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Profesores de Enseñanza Secundaria – Francés

Tema 14.
Concept de grammaire  : réflexion sur la langue et son apprentissage. De la
grammaire normative à la grammaire en fonction de l’emploi de la langue
et de la communication

Introduction : concept de grammaire. 1. La place de la grammaire dans la réflexion sur l’apprentissage


des langues. 2. De la grammaire normative à la grammaire en fonction de l’emploi de la langue et de la
communication. 3. Conclusion. Grammaire et approche communicative  : les difficultés. Références
bibliographiques.

Introduction  : concept de grammaire

Dans Grammaire et didactique des langues, Besse et Porquier insistent particulièrement


au début de leur ouvrage sur la polysémie du terme grammaire : on peut délimiter trois
conceptions sensiblement différentes les unes des autres, et ce terme peut ainsi renvoyer :

a) soit à un certain fonctionnement interne caractéristique d’une langue donnée,


b) soit à l’explication plus ou moins méthodique de ce fonctionnement,
c) soit enfin à la méthode d’explicitation suivie.

De son côté, Patrick Charaudeau envisage la grammaire comme étant  :

le résultat de la construction d’un système de représentations de la langue (...). On peut opposer,


au-delà de multiples variantes, deux systèmes de représentation qui donnent lieu à deux types de
description grammaticale : une grammaire de « décryptage », et une grammaire de
« construction du sens ». La première est orientée vers le repérage et l’identification des formes
(unités morphologiques et parties du discours), et vers les mécanismes de combinaison de ces
formes dans le cadre de la phrase simple ou complexe (...). La seconde grammaire est orientée
vers la description des mécanismes de reconnaissance et de construction des enjeux de sens qui
sont contenus dans tout acte de communication (...). En fait, ces deux types de grammaire,
opposées dans leur principe, sont complémentaires dans leur utilisation pédagogique.

Les emplois flous et multiples du terme grammaire ont donc comme résultat un manque
d’homogénéité dans la façon dont chacun conçoit la grammaire, la teneur d’un enseignement
grammatical et son rôle dans l’acquisition d’une langue étrangère.

1. La place de la grammaire dans la réflexion sur l’apprentissage des langues

C’est sans doute dans les représentations sur la grammaire et dans les rapports que
chacun établit entre grammaire et apprentissage d’une langue étrangère que l’on peut trouver
des explications partielles aux attitudes individuelles et culturelles manifestées autour de la
grammaire.

C’est ainsi que le débat a longtemps porté sur la nécessité ou non d’expliciter la
grammaire. Si pour certains, le fait de passer par une phase d’explicitation d’un problème
grammatical inexistant dans la langue maternelle apparaît comme inévitable, pour d’autres
grammaire et aspect utilitariste de l’apprentissage d’une langue s’excluent, c’est-à-dire,
l’enseignement ne doit pas porter sur la grammaire, mais sur l’emploi effectif de la langue.
Par ailleurs, les attitudes des enseignants envers la grammaire dépendent d’un certain nombre
de facteurs :
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— la manière dont ils ont appris eux-mêmes la langue étrangère,


— leur degré de sécurisation par rapport à la langue qu’ils enseignent,
— leur capacité à analyser le système de la langue étrangère et celui de la langue
maternelle.

Au milieu de ces débats, l’approche communicative a eu le mérite de mettre l’apprenant


au centre du processus d’enseignement/apprentissage. Cette démarche de centration sur
l’apprenant a permis de mettre au jour un faisceau de facteurs sans doute déterminants dans
l’acquisition d’une langue étrangère et qui relèveraient plutôt de l’ordre des représentations,
des motivations, des stratégies, des besoins et des attitudes face à l’appréhension d’une langue
seconde. A partir de cette hypothèse, toute réflexion sur la grammaire semble indissociable
d’une réflexion sur l’apprentissage. Avant même de définir ce que pourrait être un
enseignement « communicatif » de la langue étrangère, il faut revenir sur les modes
d’apprentissage. L’approche communicative, ainsi que les travaux menés parallèlement sur
l’autonomie dans l’apprentissage, ont fait prendre conscience de la diversité des modes
d’apprentissage.

Comme nous l’avons déjà signalé, le débat se situait au niveau de la nécessité ou non
d’expliciter les règles de la grammaire et du rôle de cette explicitation dans l’acquisition. Au
début, certains tenants de l’approche communicative sont partis d’un constat qu’on pourrait
qualifier de naïf : il est impossible de se passer d’activités de description sur la langue
étrangère, d’où la réapparition de tableaux de grammaire et d’exercices plutôt traditionnels.
Mais d’un point de vue méthodologique, la réflexion devrait porter sur les relations et sur la
dynamique qui s’établit entre les divers facteurs accompagnant l’acquisition grammaticale,
que nous pouvons schématiser comme suit :

CONTACT AVEC LA LANGUE ÉTRANGÈRE


(imprégnation / exposition)

ACTIVITÉS DE REPÉRAGE ACTIVITÉS D’AUTOMATISATION

CONCEPTUALISATION MISE EN OEUVRE


D’UNE COMPÉTENCE PARTIELLE

En effet, la problématique développée autour de la notion de awareness of language


(conscience linguistique ou réflexion sur la langue) recouvre plusieurs zones : la nécessité de
sensibiliser à un système d’ensemble de la langue étrangère, la nécessité de sensibiliser aux
similitudes et différences entre la langue maternelle et la langue étrangère, et le
développement d’activités de réflexion sur la langue étrangère.

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Une pédagogie qui reposerait sur une approche communicative de l’apprentissage


supposerait donc tout d’abord que le programme d’enseignement, les outils et les activités
prennent en compte la dynamique du schéma ci-dessus, c’est-à-dire que l’ensemble soit
construit sur l’hypothèse que l’apprenant développe une conscience linguistique qui l’inscrit
dans des va-et-vient constants entre les données qu’il peut formuler sur sa langue maternelle
et sur la langue étrangère, et que le but de l’enseignement est d’enrichir cette capacité de
réflexion. Cela signifie également que le dispositif d’enseignement favorise et valorise les
manifestations de l’existence d’un système intermédiaire (interlangue), par une attitude
positive face aux erreurs et nuancée par rapport à la correction linguistique et à ses évolutions,
par une appréciation des changements, par une gestion du caractère précaire de l’interlangue.

Dans cette perspective, les activités de conceptualisation sont donc à privilégier, car
elles permettent, dès le début de l’apprentissage, d’aider l’apprenant à se construire des
repères qu’il suivra tout au long de son apprentissage, et à lui donner une démarche qu’il
pourra s’approprier pour le traitement des informations grammaticales auxquelles il sera
exposé dans le contact avec la langue étrangère ou dans les explicitations fournies par le
professeur et par le manuel :

le détour par la conceptualisation vise une conception de l’apprentissage comme une entreprise à long
terme, une démarche prédictive, un système générateur et ouvert qui renforce l’autonomie de l’apprenant
(Berthoud et Py, 1993).

Il s’agit moins en somme d’aider l’apprenant à mémoriser, puis à formuler des règles de
façon détaillée, que de l’amener à trouver des concepts opératoires qui lui donnent les
moyens, face à un problème grammatical, d’exercer ses capacités d’observation, de
classement et de questionnement.

Les conséquences de ce centrage sur l’apprentissage peuvent être de construire une


progression notionnelle, c’est-à-dire un passage entre la langue étrangère perçue comme une
masse dans laquelle il est difficile d’entrer, et un mode d’appréhension qui permet d’établir
des sous-ensembles que l’apprenant peut manipuler. Dans cette perspective, les démarches
pédagogiques doivent favoriser la réflexion et la construction de sous-systèmes, à travers des
moments dédiés au regroupement et à un retour pour l’apprenant sur les compétences qu’il
maîtrise à chaque stade de son apprentissage.

De ce point de vue, les outils didactiques doivent répondre à un certain nombre


d’exigences et de conditions, et il faudrait ainsi distinguer :

— les outils de base de l’apprentissage : manuels ou ensembles de documents et


d’activités, qui, dans leur conception, devraient permettre de croiser plusieurs entrées et
d’utiliser les activités dans l’ordre le plus approprié à tel ou tel groupe,
— les outils de référence : grammaires pédagogiques, non exhaustives, au métalangage
accessible,

— les outils d’apprentissage qui favorisent le questionnement et le développement des


capacités de réflexion des apprenants.

Or, le dernier élément de ce dispositif, sans lequel on ne peut concevoir un


enseignement qui réponde de manière optimale aux exigences de l’apprentissage, c’est
l’enseignant. Si certains ont pu parler d’un échec relatif de l’approche communicative, cet
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échec peut être lié au déficit de formation continue de l’enseignant, ce qui a comme
conséquence l’impossibilité, pour lui, de construire ses propres outils d’enseignement.
Comme le fait noter Évelyne Bérard, le professeur pourra construire ses outils
d’enseignement s’il a la possibilité de gérer lui-même son parcours de formation, et en ce
sens, il est nécessaire qu’un certain nombre de conditions soient réunies : temps de formation
intégré au temps de travail, outils disponibles, ressources. Si ces conditions sont réunies, la
formation aura comme objectif de faire évoluer l’enseignant sur trois axes :

— dans un travail concernant ses représentations sur la grammaire, qui établirait un


parallèle entre sa fonction d’enseignant et une mise en situation qui le placerait comme
apprenant. Tout enseignant devrait être sans cesse confronté à une situation
d’apprentissage pour relativiser ses certitudes et les passer au filtre de l’expérience.

— dans le cadre d’une formation théorique lui permettant de maîtriser les théories de
référence de l’approche communicative.

— dans l’entraînement à l’écoute des apprenants, puisqu’en fin de compte la gestion de


la progression grammaticale et la nécessité d’étayer l’apprentissage de ses élèves ne
relèvent que de l’enseignant, il est capital qu’il soit familiarisé à une sorte de bilan de
compétences linguistiques qui l’aide à gérer les activités proposées au groupe et à
intervenir au plus près aux activités d’apprentissage.

Cette compétence que l’enseignant doit acquérir en formation montre que l’on ne peut
pas faire l’impasse sur l’autonomie du professeur si l’on prône celle de l’apprenant. Cette
autonomie passe par un parcours de formation exigeant qui est sans doute souvent éloigné des
situations réelles, mais qui n’en demeure pas moins souhaitable.

2. De la grammaire normative à la grammaire en fonction de l’emploi de la langue et de la


communication

Dans la méthodologie traditionnelle, appelée « grammaire-traduction », la grammaire


était la clef de voûte de toute la méthodologie : par l’apprentissage mémoristique des règles
grammaticales et par leur application à la langue étrangère, les élèves avaient accès à celle-ci.
Cette méthodologie, héritée de l’enseignement des langues anciennes se caractérisait par un
apprentissage explicite des règles dans une démarche de type déductif. Elle était donc centrée
sur une approche normative de la grammaire et essentiellement sur l’écrit. Dans les cours de
grammaire, le procédé de mémorisation/restitution (apprentissage par coeur puis récitation en
classe de la norme grammaticale) conservait l’importance primordiale.

Le développement des méthodologies audio-orales et audio-visuelles situera, vers la


moitié du XXe siècle, d’une manière différente le rôle et la place de la grammaire, tant au
niveau de la matière à enseigner qu’à celui de la façon d’enseigner la langue étrangère.

La méthodologie audio-visuelle, marquée par des références au structuralisme et au


behaviorisme, privilégie quant à elle la langue orale et fait de la grammaire un élément
structurant de la méthode, si l’on considère, d’une part, la manière dont est établie la
progression, et d’autre part, le temps consacré à des activités grammaticales. L’acquisition de
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la langue étrangère repose ici sur un apprentissage fractionné et progressif d’un ensemble de
structures mises en situation : chaque leçon introduit une ou deux difficultés grammaticales
selon une organisation qui s’appuie surtout sur la structure de la phrase. Si l’apprentissage des
formes est privilégié, elles sont par contre enseignées en fonction des situations. Dans ce type
de méthodologie, la grammaire est implicite, on ne fait pas référence à un métalangage
grammatical ; il s’agit essentiellement, à travers la pratique d’exercices systématiques sur les
structures, de mettre en place de manière automatique la langue étrangère, comme s’il
s’agissait d’acquérir des réflexes.

L’approche communicative, enfin, mise en place à la fin des années 70, accorde la
priorité à la valeur illocutoire de la langue, par conséquent aux fonctions, aux actes de parole.
Ce que l’on nomme grammaire dans les méthodologies précédentes, passe alors au second
plan et n’est conçu que comme un moyen de réaliser des actes de parole. Par conséquent, les
entrées permettant d’organiser le matériel didactique vont s’appuyer sur les actes de parole, et
les éléments grammaticaux vont être considérés comme des supports permettant de réaliser tel
ou tel acte de parole.

La conceptualisation, technique de travail qui permet à l’apprenant de développer une


activité de réflexion sur la langue étrangère et de formuler des hypothèses sur son
fonctionnement, fait partie du processus de construction par l’apprenant d’un système
intermédiaire qui se situe entre la langue étrangère et la langue maternelle dans une
dynamique de reconstructions successives.

Ce type de pratiques rompt avec la méthodologie audio-visuelle en faisant l’hypothèse


que l’explicitation des règles favorise l’acquisition de la langue étrangère. Mais dans cette
optique, ce n’est ni le retour à la démarche déductive qui est prôné, ni l’approche d’une
grammaire de type normatif : l’explicitation de la règle ne constitue pas la première phase de
son acquisition, comme cela était le cas dans la méthodologie traditionnelle. Elle n’intervient
en fait qu’après le repérage par les propres apprenants du contenu grammatical à envisager,
ce qui doit encourager, à un premier stade, des activités de réflexion. L’explicitation peut
désormais s’appuyer sur les connaissances préalables de l’apprenant, ainsi que sur ses
connaissances en langue maternelle. Des activités d’« automatisation » (à ne pas prendre
dans le sens restrictif prôné par les théories béhavioristes) aident à fixer ce contenu par une
mise en pratique, qui cherche en même temps à intégrer ce nouveau contenu à des contenus
précédemment acquis (exercices de réemploi, de reproduction selon le modèle, exercices
structuraux de substitution ou de transformation, etc.). L’objectif dernier de ces étapes
préalables est alors possible : la conceptualisation.

Les activités de conceptualisation doivent suivre au plus près la construction du système


propre à chaque apprenant et s’insérer au moment où il en éprouve la nécessité. La
conceptualisation apparaît depuis lors comme la phase d’intériorisation qui, après le repérage
et mise en exercice d’un contenu grammatical donné (qui apparaît toujours intégré à une
situation de communication concrète, et non comme un élément isolé), permet à l’apprenant
de mettre en pratique cette compétence dans des productions qui ne sont plus nécessairement
créées sur modèle, mais des productions libres.

Cette approche de la grammaire est sans doute liée aux travaux effectués sur l’analyse
d’erreurs, celles-ci étant la manifestation observable de l’interlangue ; mais aussi aux
réflexions portant sur l’acquisition langagière en langue maternelle, où l’enfant n’a pas besoin

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de connaître la règle grammaticale pour savoir l’appliquer correctement. Ses premières


productions s’inscrivent dans le cadre de répétitions pour devenir progressivement
autonomes.

3. Conclusion. Grammaire et approche communicative : les difficultés.

L’installation du communicatif pose plusieurs problèmes par rapport à la place de la


grammaire. La prédominance de la pragmatique, qui suppose, dans l’organisation des
matériaux pédagogiques, une organisation de la progression à partir d’actes de parole et
surtout à partir des besoins langagiers des apprenants traduits en objectifs (généraux et
spécifiques) n’est pas compatible avec un agencement des contenus de grammaire qui
reposerait sur une analyse de la langue extraite de son emploi. D’une manière plus large, si les
définitions de compétence de communication, qui représente en fait l’objectif d’apprentissage
posé par l’approche communicative, font une place à la composante linguistique ou
grammaticale (ce qui ne saurait être contesté, puisqu’il faut disposer d’un certain nombre
d’outils pour savoir communiquer), l’articulation de cette composante avec les autres
(socioculturelle, discursive, référentielle...) n’est pas évidente dans les phases de construction
de programmes d’enseignement, d’élaboration d’outils didactiques et de mise en oeuvre dans
la classe.

On retrouve ainsi dans les manuels à visée communicative une organisation de l’unité
didactique qui part souvent d’un ou plusieurs dialogues présentant une situation. À partir d’un
objectif de communication formulé d’une manière plus globale qu’un acte de parole, sont
intégrés des contenus qui relèvent des différentes composantes de la compétence de
communication. Or, ces contenus semblent se regrouper entre deux pôles : un pôle
communicatif (qui inclut les actes de parole, des éléments socio-culturels, extralinguistiques
et la composante discursive) et un pôle grammatical qui apparaît toujours quelque peu
dissocié des autres. Si les deux points clefs de l’approche communicative sont l’articulation
du communicatif et du grammatical et l’établissement d’une progression, assez peu de
manuels semblent par contre apporter sur ces deux points une réponse satisfaisante ; et ce que
R. Porquier écrivait en 1984 semble rester encore vrai pour de nombreux manuels : « la
plupart des manuels notionnels-fonctionnels se bornent à ‘masquer’ la progression
grammaticale assez traditionnelle qu’ils suivent ». Il ressort souvent de ces progressions une
vision d’émiettement des contenus et il faut aller chercher la cohérence dans d’autres
domaines tels que la thématique par exemple.

Par ailleurs, au niveau des pratiques de classe, on trouve un courant qui prône une
progression construite sur les documents de classe, en général authentiques, puisqu’ils
constituent le support privilégié de travail de l’approche communicative. Cependant, ces
documents excluent, de par leur nature même, comme le fait remarquer E. Bérard, la
possibilité de sérier de manière rigoureuse les contenus grammaticaux, et cette approche peut
aussi parfois déconcerter les apprenants qui, par leurs habitudes d’apprentissage des langues,
s’attendent à une organisation de l’enseignement qui repose essentiellement sur la grammaire.

Il est sans doute important que l’approche communicative se soit constituée à partir de
théories de référence diversifiées et qu’elle se soit éloignée de la linguistique structurale. Ceci
s’est traduit dans les pratiques par des effets positifs : l’importance accordée au sens, le
déplacement de l’unité de travail de base des méthodes audio-visuelles (la phrase) vers le
discours, le fait de tendre rapidement vers une communication mieux ancrée dans le réel sont

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autant d’éléments qui ont trouvé leur place et fait progresser les pratiques d’enseignement
d’une langue étrangère. Or, dans le cadre de la grammaire, le déplacement d’une tradition
normative vers une approche grammaticale globalisante ne peut être possible qu’après une
réflexion théorique trop souvent absente des programmes de formation des enseignants.

Il ressort, de tout ce qui vient d’être dit, que des essais sont faits, avec plus ou moins de
bonheur, pour mettre en relation approche communicative et grammaire. Ainsi, les premières
unités des méthodes portent souvent sur les salutations : bonjour, madame, comment allez-
vous? salut, ça va? Et nous voilà engagés dans le jeu du tutoiement et du vouvoiement et des
formes variées de l’interrogation ; d’abord par simple imprégnation globale dans des
situations claires, puis, petit à petit, par analyse des éléments. Constater qu’on dit au revoir
seulement quand on se quitte, mais que bonsoir peut servir aussi bien à l’arrivée qu’au départ,
mais pas à n’importe quelle heure, n’est-ce pas déjà réfléchir à la situation de communication?
Les exemples, de leur côté, ne sont plus des phrases qui n’ont de sens que dans les
grammaires, sans contexte ni situation. Les élèves ont peu de chances de retrouver des
énoncés tels que Pierre est un homme, Marie est une femme ; ils pourront lire plutôt de petites
annonces, des modes d’emploi, des bulletins météorologiques, des horoscopes, etc. qui sont
de la grammaire vivante, de la langue en emploi, bref de la communication.

Comme le signale R. Vives, le but de l’enseignement grammatical est de permettre à


l’apprenant de construire une compétence de communication ajustée à ses besoins. Or, si l’on
pose cette même question en se référant non plus à la grammaire mais à l’apprentissage de la
communication en langue étrangère, la réponse sera rigoureusement la même. Cela signifie
que, du point de vue pédagogique, dans une classe de langue, l’enseignement de la grammaire
ne doit pas constituer un enseignement séparé, dissocié, mais intégré par contre à
l’apprentissage de la communication. Pour reprendre les termes d’Yves Simard, on peut dire
que ce sur quoi porte l’enseignement grammatical, ce n’est pas simplement ce qui constitue la
« structure interne » d’une langue, mais l’ensemble de la composante linguistique,. Autrement
dit, apprendre une langue, c’est apprendre à en utiliser les formes concurrentes en fonction
des contraintes syntaxiques-sémantiques-phonologiques, certes, mais aussi en fonction de leur
recevabilité sociale, du type de discours et de la finalité du discours. Un programme de
grammaire ne peut s’articuler uniquement autour des catégories syntaxiques et formelles, elle
doit en même temps intégrer les actes de parole en fonction des paramètres de l’acte de
communication.

Références bibliographiques

BESSE, H. et PORQUIER, R. (1984) : Grammaire et didactique des langues, Paris, Credif-


Hatier.
BERARD, E. (1994) : « La grammaire encore... et l’approche communicative », Études de
Linguistique Appliquée, nº 100, pp. 9-19.
BERTHOUD, A.C. et PY, B. (1993) : Des linguistes et des enseignants.
IBRAHIM, A.H. (1989) : « Grammaires de FLE ». Études de Linguistique Appliquée, nº 74, pp. 89-
94.
LAMY, A. (1989) « La grammaire, partie intégrante de l’acquisition ». Études de Linguistique
Appliquée, nº 74, pp. 19-35.
PECHEUR, J. (1993) : « Tirer le meilleur parti de la langue. Entretien avec Patrick Charaudeau ». Le
Français dans le monde, nº 258, juillet, pp. 48-51.
SIMARD, Y. (1995) : « Pratique grammaticale et approche communicative ». Le Français dans le
monde, nº spécial, « La Didactique au quotidien », pp. 152-161.

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