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Directeur de la publication : Edwy Plenel

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2019 au 27 mai 2020. Dans le cas du téléphone d’Edwy


Plenel, l’infection par le logiciel espion Pegasus a duré
« Projet Pegasus » : Mediapart a été
deux mois, du 5 juillet au 5 septembre 2019.
espionné par le Maroc
PAR LA RÉDACTION DE MEDIAPART
ARTICLE PUBLIÉ LE LUNDI 19 JUILLET 2021

© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart

Deux semaines auparavant, du 21 au 23 juin 2019, le


© Photo illustration Sébastien Calvet / Mediapart directeur de Mediapart s’était rendu au Maroc pour
En 2019 et 2020, les téléphones portables de nos intervenir à un forum des droits de l’homme, organisé
journalistes Lénaïg Bredoux et Edwy Plenel ont été à Essaouira pendant le Festival Gnaoua Musiques du
infectés par le logiciel espion Pegasus, actionné par monde (Mediapart en parlait dès 2010). Acceptée sur
des services secrets marocains. Nous déposons plainte l’insistance d’Ali Amar, directeur du journal en ligne
auprès du procureur de la République de Paris. Le Desk, alors partenaire de Mediapart et soutien
Les numéros des téléphones portables de Lénaïg de ce forum, cette invitation s’était traduite par une
Bredoux et d’Edwy Plenel figurent parmi les dix participation à un débat intitulé« La force de la culture
mille que les services secrets du Maroc ont ciblés contre la culture de la violence » (ici une vidéo qui en
en utilisant le logiciel espion fourni par la société rend compte).
israélienne NSO. Pendant plusieurs mois, l’appareil Intervenant devant un parterre où avaient pris place
répressif du royaume chérifien a ainsi violé l’intimité quelques officiels marocains, dont André Azoulay,
privée de deux journalistes, porté atteinte au métier conseiller du roi Hassan II puis de son fils
d’informer et à la liberté de la presse, volé et exploité et successeur Mohammed VI, Edwy Plenel prit
des données personnelles et professionnelles. Aucun soin d’affirmer publiquement sa solidarité avec le
autre téléphone d’un membre de l’équipe de Mediapart mouvement populaire du Rif, ce Hirak marocain dont
n’a été espionné. des manifestants avaient été lourdement condamnés
Des vérifications techniques approfondies, réalisées quelques mois plus tôt (lire ici et là). Dans plusieurs
avec leur accord sur leurs téléphones par le interviews accordées durant ce bref séjour, il insista,
Security Lab d’Amnesty International, partenaire conformément aux valeurs défendues par Mediapart,
de l’investigation internationale coordonnée par sur la nécessité d’une presse indépendante et sur la
Forbidden Stories, ont permis d’établir avec défense des libertés fondamentales (voir ici et là).
précision les dates de cette surveillance. Elle a Le 5 juillet 2019, soit peu de temps après son retour
commencé le 23 février 2019 pour le téléphone en France, les services marocains décidaient d’infecter
de Lénaïg Bredoux, qui enquête notamment sur son téléphone portable avec le logiciel espion Pegasus,
les violences sexistes et sexuelles, devenue notre en même temps qu’ils reprenaient et intensifiaient
responsable éditoriale aux questions de genre. Cet la surveillance de celui de Lénaïg Bredoux. Notre
espionnage s’est poursuivi jusqu’au 1er juillet 2019, consœur était déjà dans le collimateur de l’appareil
avant de reprendre, avec plus d’intensité, du 8 juillet sécuritaire du royaume pour avoir écrit, en 2015,
plusieurs articles sur les relations complaisantes de la
France avec les services secrets du Maroc et leur chef,

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Abdellatif Hammouchi, soupçonné de complicité de figures de la société civile marocaine, Omar Radi
torture (lire ici, là et là). Quant à Edwy Plenel, il fut est victime de la nouvelle arme répressive inventée
à l’origine de la publication en 1990 de Notre ami le par le royaume contre les activistes et les journalistes
roi, livre de Gilles Perrault qui révéla au grand public qui le dérangent. Dans le contexte international de
l’ampleur des violations des droits humains au Maroc. prise de conscience des violences sexistes et sexuelles,
Mais, au-delà de la mémoire bureaucratique des le mouvement #MeToo est utilisé comme un cheval
services secrets, l’espionnage qui les a ciblés en de Troie pour les réprimer et les discréditer, grâce
2019-2020 avait un enjeu immédiat. Tout indique au montage ou à l’instrumentalisation de dossiers
dans la chronologie de cette surveillance et dans le judiciaires sur ce terrain (lire la dernière enquête de
choix de ses cibles qu’elle participait à l’offensive Rachida El Azzouzi et Rosa Moussaoui).
répressive du royaume contre ce qu’il restait de médias Or, depuis qu’elle a révélé en 2016 ce qui deviendra
et de journalistes indépendants au Maroc, offensive l’affaire Baupin, Lénaïg Bredoux est connue pour
qui fut précisément déclenchée à partir de l’été avoir été pionnière dans les médias s’agissant des
2019. C’est d’ailleurs durant cette même période où enquêtes sur les agressions et harcèlements sexuels.
Mediapart était ciblé qu’Amnesty International révéla, Quand commence l’espionnage de son téléphone, le
pour la première fois, l’utilisation du logiciel espion 23 février 2019, le procès intenté à Mediapart par
de NSO contre des activistes ou des journalistes. Or Denis Baupin vient juste de se terminer, le 9 février.
il s’agissait du Maroc à travers les cas du défenseur À cette époque, Lénaïg Bredoux donne des interviews
des droits humains Maati Monjib et du journaliste à la presse internationale à propos de #MeToo (par
d’investigation Omar Radi (voir ici et là les deux exemple ici).
rapports de l’ONG). Tout porte à croire que l’espionnage de Mediapart
Omar Radi est l’un des cofondateurs du Desk, a fait partie de l’offensive destinée à faire taire les
dont Mediapart a été le partenaire actif. Le 26 journalistes indépendants au Maroc, en cherchant à
décembre 2019, il était incarcéré une première fois savoir comment nous enquêtions dans ce domaine
à cause d’un tweet critiquant une décision de justice afin de nourrir les scénarios imaginés ensuite par
visant les protestataires rifains du Hirak (lire cette l’appareil répressif. Mais rien ne permet d’exclure
tribune de soutien sur Mediapart). Après avoir qu’il ait aussi servi à d’autres fins, par l’exploitation
été condamné à quatre mois de prison avec sursis, des données volées et leur partage avec d’autres
il était de nouveau convoqué, le 24 juin 2020, services de renseignement. La seule façon d’en avoir
sous l’accusation fallacieuse d’intelligence avec des le cœur net, c’est que la justice en soit saisie afin de
agences de renseignement étrangères, puis placé en mener une enquête indépendante sur cet espionnage
détention préventive le 29 juillet 2020 pour « atteinte d’ampleur organisé en France par le Maroc.
à la sûreté extérieure et intérieure de l’État, viol et
C’est pourquoi Mediapart a demandé à son avocat, Me
attentat à la pudeur ». Il y est toujours aujourd’hui, en
Emmanuel Tordjman, du cabinet Seattle, de déposer
attente d’un jugement dans le cadre d’une procédure
plainte dès ce lundi 19 juillet auprès du procureur de
inique contre laquelle il s’insurge (lire la première
la République de Paris, au nom de notre journal, de
enquête de Mediapart sur le cas Omar Radi).
Lénaïg Bredoux et d’Edwy Plenel. Au-delà des suites
Sur mediapart.fr, un objet graphique est disponible à cet endroit. judiciaires, il va sans dire que cette atteinte aux libertés
Tout comme son confrère Soulaimane Raissouni, fondamentales, menée par une puissance étrangère à
condamné le 9 juillet en son absence à cinq ans de l’encontre d’un journal indépendant, exige une ferme
prison pour « agression sexuelle », ainsi que d’autres réaction des autorités françaises qui aille au-delà d’une
condamnation de principe. Nous l’attendons.

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