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Abdelmadjid Attar. Ancien PDG de Sonatrach

le 15.12.10 | 03h00

| © Souhil B.

L’Algérie dispose d’un potentiel solaire énorme. Il y a donc matière à débat qui ne concerne pas
seulement le secteur de l’énergie, mais beaucoup d’autres secteurs, pour jeter les bases d’une nouvelle
stratégie.

-L’Algérie entend intensifier l’effort d’exploration pour accroître ses réserves en hydrocarbures, selon le ministre de
l’Energie et des Mines. Quelle lecture faites-vous et comment cela va-t-il se matérialiser ?

Ces déclarations signifient pour moi que le ministre s’est trouvé devant un constat inquiétant concernant l’insuffisance des
efforts de recherches ou, si vous voulez, l’insuffisance des résultats positifs à même d’assurer un renouvellement d’au moins ce
que nous produisons.A ma connaissance, le renouvellement des réserves en pétrole liquide a été satisfaisant jusqu’à ce jour,
mais pas en ce qui concerne le gaz naturel. Il y a aussi les derniers chiffres publiés par la Commission de régulation de
l’électricité et du gaz (CREG) sur les besoins futurs du marché intérieur qui ne sont pas très rassurants. Dans une situation
pareille, il est clair qu’il faut intensifier l’effort de recherche, mais il reste à savoir comment. Par les moyens propres à
Sonatrach ? En partenariat ? En Algérie seulement et pourquoi pas à l’étranger aussi, comme toutes les compagnies pétrolières ?
Il y a toute une stratégie à bâtir sur ces bases, à moins que cela ne soit déjà fait.

-D’après vous, Sonatrach dispose-t-elle de moyens matériels et humains afin de mener à bien cette nouvelle stratégie du
ministère ?

Vous savez, Sonatrach existe depuis 1963, elle a fait face à de nombreux défis sans jamais faillir. Son organisation a beaucoup
évolué et elle a même été un véritable réservoir de cadres compétents pour tous les autres secteurs économiques et industriels
algériens. Il y a eu hélas aussi une hémorragie vers d’autres pays et d’autres compagnies pétrolières. La raison en est très simple
: un environnement qui est loin de celui dans lequel évoluent les compagnies étrangères en matière de stimulation,
d’autonomie et de célérité dans la prise de décision.

Les injonctions et les pressions en matière de fonctionnement ou de définition des missions finissent toujours par décourager les
meilleurs. Toute nouvelle stratégie, qu’elle soit celle décidée ou à décider par l’Etat (le propriétaire), le ministère (le régulateur),
ou Sonatrach (l’opérateur), doit s’appuyer d’abord sur les moyens humains de Sonatrach qui sont bons et nécessitent juste une
stimulation et une mise à niveau sur les technologies et concepts nouveaux en matière d’exploration et d’exploitation des
hydrocarbures. Quant aux moyens matériels (services pétroliers), ce n’est pas ça qui manque et même quand les sociétés
algériennes (toutes les filiales de Sonatrach) ne les ont pas, les étrangères installées en Algérie les ont. L’essentiel est certes
d’investir pour les acquérir directement, mais aussi d’en assurer un réel transfert dans le cadre des différents partenariats.

-Peut-on interpréter les déclarations du ministre comme étant un signal destiné à rassurer les partenaires de l’Algérie quant
aux engagements d’approvisionnement à moyen et à long termes ? Ou bien s’agit-il d’une nouvelle orientation de la
stratégie énergétique du pays ?

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Je pense effectivement que le ministre voulait rassurer les partenaires de l’Algérie en réponse à certaines analyses publiées
récemment dans les revues spécialisées mettant en doute la capacité de l’Algérie en matière de production et d’exportation de
gaz naturel surtout. Mais au-delà de sa réponse, il est clair qu’une nouvelle stratégie énergétique est plus que jamais nécessaire
en tenant compte d’abord des besoins énergétiques futurs du pays, de la position géostratégique de l’Algérie vis-à-vis de son
principal client, l’Europe, et de la fiabilité de ses infrastructures d’exportation (gazoducs et GNL) et enfin d’un nouveau mode de
partenariat aussi bien en amont qu’en aval qui tienne compte des grandes mutations énergétiques à l’échelle mondiale.

-Le débat autour des réserves énergétiques dont dispose l’Algérie devrait-il être relancé ? L’intensification de l’exploration
risque-t-elle d’aboutir à de mauvaises nouvelles à propos des réserves algériennes en hydrocarbures ?

Tout le problème est là. Parce qu’à mon avis, il n’y a pas assez ou pas de débat du tout non pas sur l’état des réserves
énergétiques dont la composante et l’évaluation sont une affaire d’experts, leur appréciation pouvant évoluer en fonction des
découvertes d’hydrocarbures et le mode d’exploitation ou de récupération, mais surtout sur le modèle de transition et de
consommation énergétique de demain aussi bien en Algérie qu’à l’échelle mondiale. On parle aujourd’hui de plus en plus
d’énergies renouvelables qui devraient être considérées tôt ou tard comme une réserve énergétique à part entière. Et l’Algérie
dispose d’un potentiel solaire énorme. Il y a donc matière à débat qui ne concerne pas seulement le secteur de l’énergie, mais
beaucoup d’autres secteurs, pour jeter les bases d’une nouvelle stratégie à soumettre aux plus hautes autorités du pays,
notamment au Conseil national de l’énergie.

Quant à l’intensification de l’exploration, il est vrai que c’est une activité à risque, mais elle est nécessaire et urgente. D’une part
pour découvrir tout ce qui pourrait l’être encore, d’autre part pour faire avancer l’état des connaissances du domaine minier
algérien dont le potentiel en matière d’hydrocarbures non conventionnels est pratiquement inconnu à l’heure où je vous parle.

-Selon vous, quels sont les défis futurs auxquels sera confrontée Sonatrach ?

Les défis sont multiples mais ils ne sont pas tous du ressort de Sonatrach seule. Le propriétaire, l’Etat, a un grand rôle à jouer et
des décisions urgentes (régulation) à prendre. Selon la loi sur les hydrocarbures de 2005 amendée en 2006, Sonatrach est certes
une société nationale dont l’unique propriétaire est l’Etat ; sa mission peut être résumée comme ceci : «chercher, découvrir,
exploiter et commercialiser les hydrocarbures dans des conditions économiques rentables», c’est-à-dire comme n’importe quelle
autre compagnie pétrolière. Elle n’assure plus normalement les missions relatives à la gestion du domaine minier et des
ressources énergétiques, l’état des connaissances, les politiques de partenariat ou même toute stratégie destinée à développer ces
actions qui sont du ressort des agences nationales (Alnaft, ARH, etc.).

J’ai l’impression, personnellement, qu’il n’y a pas eu beaucoup de changement dans ce sens depuis 2006 et qu’il va falloir
trancher en urgence pour que chaque institution se consacre concrètement à toutes ses missions sur le terrain. Maintenant, pour
revenir aux défis propres à Sonatrach, le plus important est d’abord humain, à savoir redonner confiance aux cadres du secteur
qui ont subi un véritable électrochoc suite aux derniers scandales révélés récemment, et libérer à nouveau l’esprit d’initiativ e et
d’innovation, surtout en matière de recherche et d’exploitation. J’ai sincèrement l’impression qu’aujourd’hui, beaucoup de
cadres se disent : «Il vaut mieux ne pas trop faire et attendre les instructions que faire ou prendre des risques et avoir des
problèmes.»

C’est une réalité qu’il faut voir en face. Je sais qu’un nouveau code d’éthique vient d’être lancé au sein de l’Entreprise, je n’en
connais pas le contenu et j’espère qu’il comporte des mesures et surtout des actions pour mettre fin à cet état d’esprit. Dans le
secteur pétrolier, un manager, un cadre qui ne prend pas d’initiative, qui ne prend pas ou hésite à prendre du risque est
antiproductif. Il va de soi aussi que la situation est encore plus grave quand c’est l’environnement ou les procédures qui
l’empêchent de le faire.

-D’autres défis…

Le deuxième défi est d’ordre technologique et partenarial dans la mesure où Sonatrach doit beaucoup investir dans la mise à
niveau ou l’introduction de nouveaux concepts et techniques de recherche et d’exploitation des gisements, dont la plupart
seront marginaux ou vieillissent, mais recèlent des potentiels additionnels non négligeables. Ils nécessitent par conséquent de
plus en plus d’investissements et de savoir-faire de haut niveau.

De nos jours, l’objectif primordial est certes de découvrir et produire le plus et rapidement, mais aussi de réduire les coûts sur
toute la chaîne pour faire en sorte que le seuil de rentabilité soit atteint le plus tôt possible. Le secret de cela n’est autre que le
progrès technologique. Par ailleurs, il faut tirer profit des partenariats existants en matière de transfert des nouvelles
technologies et du savoir-faire dans les domaines que je viens de citer.

Cela ne veut pas dire que cela ne se faisait pas auparavant, mais les progrès évoluent tellement vite au cours de la décennie
actuelle et à venir en fonction des difficultés techniques et de la complexité des objectifs qu’il va falloir s’adapter au même
rythme ou risquer de disparaître de la scène des acteurs énergétiques. Le partenariat en amont avec les compagnies pétrolières a
donné d’excellents résultats au cours des années 1990, mais il faut reconnaître par contre que la plupart des sociétés de services
pétroliers ne se sont investies qu’à la hauteur ou à la durée de leur marché, alors qu’il était attendu de leur part une véritable
implantation permettant un réel transfert de savoir-faire et de technologie sur un marché qui a encore de belles années devant
lui. Je dirai enfin que Sonatrach devra consolider puis élargir ses activités à l’étranger au même titre que n’importe quelle
compagnie pétrolière, y compris en envisageant des alliances stratégiques avec des partenaires complémentaires. Cela ne fera
que renforcer les capacités de Sonatrach.

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-Comment voyez-vous le futur comportement de Sonatrach face aux nouvelles donnes qui se sont manifestées sur le
marché gazier et pétrolier : développement du gaz non conventionnel, dépérissement de certains marchés et chute brutale
des prix ?

Je pense que je viens de répondre en partie à cette question, sauf qu’il faut préciser que le comportement de Sonatrach, en tant
que société nationale, dépendra de la stratégie énergétique qui doit être arrêtée par l’Etat. Les nouvelles donnes sur le marché
gazier et pétrolier et la chute brutale des prix sont à mon avis conjoncturelles du fait des incidences de la crise économique
mondiale surtout. Le gaz naturel a encore de beaux jours devant lui si on considère l’avantage géostratégique de l’Algérie que
j’ai cité auparavant, l’évolution sur les vingt prochaines années de l’offre et de la demande d’une part, et la transition
énergétique pétrole-gaz à moyen et long termes, puis gaz-énergies renouvelables à long terme.

Pour ce qui est du gaz non conventionnel, s’il en existe en Algérie, il appartiendra à Alnaft de mettre en place les incitatifs
nécessaires sur le plan législatif et fiscal, comme cela se fait actuellement en Amérique et en Europe, pour permettre aussi bien à
Sonatrach qu’à ses partenaires de s’y intéresser. Le besoin et le marché existent et feront appel un jour ou l’autre à toute
ressource énergétique, mais il faudra que ce soit rentable.

-L’Algérie devrait-elle, d’après vous, s’investir dans les marchés spot ?

Pour ce qui est du pétrole liquide, Sonatrach est déjà présente sur ce marché à travers sa filiale offshore SPC. Elle l’est aussi pour
le GNL de façon épisodique, mais il serait risqué, à mon avis, de le privilégier par rapport aux contrats à moyen et long termes
du fait d’une mauvaise visibilité actuelle des tendances et des échanges à travers le monde. Le gaz naturel, surtout sous la forme
de GNL, est soumis à une forte compétition internationale du fait de la réduction de la demande par rapport à l’offre, mais il est
certain qu’il va assurer l’essentiel de la transition énergétique hydrocarbures-renouvelable sur les trois prochaines décennies.
Alors autant opter pour des engagements à moyen terme et suivre de près l’évolution du marché.

Ali Titouche

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