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Prof. MAANINOU A.
Il est admis que les firmes multinationales (FMN) jouent un rôle central dans la dynamique de
la mondialisation. De par leurs stratégies, ces acteurs façonnent le paysage socio-économique
à l’échelle mondiale en mettant en concurrence les territoires et les filiales. Elles déploient à
cet égard des stratégies qualifiées par Andreff de globales. Ces stratégies sont complexes,
évolutives et composites. Elles évoluent en effet sous l’influence de facteurs multiples :
économique, géopolitique, institutionnel, technologique…, et se matérialisent par un essor
sans précédant des IDE dont l’importance de plus en plus grandissante affecte le commerce
international, y compris le commerce intra-firme qui conduit à la décomposition des processus
de production au niveau international, ce qui n’est pas sans incidences sur l’attractivité des
territoires, le choix des implantations de ces firmes et des processus de multinationalisation
mis en œuvre par ces acteurs.
Ainsi, le nombre des FMN s’élève à 82000 en 2008, contre 37000 au début des années 1990.
Quant à au nombre de leurs filiales, il est passé, pour la même période, de moins de 70000 à
8100000, et leurs ventes représentent près de 30 milliards de dollars, contre 19 milliards de
dollars.
Ces stratégies évoluent donc et risquent de nourrir dans l’avenir des changements. Dans ce
sillage, les préoccupations écologiques et environnementales sont de nature à inciter les
firmes à changer de comportement, et donc à miser davantage sur l’innovation afin d’être en
phase avec la transition énergétique. De même, face au chômage et ses corollaires, les
pouvoirs politiques, notamment au niveau de la Triade, prônent, ouvertement ou de manière
feutrée, le retour à l’interventionnisme, par le biais la politique industrielle par exemple, sinon
ont recours, de façon larvée ou non, au (néo)-protectionnisme. L’épreuve de la crise sanitaire
en cours serait aussi porteuse de changements, des FMN seraient ainsi tentées par la
relocalisation. Par ailleurs, depuis plus d’une décennie, de nouveaux acteurs émergents
descendent dans l’arène : les FMN chinoises, indiennes, brésiliennes…. Elles risquent de
jouer dans les années à venir les « trouble-fête ». Ces acteurs sont actifs. Ils ne se contentent
plus de produire et de commercialiser des produits et des services banals. Ils proposent
-2-
désormais des marchandises à haute valeur ajoutée et « mettent le paquet » sur la R&D. La
montée en puissance de ces acteurs risquerait donc de conduire à une « redistribution des
cartes » dans certains secteurs. En tous les cas, elle serait de nature à avoir des conséquences
sur le commerce international.
Le premier axe consiste à avancer des définitions de quelques notions de base (firme
multinationale, stratégie…). Il importe ensuite de recourir à une sorte de typologie des
stratégies des FMN. Il ne s’agit pas d’une taxinomie exhaustive. Ce qui compte à ce niveau,
c’est de s’arrêter sur quelques stratégies qui forment l’ossature de leur déploiement au niveau
international. Une sélection s’impose donc. Il s’agit ainsi des stratégies de : réduction des
coûts, délocalisation, innovation, impartition, croissance externe, partenariat industriel
(désintégration verticale versus intégration verticale).
L’axe suivant vise à présenter et discuter un certain nombre de travaux de factures théorique
et analytique qui portent sur l’internalisation des FMN, en particulier ceux de Vernon, Porter,
Andreff et Dunning, et à en tirer un certain nombre d’enseignements.
Le troisième axe permet de comprendre comment et pourquoi les FMN sont passées des
stratégies multidomestiques (propres aux « Trente glorieuses ») aux stratégies globales (post-
1980). Il présente à cet égard et à grands traits les changements économiques, financiers
institutionnels, technologiques… qui sont au cœur de cette mutation Dans cette perspective,
on peut citer : la globalisation financière, la libéralisation des échanges, la constitution ou le
renforcement de blocs régionaux, le développement d’une « nouvelle économie » centrée sur
les TIC, la diminution des coûts de transport, la ruée vers de nouveaux espaces (Chine,
Inde…) et l’émergence de nouveaux acteurs non triadiques.
Le dernier axe s’attache à présenter des éclairages sur l’arrivée des FMN émergentes, de
déceler les caractéristiques et les motivations qui les gouvernent et à discuter leurs points forts
et leurs points faibles.
Plan
Bibliographie sélective
Colovic A., Mayrhofer U., « Les stratégies de localisation des firmes multinationales », Revue
française de gestion, n°184, 2008.
Dockès P. (sous la direction de) : Ordre et désordres dans l’économie-monde, Paris, PUF,
2002.
Jaffrelot C. (sous la direction de), L’enjeu mondial. Les pays émergents, Paris, Sciences-Po,
2008.
Gauchon P., Hamon D. Mauras A., La triade dans la nouvelle économie mondiale, PUF,
2002.
Rainelli M., Les stratégies des entreprises face à la mondialisation, Paris, Ed. Management,
2000.
Vercueil J., Les pays émergents. Mutations économiques et nouveaux défis, Paris, Bréal,
2010.
-4-
Document de travail
-la stratégie engage l’entreprise pour une durée longue, l’horizon temporel est donc le moyen
et long terme ;
-elle ne fixe pas uniquement les principaux objectifs, mais également les moyens nécessaires
pour les atteindre (management tactique), car une nouvelle stratégie peut solliciter de
nouvelles machines, d’autres modes d’organisation, la formation du personnel, l’utilisation de
nouvelles sources énergétiques ou de nouveaux matériaux, le recours à de nouveaux
fournisseurs ou équipementiers…
-elle concerne l’ensemble de la firme, et non un département donné ou une fonction de
l’entreprise ;
-elle est souvent irréversible : une fois engagée, la firme aurait du mal à revenir en arrière,
c’est pour cette raison que sa conception et sa mise en place ne se font pas à la va-vite. Elles
exigent du temps, la collecte et le traitement de moult informations, une analyse rigoureuse
des environnements de la firme, de ce que font les concurrents, les attentes des clients,
l’évolution de la législation, etc.
Les stratégies déployées par les firmes sont multiples. Elles différent selon l’activité de
l’entreprise (Total versus Carrefour, par exemple), la cible marchande (niche, créneau,
segment), la spécialisation ou la diversification, la dimension du domaine d’activité
(nationale, régionale (UE par exemple), internationale, etc. Pour notre part, nous retenons les
stratégies suivantes :
-la stratégie de réduction des coûts : c’est une stratégie générique qui consiste à réduire les
coûts, afin d’augmenter la productivité et de baisser les prix. La réalisation des économies
d’échelle est donc tout à fait importante pour aller dans cette direction. Elle repose largement
sur les effets d’apprentissage. Mais pour réduire les coûts, la FMN peut jouer sur plusieurs
tableaux : - la chasse continue aux gaspillages avec comme ligne de mire l’optimisation des
flux de production : à ce titre, il s’agit de la suppression des productions défectueuses (zéro
défaut), l’élimination des attentes (temps morts), la suppression des pannes, des stocks…., -
l’implantation de filiales dans des pays où les salaires sont bas…
-la stratégie d’impartition ou de coopération : il s’agit d’une coopération entre deux, sinon
plus, entreprises qui ont la même activité, ou des activités complémentaires ou qui
appartiennent à des secteurs différents. Il n’existe donc pas uniquement de la concurrence,
mais aussi de la coopération dans des divers domaines. Exemples (fictifs) : Toyota et Fiat
coopèrent pour mettre au point un moteur plus économe. Toyota et Delphi (équipementier)
coopèrent pour inventer un nouveau système de câblage pour voiture. Toyota et Saint-Gobain
-5-
(chimie) coopèrent pour mettre au point des matériaux composites qui entrent dans la
fabrication de la carrosserie, du tableau de bord, etc.
Cette coopération n’affecte pas le statut juridique de chaque partenaire, ni son autonomie au
niveau de la prise de décision. Chacun mobilise une partie de ses ressources, pour une durée
déterminée. Cette coopération concerne souvent la R&D, car cette dernière exige des fonds
parfois colossaux, elle est risquée, elle peut prendre du temps… Les deux entités ont donc
intérêt à créer une synergie, à faire jouer leur complémentarité afin de réduire le risque, à
mutualiser leur dépense…et à éviter une rivalité coûteuse. Ce type de stratégie concerne
d’autres domaines comme la production, la logistique, etc.
-stratégie de délocalisation : ici, une entreprise ferme une usine dans son pays d’origine et
ouvre une autre (filiale) dans un autre pays. On distingue entre la délocalisation absolue (on
ferme deux usines dans le pays d’origine et ouvre d’autres autres dans un autre pays) et la
délocalisation relative (on ferme un seul site dans le pays d’origine (on garde donc un) et on
ouvre un site dans un autre pays). La délocalisation consiste ainsi à créer une filiale à
l’étranger. Les déterminants et les impacts de ce genre de stratégie figurent dans le tableau qui
suit.
Dans le second cas, c’est le contraire. La firme intervient dans ce processus de manière
limitée. Le recours aux équipementiers ou fournisseurs (de premier rang) est donc quasi
systématique. Elle revient, comme on dit, à son métier de base, et n’internalise qu’un nombre
réduit d’opérations. Elle opte donc pour le « faire faire », alors que dans le premier cas, elle
opte plutôt pour le « faire ».
-stratégie de croissance. Ici, deux principales configurations sont possibles, croissance interne
versus croissance externe. Dans la première, la firme grandit moyennant l’utilisation de ses
propres ressources : achat du terrain, construction de l’usine, installation des machines,
embauche du personnel…Dans la seconde, elle grandit par le biais de l’achat ou l’acquisition
(totale ou partielle) de la propriété et du contrôle d’une entreprise qui existe et fonctionne
déjà. Les modalités de la croissance externe sont diverses : absorption, fusion, prise de
participation, apport partiel d’actif, prise de participation croisée….. Il s’agit donc de l’achat
(total ou partiel) d’une entreprise concurrente ou qui a des activités complémentaires ou
totalement différentes (Holding), ou des regroupements comme la fusion.
-stratégie d’innovation : les FMN, mais aussi des start-up, disposent généralement de moyens
conséquents pour faire de la R&D. Elles mobilisent ainsi des ressources pour activer
l’innovation, moyen tout à fait indiqué pour se démarquer et créer un avantage concurrentiel.
L’innovation peut être radicale ou majeure (acier, moteur à explosion, électricité, NTIC…)
qui bouleverse les structures économiques, ou mineure, d’amélioration ou incrémentale (qui
joue un rôle clef dans la diffusion du bien économique moyennant l’introduction
d’améliorations : nouveaux services, nouvelles applications….). L’idée schumpétérienne qui
associe l’innovation à une « nouvelle combinaison » est suffisamment pertinente. Cette
combinaison concerne diverses directions que peut emprunter l’innovation : commerciale,
technologique, organisationnelle…La diversité des sources énergétiques et naturelles y joue
également un rôle. De même en est-il des matériaux composites (mélange d’acier, de fibre de
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carbone, de polymère…). Pour mesurer les ressources dédiées à la R&D par les FMN,
plusieurs critères ou ratios sont utilisés, parmi eux figure en bonne place celui de la part de
R&D dans le chiffre d’affaires (voir tableau).
Tableau : Les principales entreprises mondiales par leurs dépenses de R&D en 2003-2004, en
% du CA
L’intensité de la R&D diffère également suivant le secteur d’activité. Selon le même critère, il
existe des disparités entre des secteurs de pointe et les autres dits traditionnels (voir tableau).
Santé 12
Logiciels et Internet 11,4
Ordinateurs et électronique 7,1
Aérospatial et défense 4,5
Automobile 4,1
Industrie 2
Produits de grande consommation 2
Télécommunication 1,4
Chimie 0,9
Autres 0,8
En 1966, Vernon a examiné les stratégies des firmes américaines dotées d’un monopole
technologique lié à l’innovation en parallèle avec le cycle de vie du produit ou, pour le dire
autrement, en appliquant la notion de cycle de vie au commerce international. Son
argumentaire est le suivant. Lors de la phase de lancement, le prix du produit est élevé et est
réservé aux ménages qui disposent d’un revenu conséquent. Durant cette première phase, la
production et la commercialisation du produit sont cantonnées dans le pays d’origine, et donc
cette phase n’engendre pas de commerce international. Avec le passage à la phase de
croissance, on assiste à une stabilisation en termes technologiques ; le prix du produit baisse
aux USA, mais non ailleurs ; les ventes augmentent à l’étranger grâce aux exportations. Lors
de la phase relative à la maturité, le marché domestique connait une certaine saturation, ce qui
pousse l’entreprise à délocaliser la production vers d’autres territoires (marchés) : on assiste
donc à un prolongement du cycle de vie du produit et les flux des échanges s’inversent. Lors
de la dernière phase, la demande américaine résiduelle est satisfaite par les importations.
Entre-temps, les firmes abandonnent progressivement le produit en question et s’attachent à
innover et à lancer de nouveaux produits…
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Quant à Porter, il a proposé une analyse que nous pouvons présenter comme suit. Selon
Porter, l’entreprise multinationale combine trois stratégies génériques. La première renvoie à
celle de la domination par les coûts. A cet égard, cet auteur avance un certain nombre de
précisions : cette réduction ne veut pas dire mettre en quarantaine la qualité ; elle octroie à la
firme un pouvoir de négociation par rapport aux fournisseurs et augmente les barrières à
l’entrée, dans un secteur donné, des nouveaux entrants ; elle permet de faire face aux produits
de substitution…
La troisième renvoie à la concentration. Elle a comme objectif principal de cibler une tranche
particulière de la clientèle (créneau ou niche) dans un espace géographique donné.
Concentration**
*la cible stratégique concerne tout le secteur ; ** elle concerne un segment particulier
Poussant plus ses investigations, Porter met en avant une analyse plus fine en termes de
chaîne de valeur. L’idée de base est que toute entreprise est analysable comme un ensemble
d’activités qui se complètent autour de son produit. A cet égard, il distingue entre les activités
principales (logistique interne, production, logistique externe, commercialisation, services
accompagnant le produit) et les activités secondaires (direction générale, GRH,
développement de la technologie, activités d’achat).
En tant qu’outil, cette chaîne permet de détecter les points forts de l’entreprise (qui génère une
valeur ajoutée forte) et ses points faibles. Cela suppose un accès aux informations nécessaires
pour les départager ; d’où le recours à des cabinets externes pour éviter la manipulation,
l’opportunisme…
En fonction des résultats, l’entreprise est d’une part amenée à remodeler sa chaîne de valeur
(recours à l’externalisation, à la flexibilité…) et, d’autre part, à faire le nécessaire pour réduire
ses coûts. Dans ce sillage, il s’intéresse plus particulièrement à la stratégie globale de la firme
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et souligne que son avantage concurrentiel réside dans une coordination efficace ou intégrée
entre ses filiales Les principales limites de cette analyse sont :
- la mise en place de cette chaine est lourde, elle doit être cohérente avec l’organisation de
l’entreprise, ce qui lui donne une dimension normative ;
- le développement des technologies est transversal, ce qui implique des croisements
intersectoriels.
Dans différents textes, Andreff a de son côté proposé une analyse en termes de stratégie
globale, laquelle revoie à quatre principales composantes :
Selon Andreff, une firme multinationale est qualifiée de globale lorsque elle utilise de
manière simultanée ou alternative ces quatre composantes. Ce type d’explication est plus
costaud dans la mesure où elle combine différentes stratégies à la fois horizontales, verticales
et financières. En outre, elle se positionne dans une dimension immédiatement mondiale et
sert de base suffisante pour aborder les déterminants qui gouvernent le choix de localisation
des firmes multinationales. Enfin, elle laisse entendre que les stratégies diffèrent selon les
secteurs.
Cette analyse ne manque pas d’intérêts. Elle minimise cependant le rôle des facteurs
institutionnels.
- 10 -
Les stratégies multidomestiques sont relativement anciennes. Dès les années 1920, Ford par
exemple a installé des usines en Grande-Bretagne La crise de 1929.ainsi que la seconde
guerre mondiale les ont mis en quarantaine. Ce n’est donc qu’après 1945, qu’elles vont
connaître une seconde jeunesse et, au fil du temps, s’imposer et devenir dominantes durant les
« Trente glorieuses », et notamment au sein de plusieurs secteurs manufacturiers. Les firmes
leader en la matière étaient pour l’essentiel américaines.
- une tendance lourde des « filiales-relais » qui consiste à adapter le produit aux exigences de
tel ou tel marché, sinon à proposer des produits différents de ceux du pays d’origine de la
firme,
a-la déréglementation : abolir les réglementations qui entravent la liberté dans les opérations
financières internationales (la suppression du contrôle des changes par exemple),
b-le décloisonnement : suppression des frontières nationales entre les marchés, mais aussi à
l’intérieur de ces marchés, et donc l’éclatement des compartiments existants - marché
monétaire (capitaux à court terme), marché financier (capitaux à long terme), marché des
changes,
- 11 -
Le développement spectaculaire des T.I.C. aidant, la globalisation financière s’est hissée donc au
premier plan. Mais on connait la suite : ce processus a alimenté des crises financières
systémiques qui n’ont pas épargné des places financières émergentes localisées au Brésil, en
- 12 -
Indonésie, en Russie, en Turquie… relayées en cela par la crise des valeurs liées à l’Internet
(2001-2002) avant que n’éclate la crise de 2008 qui a provoqué une défiance généralisée entre
les banques : bref, « la main invisible est revenue au visage de ceux qui l’invoquaient comme
une formidable claque ! »
D’un côté, les mesures protectionnistes, larvées ou ouvertes, ne sont pas à exclure. Et suite à
la crise de 2008, ces mesures ont pris « le poil de la bête ». A titre d’exemple, plus de 400
plaintes ont été déposées à l’OMC depuis 1995, mettant face à face de nombreux pays ou
zones : USA, UE, Canada, Brésil, Chine…En outre, le néoprotectionnisme est à l’œuvre via
des obstacles non tarifaires (normes de qualité, d’hygiène…).
D’un autre côté, le cycle de Doha n’a pas donné lieu à des résultats probants, et des dossiers
aussi sensibles que celui de l’agriculture sont imbibés de poussière. Et la montée en puissance
des BRIC n’arrange pas les choses.
Enfin, cette libéralisation ne conduit pas ipso facto à un marché mondial unifié et
« cadenassé ». Cela supposerait que l’on trouve partout un produit ou une gamme homogène
et un prix unique pour le produit final et les biens intermédiaires.
Le troisième a trait à la réduction des coûts de transport internationaux. Ainsi, de 1985 à 1992
le coût du fret maritime a diminué de 40% en francs constants, celui du fret aérien de 30%
entre 1984 et 1994. Cette réduction doit beaucoup aux innovations de transport (bateaux,
centenaires, capacité, puissance…).
- créer des barrières communes pour atténuer les effets de la concurrence internationale,
puisque un seul pays est incapable de faire face aux pressions émanant des firmes
multinationales ;
- offrir aux firmes des pays membres de tel ou tel bloc régional une extension des débouchés,
des conditions de concurrence comparables et des facteurs institutionnels peu ou prou
harmonisés ;
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- permettre à ces firmes de tirer profit de la circulation des capitaux, des marchandises, des
informations et, parfois, de la main d’œuvre.
Ainsi, l’élargissement de l’UE (avec l’adhésion des pays du PECO) est jalonné de mesures
accompagnatrices propres à une phase transitoire afin d’éviter des distorsions au niveau de la
concurrence. D’autre part, cet élargissement n’a pas véritablement donné lieu dans un premier
temps à une mobilité de la min d’œuvre au sein de cette zone communautaire (que l’on pense
à l’épisode du plombier polonais), mais avec la crise de 2008 les choses bougent à l’image des
espagnols, des grecs ou encore des portugais qui tentent leur chance en Allemagne, en G-B ou
dans les pays nordiques.
2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013
(prévision)
10,02 10,08 11,31 12,67 14,16 9,63 9,21 10,44 9,29 7,8 7,5
Les marchés domestiques de ces pays donnent le tournis aux firmes multinationales (la
population brésilienne frôle les 200 millions ; celle de la Russie approche les 150 ; celle de la
Chine dépasse un milliard et 350 millions ; et celle de l’Inde est proche d’un milliard 223
millions) : le contraste avec la saturation des pays des pays triadiques est frappant. Bénéficiant
de la ruée des IDE, ces pays deviennent incontournables et attirent de plus en plus de firmes et
ce par le biais de délocalisations.
Année 1980 1983 1986 1989 1992 1995 1998 2001 2004 2007 2008
Stocks - 5 15 30 50 230 260 180 250 327 380
d’IDE
(milliards
de
dollars)
La conquête de nouveaux débouchés devient dès lors un impératif de premier ordre comme
l’illustre l’explosion, dans un premier temps, des IDE au sein de l’espace triadique. Un
exemple parmi tant d’autres : vers le milieu des années 1990, l’essentiel de la production et
des échanges du produit « automobile » sont cantonnés au niveau de la Triade (les ¾ des
échanges des échanges européens sont internes à l’UE, et il est de même au niveau de
l’Amérique du Nord). On comprendra qu’à cette époque les pays émergents n’avaient qu’un
rôle marginal. Mais par la suite, les choses vont évoluer. Depuis le début de la présente
décennie, la Chine est devenu le premier marché de l’automobile.
- 14 -
Se mettent ainsi en place de nouvelles stratégies complexes, globales avec comme corollaire
une décomposition internationale du processus de production ou si l’on préfère une nouvelle
division internationale du travail qui prend aussi appui sur l’essor phénoménal des TIC et la
réduction des frais de transport. Cette décomposition donne lieu à la création et l’implantation
de « filiales-atelier ». Ici, la production n’est pas forcement destinée au marché
d’implantation : il peut s’agir de la production de pièces qui vont être assemblées ailleurs ou
l’assemblage d’un produit qui sera commercialisé dans un autre pays ou une autre région.
Dans ce cadre, les relations entre les filiales deviennent centrales dans la mesure oïl elles sont
complémentaires. Les FMN cherchent donc à les gérer avec la plus grande efficacité possible.
Aussi, les prix auxquels sont facturés les biens ou services intermédiaires qui font l’objet de
transaction au sein d’une firme multinationale sont appelés prix de transfert ou prix de cession
interne. Ces prix sont déterminés par la firme seule et peuvent être différents des prix
d’exportation de produits identiques réalisés par d’autres entreprises. Une firme
multinationale peut donc modifier ses prix de transfert selon les conditions fiscales ou
réglementaires des pays où elle est présente et peut, par exemple, pratiquer une surfacturation
du produit importé par sa filiale afin de diminuer le bénéfice, et donc les impôts.
Les filiales qui n’arrivent pas à suivre le rythme et à répondre positivement aux exigences des
impératifs financiers sont tout simplement fermées. Les firmes multinationales mettent ainsi
en concurrence les filiales et les territoires et tirent pleinement profit des législations en place
et autres avantages offerts par les autorités politiques pour s’implanter ici ou là (fiscalité
avantageuse, aides diverses comme l’accès au foncier …).
La création de zones géographiques dites périphériques, comme les PECO, entre dans ce
schéma. On peut produire des pièces ou des modules en Roumanie, en Bulgarie, en
République tchèque, en Hongrie… les assembler ensuite en Pologne pour desservir les
marchés allemand ou russe… Un schéma analogue se dessine en Turquie : on y assemble ou
produit des pièces ou des biens destinés soit pour le marché local soit pour l’exportation (UE,
Russie, Maghreb, Moyen Orient…). D’autres configurations sont possibles. Pour un produit
de haute technologie, la R&D est effectuée aux USA, mais en partie aussi en Allemagne, ou
en Corée du Sud ou au Japon, des composants sont fabriqués dans les PECO, d’autres en
Malaisie ou au Vietnam…et l’assemblage final en Chine, et le produit en question est vendu
sur plusieurs marchés.
Pour revenir au cas des PECO, les firmes s’implantent dans cette zone pour alimenter, à titre
principal, les marchés de l’UE. L’implantation dans les PECO répond ainsi à plusieurs
motivations :
-tirer profit de plusieurs avantages (main d’œuvre bon marché, traditions industrielles,
fiscalité avantageuse, aides nationales ou supranationales, proximité géographique avec les
marché de l’UE à 15).
Il arrive aussi que des firmes concurrentes exploitent des stratégies relevant du registre plutôt
horizontal en réduisent davantage leurs coûts, y compris logistiques, en mettant en place et en
exploitant des plates-formes communes. Dans cette optique, grâce à des stratégies de plates
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communes, ces firmes réalisent des économies d’échelle pour les composants partagés
(« commonalisation »), accroissent la variété, accélèrent le cycle de développement des
produits et mettent davantage la pression sur les équipementiers et les sous-traitants de rangs
inférieurs afin de réduire les coûts.
La proximité géographique des fournisseurs et autres sous-traitants s’avère ici nécessaire pour
aller dans cette direction. Mais des fournisseurs et autres équipementiers de taille robuste et
dotés de tradition industrielle éprouvée élargissent leur portefeuille de clients et
grandissement leur périmètre marchand en s’implantant dans différentes zones (Siemens,
Bosch, Valeo…). Irriguant plusieurs firmes opérant dans des secteurs industriels différents,
ces entreprises disposent d’une marge de manœuvre non négligeable vis-à-vis des firmes
donneuses d’ordre.
A titre d’exemple, l’implantation de Renault dans la région de Tanger s’est concrétisée avec
l’accompagnement de nombreux fournisseurs (français, japonais, américains…) de premier
rang (24 dont certains étaient présents sur le sol marocain avant l’arrivée de Renault) et, dans
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cette optique, l’intégration de deux entreprises à capitaux marocains qui sont en mesure de
répondre positivement aux attentes et aux exigences de ce constructeur.
Modifications
Durée de l’engagement Court terme Allongement de la durée
(1 an maximum) (en fonction du cycle de vie du
produit ou du modèle)
-Tâches confiées au vendeur -Une pièce -Un sous-ensemble
Les motivations sous-jacentes au comportement des firmes sont donc nombreuses. Elles
s’interpénètrent et s’épaulent. Outre celles qui ont trait à la réduction des coûts, à la proximité
des marchés… une nouvelle tendance se dessine depuis quelques années, à savoir que
- 17 -
-l’accès au marché qui se traduit par une délocalisation de la R&D afin d’améliorer le produit
et mieux l’adapter à la demande locale : il s’agit de laboratoires de soutien local et de
laboratoires d’innovation de proximité ;
-l’accès aux savoirs technologiques en vue produire des marchandises destinées au marché
mondial : il s’agit de laboratoires de R&D d’imitation avec une logique de transfert
technologique du pays d’accueil vers le pays d’origine ou un pays tiers et de centres
d’excellence technologique porteurs d’innovation locale pour le monde.
Tableau : Typologie des logiques de globalisation des activités de R&D par les FMN
Transferts de Production de
technologie connaissances
directement à
l’étranger
Objectifs de la Accès au marché Laboratoire de soutien Laboratoire
mondialisation de la local d’innovation de
R&D proximité
Objectifs de la Accès à la technologie R&D imitatrice ou Centres d’excellence
mondialisation de la siphonage technologique
R&D technologique (veille Réseau intégré de
technologique) production de
technologie au niveau
mondial
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Quant à la conquête des BRIC, elle diffère quelque peu en jouant plutôt sur les relations
horizontales : joint-ventures, co-entreprise, alliances tactiques…Cette orientation est surtout
visible dans le cas de la Chine. Aussi, la conquête de l’Empire du Milieu passe-t-elle par
l’impératif institutionnel de créer une co-entreprise avec un acteur chinois : Fiat avec Yeejin,
Nissan a comme partenaire DongFeng, Toyota est en relation avec Tianjin FAW…
De manière générale, les marchés des pays émergents sont juteux et ne laissent pas
indifférents. Mais leur conquête ne se fait pas de manière aisée dans la mesure où il s’agit de
pays-continent disposant d’un poids de plus en plus important sur le plan géopolitique.
Au total, les stratégies des firmes multinationales sont devenues plus complexes, jouant à la
fois sur des relations verticales et horizontales. Elles combinent plusieurs stratégies allant de
la diminution des coûts aux alliances tactiques et autres fusions-acquisitions. Le choix de leur
implantation repose in fine sur plusieurs critères dont elles tirent un certain nombre
d’avantages :
L’entrée en jeu des firmes émergentes est un phénomène qui a pris de l’ampleur depuis plus
d’une décennie. Ces firmes multiplient les fusions-acquisitions dans des domaines variés,
profitant, dans certains cas, de transferts de technologie : ainsi 14% de ces opérations ont été à
l’initiative d’entreprises émergentes en 2005, 16% en 2006, 20% en 2007, 22% en 2008 et
24% en 2009.
Le nombre de fusions-acquisitions réalisées à l’étranger par ces mêmes firmes est passé de 21,
en 2000, à 72 en 2006. Dans ce cadre, le chinois Lenovo acquiert la division micro-
informatique d’IBM, l’indien Mitta Steel achète l’européen Arcelor, le groupe pétrolier
chinois Sinopec achète le suisse Addax Petroleum. Dans un même registre le groupe indien
Oil and Natural Gas Corp achète Imperial Energy du groupe américain Exxon Mobil, Tata
« avale » Jaguar et Land Rover, Dongfeng est entré dans le capital de PSA (13 ou 14%)…
Vers 2010, les principaux secteurs d’investissement sont : Energie (20%), Finances (15%),
Matières premières (11%), Industrie (11%), Santé (8%), Hautes Technologies (7%)…
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Quant aux secteurs concernés, la situation est la suivante : 35% pour les biens industriels,
24% pour les produits de base et matières premières, 20% pour les services, 16% pour la
pharmacie et les biens alimentaires, 5% pour les biens durables…
A titre d’exemple, Tata « la déesse aux mille bras » réalise près de 60% de son chiffre
d’affaires hors Inde dans des secteurs divers (année 2011) : Asie, Afrique, Europe…Quant
aux FMN chinoises, elles opèrent dans le secteur primaire afin de réduire les risques de non
approvisionnement, notamment en Afrique, mais également en vue de mettre la main sur des
actifs stratégiques (chimie, électronique, services d’infrastructures…) et l’accès aux marchés
triadiques dans les secteurs traditionnels.
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Les firmes émergentes sont également actives sur le plan de la R&D et lui consacrent des
dépenses importantes. BYD, par exemple, mise sur les voitures électriques et d’autres groupes
chinois font de même…Bref, on assiste à un déplacement du centre de gravité vers l’Asie à
cause des fortes potentialités que regorgent les pays-continent que sont la Chine et l’Inde. La
Banque HSBC vient de déplacer son siège mondial de Londres à Hongkong : tout un signe.
Tableau : Groupes de télécommunication qui pourraient acquérir des opérateurs des pays
développés
Capitalisation en milliards de dollars au 6 juin 2012
Tableau : La relève ?
Classement mondial des principaux producteurs des pays émergents en 2007,
En nombre de véhicules produits
Ceci étant, il faudrait relativiser le dynamisme des entreprises émergentes, en particulier chinoises :
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-en dehors de Haier, Huawei et les grands groupes pétroliers, la majorité des entreprises n’effectuent pas
l’ensemble de leurs opérations, qu’il s’agisse de la production aux ressources humaines en passant par la
distribution et la R&D, à l’échelle transnationale,
-l’influence et la visibilité internationale des marques émergentes restent faibles : la notoriété internationale
exige des ressources et de gros investissements en publicité, communication…sans oublier le soin apporté à
la qualité et aux services à la clientèle,
-sur 90% des 300 opérations de fusion acquisition réalisées par les firmes chinoises entre 2008 et 2010 à
l’étranger se sont soldées par un échec,
-etc.
D’autre part, certains pays émergents passent par une phase délicate, critique, comme c’est le cas du Brésil
ou encore de l’Afrique du Sud.