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L’importation des cadres théoriques dans la

recherche en comptabilité verte : Une analyse


critique des théories et modèles généralement
convoqués

Résumé Abstract
L’identification d’un cadre théorique capable The choice of a theoretical framework that can explain
d’expliquer le comportement responsable des the responsible behavior of companies in general, and
entreprises en général, et la diffusion d’informations the publication of green information by companies in
vertes par ces dernières en particulier, est le point le particular, is the most controversial point in green
plus controversé dans la recherche en comptabilité accounting research. Therefore, various explanations
verte. Aussi, diverses explications sont données dans la are given in the literature to explain why companies
littérature pour expliquer pourquoi les entreprises engage in CSR by publishing information about their
s’engagent dans la RSE en diffusant des informations social and environmental actions. Among the many
sur leurs actions sociales et environnementales. Parmi reasons given, the literature speaks for example of
les nombreuses raisons données, la littérature parle par seeking legitimation; pressure from stakeholders;
exemple de recherche de légitimation ; de pression des accounts manipulation; resources dependance; or
parties prenantes ; de manipulation des comptes ; de isomorphism, and cultural influence. The question is
dépendance vis-à-vis des ressources ; ou encore de approached in all directions, without any theoretical
comportement de mimétisme, et d’influence culturelle. basis is unanimous in the explanation of the
La question est abordée dans tous les sens, sans phenomenon. After discussing the rivalry between these
qu’aucun socle théorique ne fasse l’unanimité dans theoretical frameworks, it appears that the choice of the
l’explication du phénomène. Après avoir discuté de la theoretical framework follows a certain evolution over
rivalité entre ces cadres théoriques, il ressort que le time. From the borrowing of economic theories to the
choix du cadre théorique suit une certaine évolution au use of metatheories, through the use of social models
fil du temps. De l’emprunt des théories économiques à and socio-political theories, four different phases of this
l’usage des métathéories, en passant par l’usage des war of logic are identified. This research highlights the
modèles sociaux et des théories socio-politiques, quatre need to abandon the verification of existing theories and
différentes phases de cette guerre des logiques sont models, and instead to resort to comprehensive
identifiées. Cette recherche souligne la nécessité de grounded theory approaches. Such a perspective would
renoncer à la vérification des théories et modèles be useful for conducting research in under-explored
existant, et de recourir plutôt à des approches contexts, such as sub-Saharan Africa.
compréhensives de type grounded theory. Une telle
Keywords : GREEN ACCOUNTING ; ACCOUNTING
perspective serait utile pour conduire des recherches THEORIES ; SOCIAL MODELS ; METATHEORIES ;
dans des contextes peu explorés, comme celui de GROUNDED THEORY.
l’Afrique subsaharienne.
Mots clés : COMPTABILITE VERTE ; DIFFUSION
D’INFORMATIONS VERTES ; THEORIES
COMPTABLES ; MODELES SOCIAUX ;
METATHEORIES.

1
Introduction

L’identification d’un cadre théorique capable d’expliquer le comportement responsable


des entreprises en général, et la diffusion d’informations vertes par ces dernières en particulier,
est le point le plus controversé dans la recherche en comptabilité verte. Gray et al. (1995),
précisent même que : « la tâche la plus importante et la plus difficile dans la recherche en
comptabilité sociétale est le choix de la théorie qui explique la diffusion d’ISE1 ». De toute
évidence, la diffusion d’informations vertes se présente comme un phénomène complexe qui
est généralement soumis à des réalités contextuelles (Azizul Islam et Deegan, 2008 ; Belal et
Cooper, 2011 ; Haider, 2010 ; Khan et al., 2011).

Conséquemment, la littérature laisse transparaitre dès les premières recherches en


comptabilité verte dans les années 1960, des analyses contradictoires entre les chercheurs, qui
conduisent généralement à des disparités récursives dans les résultats produits (Ali et Rizwan,
2013 ; Giordano-Spring et Riviere-Giordano, 2007). De fait, identifier un cadre théorique
adéquat pour expliquer le comportement social des organisations2 conduit les chercheurs soit à
convoquer (ou à emprunter) diverses théories issues de disciplines voisines comme l’économie
(Quairel, 2004), soit à défaut, à développer des modèles explicatifs (Ali et Rizwan, 2013 ;
Carroll, 1979 ; Wood, 1991).

Aussi, diverses explications sont données dans la littérature pour expliquer pourquoi les
entreprises s’engagent dans la RSE en diffusant des informations sur leurs actions sociales et
environnementales. Parmi les nombreuses raisons données, la littérature parle par exemple de
recherche de légitimation (Deegan, 2006) ; de pression des parties prenantes (Edward, 1984 ;
Phillips et al., 2003) ; de manipulation des comptes (Watts et Zimmerman, 1978 ; Watts et
Zimmerman, 1990) ; de dépendance vis-à-vis des ressources (Davis, 1973 ; Pfeffer et Salancik,
2003 ; Salancik et Pfeffer, 1977) ; ou encore de comportement de mimétisme, et d’influence
culturelle (Abrahamson et Fombrun, 1992 ; Claeyé et Jackson, 2012 ; DiMaggio et Powell,
2000 ; Haider, 2010 ; Jacob et Rouziès, 2014) etc. Ainsi, la question est abordée dans tous les
sens, sans qu’aucun socle théorique ne fasse l’unanimité dans l’explication de ce phénomène.

1
Traduction libre. ISE pour Informations Sociales et Environnementales
2
Au sens large, la diffusion d’ISE fait partie du courant managérial qui étudie le comportement responsable des
organisations.
2
Cette quête de la théorie ou du modèle qui explique le mieux le phénomène de diffusion
comptable d’informations sociales et environnementales s’apparente de plus en plus à une
quasi-guerre : une nouvelle « guerre des paradigmes ». Le début de cette guerre peut être situé
dans la seconde moitié des années 1900, lorsque les chercheurs commencent à s’intéresser à
l’extension de la comptabilité financière3 vers de nouvelles réalités telles que le social,
l’environnemental, les immatériels … (Colasse, 2000). Au fil du temps, la recherche du cadre
théorique adéquat pour étudier la diffusion d’ISE a connu plusieurs variations qu’il est possible
de délimiter en 4 phases : au départ, l’emprunt des théories économiques ; ensuite, le
développement de modèles sociaux ; après, l’émergence des théories socio-politiques ; et enfin
l’heure des paradigmes (ou des logiques) multiples (Antheaume et Teller, 2001).

Cette recherche interroge et analyse la forte tendance des chercheurs en sciences de


gestion en général, et ceux des sciences comptables en particulier, à importer des cadres
théoriques dans des disciplines voisines au management. En effet, comme le rappellent
Bollecker et Azan (2009), les pratiques d’emprunt théorique d’une communauté de chercheurs
conduisent à s’interroger sur la nature des travaux produits par ces derniers. Ces deux auteurs
ajoutent qu’il semble légitime de se demander si le management ne serait alors qu’un art
pratique, qui n’aurait de scientifique que ce qu’il emprunte à l’économie, à la sociologie, à la
psychologie ou aux sciences cognitives (David, 2002). Les intersections avec d’autres
disciplines peuvent conduire à considérer la gestion comme une discipline carrefour dépourvue
de tout contenu théorique propre. Ne constituerait-elle alors « qu’un champ d’application pour
des disciplines scientifiques authentiques » (Bollecker et Azan, 2009) ?

Cette recherche s’inscrit donc dans la lignée des problématiques critiques en


comptabilité, qui visent à interroger ce corps de science (Colasse et al., 2001 ; Berland et Pezet,
2009 ; Kamla, 2007 ; Milne, 2002 ; Welford, 2004 ; Souleymanou et Hikkerova, 2018 ;
Chiapello, 2017 ; Caron et Turcotte, 2017 ; Deegan, 2017 ; Dillard et Vinnari, 2017 ; Ntsonde
et Aggeri, 2017 ; Schaltegger et Burritt, 2017 ; Lehman, 2017). Le travail sera ainsi organisé
en deux parties. Dans la première partie, les principaux modèles et/ou théories qui servent de
cadre théorique dans les recherches en comptabilité verte seront présentés et discutés, et dans
la deuxième partie, cette recherche discutera de la tendance actuelle des recherches à recourir à
l’usage de « métathéories ».

3
Comptabilité classique ou comptabilité traditionnelle.
3
1. L’emprunt des cadres théoriques dans les recherches en comptabilité
verte

La comptabilité verte est un domaine de recherche en construction qui ne dispose pas


encore de cadre théorique consensuel (Gray, 2001 ; Gray et al., 1995). C’est la raison pour
laquelle les chercheurs dans ce domaine recourent le plus souvent à l’emprunt des théories et
des modèles issues d’autres disciplines de recherche. Or, ces théories et modèles pris isolément,
se révèlent souvent insuffisants lorsqu’ils sont transposés dans les recherches en comptabilité
verte. Alors, pour résoudre le problème et donner plus de robustesse à leur cadre théorique, les
chercheurs n’hésitent pas à combiner plusieurs théories dans la même recherche, ou encore à
recourir à des « métathéories ». Les cadres théoriques mobilisés dans les recherches en
comptabilité verte sont répartis ici en trois groupes. Le premier groupe est constitué des théories
contractuelles et économiques (1.1.), le second est représenté par les modèles sociaux (1.2.), et
enfin le troisième groupe répertorie les théories socio-politiques (1.3.).

1.1. L’usage des théories contractuelles et économiques pour étudier la diffusion


comptable d’Informations Sociales et Environnementales

Les théories contractuelles et économiques regroupent d’une part des théories issues de
l’économie néoclassique comme la théorie positive de la comptabilité, et d’autre part les
théories communément connues sous le vocable de nouvelles théories de la firme, notamment
la théorie des droits de propriété, la théorie des coûts de transaction et la théorie de l’agence.

1.1.1. La Théorie positive de la comptabilité

Watts et Zimmerman (1978 ; 1990) sont souvent cités comme étant à l’origine de la base
théorique associée aux études empiriques sur la diffusion d’ISE (Dumontier et Raffournier,
1999 ; Jeanjean et Ramirez, 2008). Cependant la référence qu’ils font de la diffusion d’ISE dans
leurs travaux est obscure. Au mieux, leur référence aux « campagnes de responsabilité sociale
dans les médias » se rapporte à une pratique commune aux Etats-Unis à l’époque de la publicité
avocate « advocacy advertising » (Gray et Milne, 2002 ; Hackston et Milne, 1996
; Milne et Gray, 2013). La publicité avocate était une tactique utilisée par
de nombreuses entreprises, en particulier Mobil Oil (Inc), pour contrer les
informations des médias et influencer les lois publiques et les débats
politiques. La théorie de Watts et Zimmerman se rapporte alors à une sorte

4
de management basée sur la maximisation du profit, où les managers font des
bénéfices importants en abusant potentiellement du pouvoir de leur monopole ;
l’hypothèse ici c'est d’utiliser une multiplicité d’approches comptables
pour instrumentaliser (manipuler) les données. Les ISE de par leur nature,
offrent ainsi aux dirigeants une marge de manœuvre encore plus importante,
pour « maquiller » les comptes de l’entreprise et « distraire » le public
(Milne, 2002 ; Vourvachis, 2008).

La conclusion donnée par Gray et al (1995), est que la théorie


d’économie positive a très peu à ajouter à notre compréhension de la
diffusion d’informations sociales et environnementales. Sans pour autant
rejeter les arguments de Watts et Zimmerman, ces auteurs montrent que les
théoriciens de la comptabilité positive ont échoué, en offrant une substantive
évidence ou en soutenant la vision selon laquelle les entreprises utilisent
les ISE dans l’optique « unique » de manipuler les données contenues dans
le Rapport Annuel, et satisfaire ainsi leurs intérêts personnels. De fait,
dans la plupart des cas, les études empiriques basées sur la théorie positive
de la comptabilité pour expliquer la diffusion d’ISE ont toutes échouées en
suivant les arguments de la thèse originelle de Watts et Zimmerman.

1.1.2. La théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction

La théorie de l’agence et la théorie des coûts de transaction étudient les relations


(relations d’agence) qui existent entre dirigeants et propriétaires d’une entreprise (Alchian et
Demsetz, 1972 ; Coase, 1960 ; Jensen et Meckling, 1976 ; Jensen et Meckling, 1978). Ces
théories très souvent mobilisées en comptabilité positive trouvent également un écho
considérable en comptabilité verte (Gillet-Monjarret et Martinez, 2012). D’après elles, les ISE
constituent un complément d’information sur les données sociales et environnementales, qui
permet au dirigeant de réduire les incertitudes informationnelles et de prendre les meilleures
décisions. Les deux agents mis en évidence (dirigeants et actionnaires) peuvent à partir de ces
nouvelles données, réduire l’incertitude qui aurait contribué à augmenter les coûts d’agence.

5
La principale limite de ce raisonnement se situe dans la nature même du phénomène de
diffusion d’ISE. Loin de se résumer à une simple relation entre dirigeants et propriétaires, les
ISE ont vocation à satisfaire un public beaucoup plus important. Résultant de pressions
multiples imposées directement ou indirectement aux organisations, la diffusion d’ISE nait en
réalité des limites du capitalisme. Aussi, les entreprises incapables de corriger toutes les
externalités négatives résultant de leur fonctionnement (catastrophes environnementales, stress
au travail, pollutions, changements climatiques, etc.), sont contraintes de tenir compte de
plusieurs facteurs dans le calcul de leur valeur sociale. De manière évidente, la relation d’agence
de type 1 (dirigeants VS propriétaires) ne suffit plus à justifier les informations produites ou
communiquées, puisque de nouveaux interlocuteurs de l’entreprise émergent, et lui réclament
aussi des comptes. Au regard de cette limite dans l’explication de la diffusion d’ISE, les
chercheurs ont essayé de trouver un cadre théorique capable d’intégrer les autres interlocuteurs
de l’entreprise qui sont exclus de la relation d’agence de type 1.

L’une des solutions est trouvée dans une vision orientée stakeholder4, dans laquelle la
relation d’agence de type 1 est déplacée pour intégrer d’autre agents (Hill et Jones, 1992). La
« stakeholders-agency theory » (théorie de l’agence généralisée) qui en résulte semble mieux
adaptée aux études sur la diffusion d’ISE. Dans la relation d’agence étendue à d’autres agents
(Etat, collectivité, clients, ONG, etc.), l’entreprise diminue l’asymétrie informationnelle avec
ses nouveaux agents et réduit de facto les coûts d’agence en diffusant des ISE. Les nouveaux
agents étant différents par nature, et avec des exigences qui ne convergent pas toujours,
l’entreprise a toutefois besoin d’adapter sa communication pour rendre des comptes. Le modèle
comptable traditionnel qui servait jusque-là de base à la communication financière, est
désormais questionné sur sa capacité à rendre des comptes à ce public hétérogène.

Au-delà de la difficulté à rendre des comptes à ses nouveaux interlocuteurs via le


reporting financier traditionnel, l’entreprise dans l’approche « stakeholders-agency theory »,
reste toujours orientée stockholders. Ceci, dans la mesure où la réduction des coûts d’agence
vise surtout à maximiser le profit du principal agent, et non celui combiné de tous les agents.
La théorie de l’agence généralisée se retrouve alors confrontée aux mêmes critiques avancées
à la théorie de l’agence.

4
Stakeholder ou partie prenante ou porteur de part. Voir Freeman (1984).
6
De nombreuses recherches font encore recours aux théories économiques et
contractuelles pour expliquer la diffusion « comptable » d’ISE. Ces théories assez éprouvées
dans les recherches en comptabilité positive, présentent pourtant beaucoup de limites
lorsqu’elles sont convoquées en comptabilité verte. De fait, résumer la diffusion comptable
d’ISE au besoin de manipuler les données, ou encore à une relation limitée entre principal et
agent semble partiel et réductionniste. Puisque, loin de s’apparenter à une simple relation
économique, des études plus récentes montrent que le phénomène de diffusion d’ISE est très
complexe, et qu’il faudrait intégrer plusieurs autres éléments dans son explication. Cette limite
principale des théories empruntées de l’économie positive, a conduit au développement de
modèles sociaux.

1.2. L’usage des modèles sociaux pour étudier la diffusion comptable d’Informations
Sociales et Environnementales

Les modèles sociaux essaient d’aller au-delà de la simple explication économique.


Ainsi, contrairement aux études basées sur les théories empruntées à la comptabilité positive,
les modèles sociaux intègrent des aspects nouveaux dans l’explication du comportement
responsable des entreprises. Parmi ces modèles, la pyramide de Carroll se démarque en raison
de son originalité. La plupart des autres modèles développés (modèle de Wood par exemple)
sont généralement inspirés de celui de Carroll. Ce modèle (de Carroll) alliant les motivations
économiques, sociales, éthiques et philanthropiques dans l’explication du comportement
responsable des entreprises est présenté à la suite.

1.2.1. La présentation du modèle pyramidal de Carroll

Carroll a proposé en 1979 une définition à quatre niveaux de la RSE5 qui a été formalisée
en modèle. Dans ce modèle, Carroll fait la différence entre quatre types de RSE : économique,
légale, éthique et discrétionnaire.

La première catégorie identifiée par Carroll (1979) est la responsabilité de nature


économique, mettant en exergue : la récupération de l’investissement initial des actionnaires et
des investisseurs ; la création d’emploi et le paiement des salaires ; la découverte de nouvelles
ressources ; la promotion de l’innovation technologique ; et la création de nouveaux produits et

5
Responsabilité Sociale des Entreprises
7
services. Dans cette perspective, le business se rapporte à la fonction primaire de l’entreprise
vue comme une unité de production.

La deuxième catégorie est la responsabilité légale qui se rapporte aux obligations légales
et juridiques dont doit faire face l’entreprise. Dans cette perspective, la société espère que le
business remplisse sa mission économique dans le cadre défini par la loi. La loi circonscrit à
cet effet les limites des comportements tolérables mais ne définit ni les règles de l’éthique, ni
les règles de moralité (Solomon, 1994b ; Solomon, 1994a).

Dans son essence, la responsabilité éthique pour sa part, pallie les limites de la loi en
créant un cadre éthique à l’intérieur duquel peut exercer chaque entreprise. Le business
représente ici un processus moral, dans lequel la bonne pratique des affaires est la règle.
Seulement, la responsabilité éthique intègre des activités qui ne sont pas nécessairement
codifiées par la loi, mais qui sont néanmoins espérées dans le business par les membres de la
société, comme le respect des convictions religieuses et les droits de l’homme.

La dernière responsabilité est celle dans laquelle les entreprises ont un champ
discrétionnaire de jugement et de choix élargi, sur les activités philanthropiques à mener. La
racine de ce type de responsabilité repose dans la croyance selon laquelle le business et la
société sont jumelés dans un processus organique. C’est la responsabilité la plus controversée
car ses limites sont relatives et ses implications peuvent entrer en conflit avec la responsabilité
économique.

Figure 1 : La pyramide de Carroll

8
Source : Golli et Yahiaoui (2009)

1.2.2. L’implication et les limites du modèle de Carroll dans l’explication de la diffusion


comptable d’ISE

Le modèle présenté par Carroll, est une pyramide à quatre échelles d’importance
décroissante de la base vers le sommet. La responsabilité économique occupe la base de la
pyramide, suivie successivement des responsabilités juridiques, éthiques et philanthropiques.
L’implication de ce modèle en comptabilité sociale et environnementale, c’est la priorité que
l’entreprise donne aux ISE à diffuser. Ainsi, conformément à ce modèle, l’entreprise diffusera
selon l’ordre des priorités : d’abord les informations économiques (pour les stockholders),
ensuite les informations légales (pour le respect des lois et des règlementations), suivi ensuite
des informations éthiques et enfin des informations philanthropiques (pour les autres
stakeholders) (Carroll, 1979 ; Carroll, 1991 ; Carroll, 1999).

Malgré que le modèle de Carroll ait été vérifié empiriquement dans de nombreuses
études pour la plupart réalisées dans les pays occidentaux, il présente néanmoins des limites
contextuelles. La limite la plus importante repose sans doute dans l’ordre des priorités dévolue
à chaque responsabilité, qui n’est pas toujours le même en fonction de la localisation des études.
Si dans les pays développés, l’ordre des responsabilités est généralement conforme à celui du
modèle développé par Carroll (Golli et Yahiaoui, 2009), des études montrent que dans les pays
en développement par exemple, les responsabilités suivent les priorités suivantes :
économiques, philanthropiques, légales et enfin éthique (Visser, 2006). Cette limite remet en
exergue l’influence du contexte dans l’étude de la diffusion d’ISE. Ce phénomène (diffusion
d’ISE) souvent influencé par des réalités culturelles et même religieuses (Kamla, 2007), se prête
difficilement aux seules réalités économiques.

L’avantage des modèles sociaux comme celui de Carroll ou encore celui de Wood6, c’est
d’intégrer au-delà de l’aspect économique, les aspects sociaux qui représentent aussi une part
non négligeable dans l’explication de la diffusion comptable d’ISE. Ce sont principalement les
limites contextuelles de ces modèles, qui réduisent leur pouvoir explicatif.

Finalement, les aspects économiques et sociaux ne suffisant pas à l’explication de la


diffusion comptable d’ISE, les chercheurs ont eu recours à d’autres cadres théoriques. Dans cet

6
Voir Wood (1990)
9
ordre d’idées, les théories socio-politiques ont connu un écho considérable en raison de
l’originalité de leur positionnement dans l’explication du phénomène. La section suivante est
réservée à leur présentation.

1.3. L’usage des théories socio-politiques pour étudier la diffusion comptable


d’Informations Sociales et Environnementales

Après le recours aux théories économiques et le développement des modèles sociaux,


les insuffisances toujours perceptibles dans l’explication du comportement social des
entreprises ont favorisé l’émergence des théories socio-politiques. Ces théories ont le mérite
d’associer des aspects jusque-là ignorés. Parmi les théories sociopolitiques on distingue la
théorie de la légitimité, la théorie de la dépendance des ressources, la théorie de la dépendance,
la Théorie des Parties Prenantes (TPP) et la théorie institutionnelle pour ne citer que celles-là.
Chacune de ces théories est présentée dans cette partie, en prenant le soin de préciser ses mérites
et ses limites éventuelles.

1.3.1. L’usage de la théorie de la légitimité pour expliquer le comportement social des


entreprises

D’après la théorie de la légitimité, il existe un contrat social implicite ou explicite entre


l’entreprise et la société (Suchman, 1995). L’entreprise doit tout mettre en œuvre pour éviter
que le contrat ne soit rompu. Elle obtient ainsi la légitimité d’exercer et d’utiliser les ressources
du milieu dans lequel elle exerce son activité. Ce contrat social s’exprime par les besoins de la
société qui évoluent avec le temps (Savage, 1998). C’est une obligation morale envers les
parties prenantes de son environnement externe. L’entreprise s’expose à des risques (boycott
de ses produis par les consommateurs, compagnes et soulèvements de la population, paiement
de taxes élevées, diminution de l’attrait auprès d’investisseurs etc.) (Dart, 2004 ; Deegan, 2002
; Deegan, 2006 ; Savage, 1998) en cas de rupture de ce contrat, car seules les entreprises ayant
la légitimité de la société ont le droit d’exercer, voire d’exister (De Villiers et Van Staden,
2006).

La diffusion d’informations sociales et environnementales (ISE) dans ce cas est un


moyen pour l’entreprise de se dédouaner et de maintenir le contrat social. En rendant compte
de ses actions en faveur de l’environnement et de son implication dans le développement de la
communauté, l’entreprise légitime son mandat. Savage et al., (2000) identifient alors douze
stratégies de légitimation classées en deux groupes : le groupe 1 des stratégies substantielles

10
(redéfinition de son rôle ; isomorphisme coercitif ; altération des pratiques socialement
instituées), et le groupe 2 des stratégies symboliques (adoption d’objectifs socialement
acceptables ; démenti et dissimulation ; identification à des valeurs, des symboles ou des
institutions ; offre d’explications ; offre d’excuses ; conformité cérémoniale ; reconnaissance
de culpabilité ; divulgation partiale ou partielle ; évitement, trivialisation.) (Savage et al., 2000
; Savage, 1998).

Longtemps utilisée comme cadre théorique de référence dans de nombreuses études en


comptabilité verte, la théorie de la légitimité a encore toute sa résonance dans les études
récentes. La principale limite de cette théorie repose surtout sur son incapacité à cerner tous les
contours du phénomène de diffusion d’ISE. De manière évidente, la diffusion d’ISE ne repose
pas uniquement sur la volonté de légitimation de l’entreprise auprès de ses nombreuses parties
prenantes, mais aussi dans d’autres réalités comme la dépendance vis-à-vis des ressources
développée ci-après.

1.3.2. La théorie de la dépendance des ressources

Une demi-douzaine de paradigmes parmi les plus solides sur l’étude des organisations,
a émergé presque au même moment pendant l’administration de Ford, et pour la plupart à
Stanfort (Davis et Cobb, 2010). A l’occasion, on a assisté à l’explosion de théories majeures
telles que la théorie des coûts de transaction (Williamson, 1975 ; Williamson, 1983), la théorie
de l’agence (Jensen et Meckling, 1976), la nouvelle théorie institutionnelle (Meyer et Rowan,
1977), l’écologie de la population (Hannan et Freeman, 1977) et la théorie de la dépendance
des ressources (Pfeffer et Salancik, 1975 ; Salancik et Pfeffer, 1977). Ces théories et notamment
la théorie de la dépendance des ressources, continuent à exercer leur influence aujourd’hui.

La théorie de la dépendance des ressources stipule que l’entreprise se trouve dans un


environnement hostile, caractérisé par une rareté de ressources stratégiques. Les entreprises qui
détiennent les ressources disposent alors d’un pouvoir (une influence) sur les autres. Dans cette
perspective, toutes les actions de l’entreprise visent à obtenir le contrôle de ces ressources. La
diffusion d’ISE représente ainsi une stratégie visant à obtenir un mandat auprès des différentes
parties prenantes (Etat, Clients, Fournisseurs, collectivités locales, …) et par conséquent, le
contrôle des ressources.

Cette théorie est moins utilisée dans l’étude de la diffusion d’ISE que la théorie de la
légitimité (Davis et Cobb, 2010 ; Giordano-Spring et Riviere-Giordano, 2007). De fait, il

11
semble à priori irréaliste de rapporter la motivation à diffuser des ISE à la recherche pure et
simple du contrôle des ressources, étant donné que l’explication pourrait tout aussi venir des
réalités historiques qui conditionnent parfois les pratiques des entreprises. La théorie de la
dépendance exposée à la suite illustre un positionnement nouveau dans la recherche.

1.3.3. La théorie de la dépendance : l’apanage des études réalisées en contexte PVD (Pays en
Voie de Développement)

La théorie de la dépendance relève le plus souvent des études réalisées dans le contexte
des pays émergents et en développement, pour signifier l’impact de la colonisation ou toute
autre attitude impérialiste sur le comportement d’une nation ou d’un groupe. Utilisée dans le
cadre du reporting sociétal, elle montre comment l’adoption des pratiques de diffusion d’ISE
dans les [anciennes] colonies est fortement influencée par les approches de reporting adoptées
dans les [anciennes] métropoles (Kamla, 2007).

A la lumière de cette théorie relativement jeune, et dont les premières utilisations datent des
années 1990, Les entreprises des pays colonisés ou dominés diffusent des ISE par mimétisme
ou par contrainte, au regard de pratiques adoptées dans les pays dominateurs. La limite de cette
théorie est purement contextuelle, c’est pourquoi elle est généralement l’apanage des études
réalisées en contexte pays émergent ou en développement (Kamla, 2007).

Seulement, au-delà de l’influence souvent exercée par des réalités historiques,


l’entreprise peut tout aussi être confrontée à la pression constante et grandissante de ses porteurs
de parts que Freeman (1984) a appelés les « stakeholders », communément connu en langue
française sous le vocable « parties prenantes ». C’est ce positionnement original qui meuble le
développement qui va suivre.

1.3.4. La Théorie des Parties Prenantes (TPP) pour expliquer la diffusion comptable d’ISE

La visée de la TPP est articulée en deux principales questions. Premièrement elle


demande quel est le but de la firme ? Et deuxièmement quelle est la responsabilité du manager
vis-à-vis des parties prenantes ? (Edward, 1984). La TPP définit ainsi l’entreprise comme étant
en permanence sous la pression de plusieurs parties prenantes. Pour Freeman (1984), les Parties
Prenantes sont présentées comme « tout groupe ou individu qui peut affecter ou qui peut être
affecté par la réalisation des objectifs de l’entreprise ». Le modèle représentatif de la TPP est
une roue circulaire, ayant à son centre l’entreprise, et dont les rayons représentent l’ensemble
de ses parties prenantes.
12
Le positionnement original de la TPP, justifie l’engouement que cette théorie a suscité
parmi les chercheurs. Elle (la TPP) devient l’objet de nombreux développements et analyses
dans la littérature, visant généralement à améliorer son pouvoir explicatif. Parmi ces analyses,
La distinction à faire entre Parties Prenantes proches (Stockholders ou actionnaires), et Parties
Prenantes diffuses (Stakeholders), est à l’origine de deux approches de la TPP : l’approche
instrumentale ou managériale ; et l’approche normative.

Figure 2 : La théorie des parties prenantes

Source : BONNAFOUS-BOUCHER et RENDTORFF (2014). 7

L’approche managériale de la TPP donne la primauté aux parties prenantes proches,


principalement les actionnaires et les investisseurs. Les actions de l’entreprise doivent être

7
Bonnafous-Boucher M. et Rendtorff J. (2014). La théorie des parties prenantes. Paris. La Découverte.

13
dirigées en priorité pour satisfaire ce groupe. Dans cette optique, toute communication d’ISE
n’est justifiée que si elle améliore la prise de décision des propriétaires ou si elle leur est
favorable. La comptabilité sociale et environnementale est utilisée ici comme un outil (ou un
instrument) qui aide les stockholders à atteindre leurs objectifs, d’où son nom de vision
« instrumentale » des parties prenantes.

L’approche normative de la TPP est quant à elle plus humaine, puisqu’elle considère
« implicitement » que toutes les parties prenantes ont la même priorité. Dans cette mesure,
l’entreprise adopte des comportements dans le but de satisfaire toutes les parties prenantes
(directement ou indirectement) concernées par ses activités. La communication d’ISE va
évidemment en direction de tous les groupes qui ont un intérêt sur l’entreprise, pour les informer
de toutes ses actions. Le problème de cette vision repose essentiellement sur la difficulté à
établir les limites des parties prenantes de l’entreprise, certains auteurs qualifiant même
d’ « irréaliste », un tel positionnement (Friedman, 1971).

Dans l’optique de concilier ces deux visions et pallier les insuffisances de l’une comme
de l’autre, certains auteurs ont essayés de formaliser un modèle hybride, conciliant les
approches instrumentales et normatives de la TPP appelé « théorie convergente des parties
prenantes » (Jones et Wicks, 1999). Le principal argument avancé pour justifier cette approche
est celui selon lequel, toute théorie exclusivement normative ou exclusivement instrumentale
est par essence incomplète. Mais cette formalisation, loin de plaire, a fait l’objet de violentes
critiques, notamment au sujet de sa difficulté à être expérimentée8.

Dans l’optique de pallier les limites de la TPP, un autre positionnement assez différent,
ramène l’explication de la diffusion comptable d’ISE sur la tendance des organisations à se
ressembler, plutôt qu’à se différencier. C’est la vision de la nouvelle théorie institutionnelle.

1.3.5. La théorie néo-institutionnelle : Un espoir pour comprendre le comportement


responsable des organisations

La théorie néo-institutionnelle explique les raisons de l’adaptation de certaines


pratiques/formes organisationnelles dans un champ organisationnel donné (Ali et Rizwan, 2013

8
La théorie convergente des parties prenantes est examinée plus bas, dans la partie 2, qui présente la construction
d’un cadre théorique multiple.
14
; Azizul Islam et Deegan, 2008 ; Deegan, 2006). Elle a deux dimensions : l’isomorphisme
(isomorphism), et le découplage9 (decoupling).

L’isomorphisme est défini comme un processus de contrainte qui force une unité de la
population à imiter d’autres unités qui font face aux mêmes conditions environnementales
(DiMaggio, 1995 ; DiMaggio et Powell, 2000). L’isomorphisme se réfère ainsi à l’adoption
d’une pratique institutionnelle (comme la diffusion comptable d’ISE) par une organisation
(DiMaggio et Powell, 2000). Dans ce cas, la diffusion comptable d’ISE est une pratique
organisationnelle, tandis que le moyen par lequel cette pratique est adoptée est un processus
d’isomorphisme. Cet isomorphisme est un processus influencé par la pression d’une
multiplicité de parties prenantes (pressions institutionnelles et professionnelles par exemple).

Il existe trois types d’isomorphisme : l’isomorphisme coercitif, l’isomorphisme


mimétique et l’isomorphisme normatif (Ali et Rizwan, 2013 ; Ashworth et al., 2007 ; Claeyé et
Jackson, 2012 ; Deegan, 2006 ; DiMaggio et Powell, 2000).

L’isomorphisme coercitif résulte des pressions formelles et informelles exercées sur une
organisation par d’autres organisations dont elle est dépendante, et par les croyances culturelles
propres à son environnement. Ces pressions peuvent se manifester par la force, la persuasion
ou l’invitation à rejoindre une coalition. Dans l’isomorphisme coercitif, le pouvoir des parties
prenantes joue un rôle significatif qui force les entreprises à adopter certaines pratiques
institutionnelles comme la diffusion d’ISE.

L’isomorphisme mimétique pour sa part est dû à certaines situations dans


l’environnement de l’entreprise, où en l’absence de référence ou de ligne directrice, l’entreprise
essaie de devenir le modèle pour les autres organisations. D’autres entreprises essaient de copier
les meilleures pratiques de reporting, pour ressembler aux entreprises opérant dans le même
environnement.

L’isomorphisme normatif quant à lui provient du professionnalisme, qui se réfère aux


exigences de la profession d’adopter certains standards ou certaines pratiques institutionnelles
(comme la diffusion comptable d’ISE). Les deux principales sources de pression normatives
sont les réseaux éducatifs et les réseaux professionnels. Dans ce type d’isomorphisme, la culture
et les valeurs éthiques exercent leur influence sur les professionnels pour l’adoption de certaines

9
Le découplage ne fait pas l’objet d’une attention particulière dans la littérature, c’est pourquoi nous choisissons
délibérément de ne pas l’aborder.
15
pratiques institutionnelles (Ali et Rizwan, 2013 ; Deegan, 2006). Le groupe normatif inclus les
académiciens, les consultants environnementaux, les associations d’industries, et les
organisations gouvernementales et professionnelles qui utilisent les ISE des entreprises.

Subséquemment, la théorie institutionnelle a le mérite d’intégrer dans son explication


plusieurs réalités à la fois (culture, religion, normes, règlementation, pression diverses …).
Mullenbach-Servayre et Rmadi Said (2010) voient même en elle un espoir pour comprendre le
comportement socialement responsable des organisations (Servayre et Said, 2010).

Le tableau de synthèse suivant récapitule les principales limites des cadres théoriques
mobilisés dans les recherches en comptabilité verte.

Tableau 1 : Les limites des cadres théoriques mobilisés dans les recherches en
comptabilité verte

CADRES THEORIQUES
MOBILISES EN COMPTABILITE USAGES LIMITES REFERENCES
VERTE
Attitude réductionniste de Milne (2002) ;
Les ISE de par leur nature, offrent résumer la diffusion d'ISE à la Vourvachis (2008) ;
Théorie aux dirigeants une marge de manipulation des comptes Watts et Zimmerman
positive de la manœuvre encore plus importante,
Les études empiriques utilisant la (1978 ; 1990) ; Milne
comptabilité pour « maquiller » les comptes de
(2001) ; Gray et al
l’entreprise et « distraire » le public. thèse originelle de Watts et
Zimmerman ont toutes échouées (1995)

THEORIES Théorie de la relation d'agence de type 1


CONTRACTUELLES Jensen et Meckling
l'agence et (dirigeant-propriétaire) est
ET ECONOMIQUES les ISE constituent un complément (1978) ; Coase
théorie des inopérante puisque les ISE ont
d’information sur les données (1960) ; Alchian et
coûts de vocation à satisfaire un public
sociales et environnementales, qui Demsetz (1966) ;
transaction beaucoup plus important
permet au dirigeant de réduire les
incertitudes informationnelles et de
prendre les meilleures décisions. la réduction des coûts d’agence
Théorie de Hill et Jones (1992) ;
vise surtout à maximiser le profit
l'agence Gillet et Martinez
du principal agent, et non celui
généralisée (2012)
combiné de tous les agents.
La diffusion d'ISE obéît à une
certaine hiérarchie : d'abord les
informations économiques, ensuite
les informations légales, les
Modèle de informations éthiques, et enfin les Carroll (1991) ; Golli
CARROLL et informations philanthropiques. la hiérarchie de diffusion d'ISE et Yahiaoui (2009) ;
MODELES SOCIAUX
Modèle de diffère en fonction des contextes Visser (2006) ;
WOOD intègre au-delà de l’aspect Kamla (2007)
économique, les aspects sociaux qui
représentent aussi une part non
négligeable dans l’explication de la
diffusion comptable d’ISE

16
En rendant compte de ses actions en la diffusion d’ISE ne repose pas De Villiers et Van
faveur de l’environnement et de son uniquement sur la volonté de Staden (2006) ;
Théorie de la
implication dans le développement légitimation de l’entreprise Savage et Cataldo
légitimité
de la communauté, l’entreprise auprès de ses nombreuses parties (1999) ; Suchman
légitime son mandat. prenantes. (1995)

Aldrich et Pfeffer,
La diffusion d’ISE est une stratégie
(1976) ; Pfeffer et
visant à obtenir un mandat auprès des il semble à priori irréaliste de
Théorie de la Salancik (1978) ;
différentes parties prenantes (Etat, rapporter la diffusion des ISE à
dépendance des Giordano et Rivière
Clients, Fournisseurs, collectivités la recherche pure et simple du
ressources (2008) ; Mercier
locales, …) pour le contrôle des contrôle des ressources.
(2005) ; Davis et
ressources.
Cobb (2009)

l’adoption des pratiques de diffusion


THEORIES SOCIO- d’ISE dans les [anciennes] colonies des réalités historiques sont
Théorie de la Williams (1999) ;
POLITIQUES est fortement influencée par les insuffisantes pour expliquer la
dépendance Kamla (2007)
approches de reporting adoptées dans diffusion comptable d'ISE.
les [anciennes] métropoles.

le périmètre de responsabilité de Freeman (1984) ;


l'entreprise est difficile à Jones et Wicks
Théorie des L'entreprise doit rendre compte à identifier. (1999) ; Bonnafous-
parties toutes les parties prenantes qui ont
La vraie responsabilité de Boucher et Rendtorff
prenantes une influence sur elle.
l'entreprise est d'abord (2014) ; Friedman
économique avant d'être sociale. (1973)

Par un processus d'isomorphisme les


Di Maggio et Walter
entreprises sont contraintes d'imiter le processus d'isomorphisme ne
Théorie (1983) ; Deegan
d’autres unités qui font face aux justifie pas seul, la diffusion
Institutionnelle (2009) ; Ali et
mêmes conditions comptable d'ISE.
Rizwan (2013)
environnementales.

Source : Nos propres soins

Seulement, au-delà de son mérite à intégrer de nombreuses réalités contextuelles dans


son explication, la théorie institutionnelle suffit-t-elle à expliquer de manière exhaustive la
diffusion comptable d’ISE ? Répondre par la négative à cette question n’est pas incongru, au
regard de la tendance actuelle des recherches en comptabilité verte.

2. La construction d’un cadre théorique multiple : L’usage des


« métathéories10 » pour expliquer la diffusion comptable d’ISE

C’est un exercice vraiment complexe d’essayer d’expliquer la diffusion d’ISE à partir


d’une théorie unique. Au regard des insuffisances reprochées aux études mono-théoriques11, la
plupart des chercheurs recourent désormais à la convocation de plusieurs théories pour
expliquer la diffusion comptable d’ISE. Globalement, trois cas de figure peuvent être observés :

10
« the metatheoretical question of integrated theory » est une expression utilisée par Treviño et Weaver (1999)
pour désigner la question de l’intégration d’une théorie dans un cadre explicatif plus grand.
11
Etudes dont le cadre théorique est basé sur une seule théorie.
17
dans le premier cas, pour justifier le choix d’une théorie, les chercheurs se lancent dans des
démonstrations théoriques profondes, dans l’optique de montrer la supériorité de cette théorie
sur les autres théories rivales ; dans un deuxième cas, des théories proches ou complémentaires
sont mises ensembles (ou fusionnées) pour créer un cadre théorique jugé plus robuste ; dans un
troisième cas enfin, des théories mutuellement exclusives sont convoquées de manière
séquencée au cours d’une même recherche pour expliquer chacune, des pans d’une réalité
complexe.

Toutefois, loin d’aboutir à un niveau supérieur d’explication, ce regroupement de


théories à l’intérieur du même cadre est souvent à l’origine de nombreuses contradictions et
incohérences. Certains auteurs critiques, dénoncent non seulement le manque de cohésion entre
ces théories combinées, mais aussi la difficulté de ces cadres théoriques multiples à se soumettre
à la validation empirique.

Dans cette partie, la recherche est premièrement consacrée à l’illustration des problèmes
d’incohérences entre les théories mobilisées, ainsi que des contradictions entre les résultats
retrouvés dans les études. Deuxièmement, il est observé que le choix des cadres théoriques par
les chercheurs, connait plusieurs variations dans le temps. Ces variations (ou phases) seront à
leur tour présentées.

2.1. La recherche d’un cadre théorique pour la comptabilité verte : l’amalgame des
constructions théoriques

Trois études sont choisies dans trois contextes bien distincts pour servir d’illustration.
Dans ces trois cas, les auteurs se livrent à des démonstrations (et analyses) théoriques pour
montrer la supériorité d’une théorie dans l’explication du comportement social des
organisations. Le dénominateur commun de ces trois cas est l’usage de la théorie des parties
prenantes (Edward, 1984).

Dans le premier cas (étude présentée au congrès de l’Association Francophone de


Comptabilité), la théorie des parties prenantes est décrite comme une sorte de métathéorie située
sur un continuum ayant dans un extrême les théories contractuelles, et dans l’autre extrême les
théories normatives, en l’occurrence la théorie de la légitimité. La supériorité de la théorie des
parties prenantes est mise en exergue à l’issue d’une démonstration théorique plutôt rigoureuse.
Le second cas par contre, est extrait d’un débat dans l’Academy of Management Review, portant
sur la théorie des parties prenantes, et notamment la proposition d’une « théorie convergente

18
des parties prenantes » qui présenterait le mérite d’être à la fois instrumentale et normative. Le
troisième cas enfin, provient de l’International Journal of Asian Social Science. Dans cette
dernière étude réalisée en Asie12, c’est la supériorité de la théorie institutionnelle qui est
démontrée. La théorie des parties prenantes est présentée ici comme ayant un pouvoir explicatif
plus réduit que celui de la théorie institutionnelle. Les trois cas sont présentés et analysés de
manière successive.

2.1.1. La « métathéorie » des parties prenantes proposée par Giordano et Rivière

Les recherches en comptabilité verte ont mobilisé plusieurs théories souvent empruntées
à la sociologie et aux sciences économiques, pour étudier le phénomène de diffusion
d’informations sociales et environnementales. Seulement, ces cadres théoriques copiés, sont le
plus souvent mal adaptés. C’est pourquoi Richard (2005) préconise d’utiliser des cadres
normatifs comptables éprouvés, pour se démarquer des théories de la RSE qui sont peu
stabilisées (Capron et al., 2005 ; Richard, 1999). Il s’agit en clair de prendre comme socle, les
cadres normatifs comptables (approche statique et dynamique de la comptabilité).

Sur cette lancée, et dans l’optique des construire un cadre théorique adapté aux études
en comptabilité verte, Giordano et Riviere (2007) identifient la théorie des parties prenantes
(TPP) comme étant aux deux extrêmes d’un continuum constitué des théories économiques
(théorie de l’agence, théorie des coûts de transaction …) et des théories sociopolitiques (théorie
de la légitimité en l’occurrence). Ainsi, Giordano et Rivière démontrent dans leur analyse que
la théorie des parties prenante à d’abord une vision économique, qu’ils qualifient d’« approche
instrumentale de la théorie des parties prenantes ». Cette vision se rapporte aux théories
contractuelles et par conséquent, elle intègre le reporting sociétal à la communication financière
dans une logique de la valeur. Parallèlement, il y’a aussi la vision sociale de la TPP baptisée
« approche normative de la TPP », qui repose sur la théorie de la légitimité (Gray et al., 1995),
et préconise au contraire une conception plus égalitaire des stakeholders (logique de la
transaction). Cette analyse est synthétisée dans le schéma ci-dessous issu des travaux de ces
deux auteurs.

Figure 3 : Continuum des cadres théoriques de la RSE

12
L’étude est menée au Bangladesh
19
Source : Giordano et Rivière (2007)

En résumé, la théorie des parties prenantes peut aisément se substituer aux théories
contractuelles et à la théorie de la légitimité. Elle constitue donc à elle seule, un cadre explicatif
robuste pour expliquer la diffusion comptable d’ISE. Cette conclusion à laquelle arrivent
Giordano et Rivière conduit néanmoins à émettre des réserves sur la faisabilité du
rapprochement entre la vision instrumentale de la TPP et la vision normative de la TPP. Un
houleux débat consacré à la TPP dans une célèbre revue scientifique américaine, met à jour les
limites d’une combinaison entre les deux visions identifiées de la TPP. La présentation de ce
débat est l’objet du développement qui va suivre.

2.1.2. Le paradoxe de la théorie « convergente » des parties prenantes de Jones et Wicks

Donaldson et Preston (1995) distinguent trois théories des parties prenantes :

- La théorie des parties prenantes empirique descriptive, reposant sur l’hypothèse selon
laquelle « les managers agissent actuellement avec certaines manières », en tenant compte des
intérêts et des revendications des différents acteurs. La limite de cette théorie est qu’elle ne
permet pas de faire la connexion entre le management des stakeholders et les objectifs
traditionnels de l’entreprise ;
- La théorie des parties prenantes empirique instrumentale, qui étudie les liens entre
management des stakeholders et rentabilité. C’est une approche contingente qui utilise les
méthodes statistiques conventionnelles. L’hypothèse sous-jacente est que « certains résultats

20
sont plus probables si les organisations et les managers agissent avec certaines manières ». De
la sorte, en adoptant les pratiques de RSE, les entreprises sont performantes en termes de profit,
de stabilité, de croissance …
- La théorie normative des parties prenantes, qui indique que « les entreprises et les
managers doivent agir selon certaines mesures ». C’est une vision interprétative narrative,
reposant sur des concepts fondamentaux philosophiques.

Présenté de cette manière, la théorie des parties prenantes offre globalement deux
visions d’analyses : la vision instrumentale ou managériale, et la vision normative. Seulement,
cette distinction opérée entre vision instrumentale et vision normative de la théorie des Parties
prenante est à l’origine de vives controverses.

Dans l’optique de concilier les deux visions à l’intérieur d’un cadre théorique unique,
Weaver et Treviño (1994) étudient la relation entre approche normative et empirique de
l’éthique des affaires en se basant sur trois critères :

a- Le parallélisme, qui suppose le rejet de toute liaison entre normatif et empirique, pour
des raisons conceptuelles et pratiques ;
b- La symbiose, qui indique que les deux approches surviennent l’une de l’autre mais
restent distinctes dans leurs hypothèses et méthodologies ;
c- L’intégration, qui précise que les deux font partie d’un même cadre théorique.

En définitive, toute théorie est incomplète si elle est exclusivement normative ou


exclusivement expérimentale (Trevino et Weaver, 1994 ; Treviño et Weaver, 1999 ; Weaver et
Trevino, 1994).

Jones et Wicks (1999) proposent dans ce sens une théorie hybride des parties prenantes,
qui allie vision normative et vision empirique, puisqu’ils jugent que l’une ne va sans l’autre. Ils
nomment cette théorie hybride : la théorie convergente des parties prenantes « convergent
stakeholders theory ». Leur théorie hybride des parties prenantes repose sur trois
postulats majeurs :

a- L’organisation opère publiquement dans un marché économique compétitif ;


b- Les décisions sont prises par les managers professionnels ;
c- Les comportements sont contingents.

21
Cette théorie s’intéresse ainsi aux relations entre managers et stakeholders se basant sur
des fondements moraux. Elle est simultanément normative et instrumentale. Son fondement
normatif est explicitement moral, et les moyens utilisés ne sont que pour des fins morales.

Cependant, les critiques avancées à l’encontre cette théorie sont d’une extrême
violence : intégration difficile entre théorie empirique et théorie instrumentale ; manque de
clarté ; manque de construit ; absence de variable empirique testable etc. Freeman (1999)
propose même en guise de réponse à Jones et Wicks, une ironique théorie divergente des parties
prenantes « divergent stakeholders theory ». Dans le même ordre d’idées, Treviño et Weaver
(1999) targuent Jones et Wicks d’être des théoriciens divergents qui ont mal compris la question
métathéorique de ce qu’est une théorie intégrée.

Sans intention de revenir sur le houleux contenu de ce débat qui a fait l’objet de la
publication d’un numéro spécial dans l’academy of management review13, cette recherche tente
simplement de décrire toute la difficulté qu’il y a à construire un corpus théorique cohérent et
adapté à la recherche en comptabilité verte.

Un dernier cas illustratif est issu d’une revue scientifique d’Asie. Il présente cette fois
une autre théorie jugée supérieure à la TPP, et mieux adaptée pour servir de cadre théorique
aux recherches en comptabilité verte dans les pays en développement.

2.1.3. La métathéorie institutionnelle d’Ali et Rizwan

La théorie institutionnelle a deux branches : l’isomorphisme et le découplage (Ali et


Rizwan, 2013 ; Deegan, 2002 ; DiMaggio et Powell, 2000 ; Suchman, 1995). La diffusion d’ISE
est une pratique, tandis que le processus par lequel l’entreprise adopte des pratiques similaires
à celles des firmes qui opèrent dans le même milieu qu’elle est appelé processus
d’isomorphisme.

Pour Ali et Rizwan (2013), L’adoption des pratiques de diffusions d’ISE par les
entreprises des pays en développement est influencée par un certain nombre de parties
prenantes : Etat, syndicats, associations de consommateurs, acheteurs internationaux, médias,
employés, investisseurs, entreprises multinationales, concurrents, réseaux de RSE, ONG,
organismes de normalisation et institutions académiques (Ali et Rizwan, 2013).

13
Academy of Management Review, 1999, Vol. 24, No. 2.
22
Contrairement à la TPP qui classifie les Parties Prenantes en deux groupes (en fonction
de leur proximité : PP14 proches et PP diffuses), la théorie institutionnelle les classifient
respectivement à leur pouvoir en trois groupes : coercitif (Etat, Syndicats, associations de
consommateurs, acheteurs internationaux, médias, employés et investisseurs), mimétique
(entreprises multinationales, concurrents) et normatif (réseaux de RSE, ONG, organismes de
normalisation et institutions académiques.)

L’étude d’Ali et Rizwan (2013) montre que les groupes normatifs exercent une pression
normative sur les firmes des pays en développement, pour les inciter à diffuser des ISE. Or, ces
groupes normatifs ne peuvent pas économiquement les impacter. Il revient donc à chaque
entreprise d’intégrer ou non les recommandations de ses PP. D’un autre côté, les PP telles que
l’Etat, les actionnaires, les employés, les clients internationaux et les médias, peuvent exercer
une pression coercitive sur les entreprises des pays en développement. Ces PP ont en effet le
pouvoir de contraindre économiquement ces entreprises. D’autres PP comme les
multinationales et les entreprises concurrentes, créent plutôt une pression mimétique sur les
entreprises des pays en développement (Ali et Rizwan, 2013).

Le modèle théorique issu de cette analyse, démontre la supériorité de l’approche


institutionnelle sur les deux autres approches : l’approche selon la théorie de la légitimité et
l’approche selon la théorie des parties prenantes respectivement. Il faut remarquer que
contrairement à l’analyse faite par Giordano et Rivière (2007), la TPP est reléguée ici à un
niveau d’explication inférieure à celui de la théorie de la légitimité, et de la théorie
institutionnelle. Le modèle d’Ali et Rizwan (2013) est illustré par le schéma suivant :

Figure 4 : Perspective de la théorie institutionnelle selon Ali et Rizwan (2013)

THEORIE DE LA LEGITIMITE

INTENSITE DE LA PROCESSUS THEORIE DES PARTIES PRENANTES


PRESSION Etat
Syndicats et associations de consommateurs
PARTIES PRENANTES / Clients internationaux
Elevée INSTITUTIONS Média
Employés
Investisseurs / Institutions Financières
2
Diffusion

PARTIES PRENANTES / d’Informations


Entreprises Multinationales
ISOMORPHISME INSTITUTIONS Normes industrielles et Concurrents Sociales et
Environnementales
Moyenne 3

14 Caractéristiques de l’entreprise
Parties Prenantes. PARTIES PRENANTES / Cadre conceptuel sur la RSE
Faible INSTITUTIONS ONG
Labels RSE et Agences de normalisations 23
1 Institutions Académiques
Source : Traduit d’Ali et Rizwan (2013)

Les trois cas ci-dessus illustrent le mal profond qui mine la recherche en comptabilité
verte. La robustesse des différentes études n’est pas remise en question ici, mais c’est plutôt la
divergence des résultats qui est problématique. Comme le précise Gray (2002 ; 2005), à certains
moments, le programme de recherche en comptabilité verte peut être contradictoire, confus et
divergent.

Globalement, un regard panoramique de ces multiples tentatives pour trouver enfin un


cadre théorique adapté aux études en comptabilité verte, conduit à constater que cette quête suit
une certaine évolution au fil du temps. Après cette présentation des différentes théories
mobilisées15 pour expliquer le phénomène de diffusion d’ISE par les entreprises, il sera exposé
à présent la démarche par laquelle les recherches actuelles essaient de trouver (ou construire)
des cadres théoriques plus robustes, pour expliquer la diffusion comptable d’ISE.

2.2. Les différentes phases de « la guerre des paradigmes » : présentation de l’évolution


des cadres théoriques associés aux recherches en comptabilité verte

La recherche en comptabilité verte pose résolument le problème du choix d’un cadre


théorique adéquat. Tantôt emprunté à des disciplines voisines, ou tantôt construit sur la base
de multiples théories, le cadre théorique utilisé dans les recherches en comptabilité verte varie
selon les études. Une analyse menée sur des travaux publiés depuis la seconde moitié du
vingtième siècle permet d’observer que le choix du cadre théorique a suivi une certaine
évolution au fil du temps. Cette évolution dans le choix des cadres théoriques mobilisés par les
chercheurs en comptabilité verte, s’apparente à une véritable guerre d’idées (ou d’écoles de

15
Les auteurs mobilisent souvent plusieurs théories au cours de la même étude, nous ne présentons dans cette
communication que les théories prises individuellement.
24
pensées), qui est désignée dans cette recherche comme « la guerre des paradigmes », pour
paraphraser l’expression utilisée généralement pour désigner l’opposition traditionnelle entre
positivisme et herméneutique.

De l’emprunt des théories économiques à l’usage des métathéories, en passant par


l’usage des modèles sociaux et des théories socio-politiques, les différentes étapes de
cette guerre des logiques sont présentées dans le tableau ci-dessous.

Tableau 2 : Evolution des cadres théoriques en comptabilité verte

Phases Cadre théorique Auteurs de référence Etudes ou travaux de recherche

Phase 1: emprunt des Théorie positive Théorie positive de la comptabilité Labellle et Thibault (1998) ;
(Watts et Zimmerman, 1976) Cochran et Wood (1984)
théories économiques
Théories Théories de l’agence (Jensen et Gillet et Martinez (2012) ;
contractuelles Meckling ; 1978) ; Théorie des droits
de propriété (Coase, 1960) ; Théorie
des coûts de transaction (Alchian et
Demetz, 1966)
Phase 2 : développement et Modèles sociaux Pyramide de Carroll (Carroll, 1979 ; Jamali et Mirshak (2007)
1991 ; 1999) ; Modèle de Wood
usage de modèles sociaux
(Wood, 1991)
Phase 3 : arrivée des théories Théories socio- théorie des parties Ullman (1985) ; Damak-Ayadi
politiques prenantes (Freeman, 1984) (2006)
socio-politiques
théorie de la légitimité (Sethi, 1975) ; De Villiers et Van Staden (2006) ;
(Dowling et Pfeffer, 1975) Dobbs et Van Staden (2012) ; Sethi
(1975)
théorie institutionnelle (Dimaggio et Mullenbach et Rmadi, (2010)
Powell, 1983)
théorie de la dépendance des David et Cobb (2009) ; Déjean et
ressources (Pfeffer et Salancik, 1978) Oxibar (2012)
théories de la dépendance (Ghandi, Kamla (2007)
1998) ; (Said, 1978 ; 1993)
Phase 4: l’heure des Cadre Janicot (2007) ; Trebucq (2006) ;
complémentaire Cauvin et al. (2006) ; Quairel
paradigmes multiples
formé de plusieurs (2004) ; Hahn et Lülfs (2013)
théories proches ou
rivales
Démonstration de la Damak-Ayadi (2006) ; Ali Et
supériorité de Rizwan (2013) ; Weaver et Treviño
certaines théories ou (1994 ; 1999) ; Jones et Wicks
l’heure des (1999)
Métathéories (fusion
de théories)
Phase 5: développements Nouvelles théories ? ? ?
futurs ? Nouveaux modèles ? ? ?
Passage vers une ? ?
théorie formelle ?

25
Abandon ? ? ?
Source : Nos propres soins

L’explication des différentes phases de la guerre des logiques identifiées dans le


tableau est détaillée à la suite.

2.2.1. Phase 1 : l’emprunt des théories économiques

Dans la première phase de cette guerre, les chercheurs en comptabilité verte (appelée au
départ comptabilité de RSE16) font appels aux théories économiques (Jensen et Meckling, 1976
; Jensen et Meckling, 1978 ; Watts et Zimmerman, 1978) comme dans la plupart des premières
études réalisées en comptabilité financière.

2.2.2. Phase 2 : le développement et l’usage des modèles sociaux

Par la suite, un malaise dû principalement à l’encrage social17 du phénomène de


diffusion d’ISE18, a orienté les recherches vers les modèles sociaux, qui ont été développés
initialement pour étudier la performance sociale des organisations. Ces modèles de performance
sociale ou de performance RSE (Golli et Yahiaoui, 2009) sont utilisés par les chercheurs en
comptabilité verte, pour expliquer à partir d’une échelle de priorité, l’importance que
l’entreprise accorde au traitement de chaque information (économique, règlementaire ou légale,
éthique, philanthropique…). Parallèlement, les auteurs concluent que le type d’information
diffusé par les entreprises est lié à cet ordre priorité (Carroll, 1979 ; Wood, 1991). Comparé à
la première phase de la recherche du cadre théorique adapté à la comptabilité verte, l’usage des
modèles sociaux n’a pas eu un écho considérable dans la communauté des chercheurs.
Conséquemment, la littérature récence peu d’études qui ont utilisé les modèles sociaux comme
cadre théorique.

16
Responsabilité Sociale des Entreprises. Se référer au chapitre 1 de cette thèse pour connaitre les autres noms
attribués à la comptabilité verte.
17
La diffusion d’ISE est un phénomène social, qui échappe aux seules études économiques. Il est étroitement encré
dans les relations entre les hommes, et donc beaucoup plus proche des sciences sociales que des sciences « dures »
(Ali et Rizwan, 2013 ; Islam, 2009).
18
Informations Sociales et Environnementales
26
2.2.3. Phase 3 : l’arrivée des théories socio-politiques

Sans une véritable transition entre les deux premières phases de « la guerre des
paradigmes », les recherches se sont orientées vers les théories socio-politiques (DiMaggio,
1995 ; Edward, 1984 ; Freeman, 1994 ; Pfeffer et Salancik, 2003). C’est le début de la troisième
phase de cette guerre, qui est sans doute la plus longue et la plus prolifique. Les théories socio-
politiques semblent mieux adaptées à l’étude de la diffusion comptable d’ISE, puisqu’elles
offrent aux chercheurs un positionnement particulier. Très proches des théories contractuelles,
ces théories possèdent en plus un côté un normatif. Elles permettent ainsi d’intégrer dans
l’explication de la diffusion comptable d’ISE, aussi bien des raisons économiques que des
raisons sociales, politiques, historique ou encore culturelles. Jusqu’à présent, de nombreux
chercheurs continuent encore à recourir aux théories socio-politiques pour étudier la diffusion
comptable d’ISE.

2.2.4. Phase 4 : l’heure des paradigmes multiples

La quatrième phase de « la guerre des paradigmes » est marquée par la recherche des
cadres théoriques plus puissants, voire plus globalisants. De fait, à la suite de moult vérifications
et controverses, les théories socio-politiques ont été jugées peu robustes. Non seulement, elles
ne sont pas pertinentes dans tous les contextes, mais aussi, elles ne sont pas toujours vérifiables
empiriquement. Conséquemment, le débat actuel est dominé par des études qui recourent à des
méthodes plus ou moins sophistiquées, pour fusionner des théories, ou pour démontrer la
supériorité de certaines théories sur les autres théories rivales (Ali et Rizwan, 2013 ; Damak
Ayadi, 2006 ; Jones et Wicks, 1999). L’usage d’un cadre théorique composé de multiples
théories (rivales ou complémentaires) est donc devenu la règle (Ali et Rizwan, 2013 ; Azizul
Islam et Deegan, 2008 ; Belal et Cooper, 2011 ; Momin et Parker, 2013).

Le tableau de synthèse présenté, s’achève sur plusieurs interrogations qui peuvent se


résumer en deux questions : convoquer et vérifier de multiples théories permettra-t-il à termes
d’aboutir à des cadres théoriques adéquats pour les recherches en comptabilité verte ? La
recherche progresse-t-elle vers le développement de théories formelles ou au contraire,
s’achemine-t-elle vers une impasse ?

Ces questions essentielles laissent transparaitre en réalité l’une des limites majeures des
recherches en comptabilité vertes : le recours à des modélisations et des vérifications
théoriques, basées sur des raisonnements généralement déductifs (ou positivistes).

27
Conclusion

En fin de compte, les développements précédents ont montré que le programme de


recherche en comptabilité verte est encore en construction, et qu’il demeure fortement influencé
par des réalités contextuelles (Ali et Rizwan, 2013 ; Azizul Islam et Deegan, 2008 ; Belal et
Momin, 2009 ; Momin, 2006). Ainsi, étroitement liée aux problématiques de RSE, la
comptabilité verte peine encore à trouver un équilibre face à la nécessité de combiner des
réalités économiques, sociales et environnementales. C’est pourquoi loin de contribuer à la
compréhension de la diffusion comptable d’ISE, les recherches axées sur la vérification des
théories rivales conduisent le plus souvent à verser dans des analyses contradictoires, qui
rendent encore plus floue la compréhension de ce phénomène (Gray et al., 1995). Pour mettre
fin à la guerre d’idées (au conflit entre théories et/ou modèles rivaux) qui dure depuis plus d’un
demi-siècle, certains auteurs critiques recommandent de renoncer à la vérification des théories,
et de recourir plutôt à des approches compréhensives (Belal et Cooper, 2011 ; Belal et Momin,
2009). Il s’agit en clair, de questionner directement les entreprises pour avoir des explications
(ou informations) non détachées de la réalité (Momin, 2013). Une telle posture a pour avantage
de comprendre le phénomène dans son contexte, pour ensuite (et si nécessaire) construire un
modèle, développer une théorie, ou encore identifier des postulats (ou des propositions) plus
adaptés aux données étudiées. Ce genre de démarche nécessite de mener un travail
[sociologique] profonds et fastidieux, mais qui aura le mérite d’aboutir sur une meilleure
compréhension du phénomène (Luckerhoff et Guillemette, 2012 ; Momin, 2013). Alors, pour
mener à bien ce travail long et rigoureux, cette recherche propose d’utiliser une démarche
inspirée de la sociologie, basée sur l’application de la « grounded theory », encore appelée
méthode de théorisation enracinée (Glaser et Strauss, 1995 ; Glaser et Strauss, 2009 ;
Luckerhoff et Guillemette, 2012). C’est une démarche qui repose sur un processus itératif de
collecte et d’analyse des données, permettant de générer des théories enracinées dans les
données. Ayant fournie des résultats positifs dans les recherches en sociologie, en sciences
infirmières, et en sciences de gestion, cette méthode a déjà été utilisée en comptabilité, dans des
études menées au Royaume-Uni, au Canada, et même en Afrique (Gaspar, 2017 ; Gaspar et
Mkasiwa, 2014 ; Goddard, 2004 ; Goddard, 2005 ; Mkasiwa, 2011 ; Mkasiwa et Gasper, 2014).
Une telle perspective serait utile pour conduire des recherches dans des contextes peu explorés
comme celui de l’Afrique subsaharienne.

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