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L'interprétation musicale comme performance : interrogations croisées de musicologie

et de sociologie
Author(s): Hyacinthe Ravet
Source: Musurgia , 2005, Vol. 12, No. 4, Analyser l'interprétation (2005), pp. 5-18
Published by: Editions ESKA

Stable URL: https://www.jstor.org/stable/40591408

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Musurgia XII/4 (2005)

L'interprétation musicale
comme performance :
interrogations croisées de musicologie
et de sociologie

Hyacinthe Ravet*

En réponse à une invitation à réfléchir sur la manière de rendre compte de l'acti-


vité de l'interprète en tant que sociologue de la musique et souhaitant dans ce but
mettre à plat les connaissances actuelles dans ce champ disciplinaire, cet article pro-
pose une réflexion sur les outils théoriques et méthodologiques à la disposition du
chercheur qui appréhende l'interprétation dans une perspective sociologique. Or, dès
lors que l'on considère l'interprétation comme performance, c'est-à-dire comme
processus de (re)création en acte porté/initié/conduit par des corps musiciens, il
semble nécessaire d'associer les perspectives sociologique et musicologique. C'est,
en effet, analyser non seulement le travail de l'interprétation comme une activité de
travail artistique, mais aussi sa contribution à l'élaboration de « l'œuvre elle-même »
pour reprendre les termes de Howard S. Becker1 ; c'est aussi souligner l'importance
du corps de l'interprète dans cette affaire : musique incarnée, réalisée par des gestes
musiciens. Les deux disciplines concernées, la musicologie et la sociologie, se trou-
vent ici interrogées quant à leurs méthodes et leurs possibles coopérations : une
connaissance intime du terrain et du matériau musical est-elle nécessaire ? Quels
outils utiliser ou construire ?

Il s'agit ainsi de proposer des éléments de réflexion épistémologique en prenant


appui sur les travaux réalisés en sociologie quant à l'interprétation musicale, en réflé-

* Maître de conférences, UFR de Musique et Musicologie, Université de Paris Sorbonne (Paris IV).
1 Howard S. Becker, Paroles et musique, Paris, L'Harmattan, 2003.

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L'INTERPRÉTATION MUSICALE COMME PERFORMANCE 7

existe une marge d'interprétation pour ces derniers souve


l'imagine et que nombreux sont ceux qui participent au travai

Avant de présenter des travaux cherchant à approcher au p


cal, il semble important de signaler une autre perspective
réception des œuvres. S'il y est davantage question du pub
entrevoit des problématiques communes à une réflexion sur l'
le. En effet, selon Emmanuel Pedler, « l'originalité de la s
tient à la prise en compte frontale de l'activité interprétative
sens aux œuvres d'art »6. La question recouvre aussi celle
valeur artistique des œuvres, développée en sociologie de la ré
tion. Il faut évoquer là les travaux d'Antoine Hennion sur
qui montrent l'importance de tous les médiateurs - de l'interp
sant par la partition, les producteurs et bien sûr les interprèt
musicale est réalisée par l'écouteur7...
Cette réflexion sur l'importance des médiateurs à l'œuvre e
teur dans la construction d'une interprétation musicale es
Pour une sociologie de V interprétation musicale* d'Alfred W
comment on interprète et qui sont tous les « interprétants »
prètes d'une œuvre. Dans le sillage de la pensée de Theod
Willener cherche à comprendre comment une œuvre se pr
Concerto pour trompette de Haydn, il analyse les diverse
l'interprétation musicale, de la création de l'œuvre à s
l'époque et de la vie du compositeur, du contexte de créati
nouvel instrument, Alfred Willener examine la part d'inte
« sort de l'œuvre » : le rôle des éditeurs de partitions, celui d

6 Emmanuel Pedler, « La Sociologie de la musique selon Max Weber »


sciences humaines et sociales, F. Escal et M. Imberty éd., Paris, L'Harm
Pedler ajoute : « La sociologie de la réception essaie de tirer toutes les c
rappelé, mais plus rarement exploré - que les œuvres picturales ou mus
raires, n'existent et ne durent que par l'activité interprétative de leurs pu
décrire les pactes de réception artistique qui caractérisent époques et publ
le sort réservé à des œuvres singulières se distingue donc de la sociologi
le qui occupe aujourd'hui la plus grande place dans les enquêtes en socio
resse en effet aux actes sémiques de l'expérience esthétique, picturale ou
par des indicateurs objectifs - ce en quoi elle relève pleinement de la s
Claude Passeron, et Emmanuel Pedler, Le Temps donné aux tableaux, IM
7 Dans son travail sur les Figures de V amateur, où il entend « amate
musique », c'est-à-dire de ceux qui pratiquent la musique dans tous les sen
l'auditeur, il montre la force de la passion musicale fondée sur l'écoute
éprouver (comme - dans une certaine mesure - pour une drogue) et en
velle histoire de la musique qui prenne davantage en compte l'écout
Hennion, Sophie Maisonneuve, Emilie Gomart, Figures de l'amateur.
l'amour de la musique aujourd'hui, Paris, La documentation Française,
8 Alfred Willener, Pour une sociologie de l'interprétation musical
trompette » de Haydn, Lausanne, Payot Lausanne, 1990.

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9 « Un monde
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l'art. » Howard S. Becker. Les Mondes de l'art. Paris. Flammarion. 1988 Γ 19821. d. 58.

10 Un point de vue qui peut heurter les pratiquants des mondes de l'art mais qui vaut d'être expéri-
menté ; il est stimulant et a des conséquences plus complexes qu'on ne le conçoit généralement au pre
mier abord.

11 Howard S. Becker, Propos sur Γ art, Paris, L'Harmattan, 1999.

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L'INTERPRÉTATION MUSICALE COMME PERFORMANCE 9

selon les compétences de l'artiste »12 lors d'une « pro


L'interprétation par un soliste lyrique y est ainsi envisagée « co
tion scénique d'un processus d'appariement et d'ajustement
et des rôles au cours duquel ces deux entités se déterminen
L'ajustement se fait entre des particularités et des possibilités v
traits de caractère, et des rôles à chanter que l'on ré-interp
contribue à déterminer une «posture lyrique », c'est-à-dire
d'habiter le rôle, de se l'approprier, de « couler » son iden
occupe »14, soit encore une « cristallisation provisoire d'une déf
processus - qui modèle l'activité de l'interprète et des gestes
venir tout un « entrelacs de pratiques et d'acteurs » : le souveni
nus qui ont précédé cette « prise de rôle », des traditions de jeu
l'intervention de pédagogues, de l'entourage (agent, famille. . .),
du metteur en scène, des partenaires sur le plateau, de l'orc
González-Martinez, « les interprétations résultent d'un proce
succèdent les négociations, coopèrent et rivalisent les différents
duction »16.

Ce cadre d'analyse associant interactionnisme symbolique


pratique est stimulant. Mais il est éclairant surtout pour l'a
interprètes qui disposent d'une marge explicite de liberté d'inte
de celui pour lequel l'apport interprétatif est le plus visible
concertiste ou chef d'orchestre), plus que pour les musiciens
micro-interactions, les micro-décisions et les marges plus f
l'interprétation sont moins scrutées.

On retrouve la question des « postures musiciennes », nota


Mabru qui examine, dans une perspective ethnomusicologiqu
re du violoniste [dont le fait de travailler avec un cousin, un
les diverses manières de tenir son violon] , mais aussi toute la m
formance musicale, permet au spectateur d'attribuer du sen
re »18. S'inscrivant dans le cadre d'une « anthropologie du m
Joëlle Caullier sur la condition de l'interprète montre combien

12 Esther González-Martinez, « Postures lyriques. L'ajustement voix-rôle d


tif du chanteur soliste », Revue Française de Sociologie 41-2 (2000), p. 277
13 /£/</., p. 278.

"Ibid., p. 281.
15 Ibid., p. 290.
16 Ibid., ό. 300.
17 Mais rien n'est si simple, on l'a vu. Cela peut être vrai également d'un
sions ont cependant la plupart du temps un caractère plus collégial.
18 Lothaire Mabru, « Des postures musiciennes », Ethnologie française
ailleurs de « cultures musicales du corps » et évoque l'apparition d'une rh
siècle ; « Vers une culture musicale du corps », Cahiers de musiques tradition

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23Ibid..O. 173.

24Ibid.,p. 174.
25 Soupirs, expressions faciales, etc., « comme expression corporelle des mouvements de l'âme, le
figures participent d'une dramaturgie de la diction musicale », ibid., p. 176.
26Ibid.,p. 184.
27 Ibid.

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L'INTERPRÉTATION MUSICALE COMME PERFORMANCE 1 1

analysé l'accès des musiciennes à la pratique publique de l'


questionné le « sexe des instruments » ; dit autrement, cette r
tionner le corps, Γ incorporation/1 'incarnation (au sens propr
musicaux chez les instrumentistes et l'implication de la diff
dans les rôles musicaux que les interprètes peuvent être am
chef, soliste, tuttiste...), dans l'orchestre notamment. Où le jeu
pratiques musico-corporelles et les représentations de ce qu
interprète (dont sa sonorité) se construisent en interaction ; ce
contexte, au cours d'une évolution socio-historique des appr
tions d'interprètes (et notamment une féminisation des pra
sionnelles). Or, s'intéresser aux gestes musicaux en s 'a
effet/manifestation dans le matériau sonore interroge la
capables de saisir ces deux dimensions...

2. La dimension performative de la musique


et la construction d'outils socio-musicologiques

Comme on a pu l'appréhender lors du colloque sur « Le T


tion », la réflexion sociologique fait écho, à sa manière, à d
cologiques, notamment à la réflexion sur « l'autre » et la r
comme parties-prenantes d'une interrogation sur l'interprétati
lyse du processus moteur d'interprétation et la teneur du g
En outre, dans l'appel programmatique énoncé par Howard S
sur l'œuvre musicale fait appel aux travaux réalisés en musi
sicologie (sur le jazz notamment) ; on y retrouve des référ
tions communes au propos de Nicholas Cook29. Or, ces trav
nécessaire d'intégrer l'analyse du matériau lui-même30 parallèle
sur le terrain par l'observation in situ.

Observer quoi et comment quand on veut travailler sur inter


cessus et non comme produit ? À l'instar d'autres activités,
telle que nous la concevons pose la nécessité de prendre en c
l'individu comme membre d'une société, de groupes pluriels
interprétation en acte, in situ, dans un espace-temps donné, c'
tions en cours de réalisation. L'idée de performance, d'aill
aspect incarné (par des êtres et des corps humains) du son,
dans une temporalité située. Elle permet aussi de souligner l
teurs qui prennent part à l'interprétation (interprètes, directio

28 Howard S. Becker a mené une double carrière de sociologue et de musicien de jazz.


29 Nicholas Cook, « Between Processus and Product : Music and/as Performance », Music Theory on
Line 112 (avril 2001).
30 Ce qui n'est pas si éloigné des visées programmatiques que T. W. Adorno avait pour la sociologie
de la musique. Voir Theodor W. Adorno, Introduction à la sociologie de la musique, Mésigny -
Genève, Contrechamps, 1994, [1962].

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tion31.

Concrètement, de quels outils dispose un chercheur qui souhaiterait mettre en


œuvre ce type d'approche ? Les travaux récents et novateurs sur l'analyse de l'inter-
prétation32 peuvent ici éclairer les sociologues qui souhaitent aller au delà de ce que
montre l'analyse du travail artistique à l'égal de toute activité collective, et donc qui
s'attachent à ne pas oublier le matériau musical. Comment saisir et transcrire telle ou
telle interprétation ? Quels sont les paramètres pertinents ? Quels outils privilégier
pour travailler sur une interprétation en cours, et non sur une interprétation « fixée »,
où l'interprétation est abordée comme un résultat33 et où l'interprète apparaît de fait
un peu désincarné.

Par ailleurs, les travaux réalisés par des sociologues comme Erwing Goffman34
sur l'analyse des processus d'action produits par des interactions sociales sont sti-
mulants : ils examinent les interactions de face à face mais également les interactions
qui peuvent être décalées dans le temps et transiter par des supports matériels (et
sonores dans le domaine qui nous préoccupe) ou des médiateurs. Ils éclairent la
manière d'analyser la construction d'une décision d'interprétation au gré des macro
et micro-décisions plus ou moins réfléchies de multiples acteurs. Où se pose la ques-
tion de qui décide réellement. En effet, même dans le cas limite du concertiste qui
interprète seul, en soliste (sans orchestre et sans chef), le directeur de la salle ou son
agent, par exemple, participent indirectement à ses choix. Dans tous les cas, l'analy-
se des interactions montre les négociations nécessaires, les coopérations qui se
créent, le rôle des conventions communes à différents acteurs, ce qui contribue à la
compréhension de la complexité de l'acte d'interpréter et du travail des interprètes.

31 Le cas extrême des femmes chefs d'orchestre est révélateur de ce qui se joue dans les échanges
entre musiciens et chefs, et des rapports d'autorité. Où se pose également la question du comment faire
passer ses intentions à un public. L'importance de l'acte de communication sollicite, en outre, un dia-
logue inventif avec la psychologie sociale et la psychologie.
32 Voir notamment Musicae Scientiae 9/1 (spring 2005), « Perspectives on performance ».
33 Enregistrée sur un disque, par exemple, sachant qu'une telle analyse représente déjà une tâche
énorme et que la question soulève de multiples débats.
34 Erwing Goffman, Les Rites d'interaction, Paris, Minuit, 1974.

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L'INTERPRÉTATION MUSICALE COMME PERFORMANCE 1 3

Et il semble là nécessaire de favoriser le dialogue entre disci


méthodologique. Concrètement, on peut alors associer différents
et d'analyses : analyse musicale d'une partition (le cas échéan
tions, étude des micro-interactions selon une démarche inspir
(observation directe in situ et/ou filmée, voire observation partic
des observations d'une même œuvre, d'un même passage - sa
difficulté de la transcription de ce qui se déroule35 - , entret
nistes (saisir le point de vue des participants sur la situation), d'au
cas échéant, comme des maquettes sonores successives...

3. Un ensemble de pistes de recherche ouvertes...

Illustrée par des travaux en cours, une présentation de


recherche permettra d'éclairer ce type de démarche.

Une première piste s'inspire des propositions de Howard


témoignage direct, analyse musicale et réflexion sociologique.
album de Juliette Gréco36, trois chercheurs - musicologues et/ou
cien sur le terrain37 - ont coopéré pour analyser une pratique de
prétation musicale « en train de se faire », en s 'appuyant sur
ristiques du son et en cherchant à distinguer l'apport de chacun d
férentes dimensions du matériau musical. L'étude repose sur d
et nombreux, et plus particulièrement sur l'expérience spécifi
gonistes, comme arrangeur pour certaines des chansons de l'al
L'expérience et le témoignage de Laurent Cugny ont été ici e
une esthétique «jazz» souhaitée par le producteur sur plu
explique combien il a dû coopérer avec les divers participants
chansons. À titre d'exemple, il a négocié avec le pianiste attitré d
est aussi le mari de cette dernière et contribue à ses choix musica
partition une improvisation (telle qu'il aurait pu lui-même la r
registrement) et en reconstruisant ainsi de nouvelles convent
ni « classique »). Pour une autre chanson, nous avons pu suivre
qu'il a mené à partir d'une maquette sonore dont au final n'a
mélodie et dont il a complètement transformé les harmonies,
pleur du travail de l'arrangeur et de sa contribution à l'élabora

35 Comme en danse lorsqu'il s'agit de noter une chorégraphie, donc des g


des émotions...

36 Juliette Gréco, Aimez-vous les uns les autres ou bien disparaissez- ·., disque compact Polydor,
2003.

37 Laurent Cugny, Hyacinthe Ravet, Catherine Rudent, « Aimez- vous les uns les autres ou bien dis-
paraissez... » : sur une expérience d'aujourd'hui dans la chanson française », Sociétés 85/3, 2004, « Pra-
tiques musicales », p. 83-100.

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la texture du son à la trace écrite (lorsqu'elle existe) et à des


tion, c'est-à-dire lorsque l'on considère que l'écrit à disposition n
finalement, que la partition ne contient pas toute l'œuvre en ell

Nous explorons une autre piste reposant sur des observa


d'une interprétation par un chef d'orchestre et des musiciens. E
cette recherche fait suite à une précédente enquête de terrain a
musiciennes de trois orchestres permanents français que no
interrogés durant des temps de répétition, de concert ou de
moments informels41. Le dispositif actuel se donne comme obje
ment une interprétation est mise sur pieds, ce qui porte à scrut
1) La mise en place progressive du matériau sonore à partir de l
cations du chef, au fil des répétitions et le résultat saisi lors de
gistrements ;
2) Les marges d'interprétation : les visées du chef et ce qu'i
musiciens, la part de créativité apportée par les solistes et c
d'ensemble et ses évolutions ;
3) Les relations de négociation et de coopération entre les pa
ports de pouvoir entre chef et orchestre, entre musiciens, mais
tration, les membres de l'équipe artistique (assistant du chef, m
de chant, régie, etc.) ou ceux de la firme d'enregistrement
technique) ;
4) D'où une attention aussi bien aux interactions verbales qu'aux interactions non
verbales (gestes, engagement corporel, mimiques et attitudes, etc.) émises de part et
d'autre (chef et musiciens).

En cours de réalisation, nous avons pour le moment mené ce travail d'observa-


tion en mars et avril 2005 dans deux cadres différents. La première série d'observa-
tions a été réalisée auprès de l'Orchestre Mozart de Bologne nouvellement créé par
Claudio Abbado. Nous avons pu assister à une session de travail de l'orchestre durant
laquelle deux chefs travaillaient en parallèle : Claire Gibault faisait répéter l'or-
chestre généralement le matin pour un concert, alors que Claudio Abbado le faisait
travailler l'après-midi lors de sessions d'enregistrement. Extrêmement riches, ces
séances ont permis d'observer comment un même orchestre travaillait avec deux
chefs différents, qui plus est une femme et un homme. Durant la seconde série d'ob-
servations, nous avons assisté en l'espace de deux mois à la mise en place de l'opé-
ra pour enfants Pollicino de Hans Werner Henze au Théâtre du Châtelet à Paris sous
la direction musicale de Claire Gibault. Là aussi, les observations ont été très riches,
puisque nous avions la chance d'observer à nouveau un chef mais dans une autre
situation, pour un ouvrage très différent puisqu'il engageait une participation scé-
nique. Nous prévoyons de renforcer ce dispositif par d'autres observations, qui sol-
liciteraient notamment la collaboration de compositeurs pour la création de leurs

41 Hyacinthe Ravet, Les Musiciennes d'orchestre. Interactions entre représentations sociales et iti-
néraires, Thèse de Doctorat, Université de Paris X - Nanterre, 2000.

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séminaire de Jean-Marc Chouvel, nous nous sommes inspirée des


ce dernier en matière d'analyse dynamique et d'analyse de la
pour travailler sur le deuxième des Trois Impromptus (D. 946
Dans cette tentative pour saisir le développement temporel et
moment de l'œuvre tel qu'il était opéré par Claudio Arrau d
(1991), nous avons été aidée par une analyse réalisée d'après
cet enregistrement : à partir des représentations graphiques d'un
porel et de pics d'intensité (amplitude en fonction du temps),
comparer une même « tête » de thème (thème en la bémol mineur
mi bémol majeur, d'une dizaine de secondes) dans toutes ses a
fait de la complexité sonore (accords, pédale), ce travail réalisé
sir les micro-décalages temporels et les variations d'intensité (ten
de pédale différents, etc.), puis rapporté à l'ensemble de la « t
développement du thème, tentait de saisir une idée du projet inte
Arrau. On pourrait imaginer de s'inspirer d'un tel travail pour l'a
spécifique d'interprétation saisi lors des observations réalisée
des orchestres.

Cependant, l'analyse est complexe et pose la question du choix délicat (et cri-
tique) des paramètres à prendre en compte, mais aussi la question du niveau d'étude
de l'interprétation : quel(s) niveau(x) privilégier et associer, du niveau le plus « macro »
des interactions (où l'on est déjà dans le « micro », d'un point de vue sociologique)
au niveau le plus « micro » des micro-décisions et micro-interactions d'interprètes en
cours de jeu et leurs traces perceptibles dans le matériau sonore (comme dans
l'exemple de l'interprétation de Claudio Arrau) ? Sans nul doute, la combinaison de
deux niveaux d'observation et d'analyse à propos d'aspects distincts mais complé-
mentaires du travail interprétatif - un moment spécifique au sein d'un plus large
ensemble observé - serait riche d'enseignement. Reste donc, dans la perspective
socio-musicologique proposée, la nécessité d'allier expérience et pratique du terrain
(observations, entretiens de recherche) et exploration du matériau musical. Et ce ne
sont là que quelques pistes proposées...

Conclusion

Pourquoi, donc, parler de l'interprétation comme performance, pour revenir au


titre de cet article « L'interprétation musicale comme performance : interrogations
croisées de musicologie et sociologie » ? N'est-ce pas pure redondance ? Nous vou-
lions avant tout ici mettre en lumière son caractère dynamique, c'est-à-dire considé-
rer l'interprétation comme processus, comme œuvre en train de se faire, comme
(re)création en acte portée par des corps musiciens, sans vouloir ajouter aux débats
sur l'interprétation comme création/re-création d'une œuvre pré-existante (et exis-
tante par elle-même) ou non43.

43 II y aurait pourtant là de quoi débattre comme y engagent plusieurs réflexions : ainsi de l'idée de
l'œuvre qui n'est pas un texte (mais un « script » pour Nicholas Cook, sans parler d'« œuvre ouverte »
pour d'autres...), des interrogations sur les enregistrements comme autant de nouvelles versions ou de

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18 MUSURGIA

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44 Alfred Schüt
La Haye, 1971, p
45 Ibid., p. 22.
46 Ibid., p. 26.
47 Ou les partic
Catherine Ruden
op. cit., p. 344.

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