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Revue belge de philologie et

d'histoire

Recherches sur l’escrime du soldat romain : le combat au glaive


du IIe siècle av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-C.
Sergio Boffa

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Boffa Sergio. Recherches sur l’escrime du soldat romain : le combat au glaive du IIe siècle av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-
C.. In: Revue belge de philologie et d'histoire, tome 88, fasc. 1, 2010. Antiquité. pp. 67-91;

doi : https://doi.org/10.3406/rbph.2010.7792

https://www.persee.fr/doc/rbph_0035-0818_2010_num_88_1_7792

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Recherches sur l’escrime du soldat romain  :
le combat au glaive du IIe siècle av. J.-C.
au IIe siècle ap. J.-C.

«  On se battait à l’épée et c’est là que se


déchaîne surtout la fureur de Mars  »
Tite-Live, Histoire, II, 46

Sergio Boffa
Conservateur adjoint au Musée communal d’archéologie, d’art et d’histoire
de la ville de Nivelles

Introduction

Depuis le XIXe siècle, les armes romaines bénéficient d’une attention


toute particulière. Mais, si leur typologie suscite un grand intérêt, il en est tout
autrement de l’art de les utiliser. Les ouvrages sur l’armée romaine (1), son
armement (2) et sur l’histoire de l’escrime (3) ignorent ce sujet ou l’abordent
de manière plus que succincte. Ce constat a de quoi surprendre car les textes
et les sources iconographiques nous offrent suffisamment d’informations
pour que nous puissions nous faire une idée précise de leur maniement.
Dans le cadre de cet article, il n’est évidemment pas question de passer
en revue l’ensemble de l’armement offensif du légionnaire. C’est pourquoi
nous avons décidé de nous concentrer sur le glaive. On ne peut cependant pas

 (1)  L. Keppie, The Making of the Roman Army from Republic to Empire, 2e éd., Londres,
1998  ; G. Webster, The Roman Imperial Army of the first and second Centuries A.D., 3e
éd., Londres, 1998  ; A. Goldsworthy, The Complete Roman Army, Londres, 2004  ; P.
Connolly, Greece and Rome at War, 3e éd., Londres, 2006  ; C.M. Gilliver, Battle, in P.
Sabin, H. Van Wees & Whitby (éd.), The Cambridge History of the Greek and Roman
Warfare, II, Cambridge, 2008, p. 122-157.
 (2)  P. Couissin, Les armes romaines. Essai sur les origines et l’évolution des armes
individuelles du légionnaire romain, Paris, 1926  ; M. Feugère, Les armes romaines de la
République à l’antiquité tardive, Paris, 1993 (traduit en anglais: M. Feugère, Weapons of the
Romans, Stroud, 2002) ; M.C. Bishop & J.C.N. Coulston, Roman Military Equipment, from
the Punic Wars to the Fall of Rome, 2e éd., Oxford, 2006 ; R. d’Amato, Arms and Armour of
the Imperial Roman Soldier, From Marius to Commodus, 112 BC-AD 192, Londres, 2009.
 (3)  E. Castle, Schools and Masters of Fencing, From the Middle Ages to the Eighteenth
Century, Londres, 1885 ; F. de Villenoisy, Du mode d’emploi des épées antiques, in Revue
Archéologique, 3e sér., 24, 1894, p. 230-239  ; A. Hutton, The Sword and the Centuries or
Old Sword Days and Old Sword Ways, Londres, 1901  ; W. Gaugler, History of Fencing,
Bangor, 1998  ; R. Cohen, By the Sword, Gladiators, Musketeers, Samurai Warriors,
Swashbucklers, and Olympians, Londres, 2002.

Revue Belge de Philologie et d’Histoire / Belgisch Tijdschrift voor Filologie en Geschiedenis, 88, 2010, p. 67–91
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comprendre l’escrime romaine si l’on fait abstraction du bouclier. Ce dernier


n’offrait pas seulement une protection au combattant, mais l’encombrait aussi
tant par sa taille que par son poids. Sa présence influençait donc fortement
la manière dont le soldat se battait. Par ailleurs, nous le verrons, le scutum
était aussi utilisé de manière offensive. C’est donc du binôme glaive-bouclier
dont il sera question.
Les premiers Romains se battaient déjà à l’épée (ensis), mais nos
connaissances sur l’organisation et l’équipement des armées d’avant les
guerres puniques restent fort nébuleuses (4). Il ne nous sera donc pas possible
de nous attarder sur cette époque reculée et de découvrir l’escrime qui y
était pratiquée. Bien sûr Polybe et Tite-Live parlent abondamment de faits
d’armes qui se sont déroulés aux périodes anciennes, mais leurs récits sont
bien souvent teintés d’anachronismes. Nous préférons y voir des témoignages
décrivant la manière de combattre en vigueur depuis la fin de la période
républicaine plutôt que celle des temps plus anciens.
Nous sommes par contre bien mieux renseignés sur les techniques de
combat développées après l’adoption du glaive (gladius). La période pendant
laquelle il fut utilisé de manière généralisée dans l’armée s’étend du IIe siècle
av. J.-C. au IIe siècle ap. J.-C. Ensuite, c’est une épée longue, la spatha, qui
devient l’arme standard pour le combat au corps à corps. Les caractéristiques
de la spatha sont suffisamment différentes pour que l’on puisse affirmer sans
hésitation qu’elle n’était pas manipulée de la même manière que le gladius.
à partir du IIe siècle ap. J.-C., c’est une nouvelle escrime qui se développe.
Notre enquête se termine donc à ce moment.
L’objectif de cette étude est double. Tout d’abord, à l’aide des sources
anciennes, nous décrirons de la manière la plus plausible les techniques de
combat à l’arme blanche utilisées par les légionnaires romains. Le lecteur doit
néanmoins garder à l’esprit que chaque bataille est un cas particulier avec ses
propres impératifs tactiques, que chaque soldat avait une volonté, un moral,
un physique et une expérience qui lui étaient propres. En pratique, la manière
«idéale» de combattre décrite dans cet article pouvait donc être légèrement
différente en fonction des circonstances propres à chaque engagement.
Ensuite, nous allons essayer d’utiliser au mieux ces informations en les
plaçant dans un contexte plus large. Elles devraient nous permettre d’éclairer
de manière quelque peu différente certains des grands débats qui animent
actuellement la recherche historique sur l’armée romaine.
Une dernière remarque s’impose avant d’entrer dans le vif du sujet. Si
pour bien comprendre le maniement du glaive, il est impératif de connaître
l’équipement du soldat, l’organisation de son unité et son entraînement, le
moral, par contre, est un facteur marginal. En effet, s’il influence largement
la volonté, il est douteux qu’il ait un impact sur la sélection des techniques de
combat. Il n’y a aucune raison pour qu’un soldat courageux utilise son glaive
d’une manière différente qu’un légionnaire démoralisé.
 (4)  E. Rawson, The Literary Sources for the Pre-Marian Army, in Papers of the British
School in Rome, 39, 1971, p. 13‑31  ; C. Guittard, Les sources littéraires et historiques
concernant l’armement du légionnaire romain, in A.-M. Adam & A. Rouveret (éd.),
Guerre et Société en Italie au Ve et IVe siècles avant J.-C. Les indices fournis par l’armement
et les techniques de combat, Table-Ronde E.N.S. Paris, 5 mai 1984, Paris, 1986, p. 51-64  ;
Y. Le Bohec, L’armement des Romains pendant les Guerres Puniques d’après les sources
littéraires, in Journal of Roman Military Equipment Studies, 8, 1997, p. 13-24.
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L’armement défensif du soldat romain

Le légionnaire bénéficiait d’un armement défensif composé d’un casque


(galea ou cassis), d’une armure (lorica), de jambières (ocreae), de protections
pour les avant-bras (manica) et d’un bouclier (scutum).
Le casque jouait un rôle capital dans sa protection puisque la majorité
de ses ennemis étaient armés d’une épée longue et portaient leurs coups du
haut vers le bas. Dans ces conditions, la tête et les épaules étaient donc des
endroits particulièrement vulnérables (5). H.R. Robinson a référencé plusieurs
types de casques pour la période qui nous intéresse  : Montefortino, Coolus,
type Impérial-Gaulois et type Impérial Italien (6). Il n’est évidemment pas
question de détailler ici tous ces modèles. Rappelons simplement que si à
l’origine il n’est qu’une simple calotte, au fil du temps des protections pour
la nuque, les joues et la face ainsi que des renforts supplémentaires y seront
ajoutés. Ces modifications, comme l’a montré P. Connolly, sont intimement
liées à la posture adoptée par le soldat romain sur le champ de bataille (7).
Les armures étaient constituées d’écailles de cuivre ou de fer (lorica
squamata), de mailles (lorica hamata) ou de lames de métal articulées
(lorica segmentata). L’armure d’écailles offrait une protection suffisante. Elle
était cependant difficile à réparer et ne permettait pas une bonne liberté de
mouvements. L’armure de mailles s’ajustait bien au corps, malheureusement
la majeure partie de son poids, qui pouvait atteindre les quinze kilos, reposait
sur les épaules ce qui pouvait gêner le combattant dans l’utilisation de ses
armes (8). Ce n’était pas son seul défaut: elle ne protégeait que faiblement
cette dernière partie du corps humain et ses mailles ne résistaient pas aux
coups d’estoc de la lance ou de l’épée ni à l’impact des flèches. L’armure de
plates articulées était relativement légère puisqu’elle ne pesait qu’une dizaine
de kilos (9) et absorbait de manière satisfaisante les coups car son métal n’avait
pas été durci par la forge. Sa construction particulière permettait une bonne
liberté de mouvements, surtout au niveau des épaules. Elle était seulement
un peu moins confortable à porter que les armures de mailles ou d’écailles
et entravait légèrement la respiration (10).
Certains légionnaires portaient des jambières (11) ou des protections pour les
avant-bras (12). Ces pièces supplémentaires avaient pour rôle de protéger la jambe
gauche, qui se trouvait en avant et qui n’était pas couverte par le bouclier puisque
celui-ci s’arrêtait au niveau du genou, et le bras droit qui tenait le glaive et se

 (5)  Plutarque, Camille, XL.


 (6)  H.R. Robinson, The Armour of Imperial Rome, Londres, 1975.
 (7)  P. Connolly, The Roman Fighting technique deduced from armour and weaponry,
in V.A. Maxfield & M.J. Dobson (éd.), Roman Frontier Studies 1989, Proceedings of the
XVth International Congress of Roman Frontier Studies, Exeter 1991, p. 358-363.
 (8)  Connolly, 2006, p. 133, 231.
 (9)  Connolly, 2006, p. 231-233. Voir aussi M.C. Bishop, Lorica segmentata, Vol. I, A
Handbook of Articulated Roman Plate Armour, s.l., 2002 (JRMES Monograph, 1).
 (10)  Bishop, 2002, p. 92-93  ; Goldsworthy, 2004, p. 129.
 (11)  Tite-Live, Histoire, I, 43  ; Polybe, Histoire, VI, 23  ; Voir aussi le relief d’Osuna en
Espagne (première moitié du Ier av. J.-C.) (représenté dans Robinson, 1975, p. 164, fig. 175
et d’Amato, 2009, p. 18, ill. 8).
 (12)  Bishop, 2002, p. 68-73. Voir aussi certaines des métopes du trophée d’Adamklissi
représentées dans Robinson, 1975, p. 170, fig. 476-477.
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trouvait à découvert. Ces pièces d’armure supplémentaires semblent avoir été


empruntées à l’équipement des gladiateurs (13).
Le bouclier était un autre élément majeur de la panoplie défensive des
soldats (14). C’est pourquoi, lors d’attaques surprises, quand ils n’avaient
pas le temps de s’équiper, certains d’entre eux palliaient son absence en
s’enveloppant le bras gauche avec une cape ou un manteau (15). Le bouclier
était constitué de plusieurs couches de bois collées ensemble tandis que ses
bords étaient renforcés par des bandes métalliques (orles) afin de mieux
résister aux coups de taille et pour empêcher qu’il ne pourrisse quand il était
posé contre terre (16). Sa forme et sa taille changent avec le temps. Retenons
simplement qu’il était généralement cintré et qu’il s’étendait de l’épaule au
genou. Si les boucliers de l’époque républicaine pesaient dans les dix kilos,
leur poids diminuera jusqu’à cinq kilos et demi seulement (17). Ils semblent
avoir été extrêmement solides. N’écrit-on pas que le scutum du centurion
Scaeva aurait résisté à plus d’une centaine d’impacts ? (18) La présence d’une
pièce métallique placée en son centre (umbo) est capitale. Celle-ci ne sert pas
seulement à protéger la main gauche du soldat, mais elle transforme le bouclier
en arme offensive qui pouvait être utilisée pour frapper l’adversaire (19).
Cet armement défensif, aussi impressionnant qu’il soit, ne rend pas
invulnérable. Plusieurs témoignages nous parlent de soldats gravement
blessés ou couverts de cicatrices (20). Ailleurs, un vétéran de l’armée de César
s’exprime ainsi:
«  Il est tout simple, César, répliqua l’accusé, que vous ne me recon-
naissiez pas  ; car dans ce temps-là mon corps était entier  ; depuis, j’ai
perdu un œil à la bataille de Munda [45 av. J.-C.], et l’on m’a enlevé
quelques os du crâne. Quant au casque, si on vous le présentait à
présent, vous ne le reconnaîtriez pas non plus  ; car il a été coupé en
deux par un sabre espagnol  » (21).

Bien que le casque puisse être brisé, que l’armure ne procure pas une
protection totale, qu’elle gêne le combattant dans ses mouvements et que le
bouclier soit lourd et encombrant, l’équipement défensif du légionnaire lui
offrait une protection largement supérieure à celle de ses adversaires celtes,
espagnols ou germains. Il apportait aussi un important support psycholo-
gique qui lui permettait d’affronter un peu plus sereinement l’ennemi et

 (13)  M. Grant, Gladiators, Harmondsworth, 1967, pl. 4-7.


 (14)  M. Eichberg, Scutum. Die Entwicklung einer italisch-etruskischen Schildform von
den Anfängen bis zur Zeit Caesars, Francfort sur le Main, 1987  ; P.F. Stary, Ursprung
und Ausbreitung der eisenzeitlichem Ovalschilde mit spindelformigem Schildbuckel, in
Germania, 59, 1981, p. 287-306.
 (15)  César, Guerres civiles, I, 75  ; Tite-Live, Histoire, XXV, 16.
 (16)  Polybe, Histoire, VI, 5 et 22  ; Plutarque, Camille, XL.
 (17)  Connolly, 2006, p. 131 et 233  ; M. Junkelmann, Die Legionen des Augustus,
Mayence, 1986, p. 176.
 (18)  César, Guerre civile, III, 53  ; Plutarque, César, XVI.
 (19)  Ce point sera développé ci-dessous.
 (20)  César, Guerre civile, III, 99  ; Suétone, César, LXVIII  ; R. Cowan, For the Glory
of Rome, Londres, 2007, p. 134‑137.
 (21)  Sénèque, Des Bienfaits, V, 24 (trad. de F. Préchac). Plusieurs squelettes de soldats
romains portant des blessures à la tête ont été retrouvés (R. Osgood, The Unknown Warrior,
An archaeology of the common Soldier, Stroud, 2005, p. 48‑53).
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lui procurait, sans doute, une partie du courage nécessaire pour se lancer à
l’assaut des “barbares” (22). Sans lui, les Romains n’auraient probablement
jamais pu développer l’escrime au glaive qui, nous le verrons, nécessite que
l’on se rapproche fort de l’ennemi. Ils auraient sûrement choisi l’épée longue
comme arme de corps à corps.

L’armement offensif du soldat romain

L’armement offensif se composait d’un ou de plusieurs javelots (pila),


d’un glaive (gladius) et d’un poignard (pugio). Dans le cadre de cet article,
il sera fait peu de cas du pilum qui était lancé avant que le combat au corps
à corps ne s’engage et du poignard qui ne semble pas avoir été utilisé sur
le champ de bataille. Ces deux armes ne concernent donc pas directement
l’escrime romaine.
Il est impossible de comprendre la manière dont combattait le soldat romain
si l’on ne connaît pas les caractéristiques de son épée. Elle était composée
d’une poignée (capulus), d’une garde (mora) et d’une lame (lamna) terminée
par une forte pointe (mucro). L’évolution du glaive romain comporte trois
grandes étapes  : le gladius hispaniensis, le type de Mayence et le type de
Pompéi. Si, historiquement, le gladius hispaniensis a été adopté à la fin de
la seconde guerre punique ou peu après, les plus anciens exemplaires ont
été retrouvés à Šmihel sur un site daté seulement de c. 175 av. J.-C. (23). Le
gladius hispaniensis se caractérise par une lame longue d’au moins soixante
cm. et large de cinq, par des tranchants parallèles bien que la lame soit
parfois légèrement pistiliforme et par une pointe triangulaire. Une telle lame
peut évidemment être utilisée pour frapper de taille comme d’estoc.
Le glaive subit un changement important pendant la première moitié du
Ier siècle ap. J.‑C. (24) Le type de Mayence possède une lame beaucoup plus
courte, environ cinquante cm. parfois légèrement pistiliforme ou fuselée
et une pointe plus longue. Le glaive dit «de Tibère» (25) et celui trouvé à
Rheingönheim (26) en sont de beaux représentants.

 (22)  Polybe, Histoire, XV, 15  ; Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, III, 113  ; Végèce,
Epitoma, I, 20.
 (23)  J. Horvat, Roman Republican Weapons from Šmihel in Slovenia, in Journal
of Roman Military Equipment Studies, 8, 1997, p. 105-120. D’autres exemplaires
particulièrement intéressants ont été exhumés à Mouriès dans une tombe datée de c. 100
av. J.-C. (Y. Marcadal & J.-M. Femenias, Une sépulture remarquable du Ier s. av. J.-C.
à Servanes (Mouries, B.-du-Rh.), in Documents d’archéologie méridionale, 24, 2001, p.
185-199) et à Delos sur un site daté de 69 av. J.-C. (G. Siebert, Quartier de Skardhana  :
la fouille, in Bulletin de correspondance hellénique, 111, 1987, p. 629‑642, spéc. p. 637).
 (24)  W.H. Manning, Catalogue of the Romano-British Iron Tools, Fittings and Weapons
in the British Museum, Londres, 1985, pl. 71, V2  ; A. Down, Chichester Excavations, 5,
Chichester, 1981, p. 173.
 (25)  L. Lersch, Das sogenannte Schwert des Tiberius. Ein römischer Ehrendegen aus der
Zeit dieses Kaisers, Bonn, 1849 ; G.. Lippold, Zum «Schwert des Tiberius», in Festschrift des
römisch-germanischen Zentralmuseum in Mainz zu Feier seines hundertjährigen Bestehens,
I, Mayence, p. 4-11 ; H. Klumbach, Altes und Neues zum «Schwert des Tiberius», in Jahrbuch
des römisch-germanischen Zentralmuseum in Mainz, 17, 1970, p. 123-132  ; S. Walker,
Augustus and Tiberius on the «Sword of Tiberius», in S. Walker & A. Burnett (éd.),
Augustus. Handlist of the Exhibition and Supplementary Studies, Londres, 1981, p. 49-55.
 (26)  G. Ulbert, Das frührömische Kastell Rheingönheim, Berlin, 1969, p. 44-45.
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Dans la Tamise, à Fulham, on a retrouvé un glaive de type intermédiaire.


La lame très légèrement fuselée est plus courte que celle du type de Mayence,
mais sa pointe est toujours très longue (27).
Au début de la seconde moitié du Ier siècle ap. J.-C., le glaive subit
une dernière transformation (28). Le type de Pompéi a une lame mesurant
seulement une quarantaine de cm. Les tranchants sont parallèles et la pointe
beaucoup plus courte (29).
D’un point de vue strictement fonctionnel, cette évolution témoigne
clairement d’un changement radical dans la manière dont cette arme était
utilisée. S’il ne fait aucun doute que le gladius hispaniensis était utilisé tant
de taille que d’estoc, ce que nous confirment les textes, le glaive du type de
Pompéi est une arme conçue pour frapper principalement d’estoc (30).

L’armement des ennemis de Rome

Il est impossible de comprendre l’exceptionnelle efficacité de l’escrime


romaine, si l’on fait abstraction de l’armement des principaux adversaires
de Rome, c’est-à-dire les Carthaginois, les Gaulois et les Germains. Il ne
sera pas question des Grecs car au IIe siècle av. J.-C. ils continuent d’utiliser
la phalange (31). La manière d’affronter cette formation est extrêmement
particulière et n’est pas vraiment représentative de l’utilisation du glaive
dans le combat au corps à corps. Les Parthes ne doivent pas non plus être
pris compte, puisque leurs armées se composaient principalement d’archers
montés et de cavaliers lourds (cataphractes) (32). La manière d’affronter un tel
ennemi, mobile et avec de nombreux hommes de traits, était évidemment très
différente de la tactique habituelle de l’armée romaine.
L’armée carthaginoise était particulière puisqu’elle n’était pas formée
de nationaux, mais de mercenaires d’origines diverses. On y trouvait de
l’infanterie espagnole (Celtibères), gauloise et africaine (Libyens). Les
Libyens, peut-être la meilleure infanterie dont disposait Carthage, étaient
armés à la grecque  : casque en bronze, armure probablement faite de lin
durci, large bouclier rond et lance (33). Après la bataille de Trasimène (217
av. J.-C.), ils furent équipés à la romaine grâce aux armes récupérées sur les
victimes de cette rencontre (34).
Les Celtibères utilisaient un large bouclier ovale, un casque léger et une
épée longue qui pouvait être utilisée de taille et d’estoc ou un lourd javelot.
Ils étaient habillés d’une tunique blanche bordée de pourpre. Les cavaliers

 (27)  Manning, 1985, p. 148-149, n° V2.


 (28)  Le plus ancien glaive de type Pompéi date d’environ 60 ap. J.-C. (S.S. Frere,
Verulamium Excavation, III, Oxford, 1984, fig. 11, 71-72).
 (29)  G. Ulbert, Gladii aus Pompeji, Vorarbeiten zu einem Corpus römischer Gladii, in
Germania, 47, 1969, p. 97-128.
 (30)  Ce point sera développé ci-dessous.
 (31)  Connolly, 2006, p. 75-80.
 (32)  A.K. Goldsworthy, The Roman Army at War 100 BC-AD 200, Oxford, 1996, p.
60-68  ; J.B. Campbell, War and Diplomacy: Rome and Parthia, 31 BC-AD 235, in J. Rich
et G. Shipley (éd.), War and Society in the Roman World, Londres, 1993, p. 213-240.
 (33)  A. Goldsworthy, Cannae, Londres, 2001, p. 53.
 (34)  Polybe, Histoire, III, 87 et XVIII, 28  ; Tite-Live, Histoire, XXII, 46.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 73

étaient armés de manière identique à l’infanterie, sauf qu’ils préféraient un


petit bouclier rond et une épée courbe appelée falcata (35).
Diodore de Sicile décrit minutieusement l’équipement des guerriers
gaulois. Ils ont pour armes défensives des grands boucliers et des casques
d’airain. Certains d’entre eux portent des cuirasses de mailles tandis que
d’autres restent torse nu. Ils ont de longues épées suspendues au flanc droit
par des chaînes de fer ou de bronze. Ils se servent aussi de piques qu’ils
appellent lanciae (36). Polybe et Tite-Live précisent que les épées utilisées
par les Celtibères et les Gaulois étaient différentes. Ces derniers, en effet,
maniaient des armes plus longues, mais sans pointe. Elles ne pouvaient donc
être utilisées que pour trancher (37).
L’armement utilisé par les Germains est décrit chez Tacite:
«  Le fer n’est pas non plus abondant chez eux, comme on peut le
conclure de leurs armes. Il est peu de Germains qui emploient l’épée
ou la grande lance  : ils portent des piques ou, pour parler comme eux,
des framées à fer étroit et court, mais si acéré et si maniable que la
même arme leur sert, selon les exigences de la tactique, à combattre
de près ou de loin. Ce qui est sûr c’est que les cavaliers se contentent
du bouclier et de la framée; l’infanterie a de plus des javelots qu’elle
peut répandre ça et là : chaque homme en a plusieurs qu’il lance à une
portée prodigieuse. Ils sont nus ou légèrement couverts d’un sayon
court. Il n’y a aucune recherche dans leur équipement  : seulement
ils choisissent à leur goût certaines couleurs dont ils peignent leurs
boucliers. Peu portent des cuirasses  ; c’est à peine si l’on en voit un
ou deux avec un casque de métal ou de cuir  » (38).

Les fouilles archéologiques confirment le témoignage de Tacite. L’épée,


cependant, semble avoir été d’un usage bien plus fréquent (39).
Ce rapide tour d’horizon montre que l’armement défensif des ennemis
de Rome était généralement rudimentaire, tandis que leur armement offensif
était habituellement la lance et l’épée longue. Le légionnaire bénéficiait d’un
équipement beaucoup plus complet et jouissait indéniablement d’une certaine
supériorité technologique sur le champ de bataille. Josèphe, par exemple,
nous apprend que les Romains, protégés par une armure, comptaient moins
de perte que leurs adversaires juifs (40). Le rééquipement des Libyens ordonné

 (35)  F. Quesada Sanz, El armamento iberico: estudio tipologico geografico, functional,


social y simbolico de las armas en la cultura iberica (siglos VI-I a.C.), 2 vol., Montagnac,
1997 (Monographies Instrumentum, 3/1-3/2)  ; H. Sandars, The Weapons of the Iberians,
in Archaeologia, 64, 1913, p. 205-294  ; Connolly, 2006, p. 148-152.
 (36)  Diodore de Sicile, Bibliothèque, V, 30. Voir aussi J. Brunaux & B. Lambot,
Armement et guerre chez les Gaulois, Paris, 1987  ; A. Rapin, L’armement celtique en
Europe: chronologie de son évolution technologique du Ve au Ier s. av. J.-C., in Gladius,
19, 1999, p. 33-67.
 (37)  Polybe, Histoire, II, 33  ; Tite-Live, Histoire, XXII, 46. Voir aussi R. Pleiner, The
Celtic Sword, Oxford, 1993.
 (38)  Tacite, Germanie, VI (trad. de H. Goelzer). Voir aussi M. Todd, The Northern
Barbarians, Oxford, 1987  ; M. Todd, The Early Germans, Oxford, 1992.
 (39)  E. Nylam, Early Gladius Swords in Scandinavia, in Acta Archaeologica
(Copenhagen), 34, 1963, p. 183  ; J.  Ilkjaer, The Weapons’ sacrifice from Ilerup Adal,
Denmark, in K. Randsbourg (éd.), The Birth of Europe, Rome, 1989, p. 54-61.
 (40)  Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, III, 525.
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par Hannibal après la bataille de Trasimène est aussi un indice révélateur de


cette supériorité.

L’escrime au glaive

Tacite a bien résumé la manière dont les soldats romains combattaient  :


« Ils devaient seulement garder leurs rangs serrés, lancer leurs pilums,
puis, avec l’épée et la bosse du bouclier, tuer et massacrer sans
relâche  » (41).

La réalité est évidemment plus complexe. L’armée romaine avait pour


principe de prendre l’initiative (42). Elle avançait calmement, en bon ordre et
en silence vers l’ennemi (43). Lors de cette phase d’approche, il était important
de ne pas se fatiguer inutilement et de garder son énergie pour le combat au
corps à corps. Si nécessaire, les légionnaires ralentissaient le pas, s’arrêtaient
même, pour ne pas arriver au contact de l’ennemi hors d’haleine (44) ou sans
formation (45). Rappelons qu’il est très difficile de déplacer un grand nombre
de personne tout en maintenant une formation cohérente. C’est pourquoi des
pauses régulières étaient nécessaires (46).
Arrivé près de l’adversaire, le rayon d’action du pilum étant d’une trentaine de
mètres (47), le légionnaire lançait rapidement ses javelots (48). Dans certains cas,
la charge était si rapide qu’il n’avait pas le temps d’utiliser ses armes de jet (49).
Ensuite, le soldat prenait rapidement son glaive, porté au côté droit afin
que le fourreau ne gêne pas le maniement du bouclier (50). Il devait donc se
livrer au difficile exercice de dégainer une arme portée à droite avec la main
droite. Cette opération était possible uniquement grâce à la conception d’un
baudrier particulier et parce que la lame était relativement courte (51).

 (41)  Tacite, Annales, XIV, 36 (trad. de Burnouf). Voir aussi Tite-Live, Histoire, XXXI,
35 et XXXVIII, 21.
 (42)  Goldsworthy, 1996, p. 246-247.
 (43)  Polybe, Histoire, XV, 12  ; Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, III, 5, 93.
 (44)  César, Guerre civile, III, 92-93.
 (45)  Par exemple Tite-Live, Histoire, XXVIII, 2.
 (46)  Goldsworthy, 1996, p. 176-178. À la bataille de Pharsale, les troupes de César
s’arrêtent à une cinquantaine de mètres de l’ennemi pour reformer leur rang et se préparer
à jeter leur pila (César, Guerre Civile, III, 92-93).
 (47)  J.-B. Vechère de Reffye, Les armes d’Alise, in Revue Archéologique, 2, 1864, p.
337-349, spéc. p. 342  ; Junkelmann, 1986, p. 188.
 (48)  Polybe, Histoire, II, 30  ; César, Guerre des Gaules, I, 25  ; Tite-Live, Histoire, X,
29 et XXXVIII, 22.
 (49)  Tacite, Annales, XIV, 36 (trad. de Burnouf). Voir aussi Tite-Live, Histoire, XXXI,
35 et XXXVIII, 21.
 (50)  Polybe, Histoire, VI, 23. Flavius Josèphe (Guerre des Juifs, III, 5, 93-94) décrit
cependant le légionnaire comme portant le glaive du côté gauche. C’est aussi le cas sur
plusieurs reliefs à Palmyre (Feugère, 2002, p. 107  ; d’Amato, 2009, p. 24 et 80-81).
 (51)  L’expérimentation a montré qu’une lame de plus de 50 cm devient très difficile à
sortir du fourreau (P.J. Hazell, The Pedite Gladius, in Antiquaries Journal, 61, 1982, p. 73-
82). Certains auteurs ne sont pas entièrement convaincus par la démonstration de P.J. Hazell
et s’interrogent toujours sur la manière dont le glaive était suspendu au baudrier (Bishop &
Coulston, 2006, p. 82-83).
Recherches sur l’escrime du soldat romain 75

La grande proximité de l’ennemi nous laisse penser que le premier rang


ne participait pas au lancer du pilum, mais s’avançait vers l’adversaire le
glaive déjà à la main. En effet, si les deux pila étaient jetés successivement
à partir d’une trentaine de mètres de l’adversaire, le soldat romain ne se
trouvait probablement plus qu’à quelques mètres de l’ennemi lorsqu’il devait
dégainer son arme et se préparer au corps à corps. En avait-il encore le
temps (52) ?
C’est à ce moment que le cri de guerre se faisait entendre, tant pour
se donner du courage que pour effrayer l’ennemi (53). Les légionnaires
chargeaient alors au pas de course, ce qui leur permettait d’avoir un effet
de choc au moment du contact. Tenant le bouclier plaqué contre l’épaule,
le bras et la cuisse gauches, ils percutaient l’ennemi en y ajoutant tout le
poids de leur corps. Ils essayaient ainsi de le blesser, de le renverser ou
de l’étourdir (54). Il s’agissait moins de disloquer la troupe adverse et de la
mettre en déroute, ce qui arrivait parfois, que d’affaiblir sa ligne de front et
de permettre aux légionnaires d’engager le corps à corps dans une situation
avantageuse.
Une fois le moment du choc passé et le contact établi entre les deux
lignes de front, le légionnaire adoptait sa position de combat. P. Connolly
présente un légionnaire «  accustomed to fight in a low crouched position  »
avec le pied gauche vers l’avant (55). Selon A.K. Goldsworthy, par contre, le
soldat se tiendrait plutôt légèrement penché derrière le bouclier, la jambe
gauche dirigée vers l’ennemi et le côté droit s’effaçant vers l’arrière (56).
Cette position se devine par exemple sur les reliefs de Mayence (Ier siècle
ap. J.-C.), les métopes d’Adamklissi (109 ap. J.-C.) et la Colonne de Trajan
(113 ap. J.-C.). Le lecteur doit cependant savoir que, si les représentations
iconographiques sont nombreuses, la plupart d’entre-elles sont des visions
artistiques du combat plutôt qu’une reconstitution fidèle. Les peintres ou
les sculpteurs pouvaient reproduire de manière très précise l’équipement
du soldat, un armement qu’ils avaient sans aucun doute le loisir d’examiner
au quotidien, mais il est peu probable que ces mêmes artistes se soient
rendus personnellement sur un champ de bataille afin de pouvoir étudier le
comportement des soldats dans le feu de l’action (57). Par ailleurs, l’historien
doit se méfier des conventions qui régissent la composition des œuvres d’art.
Ainsi, nous avons remarqué qu’en règle générale un personnage se déplaçant
de la gauche vers la droite a la jambe gauche en avant. S’il de déplace

 (52)  Signalons le relief conservé à Mayence où l’on distingue clairement un légionnaire


armé d’un glaive dégainé au premier rang suivi d’un autre soldat tenant encore son pilum
(illustré dans Bishop & Coulston, 2006, p. 15, fig. 5 b  ; Goldsworthy, 2004, p. 175).
 (53)  Plutarque, Crassus, XXVII ; César, Guerre civile, III, 92 ; Appien, Guerres civiles,
III, 68  ; Végèce, Epitoma, III, 18  ; Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, III, 259 et III, 266.
 (54)  Plutarque, César, XLIV  ; Plutarque, Marius, XXI  ; Flavius Josèphe, Guerre des
Juifs, III, 270  ; Tacite, Annales, I, 51  ; I, 67  ; III, 46  ; IV, 73 et XIV, 37.
 (55)  Connolly, 1991, p. 361.
 (56)  «  The soldier stood behind it [the scutum] in a slight crouch, his left leg towards
the enemy, and his right side turn away  » (Goldsworthy, 1996, p. 218-219).
 (57)  Par exemple, sur le relief de Mayence, la jambe droite du légionnaire est bien trop
en arrière pour que celui-ci puisse être mobile et puisse espérer toucher un ennemi avec
une lame courte (illustré dans Bishop & Coulston, 2006, p. 15, fig. 5 b  ; Goldsworthy,
2004, p. 175).
76 S. boffa

dans l’autre sens, c’est la jambe droite qui est avancée (58). C’est donc avec
une grande précaution que nous devons utiliser reliefs et peintures et c’est
pourquoi la morphologie du corps humain et l’équipement sont des guides
plus sûrs pour décrire la garde du légionnaire.
Nous pensons que la réalité se trouve entre ces deux propositions. La
position présentée par P. Connolly est étonnamment basse. Il nous semble
bien difficile de tenir ainsi, à bout de bras, un bouclier pesant entre cinq et
dix kilos (59). En outre, le scutum est soutenu uniquement par la main gauche.
Puisqu’il n’a pas d’autre point d’appui (épaule ou jambe), il «flotte» dans
l’espace et peut être facilement chassé sous les coups. Le bouclier devient
non seulement inutile comme arme défensive ou offensive, mais il gêne et
fatigue aussi inutilement celui qui le porte à bout de bras. Par ailleurs, il
est douteux qu’un combattant adoptant une position aussi basse puisse avoir
d’autres cibles que la partie inférieure du corps de l’adversaire (60), surtout
lorsque ceux-ci sont systématiquement décrits comme étant de plus grande
stature que les Romains (61). Enfin, étant fortement penché vers l’avant, bien
que le casque se soit développé en acquérant une protection pour la nuque
de plus en plus importante, la majeure partie de son dos était à découvert.
La position présentée par A.K. Goldsworthy semble correspondre
parfaitement à celle adoptée par le légionnaire lorsqu’il percute l’ennemi
avec son bouclier. Un corps presque droit et en oblique permet de bien caler
le bouclier contre l’épaule et le genou gauche et de peser de tout son poids
contre l’adversaire. Par contre, s’il prend sa garde en effaçant la partie droite
de son corps, il ne possède vraisemblablement plus assez d’allonge pour
utiliser son glaive. En effet, la killing zone du glaive, c’est-à-dire sa zone
efficace, dépasse au mieux le mètre (62). Si l’épaule droite se trouve rejetée
en arrière, elle se réduit facilement d’une quinzaine voire d’une vingtaine de
cm. C’est sans aucun doute la raison pour laquelle Végèce suggère d’avancer
le pied droit:
«  Mais lorsqu’on en vient à l’arme blanche, pour employer le terme
usuel, et que l’on combat dans la mêlée avec le glaive, le soldat alors
doit avoir le pied droit en avant afin de dérober le flanc à l’ennemi et
de rapprocher le bras droit qui portera les coups  » (63).

Avec le pied droit en avant, le soldat a effectivement plus d’allonge.


Il peut même mettre plus de force dans son attaque en faisant peser le corps
 (58)  Le lecteur étudiera les nombreuses illustrations présentes dans les ouvrages de
H.R. Robinson ou R. D’Amato.
 (59)  Le bouclier trouvé à Kasr el-Harit (Égypte) pesait une dizaine de kg (W. Kimming,
Ein Keltenschild aus Aegypten, in Germania, 24, 1940, p. 106-111  ; Bishop & Coulston,
2006, p. 58-59). Les modèles les plus légers du bouclier trouvé à Doura Europos (IIIe s. ap.
J.-C.) devaient peser un peu plus de 5 kg et les plus lourds environs 7,5 kg (Connolly, 2006,
p. 233). Le bouclier trouvé à Doncaster, un bouclier de troupe auxiliaire, pesait presque 10
kg (P. Buckland, A First Century Shield from Doncaster, Yorkshire, in Britannia, 9, 1978,
p. 247-269).
 (60)  Nous reviendrons sur ce point.
 (61)  Par exemple, Aulu-Gelle, Nuits Attiques, IX, 13  ; Tite-Live, Histoire, VII, 9-10 et
XXXVIII, 17  ; Strabon, Géographie, IV, 4, 3.
 (62)  C’est-à-dire la longueur de la lame plus celle de l’avant-bras.
 (63)  Végèce, Epitoma, I, 20 (Trad. de V. Develay). Bien que certains auteurs interprètent
ce passage comme une action de «fente en avant», nous préférons y voir une garde.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 77

sur le bras droit au moment de la frappe. Cette position n’est pourtant pas
idéale car le bouclier perd ses importants points d’appui (épaule et genou)
et glisse naturellement sur le flanc gauche. Le légionnaire est alors moins
bien défendu du côté droit, le côté qui précisément se trouve le plus près
de l’ennemi (64). La garde proposée par A.K. Goldsworthy ne permet pas au
légionnaire d’utiliser son glaive de la manière la plus avantageuse (65).
Nous pensons que les idées de P. Connolly gardent toute leur valeur. Le
soldat romain devait se tenir dans une position basse, le corps penché vers
l’avant, mais sûrement bien moins accroupi que ne le représente cet auteur (66).
Il se “retranchait” derrière son bouclier avec la jambe gauche fléchie et en
avant, bien calée derrière le bouclier afin de l’empêcher de pivoter sous les
coups. Le glaive était tenu dans la main droite, à l’horizontale, au niveau
de la hanche. Parfois, sa pointe était légèrement dirigée vers le haut (67).
Le corps restait autant que possible face à l’adversaire. Le pied droit ne
devait donc pas être trop reculé. Ainsi, la killing zone pouvait être étendue
à son maximum et permettre au légionnaire de frapper l’ennemi sans devoir
avancer la jambe droite, donc sans trop se découvrir. À partir de cette garde,
il pouvait pratiquer une escrime défensive, mais très efficace.
Selon Ammien Marcellin, « attentifs à esquiver les blessures et se couvrant
à la façon d’un mirmillon, ils [les légionnaires] perçaient de leur épée tendue
le flanc des barbares que découvrait leur ardente colère  » (68). Dans les faits,
ils profitaient de leur position basse pour se glisser “sous” l’adversaire  ; du
moins sous le bras et l’épée ou la lance de celui-ci (69). Lors de cette opération
périlleuse, ils se protégeaient parfois en plaçant leur bouclier au-dessus de
la tête (70). Ce n’était pas obligatoire car en se rapprochant, en “cassant” la
distance, les légionnaires limitaient le risque d’être frappés par la partie utile
de l’arme ennemie.
Une fois proche du corps de l’adversaire, ils cherchaient avant tout à
frapper au tronc (71). N’oublions pas que les blessures au ventre sont le plus
souvent fatales. Les attaques au cou, au visage et aux yeux étaient aussi
privilégiées car elles étaient non seulement létales, mais elles comportaient

 (64)  Le scutum ne protégeant évidement pas le côté droit (Tite-Live, Histoire, XXII,
50 et XXVI, 46).
 (65)  Dans le feu de l’action, bien entendu, certains légionnaires pouvaient être tentés
d’adopter une telle position voire d’effectuer une fente vers l’ennemi afin de profiter d’une
faiblesse momentanée dans la garde adverse. Nous essayons simplement de démontrer que
la position que nous venons de décrire n’est théoriquement et pratiquement pas la meilleure.
 (66)  Nous verrons que les textes parlent de cette position basse.
 (67)  Tite-Live, Histoire, VII, 10. Voir aussi certains reliefs d’Osuna ou d’Adamklissi
(d’Amato, 2009, p. 18, ill. 8 et p. 105, ill. 113).
 (68)  Ammien Marcellin, Histoire, XVI, 12, 49 (trad. de E. Galletier et J. Fontaine).
 (69)  Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines, XIV, 10  ; Plutarque, Camille, XL.
 (70)  Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines, XIV, 10.
 (71)  Polybe, Histoire, II, 33  ; Tite-Live, Histoire, VII, 10 et XXXI, 34  ; Aulu-Gelle,
Nuits Attiques, IX, 13  ; Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines, XIV, 10  ; Végèce,
Epitoma, I, 11 et II, 23. Un des reliefs décorants l’Arc d’Orange (début Ier siècle ap. J.-
C.) représente cette action d’une manière particulièrement vivante (illustré dans d’Amato,
2009, p. 15 et 17, ill. 6e).
78 S. boffa

aussi un aspect psychologique non négligeable (72). Lorsque ce n’était


pas possible, ils essayaient d’atteindre les jarrets, les jambes et même les
chevilles (73) car ces dernières cibles étaient moins biens protégées que le
tronc ou la tête (74). Si des blessures dans ces régions ne sont pas mortelles,
elles handicapent sérieusement l’adversaire qui, une fois hors de combat,
peut être facilement achevé.
Certaines de ces cibles sont situées dans les parties extrêmes du corps
humain. Si le légionnaire avait combattu en se tenant à la verticale, comme
le propose A.K. Goldsworthy, il lui aurait été impossible d’atteindre le jarret
ou la cheville. Par contre, en adoptant la position proposée par P. Connolly,
il semble difficile voire impossible de frapper à la tête. C’est donc bien avec
le corps penché vers l’avant qu’il combattait.
Si l’attaque répétée de cibles létales par des coups portés de bas en haut
constitue le cœur de l’éventail technique du légionnaire, d’autres moyens étaient
à sa disposition pour vaincre l’ennemi. Ainsi, une des métopes d’Adamklissi
montre clairement un soldat romain utilisant son glaive comme un poignard.
Il achève son adversaire avec un coup de haut en bas, la lame plongeant
entre la clavicule et l’omoplate pour percer les poumons ou le cœur (75).
Ce mouvement implique un changement de prise de l’arme  ; une opération
délicate rendue encore plus difficile par la présence de l’imposant pommeau
des glaives romains. Il ne s’agissait donc pas d’une technique habituelle.
D’autre part, César nous apprend que le soldat romain se jetait parfois sur
l’ennemi, lui arrachait le bouclier de ses mains et le frappait d’un coup porté
de haut en bas (76). Dion Cassius décrit aussi plusieurs actions très risquées  :
«  Les corps se heurtèrent et les épées se croisèrent, les soldats, au
commencement, visant à blesser sans être eux-mêmes blessés (ils
voulaient, à la fois, tuer leurs ennemis et sauver leur propre vie)  :
puis, quand leur ardeur se fut augmentée et que leur courage se fut
enflammé, marchant à la rencontre les uns des autres sans désordre,
mais sans prendre soin de leur sûreté, et, ne s’inquiétant pas d’eux-
mêmes, pourvu qu’ils fissent périr leurs adversaires. Il y en avait aussi
qui jetaient leurs boucliers, et, saisissant un antagoniste, l’entraînaient
par son casque et le frappaient dans le dos : d’autres lui arrachaient les
défenses qui le couvraient et lui perçaient la poitrine  : d’autres même,
s’emparant de l’épée de l’ennemi, lui enfonçaient la leur au travers du
corps, comme s’ils n’eussent pas eu d’armes : d’autres exposaient aux
blessures une partie de leur corps, pour être plus libres dans l’usage du
reste. Quelques-uns, s’enlaçant à leurs adversaires, s’enlevaient à l’un

 (72)  Polybe, Histoire, II, 33  ; Tite-Live, Histoire, XXXI, 34  ; Appien, Guerres civiles,
II, 76 et 78  ; Plutarque, César, XVI et XLIV-XLV  ; Plutarque, Pompée, LXIX et LXXVI  ;
Frontin, Stratagème, IV, 7, 2  ; Florus, Abrégé, III, 11 et IV, 2  ; Tacite, Annales, II, 14 et II,
21  ; Tacite, Agricola, 36  ; Végèce, Epitoma, I, 11 et II, 23.
 (73)  Plutarque, Galba, XXXI  ; Denys d’Halicarnasse, Antiquité Romaines, XIV, 10  ;
Végèce, Epitoma, I, 11 et II, 23.
 (74)  Appien, Guerre Mithridatique, LXXXIX, 404.
 (75)  d’Amato, 2009, p. 87, ill. 76.
 (76)  César, Guerre des Gaules, I, 52.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 79

et à l’autre les moyens de frapper, et périssaient par l’enchevêtrement


de leurs épées et de leurs corps  » (77).
Ces techniques, plutôt cette manière de se battre, étaient sans aucun doute
très rares car elles ne pouvaient s’exécuter que si l’on ne faisait pas usage du
scutum et nécessitaient autant de sang-froid que d’inconscience.

L’utilisation du bouclier dans le combat au corps à corps

Le bouclier s’utilisait aussi de manière offensive car la présence de l’umbo


le transformait en une arme redoutable (78). L’exploit d’un certain Acilius est
très connu  :
«  Ce fut le cas d’Acilius, qui, dans la bataille navale livrée devant
Massalia, monta sur un vaisseau ennemi et eut la main droite arrachée
d’un coup d’épée : il ne lâcha pas le bouclier qu’il tenait de la main
gauche, en frappa les ennemis au visage, les mit tous en fuite et s’em-
para du vaisseau  » (79).

La description du célèbre duel entre Titus Manlius Torquatus et un terrible


adversaire gaulois décrit de manière suggestive comment utiliser le bouclier
pour déstabiliser la garde de l’adversaire  :
«  Ceint d’un écu de fantassin et d’une épée d’Espagne, il prit position
en face du Gaulois (...) Ils prirent position comme je viens de le dire  :
le Gaulois à sa manière, le bouclier en avant, chantant  ; Manlius,
ayant plus de confiance dans le courage que dans l’habileté frappa ce
bouclier de son bouclier et ébranla l’équilibre du Gaulois. Tandis que
le Gaulois cherche à retrouver sa station, Manlius frappe à nouveau
le bouclier de son bouclier et fit perdre de nouveau à l’homme sa
position  ; de cette façon il réussit à passer sous l’épée du Gaulois et
plongea l’arme espagnole dans sa poitrine, puis aussitôt de la même
secousse, il pénètre l’épaule droite et ne se retira pas avant d’avoir
renversé le Gaulois afin que celui-ci ne pût prendre élan pour frapper.
Lorsqu’il l’eut renversé, il coupa la tête, enleva le collier et le met tout
sanglant à son cou  » (80).

Tite-Live, en parlant du même duel, précise que


« Le jeune homme est armé par ses amis. Il prend un bouclier d’infanterie,
et ceint un glaive espagnol, commode pour combattre de près (…) le Romain,
l’épée haute et droite, heurte du bouclier le bas du bouclier gaulois, pénètre
de tout son corps sous cet abri qui le préserve des blessures, se glisse entre

 (77)  Dion Cassius, Histoire romaine, XLVII, 44. Voir aussi Ammien Marcellin, Histoire,
XVI, 12, 49.
 (78)  Tite-Live, Histoire, IX, 41  ; XXX, 34 et XXXIV, 46  ; Tacite, Agricola, 36  ; Tacite,
Histoire, II, 42 et IV, 29  ; Tacite, Annales, IV, 51 et XIV, 36  ; Plutarque, César, XVI.
 (79)  Plutarque, César, XVI (trad. de A.-M. Ozanam). Voir aussi Suétone, César,
LXVIII.
 (80)  Aulu-Gelle, Nuits Attiques, IX, 13 (trad. de R. Marache). Ce duel s’est déroulé en
367 ou 361 av. J.-C.
80 S. boffa

les armes et le corps de l’ennemi, lui plonge et lui replonge son glaive dans
le ventre et dans l’aine, et l’étend sur le sol  » (81).

Il s’agit bien entendu de la description d’un duel, cela a son importance,


mais il ne fait aucun doute que des techniques semblables étaient utilisées
sur le champ de bataille. D’autant plus que la première phase de l’assaut
consistait justement à percuter l’ennemi du bouclier. La métope 23 du
monument d’Adamklissi montre d’ailleurs un légionnaire frappant de son
umbo le visage de l’ennemi tout en lui perçant le ventre à l’aide de son
glaive (82).
Enfin, le bouclier pouvait s’avérer très utile lorsque l’on se défendait
contre plusieurs adversaires  :
«  [Manlius] affronta deux ennemis à la fois. L’un d’eux tirait son
poignard, mais devançant son geste, Manlius lui trancha la main droite
de son épée, tandis que de son bouclier, il frappait l’autre au visage et
le précipitait de la falaise  » (83).

Certains reliefs représentent des gladiateurs tenant leur bouclier


horizontalement, le tranchant inférieur dirigé vers la poitrine ou le visage de
l’adversaire. Il s’agissait de le maintenir à distance ou de le frapper avec le
bord du bouclier (84). D’un poids élevé, il est peu probable que l’on puisse
maintenir longtemps un bouclier dans une position horizontale. Il ne s’agissait
donc pas d’une garde, mais plutôt d’une attaque. Cette technique nécessite
de l’espace et est bien plus adaptée au duel qu’au combat en formation
sur le champ de bataille. Il n’est cependant pas exclu que, en fonction des
circonstances, elle ait été occasionnellement utilisée.
À en croire un relief trouvé à Mayence, il semble que les soldats du
deuxième rang tenaient parfois leur bouclier levé horizontalement au-dessus
de la tête des soldats du premier rang. Ces derniers étaient ainsi protégés
contre les armes de jet (85). Cette pratique ne devait pas être courante car
nous n’en n’avons pas retrouvé trace dans les textes, sauf peut-être chez
Dion Cassius ou chez Végèce qui présente dans son traité une technique
permettant de dévier les traits ennemis en tenant son bouclier de manière
oblique par rapport à la direction du projectile (86).
Les informations à notre disposition pour décrire l’escrime romaine
sont fragmentaires. Elles ne nous permettent pas de présenter le catalogue
exhaustif des techniques de combat au glaive et au bouclier. Ces dernières
étaient sûrement beaucoup plus nombreuses et variées que celles détaillées
ci-dessus. Il serait en effet étonnant que des soldats professionnels n’exploitent
pas tout le potentiel létal de leurs armes. L’imposant pommeau du glaive, par

 (81)  Tite-Live, Histoire, VII, 10 (trad. de V. Verger et E.-F. Corpet).


 (82)  Illustré dans Robinson, 1975, p. 170, pl. 477.
 (83)  Plutarque, Camille, XXVII (trad. de A.-M. Ozanam).
 (84)  M. Junkelmann, Gladiatorial and military equipment and fighting technique: a
comparison, in Journal of Roman Military Equipment Studies, 11, 2000, p. 113-117, spéc.
p. 116.
 (85)  Illustré dans Bishop & Coulston, 2006, p. 15, fig. 5 b  ; Goldsworthy, 2004,
p. 175.
 (86)  Dion Cassius, Histoire romaine, LXXV, 7  ; Végèce, Epitoma, I, 4.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 81

exemple, avait pour fonction d’équilibrer l’arme, mais il est fort probable
que, dans certains cas, on l’utilisait aussi pour frapper l’adversaire.
Une plus grande variété de techniques offensives et défensives devait
également exister pour le bouclier. Il est possible que certaines de ces
techniques perdues aient été similaires au maniement du bouclier celte (87).
Par ailleurs, une étude approfondie de l’évolution de la forme du scutum
pourrait sans doute apporter de nouvelles informations sur son utilisation
offensive. L’enquête reste ouverte.

La cohorte au combat

Pour que la méthode de combat que nous venons de présenter soit vraiment
efficace, le soldat romain devait se battre en formation. En effet, les guerriers
celtes, gaulois ou germains disposaient de lances ou d’épées longues, donc
d’une plus grande killing zone. Pour la neutraliser, il était primordial de se
rapprocher au maximum de l’adversaire. Corps contre corps, la longueur
de leurs armes devenait un handicap. Le glaive, par contre, ne souffrait pas
d’être employé à très courte distance, surtout s’il était utilisé pour frapper
d’estoc (88).
Dans le cadre d’un duel, il était très difficile pour un légionnaire d’entrer
dans la garde de son adversaire car ses ennemis étaient habituellement
légèrement armés et donc beaucoup plus mobiles et rapides (89). N’oublions
pas qu’avant la bataille, l’équipement offensif et défensif du légionnaire pesait
plus d’une vingtaine de kilos: le glaive du type Mayence et son fourreau est
estimé à environ un kilo et demi ; la lorica segmentata à dix kilos ; le casque
à un kilo  ; le scutum à un minimum de cinq kilos et demi et les deux pila à
quatre kilos. Dans ces conditions, la gestion de la distance, du timing et de
l’espace était véritablement problématique. Par contre, si l’armée romaine se
présentait avec un front uni (90) et pressait l’adversaire après une charge en
formation, il devenait possible de neutraliser l’avantage offert par les armes
longues  :
«  On en vint aux prises de si près, que les Germains, ne pouvant se
servir de leurs piques, ni de leurs épées longues, se pressaient contre
leurs adversaires et combattaient plus avec leurs corps qu’avec leurs
armes; s’efforçant tantôt de repousser celui qui les attaquait, tantôt de
culbuter celui qui leur tenait tête. Plusieurs, privés même de l’usage
de leurs épées courtes, combattaient avec leurs mains et avec leurs
dents  » (91).

 (87)  J.-L. Brunaux & A. Rapin, Gournay II. Boucliers et lances, dépôts et trophées,
Paris, 1988 (Revue archéologique de Picardie), p. 17 ; J.-F. Gilles, Quelques hypothèses sur
le maniement du bouclier celtique, in Instrumemtum, 25, 2007, p. 7-10.
 (88)  Polybe, Histoire, II, 33 et III, 114.
 (89)  Par exemple Tite-Live, Histoire, XXVIII, 2 et XXX, 34 ; César, Guerre des Gaules,
II, 19 et VIII, 26.
 (90)  Végèce nous apprend qu’autrefois le nom de «mur» était donné à l’infanterie
romaine (Végèce, Epitoma, I, 20 et II, 17). Voir aussi Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, III,
270  ; Ammien Marcellin, Histoire, XVI, 12, 49.
 (91)  Dion Cassius, Histoire romaine, XXXVIII, 49 (trad. de E. Gros). Voir aussi Tite-
Live, Histoire, VII, 10 ; Tacite, Agricola, 36 ; Tacite, Annales, II, 21.
82 S. boffa

C’est pourquoi les textes soulignent fréquemment l’importance de


combattre en formation (92). D’autre part, un passage de César raconte l’éton-
nement de ses hommes face à la conduite inhabituelle et désordonnée des
troupes alliées à Pompée (93). Le spectacle offert par les Celtes conduisait
évidemment au même étonnement (94). Par ailleurs, c’est avec de funestes
conséquences que l’adversaire arrivait à désorganiser les rangs d’une unité
romaine:
«  Obligés, au milieu de ces revirements continuels qui augmentaient
le désordre, de porter leurs regards surtout du côté d’où partaient les
traits qui les frappaient incessamment, ils se heurtaient contre les épées
de leurs compagnons, et plusieurs se tuaient les uns les autres  » (95).

Puisque le légionnaire avait l’habitude de combattre en formation, il est


temps de présenter les différentes unités tactiques auxquelles il était intégré.
La légion (legio), composée d’environ cinq mille hommes, constituait
l’élément principal de l’armée romaine (96). Elle était généralement divisée
en dix cohortes (cohortes) de 480 hommes. À tous ces hommes, il fallait
encore ajouter les cavaliers, environ 120 hommes. Il s’agit bien sûr d’effectif
théorique. Le nombre de soldats dans une légion en campagne était variable
car il est peu probable que chaque légion romaine mentionnée dans les textes
ait été systématique à effectif complet (97).
À la fin de la période républicaine, la traditionnelle légion manipulaire
s’ordonnant sur trois lignes disparaît et la distinction entre hastati, principes
et triarii n’est plus d’application (98). La cohorte devient l’unité tactique
principale. Cette nouvelle légion est bien plus flexible que l’ancienne car son
armement est uniformisé et sa chaîne de commandement simplifiée (99). Les
textes sont malheureusement avares de détails concernant son organisation
interne.
Puisque le légionnaire utilise d’abord le pilum qui ne peut être lancé que
sur une courte distance et qu’il se bat ensuite avec un glaive dont la killing
zone n’excède pas le mètre, il est logique de penser que la formation de
combat idéale serait de placer les hommes sur un ou deux rangs. Ainsi, les

 (92)  Par exemple Polybe, Histoire, XV, 13 et XV, 14 ; Tite-Live, Histoire, XXI, 57 ; XXII,
5  ; XXV, 21 et XXX, 34  ; Appien, Guerres civiles, IV, 128  ; César, Guerre des Gaules, VI,
34 et VIII, 14  ; César, Guerre civile, III, 92 et 93  ; Végèce, Epitoma, I, 26  ; II, 17 et III, 19.
 (93)  César, Guerre civile, I, 44 et I, 47. Voir aussi César, Guerre civile, III, 110.
 (94)  Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines, XIV, 9, 14-15.
 (95)  Dion Cassius, Histoire romaine, XL, 23 (trad. de E. Gros). Voir aussi César,
Guerre des Gaules, IV, 26  ; Salluste, Guerre de Jugurtha, LI et XCVII.
 (96)  Sur l’organisation de l’armée romaine, voir F.W. Smith, The Fighting Unit: An
Essay in Structural Military History, in L’Antiquité classique, 59, 1990, p. 149-165  ; M.P.
Speidel, The Framework of an Imperial Legion, Cardiff, 1992 (The Fifth Annual Caerleon
Lecture)  ; H.M.D. Parker, The Roman Legions, Oxford, 1928  ; H. Delbrück, History
of the Art of War, I, Londres, 1975, p. 412-428  ; A. von Domaszewski, Die Fahnen im
römischen Heere, in Aufsätze zur römischen Heeresgeschichte, Darmstaat, 1972, p. 1-80.
 (97)  Goldsworthy, 1996, p. 21-23. Voir aussi, par exemple, Salluste, Conjuration de
Catilina, LVI  ; César, Guerre civile, III, 89.
 (98)  M.J.V. Bell, Tactical Reform in the Roman Republican Army, in Historia, 14,
1965, p. 404-422.
 (99)  Goldsworthy, 1996, p. 33-35.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 83

pila pourraient tous être lancés sans risquer de blesser ses propres troupes et
un maximum de soldats participeraient au combat au corps à corps. Ce n’est
cependant pas possible. A.K. Goldsworthy rappelle qu’il est très difficile de
déplacer une large troupe tout en gardant une ligne de front parfaitement
droite. De plus, si cette formation compte des soldats moins courageux que
d’autres, elle risque de se disloquer puisque certains pourraient se porter
rapidement vers l’avant, alors que d’autres traîneraient des pieds pour éviter
le contact avec l’ennemi. Il conclut de la manière suivante  : «  Such as it
is, the evidence suggest that a cohort of legionaries or auxiliaries normally
fought in a line three or four deep, and might have deployed six or eight deep
if facing cavalry, in a confined space, or of questionable morale  » (100).
Nous partageons l’opinion de cet auteur. La cohorte devait habituellement
se former d’un minimum de quatre lignes de 120 hommes car une formation
d’un ou de deux rangs de profondeur serait bien trop étroite pour constituer
une véritable ligne de front. Sous la pression de l’ennemi ou lorsque les
pertes deviennent trop importantes, elle risquerait de se disloquer. Au mieux,
le champ de bataille se transformerait rapidement en une mêlée chaotique
constituée d’une myriade de duels  ; une manière de combattre, nous venons
de le voir, différente de celle recherchée par les Romains. Au pire, ce serait
la déroute. C’est pourquoi les rangs de la cohorte qui n’étaient pas au
contact avec l’ennemi jouaient le rôle de réserve destinée à combler l’espace
laissé vide par les hommes tombés au premier rang (101). D’autre part, E.L.
Wheeler préfère la cohorte de six rangs de profondeur (102). Cela nous semble
beaucoup pour un combat d’infanterie contre infanterie car trop d’hommes
resteraient inactifs.
Le combat en formation n’apportait pas que des avantages. Si les
rangs étaient trop serrés, il devenait difficile, voire dangereux, de manier
le glaive (103). À Pharsale, «  l’armée de Pompée, entassée en bataillons
compacts, avait uni les armes et joint les boucliers en ligne continue ; la place
lui manquait pour remuer les bras et les traits et, resserrée, elle craignait ses
propres glaives » (104). C’est pourquoi, nous l’avons vu, les rangs se relâchaient
parfois lors de cette phase du combat (105). Par contre, s’ils devenaient trop
lâches, on risquait la dislocation de la formation (106). Dès lors, quel espace
idéal devait être alloué au légionnaire pour qu’il puisse utiliser son glaive
sans contrainte ?
Selon Polybe, le soldat romain occupait un espace de trois pieds et était
séparé de ses voisins par une autre distance de trois pieds. Il disposerait donc

 (100)  Goldsworthy, 1996, p. 176-178, cit. p. 181.


 (101)  Flavius Josèphe, Guerre des Juifs, III, 270  ; Salluste, Conjuration de Catilina,
LX. Voir aussi C. Ardant du Picq, Études sur le combat, Combat antique et combat
moderne, Paris, 1999, p. 15.
 (102)  E.L. Wheeler, The Legion as Phalanx, in Chiron, 9, 1979, p. 303-318, spéc.
p. 306 et 312. Il semble avoir été influencé par le fait que le manipule est habituellement
présenté comme ayant une profondeur de six rangs (Delbrück, 1975, p. 273 ; F.E. Adcock,
the Roman Art of War, Cambridge, 1940, p. 8  ; J. Kromayer & G. Veith, Heerwesen und
Kriegführung der Griechen und Römer, Munich, 1928, p. 287 et 429).
 (103)  César, Guerre des Gaules, II, 25  ; Végèce, Epitoma, I, 26.
 (104)  Lucain, Pharsale, VII, 485-505 (trad. de A. Bourgery et Max Ponchont).
 (105)  César, Guerre des Gaules, II, 25.
 (106)  Végèce, Epitoma, I, 26.
84 S. boffa

d’une surface d’environ 1,80 mètre de face et de profondeur (107). Végèce,


par contre, lui alloue un espace d’environ 90 cm. de face et de 2,10 m.
de profondeur (108). Si P. Connolly préfère suivre Polybe, A.K. Goldsworthy
estime que les données de Végèce sont les plus plausibles (109).
Voyons ce que nos propres calculs indiquent. La profondeur n’est guère
difficile à estimer. Le pilum mesurant environ deux mètres de long (110), c’est
donc l’espace minimum nécessaire au soldat pour qu’il puisse le lancer sans
risquer de blesser ses voisins de devant ou de derrière. Une fois débarrassé de
leurs pila, les lignes se rapprochaient probablement les unes des autres pour
former une masse plus compacte au moment du choc.
La largeur est bien plus difficile à juger. Le bouclier romain était large
d’environ 70 cm. (111). Celui-ci ne couvrait pas entièrement la largeur du
corps du soldat, auquel cas ce dernier n’aurait pas pu utiliser son arme. Le
bouclier devait donc être porté légèrement de côté lorsque le légionnaire
voulait frapper l’ennemi de son glaive.
Si l’on adhère aux informations données par Végèce, le légionnaire
disposerait d’un espace d’un peu plus d’une vingtaine de cm. pour manier
son épée (112). Cet espace est à peine suffisant pour utiliser le glaive d’estoc,
mais, dans le tumulte de la bataille, le risque de voir le bras du soldat
écrasé entre deux boucliers est bien présent. Par contre, si l’on sépare les
légionnaires avec la distance proposée par Polybe, c’est plus d’un mètre qui
est à la disposition du soldat. Cet espace est plus que suffisant pour utiliser
non seulement le glaive, mais aussi le bouclier sans risque de blesser ses
voisins (113). Cet espace semble même exagéré. N’oublions pas que Polybe
écrivait au IIe siècle av. J.-C. À cette époque le gladius hispaniensis venait
d’être adopté par l’armée romaine. Il était bien plus long que les glaives de
types de Mayence ou de Pompéi et était encore utilisé de taille. Le légionnaire
de cette époque avait donc besoin de beaucoup plus d’espace pour manier
son arme. Il est plus que probable qu’au fil du temps la distance qui séparait
deux soldats ait été progressivement réduite de quelques dizaines de cm.
parallèlement à l’évolution morphologique du glaive. Une distance d’environ

 (107)  Polybe, Histoire, XVIII, 30.


 (108)  Végèce, Epitoma, III, 14-15.
 (109)  Connolly, 2006, p. 142  ; Goldsworthy, 1996, p. 179.
 (110)  Polybe, Histoire, VI, 23  ; Feugère, 2002, p. 80.
 (111)  Polybe décrit le bouclier du soldat romain sous la République comme étant «  à
surface convexe, large de deux pieds et demi [c. 75 cm] et long de quatre » (Polybe, Histoire,
VI, 23). Celui trouvé à Kasr el-Harit (Égypte) mesure 128 cm de haut et 63,5 cm de large
(Kimming, 1940  ; Bishop & Coulston, 2006, p. 58-59). Le bouclier trouvé à Doura
Europos (IIIe s. ap. J.-C.) mesure 102 cm de haut et 83 cm de large (M.I. Rostovtzeff,
A.R. Bellinger, C. Hopkins & C.B. Wells (éd.), The Excavations at Dura-Europus:
Preliminary Report of the Six Season of Work, October 1932-March 1933, New Haven,
1936, p. 456-466). L’étui de bouclier en cuir trouvé à Caerleon permettait de protéger un
bouclier de 115 cm de haut et 66 cm de large (C. van Driel-Murray, A Fragmentary
Shield Cover from Caerleon, in J.C. Coulston (éd.), Military Equipment and the Indentity
of Roman Soldiers, Oxford, 1988, p. 51-66 [BAR, 394]).
 (112)  Il bénéficie peut-être d’une dizaine de cm de plus si l’on suppose que le bouclier
qui est cintré enveloppe le corps du légionnaire sur la gauche.
 (113)  Signalons qu’Asclépiodote considère l’intervalle de quatre coudées (c. 180 cm)
comme étant naturel pour une formation d’hoplites (Asclépiodote, Tactique, 4.3).
Recherches sur l’escrime du soldat romain 85

1,20 m. nous semble suffisante pour offrir une grande liberté d’action tout en
maintenant la cohésion de l’unité (114).
En fin de compte, ne pourrait-on pas simplement décrire la cohorte
comme étant une phalange dont les soldats étaient armés du glaive plutôt
que de la lance ? Mais, étant une formation plus réduite et utilisant des armes
de petites tailles, la cohorte avait une bien meilleure mobilité sur le champ de
bataille et offrait plus de possibilités tactiques aux stratèges (115).

La bataille

Depuis quelques années, les historiens discutent de la manière dont les


hoplites grecs s’affrontaient lors des batailles rangées. Le débat s’est depuis
étendu au monde romain. Voici les différents modèles proposés  : la poussée
d’une formation contre l’autre (othismos) (116), la mêlée générale composée
de multiples duels (117), le long échange d’armes de jet suivi d’un assaut
décisif (118), le combat continu en formation (119) ou la suite d’assauts courts
et sporadiques (120).
Notre enquête montre clairement que le glaive joue un rôle capital dans
le combat. C’est l’arme décisive. Le modèle basé sur l’othismos peut donc
être écarté sans hésitation  ; de même que celui défendant un long échange

 (114)  Si les soldats sont séparés par une distance de plus d’un mètre, a-t-on réellement
le mouvement de groupe décrit par Thucydide lorsqu’il parle de l’avance des hoplites grecs ;
un mouvement dans lequel chaque homme essaye de se rapprocher du bouclier de son
voisin de droite afin de profiter de sa protection  ? (Thucydide, Histoire de la guerre du
Péloponnèse, V, 71) Nous en doutons car un tel rapprochement diminuerait l’espace entre
les hommes et rendrait le maniement du glaive plus difficile.
 (115)  E.L. Wheeler défend l’idée que la phalange a toujours fait partie de l’arsenal
tactique de l’armée romaine (Wheeler, 1979  ; E.L. Wheeler, The Late Roman Legion
as Phalanx, Part I, in Y. Le Bohec & C. Wolff, 2004, L’armée romaine de Dioclétien à
Valentinien Ie, Paris, 2004, p. 309-358 ; E.L. Wheeler, The Late Roman Legion as Phalanx,
Part II, in Revue des Études Militaires Anciennes, 1, 2004, p. 147-175).
 (116)  V. D. Hanson, Le modèle occidental de la guerre. La bataille d’infanterie dans
la Grèce classique, Paris, 2007, p. 199 et suiv. (Texto). Voir aussi A.D. Fraser, The Myth
of the Phalanx-Scrimmage, in Classical Weekly, 36, 1942, p.  15‑16  ; R.D. Luginbill,
Othismos: the importance of the mass-shove in hoplite warfare, in Phoenix, 48-1, 1994,
p. 51-61  ; A.K. Goldsworthy, The othismos, Myths and Heresies: the Nature of Hoplite
Battle, in War in History, 4, 1997, p. 1-26.
 (117)  P. Krentz, The Nature of the Hoplite Battle, in Classical Antiquity, 4, 1985, p.
50-61. Cet auteur insiste tellement sur l’importance de la formation et sur l’organisation
de la phalange qu’il pourrait bien avoir décrit le modèle de la ligne de front avec combat
continu présenté ci-dessous. Voir aussi A.M. Snodgrass, The Hoplite Reform and History,
in Journal of Hellenic Studies, 85, 1965, p. 110-122  ; G. Daly, Cannae, The Experience of
Battle in the Second Punic War, Londres, 2002, p. 184.
 (118)  A. Zhmodikov, Roman Republican Heavy Infantrymen in Battle (IV-II centuries
BC), in Historia, 49, 2000, p. 67‑78. Voir aussi E.L. Wheeler, Firepower: Missile weapons
and the «face of battle», in E. Dabrowa (éd.), Roman Military Studies, Electrum, 5, 2001,
p. 169-184.
 (119)  Voir la note 117.
 (120)  Goldsworthy, 1996, p. 206-208 ; P.A.G. Sabin, The Mechanics of Battle in the
Second Punic War, in T.J. Cornell, N.B. Rankov & P.A.G. Sabin (éd.), The Second Punic
War: A Reappraisal, Londres, 1996, p. 59-79  ; P. Sabin, The Face of Roman Battle, in The
Journal of Roman Studies, 90, 2000, p. 1-17.
86 S. boffa

d’armes de jet. La mêlée s’est quelques fois produite. C’est le cas en 207 av.
J.-C. lorsque «  les Romains au contraire, habitués à rester immobiles, étaient
parfaitement à l’aise, si ce n’est que le manque de place et la présence des
fourrées les forçaient à rompre les rangs et à combattre un contre un ou deux
contre deux comme dans un combat de gladiateurs  » (121). La série de duels
peut cependant être oubliée comme modèle puisque les sources soulignent
abondamment l’importance de garder la formation pendant la bataille et
rappellent les dangers de combattre en désordre (122). Seuls les modèles
du combat continu et sporadique sont en accord avec les résultats de notre
enquête. Les textes ne permettent malheureusement pas de savoir lequel des
deux nous devons privilégier.
Il nous est difficile d’imaginer comment des soldats ennemis pouvaient
s’accorder pour cesser momentanément le combat et reculer à une distance de
sécurité sans que l’un des protagonistes ne juge cette manœuvre comme étant
un signe de faiblesse l’incitant à attaquer. Il était probablement nécessaire
de combattre suffisamment longtemps pour qu’un état d’épuisement frappe
simultanément les deux armées afin qu’aucune d’elles ne soit en état de
prolonger la lutte.
Est-il possible de quantifier cette durée ? Le poids de l’équipement défensif
porté par le soldat romain et l’énergie nécessaire pour manier le glaive laissent
penser qu’il n’était pas possible de se battre sans interruption pendant une
longue période. Les historiens qui se sont occupés de cette question n’ont
d’autre choix que de présenter des activités physiques contemporaines pour
essayer de l’évaluer (123). Nous ne sommes pas partisans de cette méthode.
Trop de facteurs indépendants comme l’entraînement, le moral, la fatigue, la
météorologie, la faim, etc. influencent l’endurance d’un soldat.
De manière générale, l’escrime d’estoc fatigue beaucoup moins que l’escrime
de taille puisque l’arme est plus légère et que les mouvements sont moins
amples (124). D’autant plus que les témoignages qui nous sont parvenus
laissent deviner que le soldat romain ne s’engageait pas dans une longue
série de passes avec l’ennemi. Il avait une escrime défensive et attentiste.
Retranché derrière son bouclier, il attendait une ouverture dans la garde de
l’adversaire pour plonger rapidement et de multiple fois son glaive dans un
endroit vital (125). Ce n’était donc pas le maniement de son arme qui l’aurait
fatigué, mais plutôt le port du bouclier.
N’oublions pas non plus que seul le premier voire les deux premiers
rangs étaient en contact direct avec l’ennemi. Les hommes qui formaient
les rangs plus à l’arrière ne combattaient pas. Ils ne se fatiguaient donc pas.
Dans ce cas, pourquoi imaginer que l’entièreté de la formation se retirait
simplement parce que les hommes de la ligne de front étaient trop épuisés
pour continuer la lutte  ? Ne serait-il pas plus simple de penser qu’un
remplacement progressif de l’arrière vers l’avant avait lieu pour remplacer
les hommes tombés au combat, blessés ou trop fatigués  ? Si l’on accepte
 (121)  Tite-Live, Histoire, XXVIII, 2 (trad. de A. Flobert).
 (122)  Ce point est développé ci-dessus. Voir aussi Ardant du Picq, 1999, p. 43-44.
 (123)  Par exemple J.F.C. Fuller, Julius Caesar: Man, Soldier, and Tyrant, New
Brunswick, 1965, p. 90-91  ; J.  Kromayer, Antike Schlachtfelder, I, Berlin, 1912, p. 354  ;
Goldsworthy, 1996, p. 224  ; Goldsworthy, 1997, p. 21  ; Fraser, 1942, p. 16.
 (124)  Voir aussi Ardant du Picq, 1999, p. 140-141.
 (125)  Tite-Live, Histoire, VII, 10  ; Tacite, Annales, II, 14  ; Végèce, Epitoma, I, 11.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 87

l’idée de J.E. Lendon selon laquelle les Romains ne se battaient pas en une
formation rigide, mais plutôt comme une masse structurée et ordonnée, cette
opération de remplacement semble tout à fait réalisable (126). Notre enquête
montre qu’il n’est donc pas possible d’éliminer définitivement le modèle du
combat continu, contrairement à ce que laisse penser l’historiographie la plus
récente.

De taille ou d’estoc ?

Les historiens discutent toujours afin de déterminer si le glaive romain


est une arme de taille et d’estoc (127) ou principalement d’estoc (128). Dans
le cadre de ce débat, il est important de rappeler que Polybe vivait au IIe
siècle av. J.-C. Il n’a donc connu que les premiers glaives romains, les gladii
hispanienses et n’a pas assisté à l’apparition des types de Mayence et de
Pompéi. Son témoignage, tout important qu’il soit, n’est donc pas décisif.
Heureusement plusieurs pistes nous permettent d’approfondir la question.
Un premier indice de l’utilisation du glaive comme une arme d’estoc est
la manière dont les auteurs grecs ou latins mettent l’accent sur l’utilisation
de l’épée celte comme arme tranchante (129) ou sur l’opposition qui existait
entre les épées gauloises et le glaive romain (130).
L’insistance avec laquelle Végèce vante les mérites du coup d’estoc ne
doit pas non plus être négligée. En effet, à son époque le glaive ne faisait
plus partie de la panoplie du légionnaire. C’est la spatha, une épée longue,
qui était d’usage. Puisque cette dernière arme était principalement utilisée de
taille, Végèce n’a pas été influencé par la pratique de son temps. Nous savons
aussi qu’il a consulté des textes plus anciens, aujourd’hui perdus. Cette idée
lui a donc été soufflée par un de ses illustres prédécesseurs; un auteur qui a
eu l’occasion de vérifier la redoutable efficacité du coup d’estoc.
L’évolution morphologique de l’arme ne laisse planer aucun doute. Le
gladius hispaniensis, long et pointu, est une arme qui peut frapper tant de taille
que d’estoc (131). Ensuite, la lame devient plus large, mais elle est raccourcie
de près de moitié et perd plus d’une vingtaine de cm. Il faut attendre la
fin du IIe siècle ap. J.-C. pour que le glaive de type Pompéi disparaisse
au profit de la spatha (132). La succession rapide des types de Mayence et
Pompéi puis l’extrême longévité de ce dernier nous permet d’affirmer qu’il
représente l’aboutissement de plusieurs décennies d’évolution et qu’il était
parfaitement adapté aux techniques de combat utilisées par le soldat romain.
Ce raccourcissement n’aurait aucun sens si l’on désirait continuer à utiliser

 (126)  J.E. Lendon, Soldiers and Ghosts: A History of Battle in Classical Antiquity,
New Haven, 2005, p. 179. Voir aussi Polybe, Histoire, VI, 24.
 (127)  Bishop & Coulston, 2006, p. 56  ; Goldsworthy, 1996, p. 217-218.
 (128)  Webster, 1998, p. 12 et 129.
 (129)  Polybe, Histoire, II, 30 et II, 33  ; Denys d’Halicarnasse, Antiquités Romaines,
XIV, 9, 13.
 (130)  Polybe, Histoire, II, 33.
 (131)  Polybe, Histoire, VI, 23  ; Tite-Live, Histoire, XXII, 46.
 (132)  M.P. Wuilleumier, La bataille de 197, in Gallia, 8, 1950, p. 146-148 ; Feugère,
2002, p. 115.
88 S. boffa

l’arme de taille puisque la killing zone se réduit considérablement. Tout dans


cette évolution souligne l’importance de la frappe d’estoc.
Enfin, n’oublions pas que la majorité des ennemis de Rome utilisaient
l’épée longue et qu’à l’époque où le glaive de Pompéi était utilisé par
l’infanterie, les cavaliers, pour d’évidentes raisons pratiques, utilisaient la
spatha (133). Il n’aurait pas été difficile aux Romains d’adopter l’une de ces
armes, s’ils avaient développé leur escrime autour de la frappe de taille.
Il est vrai que certains reliefs de la Colonne de Trajan et certaines
métopes du Troepaeum Traiani d’Adamklissi montrent des soldats utilisant
le glaive pour trancher. Soyons réalistes. Il n’est évidemment pas impossible
de frapper de taille avec un glaive et certaines situations de combat justifient
certainement l’utilisation d’une telle technique. Cela ne prouve évidemment
pas que le glaive n’a pas été conçu comme une arme d’estoc ; sinon comment
décririons-nous un fusil en sachant qu’il est possible de donner des coups de
crosse avec cette arme ?
Si certains pensent que «  swordmanship, especially the use of the point,
is a mark of advancing civilization, and the Romans were slow in learning
the lesson  » (134); d’autres défendent une position diamétralement opposée  :
«  Bien loin que l’emploi de l’épée comme arme d’estoc soit
particulièrement le signe d’une civilisation avancée, c’est exactement
le contraire qui est vrai  : les premières épées, issues des poignards
égéens et chypriotes furent exclusivement des armes d’estoc, et il faut
descendre à la fin de l’âge du bronze pour trouver les premières épées
pouvant être utilisées comme armes de taille  » (135).

Notre enquête ne permet pas de prendre une position dans cette


querelle. Elle nous apparaît d’ailleurs bien futile. Précisons cependant que
les techniques d’estoc sont plus difficiles à exécuter que les techniques de
taille puisqu’elles nécessitent une meilleure gestion du timing et plus de
précision. Les Romains n’ont sûrement pas compris immédiatement l’intérêt
de cette escrime très particulière. Plusieurs siècles d’expérimentations et
un développement continuel de l’arme ont été nécessaires pour qu’ils en
perçoivent toute la subtilité. Une fois maîtrisée, elle s’avère être une arme
redoutable. Ce n’est donc pas le glaive, mais les efforts fournis par les soldats
pour perfectionner leur escrime qui expliquent l’efficacité du légionnaire
romain dans le combat au corps à corps.

Pourquoi le glaive ?

Les auteurs classiques rappellent souvent que les Romains n’hésitaient


pas à adopter les armes de leurs ennemis (136). Cela ne suffit évidemment pas
pour expliquer pourquoi leur choix s’est porté sur l’épée espagnole.

 (133)  Bishop & Coulston, 2006, p. 82.


 (134)  E.S. McCARTNEY, The military indebtedness of early Rome to Etruria, in
Memoirs of the American Academy in Rome, 1, 1917, p. 121-167, cit. p. 128.
 (135)  Couissin, 1926, p. 33.
 (136)  Polybe, Histoire, VI, 25  ; Salluste, Conjuration de Catilina, LI  ; Arrien, Tactique,
4.1.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 89

Au début de la période républicaine, l’armée romaine se bat encore à la


grecque, c’est-à-dire qu’elle est composée d’hoplites. L’épée, bien que faisant
partie de leur panoplie, ne jouait qu’un rôle marginal. À la fin du IVe siècle
av. J.-C., nous assistons à l’émergence de la légion manipulaire. La lance fait
toujours partie de l’équipement du soldat, mais le scutum remplace le bouclier
rond du phalangiste et le pilum fait son apparition (137). À cette époque, l’épée
reste encore une arme secondaire (138). Quelques aes graues, datant de la fin
des guerres pyrrhiques et de la première guerre punique, représentent scuta
et épées. Ces monnaies soulignent l’importance progressive prise par ces
armes dans l’équipement du légionnaire (139).
Traditionnellement, on attribue à Marius le remplacement du manipule
par la cohorte comme principale unité tactique de la légion (140). M.J.V. Bell
puis F. Cadiou ont tous les deux repoussé la date de cette réforme. Ce serait
pendant la seconde guerre punique (218-202 av. J.-C.) que la légion organisée
autour de la cohorte aurait fait son apparition (141). Ce serait lors de cette
même guerre que les Romains auraient découvert le potentiel d’une arme
appelée gladius hispaniensis ou gladius hispanicus dans les textes latins et
iberiké machaira dans les textes grecs. Ils en auraient apprécié les qualités
et l’auraient adoptée (142).
Cette simultanéité chronologique n’est sûrement pas une coïncidence. Les
Romains étaient depuis longtemps en contact avec les Gaulois auxquels ils
ont emprunté le casque de type Montefortino ou l’armure de mailles (lorica
hamata). L’épée gauloise, par contre, ne semble pas les avoir intéressés. Au
IVe et au début du IIIe siècle av. J.-C., ils n’étaient donc pas à la recherche
 (137)  F. Quesada Sanz, El legionario romano en época de las Guerras Púnica:
Formas de combate individual, táctica de pequñas unidades e influencias hispanas, in
Espacio, Tiempo y Forma, Serie II, Historia Antigua, 16, 2003, p.  163‑196  ; F. Quesada
Sanz, Not so different: individual fighting techniques and battle tactics of Roman and
Iberian armies within the framework of warfare in the Hellenistic Age, in Pallas, 70, 2006,
p. 245-263  ; M.T. Burns, The Homogenisation of Military Equipment under the Roman
Republic, in A. Merryweather & J. Prag (éd), Romanization? Proceedings of a post-
graduate conference, Institute of Classical Studies, London, 2 November 2002, Londres,
2003, p. 60-85  ; A. Small, The use of Javelins in central and south Italy in the 4th century
BC, in D. Ridgway, F.R. Serra-Ridgway, M. Pearce, E. Herring, R Whitehouse &
J. Wilkins (éd.), Ancient Italy in its Mediterranean Setting: Studies in Honour of Ellen
Macnamara, Londres, 2000, p. 221-234.
 (138)  Y. Le Bohec, 1997.
 (139)  E.J. Haeberlin, Aes grave das Schwergeld Roms und Mittelitaliens : ein
schliesslich der ihm vorausgehenden Rohbronzewährung, II, Francfort, 1910, pl. 30 et 32.
 (140)  J. Marquadt, De l’organisation militaire chez les Romains, Paris, 1891, p. 148-
149  ; T. Steinwender, Zur Kohortentaktik, in Rheinisches Musaeum für Philologie, 70,
1915, p. 416-440  ; Parker, 1928, p. 26-28  ; M. Marín y Peña, Instituciones militares
romanas, Madrid, 1956, p. 48  ; Delbrück, 1975, p. 414  ; G.R. Watson, The Roman
Soldier, Londres, 1969, p. 22.
 (141)  Bell, 1965  ; F. Cadiou, Les guerres en Hispania et l’émergence de la cohorte
légionnaire dans l’armée romaine sous la République: Une révision critique, in Gladius,
21, 2001, p. 167-182.
 (142)  F. Quesada Sanz, Gladius hispaniensis: an archaeological view from Iberia, in
Journal of Roman Military Equipment Studies, 8, 1997, p. 251-270. Voir aussi P. Connolly,
Pilum, gladius and pugio in the Late Republic, in Journal of Roman Military Equipment
Studies, 8, 1997, p. 41-57. F.W. Walbank se demande si ce n’est pas déjà lors de la première
guerre punique (264-241 av. J.-C.) que l’arme est adoptée par les Romains (F.W. Walbank,
A Historical commentary on Polybius, Oxford, 3 vol., 1957-1979, I, p. 704).
90 S. boffa

d’une arme offensive plus performante. Plus tard, certains légionnaires


semblent ne plus être satisfaits de l’équipement standard romain. En effet,
quelques découvertes archéologiques montrent qu’une partie d’entre eux
étaient équipés avec la longue épée celte ou la falcata, un sabre espagnol
à lame courbe (143). Ensuite, nous l’avons vu, le gladius hispaniensis se
répand dans les armées de la République. Ne pourrait-on pas en déduire que
l’apparition de la cohorte a poussé les soldats à adapter leur équipement aux
nouvelles tactiques et qu’ils ont trouvé leur bonheur dans l’épée espagnole ?
L’explication de F. Quesada Sanz, selon qui «  the compatibility of weapons
and weapon handling goes a long way to explain the adoption of the gladius
hispaniensis by the Romans, and probably made the provisioning of weapons
during the Peninsular campaigns much easier  » (144), nous semble donc trop
simpliste.

Conclusions

Doit-on considérer le glaive romain comme une arme révolutionnaire ? Si


certains le pensent (145), la réalité est bien plus subtile. Ce n’est pas tant l’arme
que l’art de l’utiliser qui a permis aux Romains de vaincre. Leur escrime
est un système complexe. Non pas parce que le nombre de ses techniques
est impressionnant – les sources sont malheureusement trop laconiques à ce
propos – , mais parce que la manière dont les Romains concevaient le combat
au corps à corps reposait sur une étroite symbiose entre un équipement de
qualité, des techniques de combat très évoluées, une grande discipline et du
courage. Polybe, bien que décrivant la légion manipulaire, a extrêmement
bien résumé la situation  :
«  Il est en effet fort difficile de disloquer une armée romaine en
formation de combat, car, à partir d’un seul et unique ordre de bataille,
les légionnaires peuvent, tous ensembles ou par petites unités, faire
front de n’importe quel côté, les manipules qui sont le plus directement
menacés se tournant chaque fois en même temps dans la direction
qui convient. En outre, avec leurs grands boucliers oblongs et leurs
épées qui résistent aux coups, ils sont pourvus d’un armement qui les

 (143)  A. Schulten, Numantia: die Ergebnisse der Ausgrabungen 1905-1912, IV,


Munich, 1929  ; Sandars, 1913  ; F. Quesada Sanz, Arma y simbolo: La Falcata Ibérica,
Alicante, 1992  ; Quesada Sanz, 1997, p. 61-171  ; G. Ulbert, Caceres el Viejo. Ein
spätrepublikanisches Legionslager in Spanisch-Extramadura, Mayence, 1985  ; J.D
Vincente, M. Pilar Punte & B. Ezquerra, La catapulta tardo-republicana y otro
equipamiento militar de «La Caridad» (Camineal, Teruel), in Journal of Roman Military
Equipment Studies, 8, 1997, p. 167-199, spéc. p. 193-194.
 (144)  Quesada Sanz, 2006, p. 20. L’auteur renvoie à F. Quesada, Armamento
indígena y romano republicano en Iberia (III-I a.C.): compatibilidad y abastecimiento de
las legiones republicanas en campaña, in A. Morillo (éd.), El Congreso de Arqueologìa
Militar Romana en Hispania. Producción y abastecimiento en el ámbito militar, Leon,
2006, p. 75-96 que nous n’avons pas pu consulter.
 (145)  Par exemple, P.J. Hazell n’hésite pas à écrire: «The Roman legionary gladius, that
uncompromising constructor and guardian of the empire» (Hazell, 1982, p. 73). Voir aussi
P. Cagniart, The Late Republican Army (146-30 BC), in P. Erdkamp (éd.), A Companion
to the Roman Army, Oxford, 2007, p. 80-95, cit. p. 89.
Recherches sur l’escrime du soldat romain 91

protège bien et qui leur donne de l’assurance. Pour toutes ces raisons,
ce sont des adversaires redoutables, dont on ne vient pas à bout sans
peine  » (146).

Bien entendu, l’excellence technique, la discipline et le courage devaient


s’acquérir lors d’entraînements rigoureux et nous savons que le soldat romain
était le mieux formé de toute l’Antiquité (147). L’entraînement devait aussi
lui permettre de vaincre la peur de mourir ainsi que l’angoisse de tuer à
l’arme blanche. Nous n’oserions cependant pas affirmer comme S.E. Phang
que «  Vegetius’ advice that soldiers not slash with their swords but thrust
suggests that Roman training sought to overcome psychological inhibitions
against killing at close range. To slash with a sword is the easier and less
lethal response  » (148).
Polybe a écrit que le peuple romain était «  plus apte qu’aucun autre
à modifier ses usages pour imiter ceux qui lui paraissaient meilleur chez
autrui  » (149). C’est vrai. Mais la manière dont les Romains ont exploité le
potentiel létal du gladius hispaniensis montre clairement qu’ils pouvaient
aussi être très créatifs. Plutôt que d’imiter simplement un outil étranger, ils
le modifient et le font participer à un processus complexe de réformes de
l’armée. Ainsi, ils développèrent une manière de combattre qui exploitait au
mieux la puissance de Rome et les faiblesses de ses adversaires. Le courage et
le fighting spirit des Gaulois, des Carthaginois ou des Germains ne pouvaient
suffire à contrebalancer l’escrime romaine basée sur un armement de qualité
et une discipline rigoureuse.

 (146)  Polybe, Histoire, XV, 15 (trad. de D. Roussel).


 (147)  Watson, 1969, p. 54-74  ; I.P. Stephenson, Roman Republican Training
Equipment: form, function and the mock battle, in Journal of Roman Military Equipment
Studies, 8, 1997, p. 311-315 ; S.E. Phang, Roman Military Service, Ideologies of Discipline
in the Late Republic and Early Principate, Cambridge, 2008, p. 37-72.
 (148)  Phang, 2008, p. 42.
 (149)  Polybe, Histoire, VI, 25 (trad. de D. Roussel).

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