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Wallon Henri, Lurçat Liliane. Espace postural et espace environnant (le schéma corporel).. In: Enfance, tome 15, n°1,
1962. pp. 1-33.
doi : 10.3406/enfan.1962.2278
http://www.persee.fr/doc/enfan_0013-7545_1962_num_15_1_2278
( le schéma corporel )
par
INTRODUCTION
IV. Questionnaire :
1) Montre-moi sur le bonhomme : a) son épaule droite ; b) son bras
gauche , c) son genou droit ; d) son pied gauche.
2) Montre-moi : a) ton bras droit ; b) celui du bonhomme ; c) mon bras
droit.
3) A quoi reconnais-tu ma main droite ?
4) Quand tu es en face de quelqu'un, est-ce que sa main droite est
du même côté que la tienne ?
Tableau
Tableau
des mouvements subjectifs des jambes pour l'ensemble des enfants
Groupe 1 : 89 enfants de 2)11 à 4;7 Groupe 2 : 99 enfants de 4;8 à 6
a b c d a b c d
Miroir % 41 40 47 86 Miroir % 65 58 70 63
Répétition. % 59 63 57 Répétition % 50 29 47
Réussite % 40 25 23 20 Réussite % 30 21 17 14
La comparaison entre les enfants qui alternent le lever des deux jambes,
soit en miroir, soit par réussite, celle-ci pouvant être due au hasard de la
jambe levée la première ; et ceux qui répètent le lever de la même jambe,
montre que les deux cas peuvent entre-mêler leurs effets. Mais certains font
indiscutablement de la vraie persévération, c'est-à-dire qu'ils lèvent quatre
fois de suite la même jambe, d'autres font conjointement alternance et
N° i, (1)1958,
Equilibre
Henristatique,
Wallon,équilibre
Eugénie enEvart
mouvement,
Chmelniski
doubleRachel
latéralisation
Sauterey.in Enfance,
(2) Notre travail étant déjà élaboré, nous avons pris connaissance des recherches
faites par Mme Spionek de Varsovie sur les façons différentes suivant l'âge de réagir à
une consigne motrice qui met en cause la distinction de la droite et de la gauche.
Les enfants les plus jeunes réagissent en miroir, ensuite c'est l'alternance qui entre en jeu
donnant une réussite ou un échec suivant que le premier geste initié répond à une
latéralisation correcte ou non. Enfin, l'enfant a pris conscience de la droite et de la gauche
sans référence mutuelle et devient capable de se corriger si par hasard il a commencé
par une erreur.
8 H. WALLON et L. LURÇAT
Tableau
5) Gestes concrets :
Pour les gestes concrets, on pourra s'étonner que dans l'une des séries,
la série 5, toutes les épreuves sont prescrites pour la main droite. Comme il
s'agissait d'actes concrets, nous n'avons pas voulu mettre en conflit, chez la
plupart des enfants qui sont droitiers, les habitudes avec les faits d'imitation
qui leur sont demandés. Effectivement, il est frappant de voir que, malgré cette
supériorité donnée à la main habituellement dominante, les faits de miroir,
c'est-à-dire la prédominance du modèle visuel, soient aussi nombreux. Nous
assistons à un conflit qui tend à opposer l'image d'tin geste et la
suggestion de l'acte commandé qui se complète et se concrétise dans l'image de
sa réalisation totale. L'enfant invité à dire bonjour complète le geste, invité
à écrire, il cherche un crayon pour exécuter réellement l'acte.
Tableau
L'épreuve (1) consiste à imiter les moments d'un acte complet qui suppose
une succession dans l'espace et dans le temps. Les enfants les plus jeunes
sautent ou courent réellement par ce réalisme qui consiste à rendre effectif
l'acte suggéré. C'est, en outre, l'obéissance à une consigne verbale, qui
provoque l'acte automatiquement par incapacité à fractionner l'ensemble et à
interrompre un acte commencé. Ces cas de concrétisation sont très fréquents
et plus encore pour le saut que pour la course.
Tableau
de la concrétisation pour les six groupes de l'école maternelle
12 3 4 5 6
b % 68 53 15 44 30 2
c % 52 34 5 28 19 8
Tableau
de l'homolatéralité à l'école maternelle
1 2 3 4 5 6
c % 0 15 3& 28 23 17
progressif.
Tableau
du miroir à l'école maternelle
l 2 3 4 5 6
c % 4 3 18 26 53 48
(i) a) II donne un coup de pied (droit) ; b) il saute (à pieds joints) ; c) il court (bras
gauche en avant, droit en arrière, genou droit en avant).
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 11
Tableau
d'utilisation des jambes seules (maternelle)
Réussite c % 0 20 18 7 0 5
Miroir % 0 0 13 0 3 5
Les proportions entre réussite et miroir vont dans le même sens que
dans les épreuves précédentes. Le fait que l'acte est tourné vers le sujet
lui-même ne paraît pas avoir ici d'influence (1). Mais pour le geste de se
gratter, l'homolatéralité paraît plus fréquente, plus constante à tous les âges,
cette différence paraît due à ce que l'acte répond à un geste de défense et
à une activité circulaire, c'est-à-dire à une activité suscitée et modifiée par
son résultat.
Tableau
de l'homolatéralité pour le geste de se gratter
(ensemble des enfants)
12 3 4 5
% 71 71 51 65 20
(i) a) II lace le soulier, genou droit levé, deux mains au pied droit,
b) II gratte son genou (main droite, genou gauche).
12 H. WALLON et L LURÇAT
Tableau
pour l'école maternelle
Homolatéralité et miroir dans les gestes croisés objectifs et subjectifs
Gestes croisés subjectifs Gestes croisés objectifs
Miroir Miroir
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
a 8 34 50 52 76 60 a 0 5 2 13 3 22
b 20 30 44 60 76 65 b 20 65 73 63 73 77
c 4 26 28 57 53 71 c 12 5 23 37 69 31
d 12 30 36 71 73 91 d 16 42 50 57 80 85
LA MANIPULATION
Dans une seconde série d'épreuves, les gestes à exécuter sont donnés
sur consigne verbale de l'expérimentateur par l'intermédiaire du
mannequin manipulé par l'enfant lui-même. Il y a donc consigne verbale au début
et accord nécessaire entre la consigne reçue et son image réalisée par
l'enfant personnellement.
L'intervention du mannequin pour donner un modèle visuel de l'acte
demandé met en évidence deux attitudes différentes des enfants dans
l'expérience. Il y en a qui assistent à la mise en position du modèle par
l'expérimentateur, mais qui ne veulent pas passer à l'acte tant qu'ils n'ont pas
manipulé eux-mêmes. La difficulté de ce passage consiste dans leur
incapacité de modifier l'attitude contemplative en attitude active. D'autres ne
savent pas imprimer eux-mêmes le mouvement au mannequin, ils font le
geste demandé. La liaison se fait de personne à personne, escamotant l'image
visuelle du mannequin. Le mannequin constitue donc dans le circuit un
facteur nouveau qui peut compliquer la tâche de l'enfant au lieu de la
simplifier. C'est sans doute un facteur d'identification, et c'est pourquoi
nous avons cru bon de doubler l'action d'un modèle réalisé personnellement.
Série 9 :
La manipulation - Série 10 :
(i) a) Fais-le manger avec sa main à lui ; b) Fais-lui dire bonjour avec sa main
à lui ; c) Fais-lui mettre un chapeau avec sa main à lui.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 15
La manipulation
Tableau
concernant l'école maternelle
Série 10 - a a' b b' c c' d d'
Réussites % Refus
1 2 3 4 5 6
a 28 26 55 76 69 77 a'
a 28
32 7 2
a' 28 26 50 89 73 77 7 2
b 24 46 55 81 76 82 b 40 7 5
b' 20 42 55 89 76 82 b' 40 11 10
c 0 19 34 34 26 28 c 36 3 7
c' 0 . 0 10 18 0 0 c' 36 11 7
d 0 23 42 34 23 31 d 32 7 5
d' 0 3 2 23 0 0 d* 36 11 10
Miroirs
1 2 3 4 5 6
b' 4
d' 42 42 71 84 74
42 47 71 88 85
La manipulation
Tableau
concernant l'ensemble des enfants
Série 10 - a a' b b' c c d d'
Série 10 (suite) :
Les gestes croisés (1) introduisent une nouvelle difficulté qui se traduit
par la fréquence beaucoup moindre des réussites chez les enfants les plus
jeunes. Comment s'explique cette différence qui se traduit par des échecs
tant dans l'épreuve de manipulation que dans celle d'imitation ? Si peu
nombreuses soient-elles, les réussites l'emportent dans la manipulation aussi
bien pour le geste de se toucher l'épaule que pour celui de se toucher le genou.
L'imitation de ce dernier est à son minimum puisqu'à l'école maternelle, il
ne dépasse pas 2 % des enfants. Cette rareté des réussites ne paraît pouvoir
s'expliquer que par une confusion qu'introduit le geste croisé qui met en
jeu deux champs distincts, tant au point de vue moteur qu'au point de vue
perceptif. Ceci s'exprime directement par l'homolatéralité de manipulation
et d'imitation, celle-ci beaucoup plus rare que la première. A noter, la
fréquence relative, d'abord des refus qui indiquent le trouble de l'enfant,
et ensuite des inversions qui se multiplient, et celui des miroirs. Les
confusions de direction sont de deux formes, confusion de droite et de gauche,
qui est la plus fréquente, et la confusion devant derrière beaucoup plus
grave.
La manipulation
Tableau
concernant l'école maternelle
Série 10 - e e' f f
Réussites Refus
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
e'
e 0 0 15 39 26 17 e'
e 32 3 7
0 0 0 15 0 8 32 11 13
f 0 0 13 42 30 20 f 36 7 13
f 0 0 0 2 7 3 f 44 15 13
Inversions Miroirs
1 2 3 4 5 6 1 2 3 4 5 6
e 0 11 7 23 50 45 e' 16 26 52 63 80 65
f 0 7 15 26 57 51 V 12 11 52 68 88 74
(i) e) Fais-lui toucher l'épaule droite avec la main gauche ; e') mets-toi comme
lui ; f) fais-lui toucher le genou gauche avec la main droite ; f) mets-toi comme lui.
18 H. WALLON et L LURÇAT
Série 10 {suite) :
(i) e) Fais-lui montrer le chemin avec sa main ; e') mets-toi comme lui ; f) Fais-lui
enfoncer un clou avec un marteau, de quelle main tient-il le clou ? f) mets-toi comme lui.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 19
fictif (recherche d'un objet au sol, prendre un objet sur une étagère), alors
que l'incompréhension de l'acte fictif provoque l'inhibition du sujet. Tout
se passe comme si la référence à un objet absent inhibait le mouvement,
alors que la référence à un acte automatique le déclenche dans son entier
déroulement.
Tableau
concernant les six groupes de l'école maternelle
Série 10 - g g' h h'
Réussites Refus
Gr. 1 2 3 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 S
g'
g 0 347 60
21 817 84
15 973 g'
g 40 23
15 14
13
h'
h 00 0 267 21
15 23
15 605 h'
h 40 23 13
LE QUESTIONNAIRE
(1) Série i, montre-moi sur le bonhomme : i) son épaule droite ; 2) son bras gauche ;
3) son genou droit ; 4) son pied gauche.
(2) Série 2, montre-moi 1) ton bras droit ; 2) celui du bonhomme ; 3) mon bras droit.
20 H. WALLON et L. LURÇAT
Tableau
concernant les six groupes de l'école maternelle
Questionnaire série 1
Réussites, % Inversions
<Gr. 1 2 5 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 6
a 16 23 42 55 61 31 a 28 42 39 39 34 65
b 20 26 39 52 34 34 b 24 38 34 34 53 62
c 16 19 39 57 38 31 c 28 11 44 31 61 65
28 19 31 36 23 34 d 24 38 36 28 42 60
Questionnaire série 2
Réussites Inversions
Gr. 1 2 3 4 5 6 Gr. 1 2 3 4 5 6
a 72 88 84 65 83 68 a 16 11 13 31 11 31
b 23 26 44 52 42 34 b 52 73 52 44 57 65
c 12 11 17 28 33 37 c 64 80 76 63 61 62
Questionnaire série 4
Gr. l 2 3 4 5 6
Oui 52 50 50 50 30 25
Non 4 15 26 28 46 34
Réponses commentées : 0 0 5 10 19 31
l'objet, mais également avec un objet fictif, ces deux séries d'épreuves ayant:
pour intermédiaire des exercices sur les directions de l'espace.
de la cuisse. Les gestes associés sont plus nombreux lorsque la consigne est de
tirer la langue. L'enfant ajoute aux associations précédentes la prognation de la
langue. Il y a des persévérations du lever de bras, des réactions circulaires
tournées vers l'oreille ou vers la cuisse. Les transferts de l'acte sont la
transmission à la tête du mouveinent de la langue qui est tirée de face. Ils peuvent être
également un transfert du mouvement de la langue au corps qui est tourné.
La réussite.
C'est dans le groupe 4 que semble se faire la mutation vers la réussite.
Dans chaque série de deux consignes du même type, le premier lever de bras
ou tirer de langue semble être un apprentissage du second, sauf dans le groupe
1 où il y a identité ou légère régression. Le lever de bras est meilleur quand
la stimulation est faite à l'creille, c'est net dans la classe 4, un peu moins
dans les groupes 5 et 6.
Tableau
de la réaction circulaire et du circuit symétrique
Tableau
du transfert de l'acte
Tableau Tableau
des réponses syncrétlques des réussites en %
Groupes 1 2 3 4 5 6 Groupes l 2 3 4 5 6
1 18 1 22 21 28 77 76 95
2 7 7 2 18 21 32 71 80 95
3 7 10 4 12 3 18 10 28 45 60 70
4 7 10 7 8 4 18 21 28 54 60 75
5 18 57 52 22 24 8 5 14 21 32 48 64 70
6 14 32 24 14 16 0 6 11 25 48 60 76 87
7 11 39 52 22 20 15 7 18 32 24 43 72 70
8 7 32 36 14 12 8 8 18 42 46 68 80 87
Résultats :
Série 1 : 55% de réussites, 20% de marche à reculons, 6% tournent la
tête, 10% se tournent à 90°.
Série 2 : 48% de réussites, 34% se tournent à 90°, 13% tournent la tête.
Série 3 : 44% de réussites, 34% tournent la tête, 10% se tournent à 90°.
ESPACE POSTURAL ET ESPACE ENVIRONNANT 25
Le champ ambiant.
Le champ ambiant est composé physiologiquement de quatre champs
accouplés deux par deux, devant derrière, droit et gauche. Les champs
droit et gauche sont en rapport avec l'axe du corps. Le passage peut être
difficile (voir les épreuves où le geste doit être croisé par rapport à
l'excitation ou à l'acte qu'il s'agit d'accomplir). Cependant, il peut y avoir simul-
26 H. WALLON et L. LURÇAT
tanéité entre les deux champs latéraux, il est même normal que, senso-
riellement, l'enfant les perçoive simultanément. La difficulté de passage
de l'un à l'autre est donc d'ordre postural et moteur, c'est une orientation
par rapport au corps propre. L'orientation subjective du couple devant
derrière, au contraire, n'est pas donnée simultanément dans la perception :
il fait l'objet d'une alternative qui suppose une conversion du corps propre
par rapport aux directions de l'espace. Cependant, bien que, ou parce que
entièrement exclusifs l'un de l'autre, le passage d'un champ à l'autre paraît
plus précoce que le passage d'un champ latéral à l'autre. Ici, l'orientation
par rapport à l'ambiance domine l'orientation subjective, tout au moins,
la discrimination que l'enfant est capable de lui donner. Au point de vue
de l'adaptation, l'opposition devant derrière est plus utile que la
discrimination gauche droite qui est toujours modifiable en cours d'exécution de l'acte.
Un autre aspect des rapports entre l'espace postural et l'espace
environnant est relatif à l'objet. Plusieurs niveaux, celui où l'objet est manié
par le sujet, celui où l'objet est absent, mais supposé manié par le sujet. On
passe ainsi de l'espace objectif à l'espace fictif, c'est-à-dire à celui de la
représentation. Nous avons imaginé plusieurs séries d'épreuves. L'une où il
s'agit de gestes sur soi-même comme de se peigner, brosser ses chaussures,
mettre une écharpe ; ces épreuves rappellent par leur but subjectif des
épreuves déjà étudiées où nous envisagions, en particulier, l'influence de
l'activité circulaire. Dans cette série, l'importance du geste semble
l'emporter sur celle de l'objet qui est impliqué dans l'acte et qui s'en distingue
assez mal. Une autre série consiste en opérations impliquant des
instruments et des buts étrangers à l'individu physique : c'est de remplir un verre
d'eau et d'enfiler une aiguille. Ici, l'acte et son résultat se dissocient
aisément des gestes correspondants, c'est l'objet ou l'instrument qui devient le
guide des gestes. Ces épreuves-là ont été prescrites avec et sans objet. Nous
avons comparé la réussite suivant que l'enfant commence par manier l'objet
réel, puis faire le simulacre sans l'objet et inversement. Ainsi pensons-nous
passer de l'espace objectif à l'espace de la représentation.
Tableau
des réussites en pourcentages
Résultats :
Actes avec objets ;
Enfants commençant par la figuration
(la manipulation est faite en second lieu)
Groupe 1 (30) Groupe 2 (42) Groupe 3 (41)
a 83% a 97% a 100%
b 76 b 100 b 100
c 50 c 64 c 97
d 70 d 83 d 97
e 60 e 73 e 97
Tableau
d'ensemble de la réussite pour les trois groupes
avec objet sans objet
12 3 1 2
Nombre d'enfants : 58 82 84 82 84
a 79 92 97 70 89
b 83 100 98 75 88
a'
b'
d'
c' 27
e' 556
48
c 44 64 97 68 92
d 68 87 96 15 32
e 58 76 95 26 42
Réponses verbales substituées à l'acte sans objet
Groupes 1 2 3
a' 3% 5 1
b' 7 5 1
c' 7 11 2
d' 18 21 23
e' 10 15 23
28 H. WALLON et L LURÇAT
de tarte, mais précisément chez les jeunes enfants, la fiction est dans beaucoup
de jeux un exercice fonctionnel. Et ici, la fonction en jeu est le passage du
concret à la représentation symbolique et, d'une façon plus lointaine, au
second système de signalisation, à l'usage conceptuel du langage.
CONCLUSION
Nous avons réalisé des expériences destinées à étudier les étapes par
lesquelles passent les rapports des activités motrices et de l'espace ambiant. Ces
expériences visent à montrer les relations des différents gestes avec le champ
ou les champs extérieurs, où ils se déploient. Mouvements simples et
purement fonctionnels des bras et des jambes, gestes automatiques, gestes concrets
supposant des contacts et des maniements d'objets et gestes simulant le
maniement fictif des mêmes objets, gestes croisés combinant les gestes
avec les directions de l'espace et avec les latéralisations du corps, gestes
croisés intéressant l'hémi-champ droit et l'hémi-champ gauche. Ainsi nous
avons pu suivre la capacité de l'enfant à entrer en rapport avec le milieu,,
prendre conscience des différentes directions de l'espace. Ainsi avons-nous
pu mettre en évidence la connaissance des mouvements propres à chaque
partie du corps, l'interférence possible entre les mouvements prescrits et
les mouvements habituels, les rapports de symétrie et d'homolatéralité.
L'espace postural et l'espace environnant sont en fait inséparables et
ont chacun des caractéristiques propres, c'est-à-dire qu'ils exigent de
l'individu des réactions différenciées. L'espace est pour l'homme la condition réelle
de tout ce qui existe, toute réalité est spatiale. L'espace est une réalité
extérieure à l'homme, mais dont l'homme, dès les premiers temps de son
évolution, a saisi successivement les différents aspects en fonction de ses activités
diverses : marche debout, fabrication d'objets, rapports du simulacre et dix
signe. C'est ainsi qu'il a différencié sa droite de sa gauche et qu'il a pu
s'orienter subjectivement à travers l'ambiance objective, qu'il a pu également
façonner ses mouvements sur les objets qu'il manipulait pour eux-mêmes
et qu'il devait situer par rapport à ses gestes et par rapport aux modifications-
des objets.
La réalité spatiale présente différentes formes, différents niveaux qui
varient avec l'évolution de l'être qui y déploie son activité. Il est fonction
d'abord des rapports sensori-moteurs de cet être ; par exemple, on peut
distinguer, avec William Stern, trois sortes d'espaces : premièrement l'espace
buccal, à l'âge où seuls les complexes sensori-moteurs des lèvres, de la langue,
peuvent donner lieu à des actions suffisamment différenciées pour explorer
les objets, que les petits enfants commencent toujours par porter à la bouche.
Deuxièmement, l'espace proche. Celui de l'enfant dont l'appareil loco-moteur
n'est pas encore capable de le déplacer par lui-même. C'est l'espace des
objets qui sont à la portée de la préhension et du maniement manuel. Cet
espace fait connaître les objets d'une façon pas seulement visuelle, mais
tactile et kinesthésique ; il est plural, au cours des déplacements passifs de
l'enfant, sans qu'il puisse unifier ses différentes zones de manipulation.
Troisièmement, l'espace loco-moteur qui permet d'apprécier les distances, de recoudre
ensemble les espaces proches et de les fondre dans l'espace total. Ces trois sortes
32 H. WALLON et L LURÇAT
et tient lieu d'espace des causes. Chez l'homme moderne aussi, seulement,
ce ne sont plus des actes mystiques, ce sont des formules scientifiques, des
causes physiquement analysées, et non des puissances anthropomorphiques
de divinités ou de héros. Il y a un espace abstrait de nature beaucoup plus
physiologique, celui, par exemple, qui intervient dans la fonction du langage.
Les distinctions que nous venons de faire ne concernent pas l'unité de
l'espace, elles marquent différents plans de nos contacts personnels avec le
monde extérieur. Ces contacts relèvent des différents niveaux de notre
activité sensori-motrice et mentale. Du point de vue sensori-moteur, elles posent
le problème de nos gestes, des milieux où ils se déploient. Du point de vue
opératoire, elles sont une organisation des objets par rapport à nos actes.
Du point de vue mental, elles montrent le passage de l'acte à la
représentation et au langage.
Ainsi notre étude touche à quelques-uns des problèmes
fondamentaux des rapports du psychisme humain et de la réalité matérielle et
intellectuelle.