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Enfance

Espace postural et espace environnant (le schéma corporel).


Henri Wallon, Liliane Lurçat

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Wallon Henri, Lurçat Liliane. Espace postural et espace environnant (le schéma corporel).. In: Enfance, tome 15, n°1,
1962. pp. 1-33.

doi : 10.3406/enfan.1962.2278

http://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1962_num_15_1_2278

Document généré le 16/10/2015


Espace postural et espace environnant

( le schéma corporel )

par

Henri WALLON et Liliane LURÇAT

INTRODUCTION

L'image courante de l'espace est pour nos contemporains celle du


lieu aux limites indéfinies qui contient tout ce qui existe de la réalité
matérielle et toutes les forces qui agissent dans le monde. Cette image
est souvent considérée comme une intuition immédiate ou comme une
condition nécessaire de la réalité.
Cependant la conception de l'espace varie avec les civilisations : les
croyances des primitifs indiquent que dans un même lieu peuvent
coexister plusieurs objets à la fois, ou au contraire que le même objet
peut occuper à la fois plusieurs lieux de l'espace ; l'ubiquité ni la
coexistence locale ne sont gênants pour eux ; l'espace est une notion qualitative
plutôt qu'un ordre entre les objets ou entre les êtres. La conception de
l'espace varie également avec les systèmes philosophiques, d'Aristote à
Descartes, de Descartes à Leibnitz, de Leibnitz à Newton, etc.. c'est-
à-dire qu'elle varie aussi suivant les systèmes d'explication scientifiques.

Et elle varie encore si nous considérons la genèse des conceptions usuelles


de l'espace. Loin d'être une notion primitive, l'espace courant est une
construction où interviennent différents facteurs que l'on peut rapporter
à différentes sensibilités ; ces accords sont très précoces et ainsi ils
échappent en grande partie aux investigations du psychologue. Les
synthèses élémentaires intersensorielles et interposturales commencent avec
les premiers gestes de l'enfant, elles occupent les deux premières années
en passant par des niveaux progressivement très différents. La réalité
devant laquelle nous nous trouvons est déjà le produit de combinaisons
primaires et les sensibilités kinesthésiques qui répondent aux
déplacements de notre corps sont déjà étroitement unies à l'espace ambiant
où nous localisons l'existence des objets, et où se déploient nos actes.
Le terme corrélatif de l'espace ambiant a été systématisé sous le
nom de schéma corporel, mais les interférences des deux sont telles,
par exemple entre l'image corporelle de soi et celle des autres, les
impressions d'ordre proprioceptif sont si étroitement combinées, que la
notion de corps propre est souvent diffile à démêler des existences
objectives, que le schéma corporel reste une notion ambiguë et flottante,
variable d'ailleurs avec les auteurs. On l'a considéré comme une chose
existant à priori, on s'est demandé quelle était la conscience qui répondait
au corps, on est parti de l'anatomie et on a eu l'air de considérer
2 H. WALLON et L. LURÇAT

qu'il y avait une conscience de chaque partie du corps comme telle.


Peut-être la présente étude éclairera-t-elle le problème.
Nos recherches ont montré . que le schéma corporel ne coïncidait
pas forcément avec le corps anatomique, mais que dans le schéma
corporel il y avait des rapports d'ordres divers dans l'espace, espace postural
et espace ambiant, et que l'on ne pouvait pas étudier le schéma corporel
sans faire intervenir la position du corps dans l'espace et sans définir
les rapports du corps avec l'acte mimé et avec l'acte sur les objets avec
la personne d'autrui, avec un mannequin, et on a obtenu, suivant qu'il
s'agit d'imitation ou d'ordre verbal, des résultats différents.
Finalement les épreuves de notre travail ont consisté à déterminer la
prise de conscience de soi et d'autrui, du geste sur soi et du geste sur objet,
des directions à repérages différents. Il faudra ajouter d'autres distinctions.
Dans l'espace postural, interviennent aussi des états d'équilibre, des états
affectifs, il ne coïncide pas lui non plus rigoureusement avec les organes, il s'y
ajoute suivant les cas des états d'appréhension, de dilatation satisfaite ou
de rétraction sur soi. L'espace postural et le schéma corporel qu'il anime
n'est pas un ensemble fermé, c'est un tout dynamique qui peut varier
avec les rapports de l'être vis-à-vis de soi-même et vis-à-vis d'autrui et à
l'égard des objets. Deux termes en présence, d'une part l'espace ambiant où
nous rangeons les choses et nous-mêmes, d'autre part, le résultat de ces
sensibilités rapportées à nous-mêmes et qui constitue ce qu'on appelle
communément le schéma corporel. Cette opposition entre espaces n'empêche
pas que les deux termes soient étroitement imbriqués l'un dans l'autre.
Deux points de vue : le point de vue génétique où ils se combinent, et le
point de vue de la conscience qui les distingue et qui les éprouve d'une
façon plus ou moins systématique. Notre étude va porter sur ces
combinaisons des deux facteurs, l'espace postural et l'espace ambiant qui sont
indivisibles et complémentaires, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de représentation
de l'espace sans l'étude des relations qui existent entre ces deux termes et
qui se développent encore, se précisent et se différencient à l'âge pré-scolaire.

Dans les rapports de l'espace postural et de l'espace ambiant il


y a différents niveaux. Il y a d'abord les gestes orientés par l'habitude ou
par l'automatisme et la prise de conscience de leur adaptation aux
directions de l'espace. Il y a les actes qui ont une motivation extérieure à
l'automatisme et qui sont l'adaptation objective à l'espace ambiant. Il y a
l'acte symbolique ou fictif qui doit se passer de la présence réelle de l'objet
qui est un degré plus élevé que l'automatisme, il est conditionné, non pas
par habitude, mais par un objet de l'espace, qui est supposé dans l'espace,
mais qui est absent. Tout cela répond à des niveaux différents du
dynamisme corporel. Dans un cas il y a autonomie relative du mouvement, dans
l'autre cas, il y a adaptation nécessaire du mouvement ou des attitudes à
des directions concrètes ou vers des objets situés dans l'espace, et, troisième
niveau, le mouvement doit s'exécuter sans objet, mais avec objet imaginé,
d'où ressemblance à la fois au mouvement automatique, qui est exécuté
pour lui-même et au mouvement objectif, qui est exécuté en vue d'un but
perceptible.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 3

Nos expériences ont porté sur quatre séries d'épreuves.' Le modèle


était donné par l'intermédiaire d'un mannequin articulé auquel
l'expérimentateur imprimait différentes attitudes que l'enfant devait imiter. Le
modèle représentait premièrement des gestes subjectifs, appelés ainsi parce
qu'ils n'ont pas d'autres motifs qu'eux-mêmes, l'enfant doit imiter ou
exécuter des mouvements des bras et des jambes mettant en jeu de façon
diverse les différentes directions de l'espace. Nous avons étudié, dans cette
série, des gestes croisés par rapport à l'axe du corps, droite gauche, gauche
droite. La seconde série comportait des gestes que nous avons appelés
objectifs parce qu'ils se référaient à des actes ou à des objets extérieurs,
ici encore nous avons des épreuves de gestes croisés. Après le modèle fourni
par l'expérimentateur, l'enfant est appelé à manipuler lui-même le
mannequin et à lui donner des positions diverses, puis à réaliser lui-même
ces positions. Ensuite, l'expérimentateur intervient en posant des questions
à l'enfant, en le priant d'indiquer sur lui-même et sur le mannequin ou
sur l'expérimentateur, les différentes parties du corps. C'est un complément
verbal de l'épreuve qui permet de reconnaître l'identification de son schéma
corporel.
Quelques-unes de ces recherches, celles relatives aux mouvements
subjectifs, se sont rencontrées, mais sans aucune influence réciproque, avec
certaines de celles que Mlle Irène Lézine a poursuivies sous le nom de gestes
d'imitation. Nous devons également citer, antérieurement à nous, le
docteur Tournay, qui a utilisé avec des enfants déficients moteurs, en
particulier des paralysés, un mannequin pour les rééduquer. Notre but était
différent de celui poursuivi par Mlle I. Lézine, qui s'est surtout souciée
d'étalonner, en fonction de l'âge, les différentes épreuves qu'elle utilisait afin
de les proposer comme tests de développement moteur. Le docteur Tournay
s'est attaché essentiellement à des fins thérapeutiques. Pour nous, le problème
était autre, c'était de voir les rapports qui existent entre les différents
espaces, celui du corps, celui de l'espace ambiant. Notre but se réfère
surtout à la Psychologie génétique, qui essaye de retrouver au cours de
l'activité de l'enfant les différentes combinaisons d'où résultent les conceptions
courantes de l'individu physique dans ses rapports avec l'espace ambiant.
Pour rendre la recherche plus objective, et pour éviter l'intervention
d'éléments affectifs qui pourraient être liés à des iientifications entre
l'expérimentateur et l'enfant, nous avons utilisé un mannequin articulé, d'une taille de 32 cm,
susceptible de figurer toutes les combinaisons d'attitudes et de mouvements. Il
était fait de pièces mobiles les unes sur les autres, sans ressemblance excessive
avec 'te corps humain, de manière à isoler les gestes d'une morphologie trop
figurative. Ainsi voyons-nous à l'état pur des gestes et leurs rapports avec les directions
de l'espace. Les résultats obtenus à l'aide du mannequin ont été contrôlés et
élargis par des épreuves relatives les unes au schéma corporel proprement dit, les
autres à des objets appartenant à l'espace ambiant ou supposés y être, c'est-à-
dire relevant de l'activité réelle ou de la fiction.
Dans le relevé des résultats, nous donnerons une classification qui distingue
des catégories d'enfants suivant l'âge et suivant qu'ils sont encore à l'école
maternelle ou qu'ils sorit passés à l'école primaire. Certaines épreuves sont
constamment réussies par les enfants de l'école primaire, il sera donc inutile de répéter
les résultats devenus tous positifs. Par contre, nous avons cru plus en rapport
avec leur distribution de faire de nos tableaux d'ensemble deux groupes à l'école
maternelle et trois à l'école primaire. Certains résultats présentent à
l'école maternelle une progression suivant six groupes d'âge s'échelonnant de six
mois en six mois, puis de trois en trois mois.
4 H. WALLON et L LURÇAT

Nombre d'enfants : 356 âgés de 2 ; 11 à 13 ; Ecole maternelle 188 enfants,


soit 89 de 2 ;11 à 4 ;7 et 99 de 4 ;8 à 6 ; Ecole primaire : 168 enfants, 52 de deux
cours préparatoires âgés de 6; à 7;5 ; 60 de deux classes élémentaires première
année, âgés de 7;6 à 8;5. 56 venant de différentes classes âgés de 9 et plus.
Les plus âgés ayant 13 ans et en fort petit nombre. Ce dernier groupe a servi
de comparaison. Pour les observations ne concernant que les enfants de l'école
maternelle la répartition est la suivante. Six groupes de 2 ;11 à 6 ; groupe 1.
25 enfants de 2;11 à 3;5, groupe 2, 26 de 3 ;6 à 4 ; groupe 3, 38 de 4;1
à 4;7, groupe 4 ; 38 de 4;9 à 5;2, groupe 5 26 de 5;6 à 5 ;9 et groupe 6,
35 enfants de 5;10 à 6 ans.

Classement des consignes en fonction des types d'épreuves :

1. Mouvements subjectifs des bras et des jambes :


1) Mouvements symétriques des bras
a) verticaux en l'air
b) horizontaux sur le côté
c) horizontaux de face.
2) Mouvements asymétriques des bras
a) droit vertical, gauche horizontal de face
b) droit vertical, gauche horizontal de côté
c) gauche vertical, droit horizcnta de face
d) gauche vertical, droit horizontal de côté
3) Mouvements croisés subjectifs
a) main arotte joue gauche
b) main gauche joue droite
c) main droite cuisse gauche
d) main gauche cuisse droite

4) Mouvements des jambes


a) jambe droite horizontale
b) jambe gauche horizontale
c) genou droit plié
d) genou gauche plié

IL Mouvements objectifs des bras et des jambes :


5) Gestes concrets des bras
a) il porte un parapluie (main droite)
b) il mange (main droite)
c) il dit bonjour (main droite)
d) il écrit (main droite)
6) Gestes concrets des jambes
a) il donne un coup de pied (droit)
b) il saute (pieds joints, bras en arrière)
c) il court (jamba droite en avant, bras gauche en avant, droit
en arrière)
7) Gestes concrets, mains jambes
a) il lace son soulier (genou droit levé, plié, deux mains à la
chaussure) ;
b) il se gratte le genou (main droite genou gauche)
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 5»

8) Mouvements croisés objectifs


a) il ramasse un. papier (à gauche de la main droite au sol)
b) il le pose (niveau de la taille, à droite de la main gauche)
c) il prend un pot de confiture sur une étagère (niveau de la
tête', à gauche, de la main droite)
d) il prend un livre sur une armoire (à droite, de la main
gauche, bien au-dessus de la tête).

III. Manipulation et imitation :


9) Manipulation, simple
a) Pais-le manger avec sa main à lui
b) fais-lui dire bonjour
c) fais-lui mettre son chapeau.
10) Manipulation suivie d'imitation
a) Penche-le en arrière
a') mets-toi comme lui
b) penche-le en avant
b mets-toi comme lui
c) penche-le sur son côté gauche à lui
c') mets-toi comme lui
d) panche-le sur son côté droit à lui
d' mets-toi comme lui
e) fais-lui toucher l'épaule droite avec la main gauche
e') mets-toi comme lui
f) fais-lui toucher le genou gauche avec la main droite
f ') mets-toi comme lui
g) fais-lui montrer le chemin avec sa main
g') mets-toi comme lui
h) fais-lui enioncer un clou avec un marteau, de quelle main
tient-il le clou ?
h' mets-toi comme lui

IV. Questionnaire :
1) Montre-moi sur le bonhomme : a) son épaule droite ; b) son bras
gauche , c) son genou droit ; d) son pied gauche.
2) Montre-moi : a) ton bras droit ; b) celui du bonhomme ; c) mon bras
droit.
3) A quoi reconnais-tu ma main droite ?
4) Quand tu es en face de quelqu'un, est-ce que sa main droite est
du même côté que la tienne ?

PREMIÈRE SÉRIE, MOUVEMENTS SUBJECTIFS

1) Mouvements symétriques des bras et des jambes :

Tous les mouvements symétriques (verticaux en l'air, horizontaux de


côté, horizontaux de face) sont réussis par les enfants de l'école primaire,
c'est-à-dire à partir de six ans. Il n'y a d'échecs, assez rares, que chez les
enfants de l'école maternelle, les échecs consistant en confusions devant
derrière, l'enfant portant les bras derrière lui au lieu de les porter en avant.
D'autres fois, ils limiteront le geste aux seuls avant-bras ; enfin, il y a eu des
refus dont la signification est étudiée plus loin.
6 H. WALLON et L. LURÇAT

2) Mouvements asymétriques des bras :


Nous y relevons beaucoup plus d'erreurs. Celles des mouvements
symétriques se retrouvent, confusions devant derrière assez rares, utilisation
d'une seule main. Et une erreur qui ne pouvait pas se produire dans les
mouvements symétriques, celle du miroir. Il est remarquable qu'elle
augmente d'âge en âge et qu'elle se perpétue à l'école primaire. Il semble
qu'il y ait l'âge du miroir, par influence du modèle, copié littéralement,
c'est-à-dire sans rectifications par référence hétéro-posturale, et par
prépondérance des références auto-posturales sur la réalisation visuelle.

3) Mouvements croisés subjectifs :


Les mouvements croisés donnent lieu à des erreurs qui varient avec l'âge.
A l'âge le plus jeune (2;11 à 3;3), l'homolatéralité, c'est-à-dire l'action du
bras dans le champ correspondant, droit pour les membres droits, gauche pour
les membres gauches, tend à l'emporter, comme si l'axe du corps déterminait
une préférence homolatérale. Ce genre d'erreur régresse avec l'âge, apparaît
la réaction en miroir. Le miroir répond à la dominance sur la latéralité
d'une image où intervient un contrôle visuel, il se situe donc entre les
déterminations purement spatiales du mouvement subjectif et le moment où
l'enfant devient capable d'interpréter une image visuelle par la notion du
vis-à-vis et la rectification qui peut s'ensuivre pour l'assimilation du corps
propre et du corps d'autrui.
Ces mutations ne sont pas d'un bloc. Elles sont relatives au genre de
mouvement, elles sont plus précoces pour les mouvements subjectifs, c'est-
à-dire que chez le même enfant, elles se produisent à des dates différentes
suivant la tâche à exécuter.

Tableau

homolatéralité et miroir dans les gestes croisés subjectifs

Groupe 1 : 89 enfants de 2;11 à 4;7 Groupe 2 : 99 enfants de 4;8 à 6


a b c d a b c d
Homolatéralité % ..47 47 53 47 Homolatéralité % ..43 43 48 42
Miroir % 33 33 21 27 Miroir % 61 66 61 78

Groupe 3 : 52 enfants de 6;5 à 7 ;5 Groupe 4 : 60 enfants de 7 ;8 à 8;5


a b c d a b c d
Homolatéralité % .. 32 25 34 17 Homolatéralité % .. 23 25 20 18
Miroir % 65 73 61 80 Miroir % 71 73 66 70

Groupe 5 : 56 enfants de plus de 9 ans


a b c d
Homolatéralité % . . 0 0 0 0
Miroir % 55 60 55 55
Réussite % 33 35 41 42

Ces gestes croisés subjectifs correspondent à : a) main droite joue


gauche, b) main gauche joue droite, c) main droite cuisse gauche, d) main
gauche cuisse droite.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 7

4) Mouvements subjectifs des jambes :


Les mouvements subjectifs des membres inférieurs posent de nouveaux
problèmes en raison de la tendance à alterner le mouvement des deux
jambes. Si la première jambe qui exécute le mouvement est la bonne, toute
la série sera une réussite ; mais si, au contraire, l'enfant a levé d'abord la
jambe qui ne convenait pas, l'alternance naturelle dans les mouvements
des membres inférieurs entraînera l'erreur de toute la série. Il y a aussi
des cas où c'est toujours la même jambe qui répète le même mouvement
ceci sans doute pour des raisons d'équilibre, chaque jambe ayant une
fonction particulière, la droite l'initiative motrice, la gauche stabilisant le
corps (1). Il y a donc deux sortes de réussites, ljme fortuite, l'autre résultant
d'un progrès de la conscience corporelle, la réussite fortuite ayant tendance
à diminuer dans la période du miroir (2).

Tableau
des mouvements subjectifs des jambes pour l'ensemble des enfants
Groupe 1 : 89 enfants de 2)11 à 4;7 Groupe 2 : 99 enfants de 4;8 à 6
a b c d a b c d
Miroir % 41 40 47 86 Miroir % 65 58 70 63
Répétition. % 59 63 57 Répétition % 50 29 47
Réussite % 40 25 23 20 Réussite % 30 21 17 14

Groupe 3 : 52 enfants de 6)5 à 7 ;5 Groupe 4 : 60 enfants de 7;6 à 8;5


a b c d a b c d
Miroir % 57 57 73 75 Miroir % 70 71 83 86
Répétition % 34 21 19 Répétition % 11 11 5
Réussite % 11 7 5 5 Réussite % 18 11 8 5

Groupe 5 : 56 enfants de plus de 9 ans


a b c d
Miroir % 41 51 35 32
Réussite % 55 46 62 63

La comparaison entre les enfants qui alternent le lever des deux jambes,
soit en miroir, soit par réussite, celle-ci pouvant être due au hasard de la
jambe levée la première ; et ceux qui répètent le lever de la même jambe,
montre que les deux cas peuvent entre-mêler leurs effets. Mais certains font
indiscutablement de la vraie persévération, c'est-à-dire qu'ils lèvent quatre
fois de suite la même jambe, d'autres font conjointement alternance et

N° i, (1)1958,
Equilibre
Henristatique,
Wallon,équilibre
Eugénie enEvart
mouvement,
Chmelniski
doubleRachel
latéralisation
Sauterey.in Enfance,
(2) Notre travail étant déjà élaboré, nous avons pris connaissance des recherches
faites par Mme Spionek de Varsovie sur les façons différentes suivant l'âge de réagir à
une consigne motrice qui met en cause la distinction de la droite et de la gauche.
Les enfants les plus jeunes réagissent en miroir, ensuite c'est l'alternance qui entre en jeu
donnant une réussite ou un échec suivant que le premier geste initié répond à une
latéralisation correcte ou non. Enfin, l'enfant a pris conscience de la droite et de la gauche
sans référence mutuelle et devient capable de se corriger si par hasard il a commencé
par une erreur.
8 H. WALLON et L. LURÇAT

répétition. L'alternance progresse avec l'âge, la persévération se maintient


ou régresse, ainsi que la répétition partielle. L'alternance peut être du même
niveau que le miroir, elle peut aussi être détachée du modèle, c'est alors une
succession proche du rythme physiologique. La persévération est liée à
l'équilibre de la marche. L'alternance et la répétition qui vont de pair se font le
plus souvent de la façon suivante : l'enfant lève une jambe, puis l'autre, il
répète le lever de la seconde jambe, puis il change de nouveau. Il semble qu'il
y ait un conflit entre l'équilibre et l'alternance, qui se résoud dans le sens
de l'alternance.

Tableau

concernant les six groupes de l'école maternelle

Enfants faisant de deux à quatre répétitions de la même jambe.


groupes 12 3 4 5 6
% 44 46 50 39 34 28

Enfants faisant quatre répétitions de la même jambe.


groupes 12 3 4 5 6
% 12 15 7 5 3 8

Enfants faisant de l'alternance.


groupes 1 2 3 4 5 6
% 20 34 42 52 65 68

Réussite par automatisme et réussite par choix :

Ce qui paraît l'emporter, c'est l'alternance, mais ce n'est pas encore


l'alternative où il y a un choix à réaliser entre l'un et l'autre côté, ceci
démontre les différents niveaux de l'acte. L'alternance est un facteur en
rapport avec l'activité que vient de déployer le sujet, c'est le sentiment de
la dualité ou du couple qui différencie et qui unit le mouvement des deux
côtés du corps. C'est en rapport en partie avec la kinesthésie, en partie avec
la forme de l'acte. L'alternance est plus précoce pour les membres
inférieurs où le couple des deux jambes est plus automatique. L'alternance met
en jeu la parité et la différence des deux côtés, elle suppose un changement
et une ressemblance (exécution d'un côté et de l'autre).
L'alternance se rencontre dans l'automatisme (alternance de la marche
par exemple), et l'alternative est un acte, c'est un choix entre deux actes. Il
peut y avoir à l'origine confusion partielle des deux, par exemple, dans
l'apprentissage du labyrinthe ; si ce n'est pas à droite, c'est à gauche. Mais
l'alternative se dégage rapidement de la simple alternance, en figurant une double
possibilité ou les deux termes d'une même possibilité entre lesquels il est
possible de choisir.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 9

Commentaires sur les mouvements subjectifs des bras et des jambes :


Série 4. — Gestes croisés subjectifs :
les miroirs sont très rares chez les jeunes, forte proportion d'homolatéralité
alternée de la gauche puis de la droite. L'évolution se fait par une augmentation
progressive du pourcentage de miroirs non seulement dans la perspective
génétique, mais également dans la succession des actes ; chez les enfants;
les plus âgés de l'école maternelle, diminution progressive de l'homolatér alité
et augmentation progressive des miroirs dans la succession des quatre gestes.
Chez les enfants de l'école primaire, le miroir domine nettement.

Série 6. — Gestes des jambes :


les réussites sont dues chez les plus jeunes au hasard du lever de la première
jambe puis à l'alternance. L'équilibre et l'alternance sont parfois en conflit,
l'équilibre tendant à favoriser la répétition du lever de la même jambe,
l'alternance étant plus proche du mouvement de la marche. Avec l'âge évolution
vers le miroir. Le choix de la jambe équilibrante est nettement la gauche
chez les droitiers (rôle1 de soutien et de stabilisation du côté gauche).

DEUXIÈME SÉRIE : MOUVEMENTS OBJECTIFS

5) Gestes concrets :
Pour les gestes concrets, on pourra s'étonner que dans l'une des séries,
la série 5, toutes les épreuves sont prescrites pour la main droite. Comme il
s'agissait d'actes concrets, nous n'avons pas voulu mettre en conflit, chez la
plupart des enfants qui sont droitiers, les habitudes avec les faits d'imitation
qui leur sont demandés. Effectivement, il est frappant de voir que, malgré cette
supériorité donnée à la main habituellement dominante, les faits de miroir,
c'est-à-dire la prédominance du modèle visuel, soient aussi nombreux. Nous
assistons à un conflit qui tend à opposer l'image d'tin geste et la
suggestion de l'acte commandé qui se complète et se concrétise dans l'image de
sa réalisation totale. L'enfant invité à dire bonjour complète le geste, invité
à écrire, il cherche un crayon pour exécuter réellement l'acte.

Tableau

Réussite et miroir dans la série 5

Groupe 1 : 89 enfants de 2; 11 à 4;7 Groupe 2 : 99 enfants de 4; 8 à 6


à b c d a b c d
Réussite % 55 57 64 60 Réussite % 24 27 31 32
Miroir % 31 23 22 16 Miroir % 71 68 64 52

. Groupe 3 : 52 enfants de 6; 5 à 7; 5 Groupe 4 : 60 enfants de 7 ; 6 à 8; 5


a b c d a b c d
Réussite % 30 26 28 50 Réussite % 21 23 28 45
Miroir % 67 71 71 46 Miroir % 78-76 71 55

Groupe 5 : 56 enfants de plus de 9 ans


a b c d
Réussite % 37 35 64 78
Miroir % 66 64 46 21
10 H. WALLON et L. LURÇAT

Ces gestes concrets correspondent aux actes suivants : a) il porte un


parapluie (main droite levée) ; b) il mange (main droite à la bouche) ; c) il dit
bonjour (main droite agitée) ; d) il écrit (geste d'écrire de la main droite).

Série 6, gestes concrets des jambes :

L'épreuve (1) consiste à imiter les moments d'un acte complet qui suppose
une succession dans l'espace et dans le temps. Les enfants les plus jeunes
sautent ou courent réellement par ce réalisme qui consiste à rendre effectif
l'acte suggéré. C'est, en outre, l'obéissance à une consigne verbale, qui
provoque l'acte automatiquement par incapacité à fractionner l'ensemble et à
interrompre un acte commencé. Ces cas de concrétisation sont très fréquents
et plus encore pour le saut que pour la course.

Tableau
de la concrétisation pour les six groupes de l'école maternelle
12 3 4 5 6
b % 68 53 15 44 30 2
c % 52 34 5 28 19 8

II y a entre les épreuves de cette série une différence de fréquence


dans l'imitation stricte de la consigne et dans la concrétisation de l'acte.
Ceci paraît dû à la nature même de l'acte ; dans le saut, l'attitude repliée,
inclinée, qui le précède, déclenche plus facilement l'attitude en
extension du saut proprement dit, d'autant plus que le saut se fait sur place. Dans
la course, l'image proposée par le mannequin est celle d'un geste non pas
symétrique comme dans le saut, mais hétéro-latéral, et qui met en jeu les
champs gauche et droit et haut et bas, donc plus complexe. On rencontre à
l'école maternelle un certain nombre de cas d'homolatéralité en imitation.

Tableau
de l'homolatéralité à l'école maternelle
1 2 3 4 5 6
c % 0 15 3& 28 23 17
progressif.

Tableau
du miroir à l'école maternelle
l 2 3 4 5 6
c % 4 3 18 26 53 48

II y a davantage d'homolatéralité dans la classe 3. C'est aussi dans cette


classe qu'il y a la plus forte proportion d'utilisation des jambes seules pour
la course (en miroir ou en réussite).

(i) a) II donne un coup de pied (droit) ; b) il saute (à pieds joints) ; c) il court (bras
gauche en avant, droit en arrière, genou droit en avant).
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 11

Tableau
d'utilisation des jambes seules (maternelle)

Réussite c % 0 20 18 7 0 5
Miroir % 0 0 13 0 3 5

Cette forte proportion d'homolatéralité en imitation et de réussites et


miroirs partiels, à côté d'un faible pourcentage de concrétisations, traduit
un effort précoce d'adaptation à la consigne.
On observe pour l'imitation du coup de pied une persistance de la
réussite, c'est, chez les plus jeunes, un geste agressif de décharge.
L'évolution de l'imitation du geste du coureur semble se faire de la façon
suivante : concrétisation, homolatéralité et miroir, puis chez les plus âgés,
réussite. L'homolatéralité semble faire la transition entre l'automatisme et
le miroir, l'enfant avance la même jambe et le bras du même côté, ce qui
est une attitude déséquilibrante. La concrétisation dans cette épreuve
s'explique aussi par la difficulté de symboliser un acte par un moment de cet
acte découpé comme un instantané.

Série 7 - gestes concrets :

Les proportions entre réussite et miroir vont dans le même sens que
dans les épreuves précédentes. Le fait que l'acte est tourné vers le sujet
lui-même ne paraît pas avoir ici d'influence (1). Mais pour le geste de se
gratter, l'homolatéralité paraît plus fréquente, plus constante à tous les âges,
cette différence paraît due à ce que l'acte répond à un geste de défense et
à une activité circulaire, c'est-à-dire à une activité suscitée et modifiée par
son résultat.

Tableau
de l'homolatéralité pour le geste de se gratter
(ensemble des enfants)

12 3 4 5
% 71 71 51 65 20

Ce qui pourrait confirmer cette interprétation, c'est la fréquence chez


les enfants gauchers (42 sur 356), c'est-à-dire chez tous les gauchers, d'une
homolatéralité gauche pour le geste de se gratter. L'homolatéralité se produit
à gauche par une sorte de fusion entre le champ moteur et le champ
autoperceptif chez les gauchers comme chez les droitiers.

(i) a) II lace le soulier, genou droit levé, deux mains au pied droit,
b) II gratte son genou (main droite, genou gauche).
12 H. WALLON et L LURÇAT

Série 8 - gestes croisés objectifs :


L'épreuve des mouvements croisés objectifs (1) permet une
comparaison intéressante avec l'épreuve des mouvements croisés subjectifs pour ce
qui a trait aux notions d'homolatéralité et de miroir. La comparaison a été
faite chez les enfants de l'école maternelle.
Homolatéralité subjective (.Série 4) :
Elle peut avoir des causes multiples. Si c'était simplement une difficulté
due au croisement, on devrait avoir dans les mouvements croisés subjectifs
un mouvement alterné d'homolatéralité gauche puis d'homolatéralité droite.
Si l'on compare les colonnes de chiffres correspondant à l'homclatéralité droite
et à l'homolatéralité gauche, on s'aperçoit d'une part que l'homolatéralité
droite décroît alors que la gauche reste sensiblement la même, si bien que les
deux colonnes, celle de l'homolatéralité droite et celle de l'homolatéralité gauche,
ont tendance à devenir équivalentes chez les enfants les plus grands. Ce sont
des phénomènes d'activation de la main dominante dans le champ où elle
déploie son activité et par conséquent dans le champ droit pour le droitier
et gauche pour le gaucher. L'homolatérailté droite peut être au départ due
au miroir puisque le geste du mannequin est main droite joue gauche, cependant
sa plus grande fréquence chez les enfants les plus jeunes le ferait interpréter
comme étant plutôt déterminée par l'usage de la main dominante. D'ailleurs
la progression des miroirs est très nette avec l'âge. Si l'on compare à présent
le tableau des pourcentages de miroirs à celui des pourcentages globaux
d'homolatéralité on s'aperçoit que les miroirs augmentent et que l'homolaté-
ralité diminue, l'enfant s'adaptant progressivement dans la succession des
gestes de la même épreuve à l'image du mannequin. C'est dans le groupe 4
de l'école maternelle que s'opère, semble-t-il, la mutation progressive en miroir
de l'homolatéralité. A partir de cette classe, en effet, le pourcentage
de miroirs est plus important que celui de l'homolatéralité et en même temps
il augmente d'un geste à l'autre alors que l'homolatéralité diminue d'un geste
à l'autre. C'est dans cette classe que l'image l'emporte sur le geste habituel
pour les gestes subjectifs croisés.
Homolatéralité objective (Série 8) :
La comparaison de l'homolatéralité droite et de l'homolatéralité gauche
montre que l'homolatéralité droite augmente progressivement, il y a nettement
moins d'homolatéralité gauche. Si on fait abstraction de l'homolatéralité gauche,
on s'aperçoit que dans toutes les classes il y a une alternance, geste a, certain
pourcentage d'homolatéralité ; geste b, absence d'homolatéralité ; geste c, de
nouveau un certain pourcentage d'homolatéralité ; geste d, absence. C'est un
mouvement inverse que l'on observe dans le tableau des miroirs. En effet, dans
cette épreuve, l'alternance de l'homolatéralité et du miroir est due au
déplacement de la main dominante alternativement dans les champs droit et gauche,
les gestes a et c correspondent à un maximum d'homolatéralité, les gestes
b et d correspondent à un maximum de miroirs. Si l'on compare ces chiffres
dans la succession des classes, il y a une progression des mircirs en b et en d
et une progression de l'homolatéralité en a et en c, c'est donc une tendance
très précoce et qui va en se développant dans les six classes maternelles.
Homolatéralité objective et homolatéralité subjective :
L'homolatéralité droite diminue progressivement dans la série des gestes
croisés subjectifs, elle augmente progressivement dans les gestes croisés objectifs,
elle ne présente pas de mouvement alterné dans les gestes croisés subjectifs, il
existe dès la classe 1 pour les gestes croisés objectifs.

(i) a) 11 ramasse un papier au sol à gauche, de la main droite, b) II le pose sur


la table à droite, de la main gauche, c) II prend un livre sur une étagère au niveau de
la tête à gauche de la main droite ; d) il prend un pot de confiture, très au-dessus de la
tête, à droite de la main gauche.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 13

L'homolatéralité gauche présente dans les gestes croisés objectifs un


mouvement alterné inverse de celui de l'homolatéralité droite.
C'est ici que l'on peut analyser le véritable phénomène d'homolatéralité
objective dû à l'usage successif de la main droite dans le champ droit et de la
main gauche dans le champ gauche. C'est un phénomène peu fréquent qui
manifeste à la fois l'adaptation à l'image visuelle et la difficulté du geste
croisé passant du champ droit au champ gauche et inversement, c'est la
véritable homolatéralité objective qui est le plus souvent masquée par le
déplacement de la main dominante du champ droit au champ gauche. L'usage
exclusif de la main dominante ne constitue pas en lui-même une difficulté en
rapport avec la structure de l'espace environnant, mais il relève des rapports
entre l'acte et l'objet fictif. L'alternance de l'hcmolatéralité droite et gauche
est plus en rapport avec la structure de l'espace environnant.
H y a donc un décalage très net suivant que le geste croisé est subjectif
ou objectif. Dans les gestes croisés subjectifs, l'usage de la main dominante
est très tôt inhibé au profit de la conformité à l'image visuelle, dans les gestes
croisés objectifs, il s'impose progressivement pour atteindre un maximum
dans le groupe 6.
La signification de l'homolatéralité gauche dans les gestes croisés subjectifs
peut être pour les gestes b et d d'une homolatéralité de champ avec influence
du modèle visuel, la forte proportion d'homolatéralité droite en b et d pour
cette même série dans les groupes 1, 2, 3 est due à un phénomène de
persévération.
On peut dire que l'homolatéralité, due à une difficulté de croisement, que
ce soit dans l'espace postural ou dans l'espace environnant, est un phénomène
peu fréquent et qui peut coexister avec l'image visuelle. C'est un phénomène
qui semble persister davantage dans l'espace environnant que dans l'espace
postural.

Tableau
pour l'école maternelle
Homolatéralité et miroir dans les gestes croisés objectifs et subjectifs
Gestes croisés subjectifs Gestes croisés objectifs
Miroir Miroir
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
a 8 34 50 52 76 60 a 0 5 2 13 3 22
b 20 30 44 60 76 65 b 20 65 73 63 73 77
c 4 26 28 57 53 71 c 12 5 23 37 69 31
d 12 30 36 71 73 91 d 16 42 50 57 80 85

Gestes croisés subjectifs Gestes croisés objectifs


Homolatéralité Homolatéralité
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 S 6
a 52 57 39 36 15 40 a 32 39 89 81 83 77
b 44 57 44 29 19 21 b 20 7 18 28 26 22
c 48 60 52 21 26 22 c 28 61 73 55 30 62
d 44 60 39 13 11 5 d 40 42 42 39 19 11

Homolatéralité droite et gauche dans les gestes croisés subjectifs


12 3 4 5 6
d g d g d g d g d g d g
a 40 12 34 23 17 21 21 14 17 3 17 22
b 24 20 53 3 39 5 15 13 7 11 17 14
c 44 4 46 25 31 21 15 7 19 7 11 11
d 36 8 46 15 26 13 4 7 0 11 3 3
14 H. WALLON et L. LURÇAT

Homolatéralité droite et gauche dans les gestes croisés objectifs


1 2 3 4 5 6
d g d g d g <Z d a d flr
a 24 8 50 5 81 7 55 26 50 38 68 8
b 0 20 0 7 2 15 2 26 0 26 5 5
c 24 4 53 5 71 2 36 13 30 0 62 0
d 20 20 5 23 13 28 2 36 0 19 2 8

LA MANIPULATION

Dans une seconde série d'épreuves, les gestes à exécuter sont donnés
sur consigne verbale de l'expérimentateur par l'intermédiaire du
mannequin manipulé par l'enfant lui-même. Il y a donc consigne verbale au début
et accord nécessaire entre la consigne reçue et son image réalisée par
l'enfant personnellement.
L'intervention du mannequin pour donner un modèle visuel de l'acte
demandé met en évidence deux attitudes différentes des enfants dans
l'expérience. Il y en a qui assistent à la mise en position du modèle par
l'expérimentateur, mais qui ne veulent pas passer à l'acte tant qu'ils n'ont pas
manipulé eux-mêmes. La difficulté de ce passage consiste dans leur
incapacité de modifier l'attitude contemplative en attitude active. D'autres ne
savent pas imprimer eux-mêmes le mouvement au mannequin, ils font le
geste demandé. La liaison se fait de personne à personne, escamotant l'image
visuelle du mannequin. Le mannequin constitue donc dans le circuit un
facteur nouveau qui peut compliquer la tâche de l'enfant au lieu de la
simplifier. C'est sans doute un facteur d'identification, et c'est pourquoi
nous avons cru bon de doubler l'action d'un modèle réalisé personnellement.

Série 9 :

La première série consiste dans des gestes familiers (1). Une


différence entre les résultats de ces diverses épreuves est à signaler : pour
l'épreuve de mettre son chapeau, les enfants les plus jeunes ne donnent
.

pas l'image du geste à l'aide du mannequin, mais l'exécutent eux-mêmes


sur le mannequin. Sans doute parce que se coiffer d'un chapeau est un
geste moins subjectif que tendre la main ou manger.

La manipulation - Série 10 :

Dans les épreuves suivantes, trois séries sont à distinguer :

1) Des modifications de l'espace postural, c'est-à-dire donner des atti-

(i) a) Fais-le manger avec sa main à lui ; b) Fais-lui dire bonjour avec sa main
à lui ; c) Fais-lui mettre un chapeau avec sa main à lui.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 15

tudes pour elles-mêmes, telles que pencher le mannequin en avant,


en arrière, sur sa gauche et sur sa droite.
2) Lui faire faire un acte sur lui-même.
3) Et enfin, donner des attitudes en rapport avec des actes tournés
sur le milieu extérieur.
Dans la première série d'épreuves (1), les conditions à réunir sont les
rapports entre l'indication verbale donnée par l'expérimentateur et la position
donnée au mannequin par l'enfant lui-même. Un problème se pose sur
l'importance respective du modèle verbal donné par la consigne et du modèle
visuel réalisé par l'enfant sur le mannequin. Sa propre imitation de
l'attitude imposée au mannequin est-elle influencée plus par la consigne verbale
ou par le modèle visuel ? Chez les enfants les plus jeunes, il y a une
concordance remarquable entre le nombre de réussites dans l'attitude donnée au
mannequin et l'imitation. Ceci pour le geste de pencher le
mannequin en avant et en arrière. Cette concordance chez les enfants de l'école
maternelle n'existe plus dans l'inclinaison du mannequin à droite ou à
gauche, sans doute parce qu'intervient l'ignorance de la droite et de la
gauche à ces âges-là. Chez les enfants les plus jeunes, il n'y a que des échecs
et un décalage très net entre la manipulation et l'imitation, la
manipulation présentant plus de réussites que l'imitation, comme si le modèle visuel
interférant avec les consignes rendait plus incertaine sa réalisation.
Si l'épreuve droite gauche a plus de réussites dans la manipulation que
dans l'imitation, c'est sans doute qu'intervient le modèle visuel qui perturbe
la consigne verbale, l'intervention du modèle visuel est donc d'abord
négative. Il y a conflit entre la manipulation qui met en jeu le sens des
directions projetées sur le mannequin et l'image visuelle qui est à imiter
et qui donne lieu facilement à l'effet de miroir. Ainsi, se répartissent les
influences respectives de la consigne verbale et du modèle visuel sans que
s'opère la fusion des deux, comme plus tard, quand l'âge du miroir sera
lui-même soumis au contrôle d'un repérage plus objectif.
Dans cette épreuve, le miroir se prolonge en s'accentuant à l'école
primaire. En dehors des réussites et des non-réussites, il y a quelques refus
sur lesquels nous reviendrons pour en déterminer les causes, et il y a surtout
des confusions de directions. Le cas des inversions mis à part, inversions
droite gauche et inversions devant derrière, il y a des manipulations
quelconques dans les attitudes que l'enfant s'amuse à donner au mannequin.
L'imitation ne se posant pas, l'enfant échappe ainsi à la vérification de l'épreuve. La
confusion devant derrière s'explique comme une confusion suivant la direction
de profondeur.

(i) a) Penche le bonhomme en arrière ! a') mets-toi comme lui ; b) penche-le en


avant ; b' mets-toi comme lui ; c) penche-le sur son côté gauche à lui ; c') mets-toi
comme lui ; d) penche-le sur son côté droit à lui ; d') mets-toi comme lui.
H. WALLON et L LURÇAT

La manipulation

Tableau
concernant l'école maternelle
Série 10 - a a' b b' c c' d d'

Réussites % Refus
1 2 3 4 5 6
a 28 26 55 76 69 77 a'
a 28
32 7 2
a' 28 26 50 89 73 77 7 2
b 24 46 55 81 76 82 b 40 7 5
b' 20 42 55 89 76 82 b' 40 11 10
c 0 19 34 34 26 28 c 36 3 7
c' 0 . 0 10 18 0 0 c' 36 11 7
d 0 23 42 34 23 31 d 32 7 5
d' 0 3 2 23 0 0 d* 36 11 10

Confusions de directions Inversions


sauf inversion 1 2 3 4 5 6
12 3 4 6 a 34 57 36 17 23 14
a 36 65 36 18 17 b 4 26 17 13 11 5
b' 12 34 31 13 16 c 16 26 13 34 57 45
c 20 50 34 26 25 d 12 23 15 37 65 48
d 24 15 28 23 17

Miroirs
1 2 3 4 5 6
b' 4
d' 42 42 71 84 74
42 47 71 88 85

La manipulation

Tableau
concernant l'ensemble des enfants
Série 10 - a a' b b' c c d d'

Groupe 1 : 89 enfants de 2;11 à 4;7 Miroir en imitation


a b c d c' d'
Réussites, % 39 43 24 20 31 33
Confusions de directions
sauf inversions 45 34 23 26
Inversions 42 17 19 15

Groupe 2 : 99 enfants de 4;8 à 6;


abc d c d'
Réussites 75 80 30 30 75 80
Confusions 21 15 22 19
Inversions 16 12 44 48

Groupe 3 : 52 enfants de 6;5 à 7;5


abc d c' d'
Réussites 94 100 40 36 98 98
Inversions 3 0 44 46
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 17

Groupe 4 : 60 enfants de 7 ;6 à 8;5


abc d c' d'
Réussites 95 96 30 35 98 95
inversions 0 0 65 65

Groupe 5 : 56 enfants de plus de 9


abc 1 c' d'
Réussites 100 100 57 57 66 66
inversions 0 0 42 42

Série 10 (suite) :

Les gestes croisés (1) introduisent une nouvelle difficulté qui se traduit
par la fréquence beaucoup moindre des réussites chez les enfants les plus
jeunes. Comment s'explique cette différence qui se traduit par des échecs
tant dans l'épreuve de manipulation que dans celle d'imitation ? Si peu
nombreuses soient-elles, les réussites l'emportent dans la manipulation aussi
bien pour le geste de se toucher l'épaule que pour celui de se toucher le genou.
L'imitation de ce dernier est à son minimum puisqu'à l'école maternelle, il
ne dépasse pas 2 % des enfants. Cette rareté des réussites ne paraît pouvoir
s'expliquer que par une confusion qu'introduit le geste croisé qui met en
jeu deux champs distincts, tant au point de vue moteur qu'au point de vue
perceptif. Ceci s'exprime directement par l'homolatéralité de manipulation
et d'imitation, celle-ci beaucoup plus rare que la première. A noter, la
fréquence relative, d'abord des refus qui indiquent le trouble de l'enfant,
et ensuite des inversions qui se multiplient, et celui des miroirs. Les
confusions de direction sont de deux formes, confusion de droite et de gauche,
qui est la plus fréquente, et la confusion devant derrière beaucoup plus
grave.

La manipulation

Tableau
concernant l'école maternelle
Série 10 - e e' f f

Réussites Refus
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
e'
e 0 0 15 39 26 17 e'
e 32 3 7
0 0 0 15 0 8 32 11 13
f 0 0 13 42 30 20 f 36 7 13
f 0 0 0 2 7 3 f 44 15 13

Inversions Miroirs
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
e 0 11 7 23 50 45 e' 16 26 52 63 80 65
f 0 7 15 26 57 51 V 12 11 52 68 88 74

(i) e) Fais-lui toucher l'épaule droite avec la main gauche ; e') mets-toi comme
lui ; f) fais-lui toucher le genou gauche avec la main droite ; f) mets-toi comme lui.
18 H. WALLON et L LURÇAT

Homolatéralité Confusions devant derrière


1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
e'e 4 19 30 10 7 20 e'e 0 11 2 2 7 8
0 3 0 5 3 8 0 11 2 2 7 8
f 8 26 34 15 11 22 f 2
f 0 3 19 10 7 11 f 2

Série 10 {suite) :

Un troisième groupe d'épreuves consiste à donner au mannequin


l'attitude en rapport avec une action sur le milieu extérieur, mais de façon
purement fictive et à lui faire imiter ensuite le résultat de sa manipulation. Le
problème est ici de savoir si la fiction agit davantage sur la manipulation
ou sur l'imitation par l'enfant du mannequin manié par lui. Ces épreuves (1),
au nombre de deux, sont diversement réussies. La consigne de montrer le
chemin avec une main est réussie plus tôt, car n'impliquant pas un
maniement fictif de l'objet absent, le geste en rapport avec la direction dans l'espace
est, pour ainsi dire, à l'état pur. Il va de 0 réussite à 97 % à l'école
maternelle, avec une progression assez régulière d'âge en âge ; l'imitation est
beaucoup plus tardive. Pour le geste d'enfoncer un clou, les réussites sur
le mannequin ne commencent qu'au troisième groupe de l'école maternelle
et n'atteignent que 68 % chez les plus âgés de l'école maternelle. Pour
l'imitation du mannequin, les réussites sont beaucoup moins nombreuses
dans l'épreuve d'enfoncer un clou et dans celle de montrer la direction.
Il est remarquable que l'imitation dans les deux épreuves présente un
minimum de réussites dans le groupe le plus âgé de l'école maternelle, ceci
est dû à la fréquence que prennent les cas de miroir. Pour l'indication de la
direction, 8 % de réussites seulement dans le groupe 6 pour le geste
d'enfoncer un clou, 5 % de réussites seulement contre 60 % et 65 % de miroirs.
Sur les échecs, les refus sont dans ces épreuves particulièrement
fréquents, il faut en noter la signification.
Le refus semble en rapport, non pas avec une opposition due à la
timidité, mais semble plutôt répondre à une étape de l'action. Le refus
marquerait le moment du déclin de la concrétisation, alors que la
représentation peut se produire sans la réalisation du contenu de la
représentation. C'est un seuil, un no man' land entre l'acte automatiquement
déclenché et la représentation pure. Le refus n'est pas de l'opposition, c'est
plutôt une apraxie inhibitrice, on ne sait pas comment exécuter l'acte sur
représentation.
Il existe un rapport entre la concrétisation et la difficulté à faire un
acte fictif, les deux provoquent du refus. Recherche de l'objet par les yeux
dans les gestes croisés objectifs, sans acte correspondant, refus par
incompréhension de l'acte fictif dans les actes fictifs en manipulation. Il y a
cependant une grande différence, c'est que la concrétisation se rencontre
essentiellement dans les actes objectifs signifiant des mouvements (saut et
course), beaucoup plus rarement dans les actes en rapport avec un objet

(i) e) Fais-lui montrer le chemin avec sa main ; e') mets-toi comme lui ; f) Fais-lui
enfoncer un clou avec un marteau, de quelle main tient-il le clou ? f) mets-toi comme lui.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 19

fictif (recherche d'un objet au sol, prendre un objet sur une étagère), alors
que l'incompréhension de l'acte fictif provoque l'inhibition du sujet. Tout
se passe comme si la référence à un objet absent inhibait le mouvement,
alors que la référence à un acte automatique le déclenche dans son entier
déroulement.

Tableau
concernant les six groupes de l'école maternelle
Série 10 - g g' h h'
Réussites Refus
Gr. 1 2 3 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 S
g'
g 0 347 60
21 817 84
15 973 g'
g 40 23
15 14
13
h'
h 00 0 267 21
15 23
15 605 h'
h 40 23 13

Miroir ê Incompréhension de l'acte fictif


Gr. 12 3 4 5 6 (agitent une main du mannequin
g' 12 26 44 78 73 60 ou bien taPent; sur Ie mannequin)
h' 0 0 21 26 42 65 Gr. 1 2 3 4 5 6
h 24 49 36 52 57 25

LE QUESTIONNAIRE

II a paru intéressant, après les épreuves gestuelles et objectives, de voir


sur le plan verbal quelles étaient les aptitudes de l'enfant dans la
connaissance de ses repères spatiaux. Tour à tour, il a dû montrer sur le mannequin
des parties du corps, puis les désigner sur lui-même et, enfin, les désigner
sur l'expérimentateur, car il avait semblé possible que les réussites ou les
échecs fussent en rapport avec le personnage de référence. D'abord l'objet
que l'enfant avait pris l'habitude de manipuler lui-même, et le report sur
sa propre personne des repères devenus familiers avec le mannequin, et
enfin avec la personne vivante, mobile, qu'était pour lui l'expérimentateur.
Puis les rapports de la topographie corporelle avec les signes permettant
de les distinguer : actes habituels ou objets annexes.
Dans l'épreuve (1), l'erreur fréquente est due à l'homolatéralité des
réponses, l'enfant est embarrassé quand il s'agit de passer du côté gauche au côté
droit et, inversement, certains enfants ne se bornent pas à montrer un seul
côté, mais les deux côtés. Les réussites ne montrent pas de progression dans
les groupes d'âge de l'école maternelle, les inversions, au contraire,
augmentent du premier au sixième groupe.
Dans l'épreuve de désigner le bras droit sur lui-même, puis sur le
mannequin et enfin sur l'expérimentateur (2), les réussites sur lui-même
sont bien plus fréquentes que sur le mannequin, ce qui est naturel étant

(1) Série i, montre-moi sur le bonhomme : i) son épaule droite ; 2) son bras gauche ;
3) son genou droit ; 4) son pied gauche.
(2) Série 2, montre-moi 1) ton bras droit ; 2) celui du bonhomme ; 3) mon bras droit.
20 H. WALLON et L. LURÇAT

donné la dominance habituelle du côté droit et son non-report sur le


mannequin ; complémentairement, les inversions sont beaucoup moins
fréquentes sur lui-même que sur le mannequin. Sur l'expérimentateur, les
inversions, c'est-à-dire le miroir, sont fréquentes. A noter que les
désignations sur l'expérimentateur semblent introduire plus de causes d'erreurs
que sur le mannequin.
Comment l'enfant justifie-t-il son repérage sur l'expérimentateur (1) ?
C'est en invoquant le fait qu'il écrit de la main droite, ensuite de porter
une bague et une montre-bracelet, ce qui contredit la réalité, mais indique
la prégnance de la main droite à laquelle sont attribués les signes distinctifs
de la main gauche, qui reste davantage à l'écart de la conscience corporelle.
Enfin, une distinction plus rare résulte d'une confusion entre l'orientation
dans l'espace environnant, comme cette réponse, la main droite est celle
qui est du côté de la fenêtre. Cette confusion, bien que rare, est des plus
intéressantes, car elle permet de reconnaître un stade où, chez certains
•enfants, la non-distinction entre l'espace corporel et l'espace ambiant apparaît
nettement.
En vérification de la différence constatée par le repérage corporel
par rapport à lui-même et par rapport à autrui, nous avons questionné les
enfants de l'école maternelle sur l'opposition du miroir entre la droite de
l'enfant et celle de la personne vis-à-vis (2). Il y a un progrès assez net
entre les enfants de l'école maternelle et ceux de la classe préparatoire. La
réponse par rapport au corps propre est, dans cette classe, de 50 %, celle
des repères réciproques de 26 % contre 2 % à école maternelle.

Tableau
concernant les six groupes de l'école maternelle

Questionnaire série 1

Réussites, % Inversions
<Gr. 1 2 5 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 6
a 16 23 42 55 61 31 a 28 42 39 39 34 65
b 20 26 39 52 34 34 b 24 38 34 34 53 62
c 16 19 39 57 38 31 c 28 11 44 31 61 65
28 19 31 36 23 34 d 24 38 36 28 42 60

Répétition du même corps Désignent les deux membres


*Gr. 1 2 3 4 5 6 ou les deux côtés
b 12 3 3 5 0 3 Gr. 1 2 3 4 5 6
c 16 3 5 2 0 3 a 8
d 12 5 5 0 0 3 b 12 7 2
c 20 3 2
d 20 0 2

(1) Série 3 du questionnaire. A quoi reconnais-tu mon bras droit ?


(2) Série 4 : Quand tu es en face de quelqu'un, est-ce que sa main droite est du
même côté que la tienne ? ^
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 21

JRefus Erreurs de localisation


Gr. 1 2 3 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 6
a 8 3 5 a 36 30 10 5 3 3
b 8 3 2 b 20 3 15 7 7
c 8 7 2 c 8 30 5 5 0 0
d 8 7 2 d 0 3 21 31 34 3

Questionnaire série 2
Réussites Inversions
Gr. 1 2 3 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 6
a 72 88 84 65 83 68 a 16 11 13 31 11 31
b 23 26 44 52 42 34 b 52 73 52 44 57 65
c 12 11 17 28 33 37 c 64 80 76 63 61 62

Questionnaire série 4

Gr. l 2 3 4 5 6
Oui 52 50 50 50 30 25
Non 4 15 26 28 46 34
Réponses commentées : 0 0 5 10 19 31

Questionnaire série 4 : sur 188 enfants de l'école maternelle


1 réponse en fonction des directions concrètes de l'espace ambiant 0,5 %
13 réponses avec repères par rapport au corps 7 %
5 réponses par repères réciproques 2 %
81 oui 43 %
50 non 26 %
30 refus et incompréhension 16 %

Sur 36 enfants de la classe élémentaire


2 réponses en fonction des directions concrètes de l'espace ambiant 5 %
10 réponses avec repères réciproques 26 %
18 réponses avec repères par rapport au corps de l'enfant 50 %
4 oui 11 %
1 non
1 réponse absurde.

CONTRE-EPREUVE SUR LA DIFFICULTÉ


DES RAPPORTS GÉNÉTIQUES ENTRE LES RÉSULTATS
DES ACTES DE LA TOPOGRAPHIE POSTURALE
ET DE L'ESPACE AMBIANT

A titre de contre-épreuve pour la distinction de l'espace postural et


de l'espace ambiant, de leur adaptation réciproque ou de leurs conflits,
nous avons utilisé des épreuves où, d'une part, la sensibilité corporelle était
liée à des actes sur soi-même, ce qui représente des relations subjectives
et concrètes, d'autre part, où le geste est en rapport, pas seulement avec
22 H. WALLON et L LURÇAT

l'objet, mais également avec un objet fictif, ces deux séries d'épreuves ayant:
pour intermédiaire des exercices sur les directions de l'espace.

1. Gestes sur soi-même.


Les gestes sur soi-même posent la question de leur stimulation et de
leur moyen de contrôle. Au niveau le plus élémentaire, on peut le rapporter
à la réaction circulaire qui est une étape consécutive, semble-t-il, au
déclenchement de simples automatismes spontanés.

1. — ETUDE DES GESTES SUR SOI-MEME


Description de l'épreuve.
1. L'expérimentateur touche une oreille de l'enfant et l'invite à lever le-
bras du même côté.
2. L'expérimentateur touche la même oreille et l'invite à lever le bras de
l'autre côté.
3. L'expérimentateur touche une cuisse de l'enfant et l'invite à lever le
bras du même côté.
4. L'expérimentateur touche la même cuisse et l'invite à lever le bras de
l'autre côté.
5. L'expérimentateur touche une oreille de l'enfant et l'invite à tourner
la langue du même côté.
6. L'expérimentateur touche la même oreille et l'invite à tourner la langue
de l'autre côté.
7. L'expérimentateur touche la cuisse de l'enfant et l'invite à tourner la
langue du même côté.
8. L'expérimentateur touche la même cuisse et l'invite à tourner la langue
de l'autre côté.
Résultats concernant les six classes de l'école maternelle.
Nombre d'enfants examinés : 164.
Quatre types d'actes ont pu être observés. La réaction circulaire, le
transfert de l'acte, les actes syncrétiques, et la réussite.
La réaction circulaire.
C'est la réponse la plus primitive. L'enfant répond à la stimulation tactile
et non à la consigne verbale, par un ges.e qui répète cette stimulation, n est
cependant partiellement influencé par la consigne verbale, quand on lui demande
de lever l'autre bras, il touche l'autre oreille, c'est un circuit symétrique au
premier.
Le transfert de l'acte.
Il s'observe chez de plus grands enfants. C'est une réponse plus évoluée que
la réaction circulaire. Il s'observe quand l'enfant est invité à lever le bras non
plus en association avec une stimulation de l'oreille, mais avec une stimulation de
la cuisse. L'acte est transféré du membre supérieur au membre inférieur, dans
le même champ corporel que le lieu de la stimulation. L'enfant lève la jambe
au lieu de lever le bras.
Les actes syncrétiques.
Ce sont des gestes associés. Ils peuvent l'être à la réponse correcte ou
bien à des gestes du niveau de la réaction circulaire ou du circuit symétrique.
Ex. : un enfant lève le bras correctement à la stimulation de l'oreille et
touche également l'autre oreille. Ce" peut-être une extension du geste
correct à l'autre bras. Ce peut être une extension de la réaction
circulaire, ex. : l'enfant qui touche les deux oreilles à la stimulation de l'oreille.
On rencontre ces mêmes associations lorsque la stimulation est faite au niveau
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 23

de la cuisse. Les gestes associés sont plus nombreux lorsque la consigne est de
tirer la langue. L'enfant ajoute aux associations précédentes la prognation de la
langue. Il y a des persévérations du lever de bras, des réactions circulaires
tournées vers l'oreille ou vers la cuisse. Les transferts de l'acte sont la
transmission à la tête du mouveinent de la langue qui est tirée de face. Ils peuvent être
également un transfert du mouvement de la langue au corps qui est tourné.

La réussite.
C'est dans le groupe 4 que semble se faire la mutation vers la réussite.
Dans chaque série de deux consignes du même type, le premier lever de bras
ou tirer de langue semble être un apprentissage du second, sauf dans le groupe
1 où il y a identité ou légère régression. Le lever de bras est meilleur quand
la stimulation est faite à l'creille, c'est net dans la classe 4, un peu moins
dans les groupes 5 et 6.

Gestes sur soi-même

Tableau
de la réaction circulaire et du circuit symétrique

1. L'enfant touche l'oreille quand on lui touche l'oreille.


Groupes 1 2 3 4 5
la même 25 62 52 23 20 (réaction circulaire)
l'autre 18 56 52 23 20 (réaction symétrique)

2. L'enfant touche l'oreille quand on lui demande de tirer la langue.


Groupes 1 2 3
la même 11 7 4 (circulaire)
l'autre 3 17 16 (symétrique)

3. L'enfant touche la cuisse quand on lui touche la cuisse.


Groupes 1 2 5 4
la même 22 70 44 20 (circulaire)
l'autre 18 51 20 14 (symétrique)

4. L'enfant touche la cuisse quand on lui demande de tirer la langue.


Groupes 3
la même 12 (circulaire)
l'autre 12 (symétrique)

Tableau
du transfert de l'acte

L'enfant lève la jambe quand on lui touche la cuisse.


Groupes 5 5 6
la même 4 17 32 12
l'autre 8 14 26 12
24 H. WALLON et L. LURÇAT

Gestes sur soi-même

Tableau Tableau
des réponses syncrétlques des réussites en %

Groupes 1 2 3 4 5 6 Groupes l 2 3 4 5 6
1 18 1 22 21 28 77 76 95
2 7 7 2 18 21 32 71 80 95
3 7 10 4 12 3 18 10 28 45 60 70
4 7 10 7 8 4 18 21 28 54 60 75
5 18 57 52 22 24 8 5 14 21 32 48 64 70
6 14 32 24 14 16 0 6 11 25 48 60 76 87
7 11 39 52 22 20 15 7 18 32 24 43 72 70
8 7 32 36 14 12 8 8 18 42 46 68 80 87

EXERCICES SUR LES DIRECTIONS DE L'ESPACE

La relative fréquence des cas de confusion devant derrière dans la


manipulation et dans l'imitation du mannequin nous a amenés à procéder
à des épreuves particulières. Ces confusions ne semblent pas dues au hasard,
mais au fait que la direction l'emporte sur l'acte, il y aurait prégnance de la
direction dans l'espace total qui l'emporterait sur la direction par rapport
au corps.
— 1. Epreuve d'investigation dans les champs devant-derrière : 31 enfants
de 2 ; 11 à 3 ; 3 ont été examinés à cette épreuve, soit 13 filles et 18 garçons.
Epreuves : 1 l'enfant fait face à l'expérimentateur, il est invité à se
tourner pour regarder derrière lui ;
2 l'enfant tourne le dos à l'expérimentateur, il est invité à se retourner
pour le regarder ;
3 l'enfant est à côté de l'expérimentateur, il est invité à se tourner pour
lui faire face.
Résultats :
Série 1 : 45% des enfants se tournent à 180°, 22% à 90° et 22% ne
font rien, 6% tournent la tête.
Série 2 : 67% se tournent à 180°, 16% tournent le corps à 90° et la tête
à 180°, 8% tournent la tête.
Série 3 : 9% sa tournent à 180°, 19% se tournent à 90°, 45% tournent
la tête, 16% restent immobiles, 9% tournent le dos.
— 2. Epreuve légèrement modifiée sur 29 sujets de 3; 4 à 4; soit 11 filles
et 18 garçons :
Epreuves : 1 l'enfant est devant l'examinateur, il est invité à marcher
vers le radiateur qui se trouve derrière lui ;
2 l'enfant est invité à se retourner pour regarder derrière lui ;
3 l'enfant est invité à se tourner vers le lavabo (180°).

Résultats :
Série 1 : 55% de réussites, 20% de marche à reculons, 6% tournent la
tête, 10% se tournent à 90°.
Série 2 : 48% de réussites, 34% se tournent à 90°, 13% tournent la tête.
Série 3 : 44% de réussites, 34% tournent la tête, 10% se tournent à 90°.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 25

Pour la série 1 il y a un mouvement chez 22 sujets, absence de mouvement


chez 7. La marche à reculons semble être en liaison avec le besoin de faire
face à l'expérimentateur. Chez 5 enfants il y a ébauche de l'acte, ils regardent
l'objet.
Pour la série 2, 10 se tournent partiellement, 4 ne tournent que la
lête, c'est également un acte inachevé.
Pour la série 3, 14 enfants réagissent de cette façon inachevée.
Il y a une sorte d'inhibition, les enfants limitent l'acte quelle que soit
l'amplitude qu'on leur demande : pour marcher, ils se retournent, pour se
tourner, ils se tournent à moitié, ou bien ils déplacent seulement la
tête. Le passage du champ devant au champ derrière provoque ce freinage
dans la mesure où il demande de quitter un champ pour passer dans
l'autre, l'enfant choisit une solution intermédiaire en se tournant à 90 %. La
persistance d'une orientation posturale avec la nouvelle orientation qu'elle
limite pose le problème des rapports entre les directions ambiantes de
l'espace et l'espace postural. C'est également économie de changement
postural complet dès que l'objet est perçu. Il se peut que le champ évolue, il y
a une différence entre la droite-gauche et l'avant-arrière. Pour la droite-
gauche, il y a choix entre deux demi-espaces actuels, en continuité et en un
sens équivalents, on les voit simultanément ; c'est un champ unique, un champ
associé. Pour l'avant-arrière, il faut changer complètement de point de vue,
on ne voit pas de l'avant vers l'arrière. Il semble qu'il y ait trois niveaux, le
premier est celui de la réponse à un stimulant sensoriel pour voir ce qui
se passe. Le second, donner un sens à ce qui se passe par rapport aux
personnes. La troisième, obéir à une consigne abstraite.

3- Epreuve d'accord entre la direction posturale et la direction dans l'espace.


Pour vérifier la difficulté de passage du champ devant au champ derrière,
il a été procédé à l'épreuve suivante .L'enfant étant placé face au radiateur,
immobile, est invité à regarder derrière lui. La consigne est répétée jusqu'à ce
qu'il se tourne de 180°. A ce moment, l'enfant est dos au radiateur, s'il n'y
parvient pas, il est placé dos au radiateur et invité de nouveau à se retourner
jusqu'à ce qu'il ait fait un second demi-tour de 180°.
18 enfants de 2; 11 à 3; 4 ont été examinés à cette épreuve. Huit enfants
ont réussi aux deux épreuves. Sur ces 8, un réussit à la première consigne
pour les deux épreuves, 1 réussit à la seconde consigne pour la première
épreuve et à la neuvième peur la seconde. Un réussit à la cinquième consigne
pour la première épreuve et à la deuxième pour la seconde. Un réussit à la
sixième pour la première et à la quatrième pour la seconde. Un réussit à la
septième à la première et à la quatrième pour la seconde. Deux réussissent à
la septième pour la première et à la cinquième pour la seconde ; un réussit
à la huitième pour la première et à la quatrième pour la seconde. Quatre
enfants ont réussi à une épreuve sur deux. Un réussit à la première épreuve
cinquième consigne, 3 réussissent à la seconde épreuve dont 2 à la quatrième
consigne et un à la neuvième.

Le champ ambiant.
Le champ ambiant est composé physiologiquement de quatre champs
accouplés deux par deux, devant derrière, droit et gauche. Les champs
droit et gauche sont en rapport avec l'axe du corps. Le passage peut être
difficile (voir les épreuves où le geste doit être croisé par rapport à
l'excitation ou à l'acte qu'il s'agit d'accomplir). Cependant, il peut y avoir simul-
26 H. WALLON et L. LURÇAT

tanéité entre les deux champs latéraux, il est même normal que, senso-
riellement, l'enfant les perçoive simultanément. La difficulté de passage
de l'un à l'autre est donc d'ordre postural et moteur, c'est une orientation
par rapport au corps propre. L'orientation subjective du couple devant
derrière, au contraire, n'est pas donnée simultanément dans la perception :
il fait l'objet d'une alternative qui suppose une conversion du corps propre
par rapport aux directions de l'espace. Cependant, bien que, ou parce que
entièrement exclusifs l'un de l'autre, le passage d'un champ à l'autre paraît
plus précoce que le passage d'un champ latéral à l'autre. Ici, l'orientation
par rapport à l'ambiance domine l'orientation subjective, tout au moins,
la discrimination que l'enfant est capable de lui donner. Au point de vue
de l'adaptation, l'opposition devant derrière est plus utile que la
discrimination gauche droite qui est toujours modifiable en cours d'exécution de l'acte.
Un autre aspect des rapports entre l'espace postural et l'espace
environnant est relatif à l'objet. Plusieurs niveaux, celui où l'objet est manié
par le sujet, celui où l'objet est absent, mais supposé manié par le sujet. On
passe ainsi de l'espace objectif à l'espace fictif, c'est-à-dire à celui de la
représentation. Nous avons imaginé plusieurs séries d'épreuves. L'une où il
s'agit de gestes sur soi-même comme de se peigner, brosser ses chaussures,
mettre une écharpe ; ces épreuves rappellent par leur but subjectif des
épreuves déjà étudiées où nous envisagions, en particulier, l'influence de
l'activité circulaire. Dans cette série, l'importance du geste semble
l'emporter sur celle de l'objet qui est impliqué dans l'acte et qui s'en distingue
assez mal. Une autre série consiste en opérations impliquant des
instruments et des buts étrangers à l'individu physique : c'est de remplir un verre
d'eau et d'enfiler une aiguille. Ici, l'acte et son résultat se dissocient
aisément des gestes correspondants, c'est l'objet ou l'instrument qui devient le
guide des gestes. Ces épreuves-là ont été prescrites avec et sans objet. Nous
avons comparé la réussite suivant que l'enfant commence par manier l'objet
réel, puis faire le simulacre sans l'objet et inversement. Ainsi pensons-nous
passer de l'espace objectif à l'espace de la représentation.

ETUDE DE L'ACTE AVEC ET SANS OBJET

Nombre d'enfants examinés 224.


Ces enfants ont été classés en trois groupes suivant l'âge.
1 — de 2 ; 11 à 3 ; 7 58 enfants.
2 — de 3 ; 8 à4;5 82 enfants.
3 — de 4 ; 6 à5;3 83 enfants.

Tableau
des réussites en pourcentages

Série des actes : a) se peigner, b) brosser ses chaussures, c) mettre une


écharpe, d) remplir un verre d'eau, e) enfiler une aiguille.
Oes actes sont exécutés une première fois avec objet et une seconde fois
sans objet pour la moitié environ des enfants, une première fois sans objet
et une seconde fois avec objet pour l'autre moitié.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 27

Résultats :
Actes avec objets ;
Enfants commençant par la figuration
(la manipulation est faite en second lieu)
Groupe 1 (30) Groupe 2 (42) Groupe 3 (41)
a 83% a 97% a 100%
b 76 b 100 b 100
c 50 c 64 c 97
d 70 d 83 d 97
e 60 e 73 e 97

Enfants commençant par la manipulation


(la figuration est faite en second lieu)
Groupe 1 (28) Groupe 2 (40) Groupe 3 (43)
a 75% a 92% a 95%
b 89 b 100 b 98
c 39 c 65 o 98
d 64 d 92 d 95
e 57 e 80 e 93
Actes sans objet :
Enfants commençant par la figuration
Groupe 1 (30) Groupe 2 (42) Groupe 3 (41)
b'
a' 46
36%
C 26 b'
d'
a'
e'
c' 71
73%
66
16
28 d'
a' 97
b'
c'
e' 87%
82
31
39
d'
e' 30

Enfants commençant par la manipulation


Groupe 1 (28) Groupe 2 (40) Groupe 3 (43)
a' 67^
b' 80
a'
b'
d'
c' 50
e' 46%
28
14
10 c' b'
a'
c'
d'
e' 46
90%
93
90
32
d' 70
e' 15
25

Tableau
d'ensemble de la réussite pour les trois groupes
avec objet sans objet
12 3 1 2
Nombre d'enfants : 58 82 84 82 84
a 79 92 97 70 89
b 83 100 98 75 88
a'
b'
d'
c' 27
e' 556
48
c 44 64 97 68 92
d 68 87 96 15 32
e 58 76 95 26 42
Réponses verbales substituées à l'acte sans objet
Groupes 1 2 3
a' 3% 5 1
b' 7 5 1
c' 7 11 2
d' 18 21 23
e' 10 15 23
28 H. WALLON et L LURÇAT

La comparaison des sous-groupes composés de ceux qui ont commencé,


les uns par la manipulation, les autres par la figuration, montre que dans
les deux cas la seconde épreuve marque un léger progrès par rapport à la
première. Il y aurait apprentissage dans les deux sens, dont l'origine peut
aussi bien être verbale, la consigne est entendue pour la seconde fois, que dans
l'acte proprement dit. Cependant, chez les plus jeunes, l'acte de remplir un
verre d'eau ou d'enfiler une aiguille semble plus déroutant. En série initiale,
la manipulation provoque une différence plus sensible.
Il est possible de considérer comme négligeable la différence entre
les deux sous-groupes de chacun des trois groupes d'âges. On peut alors
grouper les résultats de la manipulation, d'une part, et de la figuration,
d'autre part, pour chacun des trois groupes. Si l'on confronte alors les
résultats de la manipulation à ceux de la figuration, la différence est nette.
Cette différence s'atténue avec l'âge, ce qui montre que l'acte fictif progresse.
Dans le groupe 1, on observe un maximum de réussites pour les actes
réels et fictifs de se coiffer et de brosser les chaussures, une décroissance
nette pour l'acte de mettre l'écharpe qui provoque une persévération de
l'acte précédent, l'écharpe est prise comme chiffon à reluire. Une
décroissance nette également pour les actes de remplir un verre d'eau ou d'enfiler
une aiguille. Ces deux actes dans la série de l'objet fictif provoquent
pratiquement un échec complet.
Dans le groupe 2, la persévération de l'acte de frotter la chaussure
est nette en manipulation, mais pas dans l'acte sans objet, le phénomène
d'induction de l'acte par la forme de l'objet n'existant pas en série fictive.
Ici encore, grande difficulté pour les actes fictifs d'enfiler une aiguille et
de remplir un verre d'eau.
Dans le groupe 3, plus de problème pour l'acte avec l'objet. Dans la
série fictive, la figuration de l'acte de remplir un verre et celle d'enfiler
une aiguille n'est pas réussie par la moitié des enfants.

SUBSTITUTION D'UN COMMENTAIRE A L'EXÉCUTION DE L'ACTE


OU COMMENTAIRE ACCOMPAGNANT L'ACTE

Les types de réponses commentées :


I. — POUR L'ACTE FICTIF DE REMPLIR UN VERRE D'EAU
Réponses de type subjectif
Réponse re'ncontrée dans le groupe 1 : Par onomatopées : bruit de l'eau.
Par invocation à la mère : c'est maman — c'est maman qui le fait —
ma mémère elle le remplit, mais je sais pas comment elle fait.
Réponses rencontrées dans le groupe 3 : Par appréciation de la difficulté :
Je sais — je sais pas W faire.

Réponses de type instrumental (groupe 2)


II faut un gros robinet — avec une bouteille — avec un verre.
Réponses de type opératoire (groupes 2 et 3)
Par usage : pour boire — je lave — on arrose les fleurs — c'est pour
donner la madame — à ma bouche — pour remplir un verre.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 29

Par action : je vais au robinet — j'ouvre le robinet — je fais couler


l'eau — je fais tourner le robinet — je prends un verre — je prends un verre,
je le remplis en haut comme ça.
Réponses de types instrumental et opératoire (groupe 3)
J'ai ouvert le robinet et j'ai mis l'eau dans le verre — on prend un.
verre et on le met sous le robinet — on tourne le rcbinet et on met l'eau
dans le verre — on prend un verre et puis l'eau coule dans le verre.
2. — POUR L'ACTE FICTIF D'ENFILER UNE AIGUILLE
Réponses de type subjectif
Par crainte de la blessure (groupe 1) : on se ferait mal à l'œil — ça
pique.
Invocation à la mère : maman elle a du fil et une aiguille pour coudre
— comme ça même elle enfile une aiguille — on passe le fil dans le petit
trou et puis on fait un nœud, mais moi je sais pas les faire les nœuds,
c'est même qui les fait (groupes 1 et 2).
Répenses de type instrumental (groupe 2)
Avec un fil — avec de la laine là tu sais j'y arriverai jamais — avec
une main.
Réponses de type opératoire (groupe 2)
Ça colle — on casse l'aiguille — on trouve le petit truc.
Réponses de types instrumental et opératoire (groupes 2 et 3)
Je mets dans le petit trou de l'aiguille — on piend un fil et on met
l'aiguille dans le petit trou — on prend un bout de ficelle et on le met dans
l'aiguille — on le met dans un trou d'aiguille.

Niveau des réponses commentées :


La réponse par crainte de la blessure est suggérée par la nature de l'objet
évoqué. La réponse par onomatopée associée à l'acte fictif est d'un niveau
bien plus élevé et comporte une intention descriptive. La réponse portant
sur la difficulté semble être du même ordre que celle provoquée par la crainte
de la blessure, plus qu'une appréciation de l'acte c'est une réponse affective.
La référence à la mère est, elle aussi, très primitive, l'enfant ne détache pas
l'acte de la situation familiale où il est courant, c'est une réponse syncréïique.
La réponse par l'usage est le plus souvent consécutive à l'acte que l'enfant est
invité à mimer. Les réponses de ce type sont variées, étant donné la variété
même des usages possibles, surtout pour l'eau. La réponse opératoire marque
un effort de l'enfant pour saisir l'acte, elle comporte une analogie avec la
réponse par l'usage, c'est qu'elle n'est pas intemporelle elle non plus, mais
semble se situer avant l'acte. La difficulté d'intégrer deux objets dans un acte
se rencontre dans l'aiguille à enfiler par la réponse du type « ça colle ».
La description partielle de l'acte se rencontre dans le verre à remplir où
l'acte se décompose en plusieurs étapes, les unes ayant trait à la manipulation
du robinet, les autres au remplissage du verre. La description complète intègre
ces étapes dans une formule brève. Dans l'enfilage de l'aiguille cù la
manipulation des deux objets est nécessairement combinée, on ne trouve pas le
stade de la description partielle.
Il y a une différence très nette entre les actes en rapport avec la
personne de l'enfant et des associations, quand l'acte suppose un objet
extérieur à l'enfant. Dans le premier cas, l'enfant est ramené à des habitudes
familières dont il est lui-même l'objet. Dans le second cas, il est attentif
seulement aux actes impliquant l'objet lui-même. Dans le premier cas,
l'association est subjective, dans le second cas elle est objective. Dans les
cas de refus, la situation habituelle l'emporte sur le consentement à l'épreuve,
30 H. WALLON et L. LURÇAT

l'enfant reste prisonnier de la vie réelle, il ne peut détacher l'acte qui ne


lui est pas demandé d'habitude. Il y a une part de syncrétisme, en même
temps que de soumission à la protection, à l'aide des parents, un élément
intellectuel et un élément affectif. Dans le cas du verre d'eau, la réalité de
l'objet abolit l'intervention verbale ; quand l'objet n'est pas là, l'enfant
revient sur le plan des explications. Les rapports de la réalité et du verbal
alternent. Quand l'objet est là, l'acte se suffit à lui-même, quand il n'est
pas là, on emploie des mots descriptifs ou énumératifs si c'est nécessaire à
l'action. C'est le passage de l'objet à la représentation pure.

C'est la fonction du langage de se substituer à l'imitation concrète, au


simulacre. Dans l'ordre génétique, le langage vient après le simulacre, mais
souvent l'enfant saute par-dessus le terme d'acte fictif. Dans la comparaison
des deux groupes, ceux qui commencent par l'acte réel, ceux qui commencent
par l'acte fictif, s'il n'y a pas de meilleur résultat après l'acte réel que lorsque
l'acte fictif est fait en premier, c'est que la difficulté n'est pas dans l'absence
d'objet, mais parce qu'il y a passage à un plan nouveau d'activité. Ce
n'est pas l'acte individuel qui est le plus facile, c'est de passer d'un plan
d'activité à un autre. Cela justifierait l'hypothèse sur les différents espaces.
L'espace du geste pur est en relation avec l'espace concret, mais il en est tout
de même différent. Le langage gestuel est un intermédiaire entre le langage
fictif et le langage oral, ils se placent sur des plans différents d'activité. Ce
qui est intéressant, ce n'est pas le passage de l'acte à l'acte, mais d'un plan à
l'autre. Le problème se pose entre la naissance et sept ans. A sept ans, il y a
déjà polarisation vers l'image ou vers l'imitation et, de là, vers la catégorie
et vers le concept.
Il y a trois plans d'activité : objectif pratique ou plan pragmatique —
le simulacre ou imitation — le langage, catégoriel. Le simulacre est un
intermédiaire entre l'activité pratique et l'influence sociale qui est représentée
par le langage. L'imitation suppose un partenaire, le langage est le système
social des significations et des représentations. Les plans se succèdent
horizontalement, il y a des relations entre les plans verticalement (c'est le
passage de l'un à l'autre), suivant les circonstances, on peut les combiner
différemment. Dans le plan fictif, il y a déjà un certain degré d'abstraction
par inhibition des gestes de préhension de manipulation, qui sont
antérieurement liées à l'apparition d'un objet dans le champ visuel. Dans l'abstraction,
il y a beaucoup d'inhibition active. Le geste fictif, le simulacre, serait
inhibition des gestes vers un objet qui n'existe pas, qui n'existe que d'une façon
imaginaire. Le langage serait un nouveau degré d'abstraction par inhibition
des gestes démonstratifs.

Dans l'épreuve d'imitation du mannequin, nous nous sommes heurtés


aux problèmes que posent l'espace fictif à propos des actes concrets. Sous le
nom d'actes concrets, nous parlons, non d'objet présent, mais d'objet fictif,
imaginaire. Cette distinction, le petit enfant ne sait pas la faire, si on lui
parle d'attitude du coureur, il se met à courir lui-même, d'attitude du coup
de pied, il veut le lancer ; d'un objet à ramasser, s'il ne le voit pas réellement
à ses pieds, il se dépite et refuse de continuer l'épreuve. Cela paraît en
contradiction avec la remarque de Janet, que la plupart des jeux de l'enfant sont
des jeux de fiction, ils baptisent un morceau de papier du nom d'un morceau
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 31

de tarte, mais précisément chez les jeunes enfants, la fiction est dans beaucoup
de jeux un exercice fonctionnel. Et ici, la fonction en jeu est le passage du
concret à la représentation symbolique et, d'une façon plus lointaine, au
second système de signalisation, à l'usage conceptuel du langage.

CONCLUSION

Nous avons réalisé des expériences destinées à étudier les étapes par
lesquelles passent les rapports des activités motrices et de l'espace ambiant. Ces
expériences visent à montrer les relations des différents gestes avec le champ
ou les champs extérieurs, où ils se déploient. Mouvements simples et
purement fonctionnels des bras et des jambes, gestes automatiques, gestes concrets
supposant des contacts et des maniements d'objets et gestes simulant le
maniement fictif des mêmes objets, gestes croisés combinant les gestes
avec les directions de l'espace et avec les latéralisations du corps, gestes
croisés intéressant l'hémi-champ droit et l'hémi-champ gauche. Ainsi nous
avons pu suivre la capacité de l'enfant à entrer en rapport avec le milieu,,
prendre conscience des différentes directions de l'espace. Ainsi avons-nous
pu mettre en évidence la connaissance des mouvements propres à chaque
partie du corps, l'interférence possible entre les mouvements prescrits et
les mouvements habituels, les rapports de symétrie et d'homolatéralité.
L'espace postural et l'espace environnant sont en fait inséparables et
ont chacun des caractéristiques propres, c'est-à-dire qu'ils exigent de
l'individu des réactions différenciées. L'espace est pour l'homme la condition réelle
de tout ce qui existe, toute réalité est spatiale. L'espace est une réalité
extérieure à l'homme, mais dont l'homme, dès les premiers temps de son
évolution, a saisi successivement les différents aspects en fonction de ses activités
diverses : marche debout, fabrication d'objets, rapports du simulacre et dix
signe. C'est ainsi qu'il a différencié sa droite de sa gauche et qu'il a pu
s'orienter subjectivement à travers l'ambiance objective, qu'il a pu également
façonner ses mouvements sur les objets qu'il manipulait pour eux-mêmes
et qu'il devait situer par rapport à ses gestes et par rapport aux modifications-
des objets.
La réalité spatiale présente différentes formes, différents niveaux qui
varient avec l'évolution de l'être qui y déploie son activité. Il est fonction
d'abord des rapports sensori-moteurs de cet être ; par exemple, on peut
distinguer, avec William Stern, trois sortes d'espaces : premièrement l'espace
buccal, à l'âge où seuls les complexes sensori-moteurs des lèvres, de la langue,
peuvent donner lieu à des actions suffisamment différenciées pour explorer
les objets, que les petits enfants commencent toujours par porter à la bouche.
Deuxièmement, l'espace proche. Celui de l'enfant dont l'appareil loco-moteur
n'est pas encore capable de le déplacer par lui-même. C'est l'espace des
objets qui sont à la portée de la préhension et du maniement manuel. Cet
espace fait connaître les objets d'une façon pas seulement visuelle, mais
tactile et kinesthésique ; il est plural, au cours des déplacements passifs de
l'enfant, sans qu'il puisse unifier ses différentes zones de manipulation.
Troisièmement, l'espace loco-moteur qui permet d'apprécier les distances, de recoudre
ensemble les espaces proches et de les fondre dans l'espace total. Ces trois sortes
32 H. WALLON et L LURÇAT

d'espaces sont tournées vers le monde extérieur, les impressions kinesthési-


ques qui les accompagnent n'ont pas de valeur représentative pour eux-
mêmes. A ces trois niveaux, c'est l'espace où se déploient les possibilités sen-
sori-motrices du sujet.
On a pu aussi, de façon plus abstraite, distinguer l'espace visuel et
l'espace tactile. En fait, les activités sensorielles des enfants sont étroitement
mêlées et leurs progrès sont dépendants les uns des autres.
Une distinction, qui nous semble plus proche de la réalité psychologique,
est la distinction que nous avons essayé de mettre en lumière dans ce travail ;
c'est l'espace postural et l'espace ambiant. Il met plus directement en
rapport les attitudes subjectives et les réalités extérieures, la sensibilité propre
du sujet et les directions de l'espace extérieur.
On peut analyser l'espace environnant par ses références : II y a
l'espace absolu dans lequel théoriquement doivent se situer tous les
espaces que nous allons voir, ses références essentielles sont permanentes,
par exemple les points cardinaux (je parle naturellement de l'espace terrestre).
Dans cet espace se situent les relations inter-objets. C'est donc déjà un espace
qui, en même temps, peut se repérer, par rapport à l'espace absolu, à d'autres
points de références qui sont les positions et les modifications de positions
des objets entre eux. Il y a l'espace objets inter-personnes, parmi ces objets,
il y a les personnes et leurs références à nous-mêmes. Cet espace pose la
question de l'avant et de l'arrière, et de la droite et de la gauche. Les
références sont déjà plus complexes suivant l'angle sous lequel les sujets sont
situés les uns par rapport aux autres, similaires, miroirs ou symétriques. Il y a
l'espace affectif, c'est un espace qui peut déborder l'espace postural
proprement dit, c'est un espace défensif, de contact possible avec le monde extérieur
il existe chez quiconque éprouve une appréhension du contact. Il est comme
une extra-vasion dans l'espace ambiant d'une sensibilité intime, il s'observe chez
des sujets qui éprouvent une répugnance à se laisser approcher de trop près,
comme si leur zone de sécurité était violée. Il existe à l'état aigu chez certains
névropathes, il existe aussi chez le petit enfant qui ne veut pas se laisser
approcher et qui crie lorsque ses eaux territoriales sont violées. Au contraire,
l'approche de certaines personnes de son entourage peut lui être comme
une caresse véritable. Ce serait l'espace intéroceptif en regard de l'espace
proprioceptif et de l'espace extéroceptif. Il y a encore l'espace de nos actes qui
sont le rapport de notre espace postural avec la direction de nos actes. Enfin,
l'espace postural est celui de nos gestes, il fait partie de notre corps propre,
dont les références concernent notre équilibre et les rapports de nos organes ;
c'est un espace morpho-dynamique.
Il y a des espaces qui sont les transpositions de l'espace concret et
qui sont le fondement nécessaire de nos représentations et de nos
opérations mentales sous la forme la plus concrète. C'est l'espace où nous situons
l'image d'objets réels, et non actuellement perçus, et même non perceptibles.
C'est l'espace des souvenirs, de la vie passée ou de la vie à venir, l'espace
de la chimère et des fictions. C'est également l'espace des rêves, espace dont
les conflits apparaissent bien chez l'enfant qui ne sait dire où se passe son
rêve, si c'est dans la pièce où il a rêvé, si c'est dans sa tête, si la scène du
rêve est bien l'espace des rêves. C'est également l'espace des croyances du
primitif, mais chez lui, œt espace de fiction se combine avec l'espace réel
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 33

et tient lieu d'espace des causes. Chez l'homme moderne aussi, seulement,
ce ne sont plus des actes mystiques, ce sont des formules scientifiques, des
causes physiquement analysées, et non des puissances anthropomorphiques
de divinités ou de héros. Il y a un espace abstrait de nature beaucoup plus
physiologique, celui, par exemple, qui intervient dans la fonction du langage.
Les distinctions que nous venons de faire ne concernent pas l'unité de
l'espace, elles marquent différents plans de nos contacts personnels avec le
monde extérieur. Ces contacts relèvent des différents niveaux de notre
activité sensori-motrice et mentale. Du point de vue sensori-moteur, elles posent
le problème de nos gestes, des milieux où ils se déploient. Du point de vue
opératoire, elles sont une organisation des objets par rapport à nos actes.
Du point de vue mental, elles montrent le passage de l'acte à la
représentation et au langage.
Ainsi notre étude touche à quelques-uns des problèmes
fondamentaux des rapports du psychisme humain et de la réalité matérielle et
intellectuelle.

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