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Études photographiques, 10
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L’ h i s t o i r e p a r l a p h o t o g ra p h i e
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Études photographiques, 10
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rarement employée comme source his- Dans bon nombre de livres d’histoire,
torique. Étonnant paradoxe, en défini- écrits par des spécialistes dont la com-
tive, que celui de l’historien déplorant pétence et le sérieux sont indéniables,
l’absence de photographies antérieures cette photographie est souvent présen-
au XIXe siècle mais n’utilisant que très tée comme “Une colonne de femmes
peu, par ailleurs, les deux siècles de nues et d’enfants envoyés à la chambre
documentation qui sont à sa disposition. à gaz” (voir fig. 3). Parfois, une légende
Pour tenter de comprendre cette plus précise indique qu’il s’agit de l’en-
contradiction, il faut quitter le champ de trée dans la chambre à gaz de Treblinka26.
l’évocation généraliste du médium pour Un livre, qui n’est pourtant pas une
entreprendre l’analyse d’un cas précis : publication scientifique mais un ouvrage
celui des photographies des camps de de vulgarisation sensationnaliste réunis-
concentration et d’extermination nazis. sant les photos-chocs les plus célèbres
L’idée que les photographies des camps de l’histoire du reportage, donne des
puissent être utilisées comme exemples informations plus détaillées : « 800 000
peut paraître, au premier abord, diffici- juifs furent exécutés au camp de Tre-
lement acceptable. Il faut pourtant blinka. Ce document, un des seuls exis-
constater que cet ensemble disparate et tants sur ce camp de la mort, fut confié
protéiforme, rassemblant des images qui en 1958, par un rescapé du camp, au
ont fait l’objet de multiples usages et photographe Georges Melet qui effec-
mésusages, réunit la quasi-totalité des tuait un reportage dans le Marais, à Paris.
problèmes posés habituellement par la Acheminés dans des wagons à bestiaux,
photographie au travail historique et les femmes et les hommes étaient sépa-
constitue ainsi un incomparable panel rés dès leur arrivée dans la petite gare de
de cas d’école. Il faut également recon- Treblinka. Les femmes étaient emme-
naître que la gravité même du sujet, les nées avec leur enfant, dévêtues, tondues,
multiples débats éthiques et théoriques et dirigées vers les chambres à gaz situées
dont il fait régulièrement l’objet, opère au bout d’un chemin baptisé “le chemin
comme une sorte de catalyseur, puis du ciel” par les SS […]. » (Voir fig. 4.) Mal-
d’amplificateur des problématiques, les gré la précision des informations,
rendant ainsi, par la force des choses, authentifiées de surcroît par « un rescapé
plus aisément perceptibles et plus faci- du camp », cette légende ne correspond
lement analysables. pas à ce que représente la photographie.
Pour constituer les fonds documen-
L’archive photographique taires du musée de l’Holocauste à
L’exemple d’une photographie bien Washington, des équipes d’historiens
connue, parce qu’abondamment ont, pendant plusieurs années, par-
publiée, pourra servir de point de départ couru les archives du monde entier
(voir fig. 5). Elle représente un alignement conservant des matériaux relatifs à la
compact d’une trentaine de femmes et déportation et à l’extermination. C’est
d’enfants totalement nus, dans une petite ainsi qu’ils ont pu retrouver l’origine de
ravine, un creux dans la terre, à l’abri des cette image et lui réattribuer une
regards, sauf de celui du photographe. légende exacte (voir fig. 5). Issue d’une
13
Études photographiques, 10
Fig. 3.
Détail
de la page 24
de François
Bédarida,
Laurent
Gervereau (dir.),
La Déportation.
Le système
concentration-
naire nazi, Paris,
Musée d’Histoire
contemporaine/
BDIC,
1995,
coll. part.
série de cinq images, cette photogra- tion par balle dans une fosse en
phie a probablement été réalisée par un Ukraine. Qu’ils aient été exécutés par
membre de la police ukrainienne le 13 balle près de Rovno ou asphyxiés par le
ou 14 octobre 1942 au sud de Rovno, gaz à Treblinka, ces femmes et ces
en Ukraine, lors de l’exécution de mille enfants juifs ont, de toutes les manières,
sept cents juifs du ghetto de Mizocz. été victimes d’un même projet génoci-
Elle ne montre donc pas l’entrée d’une daire. La distinction semble infime,
trentaine de femmes et d’enfants dans presque imperceptible : leur sort fut la
une chambre à gaz de Treblinka ou mort, de toute façon. Mais du point de
d’ailleurs, mais l’attente de leur exécu- vue historique, en revanche, la diffé-
Fig. 4.
Pages 52 et 53
de Jacques
Borgé, Nicolas
Viasnoff,
L’Aristocratie du
reportage photo-
graphique, Paris,
Balland, 1974,
coll. part.
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rence est considérable. Les documents était “naturellement” renseignée (c’est- Fig. 5.
sur les exécutions de masse en Ukraine à-dire correctement légendée), et celui Photographe
et ceux sur les chambres à gaz de de sa réception où elle ne l’est plus ? Pour anonyme,
Pologne ne sont pas interchangeables. comprendre le dysfonctionnement du probablement
membre
S’il fallait démontrer la gravité de cette processus de transmission de l’informa-
de la police
confusion, il suffirait de songer un ins- tion, c’est son parcours dans l’archive
ukrainienne,
tant au scandale que provoquerait, dans qu’il faut interroger. femmes
la communauté historienne, une sem- Pour l’histoire des camps, l’archive et enfants juifs
blable permutation de documents est un problème en soi. Dans son intro- du ghetto
écrits. Les erreurs de ce type sont pour- duction au recueil intitulé Les Archives de de Mizocz avant
tant relativement courantes dans les la Shoah, Jacques Fredj remarquait que leur exécution,
ouvrages sur les camps : une image de les sources pour écrire l’histoire de ce Rovno, 13-14
la libération présentée comme la vie sujet étaient souvent « lacunaires, octobre 1942,
quotidienne lors de l’internement, une éparses et difficilement accessibles28 ». tirage
photographie de propa- argentique,
gande nazie considérée Archives
United States
comme un document ano-
Holocaust
din, une image de Buchen-
Memorial
wald légendée “Struthof”, Museum,
etc. Il serait aisé de multi- Washington.
plier les occurrences de ce
genre 27. Il ne s’agit pas,
cependant, de jeter l’op-
probre sur les auteurs de ce
qu’il faut bien nommer un
mésusage de l’image. Il
s’agit davantage, ici, de comprendre les Au sein de telles archives, la photo-
mécanismes de ces contresens. graphie constitue rarement une priorité.
Il ne fait guère de doute qu’à l’ori- Si bien que pour l’historien qui souhaite
gine, ces images étaient correctement travailler sur l’iconographie, les pro-
légendées. Les photographes qui les blèmes méthodologiques se trouvent
avaient réalisées connaissaient non seu- décuplés. Il n’existe pas, par exemple, à
lement la date et le lieu de prise de vue, l’heure actuelle, d’inventaire ou de guide
mais ils savaient, par la force des choses, des sources photographiques sur les
ce qu’elles représentaient. Dans le cadre camps29. Le fait qu’il existe une biblio-
de procédures administratives, juri- graphie intitulée “Fotografie und Holo-
diques ou militaires, certaines photo- caust”, réunissant les livres qui abordent
graphies prises dans les camps furent le sujet par l’image, et non un répertoire
même accompagnées, sur le moment, des fonds photographiques sur ce
de comptes rendus ou d’affidavits thème est encore une fois la preuve de
authentifiant leur contenu (voir fig. 1 et l’hégémonie de l’écrit sur le visuel30.
2). Que s’est-il donc passé entre le Il faut donc trouver l’archive, puis,
moment de la production, où l’image dans ses fonds, s’y retrouver. Car il
15
Études photographiques, 10
Fig. 6
(à gauche).
Éric Schwab,
jeune russe
de 18 ans atteint
de dysenterie,
Dachau,
fin avril-
début mai 1945,
archives AFP,
Paris.
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Fig. 8
(à gauche).
Couverture
de Hommage
aux déportés.
40e anniversaire,
Paris, Comité
national de
liaison des
anciens déportés
et internés
EDF-GDF, 1984,
marque du papier peut éventuellement photographie de la liquidation du archives
aider à la dater, le cachet d’un service ghetto de Mizocz. Dès sa découverte, Amicale
administratif révèle parfois la nature de en 1946, elle a été abondamment repro- des anciens de
la commande, etc. (voir fig. 11). Autant duite. Les générations de copies suc- Dachau, Paris.
d’éléments nécessaires à une approche cessives l’ont immanquablement cou-
Fig. 9
historique de l’image. pée de sa source : le véritable contexte
(au milieu).
Les campagnes de reproduction, de et la légende idoine ont alors été per- Photographie
microfilmage ou de numérisation mas- dus. Et lorsqu’il a fallu réattribuer d’Éric Schwab
sives de photographies lorsqu’elles sont l’image, il s’est trouvé que les témoi- recadrée et
faites sans précautions représentent gnages décrivant le processus d’exter- retouchée, s. d.,
donc une double perte d’information : mination à Treblinka – les femmes coll. part.
– Une perte des renseignements du contraintes à se déshabiller, le chemin
verso de l’image. Ainsi dépouillées de en forme de boyau qui conduisait à la Fig. 10
l’ensemble des informations qui les chambre à gaz – correspondaient à peu (à droite).
constituent en sources historiques, les près à ce que montrait l’image. Et cela a Affiche pour
images deviennent des documents “sans suffi pour qu’une image de Rovno l’exposition de
Yvelyne Wood,
qualité”, ce que l’historienne américaine devienne une image de Treblinka. Pour
“Les blessures
Barbie Zelizer appelle des « images sans éviter ces contresens, il sera donc néces-
de la mémoire”,
substance32” ou ce que Jorge Semprun saire de retrouver la valeur documen- 2000,
décrit comme des images “muettes33 ». taire originelle des photographies qui a coll. part.
– Une perte d’information au recto été enfouie sous les strates de leurs mul-
de l’image, puisque chaque génération tiples reproductions et usages succes-
de copie augmente le contraste, rédui- sifs. Il faudra, en somme, entreprendre
sant la gamme des gris et les détails à travers l’archive une véritable archéo-
intermédiaires qui s’y trouvent. Il n’est logie du document photographique.
ainsi pas rare de trouver dans les fonds L’historien qui utilise des documents
des reproductions de xieme génération écrits préfère généralement travailler
où dominent le noir et le blanc, et dont sur un texte original qui n’a pas été tra-
la lisibilité n’est guère supérieure à celle duit, transcrit, copié, recopié ou
d’une mauvaise photocopie. expurgé. Il en va de même pour celui
C’est très probablement ce proces- qui s’intéresse aux photographies.
sus de “désinformation” qu’aura subi la Toute recherche historique sérieuse qui
17
Études photographiques, 10
Fig. 11.
Revers
d’un tirage
de presse d’une
photographie
de la libération
d’Auschwitz,
1945,
archives
Documentation
française,
Paris.
voudra utiliser ces images comme sup- document mise à jour, il sera nécessaire
port de l’analyse ne pourra faire l’éco- de la soumettre à une analyse critique.
nomie d’une recherche de leur source.
Un préalable indispensable consistera Méthodologie
donc à retrouver un tirage de première L’historien sait combien il est
génération, le négatif de l’image, et dans important de s’interroger sur la nature
l’idéal les deux à la fois. Un tirage de de ses sources. Raul Hilberg le rappe-
première génération parce qu’il corres- lait d’ailleurs très récemment, dans un
pond, dans la plupart des cas, à ce que ouvrage entièrement consacré à une
le photographe (ou le service qui l’em- réflexion sur les Sources de l’Holocauste34.
ploie) a voulu montrer ; mais aussi parce Si la photographie n’a pas été oubliée
qu’il est souvent accompagné, au dos ou dans l’ouvrage, elle y tient cependant
dans un document attenant, d’informa- une place très accessoire. Il convient
tions précises sur l’opérateur, la date, le donc ici de dresser l’inventaire des
lieu, le sujet de la photographie, etc. Le questions à poser à la source photo-
négatif parce qu’il représente un état graphique et de rappeler un certain
brut de l’image non recadrée, non retou- nombre de précautions méthodolo-
chée et par conséquent beaucoup plus giques dont l’historien fait habituelle-
proche de ce qu’aura pu observer le pho- ment usage dans l’exercice de son
tographe ; mais également parce qu’il métier, mais qu’il oublie régulièrement
est généralement associé sur la pellicule lorsqu’il aborde les photographies.
à d’autres images qui peuvent en modi- C’est une évidence, mais il est
fier la lecture. Une fois cette racine du nécessaire de se la remémorer en guise
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Fig. 15, 16 cet environnement concerne le dispo- de propagande largement diffusée, qui
et 17. sitif technique de la prise de vue. Dans représentait les camps comme des
F. F. Bauer, le cas des photographies signalétiques centres de rééducation (voir fig. 14), à
portraits anthro- prises à l’entrée des détenus dans les un registre visuel à usage interne, res-
pométriques
camps de concentration, il est par treint et discret (les albums), s’explique
de détenus
exemple indispensable de comprendre aisément par l’intégration de la “main-
à Dachau,
tirage argentique,
qu’elles étaient réalisées selon un dis- d’œuvre” concentrationnaire à l’écono-
juin 1938, positif normé : pose de face, de profil et mie de guerre nazie (fig. 19). L’historien
archives de trois quarts, distance et éclairage devra donc s’employer à reconstituer le
KZ-Gedenkstätte invariables, inscription de son matri- contexte spatial et temporel du sujet
Dachau. cule et de son statut d’interné dans photographié. Nécessairement, il
l’image même, etc. La connaissance devra pour cela sortir du champ stric-
précise de cette procédure et de son tement photographique pour étudier
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les attentes dont elle est le réceptacle. l’image et témoignèrent de l’authenticité Fig. 18.
L’itinéraire d’une photographie prise à de la scène et de sa représentation pho- Couverture
Mauthausen, le 29 ou 30 juillet 1942 par tographique46. Il est à déplorer qu’il ait de l’album
le service photographique du camp, est ici – comme dans quelques autres cas – Frauen Konzen-
trationslager
à ce titre tout à fait exemplaire (voir fig. fallu attendre le déni négationniste pour
Ravensbrück
20). L’image représente le retour au camp entreprendre la nécessaire archéologie
(camp de
“en musique” d’un détenu – Hans Bona- de cette photographie. Il demeure néan- concentration
rewitz – après une tentative d’évasion. moins que le passage de la pédagogie de femmes de
Cette sinistre mascarade, orches- Ravensbrück),
trée par les surveillants nazis, se ter- fin 1940, début
minait généralement par l’exécution 1941,
de l’infortuné évadé afin de dissua- archives
der toute autre tentative similaire. Mahn- und
Dans l’immédiat après-guerre, où la Gedenkstätte
pédagogie par l’horreur était de Ravensbrück.
mise, l’environnement éditorial de
Fig. 19.
l’image insiste sur la terreur et l’ar-
“Lagerbetriebe”
bitraire concentrationnaires : les
(entreprises
photographies qui l’accompagnent du camp),
sont celles des charniers de la libé- page de l’album
ration et le texte qui la légende rap- de Ravensbrück,
pelle la chanson que jouait alors l’or- fin 1940,
chestre (“ J’attendrai toujours la nuit début 1941
et le jour, ton retour44”). Au fil des (photographie
diffusions successives, la légende est d’un SS),
de plus en plus succincte, la qualité archives
de l’image s’altère et elle accède ainsi Mahn- und
au statut d’icône de l’univers Gedenkstätte
Ravensbrück.
concentrationnaire45. Noyée dans le
flou des réduplications à répétition,
coupée des informations exactes qui
la constituaient en source histo-
rique, abondamment retouchée et
recadrée, l’image devenue icône semble par l’horreur, à l’usage symbolique de
avoir perdu sa substance documentaire l’image, puis au recouvrement de sa
précise. C’est dans ce contexte qu’un valeur documentaire est particulière-
négationniste autrichien – Udo ment intéressant : car il retranscrit le
Walendy – en contesta l’authenticité. En changement de la perception des
réponse, le Mémorial de Mauthausen et images, mais aussi plus largement l’évo-
l’Amicale des anciens déportés du camp lution de l’historiographie des camps.
lancèrent une enquête pour rétablir la S’il était, dans un premier temps, apparu
vérité et poursuivre Walendy en justice. nécessaire de débarrasser l’image des
Plusieurs rescapés se reconnurent sur multiples strates de ses usages successifs,
23
Études photographiques, 10
Fig. 20.
Photographe
du service
de l’identification
de Mauthausen,
retour au camp
d’Hans
Bonarewitz après
une tentative
d’évasion,
tirage argentique,
29-30 juillet
1942,
Amicale de
Mauthausen/
Centre
historique
pour lui redonner sa fonction docu- dès lors qu’il s’agit d’aborder la photo-
des Archives
mentaire originelle, il semble ici que graphie ? C’est là, en somme, revenir à la
nationnale, Paris.
celles-ci puissent, dans un second question initiale : pourquoi, parmi les
temps, constituer une sorte de “valeur sources courantes de l’histoire, la photo-
ajoutée” passionnante à étudier. graphie a-t-elle été laissée pour compte ?
La méthode critique qui vient d’être La complexité de l’archive photogra-
proposée diffère peu de celle qui est habi- phique a fourni un premier élément de
tuellement employée en histoire : cri- réponse. Mais il apparaît que l’historien
tique interne, critique externe, confron- est parfaitement équipé pour surmonter
tation, recoupement des sources, etc. Ce cette difficulté. Au-delà de ce problème
sont là les outils ordinaires de l’historien, pratique subsiste donc un véritable écueil
simplement adaptés aux particularités de théorique.
la photographie47. « Ni la critique des
témoignages oraux ni celle des photo- Du référent
graphies ou des films ne diffèrent de la au fait photographique
critique historique classique, écrit « La photographie emporte la convic-
Antoine Prost. C’est la même méthode, tion : comment la pellicule n’aurait-elle
appliquée à d’autres documents. Elle uti- pas fixé la vérité ? », écrivait Antoine
lise parfois des savoirs spécifiques – par Prost, dans ses Douze Leçons sur l’histoire49.
exemple une connaissance précise des Immanquablement, la photographie fas-
conditions de filmage à une époque don- cine par son aisance à “faire vrai”, elle
née. Mais c’est fondamentalement la hypnotise par son naturel pouvoir d’au-
même démarche que celle du médiéviste thenticité. Cet « effet de réel », selon l’ex-
face à ses chartes. La méthode critique pression de Roland Barthes, semble
est une, et c’est […] la seule méthode d’ailleurs faire l’objet d’un large consen-
propre à l’histoire48. » Comment expli- sus tant dans l’opinion populaire que
quer, alors, que l’historien, pourtant chez les théoriciens de la photographie50.
aguerri à cette méthode, semble l’oublier Il faut dire que les différents courants de
24
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Études photographiques, 10
chose en soi, livré tel par l’histoire à l’his- l’idéal de l’histoire positiviste du XIXe
torien, comme une sorte d’épiphanie siècle disparaissait au profit d’une his-
providentielle ; il relève davantage toire qui cherchait « à parler des struc-
d’une élaboration intellectuelle, d’une tures plus que des chronologies62 ». Il
position théorique. « Les faits, écrit s’agissait moins de raconter les choses
Lucien Febvre, pensez-vous qu’ils sont telles qu’elles s’étaient déroulées que de
donnés à l’histoire comme des réalités tenter de les comprendre. « La narration
substantielles que le temps a enfouies historique meurt parce que le signe de
plus ou moins profondément et qu’il l’histoire est désormais moins le réel que
s’agit de déterrer, de nettoyer, de pré- l’intelligible », conclut-il dans son
senter en belle lumière […] 57 ? » Ils sont article63.
Fig. 21, 22, davantage créés par l’historien, fabri- Cette « transformation idéolo-
23 et 24. qués à l’aide d’hypothèses et de conjec- gique » que décrit Barthes sans la nom-
Membre tures. Ainsi, le “fait brut” de l’histoire mer, c’est bien entendu celle entreprise
non identifié
positiviste se trouve remplacé par le “fait quelques décennies plus tôt par l’École
de la résistance
élaboré” de la Nouvelle Histoire. Et « ce des Annales et que poursuivait alors la
polonaise
d’Auschwitz
changement de statut du fait histo- Nouvelle Histoire. Mais si Barthes ana-
(Alex, Szlojme rique » constitue même, selon Olivier lyse parfaitement et semble même
Dragon, Dumoulin, « l’une des pierres de touche approuver ce passage du réel à l’intel-
Josel Dragon ou de la transformation de l’histoire au XXe ligible, cette remise en cause de la réfé-
Alter Szmul siècle58 ». rentialité, il n’a cependant guère envi-
Fajnzylberg), Curieusement, Barthes avait pour- sagé de l’appliquer à la photographie.
photographies tant parfaitement perçu et décrit la Certes, il a pu concevoir la possibilité
clandestines nécessité de remettre en cause « la toute- d’aller voir au-delà du référent, mais
prises autour puissance apparente du référent59 ». cela ne représentait que peu d’intérêt à
de la chambre Dans un texte de 1967, “Le discours de ses yeux : « Percevoir le signifiant pho-
à gaz et
l’histoire”, c’est en effet à partir de la réfé- tographique n’est pas impossible (des
du crématoire V
rentialité de la narration historique, professionnels le font), mais cela
de Birkenau,
août 1944,
c’est-à-dire de son attachement au réel, demande un acte second de savoir ou
archives que Barthes analyse la « transformation de réflexion64. » Tout fasciné qu’il était
Musée d’État idéologique60 » que connaît alors la dis- par le ça-a-été (« Je ne voyais que le
d’Auschwitz- cipline. La narration référentielle, cette référent », écrit-il65), Barthes se désin-
Birkenau. « prétention “réaliste61 » qui fut, selon lui, téressa ouvertement de cet « acte
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Études photographiques, 10
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L’ h i s t o i r e p a r l a p h o t o g ra p h i e
NOTES
Ces recherches ont été entreprises dans le cadre de sur elle-même” (propos recueillis par Michel
la préparation de l’exposition “Mémoire des camps. Guerrin), Le Monde, 23 avril 2001.
Photographies des camps de concentration et d’exter-
2. Cf. Peter BURKE, Eyewitnessing. The uses of
mination nazis (1933-1999)”, organisée par le Patri-
moine photographique. Une première version de cet Images as Historical Evidence, Londres, Reaktion
article a été présentée en conférence le 7 mars 2001 à Books, 2001, p. 9-10.
la Bibliothèque nationale de France dans le cadre du 3. Laurence BERTRAND-DORLÉAC, “Faire
cycle “Le XXe siècle des historiens”. Les auteurs tiennent l’histoire des pratiques artistiques”, Bulletin de
à remercier pour leur aide précieuse, leurs conseils et la Société d’histoire moderne et contemporaine, n° 1-
leur soutien, Pierre Bonhomme, Christian Delage, 2, 1997, p. 2.
Florian Ebner, Patricia Gillet, Arno Gisinger,
André Gunthert et Isabelle Neuschwander. 4. Ibid.
1. Cf. Benjamin STORA, “L’image nous ren- 5. Cf. Francis HASKELL, L’Historien et les Images
seigne plus sur la société qui la regarde que (trad. de l’anglais par A. Tachet et
29
Études photographiques, 10
L. Évrard), Paris, Gallimard, 1995 ; P. BURKE, (1919-1939), Nîmes, éd. J. Chambon, 1997, p.
op. cit. L’historiographie française a également 356-365 ; S. KRACAUER, History : Last Things
consacré plusieurs recueils à cette question : before the Last, Oxford, Oxford University Press,
Iconographie et Histoire des mentalités, Paris, Édi- 1969; Dagmar BARNOUW, Critical Realism. His-
tions du CNRS, 1979 ; Les Historiens et les Sources tory, Photography and the Work of Siegfried Kracauer,
iconographiques, Paris, Institut d’histoire Baltimore, Londres, The Johns Hopkins Uni-
moderne et contemporaine, CNRS, 1981 ; versity Press, 1994; Enzo TRAVERSO, Siegfried
Images et Histoire (actes du colloque de Paris- KRACAUER, Itinéraire d’un intellectuel nomade, Paris,
Censier, mai 1986), Paris, Publisud, 1987. Éditions de la découverte, 1994.
Signalons également le numéro spécial de
13. Stephen BANN, The Clothing of Clio : A study
Vingtième Siècle, sous la direction de Laurence
of the Representation of History in Nineteenth-Cen-
BERTRAND-DORLÉAC, Christian DELAGE et
tury Britain and France, Cambridge, Cambridge
André GUNTHERT, intitulé “Image et histoire”
University Press, 1994, p. 138, cité par John
(n° 72, octobre-décembre 2001).
TAGG, “The Pencil of History”, in Patrice
6. Georges SADOUL, “Valeur du témoi- PETRO (dir.), Fugitive Images. From Photography
gnage photographique”, in Charles SAMARAN to Video, Bloomington, Indianapolis, Indiana
(dir.), L’Histoire et ses méthodes, Paris, Gallimard, University Press, 1995, p. 300.
1986, p. 1449.
14. S. KRACAUER, “La photographie”, in
7. Cf. Jacques LE GOFF, Pierre NORA (dir.) O. LUGON, op. cit., p. 359.
Faire de l’histoire. Nouveaux objets, t. 3, Paris,
15. P. NORA, “Historiens, photographes :
Gallimard, 1974.
voir et devoir”, in Christian CAUJOLLES (dir.),
8. Voir, entre autres, les travaux de Marc Éthique, Esthétique, Politique, Arles, Actes Sud,
Ferro, Pierre Sorlin, Christian Delage et 1997, p. 48.
Antoine de Baecque.
16. Ibid., p. 47.
9. Cf. Raymond CHEVALIER, “Panorama des
17. Louis Cyrus MACAIRE, “Note relative à la
applications de la photographie aérienne”,
création d’une section de photographie au
Annales ESC, n° 4, 1963, p. 677-698 ; Alain
ministère d’État”, 5 février 1855 (Archives
DEWERPE, “Miroirs d’usine : photographie
nationales : F21 562), cité par André ROUILLÉ,
industrielle et organisation du travail : l’An-
La Photographie en France. Textes et controverses : une
saldo (1900-1920)”, Annales ESC, n° 5, 1987,
anthologie. 1816-1871, Paris, Macula, 1989,
p. 1079-1114.
p. 332.
10. Michel FRIZOT, “Faire face, faire signe.
18. Ibid., p. 333.
La photographie, sa part d’histoire”, in Jean-
Paul AMELINE, Face à l’histoire 1933-1996. L’ar- 19. Cf. Léon VIDAL, “Photographie natio-
tiste moderne devant l’événement historique, Paris, nale”, Le Moniteur de la photographie, 1878,
Flammarion/Centre Georges-Pompidou, p. 129-131.
Paris, 1996, p. 57. 20. Cf. “Musée des photographies docu-
11. Raul HILBERG, Holocauste : les sources de l’his- mentaires – Règlement”, Bulletin de la Société
toire (trad. de l’anglais (États-Unis) par Marie- française de photographie, 1894, p. 567-568.
France de Paloméra), Paris, Gallimard, p. 18- 21. Cf. H. D. GOWER, L. STANLEY JAST, W.
19. W. TOPLEY, The Camera as Historian, Londres,
12. Cf. Siegfried KRACAUER, “Die Photogra- Sampson, Low Marston, 1916. Nous n’avons
phie”, Frankfurter Zeitung, vol. 72, n°802-803, malheureusement pas pu consulter cet
28 octobre 1927, repris dans Olivier LUGON, ouvrage, mais il est décrit en détail par J.
La Photographie en Allemagne. Anthologie de textes TAGG, art cit., p. 285-303.
30
L’ h i s t o i r e p a r l a p h o t o g ra p h i e
22. Arlette FARGE, La Chambre à deux lits et le mérite d’indiquer la source de la reproduc-
cordonnier de Tel-Aviv, Paris, Seuil, 2000, 4e de tion (ce qui n’est malheureusement pas tou-
couverture. jours le cas dans les autres centres) ; elle
23. Jacques LE GOFF, “Mirages de l’histoire”, devient ainsi une sorte de répertoire icono-
La Recherche photographique, n° 18, printemps graphique permettant d’identifier l’origine
1995, p. 44. exacte d’une image.
30. Cf. Ute WROCKLAGE, Fotografie und Holo-
24. Ibid.
caust. Annotierte Bibliographie, Francfort, Fritz
25. Gilles CANDAR, Frédéric SORBIER (dir.), Bauer Institut, 1998.
“L’historien face aux photographies. Quelles
31. Cf. Marie-Anne MATARD-BONUCCI, “La
photos pour l’Histoire ?”, TDC. Textes et docu-
pédagogie de l’horreur”, in M.-A. MATARD-
ments pour la classe, n° 805, décembre 2000. Il
BONUCCI, Édouard LYNCH (dir.), La Libération
faut également signaler ici la thèse de Denis
des camps et le retour des déportés, Bruxelles, Édi-
MARÉCHAL, La Photographie : quelle source pour
tions Complexe, 1995, p. 61-73 ; Clément
l’histoire ? L’étude du cas français, thèse de 3e cycle
CHÉROUX, “‘L’Épiphanie négative’. Produc-
de l’Institut d’études politiques (sous la dir. de
tion, diffusion et réception des photogra-
J.-N. Jeanneney), 1986, et le texte de syn-
phies à la libération des camps”, in C. CHÉ-
thèse sur l’historiographie italienne de Luca
ROUX (dir.), Mémoire des camps, Photographies des
FANELLI, “La fotografia comme fonte storica”,
camps de concentration et d’extermination nazis
I Viaggi di Erodoto, n° 40, décembre 1999-
(1933-1999), Paris, Marval, 2001, p. 117-122.
février 2000, p. 12-23.
32. B. ZELIZER, op. cit., p. 201.
26. Cf. Serge KLARSFELD, Le Mémorial de la
déportation des juifs de France, Paris, Éditions 33. Jorge SEMPRUN, L’Écriture ou la vie, Paris,
Beate et Serge Klarsfeld, 1978. Gallimard, 1994, p. 262.
27. Divers autres historiens ont signalé des 34. Cf. R. HILBERG, op. cit.
erreurs similaires : cf. Barbie ZELIZER, Remem- 35. Il faut par exemple regretter que dans son
bering to Forget. Holocaust Memory Through the ouvrage sur la diffusion des photographies de
Camera’s Eye, Chicago, London, The Univer- la libération des camps – assurément l’un des
sity of Chicago Press, 1998, p. 119 ; S. KLARS- meilleurs sur la question – B. Zelizer (op. cit.)
FELD, Vichy-Auschwitz. Le rôle de Vichy dans la n’ait pas indiqué le nom des photographes
solution finale de la question juive en France - 1942, dans les légendes des images qu’elle publie.
Paris, Fayard, 1983, légendes de trois pho-
tographies du Vélodrome d’hiver dans le 36. Cf. Meyer LEVIN, In Search. An Autobiogra-
cahier hors-texte entre les pages 160 et 161 ; phy, London, Constellation Books, 1951 ;
Sybil MILTON, “The camera as weapon : Mikael LEVIN, War Story, Munich, Gina
documentary photography and the Holo- Kehayoff, 1997.
caust”, Simon Wiesenthal Center Annual, vol. 1, 37. Cf. R. HILBERG, Exécuteurs, victimes, témoins.
1984, p. 62. La catastrophe juive 1933-1945, Paris, Gallimard,
28. Jacques F REDJ , “Avant-propos”, Les 1994.
Archives de la Shoah, Paris, CDJC/L’Harmattan, 38. Ernst KLEE, La Médecine nazie et ses victimes
1998, p. 9. (Traduit de l’allemand par Olivier Mannoni),
29. La base de données informatiques du Arles, Actes Sud, 1999, p. 156-158.
musée de l’Holocauste à Washington (dont 39. Cf. Yves LE MANER, André SELLIER, Images
le fonds est en grande partie constitué de de Dora 1943-1945. Voyage au cœur du IIIe Reich,
reproductions de documents réalisées dans La Coupole, Centre d’histoire de la guerre et
les archives du monde entier) a cependant le des fusées, s. d. [1999].
31
Études photographiques, 10
41. Cf. Ilsen ABOUT, “La photographie au ser- histoire, Paris, Ellipses, 1996.
vice du système concentrationnaire natio- 48. Antoine PROST, Douze Leçons sur l’histoire,
nal-socialiste (1933-1945)”, in C. CHÉROUX Paris, Seuil, 1996, p. 66-67.
(dir.), op. cit., p. 35-40. 49. Ibid., p. 66.
42. Il existe à notre connaissance des albums 50. Cf. Roland BARTHES, “L’effet de réel”
similaires pour Auschwitz-Birkenau (2), [1968], Le Bruissement de la langue. Essais critiques
Buchenwald (2), Dachau (3), Ravensbrück IV, Paris, Seuil, 1984, p. 179-187.
(1), Stutthof (1). Cf. Sigrid JACOBEIT, “Foto-
grafien als historische Quellen zum Frauen- 51. Id., La Chambre claire. Note sur la photogra-
KZ Ravensbrück : Das Ravensbrücker ‘SS- phie, Paris, éd. de l’Étoile/Gallimard/Le Seuil,
Fotoalbum’”, in Insa ESCHEBACH (dir.), Das 1980, p. 16.
Frauenkonzentrationslager Ravensbrück : Quellen- 52. Ibid., p. 18.
lage und Quellenkritik, Berlin, Zentrale Univer-
53. Ibid., p. 120.
sitätsdruckerei der Freien Universität Berlin,
1997, p. 33-43 ; Ute WROCKLAGE, “Archi- 54. Ibid.
tektur zur ‘Vernichtung durch Arbeit’. Das 55. Ibid.
Album der ‘Bauleitung d. Waffen-SS u. Poli-
zei K.L. Auschwitz’”, Fotogeschichte, n° 54, 56. Cf. Michele GIORDANO, “Fotografia e
1994, p. 31-43 ; René KOK, “Het foto-essay”, storia”, Studi Storici, n° 4, oct.-déc. 1981, p.
Oorlogsdocumentatie’40-45, 1989, p. 162-177 ; 815-832. Giordano évoque ici l’article de
Anne FREYER, Peter HELLMAN, Jean-Claude Giulio BOLLATI, “Note su fotografia e storia”,
PRESSAC, L’Album d’Auschwitz, d’après un album inCarlo BERTELLI, G. BOLLATI (dir.), Storia d’Ita-
découvert par Lili Meier, survivante du camp de concen- lia. Annali 2. L’immagine fotografica 1845-1945, t.
tration, Paris, Seuil, 1983. 1, Turin, Einaudi, 1979, p. 4-55.
43. Pour le cas d’Auschwitz-Birkenau, voir 57. Lucien FEBVRE, Combats pour l’histoire,
T. SWIEBOCKI, Henryk SWIEBOCKI, “Vorwort Paris, Armand Colin, 1992, p. 115-116.
– Introduzione”, in Giuseppe Zambon (dir.), 58. Olivier DUMOULIN, “Fait historique”, in
Abels Gesichter - Volti di Abele, Francfort, Zam- André BURGUIÈRE (dir.), Dictionnaire des sciences
bon Verlag, 1995. historiques, Paris, Puf, 1986, p. 273.
44. Cf. Paul TILLARD, Mauthausen, Paris, Édi- 59. R. BARTHES, “Le discours de l’histoire”
tions sociales, 1945. [1967], Le Bruissement de la langue..., op. cit.,
45. Cf.Tadeusz MAZUR, Jerzy TOMASZEWSKI p. 175-176.
(dir.), 1939-1945. Nous n’avons pas oublié, Var- 60. Ibid., p. 177.
sovie, Éditions “Polonia”, 1961, p. 92 ; Hans
61. Ibid., p. 175.
MARSALEK, Mauthausen, Milano, La Pietra,
1977, couverture. 62. Ibid., p. 177.
46. Cf. “La négation des crimes nazis. Le cas 63. Ibid.
des documents photographiques acca- 64. Id., La Chambre claire, op. cit., p. 16.
blants”, Le Monde juif, n° 103, 1981, p. 96-107.
65. Ibid., p. 19.
47. Cf. Jacques PYKE, La Critique historique. Quel
long chemin à parcourir entre le témoignage et la syn- 66. Ibid., p. 50.
thèse, Louvain-la-Neuve, Academia-Erasme, 67. Id., “Photos-chocs”, Mythologies, Paris,
1992 ; Sophie C ASSAGNE , Christian Seuil, 1957, p. 105-107 ; “Le message photo-
32
L’ h i s t o i r e p a r l a p h o t o g ra p h i e
graphique” [1961], L’Obvie et l’Obtus. Essais cri- New York, Columbia University Press, 1981.
tiques III, Paris, Seuil, 1982, p. 9-24. 75. Au-delà de la simple réception fascinée
68. Id., “Le message photographique”, art. du référent, ce sont là quelques-uns des élé-
cit., p. 23. ments qu’une analyse du fait photographique
permet de révéler. L’étude plus développée
69. Cf. Claude LANZMANN, “Holocauste, la
que propose Georges D IDI -H UBERMAN
représentation impossible”, Le Monde, 3 mars
(“Images malgré tout”, in C. CHÉROUX, op. cit.,
1994, p. VII. ; id., “Parler pour les morts” (pro-
p. 219-241) explore davantage les pistes énu-
pos recueillis par G. Herzlich), Le Monde des
mérées ici.
débats, n° 14, mai 2000, p. 14-16 ; id., “La ques-
tion n’est pas celle du document, mais celle 76. Walter BENJAMIN, “Petite histoire de la
de la vérité” (propos recueillis par M. Guer- photographie” (trad. de l’allemand par A.
rin), Le Monde, 19 janvier 2001, p. 29 ; id., “Le Gunthert), Études photographiques, n° 1,
monument contre l’archive” (propos novembre 1996, p. 27-28. Ce passage repris
recueillis par D. Bougnoux), Les Cahiers de par Benjamin est extrait d’un texte de 1930
médiologie, n° 11, 2001, p. 271-279. Il faudra de Brecht intitulé : “Der Dreigroschen-pro-
cependant s’étonner qu’après ces propos zess. Ein soziologisches Experiment”. Selon
répétés contre l’image d’archive, Claude A. Gunthert (art. cit., note 68, p. 36), Brecht
Lanzmann, ouvre son dernier film, Sobibor, 14 attribuait la paternité de cette idée au
octobre 1943, 16 heures, par une photographie “marxiste Sternberg” à propos des usines
d’époque provenant du musée du camp. Ford.
70. F. BÉDARIDA, L. GERVEREAU (dir.), op. cit., 77. S. KRACAUER, Les Employés. Aperçus de l’Al-
p. 61. lemagne nouvelle [1929] (trad. de l’allemand
par C. Orsini), Paris, Éditions Avinus, 2000,
71. Cf. Jean-Claude PRESSAC, Auschwitz. Tech- p. 33-34.
nique and Operation of the Gas Chambers, New
York, The Beate Klarsfeld Foundation, 1989, 78. A. DEWERPE, “Miroirs d’usine : photo-
p. 423-424 graphie industrielle et organisation du tra-
vail...”, art. cit., p. 1080 et 1109.
.72. Les tirages contact ainsi que le texte qui
leur était associé sont aujourd’hui conservés
au Musée d’État d’Auschwitz-Birkenau. Les
négatifs n’ont pas été localisés. Il existe à
notre connaissance deux témoignages sur
cette opération dont des extraits sont don-
nés par T. SWIEBOCKA (Auschwitz. A History in
Photographs, Oswiecim, Bloomington, India-
napolis, Warsaw, The Auschwitz-Birkenau
State museum/Indiana University
Press/Ksiazka I Wiedka, 1999, p. 42-43) et
J.-C. PRESSAC (op. cit., p. 423-424).
73. Cf. “La résistance au K. L. Auschwitz”, in
Franciszek PIPER, T. SWIEBOCKA (dir.), Ausch-
witz. Camp de concentration et d’extermination,
Oswiecim, Panstwowe Muzeum Oswiecim-
Brzezinka, 1998, p. 217-292.
74. Cf. Randolph L. BRAHAM, The Politics of
Genocide. The Holocaust in Hungary, vol. I et II,
33
Fig.1. E. Muybridge, “Diving over man’s head” (travelling), planche de cyanotypes, n° 134-0, 34 x 57 cm, 1885,
coll. Photographic History Collection, National Museum of American History, Smithsonian Institution.
(Nota bene : les caractéristiques ci-dessus, communes aux planches de cyanotypes,
ne seront pas répétées pour les reproductions suivantes de l’article).