Revue Marocaine de Protection des Plantes, 2014, N° 5: 31-40

Estimation par piégeage sexuel de l’impact des traitements

insecticides du verger sur les populations du carpocapse adulte
(Cydia pomonella L., Lep., Tortricidae)
Estimation of the impact of orchards insecticides treatements against
moths of Codling moth (Cydia pomonella L.) by sexual trapping
HMIMINA M.
Institut Agronomique et Vétérinaire Hassan III, Rabat
Résumé
Les résultats présentés, fruits de 12 ans d’observation, apportent un nouvel éclairage sur la
façon dont les insecticides freinent les infestations de Cydia pomonella. Certains produits,
affectant de manière significative le vol des papillons, montrent que leur efficacité découle
d’abord en partie de la mortalité adulte.

Mots clés : Cydia pomonella L., carpocapse, piégeage sexuel, insecticides adulticides

Summary

The results presented, 12 years of observation, shedding new light on how insecticides hinder
Cydia pomonella infestations. Some insecticides affect significantly the flight of butterflies.
So, in orchards, the reduction of codling moth populations is done first in part through adult
mortality.
Key words : Cydia pomonella L.,Codling moth, sexual trap, insecticides adulticides
INTRODUCTION par les acheteurs. Assurément,
l’augmentation de la pression de l’insecte
Les deux périodes de lutte prééminentes dans un verger affecte les parcelles voisines
contre Cydia pomonella se situent et préoccupe tout l’entourage.
conjointement pendant sa vie larvaire : 1)
période fugace de la ponte à la pénétration Les cibles des multiples traitements anti-
de la larve baladeuse dans le fruit au moyen carpocapses sont donc les œufs et les larves
d’insecticides 2) pendant la diapause, c'est- baladeuses, car une fois celles-ci à l’abri
à-dire en fin de cycle, par ramassage des dans le fruit elles échappent aux toxiques.
bandes pièges de carton ondulé fixées sur Mais qu’en est-il des papillons ?
les troncs et destruction des larves âgées
dormantes séquestrées, opération très Une des premières estimations de l’effet
avantageuse pour ceux qui l’adoptent. d’une intervention insecticide est la quantité
de papillons piégés au lendemain d’un
Pour maintenir les dommages à des niveaux traitement. Les arboriculteurs perçoivent
acceptables, la première période nécessite ces prises comme une première évaluation
annuellement une couverture insecticide de l’efficacité des applications effectuées.
continue. Et celui qui y renonce ou lésine Sur ce point, ils ont développé une opinion
sur les traitements court le risque de ne pas embrouillée dont il est généralement
être apprécié de ses voisins et d’être boudé

31

difficile d’en débattre sans tomber dans des
subtilités justifiables à certains égards.
En effet, à ce jour, curieusement, l'impact
des traitements dans la répression du
carpocapse adulte n'a fait l'objet d'aucune
évaluation. En d’autres termes, l’action
adulticide des pesticides utilisés n’a jamais
été vérifiée au champ. Depuis toujours, se
protéger contre le carpocapse consiste à
éviter vaille que vaille la pénétration
larvaire. Cependant, de façon générale, les
traitements insecticides exécutés touchent,
outre les jeunes larves et les œufs contre
lesquels ils sont apprêtés, toute la faune du
verger. Il est banal de considérer qu’ils
affectent également les papillons du
carpocapse au même titre que divers autres
arthropodes volants, rampants, etc., et cela
est d’autant plus vrai si l’on se souvient que
ce ravageur demeure généralement attaché
à ses parcelles, se déplace quasiment peu et,
sujet, en conséquence, à subir violemment
les pesticides répandus localement.
Dans ce contexte, nous présentons les
séquelles de divers produits anti-carpocapse
sur le vol des papillons pendant une période
suffisamment étalée pour atténuer les
disparités liées au piégeage et s’accorder
avec des conclusions crédibles sur cette
face délaissée de la lutte en raison des
difficultés d’évaluation qu’elle présente.
MATERIEL ET METHODES
Précisions sur la relation piégeage-
lutte
La lutte contre le carpocapse requiert un
programme de surveillance à l’aide de
pièges sexuels et de traitements insecticides
visant les œufs et les larves. En l'absence de
tels traitements ou à défaut d’indications
appropriées sur le vol, les dégâts à la récolte
peuvent s’élever à des proportions
alarmantes ou à une inflation en
interventions sans commune mesure avec la
réalité. C’est ainsi que le piégeage sexuel,
dans sa forme classique, s’est rapidement
Hmimina
imposé comme méthode de veille simple,
spécifique, sélective et profitable. Et, dès
lors que les attractifs sont commercialement
disponibles, ils sont devenus la base de la
lutte dirigée.
Comme technique d’alerte, le piégeage
sexuel produit au moins trois pistes
permettant de guider les observations
fonctionnelles ultérieures :
• présence ou absence du ravageur :
l’absence des papillons dans les pièges
prévient les traitements inutiles. Leur
présence incite à la prudence, renseigne sur
le risque potentiel et aide à la prise d’une
décision motivée ;
• date d’apparition des adultes,
prévision des premières pontes et de
l’éclosion des jeunes chenilles. En théorie,
ces données sont particulièrement
importantes pour cibler les interventions
contre les œufs et les jeunes larves, qui de
par leur vie endophyte impose l’emploi
d’insecticides avant la cruciale étape de
pénétration dans le fruit ;
• estimation des niveaux de
populations : c’est le point le plus
complexe, car on capture des mâles et ce
sont les femelles qui pondent, et, on se
hasarde à évaluer l’abondance des larves à
venir pour décider ou non d’un traitement à
travers les mâles englués. Or les captures ne
sont proportionnelles ni au risque, ni au
niveau de population. Et l’on n’oublie
souvent que le piégeage ne permet de
raisonner les interventions que dans les
vergers où la population est faible.
Du reste, comme un insecticide affecte
généralement tous les insectes, il nous
semble juste de préciser que les traitements
larvicides nuisent immédiatement aux
populations imaginales. Et, si ce handicap
s’exprime par une chute des populations
après traitements, il doit être perceptible
dans les captures aux pièges. Pour démêler
ce problème, nous avons mis à profit douze
années de résultats de piégeage sexuel,
32
 Hmimina

période assez longue pour offrir une vue suffisamment correcte sur une éventuelle
efficacité adulticide dans la répression du Les pièges sont relevés à jour fixe trois fois
carpocapse. par semaine. Cela va sans dire, que durant
toute la période post-florale (nouaison à la
Piégeage sexuel récolte) on dispose de 3 captures
Chaque année de 2002 à 2013, entre mi- hebdomadaires pour chaque piège d’un
avril et la récolte, des pièges sexuels sont réseau de 10 éléments recouvrant
installés dans un même verger commercial l’ensemble des parcelles. C'est le cumul des
(33° 24’ 52.28 N - 5°17’ 39.75 O, 1110 m 3 dernières captures comparé au seuil (5
d’altitude) établi dans la vallée de Tigrigra papillons) qui impose le bien-fondé des
à Azrou, lieu d’une importante production interventions.
fruitière et où les plantations prédominent Produits utilisés
dans le paysage.
Une large gamme d’insecticides de
Le piège est de forme delta, de couleur synthèse, aux modes d’action divers, tels
jaune, muni d’une plaque engluée sur que les organophosphorés, les
laquelle se poissent les mâles leurrés par pyréthrinoïdes, les carbamates, les
une capsule micro-dosée remplaçable toutes chloronicotiniles, les benzoyl urées, les
les quatre semaines. Quant aux plaques oxadiazines, les anthranilamides, les
engluées, elles sont changées régulièrement accélérateurs de la mue est utilisée pour
toutes les trois à quatre semaines ou en cas dompter les populations du carpocapse
de surcharge par des encrassements (Tabl. 1). De nos jours, certaines spécialités
(poussières, insectes…) rendant les saisies sont retirées du marché et si nous les
incertaines. présentons c’est pour l’intérêt qu’ils
présentaient à l’époque où elles étaient en
usage.
Tableau 1. Insecticides post floraux appliqués entre 2002-2013 et nombre de traitements
Spécialités Matières actives Mode d’action Nbre de traitements
Dursban 4 Chlorpyriphos éthyl Contact, Ingestion, Inhalation 18
Talstar Bifenthrine Contact, Ingestion 18
Ultracide Méthidation Contact, Inhalation, Ingestion 12
Décis Déltaméthrine Contact, Ingestion 9
Malathion Malathion Ingestion, Inhalation 9
Lebaycid Fenthion Contact, Ingestion, Inhalation 8
Imidan Phosmet Contact, Ingestion, Inhalation 6
Arrivo Cyperméthrine Contact, Ingestion 6
Avaunt Indoxacarbe Contact, Ingestion 6
Lannate Méthomyl Contact, Ingestion 5
Calypso Thiachlopride Contact, Ingestion 4
Azinkothion Azinphos méthyl Contact, Ingestion, Inhalation 3
Karaté Lambda cyhalothrine Contact, Ingestion 3
Folidol Parathion méthyl Contact, Ingestion Inhalation 3
Zolone Phosalone Contact, Ingestion 3
Prométhion Diméthoate Contact, Ingestion 2
Runner Méthoxyfénozide Ovicide 2
Cascade Flufénoxuron Ingestion (ICI) 2
Nurelle Chlorpyriphos éthyl+Cyperméthrine Contact, Ingestion, Inhalation 1
Coragen Chlorantraniliprole Ovolarvicide, Larvicide 1
Total 20 121

33

Estimation de l’effet traitement
Entre avril et la récolte, le vol de l’insecte
est continu mais avec des fluctuations
apériodiques sous la dépendance de
multiples facteurs provenant du milieu
physique (température, pluie, vent, etc.) et
périodiques, celles de l’insecte lui-même
par l’intermédiaire des phases de son cycle
de développement. Ainsi, à tout moment,
les captures amassent des mâles plus ou
moins âgés et ceux venant d’émerger. C’est
donc l’activité courante qui conditionne les
prises aux pièges.
Pour rendre compte des effets des
traitements sur l’insecte, nous avons suivi
dans le détail par piégeage sexuel son
activité de vol au travers ses attitudes et ses
animations. Dans cette évaluation, trop
lourde à développer dans sa totalité, seuls 4
pièges couvrant une parcelle de 10 hectares
sont pris en compte. Pour cela, nous avons
fait cas de leurs captures deux jours avant
tout traitement insecticide (prises avant
traitement assimilables aux témoins) et 2, 4
et 6 jours après traitement (efficacité des
traitements). L’espace qui sépare deux
interventions successives est de 10-14
jours.
RESULTATS
Etat exhaustif des captures de 2002 à 2013
Le suivi du renouvèlement pluriannuel des
populations du ravageur et des traitements
est donné dans le tableau 2 d’où il ressort
tout d’abord que la corrélation entre les
moyennes des captures/piège/jour
(x/piège/jour) et les traitements est non
significative (r2 = 0.005). Cette
indépendance entre ces deux grandeurs veut
dire que le climat annuel, les sources
artificielles d’attraction des papillons et la
lutte se mêlent de façon telle qu’il en
résulte une difficulté réelle à déterminer les
Hmimina
tendances de l’évolution du ravageur. Dans
le détail, les captures montrent parfois de
brusques variations rendant les conclusions
de toute analyse discutable. Pour délimiter
les générations, on combine ces variations
selon deux manières complémentaires : les
pics bordant les inter-vols, qui reviennent
de manière récurrente et les creux des
pullulations.
Les vols massifs et saillants, dont on peut se
risquer à dire qu’ils constituent la forme
dominante des pics, proviennent des
changements de générations. Les mâles
émergeant un peu plus tôt que les femelles,
il est naturel que les pièges, faisant office
de femelles fictives, soient plus attractifs.
Au sujet des creux, la première idée qui
surgit, est que les phéromones synthétiques
entrent en compétition avec des femelles
sexuellement actives et que leur efficacité
diminue lorsque la densité de la population
est élevée. En situation d’abondance, les
mâles ont donc plus d’occasions de
rencontrer dans leur quête de vraies
partenaires par hasard. Mais outre la
compétition, d’autres facteurs, plus ou
moins mineurs, entachent le piégeage :
l’âge des insectes, l’emplacement des
pièges, la densité des pièges, la situation
régionale, les conditions climatiques, etc.
(Charmillot et al. 1975 ; Riedl 1980) et les
transitions de générations.
Ce sont là les causes bio-ordinaires sources
de variations dans le fonctionnement du
piégeage. Mais ce n’est pas tout. En verger
traité, on est en droit de spéculer que les
insecticides utilisés se mêlent aux
phéromones altérant en conséquence leur
attractivité. Il n’en est vraisemblablement
pas ainsi. Les sensilles des antennes
détectant les phéromones sexuelles sont
généralement considérées comme
insensibles aux autres odeurs diffusées dans
l’environnement. Elles présentent un
spectre étroit associé à une grande
34
 Hmimina

sensibilité (Mustaparta, 1984). Sans cette jeu un grand bouleversement se

spécialisation poussée, on assisterait à des
aberrations.
Par extension, d’autres hypothèses
supplémentaires, accusant peu ou prou les
apports de l’outil piégeage, peuvent être
citées. Ne pouvant mettre au point de
méthodes permettant de s’affranchir de ces
inconvénients, la solution est celle que nous
avons adoptée : la multiplication des
observations dans le temps. Sur ce,
précautionneusement et sans remettre le
fonctionnement de la méthode en cause,
nous examinons les incidences directes des
traitements insecticides du verger : substrat
alimentaire du ravageur, son abri, son lieu
de rencontre et son lieu de ponte, situations
immanquables de contact avec un pesticide.
Cela s’entend, nos constatations mettent en
caractérisant par un très fort sens dont
témoignent les captures : certains
insecticides font preuve d’une surprenante
vigueur.
Les populations procédant les unes des
autres, si l’on prend arbitrairement l’année
2002 comme base de comparaison, on
s’aperçoit que l’accroissement interannuel
recèle quatre campagnes, non contigües, à
évolution majeure : 2003, 2007, 2012, 2013
par leur hausse et 2011 par sa baisse. Les
autres années affichent des progressions
modérées (Tabl. 2). Quant à la lutte, elle est
lourde et a un coût de plus en plus élevé en
raison des changements intervenus dans le
nombre et les coûts insecticides mis sur le
marché.

Tableau 2. Evolution des captures et des traitements dans le verger

Années Effectif Période Durée x/piège/ Accroissement Traitements

♂ en jours jour
2002 869 12/05-23/09 113 1.92 1 9

2003 2168 30/04-04/09 127 4.26 2.22 8

2004 1154 19/05-08/09 112 2.57 1.33 11

2005 1531 23/04-17/08 115 3.32 1.73 10
2006 1647 29/04-10/09 134 3.07 1.6 10
2007 2080 18/05-09/09 114 4.56 2.37 10
2008 1576 04/05-11/09 130 3.03 1.58 11
2009 1191 14/05-04/09 113 2.63 1.37 10
2010 1503 23/04-04/09 135 2.78 1.44 10
2011 892 22/04-05/09 135 1.65 0.85 12
2012 2511 03/05-07/09 127 4.94 2.57 13
2013 1763 23/04-17/08 113 3.90 2.03 11
Total 18685

35
 la troisième. Le cycle annuel du
Si diverse et efficace soit l’action des carpocapse est donc souple et flexible
traitements, la hausse constatée s’explique (Hmimina, 2011 ; Hmimina, 2013 ;
d’abord par le développement d’une Hmimina et al. 1999).
quatrième génération. Celle-ci, empreinte
d’instabilité entretenue par le climat de Captures avant et après traitements
l’année, ne se montre pas toujours de
façon continue. Ce manque de constance C’est dans les captures que s’exprime
tient aux conditions de développement de l’impact des insecticides utilisés. Durant
l’insecte. Pendant les années aux les douze années, les dénombrements
printemps et étés chauds, une grande effectués deux jours avant tout traitement
partie des chenilles terminent leur et trois fois de suite à intervalle régulier
évolution avant la période critique de deux jours après chaque traitement
d’induction de diapause et donnent cette cumulent 11963 individus répartis ainsi :
quatrième génération causant des dégâts 5220 deux jours avant traitements et
plus ou moins tardifs. Pour des raisons 2055, 2205 et 2483 respectivement 2, 4 et
inverses, sous un abaissement de longueur 6 jours après traitements. Cette
du jour accompagnée de températures déperdition numérique dessine les
nocturnes relativement fraiches et d’un contours d’une efficacité adulticide
régime alimentaire à base de fruits certaine, qui, si par souci d’objectivité on
mûrissants, les individus de la troisième devrait l’analyser année par année et
génération, évoluant dans ces conditions insecticide par insecticide, nous
fortement inductrices de diapause, conduirait à des longueurs pesantes. Dans
manifestent massivement cet état (plus de la recherche des déterminants insecticides
95%) empêchant ainsi les possibilités de responsables des incidences numériques
développement d’une généreuse sur le ravageur, nous avons condensé les
quatrième génération. De réelle et données en un tableau synthétique fondé
perceptible certaines années, la quatrième sur les moyennes accompagnées de leur
génération peut être somme toute floue et écart type (Tableau 3).
indifférenciée des individus trainards de
Tableau 3. Effectifs capturés en 12 années de piégeage avant et après traitements du verger (AVT= avant traitement,
APT= après traitement)
Produits Données piégeage 2j AVT 2j APT 4j APT 6j APT Total Statistique
Dursban Total piégé 879 214 100 94 1287 a
Moyenne/piège 219.75 53.5 25 23.5
Moyenne/capture/ 12.2±13.6 2.97±5.95 1.38±2.59 1.30±2.31
piège 3
Talstar Total pièges 576 200 579 363 1718 cd
Moyenne/piège 144 50 144.75 90.75
Moy/capture/piège 8±7.21 2.77±2.62 7.77±14.27 5.04±5.41
Ultracide Total piégé 698 275 135 154 1262 a
Moyenne/piège 174.5 68.75 33.75 38.5
Moyenne/capture/ 15.86±24. 6.25±9.25 3.06±3.31 3.5±4.7
piège 65
Décis Total piégé 382 175 168 109 834 abc
Moyenne/piège 95.5 43.75 42 27.25
Moyenne/capture/ 9.55±17.5 4.37±6.97 4.2±6.59 2.72±4.08
piège 4
Malathion Total piégé 196 44 60 79 379 a
Moyenne/piège 49 11 15 19.75
Moyenne/capture/ 5.44±5.07 1.22±1.45 1.66±2.41 2.19±3.34
piège

36
 Hmimina

Tableau 3 : suite

Lebaycid Total piégé 423 120 88 132 763 a

Moyenne/piège 105.75 30 22 33
Moyenne/capture 13.21±18.1 3.75±4.38 2.75±4.85 3.81±6.41
/piège
Imidan Total piégé 517 140 193 301 1151 abc
Moyenne/piège 129.25 35 48.25 75.25
Moyenne/capture 21.5±23.3 5.83±3.5 8.04±7.78 12.54±15.76
/piège
Arrivo Total piégé 155 60 38 65 318 ab
Moyenne/piège 38.75 15 9.5 16.25
Moyenne/capture 6.45±6.45 2.5±3.1 1.58±1.7 2.7±3.74
/piège
Avaunt Total piégé 175 175 218 151 719 e
Moyenne/piège 43.75 43.75 54.5 37.75
Moyenne/capture 7.29±6.96 7.29±11.96 9.08±18.28 6.29±7.63
/piège
Lannate Total piégé 121 128 99 126 474 e
Moyenne/piège 30.25 32 24.75 31.5
Moyenne/capture 6.05±4.8 6.4±8.62 4.95±5.9 6.3±8.21
/piège
Calypso Total piégé 75 24 151 143 393 e
Moyenne/piège 18.75 6 37.75 35.75
Moyenne/capture 4.68±9 1.5±2.98 9.43±25.13 8.93±18.02
/piège
Azinkothion Total piégé 64 29 20 13 126 a
Moyenne/piège 16 7.25 5 3.25
Moyenne/capture 5.3±5.4 2.41±2.74 1.66±3.42 1.08±1.44
/piège
Karaté Total piégé 75 49 24 76 224 cd
Moyenne/piège 18.75 12.25 6 19
Moyenne/capture 6.25±5.73 4.08±4.05 2±2.33 6.33±6.33
/piège
Folidol Total piégé 323 87 33 63 506 a
Moyenne/piège 80.75 21.75 8.25 15.75
Moyenne/capture 26.9±22.77 7.25±11.02 2.75±4.15 5.25±11.12
/piège
Zolone Total piégé 49 31 31 205 316 de
Moyenne/piège 12.25 7.75 7.75 51.25
Moyenne/capture 4.08±2.23 2.58±3.42 2.58±3.82 17.08±17.02
/piège
Prométhion Total piégé 81 24 47 74 226 bcd
Moyenne/piège 20.25 6 11.75 18.5
Moyenne/capture 10.125± 3±2.44 5.87±3.9 9.25±9.64
/piège
Runner Total piégé 143 156 120 111 530 de
Moyenne/piège 36.5 39.5 30 27.75
Moyenne/capture 17.87±24.5 19.5±31.55 5.62±5.47 4.5±4.5
/piège
Cascade Total piégé 250 52 51 17 370 a
Moyenne/piège 62.5 13 12.75 4.25
Moyenne/capture 31.25±40.48 6.5±7.65 6.37±4.95 2.125±3.44
/piège
Nurelle Total piégé 22 15 9 18 64 cd
Moyenne/piège 5.5 3.75 2.25 4.5
Moyenne/capture 5.5±2.64 3.75±6.23 2.25±1.25 4.5±1.29
/piège
Coragen Total piégé 16 57 41 189 303 e
Moyenne/piège 4 14.25 10.25 47.25
Moyenne/capture 4±2.16 1.75±2.06 10.25±8.92 47.25±35.66
/piège
Total Total piégé 5220 2055 2205 2483 11963

37

Au total, tout étant égal par ailleurs, les
121 traitements affectent de manière
significative le vol. Ils ont retranché
61.6%, 59.2 et 53.8% de la population
imaginale du Carpocapse susceptible
d’être séduite par les pièges deux, quatre
et six jours après les applications reçues
par le verger. La chute qui transparait dans
nos observations est donc à rechercher
ailleurs que dans l’interférence du
piégeage et ses conséquences sur l’insecte.
Quant à la baisse régulière observée dans
les pourcentages, par ailleurs peu
significative, elle découle
vraisemblablement de l’accroissement
naturel de la population.
Pour livrer une bonne image de l’effet
traitements sur le carpocapse adulte,
jusqu’alors inconnu, nous allons spécifier
comment l’insecte répond à chaque
insecticide.
De prime abord, l’exemple le plus
spectaculaire est le chlorpyriphos éthyl.
D’une moyenne de 219 individus
englués/piège deux jours avant
traitements, les prises tombent à 53, 25 et
23 papillons respectivement 2, 4 et 6 jours
après traitements. Ce n’est certainement
pas un hasard. L’ensemble des
applications de cet organophosphoré
témoigne de sa vive et homogène action
sur l’insecte. En quatre jours, sa
population est décimée à 88.6%. Il est
alors aisé de deviner que les papillons
d’un verger fortement étouffés fourniront
une descendance parfaitement atténuée.
Cette constatation explique le succès de ce
produit en début de saison de vol de
l’insecte dans les vergers menacés. En
termes imagés, traiter au chlorpyriphos
éthyl s’apparente à un écobuage.
Les 18 traitements à bifenthrine, un des
produits souvent pratiqués dans le
domaine, offrent des informations
flottantes et difficiles à interpréter. La
perte constatée deux jours après traitement
Hmimina
(64%) est vite reconquise 4 jours après par
des prises au piège équivalant celles
effectuées deux jours avant traitement. Du
reste, l’action du méthidation s’apparente
à celle du chlorpyriphos éthyl : 60.6% de
papillons en moins 2 jours après
traitement et 80.6% 4 jours après
traitement.
Le tableau résumant les résultats montre
que la déltaméthrine a réduit les vols du
carpocapse de 56% 4 jours après
traitement. Evalué dans diverses
conditions (9 applications), le malathion a
dans son ensemble réprimé d’une manière
soutenue les populations à près de 77%, 2
jours après traitement et 69%, 4 jours plus
tard. Trois autres molécules, fenthion,
phosmet et cyperméthrine défont à des
taux comparables les effectifs de papillons
en vol réduisant ainsi convenablement le
risque qu’encourt le verger. En revanche,
le ravageur semble insensible à
l’indoxacarbe et au méthomyl. Après
traitements au moyen de ces deux
matières, son effectif demeure invariable.
L’activité du thiachlopride (aphicide à
action sur les Lépidoptères) est réellement
faible. Hormis une baisse constatée deux
jours après traitements, le niveau de
population s’est accru spontanément 4 et 6
jours après traitement. A l’opposé,
l’azinphos méthyl et plus particulièrement
le parathion méthyl ont brisé les
populations à des proportions
remarquables atteignant 80% le sixième
jour après traitement. Le Lambda
cyhalothrine présente une action de choc
faible (34.6%), redressée aux alentours de
68% 4 jours après traitement, puis 6 jours
après, le vol retrouve son effectif de
prétraitement.
Il reste enfin 6 produits dont un larvicide
(méthoxyfénozide) et un ovo-larvicide
(chlorantraniliprole) qu’il est plus pratique
de désigner par leur formulation à savoir
Runner et Coragen. Le fait que ces
produits à mode d’action bien précis ne
38

présentent pour ainsi dire aucune action
adulticide nous conforte dans tout ce qui a
été dit précédemment. C'est-à-dire que
dans la lutte anticarpocapse il faut compter
sur le haut potentiel de certains produits
chlorpyriphos éthyl-cyperméthrine
(nurelle), semblent modestement actifs sur
les vols.
Nous avons présenté les produits
isolément. Mais on ne saurait nous
contenter de rester qualitatif. On doit si
possible aboutir à un classement
représentant le poids moyen et les
variations de chaque insecticide par
rapport aux autres. Cela pousse à analyser
statistiquement les moyennes par piège du
tableau 3 où certaines valeurs incitent à
beaucoup de prudence. En effet, certains
produits, peu ou pas adaptés à la
procédure de par leur mode d’action, se
comportent, contrairement à la vérité,
comme des amplificateurs de populations.
Pour faire simple, il reste à les retirer de
l’analyse envisagée. Ce serait dommage et
à tout bien considéré, il parait plus
raisonnable de leur attribuer une efficacité
nulle car leur maintien dans l’analyse
permet d’apporter un élément de
compréhension à l’ensemble des
traitements exécutés.
La comparaison statistique à même de
conforter l’idée d’une contribution
adulticide des insecticides dans la maîtrise
du carpocapse est l’analyse de variance
des captures moyennes/piège converties
en pourcentages assimilables à une
mortalité calculée par rapport aux prises
réalisées 2 jours avant traitement.
A partir de cette analyse quatre ensembles
distincts prennent forme : 1) le groupe des
plus performants se compose de :
chlorpyriphos éthyl, méthidation,
malathion, fenthion, azinphos méthyl,
parathion méthyl et étonnamment le
flufénoxuron. Ils agissent par contact,
ingestion et inhalation, excepté ce dernier,
mieux connu comme inhibiteur de
Hmimina
comme adulticides. Et à ceux déjà
proclamés joignons le flufénoxuron qui
curieusement n’agit que par ingestion. En
définitive, phosalone, diméthoate et
l’association
croissance, dont le mode d’action est
l’empêchement de la synthèse de la
chitine. Sans cet intrus, qui trouble l’ordre
en raison vraisemblablement de la
modicité de son nombre de traitements,
cette configuration nous aurait résolument
laissé croire que par inhalation les
organophosphorés jouent un rôle fatal
dans le contrôle de l’insecte.
Le deuxième rang est détenu par
cyperméthrine, déltaméthrine et phosmet.
Il est banal de rappeler que les deux
premiers sont des pyréthrinoïdes dont la
nature et les réactions qu’ils induisent sont
autres que le groupe d’avant. Le troisième
est un organophosphoré qui agit par
contact, ingestion et inhalation. Cette
spécificité fait qu’il devrait être parmi le
groupe de tête, mais sa place ici, du reste
convenable, constitue un élément de
l’aléatoire dans la récolte des données.
Le troisième assortiment, homogène
d’efficacité mais hétérogène de synthèse,
est constitué de diméthoate, bifenthrine,
lamda cyhalothrine et le mélange
chlorpyriphos éthyl+cyperméthrine. Ce
dernier, mixage de 2 molécules
(organophosphoré et pyréthrinoïde), agit
par contact, ingestion et inhalation ; les
trois autres par contact et ingestion
seulement. La question, particulièrement
complexe, de l’amélioration de la
mortalité de papillons par la seule mise en
jeu de l’inhalation ne peut recevoir dans
l’état actuel de nos observations, une
réponse claire et définitive.
Le dernier groupe, hétéroclite et sans
incidence sur le vol, comporte phosalone,
méthoxyfénozide, indoxacarbe, méthomyl,
thiachlopride et chlorantraniliprole. Que le
méthoxyfénozide et chlorantraniliprole
ferment la marche, c’était attendu : ils sont
39
 Hmimina

ovicide et ovo-larvicide bien qu’il soit significativement différente de celle

rapporté que le dernier agisse comme
adulticide sur les Diptères et le
Coléoptères. En revanche, que les autres
soient les extrêmes adulticides de la série
des insecticides utilisés, semble à première
vue intelligible. Ne seraient pas ceux-là
qu’on désigne par produits doux en raison
de leur sélectivité vis-à-vis des auxiliaires?
En conclusion, il est salutaire de noter que
le carpocapse adulte est naturellement
soumis à des influences insecticides, qui,
malgré les brouillages, paraissent parfois
drastiques et dont on a pu mesurer
l’étendue. L’étude en conclut d’ailleurs
que le cas des produits agissant par
contact, ingestion et inhalation est plus
marquant et que la baisse constatée dans
les vols n’est certainement pas
accidentelle. D’ailleurs, des tests
toxicologiques réalisés sur de jeunes
larves de la population d’Azrou au moyen
de déltaméthrine, de diflubenzuron, de
thiaclopride et de chlorpyriphos éthyl
mettent en exergue une mortalité due aux
trois premières matières actives
attendue pour une souche sensible (98%).
Seul le chlorpyriphos éthyl s’est montré
très agissant (# 98%) (Iraqui, com. pers.).
Ces précisions modifient la manière de
penser l’efficacité d’un anti-carpocapse et
renseignent de façon indirecte sur l’état de
résistance du ravageur dans un verger.
Tenant ces résultats pour utiles, il est
fondamental de voir comment l’ingestion,
plus précisément se nourrir intoxique les
papillons. Les élevages en laboratoire
montrent que l’abreuvage des papillons en
eau sucrée est indispensable à leur
longévité et leur reproduction. Au champ,
ce besoin les rapproche des bouillies de
traitement, et leur engouement pour les
liquides est tel qu’ils se nourrissent de
gouttelettes de bouillies insecticides, plus
avidement en été où les traitements se font
généralement le soir et tôt le matin. Cet
aspect est peu documenté mais l’approche
par le piégeage sexuel témoigne que ce
n’est pas sans rapport avec l’efficacité
fulgurante de quelques insecticides.

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