Explorer les Livres électroniques
Catégories
Explorer les Livres audio
Catégories
Explorer les Magazines
Catégories
Explorer les Documents
Catégories
net/publication/46298413
CITATION READS
1 2,660
1 author:
Gregor Bouville
Paris Dauphine University
74 PUBLICATIONS 152 CITATIONS
SEE PROFILE
Some of the authors of this publication are also working on these related projects:
Exploitation des données de l'enquête Sumer 2010, Projet de recherche en cours View project
All content following this page was uploaded by Gregor Bouville on 16 August 2016.
Résumé :
Cette communication présentera dans un premier temps, une revue de la littérature sur les
différentes mesures de l’absentéisme ainsi que les antécédents et modèles explicatifs de
l’absentéisme. Dans un deuxième temps, nous chercherons à valider empiriquement différents
antécédents à partir d’une étude de cas sur l’absentéisme des éboueurs dans une
administration française. Cette deuxième partie analysera les causes organisationnelles et
individuelles de l'absentéisme des éboueurs. Une approche transversale (gestionnaire et
sociologique) de l'absentéisme est adoptée. La méthodologie retenue est à la fois quantitative
et qualitative. Une analyse factorielle des correspondances a permis de dégager une typologie
des formes d’absences. L'analyse des entretiens croisée d’une part, avec les résultats de
l’analyse factorielle nous a permis de proposer une typologie des profils d’absents et d’autre
part, d’identifier les déterminants de l’absentéisme des éboueurs. Plus précisément, nous
aborderons l’influence des styles de management et de la motivation au travail, selon une
approche psychosociologique. En outre, les concepts d'identité au travail (Sainsaulieu, 1977)
et de jeux d'acteurs (Crozier et Friedberg, 1977) ont été mobilisés afin d'analyser le contenu
des entretiens.
Gregor Bouville
Professeur Agrégé en Economie et Gestion – ATER à l’Université de Haute Bretagne Rennes
2. Doctorant en Sciences de gestion - CREM UMR CNRS 6211 - Université de Rennes 1,
IGR-IAE.
Mail:gregor.bouville@univ-rennes1.fr
Introduction
L’absentéisme est un phénomène complexe dont les manifestations font l’objet de
commentaires variés et normatifs. Ainsi, son développement important après la seconde
guerre mondiale a souvent été désigné comme le signe d’un rejet du modèle taylorien
d’organisation du travail, caractérisé par la monotonie du travail. Mais d’autres facteurs
explicatifs ont été avancés comme le développement d’une société de loisirs, l’instauration du
plein emploi…
Plus spécifiquement dans la suite de notre communication, nous nous intéresserons aux
déterminants de l’absentéisme des éboueurs. Notre propos est de rapporter les résultats d’une
étude empirique réalisée auprès d’un échantillon d’éboueurs d’une grande ville française.
Plus précisément, il s’agira d’identifier les facteurs individuels, sociaux et socio-culturels
susceptibles d’expliquer les comportements d’absence des éboueurs.
Nous présenterons dans la première partie la problématique. La deuxième et la troisième
partie reprendront la méthodologie de la recherche et les principaux résultats obtenus.
I Problématique
Nous présenterons, tout d’abord, les mesures et déterminants de l’absentéisme, puis la
problématique de recherche.
1
Dans le cadre de notre étude, nous définirons l’absentéisme, comme le fait de ne pas être
présent à son travail un jour ouvré, exceptions faites des congés pour vacances et des congés
maternité (Johns, 2004), en y incluant, les congés ordinaires maladie (COM), les absences
pour accident du travail (AT) et enfin les absences injustifiées (AI). Nous n’y introduirons pas
les congés longue maladie (Thévenet, 1981 ; Candau, 1985), car ils sont surdéterminés par
l’âge et relèvent souvent de l’aléatoire (apparition d’une maladie grave,…). Nous nous
intéresserons à la durée des absences, à leur fréquence, ainsi qu’à leurs motifs.
Mais il faut souligner qu’une part aléatoire (épidémie de grippe par exemple,…) est incluse
dans la définition de l’absentéisme que nous avons donnée et qui fait dire que « l’absence fait
partie du déroulement normal d’une vie au travail »1. Dans ce propos, ce médecin signifie
qu’il existe une part incompressible d’absentéisme, difficile à établir. En outre, pour
D.Dessors, psychodynamicienne du travail2, un absentéisme faible, désigné sous le nom de
« présentéisme », peut être interprété comme un symptôme organisationnel, s’il est le résultat
d’une forte pression psychologique imposée aux salariés.
Enfin, certaines mesures de l’absence sont fondées sur la déclaration du nombre d’absences
par les salariés eux-mêmes –dans le cas, par exemple des enquêtes par questionnaires. Un
inconvénient de ces mesures est que les salariés sous-déclarent le plus souvent leur nombre
d’absences –de moitié, selon Johns (1994)- par rapport à leur nombre exact d’absences. De
plus, les salariés les plus souvent absents sont aussi ceux qui sous-déclarent le plus leur
nombre de jours d’absence.
Steers et Rhodes (1978) ont été les premiers à présenter un modèle individuel de
l'absentéisme, qui est aussi celui qui est le plus largement connu et cité dans la littérature.
Contrairement aux articles précédents dans ce domaine, dans ce modèle, l’absentéisme n’est
pas une conséquence immédiate d’un manque de satisfaction au travail (job satisfaction), cette
dernière devant plutôt être considérée comme une variable intermédiaire. Ces deux auteurs
1
Docteur Salou, médecin coordinateur du service prévention du CIG Pantin, cité dans La Voix (journal de la
CFTC), décembre 2004, p16.
2
Voir La Mutualité Française, dossier Santé et travail, n°47, (avril 2004)
3
Voir Enjeux statistiques, n°4, avril 2004: "Les absences au travail dans les collectivités territoriales", Dexia
Sofcap
2
proposent un modèle dans lequel l'absence au travail est analysée comme le résultat de
l'interaction entre l'environnement au travail, les caractéristiques personnelles du salarié et
l'environnement social. Ils considèrent que la présence au travail dépend de la motivation et
de la capacité à être présent. Ces deux composantes doivent être réunies pour assurer la
présence du salarié au travail. La capacité à être présent dépend non seulement de la maladie
et des accidents au travail, mais aussi de la situation familiale et des problèmes de transport.
La motivation à être présent dépend de la satisfaction au travail, mais aussi des contraintes ou
pressions qui peuvent être de natures, sociale, économique ou psychologique. La satisfaction
au travail, quand à elle, dépend de l'interaction entre l'environnement au travail4 et les
attentes des salariés quand au travail à effectuer. Les caractéristiques individuelles des salariés
influencent à la fois la motivation et la capacité à être présent. Enfin, la présence ou
l'absence au travail influence en retour l'environnement au travail, ce qui permet de créer un
modèle dynamique5. Ce dernier est plus une synthèse des principaux antécédents de
l’absentéisme qu’une véritable théorie unifiée de l’absentéisme. Cependant, il rappelle aux
chercheurs toute la complexité de ce phénomène majeur qu’est l’absentéisme dans les
organisations. Par ailleurs, bien qu’il ait été commenté et révisé (Brooke, 1986 ; Watson,
1981), ce modèle n’est pas devenu l’objet de tests répétés.
Bien que le modèle de Steers et Rhodes (1977), soit une vision très large des antécédents de
l’absentéisme, la plupart des recherches en Sciences de Gestion de cette époque insistaient sur
les facteurs individuels tels que, la satisfaction au travail (Muchinsky, 1977), la motivation
(Nicholson et alii, 1977) ou certaines caractéristiques personnelles (Nicholson et alii, 1977).
Les théories sur la culture d’absence peuvent être vues comme une réaction face à cette
approche trop individuelle de l’absentéisme. Certains auteurs ont ainsi abordé l’absentéisme
par une approche sociale, en introduisant la notion de culture de l'absence (Chadwick-Jones et
alii, 1982), enrichi par la suite par celle de norme d'absence (Marckham et McKee, 1995).
Chawick-Jones et alii (1982) définissent la culture de l'absence comme "les croyances et
pratiques, influençant les absences au travail, qui apparaissent à l'intérieur d'un groupe de
travail ou d'une organisation". Cette dernière théorie peut être incluse dans la notion plus
globale d'identité au travail (Sainsaulieu, 1977). Marckham et McKee (1995) distinguent,
quand à eux, les notions de norme d'absence externe (les objectifs des supérieurs
hiérarchiques en termes d'absences) et de norme d'absence interne (le niveau d'absence qu'un
salarié considère comme acceptable). Nous inclurons dans cette approche les analyses des
comportements d’absence issues de la sociologie des organisations (Girault, 1987).
4
L’environnement au travail englobe plusieurs items : variété des tâches, étendue des responsabilités, pénibilité
du travail, style de commandement, niveau de rémunération…
5
Pour une présentation détaillée de ce modèle, voir Candau (1985), p.153-157.
3
pour un volume de travail moindre. L'effet de substitution exerce un effet positif sur
l'absentéisme, car le coût d'opportunité des absences augmente lorsque les salaires
augmentent. Des modèles plus élaborés, montrent que les absences des individus sont
fonction de son arbitrage entre temps libre et consommation, du système d'assurance social,
du salaire et de coûts de long terme, comme le risque de perdre son emploi. Il est reproché à
ces modèles d’analyser l'absentéisme sous l’angle trop réducteur de la maximisation sous
contrainte de la théorie économique néoclassique.
Nous ajouterons une dernière approche de l’absentéisme -incluse dans le modèle de Steers et
Rhodes (1978) -par les déterminants liés à l’environnement économique et socio-culturel. Les
réglementations, les valeurs propres à chaque société -selon Hofstede (1994), motivation,
leadership et structures d’organisation dépendent fortement des cultures de chaque pays- la
présence d’infrastructures et de services sociaux constituent aussi des déterminants de
l’absentéisme. Les conditions du marché du travail influencent plus ou moins directement le
taux d’absentéisme. En effet, en période de plein-emploi, la menace du licenciement en cas
d’absences répétées, est moins crédible.
De même, les valeurs sociales qui imprègnent la société, les institutions ont un lien avec
l’absentéisme. Kaiser (1998) a ainsi montré que les pays où l’antiféminisme et
l’individualisme étaient les moins marqués, sont aussi ceux qui ont le système social le plus
développé, et les taux d’absentéisme les plus élevés. Selon lui, la générosité du système social
inciterait les travailleurs à s’absenter. Il cite, en exemple, la Suède, où les allocations maladie
représentent 80 % du salaire brut, et sont versées sans limitation de durée. Ce pays a le taux
d’absentéisme le plus élevé d’Europe (11,6 % contre 7,1 % pour la France, 1992, ce taux
incluant les absences pour maladie, pour congés de maternité et pour accident du travail).
C’est un constat qu’il faut tout de même relativiser, les Scandinaves restent en effet très
attachés à leur système social et sont conscients des problèmes de financement de celui-ci. La
méconnaissance des origines du phénomène (qui perdure depuis le début des années 80) est
tel qu’un ministre de la vie au travail a été nommé pour solutionner ce problème en 2002 6.
Depuis janvier 2005, le gouvernement social-démocrate a instauré un congé sabbatique de
trois à douze mois indemnisé à 68% du salaire, pour les salariés ayant au moins deux ans de
CDI, tout en étant remplacé par un chômeur de longue durée7. Ce congé sabbatique a été
introduit afin d’améliorer le bien-être des salariés et de réduire le nombre d’arrêts maladie.
Des études sur l’impact de l’introduction du congé sabbatique sur le taux d’absentéisme n’ont
pas encore eu lieu, du fait de la nouveauté de cette réforme, mais il sera intéressant d’estimer
son impact. Cette réforme n’en souligne pas moins l’importance de l’influence du dispositif
légal et conventionnel sur le taux d’absentéisme. Pour Esping-Andersen (1999), la nature de
la législation sociale (favorable au salarié ou à l’employeur8) est un déterminant important du
taux d’absentéisme et expliquerait ainsi le niveau très bas de l'absentéisme aux Etats-Unis
(reflet d’une législation sociale très appauvrie et favorable à l’employeur). Le délai de carence
(de zéro en Suède, trois jours en France, et quatorze jours au Canada), ainsi que le délai à
partir duquel le salarié a obligation de fournir un certificat médical (en Suède, le certificat
n’est requis qu’après le septième jour, alors qu’en France il est exigé dès le premier jour). De
même le niveau de compensation, ainsi que l’origine du financement des indemnités sont
importantes. En Suède, les indemnités sont payées par l’Etat (système beveridgien de
financement par l’impôt) alors qu’en Allemagne (où le taux d’absentéisme est faible) elles
6
Le Monde, supplément économique, « Des congés maladie en pagaille, la nouvelle fièvre suédoise », 4/02/2003.
7
Libération, « La Suède apprend à buller », 14/03/2005.
8
Pour Esping-Andersen (1999), une législation sociale favorable au salarié va favoriser le degré de liberté des
travailleurs et ainsi faire progresser leur « démarchandisation ».
4
sont garanties en partie par l’employeur (système bismarkien de financement de la protection
sociale par les cotisations des employeurs et des salariés).
Enfin, D’Iribarne (1989) a cherché à expliciter les rapports entre la culture nationale et la
gestion des entreprises. Plus précisément, pour cet auteur, il s’agit de découvrir en quoi les
traditions d’un pays influencent la vie des entreprises. Pour D’Iribarne (1989), c’est la
« logique de l’honneur » qui prévaut dans les entreprises françaises. Elle est déterminée par la
tradition et établit des devoirs précis et des mœurs particulières pour chaque groupe. Alors
même que des règles et des procédures sont fixées, l’ouvrier français en applique certaines et
d’autres pas, en fonction de son appréciation personnelle. Il existe, alors, un écart important
entre l’officieux et l’officiel. Cette attitude n’est guère motivée par le souci d’en faire le
moins possible, mais s’associe plutôt à un sens du devoir que la coutume fixe à la catégorie à
laquelle on appartient. Dès lors l’on constate un attachement très affectif à un travail auquel
on s’identifie. Or, cette « logique de l’honneur », est de plus en plus rejetée par les jeunes
générations, qui ne se sentent plus obligé par un sens du devoir que la coutume a fixé.
9
Les données sont de l'année 2004.
6
principales variables explicatives de l'absentéisme -c’est-à-dire celles qui contribuaient le plus
à la variance totale- chez les éboueurs: le statut et l'ancienneté10.
Nous avons ensuite réalisé une deuxième analyse factorielle, en y projetant les 400 individus
de l'échantillon et en ne conservant que les variables qui contribuent le plus à la variance
totale. Le facteur 1, structuré principalement par les variables de statut et d'ancienneté,
contribue à 34 % de la variance totale. Le facteur 2, structuré principalement par les variables
à expliquer (absentéisme pour maladie, absentéisme pour accident du travail, absentéisme
injustifié) contribue à 24% de la variance totale. Nous avons ainsi pu réaliser une typologie
des formes d'absence des éboueurs :
Le multiabsentéisme :
Ce type de comportement d’absences inclut des éboueurs titulaires, ayant un grade
d’éboueur, avec moins de 6 ans d’ancienneté, qui ont des durées longues d’absence (plus de
22 jours d'absence), celle-ci incluant les trois types d’absence (absences injustifiées, absences
pour arrêt maladie, absences pour accident du travail).
Le monoabsentéisme :
Ce type de comportement d’absence inclut des éboueurs contractuels (non titulaires), avec
plus de 25 ans d’ancienneté, qui ont des durées moyennes d’absence (comprises entre 11 et 22
jours par an), soit pour des arrêts maladie, soit pour des arrêts pour accident du travail.
Le présentéisme :
Ce type de comportement inclut des éboueurs titulaires, ayant le grade d’éboueur principal,
avec plus de 20 ans d’ancienneté, qui ont très peu d’absences.
Par la suite, nous nous intéresserons plus particulièrement aux profils du multiabsentéisme et
du présentéisme, car celui du monoabsentéisme correspond à une population bien spécifique
et très minoritaire.
10
Nous avons conservé la variable « ancienneté » plutôt que la variable «âge », car l’âge n’est pas toujours
représentatif du temps passé dans l’organisation.
11
Ceux-ci ont été réalisés dans l’atelier 1 et 3.
12
Un entretien collectif a été réalisé dans l’atelier 2, auxquels ont participé deux éboueurs (un stagiaire et un
titulaire) et un chef d’équipe.
13
Nous définirons les éboueurs avec peu d’ancienneté comme ceux ayant moins de 6 ans d’ancienneté. Les
éboueurs « intermédiaires » seront définis comme ceux ayant entre 6 et 15 ans d’ancienneté. Enfin, les éboueurs
ayant de l’ancienneté seront définis comme ceux ayant au moins 20 ans d’ancienneté.
7
relations dans le travail ; la vie familiale ; l’implication ; l’absentéisme maladie. Le matériel
tiré de ces entretiens a été exploité suivant une analyse de contenu -analyse thématique et par
entretien. Nous avons ensuite croisé la typologie des formes d'absences avec les résultats de
l'analyse qualitative afin de déterminer des portraits d'absent-type en fonction des antécédents
caractéristiques de l’approche individuelle.
Par ailleurs, l’analyse des entretiens nous a permis de vérifier la pertinence des autres
approches de l’absentéisme -sociale et par les déterminants économiques et socio-culturels.
Afin d’exploiter le matériel recueilli, nous avons ainsi mobilisé plusieurs modèles d’analyse
de l’absentéisme (Peretti et Vachette, 1987; Combenale et Igalens, 2005). Nous avons abordé
plus précisément l’influence des styles de management et de la motivation au travail sur
l’absentéisme, selon une approche psychosociologique. En outre, les concepts d'identité au
travail (Sainsaulieu, 1977), de jeux d'acteurs (Crozier et Friedberg, 1977) et de « logique de
l’honneur » (D’Iribarne, 1989) ont été mobilisés afin d'analyser le contenu des entretiens avec
les éboueurs.
IV Résultats de l’étude
Nous présenterons, tout d’abord, les déterminants de l’absentéisme des éboueurs selon une
approche multidimentionnelle, puis une typologie des absents.
8
4.1.3 Selon l’approche par les déterminants économiques et socio-culturels
Nous avons identifié au travers des entretiens deux déterminants socio-culturels susceptibles
d’influencer les comportements d’absence : l’absence de délai de carence et une atténuation
de la « logique de l’honneur » (D’Iribarne, 1989) chez les éboueurs avec peu d’ancienneté.
Nous avons ainsi constaté qu'une certaine "logique de l’honneur" est de plus en plus rejetée
par les jeunes générations, qui ne se sentent plus obligé par un sens du devoir que la coutume
a fixé. Ce rejet peut prendre la forme d’absences répétées, signifiant une forme de retrait. De
plus, l’absence de délai de carence dans l’organisation étudiée semble être un facteur
explicatif du micro-absentéisme -inférieur à trois jours- des éboueurs ayant peu d’ancienneté.
Les approches sociales et par les contextes économiques et socio-culturels sont, certes, plus
difficilement vérifiables par l’auditeur social, elles ne peuvent être cependant négligées.
Recommandations :
Les résultats de cette étude débouchent sur trois types de conséquences. Premièrement, il est
essentiel pour les managers de prendre en compte le niveau de reconnaissance sociale d'un
métier. En effet, si un métier pâtit d'une réputation de "sale boulot" (Hughes, 1996), il sera
dans l'intérêt du manager de revaloriser l'image de ce métier en menant une campagne de
communication externe et interne montrant par exemple l'utilité sociale de celui-ci.
Deuxièmement, il apparaît opportun de favoriser les promotions internes de façon à motiver
les salariés en leur offrant des passerelles professionnelles valorisantes. Enfin, une attention
particulière doit être nourrie à l'égard des styles de management de l'encadrement de
proximité. Un style autoritaire et cassant n'est pas adapté dans le contexte des évolutions
sociologiques de la population salariée. Seul un style de management fondé sur le recours au
dialogue avec le personnel permet d'obtenir de celui-ci un engagement au travail et dans
l'organisation acceptable.
L’intérêt de ces résultats pour l’audit social est qu’ils ont permis de vérifier que la seule
approche individuelle de l’absentéisme n’est pas suffisante pour cerner toute la complexité
d’un phénomène tel que l’absentéisme et qu’il est donc intéressant de la compléter par
l’approche sociale et sous l’angle des déterminants économiques et socio-culturels. Par
9
ailleurs, elle met en évidence toute la pertinence des concepts et des méthodes de la sociologie
des organisations pour analyser les comportements d’absence.
Conclusion
Cette étude remet en question l’idée préconçue selon laquelle il existe une corrélation
positive entre ancienneté et absentéisme. Paradoxalement, malgré la pénibilité du métier,
l'absentéisme affecte principalement les éboueurs avec peu d’ancienneté. Trois grandes
approches -individuelles, sociales et par les déterminants économiques et socio-culturels-,
complémentaires l’une de l’autre, ont été mobilisées pour identifier les antécédents de
l’absentéisme des éboueurs.
Cette étude montre tout l’intérêt d’appréhender l’absentéisme selon une approche
multidimensionnelle et par une méthodologie hybride, associant méthodes quantitatives et
qualitatives.
Notre étude n'a aucune ambition généralisatrice. En effet, cette étude concerne une
organisation particulière et transposer cette étude à une autre organisation serait improductif.
Une autre limite tient au fait, que le nombre d'entretiens (dix) ne permet pas de déceler tous
les mécanismes organisationnels à l'origine de l'absentéisme.
Bibliographie
- Barmby, T., Trebble J. (1991). “Absenteeism in a Medium-Sized Manufacturing Plant”,
Applied Economics, 23(1B), 161-166.
- Barmby, T., Sessions, J., Trebble J. (1994). “Absenteeism, Efficiency Wages, and
Shirking”, Scandinavian Journal of Economics, 96(4), 561-566.
- Brooke, P. (1986). “Beyond the Steers and Rhodes Model of Employee Attendance”.
Academy of Management Review, 11(2), 345-362.
- Candau, P. (1985). Audit social: méthodes et techniques pour un management efficace,
Vuibert.
- Chadwick-Jones, J. K., Brown, C. A., Nicholson, N., Sheppard, C. (1971). “Absence
measures: their reliability and stability in an industrial setting”. Personnel Psychology, 24(3),
463–470.
- Chadwick-Jones, J.K., Nicholson, N., Brown, C. (1982). Social psychology of
absenteeism. New York: Praeger.
- Chelius, J.R. (1981). “Understanding absenteeism: The potential contribution of economic
theory”. Journal of Business Research, 9, 409-418.
- Combemale, M., Igalens, J. (2005), L’audit social, PUF.
- Crozier, M. et Friedberg, E.(1977), L’Acteur et le système, Le Seuil.
- D’Iribarne P.(1989). La logique de l’honneur. Gestion des entreprises et traditions
nationales, Seuil.
- Esping-Andersen, G. (1999). Les trois mondes de l’Etat-providence. Essai sur le
capitalisme moderne, PUF.
- Girault, C. (1987), « L’absentéisme, symptôme organisationnel », Sociologie du travail, 3,
323-337.
- Hofstede, G. (1994). Vivre dans un monde multiculturel, Edition Organisation.
- Hughes E.C. (1996). Le Regard Sociologique. Essais choisis.
- Kaiser, Carl P. (1998). “What do we know about employee absence behaviour? An
interdisciplinary interpretation”. Journal of Socio-Economics, 27(1), 80-98.
10
- Kaiser, Carl P. (1998). « Dimensions of culture, distributive principles, and
decommodification: implications for employee absence behavior », Journal of Socio-
Economics, 27(5), 551-665.
- Muchinsky, P.M (1977). “Employee absenteeism: A Review of the literature”. Journal of
Vocational Behavior, 10(3), 43-77.
- Nicholson, N., (1977). “Absence behaviour and attendance motivation: A conceptual
synthesis”. Journal of Managerial Studies, 14(3), 231-252.
- Nicholson, N., Brown, C., Chadwick-Jones, J. (1977). “Absence from work and personal
characteristics”. Journal of Applied Psychology, 62(3), 319-327.
- Johns, G. (1994). “How often were you absent? A review of the use of self-reported
absence data”. Journal of Applied Psychology, 79(4), 574–591.
- Johns, G. (1997). ”Contempory research on absence from work: Correlates, causes and
consequences”. International Review of Industrial and Organizational Psychology, 12, 114-
173.
- Johns, G. (2004). “Absenteeism”. Blackwell Encyclopedia of Management: Organizational
Behaviour.
- Marckham, S.E., McKee, G.H. (1995). “Group absence behavior and standarts: a
multilevel analysis”, Acadamy of Management Journal, 38(4), 1174-1190.
- Martory B. (2003), “Audit social. Pratiques et principes”, Revue Française de Gestion,
147, 233-246.
- Peretti, J.M, Vachette, J.L, (1987). Audit social, Organisation.
- Sainsaulieu, R. (1977). L’Idendité au travail, Presses de la fondation nationale des sciences
politiques.
- Steers, R.M., Rhodes, S.R. (1978). “Major influences on employee attendance-a process
model”. Journal of applied psychology, 63(4), 391-407.
- Thévenet, M. (1981), « L’absentéisme en milieu bancaire : l’importance de la gestion des
groupes humains », thèse de Doctorat. Université d’Aix Marseille Ш.
- Watson, C. J. (1971). “An Evaluation of Some Aspects of the Steers and Rhodes Model of
Employee Attendance”. Journal of Applied Psychology, 66(3), 385-389.
- Steel, R. P. (2003). “Methodological and operational issues in the construction of absence
variables”. Human Resource Management Review, 13(2), 243-251.
11