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Exposé contentieux constitutionnel JAVARY

Le Conseil dʼEtat et la loi

Lʼarticle 6 de la déclaration des droits de lʼhomme et du citoyen proclame que la loi


est lʼexpression de la volonté générale. Ce principe est au coeur de la philosophie de Jean
Jacques Rousseau et explique lʼhostilité des révolutionnaire vis a vis de toute forme de
contrôle de la loi par une autorité autre que le pouvoir législatif.
Cette méfiance s'exprime bien dans lʼarticle 10 du titre II de la loi des 16 et 24 aout 1790
sur lʼorganisation judiciaire au terme desquels “ Les tribunaux ne pourront prendre
directement ou in directement aucune part à lʼexercice du pouvoir législatif , ni empêcher
ou suspendre l'exécution des décrets du corps législatif , Cette réticence fondamentale
vis a vis de toute forme de contrôle de la loi est au fond une transcription de la théorie de
la séparation des pouvoirs de Montesquieu et explique lʼattitude longtemps réservée du
Conseil dʼEtat à lʼégard de la loi. Institué par lʼarticle 52 de la Constitution de lʼan VIII
( 1799) , le Conseil dʼétat était chargé , sous la direction des consuls , de rédiger les
projets de lois et les reglements dʼadministration publics et de résoudre les difficultés qui
s'élèvent en matière administrative.. Il reçut une double mission : le conseil (participer à la
rédaction des projets de lois) et le contentieux administratif. Il est aujourdʼhui la plus haute
juridiction de lʼordre administratif et lʼon retrouve ces attributions mi juge - mi conseil dans
la Constitution de 1958.
En matière contentieuse , le conseil dʼétat est chargé dʼapprécier la légalité des actes de
lʼadministration notamment vis à vis de la loi qui conformément à la hiérarchie des normes
à une autorité directement supérieure aux actes administratifs.. La loi fut donc considérée
comme la première source de légalité pour le conseil dʼEtat. Toutefois le Conseil dʼEtat
sʼest longtemps refusé à exercer un contrôle direct de la loi vis a vis des traités et surtout
de la Constitution au nom de la théorie de lʼécran législatif. L'arrêt de principe en ce sens
est l'arrêt Arrighi du 6 novembre 1936 ou le conseil dʼétat rejette l'exception
d'inconstitutionnalité dʼun décret pris en vertu de dʼune loi. Pour le juge , un tel moyen est
inopérant dans le sens ou son examen ne pourrait que nécessairement conduire à se
prononcer sur le constitutionnalité dʼune loi , ce qui en lʼétat actuel du droit ne relève pas
de sa compétence. Cependant, la reconnaissance de de sa compétence pour exercer un
contrôle de conventionalité de la loi depuis 1989 , a étendu les prérogatives du conseil
dʼétat sur la loi.
Avec les évolutions récentes et lʼintroduction de la QPC on peut se demander si
lʼon ne sʼoriente pas vers la disparition progressive de lʼécran législatif au profit dʼun
véritable contrôle de constitutionnalité - même implicite - de la loi ,opéré par le conseil
dʼEtat . On envisagera cette hypothèse sous deux aspects : dans les fonctions
administratives du Conseil (I) et dans les attributions juridictionnelles du Conseil( II)
Exposé contentieux constitutionnel JAVARY

I) Le contrôle de constitutionnalité de la loi et les attributions administratives du


Conseil dʼEtat

La fonction administrative est la fonction initiale du conseil qui assure en rôle de


conseiller du gouvernement. Il assure un contrôle direct en en amont de la loi ( en donnant
son avis sur les projets de loi (A) et un contrôle indirect en aval , avec la procédure dite de
déclassement des textes de forme législative (B)

A. Le contrôle direct des projets de loi et dʼordonnance

Lʼarticle 39 de la Constitution dispose que “les projets de loi “ et dʼordonnance sont


délibérés en conseil des ministres après avis du Conseil dʼEtat . Cet avis est obligatoire
pour les projets de loi mais facultatif pour les propositions de loi. Les présidents du Sénat
et de lʼAssemblée peuvent sʼil le souhaitent solliciter le Conseil pour avis. Dans les deux
cas , cet avis est consultatif et ne sʼimpose ni au gouvernement ni aux présidents des
deux Assemblées.
Ce contrôle non juridictionnel du Conseil dʼEtat sʼapparente à un véritable contrôle de
constitutionnalité de la loi en cours dʼélaboration qui intervient même en amont de la
possible saisine du Conseil Constitutionnel avant promulgation . Cela renforce lʼidée que
le Conseil dʼétat est aussi un juge de la constitutionnalité de la loi en amont du projet. On
peut citer par exemple lʼavis défavorable rendu par le conseil dʼEtat en avril 2010 sur la loi
sur lʼinterdiction du voile islamique au motif quʼune interdiction générale et absolue ne
pouvait exclusivement se fonder exclusivement sur respect de la dignité de la personne,
principe déduit du préambule de la Constitution de 1946. , on peut noter en revanche que
le Conseil constitutionnel a ensuite validé la loi , sauf certaines réserves dʼinterprétation
concernant le caractère général et absolue de lʼinterdiction qui sont très similaires à
lʼinterprétation donnée par le Conseil d'état
Une autre forme de contrôle non juridictionnel de la loi intervient aussi en aval par
lʼintermédiaire de la procédure de déclassement des textes de forme législative.

B. Le contrôle indirect de constitutionnalité des textes de forme législative



Le contrôle non juridictionnel de constitutionnalité ne signifie pas seulement le
contrôle juridictionnel aux fins de censure de la loi comme contraire à la Constitution. Il
inclut aussi le contrôle des textes de forme législative.
Cette procédure, mise en oeuvre à lʼarticle 37 de la Constitution a pour but de permettre
au pouvoir réglementaire de procéder à la modification de textes qui avant 1958 étaient
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des lois et qui sont devenus des textes de formes législative intervenant hors du cadre de
lʼarticle 34 qui fixe le domaine de loi. Ainsi , le conseil dʼEtat procède un contrôle de
constitutionnalité indirect puisquʼil contrôle la loi au regard de lʼarticle 34 de la constitution.
Il sʼagit pour le conseil de déterminer si le texte visé est constitutionnellement déterminé
en vertu de l'article le 34. Il sʼagit donc dʼun véritable contrôle de constitutionnalité sur la
base du droit applicable lorsque le CE se prononce cette procédure est toutefois peu
utilisée.

Dans dans ses fonctions administratives , le CE dispose de certaines prérogatives
qui sʼapparentent à un contrôle de constitutionnalité .Mais dans son contrôle de la légalité
dʼun acte , le CE sʼest longtemps refusé à ʼécarter la loi au profit dʼune norme supérieure
au nom du principe de la loi écran . La position du Conseil devint difficilement tenable
avec le développement du droit international et la reconnaissance- par le Conseil lui
memr du de la suprématie de la Constitution dans lʼordre interne. Cela a implicitement
conduit à l'émergence dʼun contrôle juridictionnel de constitutionnalité de la loi.

II) Le contrôle de constitutionnalité et les attributions juridictionnelles du conseil


dʼEtat .

Le contournement de plus en plus massif de la loi par les normes internationales et


la dégradation du statut de loi ont conduit à une disparition progressive de lʼécran
législatif. Ainsi , le conseil dʼétat a été conduit à opérer un contrôle de constitutionnalité
indirect de la loi par le contrôle de conventionalité ( A) et se pose même , avec
lʼintroduction de la QPC la question dʼun contrôle de constitutionnalité direct.

A. Le contrôle indirect par le contrôle de conventionalité

Le point de départ du contrôle de conventionalité par le conseil dʼétat est la décision


IVG du conseil Constitutionnel en 1975 dans laquelle le Conseil se reconnaît incompétent
pour juger de la compatibilité de la loi aux traités internationaux , laissant implicitement
cette compétence au juge ordinaire. Il faudra attendre l'arrêt Nicolo de 1989 , pour que le
Conseil se reconnaisse enfin compétent pour écarter au profit des conventions Cela à
conduit à lʼeffacement de lʼécran législatif éventuellement interposé entre lʼacte et le droit
international , conformément au principe de supériorité des traités sur la loi ( art 55 C )
En quoi se contrôle peut -il sʼapparenter à un contrôle de constitutionnalité?
- Une loi qui serait contraire à un traité est forcement inconstitutionnelle puisquʼelle
méconnaît le principe posé à lʼarticle 55.
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- De plus le contrôle de conventionalité conduit , comme en matière dʼexception , non pas


à détruire la loi à lʼégard de tous , mais à lʼécarter au cas particulier et à autres cas
similaires par la simple force du précédent.
- Similitude des principes contenus dans les textes internationaux (protection des droits
fondamentaux) et la constitution ; Un exemple, décision CE Morsan sur orge : fondé e
sur le principe de dignité article 3 CEDH , principe aussi contenu dans le préambule de
1946 (sauvegarde la dignité humaine )

Si le conseil dʼétat ne se transforme pas en juge constitutionnel, le contrôle de


conventionalité annonce un contrôle de constitutionnalité. Certains indices avait annoncé
ce changement , notamment la reconnaissance de la suprématie de la Constitution dans
lʼordre interne ( Saran Levaché et autres - 1998) et la référence de plus en plus importante
au principes fondamentaux du reconnus par les lois de la républiques , principes déduits
de la Constitution par le conseil constitutionnel. Restait pour parfaire le système, a
introduire un contrôle de constitutionnalité direct de la loi part voie dʼexception, ce qui a
été en partie fait avec lʼintroduction de la question prioritaire de constitutionnalité

B.Le contrôle direct par la question prioritaire de constitutionnalité.

En lʼétat actuel du droit, il est exclut que le contrôle de constitutionnalité des lois soit
dévolu à juge administratif dans le cadre du recours pour excès de pouvoir . Cette
compétence est dévolue exclusivement au Conseil Constitutionnel à lʼarticle 61. Reste
toutefois lʼhypothèse de lʼexception d'inconstitutionnalité qui peut conduire une juridiction à
écarter une loi au motif quʼil lʼa juge inconstitutionnelle. Lʼintroduction de la QPC va dans
ce sens, la QPC peut sʼanalyser comme une exception d'inconstitutionnalité de la loi au
stade de son application soulevé devant le juge ordinaire, à la différence que la décision
produit des des effets à lʼégard de tous et aboutit à lʼabrogation immédiate de la loi visée.
jugeant du sérieux du moyen soulevé , le Conseil nʼexerce rien de moins quʼun contrôle
de constitutionnalité. On pourrait même aller plus loin en prononçant en faveur dʼun
contrôle de constitutionnalité , inité par le Conseil dʼétat lui même sur le modèle de l'arrêt
Nicolo. Mais la reconnaissance explicite parait peu probable car cela empiéterai sur le
domaine réservé du Conseil Constitutionnel . Reste que lʼintroduction de la QPC constitue
une évolution vers un Constitution pleinement effective et à une normativité parfaitement
cohérente sur le modèle Kelsenien.
En attribuant un rôle de filtre au Conseil dʼétat , le constituant lui donne les moyens de
devenir le véritable censeur de la loi au regard de lʼensemble des normes supérieures .

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