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Guide pratique

de l’achat
de prestations
intellectuelles
Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Prestation
[Édito]

intellectuelle :
un achat comme Les achats de prestations intellectuelles sont une catégorie stratégique pour de
nombreuses entreprises. Utilisées par beaucoup de départements en interne (Direction

un autre ? Générale, RH, Marketing, Communication, Finance, DSI, Production, Qualité, etc.),


ces prestations sont extrêmement variées (consulting, formation, coaching, audit,
avocats, juristes, agences, prestations informatiques, certification, veille, etc.)
Mais si ces achats font partie de la grande famille des achats de services, ils possèdent
leurs spécificités propres. Dans la mesure où ces prestations sont réalisées par des
Hommes pour des Hommes, l’acte d’achat demeure un exercice complexe car basé
sur un fort ressenti propre à chacun. La relation intuitu personae que les clients internes
entretiennent avec leurs fournisseurs peut être effectivement très forte.
Par nature spécifique et nécessitant de la part des acheteurs une très bonne
connaissance des différents enjeux métiers de l’entreprise, cette famille d’achats
leur échappe encore, les prescripteurs souhaitant garder la main et leurs habitudes
avec leurs fournisseurs. Difficile donc pour les services Achats d’avoir une vision globale
à la fois du panel fournisseurs et de l’enveloppe de dépenses.
Parce qu’elle représente environ 20 % de la masse totale des achats, cette famille mérite
pourtant une attention particulière notamment pour optimiser le processus achat (cahier
des charges fonctionnelles, sourcing, référencement, outils de suivi, indicateurs, etc.)
et faire de l’achat de prestations intellectuelles, un achat (presque) comme les autres !
[Sommaire]

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Une famille d’achats Propriété Clients internes L’acheteur,
très vaste, des intellectuelle, délit en pôle position business partner plus
prescripteurs très de marchandage et que cost killer
nombreux prêt de main d’œuvre
illicite
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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Une famille S’il n’existe pas de définition précise, on considère

d’achats néanmoins qu’une prestation est « intellectuelle » dès lors


que la part de réflexion est supérieure à la part de service.

très vaste, Elle est également caractérisée par l’immatérialité et fait


appel à l’imagination et à la créativité. Le prestataire ne vend
pas de marchandise mais va mettre à disposition de son
des prescripteurs client son savoir-faire dans un domaine précis. Une prestation
qui sera matérialisée (ou non) par la remise d’un livrable.
très nombreux

A u sein de la plupart des grandes


entreprises, toutes les fonctions
prescriptrices engagent des
dépenses en prestations intellectuelles
(PI). La Direction Générale pour des
besoins en conseil ou coaching, les
Ressources Humaines (conseil, recrutement,
formation…), la Finance (auditeurs, avocats/
juristes, huissiers…), la Communication
& le Marketing (conseil, agences…), la
DSI (conseil, prestations informatiques…),
la Production (conseil), la Qualité (conseil,
certifications, audits…) ou encore le Bureau
d’étude (conseil, études, diagnostics, design
to cost, veille technologique…). Des besoins
en ressources humaines externes qui
représentent environ 20 % de la masse


totale des achats des entreprises.

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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles
Une famille


d’achats
très vaste,
des prescripteurs
très nombreux 2 QUESTIONS À…
Variés et spécifiques, les achats de
prestation intellectuelle représentent un CYRIL TROUILLER,
réel défi pour l’acheteur – dès lors que DG délégué de Freelance.com
celui-ci les pilote – car les contraintes sont
nombreuses. En effet, de par leur caractère
immatériel, il est par exemple difficile de
mettre en place des leviers de contrôle « CES ACHATS SONT TRÈS DÉCENTRALISÉS »
sur une PI car l’achat est directement lié
aux ressources humaines en charge de la
prestation et donc doit répondre à toutes Selon vous, les entreprises connaissent-elles bien
les contraintes, notamment juridiques, qui en cette famille d’achats ?
découlent. Autres difficultés majeures : Si elles savent qu’il s’agit d’achats particuliers car
fixer les obligations de résultats et savoir les les prestations sont réalisées par des Hommes, que
mesurer. D’où l’importance de mettre en la sous-traitance de prestations intellectuelles est régie
place un cahier des charges fonctionnelles, par certaines règles (délit de marchandage, prêt de
réalisé idéalement par le binôme « acheteur- main-d’œuvre illicite), la mise en œuvre reste très
prescripteur », d’organiser des rendez-vous difficile car ces achats sont très décentralisés, la
pendant la mission afin de suivre l’évolution diffusion de l’information demeure donc difficile.
des travaux et d’effectuer des validations
intermédiaires. Quid du suivi ?
Cette famille d’achats est très vaste donc difficile
à structurer et à suivre. C’est pourquoi assez peu
d’entreprises ont paramétré leur logiciel de type ERP
pour la piloter. Il est donc encore très difficile d’avoir une
vision globale parfaite de cette famille d’achats, à la fois
en termes de dépenses et de fournisseurs référencés.

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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Propriété
intellectuelle, délit Les spécificités de cette famille d’achats sont liées au fait que
les prestations sont réalisées par des individus. La dimension

de marchandage humaine est donc très forte et requiert de la vigilance


côté entreprise. Au cœur des préoccupations : la protection

et prêt de main-
des droits de propriété intellectuelle, le risque de délit
de marchandage et de prêt de main-d’œuvre illicite.

d’œuvre illicite :
comment éviter
les risques !
U ne entreprise qui collabore régulièrement avec
des développeurs informatiques ou des créatifs par
exemple, doit s’assurer en amont que ces derniers ont
accepté contractuellement de céder leurs droits de propriété
intellectuelle. Le contrat devra également mentionner les
notions d’exclusivité, de temps et de périmètre géographique.
C’est également à l’acheteur, aidé si besoin par le service
juridique, qu’incombe la tâche de vérifier que le fournisseur
a bien veillé à protéger les droits de PI avec ses propres
prestataires.
Autres risques inhérents à cette catégorie d’achats : le délit
de marchandage et le prêt de main-d’œuvre illicite. Des
situations malheureusement encore très courantes dans le cas
de missions longues qui s’expliquent par une méconnaissance
ou mauvaise prise en compte des risques juridiques par


l’entreprise. Si faire appel à un freelance dans le cadre d’une

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Propriété
intellectuelle, délit
de marchandage
et prêt de main-
d’œuvre illicite :
comment éviter
les risques !


mission ponctuelle ne pose pas trop de problème,
cela se complique quand celui-ci pose ses valises,
apparaît sur l’organigramme de l’entreprise, est
présenté de manière formelle au reste de l’équipe, UNE ENTREPRISE QUI COLLABORE AVEC
participe aux réunions de service, se fait valider son
planning et ses congés, possède un badge d’accès,
DES DÉVELOPPEURS INFORMATIQUES
une carte de visite au nom de l’entreprise, une adresse OU DES CRÉATIFS PAR EXEMPLE,
mail pro et un PC ! Une situation qui cumule deux DOIT S’ASSURER EN AMONT QUE
infractions reconnues par le Code du travail : le délit CES DERNIERS ONT ACCEPTÉ
de marchandage et le prêt de main-d’œuvre illicite
(article L. 8241-1 du Code du travail). Pour les éviter,
CONTRACTUELLEMENT DE CÉDER LEURS
l’entreprise doit s’assurer que les conditions de DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE.
travail d’un salarié ne soient pas appliquées aux
ressources externes.
Dernière spécificité à clarifier dès le départ
avec le prestataire : l’obligation de moyens
ou l’obligation de résultat afin de le formaliser
contractuellement. Un « panachage » moyens/
résultats est également possible. Une liberté
contractuelle qui permet par exemple de prévoir
une « obligation générale de moyens renforcée »
ou une « obligation de résultat diminuée »
ou « atténuée » à la charge du prestataire.

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Propriété
intellectuelle, délit
de marchandage
et prêt de main-
d’œuvre illicite : 2 QUESTIONS À…
comment éviter
les risques !
MAÎTRE SOLÈNE BRIZAY

« LE RISQUE URSSAF PEUT FAIRE BEAUCOUP DE DÉGÂTS »

Quels sont les principaux risques associés aux achats Un autre risque existe quant à la requalification du
de prestations intellectuelles ? prestataire personne physique en salarié, si l’Urssaf
L’un des risques majeurs est le risque « Urssaf » lié à est en mesure de prouver (par faisceau d’indices)
la solidarité financière existant entre les cocontractants. que le contractant est, en réalité, placé sous la
Si, lors d’un contrôle Urssaf, il s’avère que le prestataire subordination juridique du client. L’Urssaf peut
de services n’est pas en règle vis-à-vis des organismes également tenter de démontrer que le prestataire
sociaux (Urssaf, RSI etc.), tant au niveau de la couverture est dépendant économiquement de son client.
sociale du dirigeant que de celle de ses salariés
(dissimulation ou minoration de la masse salariale par Comment éviter le pire ?
exemple), le client peut être tenu solidairement à régler Les montants en jeu peuvent être très importants.
les cotisations sociales et les pénalités du prestataire Il convient de mettre en interne un process strict
(pénalités pouvant aller jusqu’à 40 % du montant des d’obtention et d’authentification des attestations
cotisations dues), au prorata du chiffre d’affaires réalisé. de vigilance des cocontractants et d’« auditer »
Tel est le cas, par exemple, lorsque l’Urssaf constate que et avoir une bonne connaissance de ses partenaires
le client n’a pas obtenu l’attestation de vigilance (prévue contractuels. Attention à la rédaction des contrats
par l’article L243-15 du Code de la Sécurité sociale) commerciaux qu’il convient d’adapter pour prendre en
ou n’a pas vérifié son authenticité, ou encore lorsque compte ce risque (obtention impérative des attestations
l’Urssaf considère que, compte tenu de la mission confiée de vigilance et modalités d’exécution des prestations).
au prestataire, le client ne pouvait pas ignorer que le Intégrer le juriste en amont est préférable car dans
prestataire commettait un acte de travail dissimulé. ce domaine il est plus facile de prévenir que guérir.

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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Clients internes Côté sourcing fournisseurs, les clients internes ont


généralement identifié un certain nombre de prestataires
avec qui ils ont pris l’habitude de travailler. Du fait de
en pôle position cette autonomie, l’intervention de la direction des achats
est souvent perçue d’un mauvais œil.

S ans être experte dans tous les domaines, la


direction des achats peut pourtant apporter
sa pierre dans ce travail de sourcing, souvent
fastidieux, en sollicitant notamment son écosystème
(réseaux d’acheteurs, fournisseurs, concurrents à
l’achat) et en élaborant une stratégie (fournisseurs
généralistes ou spécialistes) pour optimiser le panel.
Côté référencement et parce que ces achats
touchent toute l’entreprise, la problématique est
tout d’abord de savoir ce qu’il convient, ou non,
de référencer. Tout référencer étant une mission
quasi-impossible en raison de l’autonomie de
certaines directions. Certaines entreprises choisissent
le référencement fermé avec des consultations
tous les deux ou trois ans pour sélectionner un panel
restreint de fournisseurs sur les différents segments
de cette vaste famille d’achats. Une stratégie
qui peut générer des tensions en interne avec les
prescripteurs mais permet de cadrer les choses pour
les aiguiller sur des segments ultra concurrentiels.

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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Clients internes
en pôle position
2 QUESTIONS À…
HICHAM ABBAD ANDALOUSSI,
associé du cabinet KLB Groupe, spécialisé dans l’implémentation de projets achats

« L’ACHETEUR DOIT AVOIR UN LANGAGE BUSINESS AVEC LE PRESCRIPTEUR »

Quelle est - ou quelle devrait être - la place des achats Pour y parvenir, le profil des acheteurs doit évoluer
dans le référencement ? pour être en mesure d’avoir une bonne relation
Les achats doivent se positionner en tant que commerciale avec le client interne et dépasser l’acte
coordinateurs entre les fournisseurs et les d’achat pur.
prescripteurs. Ils ne doivent pas, selon moi,
réaliser seuls le référencement, ceci afin d’avoir Et le positionnement des achats tout au long du
le meilleur taux d’adoption possible de la politique processus ?
de référencement mise en place dans l’entreprise. Dans le cas de l’achat de prestation informatique,
Les achats doivent impérativement intégrer les par exemple, les achats interviennent trop souvent en
prescripteurs dans le projet car leur rôle est de leur aval du processus de référencement avec au minimum
vendre des solutions. Si ces derniers ne sont pas un brief, et au mieux un cahier des charges orienté
convaincus de la solution, ils ne l’utiliseront pas. solutions et non besoins fonctionnels. L’acheteur
S’il ne peut y avoir des experts achats dans tous devrait au contraire être positionné très en amont,
les domaines, l’acheteur doit se présenter comme dès la définition du besoin du prescripteur, pour être
un facilitateur et être en mesure de parler business capable d’établir ensemble un cahier des charges
avec le prescripteur pour l’aider à sécuriser son projet, fonctionnel, seule configuration qui permet d’optimiser
améliorer la performance des fournisseurs et non le TCO.
à acheter moins cher.

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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Si la réduction des coûts reste la priorité numéro 1 des directeurs


L’acheteur, achats, leur mission ne se résume pas à une simple démarche de
cost killing puisque en tant que garants de la maîtrise des coûts de
business partner l’entreprise, ils doivent accompagner les métiers sur leurs dépenses.
Et en matière d’achat de prestations intellectuelles, la tâche s’avère

plus que cost killer plus ardue que pour d’autres familles d’achats puisque, nous l’avons
vu, certaines directions souhaitent rester autonomes.

étroite collaboration avec les clients


internes. Des « devis par forfait »

L
peuvent également être demandés
orsque l’acheteur est aux manettes, pour des prestations plus standards
la question de la négociation autour ou encore des « coûts à la page »
du prix peut être délicate car il doit pour des conceptions graphiques de
à la fois maîtriser ses coûts et s’assurer type documents publicitaires.
d’avoir une prestation de qualité qui En termes de leviers de négociations,
réponde bien aux besoins des métiers. et bien qu’il soit souvent difficile
Pas toujours simple de négocier donc de prévoir les besoins futurs en
pour acheter au juste prix. prestations intellectuelles, il est
Avant de lancer une consultation, il néanmoins possible de s’accorder
convient tout d’abord de bien identifier avec le prestataire sur des RFA
les différents profils de consultants en (remise de fin d’année), selon le
définissant par exemple une grille afin chiffre d’affaire réalisé avec lui.
de les classer (consultant junior, senior, Des malus peuvent également
chef de mission, associé, etc.) puis être décidés au moment de
déterminer le coût journalier par profil la négociation pour palier à la
ainsi que la charge de travail en nombre survenue d’imprévus et donc de
de jours. Une étape qu’il convient de coûts supplémentaires ainsi que des
particulièrement soigner et réaliser en bonus pour motiver le prestataire. 10
Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

L’acheteur,
business partner
plus que cost killer
2 QUESTIONS À…
OLIVIER WAJNSZTOK,
directeur associé d’AgileBuyer, cabinet de conseil en Achats

« LES ACHETEURS DOIVENT ÊTRE IMPLIQUÉS TRÈS EN AMONT »

Coûts journaliers, devis par forfait : quelles sont les Quels sont les leviers de négociation pour cette
bonnes pratiques ? famille d’achats ?
Il faut avant toute chose être extrêmement rigoureux Un point clé : la capacité qu’ont les acheteurs à être
dans la définition de chaque profil. Qu’entend-on impliqués très en amont. Leur valeur ajoutée sera
par junior par exemple ? Quelqu’un qui sort de l’école de pouvoir être force de proposition dans la phase
ou bien qui a deux ans d’expérience ? Dans le cas de consultation des fournisseurs. Les acheteurs
contraire, l’entreprise aura en face d’elle des cabinets peuvent également demander des RFA ainsi que
qui auront chacun une définition différente. Cette grille des bonus ou malus mais encore une fois s’ils sont
de profils doit être réalisée en étroite collaboration impliqués très en amont et que les choses sont bien
avec le client interne. structurées en interne.
Concernant les forfaits : dans un monde idéal il faudrait
à mon sens que toutes les prestations soient réalisées
par forfait. Problème : il n’est pas toujours simple pour
l’acheteur de bien définir son besoin. Un délivrable
mal défini entraînera ainsi une prestation qui ne
correspondra pas au besoin. Le forfait peut dans ce cas
devenir une contrainte. Le forfait est donc pertinent
pour des prestations « standards » et bien maîtrisées
par l’entreprise.

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Guide pratique de l’achat
de prestations intellectuelles

Les acheteurs commencent


[Conclusion] à reprendre la main sur cette famille
d’achats extrêmement difficile à piloter
car très décentralisée et touchant à l’humain et à l’intangible. Pour y parvenir, la direction
des achats doit à la fois bénéficier d’un vrai soutien de la part de sa direction générale et
apporter la preuve réelle de sa valeur ajoutée et de son utilité aux yeux des clients internes.
Une approche qui nécessite de la part des acheteurs l’adoption d’une posture nouvelle
pour s’imposer, petit à petit, en tant que business partner et facilitateurs, pour ne plus être
perçus comme des chasseurs d’économies. Pour cela, le profil des acheteurs doit encore
évoluer pour être en mesure d’avoir une bonne relation commerciale avec le client interne
et dépasser l’acte d’achat pur.

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Cet ebook est édité par le Groupe freelance.com
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1, parvis de La Défense
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Responsable éditorial : Christophe Minart
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Jean-Sébastien Rocheteau (tél. : 01 41 31 72 44)
Janvier 2018 www.freelance.com

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