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Fondations superficielles. Magnan et Droniuc (ed.

) 2003, Presses de l’ENPC/LCPC, Paris

IMPACT DU SOL SUR LES FONDATIONS SUPERFICIELLES

IMPACT OF THE GROUND ON THE SHALLOW FOUNDATIONS

Hocine BENDADOUCHE1, Sefaihi LOTFI2


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Département de Génie Civil, Université de Bejaia, Algérie
2
Laboratoire National de l’Habitat et de la Construction, Bejaia, Algérie

RÉSUMÉ : Les fondations superficielles fondées sur des sols schisteux sont souvent le siége
de désordres dus à l’infiltration des eaux. Le substratum initialement compact s’érode et perd
ses caractéristiques mécaniques. Les schistes se dégradent facilement au contact de l’eau.
Nous avons recensé des pathologies intéressantes dans les régions montagneuses de la
Kabylie, où le sol est généralement formé d’une couche de couverture (éboulis de pente)
reposant sur un substratum schisteux. Enfin, nous présentons quelques pathologies locales et
proposons des remèdes pour le confortement des semelles superficielles.

ABSTRACT: Shallow foundations built on shales are often subject to disorders, which are due
to water infiltration. The initially compact bearing layer is eroded and loses its mechanical
characteristics. Shales are easily degraded when they are in contact with water. Interesting
pathologies from the mountainous areas of Kabylie, where a layer of slope eboulis generally
covers a shale substratum, are listed. Some local pathologies are then presented, with solutions
for slope stabilisation.

1. Introduction

Les désordres liés aux fondations représentent environ 80% des désordres constatés dans la
construction. Ils ont pour origine :
- la profondeur insuffisante des fondations,
- la présence de sols compressibles,
- l’inondation du site,
- des erreurs dans le dimensionnement,
- l’exécution de fondations hétérogènes,
- le comportement du remblai dans le cas de fondations sur remblai.
La cause de désordres la plus répandue est la venue d’eau sous les fondations.
La communication décrit deux pathologies observées dans les régions montagneuses de la
Kabylie, puis passe en revue quelques causes fréquentes de pathologies locales et les
remèdes qui peuvent leur être apportés.

2. Pathologie du village de Henied (Adekar, Algérie)

2.1 Cadre géographique

Le village de Heneid est situé à environ 6 Km de la commune d’Adekar. Ses coordonnées


Lambert sont une longitude 2°50’E et une latitude d e 40°80’N.

2.2 Géologie régionale et locale de la région d’Adekar

La région d’Adekar est nettement visible au Nord de la carte au 50.000ème de Sidi Aich. Elle se
situe au sein des hauts massifs calcaires de Chellata, qui constituent le prolongement oriental
du Djurdjura dans la Kabylie des Babors.

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La lithologie des terrains est de type argilo-gréseux. À la base, les argiles sont de couleur
verte et rouge, avec des intercalations de petits bancs de quartzites et de marnes schisteuses
noires. Les grès sont de couleur jaunâtre, ferrugineux, souvent grossiers avec des bancs
d’épaisseur métrique (le long de la RN12, une couche peut avoir une épaisseur de 2m).

2.3 Description morphologique du terrain

La région de Henied se caractérise, de par sa nature montagneuse, par un relief très accentué
avec de grands escarpements. Les pentes les plus fortes varient entre 20 à 40%. L’eau est un
facteur essentiel de la détérioration des paramètres physico-mécaniques des sols et de
l’apparition de déformations sur le terrain. Lors d’une visite effectuée en février 2003, nous
avons remarqué une importante résurgence de plusieurs sources d’eau. Les schistes altérés
qui constituent la couverture des pentes sont le siège de mouvements de fluage, qui se
traduisent par la formation de bourrelets en pied.

Neige+ pluie

Infiltration d'eau
Morphologie: Forte pente

Terre Ruissellement (Source d'eau)


végétale
et
schistes
altérés Hétérogénéité du sol

Substratum argilo-gréseux (Oligocène)

Figure 1 Coupe géotechnique du versant instable (fluage) du village de Heneid.

2.4 Désordres dans un dallage

Sous l’action du bourrelet, le sol d’une des maisons du village s’est soulevé d’environ 30 cm
(Figure 2). Ce soulèvement peut s’expliquer par la présence d’une butée constituée d’une
masse rocheuse affleurante, d’ailleurs bien visible sur le bas-côté de la maison. On a observé
par ailleurs d’importants désordres dans le dallage, qui peuvent avoir plusieurs origines :
- sous-dimensionnement du dallage,
- mauvaise qualité de la couche de fondation (matériaux gonflants)
- fuites de canalisations sous le dallage.
La solution consiste en général à améliorer le terrain dans son ensemble en mettant en œuvre
des matériaux de meilleure qualité. Le compactage doit atteindre une compacité voisine de
l’optimum Proctor Modifié (≥97% OPM).

3. Le glissement d’Aach El Baz

En novembre 2000, au lieu dit Ach El Baz, près de Boulimat (à environ 17 Km à l’Ouest de la
ville de Bejaia, le long de la RN°24, on a décidé d ’effectuer des terrassements en grande
masse pour construire deux villas en bordure de mer. Le terrain naturel a une pente assez
prononcée en direction de la mer, avec un sol en place constitué d’éboulis de pente et de
schistes très sensibles à l’eau. Les pluies diluviennes de décembre 2000 ont déclenché un
glissement important, qui menace maintenant la route nationale (RN°24).

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Figure 2 Soulèvement du dallage d’une maison du village de Heneid

Figure 3 Mouvement de terrain dû au fluage

Figure 4 Désordres au niveau de la longrine de la maison du village de Heneid.


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Une maison se trouvant dans la zone de glissement a carrément basculé. En amont, les
désordres correspondent à un glissement rotationnel, avec un décrochement en tête de 4 m
environ et des fissures ouvertes sur plusieurs dizaines de centimètres. Des bourrelets sont
visibles au pied du talus.

Figure 5 Vue de la maison basculée. Cisaillement du poteau avant

Du point de vue géologique, cette région fortement accidentée et à l’histoire géologique


complexe est située au Nord de la jointure Gouraya-Arbalou (Bougie) et est découpée
profondément par de nombreux oueds sans orientation préférentielle, tel que l’oued Saket.
À Aach El Bez, le substratum est couvert de terrains meubles d’âge quaternaire, formés
d’éboulis de pente avec de gros blocs déposés le long des pentes. Ces dernières sont instables
suite à la circulation d’eaux d’origine diverse.
Les éboulis de pentes sont des roches de nature généralement limoneuse à argileuse avec
des débris de schistes et parfois des sables fins d’origine marine. Une telle lithologie offre des
déséquilibres à l’échelle de l’affleurement, soit directement en présence d’eau, soit par la
remontée des eaux phréatiques de la nappe.
L’analyse des éboulis en place révèle un sol très sensible à l’eau. Cette caractéristique
correspond à des sols évolutifs (marnes, schistes). Différents facteurs se sont conjugués pour
déclencher ce glissement, parmi lesquels on peut citer :
- la suppression de la butée,
- la suppression de la couverture végétale,
- les surcharges dues à la RN° 24 (trafic routier),
- l’abondance d’eaux pluviales.

4. Autres causes de pathologies

4.1 Problèmes de sols gonflants

La présence de sols gonflants pose d’énormes problèmes aux concepteurs de projets. On


citera deux cas pathologiques l’un à l’Est et l’autre au Sud :
- l’hôpital de Sidi-Aissa dans la wilaya de M’sila,
- la raffinerie de pétrole de Ain-Amenas, Algérie (pression de gonflement de 1 MPa)

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Le gonflement caractérise l’augmentation de volume par rapport à l’état initial. Ce phénomène
se développe dans les régions arides ou semi-arides comme l’Algérie, quand l’argile est
desséchée. Les périodes de sécheresse alternent avec des périodes pluvieuses, générant des
tassements et des gonflements. La teneur en eau du sol varie alors dans des proportions
considérables. Les dégâts par soulèvement différentiel sont souvent catastrophiques.
Pour reconnaître et identifier un sol expansif, il faut généralement effectuer une étude
géologique, une étude minéralogique et une étude géotechnique.
L’analyse des désordres causés par les sols gonflants montre qu’il est recommandable de
faire une étude sérieuse car les dégâts occasionnés sont sans aucune mesure avec le prix de
l’étude géotechnique.
Si l’on doit construire sur des sols gonflants, il est recommandé d’appliquer la série de
mesures préventives suivantes :
- maintenir le taux d’humidité naturel du sol,
- rechercher un niveau de fondation insensible aux variations de température et d’humidité,
- raidir l’ouvrage,
- éviter les dallages sur terre-plein,
- éloigner les arbres et les arbustes,
- adopter une liaison souple à l’arrivée et au départ des canalisations.

4.2 La dissolution du gypse

Des désordres sont survenus dans un ensemble de logements à simple rez de chaussée, dont
les murs porteurs sont en briques silico-calcaire. Ces logements sont situés dans une légère
dépression. L'examen du rapport géotechnique montre que les désordres sont dus à la
présence de gypse. La présence d'eau dans ce type de sol entraîne un changement de
caractéristiques mécaniques du sol et favorise les phénomènes suivants le tassement (par
dessèchement), le gonflement (par hydratation) et la dissolution du gypse
Le gypse (CASO4,,2H20) est présent dans différentes régions d'Algérie. Cette roche
soluble et tendre, de densité 2,3, se dissout dans l'eau à raison de 2,14 g/l à 38°C et 1,9 g/l à
99°C. Cette dissolution provoque à la longue la for mation de vides, qui engendrent des
effondrements. Le degré de dissolution dépend de la vitesse des eaux d'infiltration. C'est
l'ensemble des complications entraînées par l'action de l'eau qui constitue l'handicap le plus
sérieux attaché à ces formations. La mise en solution est souvent rapide. Cette dissolution est
aggravée par la pression et par la présence de NaCl, qui recule la limite de saturation des
sulfates dans l'eau. Le remède à l'effet de dissolution est l’injection des vides.

4.3 Reprise en sous-œuvre des fondations

La reprise en sous-œuvre est souvent lourde et coûteuse. Le mode de reprise le plus utilisé est
celui des plots. Les puits peuvent être jointifs (plots alternés de 1,5 m) ou discontinus et reliés
par une longrine. Les micro-pieux sont également utilisés dans la reprise en sous-œuvre. Les
micro-pieux sont des pieux forés de diamètre inférieur à 250 mm et supérieur à 70 mm,
comportant des armatures centrales scellées dans un coulis de ciment. Les micro-pieux
travaillent uniquement en compression ou en traction. L’utilisation est limitée à des reprises en
sous-œuvre de bâtiments où les charges unitaires étaient en général faibles (10 à 20 tonnes). Il
est fortement déconseillé de procéder à des reprises partielles (création de points durs
induisants d’autres désordres).
Les réparations de l’infrastructure peuvent atteindre 50% du coût de l’ouvrage.

4.4 Recommandations applicables en cas de séisme

Les fondations ont une incidence capitale dans la tenue des constructions en cas de séisme.
Pour minimiser les désordres dans le bâti, il y’a lieu d’adopter pour les fondations superficielles,

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les recommandations suivantes : assurer un bon ancrage dans le sol, réaliser un chaînage
convenable, appuyer les fondations sur des assises homogènes, choisir un même mode de
fondations sous un ouvrage donné, éviter les sols instables et meubles.

5. Conclusion

La stabilité et la tenue des fondations superficielles dépendent :


- des propriétés mécaniques du sol (cohésion et angle de frottement),
- des caractéristiques chimiques du sol (présence de gypse et de chlorures),
- de la sécurité au glissement du massif dans son ensemble
Les causes des désordres sont très diverses :
- glissement, fluage,
- mauvaise qualité du sol (éboulis de pente),
- instabilité des sols,
- mauvais ancrage de la fondation dans le sol,
- chaînage insuffisant (longrine mal dimensionnée),
- assise de la fondation hétérogène,
- différents modes de fondation sous le méme ouvrage,
- présence de sols compressibles ou gonflants.
Les précautions citées dans cet article sont en général suffisantes pour éviter la plupart des
désordres. Une étude de sol de qualité permet d’orienter le géotechnicien sur le système de
fondations, d’anticiper sur les problèmes pathologiques et d’optimiser le coût de la construction.
Les désordres liés aux fondations représentent environ 80% des cas constatés par les
ingénieurs du CTC (contrôle technique des constructions) Sud Algérie.
La perte économique occasionnée à la collectivité pour remédier à des défauts engendrés
par des études insuffisantes est toujours sans commune mesure avec les économies des
dépenses en études.

6. Références

Berriche Y. (1998). Sols gonflants, reconnaissance, quantification et coûts. Revue Algérie


Equipement. ISSN 1111-5211, N°29.
Hocine B. (1997). Cas de désordres en superstructure. Comptes rendus, 1er Séminaire de
génie civil. Centre universitaire de Msila, Algérie.
Jean B. (1990). Pathologie des fondations et murs de soutènement. École Centrale de Paris.
Nacer K. (2001). Études de sol : Impact sur l’économie de la construction. Revue « Le
contrôleur technique de la construction », avril 2001.
Philipponnat G. (1978) Désordres dus aux argiles gonflantes dans la région parisienne. Annales
de l’ITBTP, sept.1978.
Saopandji B.S. (1986). Contribution à l’étude des propriétés des marnes et argiles soumises à
de fortes pressions. Thèse de Doctorat de l’École Centrale de Paris.
Zervoyannis C. (1982). Étude synthétique des propriétés mécaniques des argiles saturées et
des sables sur chemin oedométrique et triaxial de révolution. Thèse de Doctorat de l’École
Centrale de Paris.

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