Vous êtes sur la page 1sur 6

1

THÈME 38 :
STRATÉGIES D´ANALYSE DE TEXTE

INTRODUCTION

D’après Jean-Michel Adam, la textualité s´articule dans un schéma complexe: un texte est une
configuration réglée par divers sous-systèmes en constante interaction :

TEXTE

CONFIGURATION PRAGMATIQUE SUITE DE PROPOSITIONS

visée repérage dimension connexité séquentiation


Illocutoire énonciatif sémantique

Le texte se compose ainsi de deux niveaux essentiels : l’organisation pragmatique et


l’organisation textuelle des propositions. À l’intérieur de la première, trois plans d’organisation
pragmatique peuvent être distingués : la visée illocutoire ou intention de communication, les
repérages énonciatifs, qui renseignent sur le rapport du texte à sa situation de production, et
l’organisation sémantico-référentielle, ou « monde » du texte. Deux plans d’organisation assurent
l’articulation des divers constituants du texte: la connexité textuelle, chargée des relations intra—
et inter phrastiques et l’organisation séquentielle ou structure. Ces cinq plans d’organisation
complémentaires apparaissent dans toute pratique communicative.
Par ailleurs, un texte, en tant qu´acte de communication, se trouve nécessairement inscrit dans une
situation de communication, ce qui ajoute à ce schéma une approche situationnelle.
Cette multiplicité de plans correspond aux divers stratégies que l´on peut mettre en place lors de l
´analyse textuelle et c´est dans ce sens que nous organiserons notre développement.
En effet, nous nous centrerons d´abord sur l´approche pragmatique, puis nous analyserons l´approche
énonciative, pour continuer avec l´approche sémantico-thématique et logico-syntaxique. Enfin, nous
terminerons notre exposition avec l´approche séquentielle et situationnelle.

1. L’APPROCHE PRAGMATIQUE : LA VISÉE ILLOCUTOIRE

La théorie des actes de langage, élaborée par le philosophe anglais Austin et développée par
Searle, repose sur l’idée que « dire c’est faire », parler c’est accomplir un certain type d’acte de
langage (questionner, promettre, menacer, suggérer...). La parole n´est donc plus un simple moyen
de représentation/communication, mais aussi un moyen d´action sur autrui.

Dans cette perspective, tout texte apparaît comme un ensemble d’actes de discours qui peut être
considéré lui-même comme un macro-acte discursif. Ainsi par exemple, si nous envisageons le
discours d’un candidat politique lors des élections, le macro-acte accompli à la fin d’une allocution
est celui de demander aux auditeurs de voter pour son parti, mais à l’intérieur de cet acte global on
peut en repérer d’autres formant une suite : promettre, interroger, prédire, etc. Tout texte possède
donc une visée illocutoire globale (raconter, décrire, convaincre, etc.) qui le définit comme ayant
un but, une intention de communication (explicite ou non).

À cette conduite dialogiquement orientée vers autrui lors de la production répond, symétriquement,
le fait que comprendre un texte consiste à saisir l’intention qui s’y exprime sous la forme d’un
macro-acte discursif. C’est ce mouvement interprétatif qui nous permet, entre autres, de déclarer
2

cohérent un texte : ce jugement est rendu possible par la découverte d’au moins une intention de
communication ou visée illocutoire.

Depuis les années 70, Oswald Ducrot qui a été l´ un des pionniers de la pragmatique linguistique en
France, a beaucoup contribué à populariser le thème de la présuppé, dans son ouvrage intitulé Dire
et ne pas dire. ( 1972).
Les présupposés sont des tournures qui permettent de faire passer certains faits sans les asserter.
Ainsi, « La sœur de Pierre est partie vivre au Canada », présuppose que Pierre a une soeur sans l
´asserter directement.
Les implicatures lexicales participent à cette même problématique. Ce sont des significations non-
dites explicitement mais impliquées par la présence d´un certain lexème. Ainsi « Pierre a dûrement
travailler pour cet examen , mais il n´a pas eu la moyenne. » contient par la présence de MAIS une
implicature que l´on pourrait gloser par le « locuteur s´attendait à ce que Pierre ait la moyenne à l
´examen ».

2. L’APPROCHE SÉMANTICO-THÉMATIQUE

La dimension sémantique du texte est constituée par le thème global de l´énoncé, qui se situe soit
dans le monde réel, soit dans le monde de la fiction. Ceci introduit la notion d´isotopie, ou monde
du discours. La présence d´une expression telle que “il était une fois…” annonce l´existence d´un
monde non réel, et l´abolition des règles de la logique. C´est ce qui explique qu´on puisse admettre l
´existence de personnages féériques, par exemple.
Cette voie d´analyse ouvre la possibilité d´étudier non seulement les ruptures qui peuvent apparaître
au niveau de l´isotopie générale du texte, mais aussi l´existence de sous-thèmes à l´intérieur d´un
thème plus général.
À ce stade, la cohérence repose essentiellement sur le respect de deux règles essentielles concernant
la distribution de l’information en thèmes (éléments connus) et rhèmes (informations nouvelles),
à savoir la règle de répétition et celle de progression.
La règle de répétition : pour qu’un texte soit cohérent, il doit comporter dans son développement
des éléments récurrents, c’est-à-dire des éléments qui se répètent d’une phrase à l’autre pour
constituer un fil directeur assurant la continuité thématique du texte. C’est notamment le rôle des
reprises, des anaphores.
La règle de progression : pour qu’un texte soit cohérent, il doit comporter dans son développement
des éléments apportant une information nouvelle. Cette règle exprime la contrainte gouvernant toute
communication : on transmet un message à autrui pour lui apporter une information qu’il ignore.

La cohérence d’un texte repose essentiellement sur un équilibre entre ces deux règles
complémentaires : un texte doit présenter des éléments de reprise permettant la continuité
thématique, mais aussi de nouveaux éléments relançant l´intérêt du destinataire.
Ceci nous mène à l’approche suivante, chargée d’analyser les articulations du discours.

3. L’APPROCHE LOGICO-SYNTAXIQUE : L’ARTICULATION DU DISCOURS

Un discours n´est pas une simple suite de mots placés les uns à côté des autres. Les divers
constituants du discours entretiennent des rapports de solidarité et d’interdépendance, assurés à un
premier niveau par les opérations de connexité syntaxique (intra– et inter-phrastique): phénomènes
d’accord, coordination, subordination, etc.

On peut également envisager, à un deuxième niveau, le fonctionnement de la connexité, où elle


aurait pour fonction d’«assurer la reprise-répétition (la continuité textuelle) tout en garantissant la
3

progression » (J-M. Adam, 1997 : 26). À ce stade, on peut considérer que la connexité rejoint les
opérations de cohésion, que Halliday et Hasan définissent comme «les moyens par lesquels des
éléments qui n’entretiennent pas de relation de structure sont reliés entre eux parce que l’un dépend de
l’autre pour son interprétation.».

En effet, lors de l’élaboration, le locuteur jalonne son discours d’un certain nombre de marques
relationnelles qui témoignent des relations qu’il entend instaurer entre les diverses parties et qui
constituent autant de points de repère pour l’interlocuteur-interprète, lui permettant, en dernière
instance, de juger de la cohérence du discours qui lui est soumis. Ces marques de cohésion visent à
maintenir l’équilibre nécessaire entre continuité et progression, autrement dit, entre information
connue et information nouvelle.

En ce qui concerne la continuité, on peut poser que, pour qu’un discours soit cohérent, « il doit
comporter dans son développement des éléments récurrents, c’est-à-dire des éléments qui se
répètent d’une phrase à l’autre, pour constituer un fil conducteur qui assure la continuité
thématique » (Riegel et al., 1997 : 604). Cette activité est assurée par les divers procédés de reprise
anaphorique : anaphores pronominales (Pierre est venu, il avait l’air fatigué), nominales (André
Breton est né en 1896. Cet écrivain a été l’un des fondateurs du surréalisme), verbales (Tu écris plus
vite que je ne peux le faire), etc.

Ceci dit, un discours peut être cohérent sans être cohésif. Exemple : Il fait chaud. J´ai soif.
Dans cet exemple, il n´existe aucun connecteur qui relie les phrases entre elles et pourtant le discours
est cohérent.

Toutefois, le cas inverse peut se présenter : deux phrases peuvent être reliées par une marque de
cohésion et ne pas être cohérentes.
Pierre est né en 1967, mais j’adore le chocolat.

4. L’APPROCHE SÉQUENTIELLE : LES STRUCTURES TEXTUELLES

L’approche séquentielle permet de repérer les structures sous-jacentes à chaque type de texte et
d’analyser, ce faisant, l’adéquation aux modèles textuels préexistants. D’après J-M. Adam,
l’organisation séquentielle définit la structure globale du discours en fonction de la finalité
communicative qui le commande : une description, par exemple, n’emprunte pas la même « forme »
qu’un récit, et il s’agit là d’une connaissance que le sujet parlant intériorise très tôt et qu’il perçoit
de façon intuitive.

Ces schémas séquentiels peuvent être, selon J.-M. Adam de cinq grands types : narratif, explicatif,
descriptif, argumentatif et dialogal. Ils se définissent par une visée illocutoire globale (raconter,
décrire, convaincre…) et constituent les structures repérables à l’intérieur du texte. On peut
considérer qu’il s’agit de modèles canoniques de construction de certains types textuels : ainsi,
par exemple, dans une narration, on s’attendra évidemment à l’existence d’au moins trois éléments :
situation initiale – nœud – dénouement, ou dans une argumentation, on recherchera la thèse de
départ, à appuyer ou à réfuter, l’argumentation proprement dite et la thèse finale. Or, ces schémas
s’avèrent également essentiels lors de l’interprétation du texte, puisque leur caractère prototypique
permet d’élaborer des hypothèses d’anticipation.

Signalons enfin que ces schémas séquentiels apparaissent généralement mélangés : le récit
comporte des descriptions et des parties dialoguées, le dialogue peut inclure récits, descriptions,
4

argumentations, etc. ; mais on peut, malgré cette hétérogénéité compositionnelle, dégager une
séquence dominante.

5. L’APPROCHE SITUATIONNELLE : L’ADÉQUATION DU TEXTE À LA SITUATION


DE COMMUNICATION

Nous avons déjà vu que toute communication se définit par une visée illocutoire, c’est-à-dire un
but, une intention de communication. Cette intention commande tout d’abord l’acte même
d’énonciation (c’est parce que je veux raconter / décrire / expliquer / convaincre... que je produis un
discours) et, ensuite, le type de discours choisi à chaque occasion (c’est parce que je veux raconter /
décrire / expliquer / convaincre... que je produis tel discours plutôt que tel autre).

Les choix opérés à ce niveau sont définis, dans une large mesure, par le rapport au référentiel :
c’est ainsi que je choisirai voiture plutôt que moto, train ou avion à l’intérieur du paradigme des
« moyens de transport ». Cependant, lorsque je choisis bagnole au lieu de voiture, ce choix ne
témoigne plus d’un rapport au référentiel, puisque le référent visé peut être considéré, à quelques
nuances près, identique dans les deux cas ; il découle d’un tout autre niveau, défini cette fois par la
situation de communication.

En effet, la situation de communication n’est pas seulement un cadre abstrait à l’intérieur duquel se
déroulerait le processus d’échange communicatif. Elle est constituée de tout ce qui, dans l’univers
des interactants et dans la réalité socioculturelle qui les entoure, a des implications sur les conduites
verbales et comportementales des sujets. Si l’influence de ces données semble plus évidente à l’oral,
les situations de communication orale et écrite partagent un certain nombre de paramètres que l’on
peut représenter comme suit (adapté du schéma de Sophie Moirand) :
Conditions de production

groupe de
d’appartenance
groupe
attitude
rôle
statut
référence
Pour quoi faire ?
Quand ?
Où ?

interventions
intentions

REPRÉSENTATIONS
document graphique
POURQUOI

DE QUOI
(fonction)

(référent)

relations
(texte)
effet

projections
hypothèses

L’évolution de la linguistique a donc permis une redéfinition de la notion même de communication.


Les premières recherches dans le domaine avaient abouti à l’élaboration d’un schéma de la
Pour quoi faire ?
Conditions de réc

Quand ?
Où ?

L
d’apparten
grou
réfé

gr
att
ôle
pe

tut
de
de
tion

ce

ce
5

communication de Jakobson qui reposait sur six composantes : le message, produit par un émetteur
à l’intention d’un récepteur, le contexte auquel renvoie le message, le canal et enfin le code. Mais,
ce schéma ne prenait pas en compte les données extralinguistiques de la communication et semblait
réduire la communication à un mécanisme dans lequel émetteur et récepteur semblaient voués au
seul rôle respectif d’encodeur et décodeur de messages chiffrés, en dehors de toute considération
sur leur dimension humaine et sociale.

Le schéma de communication que propose Sophie Moirand définit pour chacun des interactants un
arrière-plan psycho-social qui s´articule à celui de l´interlocuteur, de telle sorte que leur
interrelation donne lieu, dans le discours et dans les comportements langagiers à des manifestations
diverses: prosodiques ( intonation qui relève un état affectif ou une situation de supériorité ou de
subordination), lexicales (jargons, argot, niveaux de langue…), kinésiques ( gestes d´attouchement,
mimiques), proxémiques ( distance physique parrapport à l´interlocuteur qui augmente ou diminue
en fonction du degré de familiarité).
Le locuteur, conscient de son propre statut, du statut de son interlocuteur, du type de relation qui
les unit, de l’image que chacun se fait de l’autre, et du lieu social où se déroule la communication,
sélectionne à l’intérieur de son paradigme linguistique les formes appropriées, conformes aux
usages sociolinguistiques et discursifs. De l’autre bout, le récepteur (auditeur ou lecteur) met à
profit toutes les variables de la situation de communication afin d’élaborer des stratégies
d’interprétation.

CONCLUSION 

Nous venons de recenser les différentes stratégies d´analyse de texte qui nous ont permis de
montrer l´importance de maîtriser ces outils d´analyse du point de vue de l´enseignant pour
introduire des textes authentiques dans ses classes et du point de vue de l´apprenant pour
développer sa compétence discursive.
Signalons en effet que l’enseignant a intérêt à maîtriser divers outils d’analyse textuelle, comme le
signale Sophie Moirand : tout texte destiné à être utilisé dans un cours de langue doit faire l’objet de
ce qu’elle nomme une analyse prépédagogique, permettant de repérer les éléments constitutifs du
texte et les possibilités d’exploitation pédagogique qu’il offre, ainsi que de proposer des stratégies
pédagogiques pour aider les apprenants à accéder au(x) sens d’un texte (techniques de repérage,
découvertes d’indices, tactiques de vérification, etc. L’analyse prépédagogique consiste en somme à
poser sur le document plusieurs regards successifs afin de trouver l’angle d’attaque pédagogiquement
le plus efficace pour entrer dans le texte. Elle doit donc tenir compte des particularités de chaque
groupe d’apprenants, de leurs motivations et de leurs besoins. Si on envisage d’aborder la production
en tant qu’activité globale de communication, toutes ces opérations de langage doivent intervenir en
même temps, ce qui implique que l’enseignant doit avoir des outils suffisants pour analyser les
textes, aussi bien les documents authentiques qu’il introduit en exposition, que les textes produits
par les apprenants eux-mêmes, afin d’être le conseiller, l’aide, le soutien et la référence.

Nous pouvons ajouter qu´il faut noter l´importance du texte en tant que moyen de communication
et d´action; l´apport des différentes optiques sous lesquelles on peut analyser un texte et l
´importance des différentes stratégies d´analyse du point de vue didactique quant à la
compréhension globale et spécifique de tout le texte dans le but de développer une compétence de
communication, qui représente l´objectif principal de la didactique des langues étrangères.
Enfin, la connaissance et l´utilisation en classe de Français Langue étrangère de ces stratégies
propres à l´analyse à l´analyse de texte répondent au 3 ème bloc de contenus proposés dans le Décret
Royal 1105/2014, à savoir « compréhension de textes écrits ».
6

APPLICATION DIDACTIQUE

Comme application didactique de ce sujet, nous proposerons à nos élèves de 3ème ESO d´analyser un
extrait du livre « Le Petit Nicolas » de Jean-Jacques Sempé et René Goscinny, à l´aide de questions de
compréhension écrite.
Cette activité s´inscrit d´ailleurs dans le « Plan de lectura y de Bibliotecas Escolares en los Centros
Educativos Públicos en Andalucía” qui recommande la lecture de différents types de texte comme
lecture quotidienne.

BIBLIOGRAPHIE 

ADAM, J.-M: « Les textes: types et prototypes » . Nathan, 1992.


BENVENISTE, E. : « Problèmes de linguistique générale, I, II ».Paris, Gallimard, 1966.
BOYER, H. Éléments de sociolinguistique, Paris, Ducrot, 1991.
LUNDQUIST,Lina .La cohérence textuelle : syntaxe, sémantique, pragmatique,Hardcover , 1980.
MAINGUENEAU, D. Éléments de linguistique pour le texte littéraire, Paris, Bordas, 1990.
MOIRAND, S. « Situations d´écrit » Clé International, 1979.

Vous aimerez peut-être aussi