés sur la Figure 2 en termes de
déviateur des contraintes q, des déformations volumique v et radiale 3, de la
succion s et de la teneur en eau w en fonction de la déformation axiale locale 1 du
côté droit de la figure. Les mêmes données sont présentées en fonction de la
contrainte moyenne nette p – ua du côté gauche de la figure.
Le chemin des contraintes appliquées est présenté en haut à gauche de la figure.
Les échantillons ont été remis à l’état de contraintes in situ (v – ua = 65 kPa) par un
chemin K0, où les déformations latérales ont été restreintes (regarder la courbe 3/1
versus p - ua dans la figure), en variant progressivement le déviateur. Cette
procédure a été réalisée par asservissement par ordinateur. Une valeur K0 de 0,38 a
été observée. Les chemins de contrainte sont très similaires pour les deux tests. Il
faut noter que le changement de volume a été minime pendant ce chargement en
chemin K0.
Des tests de cisaillement standard (pression de confinement constante de 25 kPa)
ont été réalisés à partir de l’état in situ. Les courbes (1, q) montrent un déviateur à la
limite élastique d’environ 150 kPa. Cette valeur est éloignée des contraintes à l’état
in situ, ce qui montre les effets combinés de la microstructure et de la succion sur le
comportement du lœss en état non saturé (Gens et Nova 1993, Cui et Delage 1996),
le rendant plus résistant. Les changements de volume sont très faibles avant la
rupture ce qui confirme la rigidification du matériau en condition non saturée.
Les variations de la teneur en eau mesurés localement sont présentées en bas de la
figure avec les mesures initiale et finale réalisées directement sur l’échantillon. Une
bonne correspondance entre les mesures réalisées est observée. Bien qu’il existe
quelques variations de la succion mesurée localement, la succion reste à peu près
constante sachant que la précision du capteur est de l’ordre de ±5 kPa.

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Figure 2 . Essais triaxiaux sur deux échantillons prélevés à 3,3 m de profondeur d’un
site près de la ville de Bapaume, France. Essais de cisaillement réalisés à la teneur
en eau in situ (17%), partant de l’état de contraintes in situ.

8. Conclusions
Un nouveau dispositif triaxial pour les sols non saturés avec un suivi complet de l’état
local de l’échantillon est présenté. Le système permet la mesure locale de la teneur
en eau, de la succion et des déformations axiales et radiales pendant le chargement.
Ce dispositif a été testé avec deux échantillons de lœss provenant du Nord de la
France, ayant des caractéristiques spéciales comme une sensibilité à l’effondrement,
de la cimentation entre les grains de limon (due à la présence de carbonates) et sa
condition in situ non saturée.
Deux tests de chargement triaxial ont été réalisés sur les échantillons de lœss
montrant :

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- Une bonne répétabilité de l’ensemble des mesures faites.

- La possibilité d’appliquer des chemins de contrainte complexes.
- Le comportement raide et structuré des échantillons de lœss dû à sa condition
non saturée et à sa microstructure.
- L’augmentation de la résistance et de la rigidité dû à l’augmentation de de la
succion dans l’état non saturé.
Ce dispositif permet d’étudier le comportement hydromécanique des sols naturels et
artificiels en condition non saturée soumis à différentes chemins de contrainte. Il est
aussi adapté à l’exécution de processus d’humidification et de séchage pendant le
chargement afin d’évaluer autres phénomènes particuliers comme l’hystérésis
hydraulique, les effets de la succion ou l’influence de la structure, entre autres.

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