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Chapitre 1

Relation de comportement
thermoélastique linéaire
1.1 Equations établies en mécanique des milieux continus

Dans la modélisation des milieux continus (voir cours MS101 [10]) sous l'hypothèse des petites
transformations (innitésimales) on arrive à deux grands groupes d'équations :
 un premier groupe caractérisant les déformations : dans lequel le rôle principal est joué par
le champ de déplacements ξ et le champs des déformations ε
 et un deuxième groupe caractérisant les eorts : dans lequel le rôle principal est joué par
le champ des contraintes σ .
On observe facilement qu'actuellement les deux groupes sont plus au moins distincts, ce qui se
traduit par un manque de relations entre les déformations et les contraintes.
D'un point de vue physique, on peut se rendre compte que la modélisation proposée donne
une description cohérente de la cinématique et de la dynamique, mais est incapable de prendre en
compte la nature des diérents matériaux : acier, bois, caoutchouc, etc, et donc de représenter les
diérences de souplesse ou de rigidité qui sont intuitivement ressenties entre diérents matériaux.
Une inspection d'un point de vue mathématique des équations révèle qu'on dispose de 6 +
3 équations à dérivées partielles (6 pour les déformations et 3 pour l'équilibre des eorts) pour
déterminer les 3 + 6 + 6 champs inconnus (3 pour ξ , 6 pour ε et 6 pour σ ). Il manque donc
6 équations supplémentaires an de disposer de 15 équations pour pouvoir déterminer les 15
fonctions inconnues.
Ce cours se propose d'enrichir la modélisation avec une relation de comportement entre défor-
mation et contraintes, qui va rendre compte des diérences entre les matériaux et donc permettre
de compléter et de résoudre le système d'équations. Plus précisément, on s'intéresse aux maté-
riaux thermoélastiques linéaires, une des classes les plus simples de comportement, mais qui
permet de décrire une immense partie des applications industrielles.

7
8 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

Fig. 1.1  Schéma d'une éprouvette classique pour un essai traction-compression. On remarque
la partie utile de l'éprouvette, un cylindre allongé, ce qui conduit à un tenseur des contraintes
unidimensionnel dans cette région : σ = σ e ⊗e avec e la direction longitudinale de l'éprouvette

1.2 Observations Expérimentales

Essai de traction
On va supposer qu'une éprouvette de la forme présentée en gure 1.1 est allongée sous des
forces opposées imposées à ses extrémités. Dans la partie utile, on peut supposer que le tenseur
des contraintes est de la forme :
F
σ = σ e ⊗ e où σ = (1.1)
S
avec e la direction longitudinale de l'éprouvette, F la force appliquée et S l'aire de la section
dans la partie utile. On peut également supposer qu'on dispose de la mesure de la variation de
δl
longueur de la partie utile de l'éprouvette. Cet allongement relatif de l'éprouvette dans la
l
direction est lié au tenseur déformations par la formule suivante :
δl
ε = e · ε · e ≈ (1.2)
l
sous l'hypothèse des petites transformations (innitésimales). Nous obtenons ainsi un diagramme
déformation-contrainte comme celui représenté en gure 1.2 ou encore en gure 1.3.
On va parler de :
 comportement élastique si le trajet de charge coïncide avec le trajet de décharge (voir g.
1.2), autrement dit si la déformation du corps est irréversible. On remarque que on peut
avoir des trajets linéaires : proportionnalité entre déformations et contraintes, le diagramme
est une droite, ou encore des trajets non-linéaires. Généralement on peut supposer que dans
un voisinage de l'origine on dispose d'une région dans laquelle le comportement est linéaire.
1.2. OBSERVATIONS EXPÉRIMENTALES 9

Fig. 1.2  Trajet élastique de chargement en traction et décharge. On remarque que le trajet est
le même dans les deux directions.

 comportement élastoplastique si le trajet de charge ne coïncide pas avec le trajet de décharge


(voir g. 1.3). Dans le cas des matériaux métalliques : aciers, fontes, aluminium, etc. on
remarque une première partie élastique linéaire, dans laquelle le trajet de charge coïncide
avec le trajet de décharge suivie d'une partie non-linéaire où la décharge se fait sur un trajet
diérent du trajet de la première mise en charge, mais parallèle à celui ci. Après décharge on
observe une déformation rémanente, dénommée déformation plastique. Dans ce cas, même
si les eorts extérieurs sont mis à zéro, il est fortement probable que des eorts intérieurs
diérents de zéro persistent dans le matériau. On les appellera contraintes résiduelles. Lors
d'une nouvelle charge, le corps suit le trajet de décharge jusqu'à la courbe initiale, après ce
point il continuera sur la partie non-linéaire de la courbe initiale.
 comportement élastoviscoplastique si par rapport aux phénomènes décrits précédemment on
observe aussi une dépendance de la courbe déformation-contrainte de la vitesse de défor-
mation :ε̇.
Dans ce cours, on modélise la partie élastique linéaire du comportement qu'on trouve soit
autour de la première mise en charge soit juste après une décharge.

Interaction entre grandeurs mécaniques et thermiques

Dans l'étude des gaz parfaits en physique, avait été observée une interaction entre les grandeurs
mécaniques et thermiques. Plus précisément, on sait qu'un gaz comprimé se réchaue, et qu'en
détente, il se refroidit et que dans ce cas, les deux phénomènes mécaniques et thermiques se
conditionnent réciproquement.
En ce qui concerne les solides, il est bien connu qu'un corps réchaué a tendance à se dilater,
mais dans la vie courante on néglige le fait qu'un corps change sa température sous une déforma-
tion mécanique. A l'aide des observations thermographiques des essais mécaniques de traction ou
10 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

Fig. 1.3  Trajet élastique de chargement en traction et décharge. On remarque que le trajet est
le même dans les deux directions : charge et décharge

compression on peut remarquer un refroidissement respectivement un réchauement des corps


élastiques. Sous conditions adiabatiques, l'échauement est de l'ordre de quelques dixièmes de
degrés pour des allongements de l'ordre du pour cent, tandis qu'un échauement de quelques
dizaines de degrés provoque des dilatations relatives de l'ordre du pour cent.

En conséquence, dans la modélisation des corps élastiques en petites déformations proposée


dans la suite on va prendre en compte l'eet de l'échauement sur la déformation, mais négliger
l'eet de la déformation sur l'échauement.
Une interaction complète demande une approche thermodynamique complète comme présen-
tée en [3, 6, 7, 11, 12].

1.3 Loi de comportemenent thermoélastique linéaire

Compte tenu des observations expérimentales présentées précédemment, on peut supposer que
dans le cadre de la thermoélasticité, le tenseur des contraintes σ est une fonction du tenseur
des petites déformations ε et de l'échauement θ, soit σ = f (ε, θ)

En thermoélasticité linéaire, on suppose que le tenseur des contraintes σ est une fonction
linéaire et ane du tenseur des petites déformations ε et de l'échauement θ. Compte tenu du
caractère tensoriel des grandeurs, on peut écrire cette relation linéaire sous la forme suivante :

σ = σ 0 + Λ : ε + Aθ (1.3)

Où :
1.3. LOI DE COMPORTEMENENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE 11

 σ 0 est le tenseur des contraintes résiduelles dénommées aussi contraintes initiales car elles
peuvent exister en absence de tout échauement et de toute déformation.
 Λ est le tenseur d'ordre 4 des modules élastiques, nommé aussi tenseur d'élasticité ou tenseur
de Hooke d'après Robert Hooke (savant anglais, 1635  1703)
 A est le tenseur des petits échauements
 θ est le champ scalaire des échauements. Ce champ va être considéré comme un eort
extérieur donné et connu à l'avance comme c'est déjà le cas pour des eorts surfaciques à
la frontière t ou encore des eorts volumiques f .

1.3.1 Hypothèse des Petites Perturbations (HPP)


Avant d'examiner plus précisément les grandeurs introduites, on va revenir aux hypothèses
fondamentales pour dénir le cadre de validité de la modélisation proposée.
On remarque deux étapes de linéarisation :
 la linéarisation géometriques'exprimant comme :

||∇ξ||  1

et qui permet d'utiliser le tenseur de petites déformations comme mesure de la déformation


du corps. On rappelle les dénitions de la déformation dans le cas d'une transformation
nie :

F = I + ∇ξ (1.4)
1 T 1  
e = (F F − 1) = ∇ξ + ∇T ξ + ∇T ξ · ∇ξ =  + o(∇ξ 2 ) (1.5)
2 2
1 
ε= ∇ξ + ∇T ξ (1.6)
2
 la linéarisation du comportement autour d'un état d'équilibre donné par la congura-
tion initiale.
Outre la qualité de l'approximation linéaire par rapport au comportement réel, il est important
de remarquer que la linéarisation est possible seulement en dehors des points de bifurcation du
comportement. Ces points apparaissent par exemple lors des expériences de ambement et leur
apparition dépend d'une part de la valeur de la charge appliquée et d'autre part de la géometrie du
corps étudié. En conséquence, il n'est pas possible de dénir a priori un domaine exact de validité
de la théorie linéarisée sans une analyse compléte dans le domaine non-linéaire du problème.
On suppose donc que :
 la transformation est petite ||∇ξ|| ≤ 1
 le chargement extérieur est susament petit pour éviter le point de bifurcation.
Le chargement extérieur est caractérisé par la contrainte résiduelle, l'échauement : θ =
T −T0 , les eorts extérieures : forces volumiques f et surfaciques t les déplacements imposés :
ξd.
L'hypothèse de la linéarisation implique que la description se fait sur la conguration initiale
Ω0 , mais que la conguration initiale est susament proche de celle actuelle :

Ω0 ≈ Ωt ∂Ω0 ≈ ∂Ωt Σ0 ≈ Σt x≈X


12 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

pour utliser le tenseur de contraintes de Cauchy σ pour la description des eorts.

1.4 Propriétés de la relation de comportement

La plus simple des relations de comportement thermoélastique linéaire, s'écrit donc


σ = σ 0 + Λ : ε + Aθ (1.7)

Ce qui conduit à l'expression suivante pour les composantes du tenseur des contraintes :
σij = σ0 ij + Λijkl : εkl + Aij θ i, j = 1, 3 (1.8)
où les expressions d'indices k et l sont sommées en utilisant la notation de la sommation des in-
dices répétés d'Einstein. L'écriture compléte de la relation de comportement pour la composante
11 du tenseur des contraintes a la forme suivante :
0
σ11 = σ11 + Λ1111 ε11 + Λ1112 ε12 + Λ1113 ε13 + . . . (1.9)
+ A11 θ (1.10)

1.4.1 Propriétés des contraintes résiduelles

On remarque aisément que si ε = 0 et si encore θ = 0 alors :


σ = σ0 (1.11)
le corps est dans sa conguration initiale en équilibre. Ceci implique alors que les équations
suivantes sont valables pour le champ des contraintes résiduelles :
div σ 0 = 0 dans Ω (1.12)
σ 0 · n = 0 sur ∂Ω (1.13)
σ 0 · N = 0 sur Σ (1.14)
Ces relations montrent que les contraintes résiduelles sont auto-équilibrées.
Les contraintes résiduelles apparaissent dans les solides suite aux contraintes de fabrication
pour des procédés tels que le brassage, le soudage, la fonderie, etc.

1.4.2 Propriétés du tenseur d'élasticité

Les propriétés élastiques du matériau sont caractérisées par le tenseur d'ordre quatre Λ

Λ = Λijkl ei ⊗ ej ⊗ ek ⊗ el i, j, k, l = 1, 3

en chaque point du domaine. Ses coecients Λijkl sont des champs scalaires, donc des fonctions :
Λijkl : Ω −→ R
1.4. PROPRIÉTÉS DE LA RELATION DE COMPORTEMENT 13

Fig. 1.4  Un échantillon d'un tissu d'un kilt écossais permet de visualiser assez facilement d'une
part l'hétérogénéité du matériau à diérentes échelles et d'autre part la symétrie matérielle et
les directions privilégiées

On va parler d'un matériau hétérogène si Λ est fonction du point x ∈ Ω et d'un matériau


homogène si Λ reste le même pour tous les points du domaine Ω.
Ces notions sont des abstractions mathématiques. Dans le cas d'un matériau réel on peut
seulement parler d'homogénéité en relation avec une échelle d'observation. Par exemple, un acier
est homogène à l'échelle des structures ingénieurs, mais doit être considéré comme hétérogène à
une échelle microscopique. Cependant un béton doit encore être considéré comme hétérogène à
l'échelle du centimètre, échelle des agrégats constitutifs, et devient homogène à l'échelle du mètre
qui correspond à des longueurs caractéristiques pour des structures de génie civil : bâtiments,
ponts, chaussées, etc.
Parlant d'un bout de tissu 1.4, on peut considérer qu'il est homogène ou hétérogène à l'échelle
d'un vêtement, mais il est sûrement hétérogène à l'échelle des bres.

D'un point de de vue mathématique, il faut remarquer que Λ est déni seulement sur l'ouvert


Ω. Il ne prend pas de valeurs sur la frontière ∂Ω ou sur une éventuelle surface de discontinuité
Σ.

Symétries générales de Λ

Comme Λ est un tenseur d'ordre quatre il s'écrit dans la base cartésienne (ei )3i=1 de R3 sous
la forme :
Λ = Λijkl ei ⊗ ej ⊗ ek ⊗ el i, j, k, l = 1, 3

et où on appelle les composantes Λijkl , modules élastiques.


14 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

Cette dernière relation implique que Λ a 3 × 3 × 3 × 3 = 81 composantes !

Compte tenu d'un certain nombre de symétries ces composantes ne sont pas toutes indépen-
dantes :
 le tenseur des contraintes σ est symétrique σij = σji ce qui implique que :

Λijkl = Λjikl i, j, k, l = 1, 3 (1.15)

 le tenseur des petites déformations ε est symétrique εij = εji ce qui implique que l'on peut
prendre :

Λijkl = Λijlk i, j, k, l = 1, 3 (1.16)

Suite a ces remarques, il résulte que Λ relie linéairement 6 champs scalaires des composantes du
tenseur des déformations ε avec les 6 champs scalaires des composantes du tenseur des contraintes
σ et a donc 6 × 6 = 36 composantes indépendantes.
Comme on va le voir dans la suite, on peut considérer Λ non seulement comme un tenseur
d'ordre 4 en R3 mais aussi comme tenseur d'ordre 2 en R6 . Ce qui implique qu'il est décrit en
chaque point pour un système des coordonnées xé par une matrice 6 × 6.

On suppose de plus que :

Λijkl = Λklij i, j, k, l = 1, 3 (1.17)

Autrement dit :

ε1 : C : ε2 = ε2 : C : ε1 ∀ε1 , ε2 (1.18)

ceci permet d'assurer que la matrices 6 × 6 décrite précédemment est symétrique et donc que Λ
présente seulement 21 composantes indépendantes.

Il est important de remarquer que cette symétrie assure en eet l'existence d'un potentiel ψ
pour le champs des contraintes :

∂ψ
σ = ρ0 (1.19)
∂ε
1
ρ0 ψ(ε, θ) = σ 0 : ε + ε : Λ : ε + ε : Aθ + f (θ) (1.20)
2

avec ρ0 le champ scalaire de la densité dans la conguration initiale. Ce potentiel va ensuite être
dénommé énergie potentielle en déplacements
On peut résumer que les trois relations de symétrie imposées à Λ conduisent à 21 modules
élastiques indépendants.
1.5. AUTRES ÉCRITURES DU TENSEUR D'ÉLASTICITÉ 15

1.5 Autres écritures du tenseur d'élasticité

     
σ11 C1111 C1122 C1133 C1123 C1131 C1112 ε11
 σ22   C1122 C2222 C2233 C2223 C2231 C2212   ε22 
     
 σ33   C1133 C2233 C3333 C3323 C3331 C3312   ε33 
 = ·  (1.21)
 σ23   C1123 C2233 C3323 C2323 C2331 C2312   2 ε23 
     
 σ31   C1131 C2231 C3323 C2323 C3131 C3112   2 ε31 
σ12 C1112 C2212 C3323 C2312 C3112 C1212 2 ε12

1.6 Propriétés du tenseur de dilatations

Un raisonnement similaire conduit à 6 composantes indépendantes pour le tenseur des dila-


tations A.

1.7 Inversion de la loi de comportement

La loi de comportement élastique est considère biunivoque. Par conséquent la relation entre
σ et ε est inversible en chaque point du domaine, ce qui permet d'écrire :

ε = Λ−1 : σ − σ 0 − Aθ (1.22)

Les composantes du tenseur Λ−1 sont aussi appelées coecients de déformabilité.

1.8 Positivité et Bornitude du tenseur d'élasticité

D'un point de vue physique il évident qu'il faut fournir une énergie positive mais nie au
corps élastique pour se déformer. D'un point de vue mathématique ceci s'exprime sous la forme
suivante :
 Positivité : il existe un Λ− ∈ R+ tels que pour tout tenseur de d'ordre deux symétrique (de
déformations) ε on a la relation suivante :
0 < Λ− ||ε|| ≤ ε : Λ : ε

 Bornitude : il existe un Λ+ ∈ R+ tels que pour tout tenseur de d'ordre deux symétrique
(de déformations) ε on a la relation suivante :
ε : Λ : ε ≤ Λ+ ||ε|| < +∞

Les dernières relations expriment tout simplement que le tenseur d'ordre quatre Λ ainsi que son
inverse Λ−1 sont strictement positifs.
Une conséquence directe de ces relations va être la convexité de l'énergie potentielle (en
déplacements) ainsi que la concavité de l'énergie potentielle complémentaire (en contraintes)
discutées dans le chapitre 4.
16 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

Fig. 1.5  Coupe d'une éprouvette dans une direction dénie par l'angle θ dans un matériau

0.1

δ(θ)
0.05

θ
-0.1 -0.05 0.05 0.1

-0.05

-0.1

Fig. 1.6  Allongement d'une éprouvette soumise à une force constante en fonction de la direction
dans laquelle elle a été coupée dans le cas d'un matériau isotrope
1.9. SYMÉTRIE MATÉRIELLE 17

0.1

δ(θ)
0.05

θ
-0.1 -0.05 0.05 0.1

-0.05

-0.1

Fig. 1.7  Allongement d'une éprouvette soumise à une force constante en fonction de la direction
dans laquelle elle a été coupé d'un matériau de symétrie cubique (exemple cristaux à symétrie
cubique, composite avec bres similaires tisses dans des directions orthogonales)

1.9 Symétrie matérielle

1.9.1 Essai de traction

On a vu aux paragraphes précédents que les propriétés matérielles de la thermoélasticité


linéaire sont dénies par :
 les 21 coecients du tenseur d'élasticité Λ
 les 6 coecients du de dilatations A
Pour les déterminer dans le voisinage d'un point où le matériau est supposé homogène, on imagine
la série d'expériences suivante : on coupe une éprouvette dans chaque direction e et on eectue
d'une part un essai de traction pour déterminer Λ et d'autre part un essai de dilatation A. Dans
la suite on va seulement décrire les expériences mécaniques, sachant que le raisonnement pour
les expériences de dilations est similaire.
Compte tenu de la forme allongée de la partie utile des éprouvettes on peut considérer que la
contrainte dans cette partie est de la forme :
F
σ = σe ⊗ e =
e ⊗ e
S 
En absence d'un échauement, θ = 0 le champs des déformations s'écrit :
ε = Λ−1 σ

ce qui conduit à une allongement relatif dans la directions e qui s'écrit sous la forme :
F
ε= e ⊗ e Λ−1 e ⊗ e
S 
18 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

Les coecients Λ−1 peuvent être obtenus à partir de ces relations par exemple par des techniques
dites de moindres carrées. En traçant cet allongement pour diérentes directions on obtient des
diagrammes identiques à ceux des gures ?? et 1.7.
On va parler de :
 isotropie s'il n'y pas de direction privilégiée ??
 anisotropie autrement.
Si on ne remarque aucune symétrie particulière, comme par exemple dans la gure 1.7 on
parle de symétrie matérielle retrouvée, par exemple symétrie cubique, isotropie transverse,
. . . . La symétrie matérielle est liée à la texture matérielle à l'échelle microscopique. Ainsi un

cristal à symétrie cubique va avoir des propriétés mécaniques à symétrie cubique, alors qu'un
paquet de bres longitudinaux, comme le tronc d'un arbre, va présenter un comportement
isotrope transverse.

1.9.2 Loi de comportement thermoélastique linéaire et isotrope

On rappelle que l'Isotropie : est dénie comme l'absence d'une direction privilégiée dans le
matériau. Dans ce cas, il est possible de démontrer mathématiquement de manière rigoureuse
que la forme de l'équation de comportement est nécessairement :

σ = σ 0 + λ(trε)1 + 2µε − (3λ + 2µ) α θ 1 (1.23)

On a utilisé les notations suivantes :


 λ, µ - les coecients de Lamé (3λ + 2µ > 0, 2µ > 0)
 α - coecient de dilatation thermique
L'Énergie potentielle en déplacements :, dénie pour l'instant comme un potentiel pour
les contraintes :
∂ψ
σ = ρ0
∂ε
est donnée par :

λ
ρ0 ψ(ε, θ) = σ 0 : ε + tr(ε)2 + µε : ε − (3λ + 2µ) α θ(trε) + f (θ)
2
La loi de comportement est inversible et sa forme inverse :

ε = f (σ, θ)

est plus précisément :


1+ν ν
ε= (σ − σ 0 ) − tr(σ − σ 0 )1 + αθ1
E E
On appelle :
 E - module de Young, ν - coecient de Poisson (E > 0, 0.5 > ν > −1)
 α - coecient de dilatation thermique

Exercices
1.9. SYMÉTRIE MATÉRIELLE 19

0.005 0.01

0 0

-0.005 -0.01

0.005 0.01

0 0

-0.005 -0.01

-0.005 -0.01

0 0

0.005 0.01

aluminium austenite

0.005
0.01

0.0025

0
0

-0.0025
-0.01

-0.005

0.005

0.01

0.0025

0 0

-0.0025

-0.01

-0.005

-0.005
-0.01
-0.0025

0 0

0.0025

0.01
0.005

Cuivre TiN

Fig. 1.8  Allongement d'un éprouvette en fonction de la direction matérielle choisie pour l'essai
pour diérents matériaux à symétrie cubique
20 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

 Relations de passages entre modules Etablir les formules suivantes :


µ(3λ + 2µ) λ
E= ν= (1.24)
λ+µ 2(λ + µ)
E Eν
µ= λ= (1.25)
2(1 + ν) (1 + ν)(1 − 2ν)

Démarrer en calculant la partie sphérique des rélations de comportement.


Indication
 Module de compressibilité Déduire du point précédent que le module caractérisant la
compressibilité du matériau est :

3λ + 2µ E
K= = (1.26)
3 3(1 − 2ν)
1
σmoyenne = trσ = K trε = K divξ (1.27)
3
 Module de cisaillement Déduire de la loi de comportement et de l'exercice de glissement
simple (PC - Mécanique des milieux continus) où le déplacement était déni par :

ξ = ax2 e1 (1.28)

que le module caractérisant le cisaillement est :

E
G = 2µ = devσ = Gdevε (1.29)
1+ν

On rappelle que le déviateur d'un tenseur est déni par : devA = A − 1


3 (trA) 1

Commentaires sur la positive dénition du tenseur des modules élastiques


La positive dénition et la bornitude du tenseur des modules élastiques Λ sont traduites en
élasticité linéaire et isotrope par les inégalités suivantes :

3λ + 2µ > 0 2µ > 0

et équivalent :
1
E>0 > ν > −1
2
D'un point de vue physique, on peut en déduire que :
 3λ + 2µ > 0 exprime le fait qu'un corps en compression sous une pression externe va voir
son volume diminuer.
 2µ > 0 exprime le fait que le glissement d'un corps soumis à un eort de cisaillement va avoir
la même direction que l'eort. C'est aussi le cas de la torsion d'une éprouvette cylindrique,
ce qui n'est pas surprenant, car il a été montré en PC du cours des mileux continus que la
torsion se traduit par un glissement entre les directions ez et eθ .
 E > 0 exprime le fait qu'on corps en traction va s'allonger et non pas se comprimer
1.10. EQUATIONS RÉGISSANT UN PROBLÈME DE THERMOÉLASTICITÉ LINÉAIRE ET ISOTROPE 21

E ν ρ α
[109 P a] [adim] [kg/m3 ] [10−6 /◦ C]
aluminium 71 0.34 2.6 23
acier 210 0.285 7.8 13
zinc 78 0.21 7.15 30
cuivre 100 0.33 7.15 17
béryllium 300 0.05 1.85 12
titane 105 0.34 4.5 9
granite 60 0.27 2.3-3 20
marbre 26 0.3 2.8 8
verre 60 0.2 - 0.3 2.5  2.9 3.4  5.9
plexiglass 2.9 0.4 1.8 80  90

Tab. 1.1  Caractéristiques thermoélastiques de quelques matériaux considérés comme isotropes

 1
2 > ν > −1 donne des bornes pour le rétrécissement ou la délation d'une éprouvette en
traction simple. Si :
1
 ν = la déformation volumique est nulle, le corps est incompressible et son volume ne
2
change pas, le matériau est donc incompressible.
 > ν > 0 signie qu'une éprouvette en traction simple diminue sa section (se rétrécit),
c'est le cas couramment observé dans les expériences.
 ν = 0, signie qu'une éprouvette en traction simple garde son rayon, c'est un cas excep-
tionnel. En réalité, seul le bérilium est connu pour présenter une telle propriété.
 0 > ν > −1, signie qu'une éprouvette en traction simple augmente sa section, l'se
gone ! Ce phénomène n'est pas observé pour des matériaux naturels, mais des matériaux
synthétiques avec une microstructure particulière (voir gure 1.9 ) peuvent avoir cette
propriété. Ils sont généralement fabriqués en silice et leurs propriétés sont exploitées pour
les micro-robots.

1.10 Equations régissant un problème de thermoélasticité linéaire

et isotrope

 cinématique (liaison), dans Ω :

1
ε = (∇ + ∇T )ξ (1.30)
2

 comportement, dans Ω :

σ = σ 0 + λ(trε)1 + 2µε − (3λ + 2µ) α θ 1 (1.31)

 dynamique / statique (traduisant l'équilibre des eorts) :


22 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

Fig. 1.9  Microstructure d'un matériau avec ν < 0. Une éprouvette d'un tel matériau diminue
sa section lors d'un essai de traction simple

 dans Ω :

divσ + f = ρ ξ̈ (1.32)
ou
divσ + f = 0 (1.33)

 sur ∂Ω :

σ·n=T (1.34)

 sur Σ : (éventuelle surface de discontinuité des contraintes :

[[σ · N ]] = µ[[V ]] (1.35)

1.11 Annexe : Un peu plus de thermodynamique pour les curieux

Une description complète des milieux continus dans le cadre de la thermodynamique [3, 6, 7, 11, 12]
montre que ψ est l'énergie libre du corps élastique dans laquelle l'état thermodynamique du corps est
dénie en chaque point par le champ des déformations ε et par le champ d'échauements θ. Dans cette
description complète, l'échauement θ n'est plus considéré donné comme eorts extérieurs, mais est
obtenu comme solution de l'équation de la chaleur.
Si on considère une énergie libre d'une forme générale ρ0 ψ(ε, θ) on obtient le potentiel correspondant
à la thermoélasticité linéaire comme les termes de premier ordre dans un développement en série Taylor
par rapport à ε et θ.

Si on introduit les notations suivantes :


 ρe - distribution volumique d'énergie interne
1.11. ANNEXE : UN PEU PLUS DE THERMODYNAMIQUE POUR LES CURIEUX 23

 ρψ = ρe − T s - distribution volumique d'énergie libre, où s est la distribution de l' entropie


 r - source volumique de chaleur
 q - densité surfacique de taux de chaleur reçue par conduction
on obtient les deux principes de la thermodynamique sous la forme suivante :
Conservation de l'énergie - Premier Principe de la Thermodynamique


d 1
ρ( ξ̇ · ξ̇ + e) dv = ξ̇ · f dv + ξ̇ · T ds + r dv − q · n ds
dt Ω 2 Ω ∂Ω Ω ∂Ω

Bilan d'entropie - Deuxième Principe de la Thermodynamique


d r q·n
ρs dv ≥ + dv − ds
dt Ω Ω t ∂Ω T

Thermoélasticité linéaire
Dans ce cadre, le comportement, à savoir une relation entre les déformations et les contraintes, cor-
respond à une forme donnée d'énergie libre. Pour obtenir les équations de la thermoélasticité linéaire, il
sut de faire une linéarisation de cette énergie libre :

ψ = ψ(gradξ, θ)

autour de la conguration initiale à la température T0 sous les hypothèse H.P.P.

Ainsi on obtient :
1 ρ0 2
ρψ(ε, θ) = σ 0 : ε + ε : Λ : ε + ε : Aθ − ρs0 θ − θ
2 2T0

∂ψ
σ = ρ
= σ 0 + Λ : ε + Aθ
∂ε
∂ψ c 1
s = −ρ = ρs0 + θ − A : ε
∂θ T0 ρ

On remarque que les formules postulées auparavant pour la relation de comportement sont respectées.
Cependant l'énergie libre, la vraie énergie du corps est diérente de l'énergie potentielle en déplacement.
Cette diérence :
ρ0 2
−ρs0 θ − θ
2T0
mesure la quantité d'énergie stockée et due à l'échauement θ.
Une autre remarque est que dans ce cadre la forme locale du Premier Principe de la Thermodynamique
est précisément l' Equation de la chaleur :


ρc − T0 ε̇ : A = div(k0 gradθ) + r
dt
24 CHAPITRE 1. RELATION DE COMPORTEMENT THERMOÉLASTIQUE LINÉAIRE

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