Welch
ISBN: 978-2-89082-143-9
p5 À mes filles,
Lindsay et Lisa
Remerciements
1. Réservoirs affectifs percés
Partie 1: Le pourquoi et le comment de notre crainte des autres
2. « Les gens vont me découvrir »
3. « Les gens vont me rejeter »
4. « Les autres vont me faire du mal »
5. « Le monde veut que je craigne les gens »
Partie 2: Surmonter la crainte des autres
6. Apprendre la crainte du Seigneur
7. Croître dans la crainte du Seigneur
8. Vos besoins ressentis examinés à la lumière de la Bible
9. Connaître ses besoins réels
10. Prendre plaisir en ce Dieu qui nous remplit
11. Aimer ses ennemis et son prochain
12. Aimer ses frères et ses sœurs
13. « Crains Dieu et observe ses commandements »
[REM] p 8 Remerciements
Ce livre est le résultat d’un travail d’équipe. Je suis particulièrement reconnaissant envers le
personnel et les enseignants de la fondation d’assistance et d’éducation chrétiennes (Christian
Counseling and Educational Foundation ou CCEF) à Philadelphie, aux États-Unis. Je n’aurais pas
pu écrire ce livre sans leur dévouement, leurs prières et leurs mises au point spirituelles. Le
directeur, John Bettler, de même que le directeur des études, Paul Tripp, ont été
particulièrement coopérants en m’accordant un congé, mais l’ensemble de la communauté de
la CCEF a participé à la réalisation de cet ouvrage. David Powlison et Susan Lutz ont
généreusement offert leur temps et leurs talents en révisant minutieusement les premières
versions du livre. Leurs commentaires me furent précieux.
Quelques amis, notamment Beth Noble et Julie Vickers, ont révisé quelques parties du livre,
certaines de manière partielle, d’autres dans leur intégralité. Ces deux femmes, ainsi que
d’autres amis, ont beaucoup apporté à l’élaboration de mes conceptions bibliques.
Ma femme, Sheri, fut le catalyseur de métamorphoses dans ma vie. Je n’aurais jamais pu
expérimenter une grande partie de ces vérités bibliques sans son amour et sa patience. De plus,
tandis que je travaillais sur le manuscrit, elle fut toujours disposée à interrompre ses activités
pour lire ou m’aider à travailler une partie. Elle apporta des suggestions qui contribuèrent à
épurer la grammaire et les idées bibliques. Elle sut également quand il était temps de
m’emmener à la plage.
[CH1] p 9 CHAPITRE 1
Réservoirs affectifs percés
« J’ai longtemps vécu sans avoir une très haute opinion de moi- même, commente William. Le
seul moment où je me sentais à l’aise, c’était lorsque je portais des chaussures à 100 $ ou un
pull à 60 $. Faute de quoi, je ne voulais pas aller à l’école. »
Qui aurait cru que derrière cette façade dure, cette image « cool », se cachait un égo
susceptible d’être froissé par une simple paire de chaussures bon marché ou un pull de marque
anodine ? Dommage que certains de ses rivaux n’en aient rien su, ils auraient pu éviter
quelques ecchymoses, marques de libéralité des poings de William. Ils ignoraient que William
était un Samson des temps modernes: sa force lui venait de ses chaussures. Il suffisait de les lui
voler pour vaincre l’homme.
Bien entendu, le problème de William ne concernait pas vraiment ses chaussures, mais bien
sa réputation. C’était ce que les autres pensaient de ses chaussures et donc de lui. Appelez cela
comme vous le voulez: réputation, pression de groupe, conformisme, dépendance affective.
William était bel et bien p 10 contrôlé par le qu’en-dira-t-on, ce qui ne le différenciait pas
tellement de la plupart des gens.
J’ai moi-même pris conscience de ce problème au cours de ma dernière année au lycée.
J’avais toujours été plutôt timide et complexé, contrôlé par ce que mes camarades pensaient de
moi (ou auraient pu penser), mais je n’y avais jamais accordé beaucoup d’intérêt jusqu’au jour
de la remise des distinctions honorifiques. J’étais nominé pour une distinction et j’avais
terriblement peur de la recevoir !
Plus de deux mille lycéens étaient réunis dans l’auditorium. Du fond de la salle, où j’aimais
me tenir, j’avais l’impression qu’il y avait deux ou trois kilomètres jusqu’à l’estrade. La seule
chose que j’avais en tête était ce que mes camarades penseraient de moi tandis que je me
dirigerais vers l’avant de la salle. Aurais-je une démarche bizarre ? Manquerais-je de trébucher
en montant les marches ? Quelqu’un (je priais pour que ce ne soit pas une fille à mon goût)
allait-il me considérer comme un bon à rien ? Et que dire des autres nominés ou de ceux qui
pensaient mériter la distinction ? Comment me jugeraient-ils si je recevais cette distinction
honorifique ? Quel genre de discours pourrais-je prononcer en guise de remerciement ?
Dieu, je t’en prie, fais en sorte que je ne reçoive pas cette distinction ! Telle fut ma prière.
Après avoir remis d’autres distinctions moins importantes, le directeur adjoint est monté
sur l’estrade pour annoncer le gagnant. Au préalable, il a présenté un bref aperçu biographique
plutôt mystérieux. Sa description ne me ressemblait pas exactement, mais elle était assez
générale pour convenir à ma personne. J’ai commencé à transpirer, mais je n’ai pas bougé de
peur que l’on ne perçoive mon air intrigué. Finalement, l’annonce arriva: « Et le gagnant est…
Rick Wilson ! »
p 11 Rick Wilson ! Je n’en croyais pas mes oreilles ! Lui ! Personne n’était même au courant
qu’il était sur la liste des nominés !
Imaginez ma réaction. Soulagement ? Jamais de la vie. Je me sentais comme un moins que
rien. Qu’est-ce que les gens allaient penser de moi maintenant ? Ils savaient que j’étais sur la
liste des gagnants potentiels, et quelqu’un d’autre avait été choisi. Quel perdant je faisais !
Mon esprit n’a pas tardé à se mettre en mode « justification ». Il aurait suffi que je fasse un
peu d’effort pour gagner. J’en avais certainement la capacité, je n’avais tout simplement pas
envie de gagner. Il me faut un peu plus de temps que les autres pour décoller; une fois à
l’université, je leur montrerai bien de quoi je suis capable. J’avais honte de retourner en classe.
Pitoyable, n’est-ce pas ?
Plus tard, ce jour-là, je me suis remémoré l’événement. Quel beau gâchis ! Je me conduis
comme un enfant effrayé. Je me laisse tellement contrôler par ce que les autres pensent ou
pourraient penser de moi. Or, ce fut à peu près tout. J’ignorais vers où me tourner à partir de là.
Je ne possédais pas suffisamment de ressources bibliques pour remédier à ce que je venais de
découvrir à mon sujet. Pour autant que je sache, il n’y avait aucune issue à mon dilemme. Voilà
en quoi consistait ma vie. Le manque d’assurance personnelle, le fait d’être contrôlé par
l’opinion des autres, quel que soit le nom attribué à cette condition, on peut seulement la
gérer, on ne peut en guérir. Mes réussites futures pourraient éventuellement s’avérer utiles. Ou
(ce que je croyais plutôt intelligent) je pourrais sans doute enjoliver l’une des excuses qui
avaient traversé mon esprit plus tôt dans la journée: j’étais capable de bien travailler, mais
incapable de me dévouer totalement à une tâche particulière. Aussi, quand je ne réussissais pas
bien et que mon estime personnelle était au plus bas, je rationalisais en prétextant que j’aurais
pu faire mieux si j’avais travaillé plus dur. p 12 Ainsi, je pouvais me dire que j’étais acceptable,
pour peu que mon opinion vaille quelque chose.
Je n’avais certes pas de réponses, mais les événements de la journée m’avaient forcément
poussé à réfléchir. Du moins, ils m’avaient réveillé.
À l’université, j’ai bien essayé de combattre ce monstre avec quelques réussites partielles
dans les études et dans le sport. Je justifiais toujours mes échecs en me disant que « j’aurais pu
mieux faire si j’avais fourni plus d’efforts »; or cette chose était toujours présente. J’étais
chrétien, mais le combat n’était pas pour autant facilité. Je la ressentais toujours. Chaque rejet,
chaque échec perçu, chaque personne dont j’aurais aimé être remarqué et qui ne faisait aucun
cas de moi me rappelaient toujours le garçon que j’avais été au lycée, assis à l’arrière de
l’auditorium.
[CH2] p 25 CHAPITRE 2
« LES GENS VONT ME DÉCOUVRIR »
La crainte des hommes tend un piège, mais celui qui se confie en l’Éternel est protégé.
(Proverbes 29.25)
Si le fait d’avoir besoin ou peur des hommes est un problème aussi universel qu’il semble l’être,
nous aurions raison de nous attendre à ce que l’Écriture contienne une grande quantité de
riches descriptions et d’enseignements détaillés sur le sujet. Et c’est précisément le cas. Une
des questions dominantes de la Bible est: De qui aurez-vous peur ou besoin (qui aura le
contrôle sur vous) ? Craindrez-vous Dieu ou les hommes ? L’Écriture explique qu’il y a trois
raisons fondamentales qui nous font craindre les autres, et nous allons toutes les étudier tour à
tour.
1. Nous craignons les autres parce qu’ils peuvent nous exposer et nous humilier.
p 262. Nous craignons les autres parce qu’ils peuvent nous rejeter, nous ridiculiser ou
nous mépriser.
3. Nous craignons les autres parce qu’ils peuvent nous attaquer, nous opprimer ou nous
menacer.
Ces trois raisons ont une chose en commun: elles considèrent les autres comme « plus
grands » (c’est-à-dire plus puissant et important) que Dieu, et la peur, que cela suscite alors,
nous amène à octroyer aux autres le pouvoir et le droit de nous dire ce que nous ressentons,
pensons et faisons.
1re étape Reconnaître que la crainte des hommes est un thème important
autant dans la Bible que dans notre vie.
[CH2.1] La crainte issue de la honte
Une des raisons pour laquelle nous craignons les hommes est qu’ils peuvent nous exposer
ou nous humilier. Cette réalité fut évidente dès le départ. Immédiatement après qu’Adam et
Ève eurent péché, « les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent [et] ils connurent qu’ils étaient nus
» (Ge 3.7). C’est à partir de là que s’installe la crainte des autres: quand on commence à
connaître la honte. Quand on est exposé, vulnérable, et qu’on a désespérément besoin de
couverture ou de protection. Au regard du Dieu saint et d’autres personnes. Dieu voit notre
honte, et les autres deviennent une menace parce qu’ils peuvent la voir également. Les
opinions de ces derniers peuvent à présent dominer notre vie. Très rapidement, l’Écriture
devient une succession d’histoires d’individus qui cherchent désespérément à se cacher et à se
protéger des regards de Dieu et d’autrui.
Le philosophe a raison. C’est tous les jours Carnaval. Mettre son masque fait partie du rituel
matinal, tout comme se brosser les dents et prendre le petit-déjeuner. La mascarade, en
revanche, n’a rien de festif. Sous les masques se cachent des personnes terrifiées à l’idée que
l’on puisse assister à un dévoilement. Car un jour, les masques et les couvertures seront bel et
bien soulevés. Il y aura un dévoilement éternel. Cependant, ce n’est pas le regard des autres
que nous devrions craindre. Après tout, ils ne sont pas différents de nous. Kierkegaard nous fait
savoir qu’il existe un autre regard que nous devrions craindre: celui de Dieu. Si le regard des
hommes éveille de la crainte en nous, à combien plus forte raison le regard de Dieu devrait-il
l’éveiller ? Si nous avons le sentiment d’être exposés par d’autres personnes, combien serons-
nous anéantis devant Dieu ?
1
Tiré de « Either/Or » (L’un ou l’autre), dans A Kierkegaard Anthology, Éd. Robert Bretall, Princeton, N.
J., Princeton University Press, 1946, p. 99.
Le seul fait de songer à ces choses est saisissant. Nos cœurs tremblent à cette idée, et nous
faisons tout ce que nous pouvons pour l’éviter. Afin d’éviter le regard de Dieu, il nous arrive de
vivre comme si la crainte des autres était notre plus grand problème, comme si c’était eux qui
étaient grands, pas Dieu. p 38 Cela est faux, bien sûr. La crainte des hommes est souvent une
forme plus consciente de la crainte de Dieu. Nous sommes plus conscients de notre peur des
autres que de notre peur de Dieu. Il est vrai que la peur des hommes est un véritable
phénomène. Nous avons réellement peur des pensées, des opinions et des actions des autres.
Or, ainsi faisant, c’est notre peur de Dieu que nous cherchons à enfouir de notre mieux. Voici la
version biblique de la mascarade selon Kierkegaard.
Jésus se tourna vers elles, et dit: Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi; mais pleurez sur
vous et sur vos enfants. Car voici, des jours viendront où l’on dira: Heureuses les stériles,
heureuses les entrailles qui n’ont point enfanté, et les mamelles qui n’ont point allaité ! Alors ils
se mettront à dire aux montagnes: Tombez sur nous ! Et aux collines: Couvrez-nous ! (Luc 23.28–
30.)
Quand Christ reviendra, ceux qui seront nus préféreront être couverts par les pierres des
collines de Jérusalem que d’être exposés au regard saint de Dieu.
Dieu
Le péché qui réside dans le cœur humain (la crainte des hommes) exerce un pouvoir
redoutable. Les éloges qui viennent des autres (la douce brise momentanée) peuvent nous
paraître plus glorieux que les éloges qui viennent de Dieu. Jésus lui-même a dit aux dirigeants
juifs: « Comment pouvez-vous croire, vous p 47 qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui
ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jn 5.44.)
De nos jours, pour être cléments, nous disons plutôt que les pharisiens cherchent
simplement à plaire aux gens, qu’ils subissent la « pression des autres ». Étant donné que nous
sommes tous affectés à un moment ou à un autre, nous sommes presque compatissants devant
un tel comportement. Toutefois, il s’agit sans doute de la pire forme de crainte des hommes qui
soit. C’est ce qui pousse les adolescents à faire de mauvais choix. Les adultes aussi comptent
sur les autres pour savoir que faire. Nous attendons que les autres nous témoignent de
l’affection en premier. Nous perdons tellement de temps à nous demander ce que les autres
ont pu penser de notre tenue vestimentaire ou du commentaire que nous avons émis à la
réunion de groupe. Nous voyons des occasions de témoigner de l’amour de Christ, mais nous
les évitons. Nous avons plus peur d’avoir l’air stupide (la crainte des hommes) que nous avons
peur de pécher (la crainte de Dieu).
Jésus est très différent de ces pharisiens. Il ne fait pas de favoritisme; au contraire, il tend la
main aux femmes et aux hommes, aux riches et aux pauvres, aux personnes de toutes races et
de tous âges. Il ne fait pas de sondage avant d’enseigner pour connaître le sujet qui est à la
mode; il enseigne la vérité en demeurant souvent impopulaire, mais susceptible de pénétrer les
cœurs. « Je ne cherche pas la gloire qui vient des hommes », dit-il. Même ses adversaires
savent que cela est vrai.
Ils envoyèrent auprès de lui leurs disciples avec les hérodiens, qui dirent: Maître, nous savons que
tu es vrai, et que tu enseignes la voie de Dieu selon la vérité, sans t’inquiéter de personne, car tu
ne regardes pas à l’apparence des hommes (Mt 22.16).
p 48 Ces remarques sont, bien entendu, de la flatterie destinée à piéger Jésus, mais elles
sont tout de même exactes. Jésus enseigne avec autorité, et c’est l’une des caractéristiques qui
distinguent son ministère de ceux de tous les autres dirigeants juifs.
C’est également une particularité du ministère de Paul. Il exhorte ses Églises à être ses
imitateurs comme il est lui-même un imitateur de Christ (1 Co 4.16; 1 Th 1.6). En cela, il
encourage ses disciples à imiter sa vie et sa doctrine, une imitation qui exige certainement la
recherche de la gloire qui vient de Dieu, non pas celle qui vient des hommes (1 Th 2.4). Paul ne
cherche pas à plaire aux hommes. Il aime les hommes, c’est pourquoi il ne changera pas son
message pour l’adapter à ce que peuvent penser les autres. Seules les personnes qui aiment les
autres n’ont pas peur de la confrontation. Seules les personnes qui aiment les autres ne se
laissent pas contrôler par eux. Paul a même dit aux Galates que s’il cherchait encore à plaire
aux hommes, il ne serait pas un serviteur de Dieu (Ga 1.10). Voilà à quel point il prend au
sérieux la crainte des hommes.
Ce n’est pas que cela lui vienne naturellement. Paul a les mêmes instincts charnels que
nous, et il le sait. En conséquence, il supplie les Églises de prier pour lui.
Priez pour moi, afin qu’il me soit donné, quand j’ouvre la bouche, de faire connaître hardiment et
librement le mystère de l’Évangile *…+ et que j’en parle avec assurance comme je dois en parler
(Ép 6.19,20).