50-440-A-10

Encyclopédie Médico-Chirurgicale 50-440-A-10

Dermatologie chirurgicale esthétique

de l’appareil unguéal
R Baran
S Goettmann-Bonvallot

Résumé. – La chirurgie de l’ongle est une chirurgie spécialisée nécessitant une parfaite connaissance de
l’anatomie unguéale.
La biopsie unguéale, dont le siège est défini en fonction de la symptomatologie, doit minimiser le risque de
dystrophie unguéale séquellaire.
Les anomalies unguéales inesthétiques susceptibles de bénéficier de la chirurgie peuvent être classées en deux
grandes variétés : les formes congénitales et/ou héréditaires, anonychie, macronychie et micronychie,
duplication unguéale, ongle en « raquette », ongle ectopique, désaxation congénitale, syndrome d’Iso et
Kikuchi ; les dystrophies inesthétiques acquises, qu’elles soient post-traumatiques ou dégénératives :
onychogryphose.
© 2001 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.

Mots-clés : biopsie unguéale, anonychie, macronychie, micronychie, duplication unguéale, ongle en

« raquette », ongle ectopique, désaxation congénitale, syndrome d’Iso et Kikuchi,
onychogryphose.

Introduction 1 2 34 5 6 7 8 9 10 11 12 13

La chirurgie unguéale est une chirurgie spécialisée qui doit être

réalisée par un chirurgien connaissant les particularités anatomiques
de l’appareil unguéal et les techniques chirurgicales adaptées.

Anatomohistologie
14
de l’appareil unguéal
15
Ce que l’on appelle communément « ongle » est une lame de
kératine fabriquée par la matrice unguéale ; elle appartient en fait à 16
une structure plus complexe, l’appareil unguéal (fig 1).
De face, la lame est quadrangulaire, à grand axe longitudinal sur les
doigts, transversal sur les orteils. Elle est entourée par deux sillons 24 23 22 21 20 19 18 17
latéraux bordés des deux replis latéraux, et par un sillon proximal
terminant le repli sus-unguéal, sous lequel elle s’enfonce.
1 Anatomie de l’appareil unguéal. Coupe sagittale.
1. Cul-de-sac unguéal ; 2. derme du repli sus-unguéal ; 3. couche cornée de la face su-
La matrice unguéale est masquée par le repli sus-unguéal ; sa partie périeure du repli sus-unguéal ; 4. couche cornée de la face inférieure du repli sus-
distale qui est la lunule, croissant blanc à convexité distale, est unguéal ; 5. épiderme du repli sus-unguéal : face supérieure ; 6. épiderme du repli sus-
surtout visible au niveau des trois premiers doigts. La partie rosée unguéal : face inférieure ; 7. sillon proximal ; 8. cuticule ; 9. limite inférieure de la
plus distale visible à travers la lame correspond au lit de l’ongle, sur lunule ; 10. partie superficielle de la lame ; 11. partie moyenne de la lame ; 12. partie
profonde de la lame ; 13. bord libre de la lame unguéale ; 14. sillon distal ; 15. derme de
lequel elle adhère fortement. La jonction entre le lit de l’ongle et
l’extrémité digitale ; 16. épiderme de l’extrémité digitale ; 17. épiderme de l’hypony-
l’hyponychium est marquée par une bande plus pâle translucide chium ; 18. épiderme du lit unguéal ; 19. médullaire osseuse ; 20. périoste ; 21. derme
appelée bande onychodermique (point le plus distal d’attachement du lit unguéal ; 22. fibres verticales de collagène ; 23. matrice distale ; 24. matrice
de la lame sur son lit) ; la lame apparaît blanche en regard de proximale.
l’hyponychium sur lequel elle n’adhère pas (l’interposition d’air sous
la lame étant responsable de la coloration blanche). Le tiers proximal de la matrice produit les couches superficielles de
la lame unguéale, les deux tiers distaux les couches moyennes, la
partie la plus profonde étant formée par le lit unguéal (20 % de la
Robert Baran : Ancien praticien hospitalier, ancien chef de service de dermatologie de l’hôpital de Cannes, lame).
Le Grand Palais, 42, rue des Serbes, 06400 Cannes, France.
Sophie Goettmann-Bonvallot : Ancien interne des hôpitaux de Paris, ancien chef de clinique, dermatologue
La partie toute proximale de la lame, fine, est masquée par le repli
attaché à l’hôpital Bichat, 149, rue de la Pompe, 75016 Paris, France. sus-unguéal.

Toute référence à cet article doit porter la mention : Baran R et Goettmann-Bonvallot S. Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits
réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-440-A-10, 2001, 7 p.
50-440-A-10 Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal Dermatologie esthétique

*
A *
B *
C
2 A, B, C. Biopsie matricielle.

La cuticule, expansion cornée du repli sus-unguéal, borde le sillon

proximal, adhère à la tablette et ferme l’espace virtuel entre le repli 3 Biopsie du lit unguéal.
sus-unguéal et la tablette naissante, afin de protéger la région
matricielle.
Le derme matriciel et du lit de l’ongle est directement au contact de
l’os sans interposition de tissu sous-cutané.

Techniques de biopsie
de l’appareil unguéal
Différentes biopsies peuvent être réalisées au niveau de l’appareil
unguéal.
Une bonne analyse des signes cliniques permet de définir le siège
anatomique des lésions et de biopsier le site concerné.
Les biopsies sont réalisées le plus souvent sous anesthésie locale à la 4 Biopsie latérolongitu-
Xylocaïnet non adrénalinée (anesthésie en bague ou anesthésie dinale.
distale) ; la pose d’un garrot à la base du doigt est souhaitable.
Les suites postopératoires comportent des pansements quotidiens
par une infirmière (bains bétadinés, tulle bétadiné ou Tulle grast
selon les cas), la prescription d’antalgiques et une éventuelle
antibiothérapie (systématique aux orteils et chez l’enfant) ; la
prévention des douleurs passe également par la surélévation de la
région opérée (port d’une écharpe).

BIOPSIE MATRICIELLE (fig 2)

Elle est réalisée, soit au punch de 3 mm, soit à l’aide d’un bistouri
permettant une biopsie en « croissant » transversal.
Il faut récliner le repli sus-unguéal par deux incisions latérales
obliques à 45°, couper transversalement la lame unguéale à l’aide
d’une pince de Liston ou de ciseaux, soulever la partie proximale de
la lame unguéale, ce qui permet d’exposer la région matricielle
(fig 2A). Le punch est enfoncé jusqu’au contact osseux. Il n’est pas
nécessaire de suturer. Les biopsies en croissant sont également
réalisées jusqu’au contact osseux (fig 2B); l’incision inférieure doit
suivre le contour de la lunule (convexité distale). Une suture au fil
résorbable permet de rapprocher les deux berges (fig 2C).
Seules les biopsies matricielles proximales de taille importante,
supérieure à 3 mm, peuvent se compliquer de dystrophie unguéale
séquellaire (cannelure, strie longitudinale).
Les biopsies matricielles distales peuvent être responsables d’un
amincissement de la lame (en cas de biopsie large en croissant) mais
ne peuvent induire d’anomalie de surface puisque la matrice distale
produit les couches inférieures de la tablette unguéale.
La lame est ensuite reposée après avoir pris soin de découper un
petit triangle distal qui permettra l’évacuation d’un éventuel
hématome. Le repli sus-unguéal est reposé puis suturé.
BIOPSIE DU LIT UNGUÉAL (fig 3)
Elle est réalisée à l’aide d’un punch de 4 mm enfoncé
perpendiculairement jusqu’au contact osseux, ou d’un bistouri avec
lequel on réalise une ellipse verticale.
Lorsque la lame est détruite, la biopsie est réalisée directement ; dans
le cas contraire, on pratique une avulsion partielle ou totale de la
lame sus-jacente.
Une suture est nécessaire pour les biopsies en ellipse.
Il n’y a en général pas de dystrophie unguéale séquellaire ; les
onycholyses sont rares.
BIOPSIE LATÉROLONGITUDINALE (fig 4)
C’est une biopsie complète de l’appareil unguéal car elle permet de
l’étudier dans toute sa longueur ; de plus, elle réalise une étude dans
le temps de la matrice jusqu’à l’extrémité distale de la lame.
La première incision est réalisée dans le sillon latéral jusqu’au
contact osseux, débutant en avant de l’articulation interphalangienne
et allant jusqu’à l’hyponychium.
La deuxième incision intra-unguéale qui dessine une courbe permet
d’obtenir un fuseau de 3 mm de largeur comprenant le repli sus-
unguéal et la matrice sous-jacente, la lame, le lit sous-jacent et
l’hyponychium.
Une suture n’est pas toujours indispensable. La conséquence de cette
biopsie est un rétrécissement harmonieux de l’appareil unguéal.

2
Dermatologie esthétique Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal
5 Biopsie à l’origine ma-
tricielle d’une mélanony-
chie longitudinale.
CAS PARTICULIER : BIOPSIE DE L’ORIGINE
MATRICIELLE D’UNE MÉLANONYCHIE LONGITUDINALE
(fig 5)
Une mélanonychie longitudinale correspond à un dépôt de pigment
mélanique au sein de la lame unguéale par un foyer matriciel
produisant une quantité importante de mélanine. Il peut s’agir d’une
hyperactivité des mélanocytes normaux, d’une hyperplasie
mélanocytaire typique ou atypique, d’un nævus ou encore d’un
mélanome. Lorsque le contexte, les circonstances d’apparition et
l’aspect clinique font porter l’indication d’un examen histologique,
il faut réaliser une biopsie-exérèse de l’origine matricielle de la
bande.
Une coloration argentique d’un fragment de tablette unguéale peut
permettre au clinicien de localiser le foyer matriciel avant d’avoir
récliné le repli sus-unguéal : si le pigment siège dans les couches
supérieures de la lame, son origine est matricielle proximale ; s’il
siège dans les couches inférieures, il provient d’un foyer matriciel
distal.
La technique chirurgicale dépend du siège, de la taille et de la forme
de la lésion matricielle.
Lorque la lésion siège sur la matrice distale, l’exérèse sera adaptée à
la forme de la lésion (rectangle ou carré, croissant transversal, punch
de 3 mm).
Lorsque la lésion est latéralisée, siégeant sur la matrice proximale
ou sur toute la hauteur de la matrice, une biopsie-exérèse
latérolongitudinale est souhaitable.
Une lésion matricielle proximale de petite taille peut être ôtée sans
dystrophie séquellaire majeure.
Lorsque la lésion est de taille importante, médiane, originaire de la
matrice proximale ou de toute la hauteur de la matrice, l’exérèse
nécessite une reconstruction complexe (lambeau de Shernberg et
Amiel).
Traitement chirurgical
des anomalies unguéales congénitales
et/ou héréditaires
Les anomalies congénitales des ongles sont parfois classées en :
– anonychie ;
– modification des ongles dans leur taille ou dans leur nombre ;
– implantation anormale ; elle est responsable :
– d’un ongle ectopique, variété de polydactylie ;
– d’une désaxation congénitale de l’ongle ;
– d’un syndrome d’Iso et Kikuchi.
ABSENCE D’ONGLE OU ANONYCHIE
Lorsque l’anonychie touche un ou deux doigts, on peut envisager le
prélèvement en bloc de la matrice et du repli sus-unguéal [14].
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Le transfert microchirurgical d’une unité unguéale prélevée sur le
pied fournit des résultats encourageants malgré la difficulté
technique, sans obtenir toutefois une correction esthétique parfaite.
ONGLES MODIFIÉS DANS LEUR TAILLE
¶ Macronychie et micronychie
Les ongles sont plus larges et plus étroits que la normale de façon
mono- ou polydactylique. Ils se rencontrent isolément ou complètent
une mégadactylie comme dans le syndrome de Protée, l’épiloïa ou
la maladie de Recklinghausen. La macrodactylie a également été
décrite dans le syndrome de Maffucci et de Klippel-Trenaunay-
Weber.
Dans certains cas, la macronychie est le fait d’une fusion des doigts
et d’une confluence des ongles (syndrome d’Apert).
Dans la majorité des cas, la dysplasie touche l’index et le majeur,
territoires sous la dépendance des branches sensitives du nerf
médian. L’existence d’une courbure sur le doigt géant est un signe
de l’origine nerveuse de la malformation [9].
Le traitement est hautement spécialisé et fait appel à
l’amincissement du doigt par exérèse du tissu excédentaire et au
raccourcissement, soit par amputation partielle préservant
l’extrémité digitale et l’ongle, soit par amputation de la phalange
distale. Pour conserver l’ongle, il faut alors, soit le transférer comme
partie intégrante d’un lambeau dorsal, soit le transférer en greffe
libre avec sa matrice, la peau de voisinage et une partie osseuse
prélevée à la face supérieure de la phalangette. Il s’agit d’une greffe
libre composée de l’ongle.
¶ Duplication unguéale
La duplication de la phalange distale s’accompagne en général d’une
extrémité digitale élargie. L’os est bifide (base commune), ou
dupliqué (double phalange osseuse). L’ongle est en bivalve ou
fissuré, ou encore confluent.
Malformation isolée ou élément de divers syndromes, la
polydactylie peut être classée en formes pré- et postaxiale.
La polydactylie en tant que trait isolé peut être divisée en :
– forme postaxiale :
– type A : doigts surnuméraires pleinement développés ;
– type B : doigts surnuméraires rudimentaires ;
– forme préaxiale :
– polydactylie du pouce ou polydactylie préaxiale de type 1 ;
– triphalangisme du pouce ou polydactylie préaxiale de type 2 ;
– polydactylie de l’index ou polydactylie préaxiale de type 3 ;
– polysyndactylie ou polydactylie préaxiale de type 4.
Dans le traitement des polydactylies, l’amputation est optionnelle.
On ne doit pas hésiter à se défaire d’un appendice postaxial
fonctionnellement nul. Toutefois, il faut bien peser la décision
d’amputer un doigt surnuméraire qui améliore les fonctions de la
main [7].
¶ Ongles en « raquette »
Dans cette anomalie de la forme, la largeur de l’ongle (et de son lit)
est supérieure à sa longueur, contrairement aux canons classiques
qui admettent comme rapport idéal :
longueur = 1± 0,1
largeur
Plus la tablette est large, plus les replis latéraux sont étroits.
Cette tablette de largeur excessive peut être une curiosité isolée, mais
plus souvent, elle s’accompagne d’un raccourcissement de la
phalange distale. Le pouce en « raquette » est habituellement un
trait héréditaire en dominance autosomique. En réalité, tous les
3
50-440-A-10 Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal
6 Ongle en « raquette »
et son traitement.
doigts peuvent être touchés par le même processus qui s’explique
par une oblitération prématurée de la ligne épiphysaire entre 7 et
10 ans, alors que normalement cette oblitération s’effectue à l’âge de
13-14 ans chez les filles et un peu plus tardivement chez les garçons.
À côté des formes héréditaires associées à des tumeurs multiples de
Spiegler, on a décrit des ongles en « raquette » chez les
onychophages, dans l’hyperparathyroïdie et l’arthropathie
psoriasique.
Il arrive que les pouces en « raquette » entraînent des perturbations
psychiques chez leurs porteurs qui s’efforcent de les cacher. C’est
dans ces cas que nous proposons d’intervenir en supprimant les
cornes latérales de la matrice, rarement davantage (fig 6). Après une
double résection utilisant la technique de la biopsie latérale
longitudinale, on recrée des replis latéraux à l’aide de points en
« U » [5].
IMPLANTATION ANORMALE
¶ Ongle ectopique
L’ongle ectopique est congénital ; toutefois, trois observations
d’apparition tardive (avant 8 ans) ont été rapportées.
On peut distinguer :
– des formes sporadiques et isolées, rarement bilatérales : ce sont
les plus communes ;
– des formes familiales et multiples ;
– des formes associées à des malformations multiples.
Dans la variété commune, sporadique, l’ongle a une localisation
palmaire, une forme anormale mais rarement annulaire ou en
« coquille ». Cette protrusion unguéale est, soit parallèle à la peau
ou, au contraire, verticale.
Il existe des variantes avec aspect effilé du doigt, une bilatéralité
fréquente avec prédilection pour les doigts cubitaux. La flexion
active de l’interphalangienne distale peut être impossible. Enfin, la
phalangette osseuse est pointue à son extrémité distale.
Dans la deuxième variété, des lésions sont multiples et familiales.
Elles sont habituellement protruses, mais des formes annulaires
peuvent se rencontrer.
Dans la troisième variété, l’onychohétérotopie est associée à des
malformations multiples telles que le syndrome de Pierre Robin [11].
*
A *
8 A, B, C. Traitement chirurgical de la désaxation unguéale congénitale du gros orteil : autoplastie de rotation unguéodermique avec triangle de décharge externe.
4
Dermatologie esthétique
7 Désaxation unguéale
congénitale de l’ongle du
gros orteil.
¶ Désaxation unguéale congénitale du gros orteil
La présence sur une tablette triangulaire, désaxée vers l’extérieur,
de sillons transversaux, couvrant une lame épaissie, brunâtre ou
verdâtre, enchâssée dans un bourrelet antérieur d’importance
variable (fig 7), plaide pour une intervention, vu le risque
d’onychodystrophie permanente. Mais la possibilité d’une
régression spontanée jusqu’à l’âge de 10 ans explique que certains
auteurs optent pour l’abstention thérapeutique. Elle ne se justifie
qu’en l’absence de dystrophie unguéale importante. Il s’agit donc
d’une responsabilité qu’il faut savoir peser avant de l’endosser.
Si la désaxation est simple et ne s’accompagne pas de dystrophie
unguéale, rien ne s’oppose au laisser-faire du temps.
La désaxation est compliquée de dystrophie unguéale. Plus elle est
importante, plus nous sommes enclins à proposer l’intervention
après un délai d’observation qui ne dépasse pas 1 ou 2 ans, elle
peut éviter la constitution de lésions unguéales parfois irréversibles.
L’intervention est simple et dérive en partie de la technique de
Dubois. Elle réalise une autoplastie de rotation unguéodermique
avec triangle de décharge externe. Un croissant cutané est réséqué
autour de l’ongle. Sa largeur maximale se situe sur le versant interne
de l’orteil lorsque la désaxation est externe. Ce croissant de résection
cutanée se termine de part et d’autre à 3-4 mm en arrière du niveau
le plus proximal du repli sus-unguéal (fig 8A). À partir de cette
résection, on décolle le lit et la matrice qu’on soulève jusqu’à voir
les fibres du tendon extenseur sur son insertion osseuse (fig 8B).
Après suture, le rapprochement des bords du triangle excisé réduit
la perte de substance cutanée. L’appareil unguéal se trouve réaxé
vers l’intérieur puisque la résection cutanée maximale est surtout
antéro-interne (fig 8C).
L’existence d’une hypertrophie de l’expansion dorsale du ligament
interphalangien dorsal du côté désaxé mérite que l’intervention
précédente soit complétée par un geste simple, la section de
l’expansion ligamentaire [2].
¶ Syndrome d’Iso et Kikuchi
Dans le syndrome d’Iso et Kikuchi (congenital onychodysplasia of
index fingers), la micronychie est habituellement interne,
contrairement à la micronychie centrale, communément recontrée,
avec une exception pour une forme rare de ce syndrome où la
micronychie centrale est caractérisée par une sorte d’enroulement
de la tablette [8].
B *
C
Dermatologie esthétique Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal
Traitement chirurgical
des dystrophies unguéales
inesthétiques acquises
DYSTROPHIES UNGUÉALES POST-TRAUMATIQUES
La prévention des séquelles des traumatismes de l’appareil unguéal
passe avant tout par une prise en charge immédiate, adaptée, en
milieu spécialisé.
Malgré tout, certains traumatismes laissent des séquelles définitives
inesthétiques ; une correction chirurgicale reste possible pour un
certain nombre d’entre elles.
¶ Ptérygion dorsal post-traumatique
Le ptérygion est une adhérence entre le repli sus-unguéal, ou repli
proximal, et la face dorsale de la tablette unguéale. Dans certains
cas, l’adhérence, faible, peut être levée après un bain en eau tiède en
repoussant délicatement et progressivement le ptérygion.
Souvent, un geste chirurgical est nécessaire. Il faut cliver la face
ventrale du repli sus-unguéal de la tablette unguéale et glisser un
fragment de Silastict entre la face ventrale du repli et la lame
unguéale, jusqu’à cicatrisation, soit une quinzaine de jours.
Cette technique, fiable, peut échouer avec apparition d’une nouvelle
adhérence dans les semaines qui suivent. On peut alors proposer
une excision de la face ventrale du repli sus-unguéal avec pose
d’une greffe de peau fine qui évitera une nouvelle adhérence [15].
Lorsque le ptérygion s’accompagne d’une fissuration longitudinale
de la lame unguéale, le traitement chirurgical est différent. Le
meilleur traitement consiste à exciser en bloc un fragment
longitudinal de tout l’appareil unguéal incluant le repli sus-unguéal,
la lame unguéale, la matrice sous-jacente et donc le ptérygion, la
lame unguéale distale et le lit de l’ongle jusqu’à l’hyponychium. Il
existe donc une perte de substance longitudinale de tout l’appareil
unguéal qui sera comblée par un lambeau de rotation, dit lambeau
de Schernberg et Amiel [12].
Les résultats esthétiques sont malgré tout relativement corrects. Il
persiste souvent une strie, voire une fissure longitudinale.
¶ Correction d’une cicatrice inesthétique
du repli sus-unguéal
Après certains traumatismes, on note une perte de l’harmonie du
repli sus-unguéal, dont une partie peut être rectiligne, ou en retrait,
par rapport à l’autre côté. La perte de l’arrondi du repli sus-unguéal
est responsable d’une gêne esthétique qu’il est facile de corriger.
La technique consiste en une excision de la région cicatricielle
inesthétique, tout en visant à bien reconstituer l’arrondi du repli ;
ceci conduit à réséquer éventuellement une partie du repli sus-
unguéal intact. Il est possible de réséquer jusqu’à environ 5 mm de
hauteur, ce qui correspond, en profondeur, au cul-de-sac unguéal.
Pour faciliter la chirurgie, et ne pas blesser le fond du cul-de-sac
unguéal, il faut glisser, avant l’incision du repli sus-unguéal, une
spatule jusqu’au fond du cul-de-sac, et chercher avec le bistouri le
contact avec la spatule, ce qui évite de blesser la matrice unguéale
proximale. Après 2 semaines de cicatrisation dirigée, le repli sus-
unguéal se reconstitue de façon harmonieuse avec persistance d’un
petit recul. Les résultats esthétiques sont excellents (fig 9).
Dans certaines cicatrices importantes du repli sus-unguéal, ou en
cas de brûlure de celui-ci, la reconstruction n’est pas possible ; on
peut alors exciser le tissu cicatriciel et reconstituer un repli sus-
unguéal à l’aide de deux lambeaux latéraux de glissement, qui,
remontés vers la région matricielle, permettent la couverture de la
région matricielle proximale.
¶ Fissurations longitudinales post-traumatiques
Certaines fissures post-traumatiques sont dues à des éperons osseux
sous-jacents. Une radiographie de profil permet de visualiser le
fragment osseux perforant le lit de l’ongle.
50-440-A-10
9 A, B. Correction chi-
rurgicale d’une cicatrice
inesthétique du repli sus-
unguéal.
*
A
*
B
Le traitement chirurgical consiste, après avulsion totale ou partielle
de la lame unguéale, à inciser longitudinalement le lit de l’ongle
jusqu’au contact osseux, à réséquer le fragment osseux ; le lit
unguéal est ensuite suturé longitudinalement et la tablette unguéale
reposée.
Certaines fissurations longitudinales post-traumatiques sont dues à
une cicatrice du lit unguéal, sans spicules osseux sous-jacents.
Le traitement chirurgical consiste, après avulsion, partielle le plus
souvent, de la lame unguéale, à réséquer la zone cicatricielle en
excisant un fuseau longitudinal. Après décollement des berges
latérales du lit unguéal au contact de l’os, la suture simple est en
général possible ; la lame unguéale est ensuite replacée. Lorsque la
zone cicatricielle est trop importante et que l’exérèse ne permet pas
une suture du lit unguéal, on peut proposer une greffe mince du lit
de l’ongle que l’on prélève sur le lit de l’ongle d’un petit orteil ou
sur la moitié longitudinale de celui du gros orteil.
Certaines fissurations longitudinales sont dues à une cicatrice
matricielle, éventuellement associée à une cicatrice du lit de l’ongle.
Le traitement chirurgical est alors plus complexe et plus aléatoire.
Lorsque la fissuration est latéralisée, il faut pratiquer une biopsie-
exérèse latérolongitudinale, qui aura pour conséquence la
disparition de la cicatrice avec fissuration et un rétrécissement
harmonieux de l’appareil unguéal [5] . En revanche, lorsque la
fissuration longitudinale est médiane, il faut, après avoir récliné le
repli sus-unguéal par deux incisions obliques latérales, pratiquer une
exérèse longitudinale en fuseau allant de la matrice au lit unguéal
distal de toute la région cicatricielle ; le décollement des berges
latérales de la perte de substance par rapport au contact osseux peut
permettre une suture directe ; dans le cas contraire, deux incisions
latérales de décharge du lit unguéal peuvent permettre la fermeture
de la perte de substance. La lame unguéale est ensuite reposée [6].
L’autre technique consiste éventuellement à pratiquer, comme pour
les ptérygions avec fissure longitudinale, une exérèse longitudinale
de tout l’appareil unguéal en regard de la cicatrice, avec fermeture
de la perte de substance par un lambeau de rotation de Schernberg
et Amiel [12].
Ces techniques chirurgicales, dont le résultat est aléatoire, sont donc
à réserver à des fissures longitudinales larges, profondes,
invalidantes.
¶ Pousse ectopique d’un fragment d’ongle
Certains traumatismes ont pour conséquence une plaie matricielle
avec, secondairement, apparition d’un fragment d’ongle en position
5
50-440-A-10 Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal Dermatologie esthétique

ectopique liée au déplacement d’un fragment matriciel ; ces spicules
sont, en général, invalidants sur le plan fonctionnel et esthétique.
Une exérèse chirurgicale du fragment matriciel responsable de la
pousse du spicule s’impose. La dissection est parfois assez difficile,
en raison du caractère cicatriciel des tissus.
¶ Correction chirurgicale des onycholyses
post-traumatiques
L’épidermisation d’une perte de substance, ou d’une plaie du lit de
l’ongle, peut aboutir à une onycholyse séquellaire ; en l’absence
d’hyperstriation longitudinale caractéristique de l’épiderme du lit
de l’ongle, la tablette unguéale ne peut adhérer à l’épiderme
sous-jacent.
Un premier traitement peut consister à désépidermiser la région
cicatricielle, à réappliquer la tablette unguéale, en espérant une
réépidermisation avec un épithélium type lit de l’ongle, et donc une
disparition de l’onycholyse.
Lorsque ce traitement simple échoue, on peut proposer une excision
de la région cicatricielle du lit de l’ongle, qui sera remplacée par
une greffe épaisse du lit unguéal prise sur un orteil. Il y aura comme
séquelle une onycholyse de l’orteil concerné.
¶ Désaxation unguéale post-traumatique
La désaxation post-traumatique peut être due à un déplacement de
la matrice, du lit unguéal, ou à une cicatrice vicieuse, rétractile, des
replis latéraux et/ou de la région pulpaire, qui exerce une traction
sur l’appareil unguéal. En réalité, une simple biopsie
latérolongitudinale de plus de 3 mm risque de produire une
désaxation unguéale [3].
Le traitement chirurgical est adapté à la cause de la désaxation. Dans
certains cas, un repositionnement de l’appareil unguéal peut être
tenté ; dans d’autres cas, la reconstitution d’une pulpe et de tissus
péri-unguéaux souples, peut corriger la désaxation.
Dans les cas sévères, une excision totale de l’appareil unguéal, suivie
d’une greffe, est le meilleur traitement à proposer.
¶ Ongle en « griffe »
L’ongle en « griffe » est la conséquence du raccourcissement de la
phalange osseuse distale. L’ongle reste accolé au lit et tourne avec
lui. Souvent, l’ongle en « griffe » s’accompagne d’une extrémité
digitale renflée en « massue ».
En 1963, Dufourmentel proposait une correction chirurgicale des
extrémités en « massue », une technique reprise par Dumontier et
al [4]. On corrige la déformation en griffe en reculant l’ongle et son lit
afin d’augmenter la surface osseuse d’appui. On comble la perte de
substance par un lambeau d’avancement palmaire. Deux lambeaux
triangulaires permettent de diminuer l’aspect en massue.
Malheureusement, le taux de récidive est exorbitant. De plus, le
résultat esthétique est souvent jugé moyen. Les indications restent
donc limitées aux pertes de substance osseuse minimes.
Lésions dégénératives :
onychogryphose
Exceptionnellement congénitale et héréditaire, l’onychogryphose est
une disgrâce unguéale habituellement acquise des orteils, du gros
en particulier (tableau I).
Il apparaît comme une tablette opaque, épaissie, irrégulière, sans
attache solide avec le lit sous-jacent.
L’ongle du gros orteil est souvent en « corne de bélier », de couleur
brune, sa surface irrégulière est marquée de stries transversales.
Parfois, la forme de l’ongle rappelle celle d’une moule.
La matrice produit un ongle dont la vitesse de croissance est inégale.
Le côté qui pousse le plus vite détermine la direction de la
déformation. Chez le vieillard, la dystrophie est habituellement
produite par les traumatismes qu’exerce la chaussure sur le gros
orteil.
Selon l’état vasculaire du patient, on peut se contenter du
minimum : soit avulsion chimique régulièrement répétée ou fraisage,
ou bien une phénolisation du lit et de la matrice unguéale, sous
anesthésie locale non adrénalinée.
Tableau I. – Causes des onychogryphoses.

Affections dermatologiques Ichtyose

¶ Anonychie post-traumatique Pemphigus
Psoriasis
En cas d’anonychie partielle inesthétique, il est parfois préférable
d’exciser le fragment séquellaire d’appareil unguéal. Maladies infectieuses Onychomycoses
Syphilis
Pour redonner un aspect esthétique à l’extrémité digitale, on peut
Variole
alors proposer une excision des tissus cicatriciels et la pose d’une
greffe de peau ayant la forme d’un ongle, ce qui donne des résultats Causes locales Traumatisme unique
cosmétiques acceptables car la greffe ayant souvent une Microtraumatismes (chaussure)
pigmentation différente de la peau voisine, l’aire de l’emplacement Anomalies du pied (hallux valgus)
de la tablette unguéale est ainsi soulignée. Il n’est malheureusement Causes régionales Terrain variqueux
pas possible de poser un faux ongle sur une greffe de peau [13]. Thrombophlébite
On peut également proposer une greffe de l’appareil unguéal Anévrisme
Éléphantiasis
réalisée à partir d’un orteil ; la qualité du résultat esthétique est
Affections du système nerveux périphérique
inconstante, et il faut fermer la zone donneuse par une greffe de
peau totale. Causes générales Vieillesse
Uricémie
En dernier recours, en cas d’anonychie définitive inesthétique, on Vagabonds
peut proposer la confection d’une prothèse en « doigt de gant », Démence sénile
siliconée, en prenant comme modèle le doigt de la main Affections du système nerveux central
controlatérale. Exécutée par une équipe spécialisée [10], elle donne des
Formes idiopathiques Acquises
résultats esthétiques excellents et des résultats fonctionnels tout à
Héréditaires
fait corrects. L’ongle de la prothèse peut être vernis.

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Dermatologie esthétique Dermatologie chirurgicale esthétique de l’appareil unguéal
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