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Blanchard-Lemée Michèle. Le Musée de Djemila (Algérie) ; historique et problèmes actuels. In: Bulletin de la Société Nationale
des Antiquaires de France, 1994, 1996. pp. 87-103;
doi : https://doi.org/10.3406/bsnaf.1996.9905
https://www.persee.fr/doc/bsnaf_0081-1181_1996_num_1994_1_9905
Séance du 9 mars
* * #
A côté des guides que nous avons cités, on trouve pour l'étude
du musée un complément d'information, parfois difficile à exploi-
1. Djemila,
2. Ruines deParis,
Djemila1938,
(Antique
p. 62-78.
Cuicul), Alger, 1921 ; 2e édition, 1926, p. 108-123.
3. Djemila, antique Cuicul, Alger, 1949.
4. Djemila, Alger, 1971 et 1978, p. 87-107. Sur l'organisation et la conception des
musées locaux à la fin du XIXe siècle, cf. id., Approches du Maghreb romain, Aix-en-
Provence, 1989, I, p. 55-56.
88 9 MARS
ter, dans les rapports d'Albert Ballu, publiés jusqu'en 1926 dans le
Journal officiel et dans le Bulletin archéologique du Comité des travaux histo¬
riques. En 1915, il cite le nom de l'inspecteur affecté au site depuis
le début des fouilles en 1910, de Crésolles, ancien administrateur de
commune mixte, et en 1916 celui du conservateur du musée, de Sail-
lan; le premier meurt en 1917, le second en 1920 5 . Madame de
Crésolles, fille de Saillan, assure seule la direction des fouilles et du
musée de 1920 à 1941, date de sa mort. Or, à cette date, le musée
est déjà pratiquement complet : ne s'y ajouteront que quelques vi¬
trines et des réserves. Yvonne Allais, qui arrive en 1942 à Djemila —
site sur lequel elle travaille et publie depuis 1930, tout en étant pro¬
fesseur agrégé au lycée d'Alger — , ne pourra faire beaucoup plus
que de transmettre une riche tradition, en partie orale, venant de
Madame de Crésolles, à Paul-Albert Février, puis à moi-même, à
partir de 1964. C'est donc un monument muséographique du début
de ce siècle, retouché et agrandi en 1930, qui se dresse devant le pano¬
rama des montagnes et du site.
Musée de site constitué à partir des découvertes archéologiques,
le musée de Djemila est avant tout un musée de la mosaïque romaine
et paléochrétienne. Son concepteur, Albert Ballu, exprimait ainsi ses
intentions dès 1926 : « Les mosaïques constituent la partie la plus
importante du Musée; c'est pour les loger, et d'après leurs dimen¬
sions, que les salles ont été édifiées. Elles en tapissent les murs sans
qu'aucune place soit perdue et c'est le seul moyen qui existe de les
sauver. . . » 6. Il existe certes un important musée lapidaire en plein
air et à l'intérieur, ainsi que dans quelques vitrines réparties dans
les salles, des restes de sculptures et de stucs, des bronzes, de la vai-
selle et des de
l'ensemble objets
la documentation.
quotidiens, mais la mosaïque prédomine dans
plaquée contre le mur, puis remis en place avant 1926 12 , ainsi que
les têtes des grandes statues de Septime-Sévère et Julia Domna, trou¬
vées dans le temple de la Gens Septimia (fig. 1 et 2).
Mais cet ingénieux montage ne pouvait subsister longtemps. Dès
1916, la mosaïque de Yoecus de la Maison d'Amphitrite était préle¬
vée. Il fallait lui trouver une place, quitte à la réduire quelque peu :
elle remplaça les fragments lapidaires du mur oriental de la première
salle, à droite de la porte d'entrée et servit de fond à la monumen¬
tale tête de Septime-Sévère, placée sur un grand socle. Les deux
œuvres se mettent réciproquement en valeur, en un contraste saisis-
12. A. Ballu, Ruines de Djemila, antique Cuicul, 2e éd., op. cit., p. 107.
M. BLANCHARD-LEMÉE. — LE MUSÉE DE DJEMILA (ALGÉRIE) 91
sant. Puis l'angle formé par les deux salles fut tapissé d'un très beau
pavement géométrique et floral, provenant de la pseudo-palestre des
Grands thermes, fouillés de 1917 à 1919 13 , tandis que les sculp¬
tures et les stèles formaient un musée lapidaire en avant de ce tapis
à grands motifs (fig. 3).
C'est seulement à partir de 1925 que l'on pensa à utiliser le sol
des deux salles pour déposer des mosaïques au musée. Madame de
Crésolles fit paver la seconde salle, en 1925, d'une grande mosaïque
prélevée dans les Grands thermes et, en 1927, la première salle, de
deux mosaïques géométriques provenant d'édifices thermaux. Les
deux salles étant alors combles, il fallut de nouveau, en 1928, dépo¬
ser des mosaïques sur les murs extérieurs. Sur celui qui allait deve¬
nir un mur intérieur, celui de l'entrée de la troisième salle, arri-
15. P. 124.
16. Rapport sur les travaux de fouilles et consolidations effectués en 1930-1931-1932 par le
Service des Monuments historiques de l'Algérie, Alger, 1935, p. 245-246.
94 9 MARS
Maison is.ii
M.briques Lür«!
Europe
"Palestre" Thermes du Capitole Basilique nord
[Amphitrite-Neptune ]
Carrée et
lozanges
salle à 7
absides +
Hylas
I 7e Abside axiale
Figurée
;
Géomélri. Géométri.
Oecus Maison Amphitr
dans
fonds
17. Mon.
Pflaum.
Conservée
Piot,Cf.XXXV,
dans
L. Leschi,
le legs
1936,Mosaïque
d'Y.
p. 139-172.
Allais
à scènes
aux archives
dionysiaques
de de
l'Année
Djemila-Cuicul
épigraphique
(Algérie),
—
18. L'une d'elles a été publiée par P. -A. Février dans B. S. N. A. F., 1965, repr.
p. 80. Cette méthode a pour inconvénient de provoquer un léger agrandissement du
pavement par rapport aux dimensions d'origine.
M. BLANCHARD-LEMÉE. — LE MUSÉE DE DJEMILA (ALGÉRIE) 95
1930
19. à Renseignements
1940. extraits des Rapports de Madame de Crésolles pour les années
96 9 MARS
cords entre les motifs découpés sont comblés par des boulettes
d'argile, qui tombent peu à peu. Celui de l'abside axiale, sur le mur
est, au-dessus de la porte, montre toujours les saignées du décou¬
page à la repose. Attardons-nous sur ce mur inachevé, qui offre un
« patchwork » invraisemblable de très beaux décors (comme celui du
centre du grand péristyle) et de tapis géométriques sans grand inté¬
rêt et à l'emplacement d'origine inconnu — car Madame de Cré-
solles ne les a pas mentionnés. A droite ont été placés les débris d'une
belle mosaïque figurée, ou se remarque l'élégante figure d'un jeune
homme diadémé (fig. 5), mosaïque qui, par malchance, a fait les frais
de la seule maladresse commise par le restaurateur. Expérimentant
une nouvelle colle, il a échoué dans la repose. Dans son Rapport à
la Direction des Monuments historiques pour 1933, Madame de Cré-
solles affirme même que « la mosaïque (...) a été impossible à poser,
les pierres tombant à mesure ». Les dégâts sont en fait limités à une
zone de bordure, où ne subsiste plus que l'empreinte des tesselles.
Le mosaïste Tossut venu d'Alger, a dû séjourner à Djemila pour for¬
mer
LaSaid
salle àneuve
l'utilisation
du musée
de est
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comble dès
produit20.
1934 et toutes les décou¬
* * *
site20.
musée
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S.L'auteur
Germain,
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J.
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P. Salama
deàd'éclairage
Alger,
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faubourg
Paris,
semblable
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Timgad,
1965,
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voulu
du
et
21. Sur cette mosaïque, voir M. Blanchard-Lemée, Maisons à mosaïques, op. cit.,
p. 173, pl. XLIII.
M. BLANCHARD-LEMÉE. — LE MUSÉE DE DJEMILA (ALGÉRIE) 97
C'est vers 1985 que le processus s'est accéléré et a pris une ampleur
alarmante : en 1986, une restauratrice anglaise entoilait la partie infé¬
rieure du pavement de la Basilique nord, posée au revers de la façade
d'entrée de la première salle (derrière la vitrine) et reposait sur un
support synthétique une partie de la bordure d'un grand pavement
géométrique
sième salle. de la salle à sept absides, au bas du mur sud de la troi¬
M.25.
l'Agence
24.A. Ciment
Rapport
Bendaoud,
nationale
moderne
sur la
d'archéologie
M.mission
A.
de Bensalah
consolidation
effectuée
de l'Algérie.
età Mlle
Djemila
poséS.par
Ferdi
par
M. Mme
(mai M.
Kasdi,
1993)
restaurateur.
Blanchard-Lemée,
à l'attention de
M. BLANCHARD-LEMÉE. — LE MUSÉE DE DJEMILA (ALGÉRIE) 99
dès l'automne suivant, avec des produits plus modernes — ou, faute
de mieux, avec de la chaux à injecter en mortier derrière les mo¬
saïques, tout en les pressant contre le mur. Peu après mon retour,
I'UneSCO, à la demande du gouvernement algérien, a acheté les
outils, les colles et résines synthétiques nécessaires à la restauration
de quelques mètres carrés de mosaïques, suivant la liste établie par
le restaurateur et revue par moi en fonction des coûts.
Etant donné l'impossibilité financière d'acquérir du support métal¬
lique stratifié, l'urgence qui s'impose est le drainage extérieur des
murs du musée, qui sauvegarderait aussi les mosaïques encore in¬
tactes. L'hiver est très humide à Djemila : le vent du nord-ouest
pousse, franchissant les chaînes côtières des Babor, les nuages de
neige. Les décollements apparaissent toujours en mars, aux premiers
soleils printaniers, qui ravivent l'effet de serre dû aux lanterneaux
et aux lentilles de verre des plafonds.
Alors, pourquoi ces dégâts apparaissent-ils seulement depuis une
dizaine d'années, et pourquoi sur les faces tournées vers la ville, et
non vers le site et les intempéries ? Je vous propose une tentative
d'explication. Jusque vers 1952 26, le musée et l'hôtel étaient en
pleine nature. Dans les années 60, s'est constitué un village, accru
dans les années 70 d'édifices publics et administratifs. Mais depuis
les années 80, l'exode rural et l'explosion démographique ont donné
naissance à une agglomération — ou un agglomérat de lotisse¬
ments — qui compte actuellement entre 3 000 et 5 000 habitants et
a été élevée au rang de daira (sous-préfecture). Elle s'étend le long
de la route sur les croupes qui dominent le site et le musée. Les eaux
qui ruisselaient librement sur les pentes ravinées, jusqu'au lit des
oueds, en amont du site, sont peut-être détournées par les nouvelles
constructions
le musée. ; il se pourrait qu'elles stagnent sous le replat où s'élève
* * ♦
du 26.
Y. quartier
Allais.
Cetteest
date
sont
est achevées,
donnée parmais
unecelles
photographie
du quartier
aérienne
ouest non
(anonyme)
encore entamées
où les fouilles
par
menées,
27. Ces
dans
dernières
le cadrelignes
de la résument
préparation
quelques
d'un ouvrage
unes des
surrecherches
la « Maison
récentes
de Bacchus
que j'ai
»,
avec unesera
inédite, étudepubliée
archéologique
à cette occasion.
du regretté P. -A. Février. La mosaïque figurée, encore
M. BLANCHARD-LEMÉE. — LE MUSÉE DE DJEMILA (ALGÉRIE) 101
son
III"28.
de
Colloquio
Bacchus
Cf. M.intemazionale
àBlanchard-
Djemila, dans
sul
Lemée,
mosaico
B. A.Nouvelles
antico,
C., 17B,
Ravenne,
recherches
p. 131-143,
1980
sur les(1984),
mosaïques
plan fig.
p. 277-286
de
1. Djemila,
; La Mai¬
dans
102 9 MARS
* * ♦
29. Cf. J. Lassus, La salle à sept absides de Djemila-Cuicul, dans Antiquités africaines,
V, 1971, p. 193-207 ; A. Beschaouch, Conférence au Collège de France, 21 mars 1990.
M. BLANCHARD-LEMÉE. — LE MUSÉE DE DJEMILA (ALGÉRIE) 103
deM.
Mme
figuré
quelques
des
façonnés
plus
les
site
queEnrégions
mosaïques,
de
la
encore,
possible.
BLANCHARD-LEMÉE
fonction
André
mises
Djemila
mosaïque
dans
exceptions
montagneuses,
comme
MaNDOUZE,
au
des
M.
etjour
matériaux
la
inquiétudes
François
le
de
près,
nécessité
jusqu'à
bronze
l'enlèvement
président,
du
répond
aux
BRAEMER,
au
et
Ve
de
présent
de
variations
les
moins
siècle.
leMme
matières
que
faire
revient
dans
aussi
la
BLANCHARD
d'Europe
m.
partager
climatiques
plupart
organiques,
h.,
pour
cette
fragiles,
s'intéresse
conclure
ville
àdes
trouvée
un
pour
comme
intenses.
mosaïques
semblent
en
public
particulier
la
aux
surla
conservation
à l'intérêt
documents
aussi
pierre,
Djemila,
dater,
à décor
large
dans
ouà
du