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Dawûd Salmân

La lumière éclatante de la vie


du Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬
et les merveilles de son enseignement

Cet ouvrage a pour but de présenter de façon succincte


l'Islam au travers de 40 chapitres sur l'éthique, la foi et la
spiritualité. L'ouvrage débute par une introduction, suivie
d'une approche visant à décrire la science du Hadîth et ses
fondements à travers le Qur'ân, l'histoire et l'intellect, réfu-
tant ainsi les thèses orientalistes à ce sujet. Un autre chapitre
présente la personnalité du Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬par le
Qur'ân, ses enseignements et le témoignage de ses contem-
porains, réfutant ainsi des thèses extrémistes à ce sujet.
La lumière éclatante de la vie
Enfin, les 40 chapitres suivants exposent le Message prophé- du Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬
tique, chaque section étant accompagnée de versets du et les merveilles de son enseignement
Qur'ân, de ahadiths et d'explications argumentées pour en
saisir les différents enseignements.
La lumière éclatante de la vie du Prophète Muhammad
(‫ )ﷺ‬et les merveilles de son enseignement

Dawûd Salmân

Editions Hanif, 2021, 1ère édition.

1
Table des matières
Introduction ...................................................................................................... 5
Le Hadîth, entre rejet fanatique et acceptation aveugle ................................ 18
Le Prophète Muhammad (‫ – )ﷺ‬La plus noble des créatures .......................... 73
Recueil ........................................................................................................... 133
Section n°1 : L’Islam, la sincérité, le combat contre l’ego et l’abstention de
causer du mal aux gens ............................................................................. 133
Section n°2 : Aimer Allâh et Son Messager plus que soi-même ............... 147
Section n°3 : L’amour bienveillant, la miséricorde et la compassion envers
les créatures .............................................................................................. 151
Section n°4 : Intelligence, clairvoyance et la Sharî’ah .............................. 162
Section n°5 : De la douceur, de la bonté et de la gentillesse.................... 185
Section n°6 : La piété et la bienfaisance ................................................... 190
Section n°7 : Aimer pour les autres ce que l’on aime de bien pour soi-
même ........................................................................................................ 193
Section n°8 : De la charité et de la productivité bénéfique du croyant .... 195
Section n°9 : Remercier les créatures et leur manifester un bon caractère
.................................................................................................................. 198
Section n°10 : L’interdiction de l’injustice et l’endurance dans cette
épreuve ..................................................................................................... 200
Section n°11 : La Paix et les nobles actions qui conduisent à l’illumination
spirituelle et au Salut ................................................................................ 205
Section n°12 : De la tolérance, de la compassion et de la science ........... 207
Section n°13 : Le monothéisme primordial, tolérant et indulgent ........... 231
Section n°14 : Les Rapprochés d’Allâh ...................................................... 235
Section n°15 : A propos des femmes et des enfants ................................ 241
Section n°16 : Les mérites de la vertu....................................................... 251
2
Section n°17 : Les bénédictions dans la famille ........................................ 255
Section n°18 : Les « esseulés » et les « évocateurs » d’Allâh ................... 256
Section n°19 : Être utile aux gens et soulager les peines des gens........... 266
Section n°20 : Les mérites des êtres secrets, pieux et innocents ............. 268
Section n°21 : Renoncer à ce bas-monde tout en préservant les gens de son
mal ............................................................................................................ 269
Section n°22 : La tolérance, la patience, la modération et la pondération
.................................................................................................................. 271
Section n°23 : Respecter le dépôt de confiance ....................................... 273
Section n°24 : L’importance d’entretenir de bonnes relations et de ne pas
semer la discorde ...................................................................................... 275
Section n°25 : S’occuper de ses propres défauts au lieu de scruter ceux des
autres ........................................................................................................ 277
Section n°26 : Celui qui connait son âme connait Son Seigneur............... 278
Section n°27 : Être bon et pardonner à ceux qui ont été injustes et
blessants envers nous ............................................................................... 280
Section n°28 : Enjoindre le bien, réprouver le mal, ne pas effrayer les gens
et parler aux gens selon leur degré de compréhension ........................... 283
Section n°29 : Le silence et la sagesse ...................................................... 291
Section n°30 : Sur l’amour du Prophète (‫)ﷺ‬, de sa famille et de ses proches
.................................................................................................................. 294
Section n°31 : Les gens de la foi sont les plus réticents à verser le sang .. 336
Section n°32 : De la beauté, de la générosité, de la propreté et de la
sympathie.................................................................................................. 344
Section n°33 : Le Prophète (‫ )ﷺ‬et son amour pour ceux qui le suivront sans
l’avoir côtoyé ici-bas ................................................................................. 348
Section n°34 : Concentrer ses aspirations en Lui ...................................... 351

3
Section n°35 : Sois comme un voyageur ici-bas........................................ 353
Section n°36 : L’érudition et la clairvoyance............................................. 354
Section n°37 : Le respect de la dignité et de la justice envers les non-
musulmans ................................................................................................ 355
Section n°38 : Revenir à l’essence du Message de l’Islâm en cas de doute,
de confusion ou de trouble ....................................................................... 368
Section n°39 : La connaissance ésotérique (intérieure) du Qur’ân .......... 375
Section n°40 : Indulgence, tolérance et décadence.................................. 385

4
Introduction

Au Nom d’Allâh, le Tout-Rayonnant d’Amour, le Très-Rayonnant d’Amour.


Louanges à Allâh, le Pardonneur, Celui qui guide et qui octroie la subsistance à
l’ensemble des êtres créés, Celui qui transcende toutes les modalités et les choses
créées, l’Absolu, l’Eternel, le Vivant, et qui se passe de Ses créatures mais dont
toutes Ses créatures ne peuvent se passer de Lui, car Il est le Créateur et
l’Existenciateur de toute chose qui est entrée en existence. Comme Il l’a dit : « Rien
(de ce qui est créé et limité) n'est tel que Lui, et Il est Celui qui entend et qui voit
toute chose » (Qur’ân 42, 11). A Lui les plus beaux Noms et Attributs, réels et sans
délimitation, sans négation ni modalisation 1. Il est Transcendant par Son Essence

1 L’imâm Abû Hanifa dans son Fiqh al Akbar : « Allâh est Un, non pas par le nombre, mais par
le fait qu’Il n’a point d’associé « Dis : C’est Lui Allâh l’Unique, Allâh Celui dont toute chose
dépend, Il n’engendre pas et n’a pas été engendré, il n’y a rien qui Lui soit égal » (113, 1-4).
Rien parmi ses créatures ne Lui ressemble et Il ne ressemble à rien qui ne soit parmi Ses
créations. Il a toujours possédé Ses Noms et Ses Attributs relatifs à Son Être et à Ses Actes. (…)
Il est un Être pas comme les autres entités. L’Être signifie qu’Il est Celui dont la réalité est
affirmée, sans qu’Il soit un corps, ni le fond d’une chose limitée par l’espace, ni un accident. Il
n’a pas de limite, ni de contraire, ni de semblable, ni de pareil. Il possède « Main », « Face » et
une « Essence ». Tout ce que Allâh a mentionné dans le Qur’ân à propos de « Face », de la «
Main », de « l’Essence », ce sont pour Lui des Attributs sans « comment ». (…) Le fait d’être
proche ou loin de Allâh, ce n’est pas en termes de distance courte ou longue, mais c’est en
termes d’honneur et d’humiliation. Celui qui obéit est celui qui est « proche » de Lui sans
comment, et celui qui désobéit est celui qui est « éloigné » de Lui sans comment » (…) ».
At-Tahawî dans sa Aqidatu at Tahâwiyah a dit : « (…) La vision d’Allâh est une réalité pour les
hôtes du paradis, sans limites et sans comment [sans modalité]. Conformément à ce qui est
mentionné dans le livre du Seigneur : {Ce jour-là, il y aura des visages resplendissants qui
regarderont leur Seigneur.} (S.75 – V.22-23) L’explication de ce verset est comme l’a voulu
Allâh et l’a enseigné. Et tout ce qui est parvenu dans cela parmi les Hadîth authentiques du
Messager, est comme il l’a dit, et la signification est selon ce qu’Il a voulu. Nous n’abordons pas
ce sujet par des interprétations fondées sur des opinions personnelles, ni par des imaginations
fondées sur des passions (…). Et Il est exempt de toutes limites, de fins, des côtés, des membres
5
à l’égard de la Création, et Il est Immanent par Ses Attributs dans les théophanies
qu’Il manifeste dans Sa Création. Son Ordre est absolu, Son Unicité est manifeste,
Sa Volonté est souveraine, Sa Loi domine et transcende celle des idéologies
humaines et de leurs caprices, et doit être suivie et appliquée dans la mesure du
possible avec sagesse, science, intelligence, justice, sincérité et équité 2.

et des instruments pour l’action. Les six directions ne Le contiennent pas contrairement aux
autres créations (…) ».
L’imâm As-Shafi’î a dit : « Allâh ta’ala existe de toute éternité alors qu’aucun endroit n’est de
toute éternité. Il a créé l’endroit en ayant l’attribut de l’exemption de début, tout comme avant
la création des endroits, le changement n’est pas possible selon la raison à Son sujet, ni pour
Son Être ni pour Ses attributs » (rapporté par Az-Zabidî dans It-hafu s-Sadati l-Muttaqin,
2/36).
L’Imâm, le Hâfiz Ibn Kathîr a écrit dans son exégèse du Qur’ân intitulée Tafsîr Al Qur’ân al
‘Azîm (3/427) : « Le Tout Miséricordieux s’est Istawâ’ au-dessus/au-delà du Trône » [7, 54] : «
Les gens ont à ce sujet plusieurs avis, mais ce n’est pas le lieu de les détailler ici. Nous citons ici
la voie des pieux prédécesseurs : Mâlik, al-Awzâ‘î, at-Thawrî, Layth ibn Sa‘d, as-Shâfi‘î, Ahmad
ibn Hanbal, Ishâq ibn Râhawayh et d’autres parmi les imâms musulmans du passé ainsi que
les contemporains et plus récents, à savoir de les laisser comme ils sont parvenus sans donner
de modalité (physique), ni faire d’assimilation, ni de négation. Et le sens apparent aux esprits
des assimilateurs [mushabbiha] est nié au sujet d’Allâh. Car Allâh n’a pas de ressemblance avec
quoi que ce soit de Ses créations. Aucune chose n’est comme Lui et Il est Celui qui entend et qui
voit ». Ibn Kathîr a dit aussi dans Tabaqât as Shâfi’iyah (1/449) : « L’affirmation de tout ceci
(les Attributs d’Allâh) sans attribuer donner de modalité (physique) à quoi que ce soit et sans
faire d’assimilation, comme le firent les Salafs et ce fut sa (à Abû-l-Hassân al Ash’arî) voie dans
al Ibânah qu’il a composé en dernier. Le Qadî al Baqillanî (m.402 H) l’a expliqué et le Hâfiz
Abû al Qâssim ibn ‘Asâkir (m.571 H) l’a transmise et c’est ce qu’ont suivi al Baqillanî et l’Imam
al Haramayn (m.478 H) et la dernière position de beaucoup d’imams les ayant suivis et Allâh
sait mieux ». L’Imâm Ibn Kathîr a dit dans son Tabaqât ash Shâfi’iyah (1/439-440) : « Je dis
[Ibn Kathîr] : Concernant la voie du shaykh Abû al Hassan ‘Alî ibn Ismâ’il al Ash’arî dans les
Attributs après avoir quitté le Mu’tazilisme, et même après qu’il se rendit à Baghdâd et y
trouva les gens du hadith tels que Zakariya as Sajî [m.307 H] et d’autres, c’est la plus véridique
des voies et des doctrines, affirmant les Attributs Rationnels [‘aqliyah] et Textuels
[khabariyah] et ne rejetant rien parmi ceux-là et sans modalisation. Ceci est la voie des imâms
du Salaf parmi les gens de la Sunnah et du consensus, qu’Allâh nous inclut dans leur groupe et
dans le suivi de leur voie car Il est Celui qui entend les invocations, Bienveillant et Généreux. Et
c’est sur cette méthodologie qu’étaient les imams parmi les compagnons d’al Ash’arî tels que
Abû ‘Abd Allah ibn Mujâhid (m.368 H) et le Qadî Abû Bakr al Baqillanî (m.402 H) ainsi que
leurs semblables ».
2 Dans le « cœur » des musulmans, et du point de vue doctrinal, Allâh doit être aimé plus

que tout, ainsi que ce qu’Il a révélé, dont Sa Loi, qui n’est que justice, sagesse, équité et
compassion, - si l’on met de côté les mauvaises interprétations humaines - et est donc
« Suprême » et seule Souveraine (et légitime intellectuellement) en principe. Mais dans la
6
Que la Paix et les Bénédictions d’Allâh soient sur l’ensemble des Prophètes, des
Saints et des Vertueux, - hommes comme femmes -, et plus particulièrement, sur
le Sceau des Prophètes, Muhammad, ainsi que sur sa famille pure et ses nobles
Compagnons, et tous ceux qui suivent sincèrement leur pas. Par Allâh, comment
nous aimons ses vertueux Compagnons et les vertueux de sa famille ! Nous aimons
en et pour Allâh, ses nobles Compagnons (Sahaba) comme Abû Bakr le Véridique
et le Compagnon intime du Prophète (‫)ﷺ‬, 'Umar le Juste et le Discriminateur,
'Uthmân l’homme généreux aux 2 lumières, ‘Alî le défenseur de la Religion et
l’héritier spirituel du Prophète (‫ )ﷺ‬-, Salmân le sage et le vertueux, Jâ'far Ibn Abû
Tâlib le soutien des pauvres, Abû Dharr l’ascète solitaire, Bilâl qui a mis sa voix au
service de l’Unique, Abû ad-Dardâ' l’ascète connu pour sa grande indulgence
envers les gens, Mû'adh Ibn Jabal l’érudit clairvoyant, Ibn Mas’ûd le connaisseur
du Qur’ân, et d'autres, - que la Paix divine soit sur eux tous - ! Allâh nous a honoré
en nous permettant de méditer attentivement sur leur vie et leurs mérites.
Vraiment, des saints hommes, des modèles de piété, et une source
d'enseignements profitables pour quiconque aspire à Allâh et espère en Lui, et qui
cherche la proximité avec Son Messager. Les respecter et les aimer fait partie de
l’Amour d’Allâh envers tous ceux qu’Il a agréé et qui ont donné leur vie pour Sa
Cause, et qui ont soutenu le meilleur des hommes, le Sceau des Prophètes,
Muhammad (‫)ﷺ‬. Comme Il nous l’a demandé, nous les aimons ainsi que sa sainte
et pure famille. Allâh a dit : « Et ceux qui, pour (la cause d’) Allâh, ont émigré
après avoir subi des injustices, Nous les installerons dans une situation
agréable dans la vie d’ici-bas. Et le salaire de la vie dernière sera plus grand
encore s’ils savaient » (Qur’ân 16, 41).

réalité, le pragmatisme est pris en compte, et le musulman, tout en pratiquant sa religion et


en se désavouant des injustices, des lois mauvaises ou fondées sur l’ignorance, la tyrannie,
la débauche ou la mécréance, doit toutefois se conformer au vivre-ensemble et à respecter
la « loi » en vigueur dans le pays où il réside. Il ne doit toutefois pas pratiquer les choses que
les lois humaines du pays tolèrent ou encouragent, si elles comportent un interdit clair
comme la mécréance, l’idolâtrie, l’injustice, le meurtre, le viol, l’agression, le vol, la
diffamation, la calomnie, le faux-témoignage, la sorcellerie, l’adultère, la fornication, la
maltraitance conjugale, parentale ou infantile, etc. Tout comme d'un point de vue
sentimental et personnel, il est naturel et sain d’aimer ses parents et ses proches plus (ou
plutôt) que l'Etat ou un gouvernement (parfois composé d’opportunistes, d’hypocrites ou
même de criminels) ce qui n'est pas contradictoire avec le fait de respecter le vivre
ensemble et d'être un citoyen consciencieux, éthique et avisé au sein de la société où nous
vivons.
7
« Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez cru ! Craignez votre Seigneur ». Ceux qui
ici-bas font le bien, auront une bonne [récompense]. La terre d’Allâh est vaste
et les endurants auront leur pleine récompense sans compter » (Qur’ân 39,
10).

Ces versets parlent en premier lieu des premiers musulmans qui ont émigré en
Abyssinie, après avoir subi des injustices (dont la torture), et qui
accompagnèrent Jâ’far Ibn Abû Tâlib (le cousin du Prophète, et frère de l’imâm
‘Alî), et parmi ceux-là, figuraient ‘Uthmân et son épouse Ruqayya (fille du
Prophète Muhammad) 3.

De même, ces versets les concernent également : « Est-ce que celui qui, aux
heures de la nuit, reste en dévotion, prosterné et debout, prenant garde à
l’au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur… Dis : « Sont-ils égaux,
ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? ». Seuls les doués d’intelligence se
rappellent » (Qur’ân 39, 9).

« Les tout premiers (croyants) parmi les Emigrés et les Auxiliaires et ceux qui
les ont suivis dans un beau comportement, Allâh les agrée, et ils l'agréent. Il a
préparé pour eux des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, et ils y
demeureront éternellement. Voilà l'énorme succès ! » (Qur’ân 9, 100)

« Allâh a très certainement agréé les croyants quand ils t'ont prêté le serment
d'allégeance sous l'arbre. Il a su ce qu'il y avait dans leurs cœurs, et a fait
descendre sur eux la quiétude ... » (Qur’ân 48, 18).

« On ne peut comparer cependant celui d'entre vous qui a donné ses biens et
combattu avant la conquête... ces derniers sont plus hauts en hiérarchie que
ceux qui ont dépensé et ont combattu après. Or, à chacun, Allâh a promis la
plus belle récompense, et Allâh est Grand Connaisseur de ce que vous faites »
(Qur’ân 57, 10).

3 Voir notamment le récit de Ibn ‘Abbâs rapporté notamment par Al-Qurtûbî dans son Tafsîr

10/107.

8
« Alors, s'ils croient à cela même à quoi vous croyez, ils seront certainement
sur la bonne voie. Et s'ils s'en détournent, ils seront certes dans le schisme !
Alors Allâh te suffira contre eux. Il est l'Audient, l'Omniscient » (Qur’ân 2, 137).

« Muhammad est le Messager d'Allâh. Et ceux qui sont avec lui sont puissants
et fiers envers les mécréants, miséricordieux entre eux. Tu les vois inclinés,
prosternés, recherchant d'Allâh grâce et agrément. Leurs visages sont
marqués par la trace laissée par la prosternation » (Qur’ân 48, 29).

« Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur
engagement envers Allâh. Certains d'entre eux ont atteint leur fin, et d'autres
attendent encore; et ils n'ont varié aucunement (dans leur engagement) »
(Qur’ân 33, 23).

« Leur Enseigneur alors les exauça : « Parmi vous, homme ou femme, Je ne


laisse pas perdre l'œuvre de qui agit : vous êtes issus les uns des autres. Aussi,
Je ferai sûrement disparaitre les méfaits de ceux qui ont émigré, et qui ont été
expulsés de leurs demeures, et qui ont été persécutés dans Mon sentier, et qui
ont combattu, et qui ont été tués. Et sûrement Je les ferai pénétrer dans des
Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, comme récompense venant d'Allâh
» (Qur'ân 3, 195).

Allâh les a donc agréé, et pour les plus proches Compagnons et la sainte famille
du Prophète (‫)ﷺ‬, les narrations les plus notoires et les mieux établies indiquent
clairement l’amour et la satisfaction du Prophète (‫ )ﷺ‬à leur égard, que ce soit pour
les 10 Compagnons promis au Paradis, pour Salmân, pour sa sainte famille dont
ses épouses (du Prophète ‫ )ﷺ‬qui sont nos mères : « Le Prophète a plus de droit
sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes, et ses épouses sont leurs mères
(aux croyants) » (Qur’ân 33, 6).

« Ô femmes du Prophète ! Vous n’êtes comparables à aucune autre femme (…)


ô vous, les Gens de la Maison (ahl ul bayt) ! Allâh veut seulement éloigner de
vous la souillure, et vous purifier totalement » (Qur’ân 33, 32-33).

Méditer attentivement sur leur vie, en se basant sur les récits notoires et les
dévoilements spirituels 4, en conformité avec la description qu’Allâh a faite à leur

4 Comme pour le Prophète (‫)ﷺ‬, de faux récits ont malheureusement circulé à leur sujet, et
là aussi, il faut revenir à leur description selon le Qur’ân, aux récits notoires et aux
témoignages des non-musulmans ou des peuples convertis à l’Islam ou qui furent dirigés
9
sujet dans le Qur’ân, ne peut que conduire à Sa Satisfaction, car ils nous conduisent
par Sa grâce, à Son Amour et à la piété ! Ils nous ont transmis la Parole d’Allâh, ont
montré les signes de l’excellence du Prophète (‫ )ﷺ‬dans l’éducation qu’il leur a
prodiguée et qui a illuminé leur cœur, et par leurs actes et ce qu’ils nous ont
transmis de lui, nous l’ont fait aimer ! Ils sont la preuve de la Puissance d’Allâh dans
l’histoire des hommes, ayant fait trembler les tyrans, les despotes et les puissances
politiques iniques de l’époque, et ont apporté, - par Sa grâce -, les lumières de la foi
et de la piété à de nombreux peuples ! Pour soutenir le Messager (‫ )ﷺ‬et nous
transmettre son message, ils ont enduré la faim, la torture, l’injustice, les
persécutions, la pauvreté, les insultes, la rupture des liens de parenté, les
calomnies et la perte (mort) de leurs proches de leur vivant ! Qui sommes-nous
pour oser les rabaisser, les calomnier ou les excommunier après leur mort ? C’est
là l’attitude de gens qui cherchent à s’en prendre à l’honneur du Prophète (‫ )ﷺ‬car
fait partie de la foi et de l’adab (que) de respecter ses invités, ses proches, sa famille
et ceux dont il a fait l’éloge ! Les Califes bien-guidés Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân
étaient aussi les protecteurs des Ahl ul Bayt et ont cherché à les honorer et leur ont
témoigné beaucoup d’amour 5. Même les Saints (Rapprochés d’Allâh) qui ont
atteint les plus hautes stations spirituelles auprès d'Allâh n'ont jamais prétendu
leur être supérieur, ni n'ont tenu un mot de travers les concernant, preuve de leur
maîtrise et de la sainteté des proches Compagnons du Prophète (‫)ﷺ‬.

par eux, et qui louèrent leur piété et leur justice, tout en sachant qu’ils n’étaient pas
infaillibles ni préservés de commettre certains péchés.
5 Comme nous l’avons déjà démontré dans plusieurs articles et publications, et dans un livre

qui paraitra un jour si Allâh le veut. Voir la section n°30 où nous donnerons un long aperçu
sur le sujet.

10
Cet ouvrage débute par une introduction sur la science du Hadîth avec une
réfutation des thèses orientalistes 6, réformistes 7 et coranistes 8, afin de montrer
l’autorité et la pertinence de la Tradition prophétique 9, et est suivi d'une

6 Nous entendons par « orientalisme », l’approche idéologique et non-rigoureuse de l’étude


de l’Islâm. Souvent, les auteurs orientalistes, - sauf exceptions comme Louis Gardet, Henri
Laoust, Christian Julien Robin, Geneviève Gobillot et quelques autres -, manquent de rigueur
intellectuelle, n’ont pas de méthodologie fiable et cohérente, et manquent de scientificité et
d’historicité, faisant passer leurs fantasmes ou leurs croyances personnelles comme étant
faussement des « faits historiques ». L’entreprise idéologique qui sous-tend la démarche de
nombreux chercheurs en leur sein est manifeste. Leurs thèses font souvent appel au
complotisme systémique, mais engendrent plus de contradictions et de problèmes
insolubles qu’elles n’en résolvent. Très peu (voire pas du tout) de manuscrits historiques et
de témoignages de l’époque ne corroborent leurs hypothèses, qui s’excluent d’ailleurs
mutuellement les unes les autres. Leurs réflexions sont rarement pertinentes, puisqu’il est
souvent question de complotisme de bas étage, où sont écartés d’un revers de main tous les
récits et faits établis et notoires, pour ne prendre en compte que des récits apocryphes,
faibles ou isolés, - auxquels ils ne croient même pas la plupart du temps -, pour construire
leurs fantasmes, qui sont ensuite repris par certains réformistes.
7 Le terme « réformisme » est devenu un concept assez vague. Nous le définissons pour

notre part comme étant la rupture épistémologique avec le Sacré et la Tradition au sens
métaphysique, impliquant, chez leurs adeptes, un rejet ou un amoindrissement des réalités
spirituelles, des principes métaphysiques et des qualités morales, ainsi qu’une atrophie
intellectuelle, adoptant soit une lecture littéraliste (et non pas littérale) des Textes, soit une
approche « superficialiste » (ignorant ou excluant les données spirituelles, sociologiques,
psychologiques, historiques, etc.) des Textes. Dans les 2 cas, il s’agit de mouvements
réformistes engendrés par le paradigme moderniste dans une approche autodidacte, et
ayant produit des mouvements violents et sanglants (les khawarij contemporains comme
les sécularistes qui s’imposent, - et continuent de le faire – par le sang). Aussi, une réforme
du réformisme s'impose, vu les contradictions et horreurs qu'on y trouve, en à peine 2
siècles d'existence. Attention aussi à ne pas coller cette étiquette à tort et à travers à tout le
monde, car au sein des traditionnalistes, - dont nous nous réclamons -, des débats critiques
internes doivent être menés concernant la mentalité psychorigide de certains et l’inanité de
certains avis anciens (tout simplement erronés, et s’opposant à d’autres avis anciens, plus
solides) ou devenus obsolètes car les conditions et mentalités ont connu un changement
radical, ce qui rend inopérant certains avis anciens.
8 Ceux qui rejettent l’ensemble de la Tradition musulmane, et même pour certains d’entre

eux, une partie du Qur’ân ou des sens linguistiques et « logiques » du Texte qurânique.
9 Dans le cas du coranisme et du réformisme tels que nous les avons défini, beaucoup de

superstitions (scientisme, matérialisme, consumérisme, positivisme, sécularisme, idolâtrie


moderne, ...) et de postures (liées au règne de l'ego) conduisent au kufr et à l'injustice, à la
fois envers Allâh et Son Messager (en l’amoindrissant et en refusant une partie de son
Message), ainsi qu'envers des valeurs et des principes de la Religion comme la pudeur, la
piété, la sagesse, la spiritualité, la justice, la modestie, le pardon, l'éducation de l'âme, la
réalisation spirituelle, la conformation à la Loi divine dans ses nobles principes, et un état
11
présentation du Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬et de son message universel, et enfin,
de 40 chapitres axés sur une thématique liée à l'éthique ou à la spiritualité,
comportant des ahadiths et des versets du Qur'ân, accompagnés de commentaires
et de réflexions. Il y a aussi tout un chapitre sur les Ahl ul bayt et les débats
sunnites-shiites autour de cette question.

Ceci étant dit, à l’origine, cet ouvrage se voulait être un recueil de « 40 ahadiths »,
mais nous avons voulu y inclure aussi d’autres chapitres, et en fin de compte, la
structure de l’ouvrage se divise en 40 sections, - en plus des autres chapitres qui
les précèdent -, où d’autres ahadîths sont évoqués, ainsi que des versets du Qur’ân

d'esprit conforme à ce qu'Il exige de nous, et non pas en suivant le processus inverse, qui
est le fait de soumettre la Religion à nos caprices, à notre ignorance imposée comme une
limite indépassable de la connaissance dans tout ce qui dépasse nos préjugés et nos sens
immédiats. Les plus extrémistes parmi eux autorisent des choses terribles et interdisent des
nobles valeurs et préceptes religieux (comme la prière, la zakâh, certains jours de jeûne, le
port du voile, …). Il y a aussi ceux qui disent que le Qur'ân est un bricolage rédigé et assemblé
par des personnalités de l'époque omeyyade et abbasside et qu'il n'est pas authentique (ce
qui est faux comme nous le verrons), que la Sunnah n'est qu'une invention tardive des
pouvoirs politiques, que « Muhammad » n'est pas le vrai prénom du Prophète (‫)ﷺ‬, que
l'Islam n'avait aucune vocation universelle mais devait se cantonner au Hijaz, que le
réformisme est la panacée absolue et que toute la Tradition doit être rejetée, que la laïcité
et la soumission de la Religion aux caprices et dérives des dirigeants sécularistes est le vrai
Islam, que l'Islam doit s'axer sur l'ego de l'Homme (Humanisme) et non pas sur la Volonté
et la Loi d'Allâh, que tous les non-réformistes sont des idiots, le takfir de masse, que la
fornication est halal, que la consommation d'alcool est halal, que le Prophète (‫)ﷺ‬, sa famille
et ses proches compagnons n'ont aucune valeur et ne constituent nullement des modèles
ou des sources d'inspiration, que tuer des opposants (et leurs familles) politiques est
permis, qu’enfermer des dissidents politiques appelant à la justice sociale face aux tyrans
laïcs ou sécularistes est permis (ou relève même de la nécessité), etc.
Le fait que bon nombre de leurs postures relèvent de la mécréance ou de l'hérésie, ou
qu'elles y conduisent de facto, - ce que nous avons pu clairement constater
malheureusement - n'impliquent pas pour autant qu'ils soient devenus eux-mêmes des
mécréants dans certains cas, puisque cela nécessite, du point de vue du fiqh, de réunir toutes
les preuves et les conditions d'une part (qui doit leur être exposé), et qu'auprès d'Allâh, ces
personnes auront peut-être des excuses que Lui-même connait, et que nous ne savons pas :
folie ou démence, ignorance de la situation, inaccessibilité aux bonnes références, pressions
et conditionnement idéologiques de leur environnement socioculturel, un esprit incapable
de s'élever à une analyse intelligente et érudite de la situation, etc. Il faut appeler plutôt à
une compréhension intelligente et clairvoyante des Textes, des principes et des finalités de
la Religion, car le réformisme engendre lui aussi, de nombreux problèmes et comporte de
sérieuses lacunes et contradictions, notamment en raison de sa soumission aveugle aux
superstitions modernes.
12
dans un même chapitre, afin de présenter l’Islâm, tel que l’on définit le Qur’ân
(Parole d’Allâh) et la Sunnah (Voie prophétique), et qu’ont expérimenté les plus
grandes personnalités musulmanes.

Si certains ahadiths sont très techniques et réservés à des personnes


particulières en lien avec certaines fonctions précises (époux/épouse, mère, père,
gouverneur, précepteur, mufti, soldat, médecin, juge, juriste, …), d’autres récits ont
une portée générale et universelle, même s’ils ont été dit lors d’un événement
particulier, mais qui constitue un principe ouvrant sur l’universel, concernant
donc les enfants comme les parents, les gouverneurs comme les citoyens, les juges
comme les paysans, les riches comme les pauvres, les femmes comme les hommes,
etc., à savoir les doctrines, les rites, les convenances et les nobles caractères. Ce
recueil sera donc profitable, - nous l’espérons du moins par la Grâce d’Allâh -, à
tous et à toutes.

Face à toutes les confusions et divergences qui sont survenues tout au long de
l’histoire, notre époque est sans doute la pire sous ce rapport. Pour y voir plus clair,
gardons à l’esprit qu’il est nécessaire et primordial d’adopter une bonne
méthodologie, qui soit à la fois cohérente, « objective », et fondée sur des principes
universels et métaphysiques (indépendants de l’altération possible des textes) et
des corpus et textes qualifiés de fiables sur le plan historique comme sur les plans
oral, logique, spirituel et théologique, - à l’instar du Qur’ân et des ahadiths
mutawatir et ahad en conformité avec le Qur’ân, Dans toutes les sciences
islamiques, il convient donc d'adopter une approche principiologique fondée sur
les principes et les fondements de la Religion dans toutes ses branches, et de
tendre vers ses finalités, à travers les qualités morales que tout cela exige et
présuppose, et là, beaucoup de choses deviendront évidentes, aussi bien les
pratiques obsolètes que les dérives, les erreurs grossières que les mentalités
psychorigides ou fanatiques. De même, les illusions et superstitions de chaque
époque perdent de leur emprise sur l'esprit et l'âme, et le musulman s'en prémunit
plus facilement en se donnant davantage à la Présence divine et à l'acquisition des
belles vertus. Par ce biais, les manipulations politiques et psychologiques et les
altérations et doutes sur le plan historique s'estompent et apparaissent plus
clairement à celui à qui a été accordé la clairvoyance comme nous le verrons tout
au long du présent ouvrage.

Pour celui qui se familiarise avec la principiologie et la bonne méthodologie, et


qui garde à l’esprit que la règle fondamentale dans le Qur’ân est d’interpréter le
Texte et les différents sujets par ce qui est univoque, universel, fondamental et
13
catégorique, tous les détails et sujets seront bien compris ou interprétés, à savoir
les passages subtils, les détails ou les récits isolés. Car ce qui est ambigu ne peut
pas être un principe éclairant, mais le principe peut éclairer ce qui relève de
l’équivoque. Ainsi en est-il dans les questions relatives aux Noms et aux Attributs
d’Allâh, - Sa Transcende implique Sa non-ressemblance avec les modalités créées
et ce qui constitue les limites et caractéristiques propres aux créatures qui
dépendent de Lui -, en matière d’éthique et de culte, ce qui est évident et universel
permet de rejeter les faux récits ou de contextualiser les récits dont la portée est
exceptionnelle ou circonstancielle. En passant en revue les accusations
islamophobes qui rejoignent celles des extrémistes, on constate qu’il suffit
d’appliquer cette méthodologie pour déconstruire l’ensemble de leurs
propagandes, soit en revenant au contexte pour les passages qurâniques ou les
récits prophétiques qualifiés de « bons » ou « d’authentiques », qui montre que
l’Islam n’a jamais ordonné le mauvais comportement, l’agression gratuite contre
les non-musulmans 10, ou le mauvais traitement envers les femmes. Soit que, même
si la chaîne semble authentique, elle peut en réalité comporter des défauts
dissimulés, et s’il est impossible de l’interpréter de façon conforme au Qur’ân, à ses
principes et aux récits mutawatir (notoires), alors ce récit n’a pas à être appliqué
ou considéré comme « authentique » dans son sens, puisqu’il contredit ce qui est

10 Comme par exemple le cas de la tribu des Banû Qurayza, où les islamophobes occultent
systématiquement le fait qu’ils furent les premiers à attaquer et à trahir les musulmans, que
le Prophète (‫ )ﷺ‬leur pardonna une première fois tout en leur manifestant de la bonté, mais
qu’après la seconde attaque et trahison, il prit les armes pour éviter que son peuple soit
exterminé face aux « génocidaires » de cette tribu juive (non-musulmane donc), et qu’en
dépit de cela, il interdit que les enfants, les femmes, les vieillards et les non-combattants
juifs soient tués ou torturés. Il demanda à une ancienne personne de leur tribu, d’appliquer
un jugement approprié pour les criminels (entre 20 et 900 individus selon les récits, mais
les sources les plus solides parlent de moins de 200 individus). Le récit disant de jeter des
homosexuels du haut d'une falaise n'est pas authentique, comme l'ont dit d'anciennes
autorités sunnites en matière de hadith comme Ibn Hajar al 'Asqalânî. Sur les « poètes »
assassinés comme la poétesse Asma bint Marwân le récit n’est pas authentique selon al-
Bukharî, Al-Daraqutnî, Ibn al-Jawzî et d’autres et de plus elle incitait à la guerre contre les
musulmans selon les mêmes récits. Pour le poète Ka’b ibn al-Ashraf, il avait dénigré les
femmes musulmanes et inciter les idolâtres à exterminer les musulmans puis s’était réfugié
dans sa forteresse avant qu’on lui mette la main dessus. Quant aux récits rapportés dans les
Chroniques de Tabarî (At-Tarîkh en arabe), il précise lui-même dans l’introduction qu’il a
recensé tous les récits (dont des récits faibles et apocryphes) qui circulaient à son époque,
et qu’il fallait opérer une authentification pour distinguer les bons récits des mauvais. De
même avec la Sîrah de Ibn Ishaq, de Al-Waqidî et d’autres qui comportent aussi des récits
faibles ou apocryphes.
14
nécessairement connu de la Religion concernant les fondements, la doctrine,
l’éthique, etc. Beaucoup de ahadiths bons ou authentiques sont aussi mal compris,
car usant de métaphores, d’hyperboles et d’autres figures de style, qui excluent
donc une compréhension ou une application selon le sens apparent.

Par exemple, en Islam, la règle générale est l’interdiction de tuer les animaux,
sauf si c’est en cas de légitime défense et d’éviter leurs nuisances graves ou
mortelles, ou alors pour se nourrir en cas de nécessité, et même là, il faut le faire
avec pondération et bienfaisance, en leur épargnant des souffrances inutiles. Mais
que penser des ahadiths indiquant en substance de « tuer les chiens noirs car ils
sont des démons ayant pris l’apparence des chiens » ? Qu’il s’agit tout d’abord d’une
exception et que tous les chiens noirs ne sont pas concernés par cela. Si après avoir
récité le Qur’ân et des invocations, et qu’aucun élément ne permet de conclure qu’il
s’agit de démons, aucun mal ne doit leur être fait. A l’époque, il pouvait s’agir d’une
superstition que certains avaient justifié en déformant des paroles prophétiques,
ou alors, si c’est vrai (puisque cela relève du possible, que de nombreux
témoignages fiables à notre époque indiquent clairement que de mauvais jinns
peuvent parfois prendre l’apparence de certaines créatures, mais aucune nuisance
ne peut leur être faite sous ce prétexte tant qu’aucune preuve recevable n’est
présente et qu’aucun danger réel n’est perceptible), que cela était spécifique à
certains chiens noirs et non pas à tous les chiens noirs. C’est donc la règle générale
(l’interdiction de tuer et agir avec bonté) qui s’applique ici jusqu’à preuve du
contraire.

La même chose peut être faite pour le fiqh, c’est-à-dire que l’on peut trouver
d’anciens avis, très contextuels, qui sur le plan du fiqh théorique contredisent le
Qur’ân et la Sunnah, et même l’avis appliqué en général par le juriste ayant
« autorisé » théoriquement le contraire. Mais dans la pratique, et même si le
contexte de l’époque s’y prêtait, les avis autorisant de s’en prendre aux gens
uniquement pour leur croyance (car les combattants non-musulmans s’en
prenaient aux musulmans parfois qu’en raison de leur religion), n’ont jamais été
appliqués par ces mêmes juristes, qui s’en tenaient à l’avis majoritaire conforme
au Qur’ân et à la Sunnah, à savoir, de ne pas tuer les gens seulement en raison de
leur croyance, culture ou religion, et que l’on trouve aussi des recommandations
éthiques et des avis juridiques, - au sein de ces mêmes savants -, qui interdisaient
de s’en prendre sans raison aux gens (même non-musulmans). Ainsi, la règle
générale prime sur les avis isolés ou inadaptés, et que l’on ne peut pas mettre au
même rang que les avis pertinents et solides qui sont en phase avec le Qur’ân et
ses finalités. Même chose pour l’avis dit « mashhur » (retenu ou prépondérant)
15
d’une école qui doit primer sur les autres avis de l’école, sauf que dans certains cas,
l’avis retenu peut changer selon les coutumes, ou être l’avis de la précaution mais
pas de la vérité ou de la justesse. Dans certains cas, la précaution évite des excès
ou aux dérives possibles (comme pour l’interdiction circonstancielle de la
musique, pour ceux qui tomberaient en transe ou dans l’addiction sévère), mais
des dérogations et autorisations doivent être possibles selon les cas (le fiqh
prenant en compte les cas particuliers et la situation personnelle des gens), d’où le
danger de la psychorigidité de certains juristes qui sont trop binaires et sectaires
là-dessus, surtout que pour la musique par exemple, sa permission (sauf
exception) était l’avis répandu à l’époque des salafs, mais que certains ensuite ont
interdit vu les excès et dérives observés chez les débauchés et les libertins, d’où
les nombreuses divergences chez les juristes ultérieurs. Par la suite, l’avis retenu,
après le 13e siècle dans les 4 écoles, était l’interdiction (sauf dans certains cas)
mais des juristes sunnites ont toujours défendu aussi son autorisation, même de
grandes sommités du fiqh comme Ahmad Zarrûq, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Ibn Hazm,
Jalâl ud-Dîn Rûmî le grand savant hanafite et d’autres ; Ad-Dhahâbî et As-Shawkanî
ont cité aussi de grandes autorités sunnites qui autorisaient la musique 11. Un autre
cas, dans le culte, est l’avis retenu par exemple chez les shafiites, où la personne
qui a manqué ses prières est dans l’obligation juridique de les rattraper, avant
même de boire ou de manger, sauf que si la personne doit rattraper 10 ans de
prières, cela l’a tuera avant qu’elle puisse tout rattraper, donc, bien que cet avis
soit rationnel et fondé juridiquement parlant (c’est une dette dont il faut
s’acquitter en premier lieu), il n’est pas appliqué dans la pratique puisqu’il faut être
pragmatique et prendre en compte les besoins biologiques, psychologiques et
spirituels de la personne, et que la santé et la vie lèvent l’obligation juridique (selon
le paradigme de cette école) en pareil cas. Ainsi, tant que l’avis adopté ne contredit
pas les fondements de la foi, l’éthique, les fondements du droit et les finalités de la
Religion, il n’y a pas lieu de blâmer les gens pour cela.

Certains savants ont voulu à tout prix concilier certains ahadiths et le Qur’ân,
parfois avec une remarquable pertinence et intelligence, mais d’autre fois en
compliquant inutilement les choses parce que ces récits n’étaient sans doute pas
authentiques, mais avec la proliférations des conceptions culturelles, des
pressions politiques et des conflits géopolitiques de l’époque, et avec la
propagation de faux récits ou de récits déformés, ces savants ont été confrontés à
ces contradictions et ont tenté de les résoudre, et une conception qui était juste à

11 Voir notre ouvrage Soufisme, Lumière d’Islam, éd. Hanif, 2020, pour plus de détails.
16
la base, - à savoir une certaine forme « d’abrogation » 12 – a fini pas être totalement
galvaudée et incomprise. Il est donc impératif d’adopter une bonne méthodologie,
qui se veut d’une part respectueuse des savants vertueux du passé et de leurs
productions, mais qui ne les sacralisent pas au point de répéter leurs erreurs ou
d’idéaliser abusivement des avis qui nous apparaissent logiquement pour le moins
douteux, - que le contexte de l’époque pouvait peut-être expliquer mais qui nous
est étranger aujourd’hui -.

Quant à la traduction, - exercice délicat depuis l’arabe -, nous avons privilégié


l’expression manifestant les différentes significations des termes arabes (un mot
arabe, afin d’être retranscrit en français avec l’ensemble de ses notions, doit
souvent être traduit en ayant recours à plusieurs mots en français), s’éloignant
parfois de la structure purement littérale, mais en respectant les sens exprimés
par les versets du Qur’ân ou les paroles du Prophète (‫)ﷺ‬.

12 Certaines pratiques juridiques furent interdites progressivement, d’autres furent


nuancées ou contextualisées selon les nouvelles conditions de vie. Mais en aucun cas
l’abrogation ne peut concerner la doctrine, les rites ou l’éthique, qui sont universels. Le
Qur’ân peut ainsi abroger certaines dispositions juridiques antérieures au Qur’ân car les
mentalités et conditions cycliques ont changé, mais un hadîth ne peut pas abroger le Qur’ân
en tout état de cause, et sans indication divine dans le Qur’ân, aucun passage ne peut en
abroger un autre, tout simplement car ces passages ne se contredisent pas mais comportent
des cas ou nuances qui diffèrent, - ce qui a pu échapper à certains exégètes. Le « naskh »
peut signifier le fait d’abroger, mais aussi de nuancer, d’apporter une modification à la règle,
etc. Cela ne pose pas de problème en soi car la vie est complexe et impose la nécessité de
s’adapter aux différentes situations possibles. Mais jamais cela ne peut abroger la doctrine,
les rites ou les valeurs morales. Néanmoins, le problème est vite résolu dans la pratique
puisque l’éthique et les règles générales priment sur les interprétations individuelles dans
la vie en société dans le monde musulman médiéval, Dans les discussions savantes par
contre, certains juristes ont professé des avis erronés et très incohérents dans leurs
conceptions théoriques, même s'ils se basaient sur une certaine compréhension de versets
qurâniques pour justifier leur vision de l'abrogation ; leur application théorique de cette
conception frisait parfois l'absurde, - où les juristes tenaient des conclusions opposées à ce
sujet -, mais dans la pratique, ces mêmes juristes ont respecté la vie des non-musulmans,
n'ont pas ordonné (ni n'y ont participé) de les massacrer ou de les tuer sans raison, etc. Un
ouvrage abordera cette question plus en détails si Allâh le permet.

17
Le Hadîth, entre rejet fanatique et acceptation aveugle

Il est une pratique répandue, en milieu islamique, de composer des recueils de


40 ahadiths sur un thème particulier ou sur une série de thématiques. Cela permet
de mieux transmettre les enseignements prophétiques à destination d’un large
public, leur évitant des recherches fastidieuses, et leur permettant par la même
occasion, de méditer les différents ahadiths, réunis dans un même recueil, et sans
trop alourdir le recueil. Le nombre « 40 » possède aussi une portée symbolique,
aussi bien dans le Qur’ân que dans la Sunnah. On attribue parfois en effet cette
tradition au Prophète (‫ )ﷺ‬: « Qui conserve pour ma communauté 40 ahadiths
traitant de la Religion (Islâm) sera ressuscité par Allâh au Jour de la Résurrection
comme un savant en religion » 13.

Cet ouvrage est également une compilation de ahadiths qui se focalise sur une
sélection en relation avec l’excellence et la lumière de la Foi, manifestant les
merveilles de la Lumière Muhammadienne, qui fondent et développent la
personnalité du croyant, en conformité avec la vision qurânique et l’exemple du
Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬. Les ahadiths choisis possèdent tous une traçabilité
fiable (dans la chaîne) composée de rapporteurs connus et globalement bons et
dignes de confiance, et leurs énoncés sont à la fois conformes au Qur’ân, à d’autres
ahadiths authentiques ou bons ayant le même sens, ainsi qu’à l’intellect, à la
sagesse universelle et aux dévoilements et inspirations d’ordre spirituel
expérimentés par les grands maîtres spirituels de la Tradition musulmane. Pour
une réfutation des thèses orientalistes de l’école hypercritique, nous renvoyons les
lecteurs à plusieurs travaux 14 qui montrent que la Sunnah du Prophète remonte

13 Rapportée par Al-Munawî dans son Fayd al-Qadîr 1/159-160. Cependant elle est souvent

considérée comme apocryphe, même si composer un recueil de 40 ahadiths ou plus est bien
évidemment autorisé, car œuvrer pour la science et la transmettre est une œuvre méritoire
en Islâm. An-Nawawî dans l’introduction de son recueil des 40 ahadiths, cite plusieurs
ahadiths aussi à ce sujet, dont plusieurs sont faibles mais non pas apocryphes.
14 Se référer aux travaux par exemple de Martin Lings (Le Prophète Muhammad. Sa vie

d’après les sources les plus anciennes (éd. Le Seuil, 2002), Muhammad Hamidullah (Le
Prophète de l’Islam – Sa vie, son œuvre, éd. El Falah, 2015 ; son étude sur la Sahifah Hammam
Ibn Munabbih, 1978 et traduit par le Dr. Hossein G. Tocheport d'Aumont :
http://na.mo.free.fr/ebooks/sahifa.pdf), Jonathan A.C. Brown (notamment : The
Canonization of al-Bukhārī and Muslim: The Formation and Function of the Sunnī Ḥadīth,
2007 ; Hadith : Muhammad’s Legacy in the Medieval and Modern World, 2009 ; et Misquoting
18
bien aux premiers temps de l’Islam du point de vue historique, sans même parler
des confirmations spirituelles dont les cheminants sur la Voie spirituelle peuvent
être gratifiés.

La chercheuse Nabia Abbott disait : « Les traditions de Muhammad telles que


transmises par ses Compagnons et leurs Successeurs étaient, en règle générale,
scrupuleusement examinées à chaque étape de la transmission, et que la soi-disant
croissance phénoménale de la Tradition aux deuxième et troisième siècles de l'Islam
n'était pas principalement une croissance de contenu, en ce qui concerne le hadith de
Muhammad et le hadith des Compagnons, mais représente largement
l'augmentation progressive de chaînes de transmission parallèles et multiples. En
utilisant la progression géométrique, nous constatons qu'un à deux mille
Compagnons et Successeurs principaux transmettant chacun deux à cinq traditions
nous amèneraient bien dans la fourchette du nombre total de traditions créditées
aux collections exhaustives du troisième siècle. Une fois que l'on se rend compte que
l'isnad a effectivement déclenché une réaction en chaîne qui a entraîné une
augmentation explosive du nombre de traditions, les chiffres énormes qui sont
attribués à Ibn Hanbal, à Mouslim et à Boukhari ne semblent pas si fantastiques
après tout » 15.

Les thèses orientalistes de l’école hypercritique ont été réfutées depuis


longtemps, et leurs adeptes contemporains sont de moins en moins nombreux et
ne sont plus pris au sérieux, même s’ils reçoivent encore un fort soutien financier,
politique, médiatique et idéologique de la part des autorités dans leur lutte contre
l’Islam traditionnel. Dans leurs travaux d’une assez consternante médiocrité et
faiblesse (sur les plans historique et logique), ils omettent systématiquement ou

Muhammad: The Challenge and Choices of Interpreting the Prophet’s Legacy, 2014 ; Le
Hadith. L'héritage du Prophète Muhammad des origines à nos Jours, éd. Tasnîm 2019.).
Muhammad Mustafa Al-A’zami (notamment Studies in Early Hadith Literature et Hadith
Methodology and Literature), Muhammad Zubayr Siddiqi (notamment Hadith Littérature –
It’s origin, development and special features, éd. The Islamic Texts Society, Cambridge, 1993),
Fuat Sezgin (Geschichte des arabischen Schrifttums, Brill, 1967), Harald Motzki (The
Musannaf of ‘Abd al-Razzâq al-San’ânî as a source of authentic ahâdith of the first Islamic
century, Journal of Near Eastern Studies, 1991 ; The Question of the Authenticity of Muslim
Traditions ; et Dating Muslim Traditions: A Survey, Arabica 52,2, 1 April 2005), Seyyed
Hossein Nasr (Islam - Perspectives et réalités, éd. Tasnîm, 2019), Tayeb Chouiref (Soufisme
et Hadith dans l'Egypte ottomane.: Abd al-Ra uf al-Munawi (952/1545 - 1031/1622), éd. IFAO,
2020 ; Les Enseignements Spirituels du Prophète, éd. Tasnîm, 2021), etc.
15 Nabia Abbott, Studies In Arabic Literary Papyri, Volume 2, 1967.

19
presque, toutes les données historiques et archéologiques qui réfutent
catégoriquement leurs croyances idéologiques et leurs hypothèses très peu
rationnelles (et souvent même tirées par les cheveux) qui visent à compenser leur
absence de rigueur méthodologique et d’éléments historiques fiables, car rien ne
soutient leurs opinions subjectives.

Le Dr. Mustafa al-‘Azami dans Studies in Early Hadith Literature », le Pr. Jonathan
Brown dans Hadith: Muhammad’s Legacy, le Pr. Harald Motzki The Question of the
Authenticity of Muslim Traditions, Nabia Abbot dans Studies in Arabic Literary
papyri I: Historical Texts, Fuat Sezgin dans Geschichte des arabischen Schrifttums, le
Dr. Fahad al-Houmodi dans On The Commun Link Theory : Remapping the Western
Theories on Islamic Law, Muhammad Hamidullah dans plusieurs travaux et bien
d’autres, ont réfuté les thèses farfelues de l’école hypercritique (Joseph Schacht,
Ignaz Goldziher, Patricia Crone et d'autres) et dont nous avions écrit en 2019 une
synthèse sur le sujet visant à réfuter leurs allégations fantaisistes 16. En somme, les
travaux les plus récents et sérieux font état d’une écriture systématique qui existait
déjà en Arabie préislamique, qui s’est poursuivie plus intensivement à l’ère
prophétique et à celle de ses successeurs immédiats, et dont nous avons des textes
remontant aux premières décennies de l’Hégire, que ce soit des versets du Qur’ân,
des ahadiths, des lettres diplomatiques ou d’autres types de texte. Nous avons
aussi des fragments de papyrus de hadiths qui remontent au premier siècle de
l’hégire, parmi lesquels nous citons le fragment AP00259 qui relate un récit
attribué à ‘Umar Ibn al-Khattâb, comme l’a démontré Petra Sijpesteijn, une
spécialiste de l’université de Leiden, reconnue dans l’expertise des Papyri 17.

Concernant le Qur’ân, la tradition orale transmise par des milliers de voies de


transmission jusqu’à l’époque prophétique se suffit à elle-même pour en montrer
sa préservation, mais contrairement à ce que laissent entendre des propagandistes
qui prétendent à la « scientificité » dans leurs discours, le corpus qurânique
d’aujourd’hui remonte là aussi à l’époque de la prédication prophétique. En effet,
de nombreux manuscrits datant des premières décennies de l’Hégire ont été
retrouvés et présentent, dans leur ensemble, une similarité excellente avec le

16 "Mise au point sur le livre « Le Coran des historiens » (2019) de Ali Amir-moezzi et

Guillaume Dye", 27 novembre 2019 et mis à jour le 22 juin 2020 :


https://editions-hanif.com/mise-au-point-sur-le-livre-le-coran-des-historiens-2019-de-
ali-amir-moezzi-et-guillaume-dye/
17 Petra Sijpesteijn, A Ḥadīth Fragment on Papyrus, 2015 :

https://www.academia.edu/27677629/A_%E1%B8%A4ad%C4%ABth_Fragment_on_Pap
yrus
20
corpus qurânique actuel. En 2014, le coranologue allemand Mathieu Marx était
invité sur France culture afin de présenter un bilan des travaux menés par une
équipe d’islamologues franco-allemands en lien avec le programme CORANICA 18.
Ces chercheurs sont plus sérieux que les pseudo-experts qui sont très médiatisés
en France, mais dont les travaux manquent cruellement d’objectivité et de
scientificité, - lui préférant une approche idéologique plutôt qu’historique -, qui ont
par ailleurs été réfutés et abandonnés par les spécialistes et chercheurs du monde
entier. Mathieu Marx est ainsi formel dans ses conclusions, à savoir que les preuves
matérielles (les fragments qurâniques des toutes premières années de l’islam en
notre possession) sont si nombreuses qu’elles ruinent les hypothèses défendues
idéologiquement par l’école hypercritique. Ainsi, les preuves historiques et
archéologiques soutiennent le récit de la Tradition musulmane d’une compilation
dans l’immédiate succession du Prophète, de même qu’elles corroborent dans les
grandes lignes la biographie et la Sunnah du Prophète, qui relèvent aussi d’« une
évidence matérielle », et que les différentes données (historiques, géographiques,
anthropologiques, économiques, politiques, archéologiques, …) confirment. En
juin 2015, dans un séminaire organisé par la Bayan Islamic Graduate School, le
chercheur et Dr. Joseph Lumbard a également conclu que la préservation du
Qur'ân de l'époque prophétique a été confirmée par les données historiques,
notamment à travers les découvertes répétées des manuscrits qurâniques les plus
anciens 19.

L’absence de cohérence et de rigueur, chez bien des auteurs orientalistes, les


conduisent à multiplier les hypothèses farfelues et dénuées de fondements, ne
pouvant guère expliquer ce que l’on sait de l’histoire, et ce, dans le seul but de ne
pas accepter les grandes lignes de la Tradition musulmane, qui elle seule, possède
cette cohérence et rend compte des faits historiques, religieux et politiques qui ont
été recensés.

L’approche historique infirme donc les thèses complotistes défendues par les
orientalistes de l’école hypercritique. Il en ressort donc, que le Qur’ân est un texte
à la fois historiquement préservé et fiable, et métaphysiquement profond et
« métahistorique », servant de référence intellectuelle et d’appui spirituel dans le

18« Le séminaire coranique – 4 », France Culture, 28 mars 2014 :


https://www.franceculture.fr/emissions/cultures-dislam/le-seminaire-coranique-4)
19Voir son intervention "Contemporary Issues: Is the Original Qur'an Preserved?", 12 juin
2015 : https://www.youtube.com/watch?v=klr3Jy2e3mk

21
cheminement du croyant-connaissant, et dans sa continuité, la Sunnah et l’héritage
spirituel des grands maîtres de la Tradition. Cela n’évince pas cependant certaines
questions qui restent encore ouvertes, et qui peuvent être débattues, notamment
sur l’élaboration du « fiqh », ses mécanismes et les modalités de sa diffusion dans
les différentes régions du monde musulman.

Quant aux Sahihayn (de Bukharî et Muslim), sur environ 4500 ahadiths (sans
répétitions), moins de 250 ahadiths ont été critiqués sur des bases sérieuses 20, –

20 Comme Al-Daraqutnî (306 H/918 – 385 H/995) l’auteur des Sunân et Al-Hakim An-

Naysabûrî (321 H/933 – 405 H/1014) l’auteur du Mustadrak, 2 grandes autorités dans les
sciences du Hadîth. Ainsi, Ad-Daraqutnî critique dans son Kitâb al-tatabbu', environ 217
ahadiths présents dans les 2 recueils authentiques de al-Bukharî et Muslim, en analysant à
la fois l'isnad (la chaine de transmission) et le matn (le contenu, l'énoncé de ce qui a été
transmis). Ad-Daraqutnî avait eu aussi un autre disciple considéré comme une sommité
dans le Hadîth en plus d'avoir été un grand sûfi, historien et médecin, Abû Nu'aym al-
Isfahani (336 H/948 - 430 H/1038), qualifié de Shaykh ul-Islâm par Ad-Dhahâbî dans la
biographie qui lui est dédiée dans son Siyar A‘lâm an-Nubalâ’ (17/459-460) : « Ahmad ibn
‘AbdAllâh ibn Ahmad ibn Ishâq ibn Mûssâ ibn Mihrân, l’imâm, le Hafiz, le digne de confiance,
Shaykh al Islâm, Abû Nu’aym al Mihrânî al Asbahânî, le Sûfî, le loucheur, petit-fils de l’ascète
Muhammad ibn Yussûf al Banâ’, et l’auteur de al Hilyah ». Ces 3 géants du Hadîth, - Al-
Daraqutnî, Al-Hakim et Abû Nu’aym, et nous pouvons y inclure d’autres sommités comme
Al-Bayhaqî, Al-Khatib al-Baghdadî, As-Sulâmî, Ibn ‘Asakîr, An-Nawawî, Ibn Hajar al-
Asqalânî et As-Suyûtî pour ne citer qu’eux – étaient asharites. L’imâm Ad-Dhahâbî dans
Siyar A‘lâm al-Nubalâ’ (17/554-555-558-559) à la biographie du Hâfiz Abû Dharr al Harawî
al Ash’arî (355-434 H) a dit : « Le Hâfiz, l’imâm, le savant du Tajwîd [de la récitation du
Qur’ân], l’illustre, le Shaykh de l’enceinte sacrée, Abû Dharr, ‘Abd ibn Ahmad ibn Muhammad
ibn ‘Abd Allah ibn Ghufayr ibn Muhammad, connu dans sa contrée par Ibn as Sammâk, al
Ansarî, al Khurasânî, al Harawî, al Mâlikî. Il est l’auteur d’ouvrages, et le rapporteur du Sahîh
al Bukhârî selon 3 personnes : Al Mustamlî (m.376 H), Al Hamawî (m.381 H), et al Kushmâhanî
(m.389 H).
« Abû al Walîd al Bâjî (m.478 H) a dit dans son livre Ikhtissâr firaq al fuqahâ’ en parlant du
Qâdî ibn al Bâqillânî (m.403 H) : « Le shaykh Abû Dharr m’avait informé, qu’il cheminait vers
sa voie, je lui ai donc demandé : D’où tiens-tu cela ?
Il dit : Je marchais à Baghdâd avec le Hâfiz ad Dâraqutnî (m.385 H), lorsque nous avons
rencontré Abû Bakr ibn Tayyib al Bâqillânî, le Shaykh Abû al Hassan ad Dâraqutnî alla à sa
rencontre et embrassa son visage et ses yeux. Lorsque nous nous furent séparés, je lui dis alors
: Qui est celui à qui tu as fait ce que je n’aurais pas cru que tu fasses, toi qui es l’imâm de ton
temps ?
Ad-Dâraqutnî répondit : Il est l’imâm des musulmans, Le défenseur de la religion, c’est le Qâdî
Abû Bakr Muhammad ibn Tayyib.
Abû Dharr a dit : « Depuis ce moment qui s’est répété avec mon père, toute contrée où je suis
entré parmi les régions du Khurasân et les autres, on ne désignait comme faisant partie des
gens de la Sunnah que ceux qui étaient sur sa voie et son chemin ».
22
soit environ 5,5% -, et une partie des ahadiths critiqués peut toutefois être
conciliée avec le Qur’ân si l’on les resitue dans leur contexte et sans les prendre
dans un sens général. Même en prenant en compte les quelques critiques de
Muslim à l’égard du Sahîh al-Bukharî, et les quelques critiques de al-Bukharî, de
Ahmad et d’autres concernant le Sahîh Muslim, cela ne change pas grand-chose
dans le fond. Autrement dit, au moins 90% des Sahihayn ne posent aucun
problème à l’égard du Qur’ân, de l’intellect, de l’éthique, de l’histoire ou du « fait
scientifique » 21. Nous sommes donc bien loin des affabulations émanant des

Je dis (Ad-Dhahabî) : C’est lui qui à Baghdâd, représentait la Sunnah et la voie du hadîth par
le débat et l’argumentation, en présence des têtes des Mu‘tazilites, Rafidhites, Qadirites, et
toutes sortes d’innovateurs. Ces derniers avaient un état et se sont manifestés avec l’état des
Buwayhites. Il réfutait les Karramiyah, défendait les Hanbalites, Il y avait entre lui et les gens
du hadîth une entente prospère, même s’ils divergeaient sur de minutieuses questions, c’est
pour cela que ad-Daraqutnî l’a traité avec profonde estime. (…Je dis (Ad-Dhahabî) : Cette
méthodologie est la voie des Salafs, et c’est celle que Abû al Hassan al Ash‘arî (m.324 H) et ses
compagnons ont éclairci, et c’est la soumission aux textes du Qur’ân et de la Sunnah, et c’est
sur quoi étaient al Bâqillânî (m.403 H), ainsi que ibn Fûrak (m.406 H), et les grands jusqu’à
l’époque de Abû al Ma‘âlî al Juwaynî (m.478 H), puis l’époque de Abû Hâmid al Ghazâlî (m.505
H), puis par la suite il s’est produit des divergences et d’autres sortes, nous demandons à Allâh
le pardon.
Abû Dharr al Harawî a un livre sur les Attributs du même type que le livre de Abû Bakr al
Bayhaqî (m.458 H) avec des « nous a rapporté, nous a informé » [chaînes de transmissions].
Al Hassan ibn Baqî al Mâliqî a dit : Un shaykh m’a rapporté : Il a été dit à Abû Dharr : « Toi
Harawî ! D’où est ce que tu t’es conformé à l’école de Mâlik et de Abû al Hassan al Ash‘arî ? »
Il répondit : « Je suis allé à Baghdâd. » Et il a cité l’équivalent de ce que nous avons
précédemment dit sur Ibn Tayyib. Puis il conclut : « J’ai donc suivi son école ». Voir aussi
Tadhkirat al-Huffâz (3/1105) et Tabyîn Kadhib al-Muftarî (pp. 255-256).
Concernant Ad-Daraqûtni, l’imâm Ad-Dhahâbî dit dans son Siyâr : « L'Imâm, Al Hâfiz, le
célébrissime, le Shaykh de l'Islâm » et il était donc asharite. Et pour l’imâm Abû Ishâq Ibrâhîm
ibn Ahmad ibn Ibrâhîm ibn Ahmad ibn Dâwud al Balkhî al Mustamlî (m.376 H), Abû
Muhammad ‘Abd Allah ibn Ahmad ibn Hamawiyyah as Sarakhsî al Hamawî (m.381 H), et
Abû al Haytham Muhammad ibn Makkî ibn Muhammad ibn Makkî ibn Zarrâ’ ibn Hârûn al
Marwazî al Kushmîhanî (m.389 H), les 3 ont rapporté le Sahîh selon Muhammad ibn Yussûf
al Farabrî (m.320 H) l’élève direct de l’imam al Bukhârî.
21 Contrairement au recueil Shiite Al-Kafi par exemple, où là tout s’inverse avec une étude

sérieuse de l’isnad et du contenu (qui contredit souvent le Qur’ân ou les ahadiths les mieux
établis), au moins 90% des récits qui s’y trouvent sont faux, douteux, ne remontant ni au
Prophète, ni à ‘Alî ni aux autres imâms des Ahl ul bayt, - Paix sur eux tous -, pour beaucoup
de récits, et cela, selon les critiques émanant des milieux shiites eux-mêmes. Dans bien des
cas, on peut affirmer qu’il y avait bien une entreprise politique et identitaire (en tentant de
légitimer, après coup, la croyance et l’identité des shiites imamites par rapport à l’Islam, et
en s’opposant au sunnisme, y compris au sunnisme des Ahl ul Bayt) dans la composition et
la compilation (assez tardive par rapport à l’époque prophétique) de ce recueil.
23
milieux « orientalistes », ou « réformistes ». C’est aussi pour cette raison que de
nombreux maîtres spirituels ont commenté les Sahihayn dans toutes les questions
relatives à l’adab, et aux fondements doctrinaux, rituels, et spirituels notamment,
et dont ils ont pu « authentifier » spirituellement (lors d’un dévoilement spirituel
par exemple, al-kashf) un certain nombre de ahadiths. On peut donc
historiquement 22, spirituellement (par confirmation des enseignements qui y sont
contenus à travers notre propre expérience et nos observations) et logiquement
en conclure que dans leur globalité, ces 2 recueils sont « authentiques », - ayant de
toute façon un lien évident avec le Qur’ân -, mais non pas dans leur totalité 23.
Muslim comme al-Bukhari et Ahmad, ont critiqué en effet certains ahadiths
présents dans les recueils qu'ils ont compilé (Muslim critiquant certains
rapporteurs présents par Al-Bukharî, ce dernier et Ahmad ayant critiqué certains
ahadiths du Sahîh Muslim) 24, et le fait qu'il y ait des ahadiths contradictoires (des
versions contradictoires) 25 dans les Sahihayn, font que tout ce qui s'y trouve n'est
pas rigoureusement authentique (en tout cas dans le matn), mais globalement, ces
3 recueils sont sahîh et ont bien préservé la Sunnah prophétique, et dont la
pertinence et la cohérence qui s'en dégagent sont perceptibles.

Même des grands défenseurs du Sahîh al-Bukhari et du Sahîh Muslim comme Ibn
Salâh dans Al-Muqaddima (pp.13-18), par An-Nawawî dans Muqaddimat Sharh
Muslim (p. 20) et dans At-Taqrîb (p. 103) et Ibn Hajar al 'Asqalânî dans Nuzhat an-
nazar (p.33 et 1/378-379), ont admis que les Sahihayn étaient globalement

22 Voir aussi Jonathan A.C. Brown, The Canonization of al-Bukhārī and Muslim, Brill, 2007.
23 Chaque mot n’est ainsi pas « authentique », et leurs auteurs ont inclus par honnêteté
intellectuelle, plusieurs versions comportant des différences. Et d’autres ahadiths sont tout
simplement problématiques dans leur contenu à la lumière du Qur’ân, des autres ahadiths
qu’ils rapportent, de l’histoire, de la logique et des « preuves spirituelles ». Aussi, beaucoup
de rapporteurs relataient des ahadiths selon le sens ou selon ce qu’ils comprenaient, et non
pas toujours selon la formulation exacte employée par le Prophète (‫ )ﷺ‬comme on le sait,
voir At-Tirmidhî dans ses Sunân n°4358 et As-Suyûtî dans Tadrîb al-râwî 1/534-535 : « Abû
ad-Dardâ’, le (Compagnon) maître du Shâm faisait de même. Lorsqu’il rapportait un récit, il
ajoutait : « C’est à peu près cela ; c’est dans ce sens ».
24 Ibn Taymiyya rapporte dans son Majmû al-Fatawa 18/17 que l'imâm Ahmad avait

considéré comme étant faible (dha'îf) le hadîth n°366 du Sahîh Muslim. De même pour le
hadîth n°1472 du Sahîh Muslim, où Ahmad avait dit : « Je délaisse cette relation par le fait
qu'il est relaté le contraire de Ibn Abbâs par 10 voies : il considérait les 3 talâq comme valant
bien 3 » (cf. Al-Mussawwadda, p. 207).
25 Mais même pour les savants, tout hadîth, même authentique, n’a pas forcément vocation

à être appliqué, puisqu’ils les analysent au crible des ussûl al fiqh (fondements du droit),
pour savoir quelles sont leurs portées, s’ils sont abrogés ou non, contextuels ou non, etc.
24
authentiques, - d'une authenticité très forte ce qui faisait la spécificité des Sahihayn
- mais que certains ahadiths faisaient cependant l'objet de divergences parmi les
grands spécialistes (ils ont parfois critiqué les critiques d'Ad-Daraqûtni
concernant les Sahihayn, mais pas toujours de façon convaincante). Notre avis
rejoint notamment celui du grand savant Ibn al-Humâm qui dit dans son Fath al-
Qadîr (1/462-463), que les Sahihayn sont authentiques dans leur globalité mais
que l'authenticité forte ne s'applique pas à chaque hadîth pris individuellement,
où des critiques légitimes existent et font l'objet de discussions parmi les
spécialistes.

Le spécialiste, historien et chercheur Muhammad Hamidullah disait à ce propos :


« En présence de ces documents, il ne serait qu’enfantin de suggérer qu’al-Bukharî a,
pour composer son ouvrage, ou bien ramassé le folklore de son époque, ou même
inventé de toute pièce ses récits sur le Prophète, en les attribuant aux sources
antérieures en chaîne ininterrompue. En effet, on retrouve les mêmes
renseignements, dans les mêmes termes inchangés, depuis la Sahîfa d’Abû Hurayra 26,
jusqu’au Sahîh d’al-Bukharî dont l’authenticité est prouvée par l’heureuse
découverte de sources antérieures » 27. En effet, al-Bukharî et Muslim n’inventaient
pas de toute pièce des ahadiths, et ceux qu’ils incluaient dans leur Sahîh, étaient

26 Il s’agit du Compagnon du Prophète (‫)ﷺ‬, devenu musulman vers l’an 7 de l’Hégire. Il est

objet de plusieurs critiques infondées de la part de certains modernistes, coranistes et


même de certains shiites. Nous les trouvons particulièrement injustes envers lui car sur un
peu plus 5374 ahadiths qu'il a rapporté, il y a beaucoup de répétitions (environ 4074), et
sur les 1300 ahadiths vraiment différents qu’il rapporte, ils ont tous été rapportés aussi par
d’autres Compagnons, à l’exception de 110 ahadiths, - mais il se pourrait que les autres
chaînes nous soient parvenues par des recueils beaucoup moins connus ou qu’ils aient
disparu durant les premières générations -, mais le fait qu’il soit le seul à rapporter quelques
ahadiths est normal puisqu'il suivait parfois le Prophète (‫ )ﷺ‬où ils n'étaient que tous les 2,
et il passait son temps à recueillir les ahadiths et à interroger le Prophète (‫ )ﷺ‬ce qui fait qu’il
avait bien eu le temps, en l’espace de 4 ans environ, de rapporter un grand nombre de
ahadiths (sur les 1460 jours qu’il a passé à ses côtés, il aurait pu rapporter facilement 10
000 ahadiths, or il n’en même pas rapporté la moitié, ce qui réfute l’accusation qui lui est
portée). De plus il rapporte énormément de ahadiths magnifiques sur l'éthique, la
spiritualité, sur les mérites des Ahl ul Bayt comme des califes bien-guidés, etc. 'Aîsha, 'Alî et
d'autres qu'eux ont fait son éloge aussi et l'ont accepté comme étant digne de confiance,
dans les récits notoires et bien établis. Ceux qui le critiquent utilisent beaucoup d’artifices
et de sources très faibles ou inventées, et délaissent les sources et récits les plus fiables et
notoires, ce qui est le procédé des gens ignorants et/ou malhonnêtes. Qu'Allâh soit satisfait
de lui.
27 Muhammad Hamidullah, La rédaction du Hadîth aux premiers temps de l’Islam, publié

dans Le musulman, n°17, 1991, p. 16.


25
enseignés par plusieurs voies orales avant eux tout comme par d’autres voies de
leur vivant, et sont souvent retrouvés dans des recueils antérieurs, et ce, dès les
premières décennies de l’Hégire.

Dans l’introduction de l’édition de la Sahifa de Hammâm ibn Munabbih (p.74),


Muhammad Hamidullah décrivait ce recueil comme étant « un document de valeur
» : « Il y en a qui ont affirmé que l’on n’a commencé à mettre par écrit le Hadîth du
Prophète que deux siècles après lui. Se fondant sur cette présomption, ils n’ont pas
hésité à charger d’accusation de fraude des personnalités telles que Ibn Hanbal, al-
Bukhârî, Muslim, at-Tirmidhî, etc. (…). Or maintenant nous avons entre nos mains
cette compilation datant des compagnons immédiats du Prophète (…). Lorsque al-
Bukhârî a cité un Hadîth qu’il tient de Ahmad ibn Hanbal, lui-même d’après Abd ar-
Razzâq, lui-même d’après Ma’mar, lui-même d’après Hammâm, lui-même enfin
d’après Abû Hurayrah, des sceptiques, jusqu’à récemment encore (alors qu’on ne
disposait pas d’œuvres plus anciennes), mettaient en doute la véracité de al-Bukhârî
». Or « nous disposons maintenant également de livres antérieurs : la Sahîfa de
Hammâm, le Jâmi’ de Ma’mar et le Musannaf de Abd ar-Razzâq : on les trouve même
dans des éditions imprimées » (p. 93). Et « lorsqu’on compare soigneusement ces
sources différentes, on obtient la preuve que les compilateurs ultérieurs – Ahmad ibn
Hanbal, al-Bukhârî, Muslim etc. – n’ont rien inventé. Non seulement chaque Hadîth
présent dans la Sahîfa Hammâm se retrouve textuellement dans les six livres les plus
connus du Hadîth (sihâh sitta) rapporté sur l’autorité de Abû Hurayrah, mais, de plus,
le sens de chacun de ces dires du Prophète s’y retrouve également rapporté sur
l’autorité d’autres Compagnons du Prophète » (p. 74).

Le chercheur Harald Motzki avait également tenu les mêmes conclusions pour le
Musannaf d’Abd ar-Razzâq 28, recueil comportant environ 18 000 ahadiths. Dans
des études 29 qu’il publia à la suite de ce travail, à travers plusieurs méthodes, il
montrait que les ahadiths constituaient souvent des matériaux historiques sur
lesquels se baser, mais avec une méthode critique, et réfutant par la même
occasion de nombreuses hypothèses orientalistes obsolètes ou trop orientées

28 Dans The Musannaf of ‘Abd al-Razzâq al-San’ânî as a source of authentic ahâdith of the first

Islamic century, Journal of Near Eastern Studies, 1991. 50 (1): 1–21. Harald Motzki (1948–
2019) était un chercheur et un islamologue spécialisé dans l’étude du hadîth. Il obtint son
PhD dans les études islamiques (Islamic Studies) en 1978 à l’université de Bonn en
Allemagne. Il était un professeur renommé dans ce domaine à l’Université Nijmegen
(Radboud Universitet Nijmegen) aux Pays-Bas.
29 Voir The Question of the Authenticity of Muslim Traditions ; et Dating Muslim Traditions:

A Survey, Arabica 52,2, 1 April 2005, pp. 204–253.


26
idéologiquement pour être prises au sérieux ou être crédibles. Les méthodes de
Motzki peuvent être résumées en 4 points : 1) les méthodes qui utilisent le matn
[la partie textuelle des traditions], 2) la datation sur la base des collections dans
lesquelles apparaissent les traditions, 3) la datation sur la base de l’isnâd [chaîne
de transmetteurs faisant partie des traditions], et 4) méthodes utilisant matn et
isnâd.

Certains appliquent d’autres critères pour authentifier les ahadiths selon la


rhétorique sémitique aussi, mais le problème est que certains ont rapporté des
ahadiths valides mais selon le sens ou selon leur compréhension, et sans préserver
forcément la littéralité des paroles prophétiques (s’exprimant selon la rhétorique
sémitique, selon cette théorie).

« L’une des critiques récurrentes exprimée contre le hadith est le fait que les
savants musulmans eux-mêmes auraient reconnu que le hadith mutawatir, ayant les
chaînes de transmission les plus solides et larges, était rare, la plupart des hadiths
étant ahad (transmetteurs limités). Cet argument était d’ailleurs la conclusion d’un
célèbre article du chercheur Wael Hallaq à ce sujet. L’islamologue et professeur
Jonathan Brown a répondu à ces critiques dans une étude publiée sous le titre “Did
the Prophet say it or not” dans The Journal of the American Oriental Society » 30,

Dans la science du Hadîth, il y a ce que l’on appelle le « mutawâtir » (dont la


transmission est notoire, abondante et concordante, passant par plusieurs voies
de transmission indépendantes les unes des autres) 31 et le ahâd (dont la
transmission est singulière, peu concordante). Le « mutawâtir » entraine la
certitude (yaqîn) que l’information remonte bien au Prophète (‫ )ﷺ‬surtout si toutes
les versions concordent sur le même sens général et relève donc de la preuve
catégorique (qat’i). Le Hadîth « ahâd » ne peut cependant pas servir de preuve
catégorique (qat’i) mais apporte seulement une présomption (dhanni), - plus ou
moins forte - si la chaîne est évidemment authentique, mais à lui seul, il ne peut
pas constituer une preuve déterminante et acceptée par tous dans un point
doctrinal ou pour une disposition légale (juridique). Néanmoins, il se pourrait très

30 En français, voir l'article L’authenticité du hadith : Vérité historique vs vérité littérale,

Mizane, 6 mai 2021 : https://www.mizane.info/lauthenticite-du-hadith-verite-historique-


verite-litterale
31 L’Imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî pour illustrer cette notion, donne l’exemple par exemple

d’une multitude de personnes différentes qui ne se connaissent pas forcément, mais qui
nous informent de l’existence d’une ville appelée « La Mecque », et dont il serait idiot (et
non raisonnable) de douter de cette information.
27
bien qu’un hadîth fut transmis à l’origine par plusieurs voies, mais dont seulement
une seule deux soient parvenues jusqu’aux générations suivantes, soit qu’ils ne
l’ont pas transmis à des disciples, soit qu’ils ont péri avant de pouvoir le
transmettre, ou alors pensant que la transmission unique d’un rapporteur et imâm
digne de confiance le transmettant ensuite à une assemblée était suffisante. Quoi
qu’il en soit, le Hadîth ahâd, qui est conforme au Qur’ân et aux ahadiths mutawâtir
ne pose aucun problème du point de vue qurânique, juridique et spirituel, surtout
si d’autres évidences (qurâniques, juridiques, historiques, spirituelles,
scientifiques, psychologiques ou intellectuelles) en confirment la sagesse et
l’utilité. Si les grands savants et maîtres spirituels de la Communauté s’accordent
à reconnaitre la validité d’un hadîth ahâd qui ne contredirait en rien le Qur’ân et
dont la pertinence est perceptible, l’intelligence exige alors de l’accepter. Par
ailleurs, les musulmans vertueux, les maîtres spirituels et les esprits clairvoyants
(parmi ceux que l’on appellerait de nos jours les « métaphysiciens » 32) s’accordent
tous sur les principes de la Religion et ont manifesté les plus belles vertus, tout en
montrant la profondeur du Qur’ân et de la Tradition prophétique, et de leur
cohérence. Ils constituent donc aussi une preuve évidente du caractère islamique

32 Comme René Guénon, Muhammad Hassan Askarî, Seyyed Hossein Nasr, Charles-André
Gilis, Michel Vâlsan, Hamza Benaïssa, Jean-Louis Michon, Martin Lings, Hassan Boutaleb,
Mostafa al-Badawî, Frithjof Schuon, Titus Burckhardt, Tage Lindbom, Ivan Aguéli, Tayeb
Chouiref, Allah Bukhsh Karim Bukhsh Brohi, Makhdum Muhammad Ajmal, Nasrullah
PourJavadi, Reza Davari Ardakani, İbrahim Kalın, Shaykh Shaykh Abd Al-Halîm Mahmûd,
Shaykh Ashraf Alî Thanvî, Dr. Ussama Shafî' al-Sayyid et d’autres. Certains parmi eux
cependant, avaient une conception un peu trop relativiste des formes religieuses, sans
toutefois rien remettre en question du Qur’ân et de la Tradition prophétique dans leurs
principes et finalités. D'autres furent à la fois Shaykh exotériste et sûfi comme, à l'époque
moderne, l'émir 'Abd al-Qadîr al-Jaza'irî, le Shaykh Ahmad al-Alawî, le Shaykh Muhammad
Zakî Ibrâhîm, Shaykh Salâma Hassân ar-Râdî, Muḥammad Shafī‘ ibn Muḥammad Yâsîn
‘Us̱ mânî Deobandî, etc. A côté de cela il y a aussi des savants et intellectuels comme le Dr.
Hamza al-Bakri, le Dr. Ali al-Omari, Ustadh Abû Shadîn, Shaykh Nouman Ali Khan, Shaykh
Abdallah Penot, Shaykh Abdal Hakim Murad, Malek Bennabi, Muhammad Iqbal, Taha
Abderrahman, Muhammad Asad, Muhammad Hamidullah, Alija Izetbegovic, Haïdar
Bammate, Eva de Vitray-Meyerovitch, Hamza M. Abdelhaqq, Mohammed Talbi l'algérien,
Mohammed Basil Altaie, Mustafa Mahmûd, Inès Safî, Nabila Aghanim, Rana Dajani, Dr. Hayat
Sindi, Lee Hong Susan Lim, Ibtesam Saeed Badhrees, Mehdi Golshani, Ali Abdullah Al-Daffa,
Ahmad S. Dallal, Shaykh Shah Hakim Muhammad Akhtar, Muhammad Suhail Zubairy, Asad
Q. Ahmed, Abbas Ahsan, Wahid Amin, Shaykh Ruzwan Muhammad, Abdul Shakoor Rashad,
Abdelaziz Benabdallah, Muhammad Abul Yusr `Abidin al-Husayni, Abbas Wasim Efendi, et
d'autres ont produit des articles et des ouvrages de qualité en rapport avec l'islam, les défis
de la modernité, la littérature, la logique, la philosophie des sciences, etc.
28
de leur voie et des fruits bénéfiques qui en découlent, et donc de l’Assistance divine
dans leur guidance.

Ainsi, dès le 1er siècle de l’Hégire, il y avait déjà une riche tradition écrite et des
cercles de science de tradition orale dans la littérature du hadîth, avec quelques
milliers de ahadiths jugés fiables et bons. Concernant la littérature des ahadiths,
nous lisons parfois qu’elle ne serait apparue qu’à partir du 2e/3e siècle de l’Hégire
avec al-Bukharî ou Muslim. Or, outre le fait qu’al-Bukharî et Muslim ont recueilli
des récits de la bouche de leurs maîtres, il existe de plus anciens auteurs
musulmans ayant compilé des ahadiths, et ce, dès le 1er siècle de l’Hégire, le fils de
l’imâm Hussayn (petit-fils du Prophète) l’imâm ‘Alî Zayn ul Abidîn (36 H/659 – 95
H/713) 33 avec son recueil Al-Sahifa al-Sajjadiyya, Hammam ibn Munabbih (m. 101
H/719)[15] et sa Sahifah Hammam ibn Munabbih, Saʿîd Ibn Abî ʿArūba al-Basrî (70
H – 155 H), Abû Hanifa (80 H/699 – 150 H/767) et son Musnad, Mâlik ibn Anas (93
H/711 – 179 H/795) et son Muwattâ’, ʿAbdallâh ibn al-Mubârak (118 H/726 –
797) et son Musnad ainsi que ses Sunân fî-l-fiqh, Abû Yûsuf (113 H/735 – 182
H/795) le disciple de l’imâm Abû Hanifa avec son Kitâb ul-Âthar, Muhammad al-
Shaybani (m. 189 H) qui écrivit des ouvrages comportant de nombreux ahadiths
tels que al-Mabsut, al-Jami al-Kabir, al-Jami al-Saghîr, al-Siyar al-Kabîr, al-Siyar al-
Saghîr et al-Ziyadat, As-Shafi’î (150 H/767 – 204 H/820) et son Musnad, ʽAbd ar-
Razzâq al-Sanʽanî (126 H – 211 H) et son Musannaf, Ibn Abi Shayba (159 H/ – 235
H/) avec son Musannaf et son Musnad, Ahmad Ibn Hanbal (164 H/780 – 241
H/855) avec son Musnad et son Kitâb az-Zuhd, Al-Harîth al-Muhâsibî (170 H/781

33 L’imâm ‘Alî Zayn ul Abidîn était un théologien, juriste, ascète, exégète et narrateur fiable

de traditions prophétiques. Il était l’un des grands imâms de son temps, éminemment
respecté et fils de l’imâm Hussayn et de Shahr Banu, fille du dernier empeur perse sassanide
qui lui fut donné en mariage par le Calife ‘Umar ibn al-Khattâb pour l’honorer, et ayant
« entrevu » la noble descendance qui en émanera. L’imâm As-Sajjâd était considéré
également comme un sûfi, présent d’ailleurs dans plusieurs chaines initiatiques sûfies, et où
son ouvrage est considéré également comme contenant les principes de la spiritualité
islamique (tasawwuf). Voir al-Sayyid Maḥmûd Abû al-Fayḍ Munûfî, Jamharat al-Awliyā’,
1967, vol. 2, Al-Qâhirah Mu’assasat al-Ḥalabî. p. 71. Voir aussi Bâqir Sharif al-Qarashi, The
Life of Imām Zayn al-Abidin (as), traduit par Jâsim al-Rasheed, Iraq: Ansariyan Publications,
n.d. Print., 2000. Le célèbre juriste et muhhadith Ibn Shihab al-Zuhri (50 H – 124 H/742)
l’admirait d’ailleurs énormément et rapporta des ahadiths de lui.
29
– 243 H/857) et ses différents recueils 34, Ibn Abi al-Dunya (207 H/823 – 281
H/894) à travers ses différents recueils 35 et d’autres.

Il y a ainsi eu une tradition continue et ininterrompue des enseignements


prophétiques et qui remontent jusqu’au Prophète, et non pas au-delà, ce que les
traditions écrites et orales confirment, puisqu’elles convergent selon toutes les
voies de transmission, souvent indépendantes les unes des autres, et en dépit des
différents courants politiques et théologiques qui s’accordent sur un certain
nombre de ahadiths et de règles en commun, contrairement aux points de
désaccord sur lesquels ils n’ont pas hésité à contester les « arguments » ou
« récits » des camps adverses. En effet, pour renforcer ou pour se forger une
nouvelle identité, chaque groupe ne va pas hésiter à ignorer, contester ou à rejeter

34 Comme Kitâb al-Khalwa, Kitâb al-Ri`aya li-huqûq Allâh et Kitâb al-Wasaya. Il était un

savant dans le Qur’ân et ses sciences, un sûfi, un ascète, un spécialiste du hadîth, un


théologien et un logicien. Avant de le connaitre, Ahmad Ibn Hanbal tint des propos durs,
mais après avoir assisté à ses cours et l’avoir connu, il se repentit et le tint en très haute
estime. Al-Muhasibî fut aussi le maître du célèbre Al-Junayd, qui fut reconnu à l’unanimité,
y compris par Ibn Taymiyya et Ibn Al-Qayyîm. Concernant le repentir et les éloges de l’imâm
Ahmad au sujet de al-Muhasibî, voir Voir Al-Khatîb al-Baghdâdî dans Tarikh Baghdâd
8/214, As-Subkî dans Tabaqat al-shafi’iyya 2/279, Ad-Dhahâbî dans Mizan al-I’tidal 1/430
n°1606, qui confirme la fiabilité de ce récit, même s’il avait du mal à accepter une partie du
contenu du récit car au départ l’imâm Ahmad n’avait pas prié collectivement avec eux à
l’heure de la salât al ‘isha, or il est possible de la retarder volontairement, tant que cela reste
dans le temps imparti, son disciple As-Subkî avait montré qu’il n’y avait là rien d’impossible
au sujet de l’imâm Ahmad.
35 Dans Dhikr ibn Abî ad-Dunyâ wa mâ waqa‘a ‘âliyan min hadîthih, Abû Mûsâ al-Madînî

évoque le fait qu’Ibn Abî ad-Dunyâ avait étudié le Hadîth auprès de son maître Muhammad
ibn al-Husayn al-Burjulânî, lui aussi auteur de plusieurs recueils (cf. Majmû‘at ajzâ’
hadîthiyya, p. 356, éd. Mashhûr Hasan Salmân, Dâr Ibn Hazm, Beyrouth, 2001). Il était donc
un ascète et un sûfi, en plus d’être un exégète du Qur’ân, un juriste et un traditionniste.
Contrairement à d’autres salafs (sûfis, exégètes et traditionnistes) de son temps, il s’opposa
fermement à la musique (cf. son épitre Dhamm al-malâhî), mais de façon générale, dans le
cadre d’un haut cheminement spirituel, il était contre toutes formes de divertissement qui
n’était pas tourné vers la spiritualité, la dévotion et la bienfaisance. Mais c’est là une position
propre aux saints et aux disciples très avancés dans la voie, mais dont les musulmans de la
masse ou peu avancés dans la voie ont reçu des dérogations visant à la souplesse à ce sujet
par plusieurs grands maîtres, s’inspirant aussi du hadîth où Abû Bakr condamna ces futilités
mais où le Prophète l’autorisa aux musulmans de la masse. Un jour de ‘Aîd, 2 petites filles («
jâriya ») chantaient et jouaient du tambourin dans l’appartement de ‘Aîsha et du Prophète,
alors que le Prophète était allongé. Abû Bakr entra et reprocha à ‘Aîsha cela, mais le
Prophète lui dit : « Laisse-les, Abû Bakr, chaque peuple a son jour de fête, et aujourd’hui c’est
le nôtre » (rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3337 et Muslim dans son Sahîh n°892).
30
les fondements scripturaires ou intellectuels de leurs opposants, or, tous, dans le
cas de l’Islâm, se sont accordés sur le même corpus qurânique (les mêmes Sûrates
et versets), sur les piliers de l’Islam et de la foi, et sur un certain nombre de
ahadiths reconnus et partagés par l’ensemble des courants en lien avec l’Islâm.

L'un de nos frères écrivait ceci (en date du 4 mai 2021), pour illustrer l’honnêteté
des grands compilateurs de Hadith et traditionnistes : « Il y a quelque temps, on a
parlé de l'importance de l'isnad dans la lecture du hadith non pas du point de vue de
l'acceptation et du rejet (qui est un domaine trop pointu pour s'improviser
compétent) mais davantage par rapport au contexte et à la recherche d'informations
supplémentaires du hadith en question.

On a alors appris ensemble que ‘Aîsha, ainsi que l'ensemble des épouses du Prophète
(‫)ﷺ‬, semblent avoir un attrait tout particulier aux paroles et aux actes prophétiques
qui concernent la maison. Ainsi par Aicha n'avons-nous pas accès à l'hygiène
personnelle du Prophète (‫)ﷺ‬, à ses habitudes domestiques et à sa vie conjugale.

Dans un tout autre domaine, c'est Adi Ibn Hatim qui se distingue des autres
Compagnons. De fait, la plupart des hadiths concernant l'utilisation des chiens à la
chasse sont effectivement rapportés par Adi Ibn Hatim qui était vraisemblablement
un amateur très avisé dans cette activité.

Enfin, j'ai souligné, à titre personnel, l'intérêt de commencer l'étude du hadith par
des recueils de type Musnad avant le type Sahih ou Sunan. Le classement des hadiths
par isnad permet de repérer plus facilement les répétitions et de comprendre l'intérêt
du rapporteur pour un domaine donné, ce qui ne saute pas nécessairement aux yeux
dans une compilation Sahih ou Sunan (bien que la recherche d'un hadith précis soit
plus difficile).

La dernière fois, on était concentré sur les Compagnons et on a conclu que, à défaut
de la lecture de l'isnad complet, l'identification du Compagnon permet d'avoir à
l'esprit quelques indications supplémentaires pour la compréhension du hadith.

Maintenant, je veux élargir avec un exemple très précis qui peut dérouter les lecteurs
des Sunan de Al-Nasai.

Al-Nasai dit, quand il rapporte de Al-Harith Ibn Miskin : « Al-Harith Ibn Miskin a dit
pendant la lecture [du hadith] alors que je l’écoutais… ».

Cette formulation n'est pas anodine car personne ne l'a utilisée en dehors de Al-Nasai
et Al-Nasai ne l'a utilisée pour personne d'autre que Al-Harith Ibn Miskin. Quelle est
31
donc la nature de cette formulation dans l'isnad et pourquoi Al-Nasai n'a pas dit : «
Al-Harith Ibn Miskin nous a rapporté… » ou « Al-Harith Ibn Miskin nous a informé…
» suivant les formulations usuelles ?

La première fois que Al-Nasai est venu à son cours de hadiths, Al-Harith Ibn Miskin a
cru qu’il était parmi les espions du gouverneur (certains disent que c'était par
rapport à ses vêtements, peut-être Al-Nasai revenait du jihad à ce moment-là...). Al-
Harith Ibn Miskin a donc naturellement demandé à Al-Nasai de ne pas assister à son
cours. Mais par amour du savoir, Al-Nasai a assisté aux cours caché derrière un
rideau pour entendre le hadith sans demander des explications quant à son exclusion
de son cours.

Par honnêteté, par scrupule, et par amour de la vérité, Al-Nasai n’a pas dit « Al-Harith
Ibn Miskin nous a rapporté… » car il n’était pas en face de lui bien qu'il était présent
physiquement sur place. Il a assisté au cours, il a effectivement entendu la lecture du
hadith mais étant donné qu'il était caché, il l'indiquait dans son isnad de façon
subtile.

En conclusion (bien que ce ne soit pas directement lié au développement), on pourrait


se réjouir de ce genre d'anecdotes vis-à-vis des savants reconnus dans le domaine du
hadith. Si Al-Nasai n'a pas assez de courage pour ne pas signaler un détail anodin qui
ne trahit ni l'isnad ni le matn, comment pourrait-on penser qu'il a assez de courage
pour mentir sur l'isnad ou le matn ou pire encore comment pourrait-on penser qu'il
a assez de courage pour forger un isnad ou un matn ? ».

Il faut aussi mentionner la présence de femmes notables dans la transmission de


ahadiths avec un grand nombre de narrations : « Le grand volume de narrations du
hadîth chez les femmes savantes mérite une attention en elle-même à plusieurs
égards. On trouve cela chez plusieurs générations de femmes instruites - depuis la
génération des compagnons, des successeurs - puis chaque génération après cela. Il
y a plusieurs femmes savantes qui ont collecté un grand nombre de hadîths. Aîsha
l’épouse du Prophète (m. 57 H) a rapporté 2210 hadîths dont 297 sont inclus dans les
Sahih d’al Bukharî et Muslim. Un autre exemple est ‘Abidah al-Madaniyyah, qui a
rapporté de l’imam Mâlik ibn Anas. Certains huffâz ont même rapporté qu’elle a
narré 10 000 hadîths. Zaynab bint al-Kamâl (m. 740 H) aurait étudié suffisamment
de livres de hadîths pour remplir la charge d’un chameau selon ses élèves ! Une
mention de ces livres se trouve dans la vaste liste d’ouvrages de hadîth du hâfiz ibn

32
Hajar. Je ne connais pas d’érudit en hadîth aujourd’hui qui a parcouru tous ces titres
» 36.

Quant à la dimension ésotérique et spirituelle de l’Islam, dans la Tradition


prophétique, citons le Sahîh d’Al-Bukhârî, où nous trouvons que le Prophète Mûsa
(‘alayhî salâm) demanda la compagnie d’Al-Khidr (‘alayhî salâm) : « Al-Khidr a dit
à Mûsa : « Ô Mûsa, je détiens une science venant d’Allâh, que tu ne connais point, et
tu détiens une science de la part d’Allâh que je ne connais point… » ». Ce qui
correspond au verset du Qur’ân qui dit : « Ils trouvèrent l’un de Nos serviteurs à
qui Nous avons donné une grâce de Notre part, et à qui Nous avons enseigné
une science émanant de Nous. Mûsa lui dit : « Puis-je te suivre à la condition
que tu m’apprennes ce qu’on t’a appris concernant une bonne direction ? »
L’autre dit : Sûrement, tu ne pourras pas être patient avec moi » (Qur’ân 18, 65-
67). Ce verset constitue aussi l’un des fondements de l’inspiration divine (ilhâm)
et du dévoilement spirituel (kashf), qu’Allâh accorde à qui Il veut. En témoigne
aussi ce hadîth dans le Sahîh al-Bukharî : « Il y avait, dans les peuples qui étaient
avant vous, des hommes qui étaient inspirés (muhaddathûn). S’il y en a dans cette
Ummah, c’est bien ‘Umar (ibn al-Khattâb) ».

C’est ce que dira aussi dans sa Risâlat-i wujûd, le célèbre sûfi, philosophe et
scientifique ‘Umar Khayyâm : « Les sûfis, qui ne cherchent pas la connaissance dans
la cogitation mentale ou dans la pensée discursive, mais en purifiant leur être
intérieur et leurs intentions. Ils débarrassent l’âme rationnelle des impuretés de la
Nature et de la forme corporelle pour la rendre substance pure. Elle rencontre alors
le monde spirituel, et les formes de ce monde se reflètent en elle dans leur vérité,
exemptes de doute et d’ambiguïté. De toutes les voies, elle est la meilleure : aucune
des perfections d’Allâh n’en est exclue, et aucun voile ni obstacle n’en interdit l’accès.
L’ignorance de l’homme vient donc de l’impureté de sa nature ; qu’on retire cet écran,
et la vérité des choses apparait dans son évidence. C’est ce que le Maître (Sayyîd), le
Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « En vérité, tout au long de votre existence, des
inspirations vous viennent d’Allâh. Ne voulez-vous donc pas les suivre ? ». Allez-dire
aux « raisonneurs », que pour les amoureux du Divin, – les sûfis (gnostiques) -, c’est
l’intuition (inspiration divine ; ilhâm) qui est un guide, et non la pensée discursive ! ».

36 Muhammad Akram Nadwi, al-Muhaddithât. Notes for a talk on the women scholars of

hadîth, p. 9.

33
Son contemporain, l’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî, dans son Ihyâ’ faisait
remarquer ceci : « Nul n'ignore que le but ultime de l'adoration est la connaissance
des réalités divines (ḥaqâ'iq al-Haqq) et la clairvoyance. Si la satiété y fait obstacle,
la faim, en revanche, y donne accès », car être repus alourdit et obscurcit l’esprit,
l’empêche de penser convenablement, et « endort » les sens. L’un de nos autres
frères, commentait d’ailleurs la parole de l’imâm (Abû Hâmid al-Ghazâlî) en
disant :

« Il en ressort les idées suivantes :

- al-Ghazālī considère que la sensation de faim permet au coeur (Qalb) de vivre


pleinement la remémoration/le souvenir (ḏikr), cette vigilance que le croyant obtient
et cette conscience de la vie de l'au-delà=> la croyance en l'invisible implique
l'éthique.

- celui qui mange peu a conscience des épreuves de la vie. Il a conscience du manque.
Il a également conscience qu'Allah détient la Puissance (qudra) le pouvoir et la force
(quwwa).

- le fait de trop manger est une rupture épistémologique dans la connaissance ».

Ainsi, dans la science du hadîth, l’inspiration divine (ilhâm) qui produit parfois
les dévoilements spirituels (kashf) est utilisée pour statuer de l’authenticité d’un
hadîth (ou alors celui qui vit cet état reçoit de la part d’un Prophète qui lui enseigne
quelques ahâdîths ; jamais contraires au Qur’ân et à la Sunnah purifiée). L’ont
expérimenté de nombreux maîtres spirituels, – dont de grands poètes arabes et
persans – tels que Al-Hujwirî, Al-Ghazâlî, Ibn ‘Arabî, Jalâl ud-Dîn Rûmî, ‘Ayn al-
Quzât Hamadâni, ‘Abd al ‘azîz al-Dabbâgh, Farîd ud-Dîn Attâr, Al-Jilânî et tant
d’autres -.

L’islamologue, chercheur et spécialiste du hadîth Tayeb Chouiref a écrit : « Le


hadith authentifié (sahîh) est celui dont la chaîne de transmetteurs est continue, dont
chacun transmetteurs est honorable (‘adl) et fiable (dâbit) et cela, jusqu’à la fin de
cette chaîne sans qu’apparaisse une marginalité (shudûd) ou un défaut (‘illa). Le
hadith validé (hasan) est celui dont la chaîne de transmetteur est continue jusqu’à la
fin, dont chaque transmetteur est honorable mais de fiabilité non totale. Sa chaîne
ne doit comporter ni marginalité ni défaut. Lorsque l’on souhaite avoir une vision
d’ensemble des différentes positions de l’Islam classique face au problème de
l’authentification des hadiths, on ne peut passer sous silence un mode très particulier
de cette dernière : l’authentification par dévoilement initiatique (al-tashîh bi-l-

34
kashf). À ce sujet, Ibn ‘Arabî affirme qu’un hadith dont la chaîne est faible peut fort
bien s’avérer authentique : l’être gratifié d’un dévoilement saura par « l’OEil de la
certitude » (‘ayn al yaqîn) que le hadith concerné est authentique. Cette idée fut
souvent défendue et trois siècles plus tard, le célèbre Ibn Hajar Haythamî (m.
974/1566) énoncera une fatwa 37 sur l’authentification d’un hadith par dévoilement
initiatique : « Cela est, en effet, possible et fait partie des grâces octroyées aux saints
(karâmât al-awliyâ) comme l’ont affirmé Ghazâlî, Bârazî, al-Tâj al-Subkî, al-‘Afîf al
Yâfi’î parmi les shaféites et Qurtûbî et Ibn abî Jamra pour les malékites. On rapporte
qu’un saint assista à une assemblée dirigée par un juriste (faqîh). Alors que celui-ci
venait de citer un hadith, le saint l’interrompit : « Ce hadith n’est pas valable (bâtil)
! ». Le juriste lui demanda alors : « D’où tires-tu cela ? ». Et le saint de répondre : « Le
Prophète est là et se tient près de toi ! Il dit qu’il n’a pas prononcé ces paroles ! ». A
cet instant, le juriste eut un dévoilement et vit le Prophète ». (…) Les critères retenus
pour affirmer l’authenticité d’un hadith peuvent légèrement varier d’un auteur à
l’autre. Ainsi, Suyûtî considère que Hâkim accorde le statut sahîh avec parfois trop
de largesse. Ce terme désigne dans les sciences du Hadith l’opposition avec une source
plus sûre encore. Par ‘illa, il faut entendre un défaut difficile à détecter laissant croire
à la perfection de la chaîne de transmission. C’est par exemple le cas d’une chaîne
complète et ininterrompue citant successivement deux personnes qui n’ont pas pu se
rencontrer. Cette définition s’appuie sur celle d’Ibn Hajar al-‘Asqalânî (m. 852/1449)
» 38.

Le Shaykh Ibn Taymiyya considère aussi cela comme étant possible, et même
comme étant une preuve légale en cas de divergences entre spécialistes. Il dit dans
son Majmû al fatawâ : « Il est dit qu'après le Sceau des Prophètes, la Révélation ne se
révèle plus sur un autre être (parmi les créatures). Pourquoi pas ? En fait Elle
“descend”, mais alors ce n'est pas appelé « la Révélation » [wâhî]. C'est ce que le
Prophète (‫ )ﷺ‬a mentionné quand il a dit : « le croyant voit avec la Lumière Divine ».
Quand le croyant regarde avec la Lumière Divine, il voit toutes les choses : le premier
et le dernier, le présent et l'absent. Comment quelque chose peut être cachée de la
Lumière Divine ? Et si quelque chose est cachée, alors ce n'est pas la Lumière Divine.

37Ibn Hajar Al-Haythâmi, Al-Fatâwâ al-hadîthiyya, pp. 211-212.


38Les définitions citées sont tirées de l’ouvrage de Mahmud al-Tahhân, Taysîr mustalah al-
hadîth, Riyad, 1996. Cf. Fut, II, p. 358 [O. Y.], al-Fatâwâ l-hadîthiyya, p. 211-212, éd. Dâr al-
Fikr, s.d ; Tayeb Chouiref, Les Enseignements Spirituels du Prophète, éd. Tasnîm, 2021,
Introduction.
35
Donc la signification de la Révélation existe, même si cela n'est pas appelé Révélation
».

Celui-ci va même jusqu’à élever l’inspiration (ilhâm) au niveau des preuves


légales, lorsque les autres sources du droit ne permettent pas de prendre position.
En effet, il privilégie de loin l’ilhâm et le dhawq aux analogies douteuses et aux
hadiths faibles 39. De même que pour les autres sources de droit, est pardonnée
l’erreur du mujtahid qui se base sur l’inspiration 40.

Ainsi, bien que l'Inspiration et la Révélation puisent à la même Source (Allâh ; La


Lumière Divine) la forme diffère, de même que leurs fonctions et portées
respectives. L'inspiration ne concerne pas la Législation, contrairement à la
Révélation (qui englobe tous les aspects, y compris la Loi Divine). La Révélation
(wâhi) est accordée aux Prophètes et aux Messagers, contrairement à l'Inspiration
Divine (ilhâm) qui est accordée à la fois aux prophètes et aux vertueux qui les
suivent. Toujours dans la même oeuvre, il dit : « ce qui est considéré comme un
prodige pour un saint est que parfois le saint pourrait entendre quelque chose que
les autres n'entendent pas ou voir quelque chose que les autres ne voient pas, pas
lorsqu'il est endormi, mais dans un état éveillé de vision. Il peut connaître des choses
que d'autres ne peuvent pas connaître, par la révélation ou l'inspiration ». Une
« karamâ » est un prodige, différent du miracle, non dans sa nature spirituelle,
mais dans sa forme et sa fonction, car le miracle [mu'jizâ] est réservé aux
Prophètes, et sont généralement uniques.

Dans son livre Mukhtasar Al-Fatawa Al-Masriyya (p. 603), Ibn Taymiyya écrit : «
Les prodiges des saints sont absolument vrais et corrects et reconnus par tous les
savants Musulmans. Le Qur'ân l'a indiqué en différentes places et les hadiths du
Prophète (‫ )ﷺ‬l'ont mentionné et quiconque nie le pouvoir prodigieux des saints est
innovateur ou disciple d'innovateurs ».

Il continue et cite le hadith du Prophète (‫ )ﷺ‬au sujet des saints : « Vous êtes les
témoins d'Allâh sur la terre ».

Dans ses Majmû al fatawâ (11/313) il dit : « Allâh Tout-puissant dévoilera à ses
saints des états qui n'ont jamais été dévoilés auparavant et Il leur donnera l'appui

39Cf. Majmû al fatawâ, 10/6-7.


40Ibn Taymiyya, Majmû al fatawâ, 10/61-67 ; traduit aussi dans Yahya Michot, « Textes
spirituels d’Ibn Taymiyya. XVI : La réalité de l’amour (mahabba) de Dieu et de l’homme
(suite) », Le Musulman, no. 29 (1998) : pp. 24-27.
36
sans mesure. Si ce saint commence à parler des choses de l'invisible, passé ou présent
ou futur, c'est considéré comme Bab Al-'Ilm Al-khariq, la connaissance prodigieuse.
Tout ce qu'un saint fait qui est de l'invisible, pour les gens ou pour des auditeurs, de
guérison ou de connaissance et d'enseignement, c'est accepté et nous devons
remercier Allâh pour cela ».

Dans son ouvrage Al 'aqida al wassitiya il dit : « Les gens de la Tradition [Sunnah]
attestent [de l'existence] les prodiges [des saints], aux choses extraordinaires
accomplies par eux - de par la Volonté divine - dans les domaines des sciences, des
dévoilements des réalités cachées, ainsi qu'aux différents pouvoirs et influences dont
ils sont dotés. Ainsi en est-il des prodiges qui eurent lieu sous les communautés
anciennes, et dont la Sûrate « la Caverne » et d'autres encore font état, mais aussi de
ceux imputés aux compagnons, à leurs suivants et aux autres générations, prodiges
qui subsisteront [dans la communauté] jusqu'au Jour de la résurrection » 41.

Par conséquent, dans la science du hadîth, l'inspiration divine (ilhâm) qui produit
parfois les dévoilements spirituels (kashf) est utilisée pour statuer de
l'authenticité d'un hadîth (ou alors celui qui vit cet état reçoit de la part d'un
Prophète qui lui enseigne quelques ahâdîths ; jamais contraires au Qur'ân et à la
Sunnah purifiée).

De nombreux musulmans ont pu voir ainsi le Prophète (‫)ﷺ‬, soit à l’état d’éveil,
soit à travers un rêve spirituel, tout comme de nombreux cheminants sur la voie
spirituelle ont pu ainsi connaitre et échanger avec les différents prophètes et saints
dans le monde « invisible » (al-ghayb), le monde supra-physique, et dont nous
l’avons nous-même expérimenté, et une telle expérience spirituelle sort
clairement de l’expérience « ordinaire ».

Ibn al-Qayyîm dans son Madaridj as-Salikin (3/227-228) relata les cas où Abû
Bakr et ‘Umar furent gratifiés du kashf comme lorsqu’Abû Bakr révéla à ‘Aîsha que
le bébé conçu par sa femme serait une fille, ou lorsque ‘Umar avait reçu un
dévoilement et dit : « Ô Sariyya, La montagne ! », c’est-à-dire réfugiez-vous au pied
de la montagne », ce qui les sauva et leur permit de remporter la victoire. En effet,
selon Nafi, ‘Umar envoya un commando et le plaça sous la direction d’un homme
du nom de Sariyya – Au cours de son sermon du vendredi, il dit (soudainement) :
ô Sariyya ! La montagne ! ô Sariyya ! La montagne ! Plus tard, on vérifia qu’au même

41 Voir aussi Majmû al fatawâ 3/156.


37
moment, Sariyya qui se trouvait à un mois de marche, allait se réfugier à une
montagne après avoir lancé un raid 42.

Ibn Taymiyya écrivit dans sa As-safadiyya (pp. 187-189) : « Nous ne nions pas que
l’âme puisse recevoir une sorte de dévoilement à l’état d’éveil ou pendant le sommeil
à cause d’un relâchement dans son contact avec le corps dû à un exercice ou à
d’autres (facteurs). Ce dévoilement psychologique constitue la première sorte de
dévoilement. Les arguments rationnels et religieux ont prouvé l’existence des jjinns
qui fournissent aux humains des informations portant sur des choses absentes. C’est
ce que montre le comportement des devins avec les possédés et d’autres. Il s’agit ici
d’affirmer que le dévoilement permet de connaître des réalités objectives
indépendantes et différentes des forces (qui les véhiculent). C’est le cas des jinns qui
apportent à beaucoup de devins une foule d’informations. Cela est nécessairement
connu par celui qui en a fait l’expérience et celui qui en a été informé par une source
sûre. Nous en avons eu à plusieurs reprises une connaissance nécessaire. Voilà une
sorte de dévoilement constituant source d’informations sur le mystère, différent du
dévoilement psychologique. C’est la deuxième sorte de dévoilement.

La troisième sorte de dévoilement consiste dans les informations apportées par les
anges. Celle-ci représente la plus noble sorte comme l’indiquent de nombreux
arguments révélés et rationnels. L’information portant sur le mystère peut dépendre
de causes psychologiques, de causes sataniques et non sataniques (psychiques) et de
causes angéliques (spirituelles) ».

Et dans son Majmû’ al-Fatawa : « Il est dit qu’après le Sceau des Prophètes (‫)ﷺ‬, la
Révélation (wahî) ne descend pas sur un autre. Pourquoi pas ? En fait elle descend,
mais alors ce n’est pas appelé ‘la révélation’ (mais une inspiration : Ilham). C’est ce
que le Prophète (‫ )ﷺ‬a mentionné quand il a dit : ‘le croyant voit avec la Lumière
d’Allâh‘. Quand le croyant regarde avec la Lumière d’Allâh, il voit toutes les choses :
le premier et le dernier, le présent et l’absent. Comment une chose peut-être cachée
de la Lumière d’Allâh ? Donc la signification de la révélation existe, même si elle n’est
pas appelée révélation. (…) ce qui est considéré comme un prodige pour un saint est
que parfois le saint pourrait entendre quelque chose que les autres n’entendent pas
ou voir quelque chose que les autres ne voient pas, pas lorsqu’il est endormi, mais
dans un état éveillé de vision (mushâhada). Il peut connaître des choses que d’autres
ne peuvent pas connaître, par le biais de l’inspiration ».

42 Rapporté par Ahmad dans Fadhail as-Sahaba 1/269 avec une chaîne authentique.
38
As-Suyûtî rapporte également avoir vu plus de 70 fois le Prophète Muhammad
(‫ )ﷺ‬à l’état d’éveil lors de dévoilements spirituels par la Grâce d’Allâh. Il l’a
démontré par son expérience, des ahadiths prophétiques et des récits de salafs,
dans al-hâwî li al-fatâwî (2/255-269).

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Qui m’a vu en rêve, me verra à l’état de veille (yaqazatan),
et certes Shaytan ne saurait emprunter mon apparence » 43.

As-Suyûtî dit dans al-hâwî li al-fatâwî (2/255-269) où il commence par citer des
ahadiths qui prouvent cette possibilité : « Nous commencerons par le hadîth
rapporté concernant cela : Al-Bukhârî, Muslim, Abû Dâwud ont rapporté : « Le
Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui me voit dans son rêve me verra à l’état d’éveil
(al-yaqaza) et Shaytân ne peut pas prendre mon apparence ». Et l’a rapporté
similairement At-Tabarânî d’après le hadîth de Mâlik ibn ‘Abdallâh Al-Khash‘amî, et
d’après le hadîth d’Abû Bakrah. Et l’a rapporté similairement Ad-Dârimî d’après le
hadîth d’Abû Qatâdah [Al-Ansârî] ».

Il réfute ensuite l’avis de ceux qui niaient une telle possibilité, pourtant nullement
niée par le Qur’ân, la Sunnah ou l’expérience. As-Suyûtî lui-même l’avait vécu de
nombreuses fois, et dans sa fatwa, il citait aussi les expériences vécues par de
grands savants. Il relate notamment ceci : « Et Al-Imâm Abû Muhammad ibn Abî
Jamrah a dit dans ses annotations sur les ahâdith choisis dans le Bukhârî : « Ce hadîth
prouve que celui qui le voit dans son rêve le verra à l’état d’éveil (yaqaza). Est-ce que
cette déclaration est générale durant son vivant et après sa mort ou est-ce seulement
durant son vivant ? Et est-ce pour quiconque le voit ou est-ce spécifique pour ses
partisans suivant sa sunnah ? La formulation semble générale et quiconque prétend
que cela est spécifique sans qu’il (‫ ) ﷺ‬ne l’a spécifié/restreint a alors transgressé
(mut‘assaf) ». (...) Et il est rapporté d’après certains compagnons - je pense Ibn ‘Abbâs
qu’il vit le Prophète (‫ ) ﷺ‬dans un rêve puis il se rappela de ce hadîth et n’arrêtait pas
d’y penser alors il alla voir une des épouses du Prophète - je pense Maymûna - et lui
raconta son histoire. Alors elle se leva et apporta son miroir et il dit : « Je vois dans le
miroir l’image du Prophète et je ne vois pas mon reflet ». Il dit : « Il est rapporté
d’après certains prédécesseurs (salaf) et ceux qui les suivirent (khalaf) et ainsi de
suite [dans la communauté] qu’ils le virent dans un rêve et ils adhéraient fermement
en ce hadîth et le virent après cela [leur rêve] à l’état d’éveil et lui posaient des

43Rapporté sous différentes versions notamment par Al-Munawî dans Al-Fuyûd al-Ilâhiyya,
fol.61, recto, par Abû Dawûd dans ses Sunân selon Abû Hurayra, par al-Bukharî dans son
Sahîh, As-Suyûtî dans al-hâwî li al-fatâwî 2/255-269 et d’autres.
39
questions qui leur étaient problématiques et il résolvait leurs ambiguïtés et les
informaient de la manière par laquelle ils devaient surmonter la difficulté et cela est
survenu comme cela sans ajout ni diminution » ».

As-Suyûtî poursuit en relatant : « Muslim a rapporté dans son Sahîh d’après


Mutarrif qu’il a dit : ‘Imrân ibn Husayn m’a dit : « Par ailleurs on me saluait jusqu’à
ce que je me cautérisai. Puis, on ne me salua plus. Ensuite, ayant abandonné la
cautérisation, cela reprit ». Et Muslim a rapporté d’après d’un autre d’après Mutarrif
qui a dit : ‘Imrân ibn Husayn m’envoya durant sa maladie de la quelle il est mort et
dit : « Je te rapporte certains hadîths en espérant qu’Allâh t’en fera profiter après
moi. Si je survis, ne dévoile pas mon secret. Mais si je meurs, tu peux les rapporter à
volonté : Sache qu’on m’a salué ».

An-Nawawî a dit dans son commentaire du Muslim : « La signification du premier


hadîth est que ‘Imrân ibn Husayn souffrait des hémorroïdes et endurait le mal. Les
anges le saluaient alors. Puis lorsqu’il se cautérisa, ils cessèrent de le saluer. Ensuite,
il renonça à la cautérisation et les anges reprirent sa salutation ».

Il dit [également] : « Et sa parole « Si je survis, ne dévoile pas mon secret » : Il entend


par cela le fait qu’il recevait le salut [des anges] ; et il n’aimait pas que cette
information se répande de son vivant par crainte de s’exposer aux sentiments de
suffisance et d’orgueil. Chose qu’il ne risquait pas une fois mort.

Al-Qurtubî a dit dans le commentaire du Muslim : « Cela signifie que les anges le
saluait par respect envers lui et ils le respectaient jusqu’à ce qu’il se cautérise, alors
ils arrêtèrent de le saluer. Il y a donc dedans [ce hadîth] l’établissement des prodiges
[karâmât] des saints [awliyâ’] » ». As-Suyûtî développe encore puis cite de
nombreux grands savants et saints ayant vu le Prophète (‫ )ﷺ‬en rêve comme à l’état
d’éveil : « At-Tirmidhî a rapporté dans sa biographie, Abû Nu’aym, et Al-Bayhaqî
dans Dala’il an-nubuwwa d’après Ghazalah qui a dit : « ‘Imrân ibn Husayn nous
ordonnait de nettoyer la maison et on entendait : « Salut sur vous ! Salut sur vous ! »
et nous ne voyions personne. At-Tirmidhî a dit : « Cela est la salutation des anges ».
Et la preuve de l’Islâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî dans le livre Al-Munfîdh min Ad-Dalâl
a dit : « Puis lorsque je fini avec ce genre de savoir je me suis intéressé à la voie des
sûfis (tarîqa as-sûfiyya). Je mentionne ce qui peut être profitable à travers cela ; J’ai
su avec certitude (yaqîn) que les Sûfis sont ceux qui suivent uniquement la voie
d’Allâh, leur mode de vie est le meilleur de tous, leur voie est la voie la plus droite et
leur éthique la plus pure. Que l’on additionne donc la raison des raisonnables, la
sagesse des sages, la science des savants de la Loi pour changer une seule chose de

40
leur voie ou de leur comportement et le remplacer par quelque chose de meilleur, on
ne pourrait pas le faire ! Car tout ce qui, en eux, bouge ou repose, leur apparence et
leur for intérieur, tout s’allume à la lumière de la Prophétie dans sa niche (lampe
niche). Et il n’y a pas d’autre Lumière de la prophétie sur la face de terre ». Jusqu’à ce
qu’il dise : « En état de veille ils contemplent les anges et les esprits des Prophètes ; ils
entendent leurs voix et profitent de leurs conseils. Puis ils se haussent, de la vision
d’images et de symboles, à des degrés ineffables. Nul ne peut tenter d’exprimer ces
états d’âme, sans courir à l’inévitable échec ». Voilà les paroles d’Al-Ghazâlî.

Et son élève, le Qâdî Abû Bakr ibn Al-‘Arabî, qui fait partie des sommités des imâms
malikites a dit dans le livre Qânûn at-ta’wîl : « Les Sûfis ont constaté que ce qui se
produit parmi les gens pour celui qui parvient à assainir son âme en purifiant son
cœur, rompant tout attachement ainsi qu’en renonçant à tout intérêt lié aux causes
de ce monde (comme) la renommée, les biens, commerces, les relations charnelles et
la faim en se tournant vers Allâh le Très-Haut entièrement, d’une science continue
tout en persévérant dans l’application, alors les cœurs sont dévoilés, les anges ainsi
que les esprits des prophètes sont vus et entendus ».

Puis Ibn Al-‘Arabî dit concernant cela : « La vision des prophètes et des anges et
l’audition de leurs paroles est un prodige possible pour les croyants (…). Le Qâdî
Sharaf Ad-Dîn Hibat Allâh ibn ‘Abd Ar-Rahîm Al-Bârizî dans le livre Tawthîq ‘urâ al-
imân : « Al-Bayhaqî a dit dans le livre Al-I‘tiqâd : « Les prophètes après que leurs
soient prises leurs âmes, leurs sont rendus et sont vivants auprès de leur seigneur
comme les martyrs et notre Prophète (‫ )ﷺ‬lors de la nuit du Mi‘râj a vu certains
d’entre eux, et ses propos – et ses propos sont véridiques – que nos prières lui sont
présentés et nos salutations transmises. Et Allâh a interdit à la terre de manger la
chaire des prophètes ».

Al-Bâzirî a dit : « Et il été entendu de la part de certains saints (awliyâ’) de notre


temps et avant eux qu’ils virent le Prophète (‫ )ﷺ‬à l’état d’éveil (yaqazah) vivant après
son départ ». (…) Le Shaykh Sirâj Ad-Dîn ibn Al-Mulaqqin dans Tabaqât al-awliyâ’ :
« Le Shaykh ‘Abd Al-Qâdîr Al-Jîlânî a dit : « J’ai vu le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬avant le
Zuhr et il me dit : « Ô fils ! Pourquoi ne parles-tu pas ? ». Je dis : « Ô mon père ! Je suis
un étranger, comment pourrais-je parler comme les éloquents de Baghdâd ? ». Il dit
alors « Ouvre ta bouche » alors je la lui ouvris et il crachota dedans 7 fois et il dit
« Parles aux gens et invite-les à la voie de ton Seigneur avec sagesse et avec de bonnes
exhortations ». J’ai alors prié le Zuhr et je me suis assis et beaucoup de gens furent en
ma présence et je me mis alors à tressaillir, j’ai alors vu ‘Alî debout dans l’assemblée
et me dit : « Ô fils ! Pourquoi ne parles-tu pas ? ». Je dis : « Ô mon père ! Je tremble ! ».
41
Il répondit alors : « Ouvre ta bouche », je la lui ouvris alors et il crachota dedans 6
fois. J’ai dit : « Pourquoi ne complètes-tu pas par 7 (fois) ? ». Il dit : « Par convenance
envers le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬puis il disparut de mon champ de vision. Je dis alors :
« Je me sentais comme plongé dans le cœur de l’océan splendide de connaissance qui
florissaient dans mon intérieur faisant que les réalités m’étaient rendues saisissables
[…] ».

Et dans la présentation du Shaykh Khalîf ibn Mûsâ An-Nahramalakî : « Il (Al-Jilânî)


voyait beaucoup le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬à l’état d’éveil et durant le sommeil. Il reçut
beaucoup d’ordres de lui à l’état d’éveil et durant le sommeil. Il l’a vu durant une seule
nuit 70 fois, il lui dit durant l’une d’entre elles : « Ô Mon Khalîf ! Ne t’ennuis pas de
moi ! Beaucoup de saints meurent en espérant me voir ».

Et Al-Kamâl Al-Udfuwî dans At-tâli‘ as-sa‘îd dans sa présentation de As-Safî Abî


‘Abdallâh Muhammad ibn Yahyâ Al-Aswânî visiteur d’Akhmîm parmi les
compagnons d’Abî Yahyâ ibn Shâfi‘ : « Plus connu par (le nom) Salâh, il a des
dévoilements et des prodiges. A écrit de lui Ibn Daqîq Al-‘Îd, ibn al-Nu‘mân et Al-Qutb
Al-‘Asqalânî. Et il est mentionné qu’il voyait le Prophète (‫ )ﷺ‬et qu’il le rencontrait ».

Le Shaykh ‘Abd Al-Ghaffâr ibn Nûh Al-Qûsî dans son livre Al-wahîd a dit : « Parmi les
compagnons du Shaykh Abû Yahyâ Abû ‘Abdallâh Al-Aswânî résidant à Akhmîm ils
rapportent qu’il voyait le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬chaque heure à tel point qu’il n’y avait
pas une heure où il ne rapportait pas de lui (…) ».

Citons aussi Abû 'Abdallâh Muhammad ibn Sa'Îd ul-Bûsīrî As- Shadhilî (1211–
1294), l'auteur de la Qasidat al-Burda (Poème du manteau), qui fut frappé de
paralysie, puis lors d’une nuit, il vit le Prophète (‫ )ﷺ‬en songe, qui passa sa main
pleine de Bénédictions divines sur son corps, puis à son réveil, il retrouva l’usage
de ses membres qui étaient paralysés auparavant 44.

Dans la méthodologie du droit et du hadîth, les premiers zaydites étaient très


proches de l’école hanafite. L'imâm Zaydite, descendant du Prophète Muhammad
(‫)ﷺ‬, al-Hassân Ibn Yahyâ ibn al-Hussayn ibn Zayd ibn 'Alî a dit : « La solution aux
divergences dans ce qui est permis ou prohibé réside dans le fait de s'en tenir aux
versets clairs et bien établis du Qur'ân et de s'appuyer sur les hadiths bien connus,
fidèlement transmis depuis le Prophète, qui ne sont pas susceptibles d'avoir été
sciemment forgés, ainsi que sur les hadiths rapportés les membres bien-guidés de sa

44 Pour une approche scientifique de ces phénomènes, qui sont attestés encore à notre
époque, voir nos ouvrages Soufisme, Lumière d'Islam (éd. Hanif, 2020) et Pour en finir avec
les superstitions de l'athéisme moderne (éd. Hanif, 2020).
42
famille qui sont en conformité avec les enseignements clairs du Qur'ân. Outre cela, il
nous appartient de suivre les membres justes et pieux de la famille de l'Envoyé
d'Allâh. Tels sont les critères indiscutables pour les musulmans, et il n'est pas permis
d'en adopter d'autres » 45.

L'Imâm Zaydite al-Murtadâ Muhammad ibn Yahyâ (m. 310 H/922), que l'on
pourrait considérer comme faisant partie des derniers salafs, a dit : « De fait, il
existe des ahadiths qui divergent et contredisent avec le Livre (Qur'ân) d'Allâh Très
Haut. Par conséquent nous n'en tenons aucun compte et nous ne les utilisons pas
comme preuves. En revanche, tout hadith qui est en accord avec le Livre d'Allâh et
dont la justesse est confirmée par la Parole Divine, est authentique de notre point de
vue et nous l'acceptons comme preuve. De même, tout ce que nos ancêtres (parmi les
ahl ul bayt) ont rapporté, de père en fils depuis le Prophète (Muhammad) en passant
par 'Alî, nous l'utilisons comme preuve. Aussi, tout ce qui est rapporté par les
Compagnons absolument fiables du Prophète (thiqât), nous l'acceptons et le mettons
en pratique. Quant à tout ce qui est en désaccord avec cela, nous ne le considérons
pas comme correct et nous ne l'adoptons pas » 46. Et parmi les « compagnons
fiables », les premiers zaydites incluaient Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, etc. parmi
eux.

Les premiers savants zaydites étaient très proches du sunnisme, contrairement à


certains groupes zaydites qui ont dévié du zaydisme originel avec le temps.

Le célèbre savant Ibn Kathîr a dit dans son livre Ikhtissar ‘ulûm al hadith (p. 43) :
« Lorsque la chaine d’un hadith est authentique, ça n’implique pas (forcément) que
le contenu (matn) soit authentique ». On comprendra dès lors que dire qu’un isnad
est sahih n’implique pas forcément que le « matn » soit sahîh également ou que
celui qui a authentifié le « isnad » prend le « matn » comme information fiable ou
comme information à mettre absolument en pratique, sinon cela voudrait dire que
tout ceux qui ont rendu sahih un « isnad » alors ils ont considéré le « matn » comme
une information fiable à laquelle adhérer, or, ceci est la croyance des gens peu
avertis dans la science du hadîth et le fiqh. Si un hadith dont la chaîne (traçabilité)
est authentique, bonne ou faible, mais dont l’énoncé est corroboré par le Qur’ân,
alors il n’y aucune bonne raison de douter de la véracité de son contenu, en ce sens
que soit il s’agit bien d’une parole prophétique, - ou d’un récit émanant d’un
Compagnon -, tout à fait conforme à la Parole divine, soit il s’agit d’une sagesse

45 'Abdallâh Hamûd al-'Izzî, 'Ilm al-hadith 'ind al-zaydiyya wa-l-muhaddithîn, p.42.


46 Al-Miswarî, al-Risâla al-munqidha, pp. 60-62.
43
véridique émanant d’un autre que du Prophète Muhammad, mais que la Parole
divine, l’expérience ou la sagesse universelle en confirment la véracité et la
pertinence, et enjoint donc à prendre compte ces sagesses ou vérités. Comme
l’indique le Qur’ân, le Prophète synthétise et incarne toutes les vertus et à
enseigner la sagesse, éduquant sa communauté sur ces vertus et faisant germer en
elle l’amour de la sagesse et de la connaissance, ce qui fonde le principe selon
lequel toutes les vertus et les sagesses ont été réalisées (au moins intérieurement)
chez le Prophète (‫)ﷺ‬. Néanmoins, mentir sciemment sur le Prophète (‫ )ﷺ‬n’est pas
permis même si l’on pense bien faire, et si l’on veut encourager les gens à la Vérité,
à la sagesse et au bien, alors le Qur’ân, - soit dans ses versets soit dans ses principes
-, la Sunnah bien établie, l’expérience ou l’enseignement des maîtres spirituels
suffisent amplement, car tout le bien est réuni en eux. A contrario, un hadîth
considéré comme « authentique » dans sa chaîne mais dont le contenu contredit le
Qur’ân, la Sunnah mutawatir, l’expérience, l’observation ou un fait historique bien
établi, contient en réalité des défauts cachés, une déformation ou une
incompréhension d’ordre involontaire (ou pas) de la part d’un des rapporteurs, à
moins que le sens apparent ne soit pas le sens voulu, et qu’il s’agit d’un cas
exceptionnel lié à un contexte particulier, ou une expression communiquant une
hyperbole (utiliser des termes « intenses » afin d’accentuer l’importance ou la
gravité d’un acte à titre d’éducation, d’avertissement et d’exhortation pour
marquer les esprits), ou d’une métaphore à ne pas prendre au pied de la lettre. Il y
a aussi des ahadiths dont l’information concerne un fait passé (concernant les
communautés antérieures ou un événement de l’époque du Prophète) n’étant pas
destiné à être mis en pratique ou qui était propre à une mentalité culturelle et à
une situation temporelle (sociopolitique) admettant une pratique qui n’a
cependant plus lieu d’être de nos jours. Quoi qu’il en soit, l’éthique du croyant est
déjà bien définie dans le Qur’ân, et mise en pratique dans la Sunnah purifiée, tout
comme l’expérience en a montré les bons fruits et les bienfaits qui en découlaient,
si bien que les récits isolés, - même « authentifiés » selon certains -, ne pèsent rien
et ne peuvent pas les abroger ou primer sur la Parole divine, les paroles
prophétiques authentiques et l’exemple des Saints de la communauté, qui ont
réalisé les stations spirituelles les plus élevées, goûté aux états spirituels les plus
profonds, et qui ont « confirmé spirituellement » (par dévoilement, expérience et
inspiration) la Tradition prophétique purifiée. Par conséquent, même si un hadîth
attribué au Prophète ne serait pas vraiment de lui, mais qu’il est en lien avec la
Révélation, que l’on peut en tirer une sagesse, une utilité, une information
pertinente ou réaliser l’une des finalités de la Religion (science, sagesse, sécurité,
bonté, subvenir aux besoins des gens, préserver la vie, la dignité et la liberté de
44
conscience des gens, …), tout cela, - y mettant une bonne intention tournée vers
l’Agrément divin bien entendu -, poursuit les objectifs de la Loi divine tels que
stipulés dans le Qur’ân, confirmés aussi par l’intellect et les dévoilements
spirituels, et correspondant au Message prophétique. Ainsi, même « l’erreur »
historique involontaire dans le bien est récompensée par Allâh.

Prenons le cas d'un menteur qui, souvent, ne va pas hésiter à dire des vérités (« le
ciel est bleu aujourd'hui », « il est interdit de voler », « ma mère m'a dit que (…) »,
…) mais qui pour des raisons politiques, idéologiques ou doctrinales, va forger des
mensonges, soit par orgueil, soit par peur (des pressions politiques ou sociales)
soit par appât du gain (pour faire plaisir aux dirigeants et dire ce qui leur plait, tout
en obtenant une récompense de leur part). En général, les menteurs dans le milieu
du hadîth l'ont été en raison de leurs mensonges sur la politique ou les débats
idéologico-doctrinaux, mais rarement pour avoir forgé des ahadiths sur le bon
comportement. De même, pour justifier les passions des uns, les pratiques
culturelles anciennes des autres, ou les injustices des despotes, des gens n'ont pas
hésité à mentir sur le Prophète ou les Compagnons pour leur imputer des
comportements déviants ou cruels, contredisant le Qur'ân, les ahadiths notoires et
les témoignages concordants de leurs contemporains qui les décrivaient comme
des gens justes, sages, avisés, pieux et bienfaisants. Or, étant donné que le Qur'ân
comme de nombreux ahadiths fournissaient déjà de nombreux éléments justifiant
la belle éthique, le bon comportement et les vertus, - et interdisant la tyrannie et
l'arrogance, surtout pour les dirigeants -, il était généralement inutile, aux yeux des
menteurs, de forger des récits allant dans ce sens.

Prenons l’exemple de l’élévation de certaines tombes ou de la construction des


mausolées en terres d’Islâm. L'Imâm Badr ud Dîn Az Zarkashî As-Shâfi'î a dit dans
Khâdim ur Râfi'î Wa-r-Rawdah : « Dans "Al Mustadrak", immédiatement après avoir
authentifié les ahâdith traitant de la prohibition d'édifier des structures au-dessus
des tombes et d'y graver des inscriptions, l'Imâm Al Hâkim a dit : « Ces [ahâdîth] ne
sont pas mis en application. Tous les imâms des musulmans, d'Est en Ouest, ont des
structures édifiées au-dessus de leurs tombes, et c'est une chose que les dernières
générations (al khalaf) ont héritées des prédécesseurs (as salaf) ». Al Burzulî a dit :
« Ceci est désormais un sujet qui fait consensus » (…). Un des récents érudits parmi
nos imâms mentionna le soutien de la permission d'édifier des structures au-dessus
des tombes à travers de belles paroles : ils (les savants) affirmèrent la validité de
laisser un legs destiné à construire la mosquée Al Aqsâ ainsi que les tombes des
Prophètes (que La Grâce et La Paix d'Allâh soient sur eux tous). Shaykh Abû
Muhammad [Al Juwaynî] y inclut les tombes des savants des vertueux parce que cela
45
entraîne la revivification des visites [de ces personnes bénies]. Dans "Al Wasît" et "Al
Ihyâ’", Al Ghazâlî affirma que cela indique la permission d'édifier des structures au-
dessus des tombes des érudits de la religion, des maîtres de l'Islâm et autres
personnes vertueuses. Et il n'est clairement pas tiré par les cheveux que cette
permission soit basée sur la volonté de les honorer ».

Al-Baydawî As-Shafi`î écrit effectivement dans son Tuḥfat al-Abrār Sharḥ


Maṣābīḥ as-Sunnah (1/257) : « C'est parce que les Juifs et les Chrétiens [parmi ceux
qui faisaient cela] se prosternaient devant les tombes de leurs Prophètes en
exagérant dans leur révérence [envers eux], et en les prenant comme direction
[qibla], et se tournaient vers elles durant la prière, faisant ainsi d'elles des idoles ;
qu'ils furent maudit (privés de Bénédictions) et qu'il fut empêché aux musulmans ce
genre d'agissement en leur interdisant cela. Concernant la construction d'une
mosquée à proximité [de la tombe] d'un pieux, ou le fait de prier en étant sur sa tombe
sollicitant ainsi [par la Grâce et l’Aide d’Allâh] l'aide de son âme [rûh], ou de
l'atteindre par une relique de ses adorations [qu'il avait l'habitude d'utiliser], sans
exagérer dans sa vénération et sans se tourner vers elle [durant la prière], alors il n'y
a rien de mal dans cela. Ne voyez-vous pas la tombe d’Ismaîl ('alayhî salâm) dans la
mosquée de la Mecque ? Et cette mosquée est la meilleure mosquée dans laquelle on
peut prier. Et l'interdiction de prier dans les cimetières se réfère uniquement à celles
qui sont découvertes dû aux impuretés [najâsa] qu'il y a ».

Al-Hâfiz Ibn Hajar Al-`Asqalânî As-Shâfi`î écrit dans son Fath Al-Bârî (1/626) : «
Et Al-Baydâwî a dit : « C’est parce que les Juifs et les Chrétiens se prosternaient devant
les tombes de leurs Prophètes en exagérant dans leur révérence [envers eux] et en les
prenant comme direction [qibla] vers laquelle ils se tournaient durant la prière,
faisant ainsi d’elles des idoles; qu’ils furent maudit et qu’il fut empêché aux
musulmans ce type d’agissement. Concernant la construction d’une mosquée à
proximité [de la tombe] d’un pieux recherchant ainsi la bénédiction [tabarruk] par
la tombe [ndt : le vertueux qu’Allâh bénit par Sa Barâka illuminera et bénira le lieu,
et il ne sera alors qu’un support pour bénéficier de la Bénédiction Divine, support qui
ne doit jamais être adoré ou divinisé bien entendu] et non en vue d’exagérer dans leur
vénération, ou de se tourner vers elles [pour prier]; cela ne rentre [absolument] pas
dans cette interdiction » ».

Ibn Hazm le zahirite dans son Kitab al-Muhallâ (5/133) l’a autorisé aussi. Al-Ubbi
a dit dans son commentaire du Sahîh de Muslim : « Un des savants shafi’ites a dit
une fois que les Juifs et Chrétiens se prosternaient sur (ou en direction) des tombes
des Prophètes – que la Paix Divine soit sur eux -. Ils voulaient en faire des qibla
46
[directions vers lesquelles on se tourne] pour se prosterner, et ils les prirent comme
idoles. Les musulmans ont été prévenus de cela par une claire interdiction. Toujours
est-il que pour celui qui veut construire une mosquée près d’un homme pieux, ou veut
prier dans un cimetière avec pour but de tirer une bénédiction de cela, ou par désir
que sa demande (invocation adressée à Allâh) soit acceptée, alors il n’y a aucun mal
en cela. La preuve qui autorise cela est que la tombe de sayyidina Ibrahim (‘alayhî
salâm) se trouve dans la zone où l’on prie dans la Mosquée Sacrée » 47.

Al-Imâm Shihâb ad-Dîn Ahmad Ibn Muhammad Ibn `Umar Al-Khafâjî Al-Misrî Al-
Hanafî (m. 1069 H) dans sa glose de l’exégèse du Qur’ân d’Al-Baydâwî qu’il nomma
Hâshiyya As-Shihâb Al-Musammâ `Inâya Al-Qâdî wa Kifâya Ar-Râdî `alâ Tafsîr Al-
Baydâwî (6/87) écrit : « {Une mosquée} est une preuve concernant l’autorisation de
la construction [de mosquées] au-dessus et à côté des tombes des pieux, tout comme
cela est mentionné dans Al-Kashâf et il est [également] autorisé de prier dans ces
constructions ».

Al-Hâfiz An-Nafasî dans son Tafsîr An-Nafasî Madarik al-Tanzil wa-Haqa’iq al-
Ta’wil (2/293) écrit sous le verset : « {Et c’est ainsi que Nous fîmes qu’ils furent
découverts, […] Mais ceux qui l’emportèrent dans cette affaire dirent : « Construisons
sur eux une mosquée » } [18, 21] : « {Ceux qui l’emportèrent dans cette affaire} parmi
les musulmans et les dirigeants qui dirent de {construire} sur la porte de la grotte
une {mosquée} où les musulmans [de l’époque] prieront et bénéficierons des
bénédictions à travers l’endroit [où sont les corps] ».

Allâh dit : « C’est ainsi que Nous avons fait connaître leur retraite pour bien
montrer aux habitants de la cité que les promesses de Dieu s’accomplissent
toujours et que la résurrection ne fait pas l’ombre d’un doute. Une dispute
s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. « Murons-les sous une
maçonnerie, de manière que seul leur Seigneur soit au courant de leur mystère
», dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis l’emporta furent ceux qui dirent :
« levons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » (Qur’ân 18, 21).

Al Imâm Abû Ja’far Ibn Jarîr At Tabarî rapporta dans son Jâmi’ ul Bayân Fî Tafsîr
ul Qur’ân que le Tâbi’î ‘Abdu Llâh Ibn ‘Ubayd Ibn ‘Amîr a dit : « Les idolâtres dirent
: « Nous allons construire un édifice sur eux, ils sont les fils de nos pères, et nous
adorerons Allâh en son sein», tandis que les musulmans déclarèrent : «Nous avons
plus de droit sur eux, nous construirons assurément une mosquée [ndt : terme

47 L’imâm Abû ‘Abdallâh Muhammad ibn Khalifa al-Washtani al-Ubbi al-Maliki (m. 827 H).
47
désignant pour les époques antérieures à l’islam, des lieux de prière dédiées à Allâh]
sur eux pour y prier et y adorer Allâh ! » ».

Al Imâm Ismâ’îl Ibn Kathîr a dit dans son Tafsîr ul Qur’ân ul ‘Azîm : « C’est-à-dire
qu’au même titre que Nous les avons fait dormir puis réveiller en étant physiquement
intact, Nous avons rendu leur histoire connue auprès des gens ». « Une dispute
s’engagea alors à leur sujet, entre les gens de la cité. « Construisez sur eux un édifice.
Leur Seigneur les connaît mieux », dirent quelques-uns. Mais ceux dont l’avis
l’emporta furent ceux qui dirent : « Élevons au-dessus d’eux un sanctuaire ! » ».

Dans un autre verset, Allâh relate à propos du Prophète Sulayman (‘alayhî salâm)
: « Et parmi les djinns il y en a qui travaillaient sous ses ordres, par la
permission de son Seigneur. Et celui d’entre eux qui déviait de Notre ordre,
Nous lui faisions goûter du châtiment du brasier. Ils fabriquaient pour lui ce
qu’il voulait : sanctuaires, statues, plateaux comme des bassins, et marmites
ancrées » (Qur’ân 34,12-13). Et Allâh rappelle bien que le Prophète « Sulayman
n’a pas fait de kufr (mécréance faisant sortir de la foi) » (Qur’ân 2, 102).

Il est établi que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬plaça un rocher au-dessus de la


tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn en disant : « Avec cela, je distinguerais la tombe de
mon frère [de lait], et enterrez-y plus tard ceux qui décèderont parmi mes proches
parents » 48.Le texte complet indique que le Prophète (‫ )ﷺ‬demanda à un homme de
placer un rocher sur le dessus de la tombe de ‘Uthmân Ibn Maz’ûn. Lorsqu’il fut
incapable de le déplacer, il (‫ )ﷺ‬retroussa ses manches et l’aida, c’est alors que la
blancheur de ses bras apparut. Ibn Maz’ûn fut le premier des Muhâjirûn inhumé à
Baqî’ ul Gharqad. Ibrâhîm, le fils du Prophète, fut enterré à côté de lui.

Et Kharîjah Ibn Zayd a dit : « C’est comme si je me voyais lorsque nous étions jeune
homme du temps de ‘Uthmân [Ibn ‘Affân] (qu’Allâh l’agrée). Le plus fort d’entre nous
en saut en hauteur était celui qui arrivait à sauter par-dessus la tombe de ‘Uthmân
Ibn Maz’ûn » ». « Je dis ça car sa tombe était très haute car le Prophète avait mis juste
à côté d’elle une grande pierre pour qu’elle soit connue. Et à l’époque des Khulafa, on
a reconstruit la tombe sur cette pierre que le Prophète a mis car celui qui rapporte
cette parole ne dit pas « on saute sur la pierre » mais sur la tombe, donc on a construit
sur la tombe » comme le dit Shaykh al-Ghumarî. Ce récit est rapporté par Al Bukhârî
dans son Sahîh au chapitre intitulé « Placer un tronc sur le dessus d’une tombe ».

48 Ceci est rapporté d’après un compagnon par Abû Dâwud et Al Bayhaqî dans Sunân Al

Kubrâ 3/412, Ibn Al Mulaqqîn : Tuhfat ul Muhtaj 2/29.


48
Ibn Hajar a dit dans Fath ul Bârî : « Al Bukhârî rapporta ceci avec sa chaîne dans
At Tarîkh us Saghîr (1/42) […] Il contient la preuve qu’il est licite d’augmenter la
hauteur d’une tombe et de l’élever au-dessus de la surface de la terre ». A d’autres
endroits, il fut rapporté avec sa chaîne de transmission, et d’autres récits vont dans
ce sens, et aucun récit bien établi n’interdit formellement cela lorsque cela ne
conduit guère à l’idolâtrie ou à des pratiques réprouvées.

Ibn Abî Shayba a dit dans son Musannaf, waki` nous a rapporté de Ussama ibn
Zayd qui a rapporté de `Abdullâh ibn Abî Bakr qui a dit : « J’ai vu la tombe de
`Uthmân ibn Madghûn élevée ». Le Shaykh Al Ghumarî dit : « Cela est une preuve que
cette tombe était une construction élevée ». D’autres savants cependant n’en font
pas la même interprétation. Or le but d’une telle chose est de distinguer la tombe
des autres, et le résultat est que, ce qui est lié à la tombe est bien surélevée, donc
le Prophète l’a permis, et par analogie, surélever la tombe pour les musulmans
n’est pas du shirk ni illicite, sauf si l’on craint l’idolâtrie et l’exagération, et Allâh
est plus savant sur toute chose.

Ainsi, l'interdiction mentionnée dans certains ahadiths avait un sens restreint et


particulier, et non pas général, comme l'indique d'autres ahadiths ainsi que la
pratique des salafs 49. On prend donc en compte la pratique notoire dans le culte
et un certain nombre de sujets juridiques, car se basant à la fois sur des récits
connus de l’époque (mais dont les textes ou les traditions orales ne nous sont plus
parvenues par des voies directes et ininterrompues) et sur ce qu’ils ont vu et
entendu de la part des musulmans pieux et versés dans la science dans toutes les
contrées musulmanes.

Se cantonner qu'aux récits (falsifiables, décontextualisés, mal transmis, ...) que


l'on peut trouver à gauche et à droite dans les livres (pas toujours fiables, ou dont
les copies sont parfois retouchées ou mal recopiées), sans prendre en compte la
réalité et la pratique notoire ne peut mener qu'à des bizarreries. Ainsi, la pratique

49 Cette pratique remonte à l’époque des Compagnons, et le Prophète (‫ )ﷺ‬lui-même fut

enterré dans l’enceinte de la mosquée de Médine, et aucun savant pieux, depuis l’époque
des salafs, n’a rendu obligatoire ou recommandé le fait de niveler sa tombe ou de la déplacer.
Même les quelques citations de salafs réprouvant la pratique (de l’élévation des tombes)
font état d’une pratique répandue en terres d’Islâm (à savoir l’élévation de certaines
tombes) à leur époque, et étaient simplement contre celles qui ne respectaient pas les règles
édictées plus haut (impuretés, héritages, terrain public ou privé, etc.). Quant à la question
du shirk, elle ne dépend pas de la hauteur d’un édifice, mais de la place qu’elle occupe dans
le « cœur » et l’esprit des gens, et se règle donc par la science et l’éducation, et non pas par
la destruction, la violence, ou le désaveu sans nuance ni sagesse.
49
notoire dès les premiers temps est une preuve, surtout si cela converge avec les
finalités et principes du Qur'ân, et dont la valeur morale et la portée spirituelle
sont perceptibles. Dans le culte notamment, il faut suivre ce qui est pratiqué et
transmis depuis les premières générations par l’ensemble des musulmans, - faire
le contraire serait très peu rationnel et augmenter les risques d’erreur, et
contredire également le Qur’ân qui exhorte de suivre les croyants dans les sujets
sur lesquels ils s’accordent tous dans la foi et dans le culte. C’est à ceux qui
prétendent le contraire d’apporter des preuves catégoriques, car les pratiques de
l’ensemble des musulmans connus pour leur piété et leur science, en accord avec
le Qur’ân, constituent une preuve, à la fois intellectuelle, spirituelle, historique et
logique. Sur les questions sociétales cependant, c'est autre chose qu'il faut prendre
aussi en compte, puisque comme l’ont dit les juristes notamment, la coutume
change avec le temps et l’espace, et il faut plutôt suivre ce qui est considéré comme
« convenable » selon notre époque, tant qu’il ne s’agit pas d’autoriser une chose
clairement illicite, ou d’interdire une pratique obligatoire ou une valeur morale, ou
une vérité doctrinale. L'imâm As-Suyûtî a dit : « Il m'est parvenu que al-Hafidh Ibn
Hajar a été interrogé sur ces ahadith que nos a'immah [shafi'i] et les a'immah hanafi
citent dans leurs ouvrages de fiqh et en tirent des preuves, alors qu'ils ne sont pas
connus dans les livres de hadith. Il répondit : « De nombreux livres de hadith ou la
plupart d'entre eux ont été perdus à cause des guerres civiles dans les pays de l'Est. Il
se peut donc que ces ahadith étaient présents en leur sein et qu'ils ne nous soient pas
parvenus » » 50.

La réponse à ceux qui ne comprennent pas comment un madhhab est construit


et disent : « peut-être que le hadith n'était pas connu les 4 imâms du fiqh ». Le mufti
répondit : « Nous leur répondons : « peut-être que le hadith que les a'immah avaient
en leur possession ne nous est pas parvenue ».

Par conséquent, exclure toutes ces données du champ d'investigation est un


signe d'ignorance et d'infiltration shaytanesque qui fait bien son « travail » de
dissolution des mœurs et d'exclusion/étouffement du spirituel, et cette maladie a
touché de nombreux « réformistes ». Ils n’anticipent jamais les conséquences de
leurs avis sur les plans psychologiques, spirituels, sociologiques, politiques et
éthiques, qui entrainent irrémédiablement une corruption des mœurs, une

50 Cité par le Mufti Abdul Malik al-Kumilla'ī dans Al-Madkhal ila 'Ulum al-Hadith al-Sharif, p.

93.

50
régression intellectuelle et une propension à se noyer dans la tyrannie de l’ego 51.
L’intellectuel et homme politique bosniaque Alija Izetbegovic l’avait bien
remarqué : « Ces modernistes se firent une idée de l’Islam à travers les immobilistes
hommes de religion, ils en convainquirent les autres puis lancèrent une offensive
globale contre tout ce qui représente la pensée islamique. Vous pouvez aujourd'hui
connaître ceux qui se disent réformistes grâce à leur vanité de ce dont ils doivent en
réalité avoir honte et leur honte de ce dont ils doivent s'honorer. Ils sont souvent les
« enfants gâtés » qui suivirent leurs études en Europe et en Amérique et qui revinrent
avec le complexe d'infériorité et de petitesse vis-à-vis de l'Occident riche et avec la
hauteur et l'arrogance vis-à-vis de la société pauvre et sous-développée dans laquelle
ils avaient grandi. Ceux-ci, à qui manquent l'éducation islamique et les liens spirituels
et moraux avec le peuple, ne tardent pas à perdre les normes essentielles. En
dévastant les idées et les anciennes coutumes de leur communauté et en les

51 Il suffit pourtant de faire un tour chez les réformistes pour voir à quel point beaucoup
sont ignorants des sujets qu’ils abordent, emplis de haine, de superficialité et de binarité. Et
malheureusement, cette ignorance se répand dans toutes les sphères : c'est un constat que
l’on ne peut rationnellement pas nier. Ils se pensent savants alors qu’ils ne font qu’étaler
leur méconnaissance de l'Islam traditionnel par une vision ultra binaire et caricaturale. Une
partie du problème réside donc ici dans leurs propres lacunes des sujets abordés. Beaucoup
de gens qui sont passés par le réformisme ont apostasié. Le réformisme salafiste et le
réformisme moderniste ont aussi déformé la perception du patrimoine, et renforcé
l'incompréhension tout en ignorant les règles juridiques qui sont étudiées dans les
madrassa traditionnelles, car le fiqh ne s'apprenait pas que dans les livres (d'où vos
incompréhensions et méconnaissances), ce qui a entrainé un mépris et une diabolisation
outrancière du fiqh, qui en a choqué plus d’un. Le problème majeur est que de nos jours,
tout le patrimoine (des millions de fatawa sur tous les sujets) est accessible et inonde les
réseaux sociaux et les pensées, où plus de 1400 ans de débats et d'histoire sans
contextualisation et sans tri sont jetés en pâturage à des gens fragiles sur une courte période
d'existence, ce qui est difficilement digestible pour eux, et certains s’amusent à les ressortir
sans rien expliquer, ce qui rajoute de la confusion. Ici, la sagesse n'est pas de leur côté, en
plus de leur érudition qui est très lacunaire. Ceux qui s’amusent à propager des fakes news,
déformations et décontextualisations sont responsables des résultats engendrés, où les
gens peuvent sombrer dans la folie, le fanatisme, la dépression ou la haine. En plus de cela,
beaucoup sont lâches et n’assument pas l'incendie qu’ils ont provoqué « dans la forêt, tuant
les êtres qui y vivent et dont ils ne se soucient point ». Nous sommes chacun responsables de
ce que nous enseignons. On a bien vu les acteurs politiques, prédicateurs, réformistes, etc.
qui ont radicalisé plusieurs conflits dans le monde musulman. Chacun a une part de
responsabilité dans la façon dont les conflits évoluent. Beaucoup de réformistes éludent par
ailleurs les questions pertinentes qui leurs sont posées, et ferment aussi les yeux sur
Les dérives et les contradictions du réformisme. Pourquoi ce 2 poids 2 mesures ? Sont-ils
trop fragiles émotionnellement et intellectuellement pour assumer tout cela ou ont-ils un
agenda politico-idéologique à mener à bien, au détriment de la Vérité, de la justice et de la
piété ?
51
remplaçant par leurs parallèles chez les étrangers, ils se croient en mesure de faire
de leurs pays, du jour au lendemain, une autre Amérique, puisque c'est l'Amérique
qu'ils adorent. Au lieu d'élever le niveau de vie de leur communauté, ils proclament
leur adoration du niveau ; et au lieu de mettre en valeur les moyens de leur peuple,
ils développent ses désirs, déblayant ainsi le terrain à la débauche, à l'obscénité et à
l'immoralité. Ils ne comprennent pas que la puissance du monde occidental ne réside
pas dans son style de vie mais plutôt dans son style de travail, que cette puissance
n'apparaît pas dans ses costumes, son irréligion, ses boites de nuit, ou sa jeunesse
dévergondée, mais plutôt dans la prodigieuse activité de ses peuples, leur assiduité,
leur travail et leur courage. Ainsi le faîte du malheur n'est pas que nos occidentalistes
avaient emprunté des normes et des modèles étrangers, mais le fait qu'ils n'avaient
pas su comment les emprunter de façon à en tirer profit, ou, plus exactement, qu'ils
avaient, de façon impardonnable, manqué de distinguer entre le bon et le mauvais.
Ils n’avaient pas emprunté les produits utiles, mais ils s’étaient jetés têtes baissées sur
des dérivés secondaires nuisibles et asphyxiants qui, sans qu’ils n’aient été visés par
les étrangers durant leur aller de l’avant, avaient émergé au cours de leur progrès.
Parmi les produits à valeur douteuse que nos « occidentalistes » jugent nécessaire
d’en ramener chez eux figurent des idées « révolutionnaires », des plans de réforme
et pareilles « indications salutaires » qui résolvent tous les problèmes ; et parmi ces
réformes figurent des exemples d’étroitesse d’esprit et d’imprévoyance tellement
étranges que le bon sens ne peut point confirmer » 52. Tout réduire à un cadre
purement juridique ou culturel, c’est ne rien y comprendre à la portée spirituelle
et à la dimension symbolique des rites, des doctrines et des prescriptions
juridiques, et en suivant les caprices de son ego, tout sera toujours contestable ou
« douteux » pour celui qui n’a pas habitué et illuminé son esprit et son âme par les
nobles valeurs, et par la conscience du Sacré et du Divin. La réforme des principes
et des valeurs fondamentales est une atteinte évidente contre la noblesse de la
Religion et son essence, et entraine des dérives et conséquences tragiques 53 pour

52 Alija Izetbegovic, Le manifeste islamique, éd. Albouraq, 2000, pp. 49-50.


53 Ainsi en est-il du port du voile dont ils en font une obsession maladive pour beaucoup. En
effet, en Occident comme dans la plupart des pays musulmans, le port du voile n'est pas
obligatoire. Du point de vue individuel, cette obligation peut être soit religieuse, soit
culturelle. En soi il s'agit d'un vêtement qui ne porte pas préjudice aux femmes et cela
coïncide même avec les valeurs et les finalités de la Religion afin de renforcer sa dignité et
sa sacralité. Il s’agit aussi d’un symbole, et s’attaquer aux symboles de la Religion comme de
l’identité culturelle c’est éloigner les gens de leurs valeurs sur le long terme, et c’est aussi
occulter et minimiser l’impact de la portée spirituelle et éthique des rites et des symboles,
ce qui cause souvent de nombreuses dérives par la suite, jusqu’à banaliser ou encourager la
prostitution ou la débauche, puisque le rapport au corps et à la conscience a été désacralisée
et réduite qu’à l’aspect sexuel puis pécuniaire des rapports hommes/femmes. Le Qur’ân, la
52
le peuple qui l’adopte. Quant à la réforme dans les coutumes sociales et
juridiques 54, elle est incluse même dans la perspective traditionnelle, qui distingue
toujours entre l’universel et le particulier, et entre le nécessaire et le contingent.
Quand certaines preuves juridiques ne sont pas déterminantes, le « consensus »
fait office de preuve, car la Religion est une religion vivante par Ses saints, ses
érudits et ses intellectuels, qui la comprennent selon les besoins et les nécessités
de l’époque, mais aussi selon le bon sens, la double dimension éthique et
spirituelle, et les bienfaits divers qui en émanent.

Il suffit de lire les 20 premiers versets de la Sûrah al-Baqara pour voir comment
Allâh a décrit les « réformateurs/réformistes », ainsi que leurs fausses prétentions,
leur mauvais état d’esprit, leur arrogance et leur déficience intellectuelle. Le
Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Parmi les signes de l’Heure, le savoir (sacré et
bénéfique) sera enlevé et l’ignorance (de tout ce qui est bénéfique et supérieur)
deviendra la règle, l’adultère et la consommation d’alcool se propageront et se
généraliseront (…) » 55 ainsi que « Il apparaitra aux derniers jours des hommes qui
vendront leur religion pour ce monde, qui se vêtiront pour les autres de douces peaux
de mouton, et dont les langues seront plus douces que le sucre, mais dont les cœurs
seront des cœurs de loups. Allâh dira : « Sont-ils illusionnés en ce qui Me concerne, ou

Sunnah et le bon sens sont catégoriques sur l’obligation (ou à minima, sur la forte
recommandation) du port du voile et de ses mérites. Les seuls points que l'on puisse
discuter concernent le fait de forcer les femmes à le porter avec violence psychologique ou
physique, surtout là où l'Etat ne l'a pas autorisé, et que cela n'est pas conforme à l'éthique
prophétique. De même, affirmer que les non-voilées iront forcément en enfer est une
assertion sans fondement qui peut même avoir de mauvaises répercussions, ce qui doit être
abandonné du point de vue des principes religieux, car cette méthode ne convient pas à tout
le monde et peut engendrer beaucoup de nuisances et de problèmes. En somme, débattre
constamment de cette question avec des arguments ridicules ne peut que tirer les
musulmans vers le bas dans des questions futiles, en détournant les musulmans des vrais
enjeux de notre temps et des problèmes plus graves auxquels nous sommes confrontés. Et
peut-être aussi, souhaiteraient-ils mieux se rincer l'œil si leur avis venait à se répandre, de
l’aveu même de certains réformistes, apostats et islamophobes. Leur état d’esprit, opposé
même à la finalité islamique qu’est la piété, implique déjà d’être illégitime du point de vue
islamique, peu importe l’habilité des raisonnements dont ils voudront faire preuve. De plus,
la violence physique, verbale, politique et psychologique se trouve surtout du côté des anti-
voiles qui méprisent, agressent physiquement ou tuent des femmes voilées, en Occident et
ailleurs.
54 Même quand l’on peut trouver d’anciens avis étranges ou incohérents, ils ne furent

presque jamais appliqués ou pratiqués, car la Religion se vit, et que les savants, - sauf les
déviants parmi eux - faisaient primer, dans leur quotidien, l’intelligence et la priorité de ce
qui est nécessaire et éthique dans leurs relations avec Allâh et avec les gens.
55 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°81 selon Anas.

53
sont-ils insolents avec Moi ? Je jure par Moi-même que Je leur enverrai une épreuve
qui laissera les plus intelligents parmi eux interdits ! » » 56 et : « Il y aura un temps
pour ma communauté où ceux qui savent seront nombreux, mais ceux qui
comprennent seront peu, où le savoir (sacré) sera enlevé, et le chaos deviendra
général ». Ils lui demandèrent : « Qu'est-ce que le chaos, ô Messager d’Allâh ? ». Et il
répondit : « De vous entretuer les uns les autres ». Puis il continua : « Ensuite il
viendra un temps où des hommes réciteront le Qur’ân, mais il ne dépassera pas leurs
clavicules ; et puis il viendra un temps où l'hypocrisie, le mécréant qui donne des
associés à Allâh, se disputera avec le croyant en utilisant des arguments qui
ressembleront à ceux des croyants » » 57, « Comment serez-vous, ô vous les gens, quand
vos femmes deviendront tyranniques et vos jeunes hommes corrompus ? ». Ils lui
demandèrent : « Ô Messager d’Allâh ? Cela va-t-il arriver ? ». Et il répondit : « Oui, et
pire encore ; comment serez-vous quand vous abandonnerez d'ordonner le bien et
d'interdire le mal ? ». Alors ils lui demandèrent : « Ô Messager d’Allâh ? Cela va-t-il
arriver ? ». Et il répondit : « Oui, et pire encore ; comment serez-vous quand vous
percevrez le mal comme du bien, et le bien comme du mal ? » 58, « Ma communauté
sera affectée par la maladie des peuples ». On lui demanda : « Ô Messager d'Allâh,
qu'est-ce que la maladie des peuples ? ». Et il répondit : « La vanité, l'ingratitude
arrogante, la rivalité, la tromperie aux enchères, et la haine et la jalousie les uns des
autres, jusqu'à ce que les transgressions ne deviennent généralisées » 59, « La maladie
des peuples avant vous, vous est venue, la jalousie et la haine des uns et des autres.
La haine c'est le rasoir, je ne dis pas qu'il rase les cheveux, mais il rase la religion. Par
Celui en la main de qui est mon âme, vous n'entrerez jamais au Paradis si vous ne
croyez pas, et vous ne croirez pas si vous ne vous aimez pas. Vous dirais-je ce qui peut
répandre cela parmi vous ? Saluez-vous avec des salutations de paix » 60.

Le malaise est donc plus profond et général à notre époque et touche toutes les
communautés : les ignorants contestent toujours tout, surtout depuis l'ère internet
où en lisant quelques articles/bouquins de piètre qualité, pensent avoir tout

56 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2404 selon Abû Hurayra.
57 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°8544.
58 Rapporté par Abû Ya'lâ dans son Musnad n°6289 et par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-

Kabîr n°715 et dans Al-Mu’jam al-Awsat n°11381.


59 Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Awsat n°11070 et par Al-Hâkim dans Al-

Mustadrak n°7419.

60 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°1338 et 1355, par At-Tirmidhî dans ses Sunân

n°2510.

54
compris de la médecine, de la physique quantique, de la théologie, de la politique
et de l’histoire, etc.

Il suffit de voir à quel point aussi les gens coupés de la spiritualité et d’un certain
bon sens sont incapables de nuancer les choses : soit ils acceptent tout, soit ils
rejettent tout en bloc. Ils n'ont plus aucune vision globale et synthétique des
choses, n'analysent une question que sous un seul prisme (aussi bien chez les
réformistes que chez les orientalistes ou les wahhabites), ils contestent l'autorité
de spécialistes reconnus mais suivent aveuglément des inconnus qui jouent les
révolutionnaires et les contestataires (ce qui ont poussé de nombreux ignorants à
être séduits par Daesh notamment, tout comme par des thèses orientalistes ou
réformistes sans aucun fondement historique et dénuées de toute rigueur
intellectuelle). C'est le règne de l'ego et de la fainéantise ; on ne vérifie pas en détail
les propos tenus par ceux qui s'expriment, on gobe tout pourvu que leurs discours
nous séduisent (quand ils confortent nos ambitions ou nos passions). On ne
cherche plus la sagesse mais à assouvir nos passions, - même parfois en détournant
la finalité d’un avis pertinent en soi -. Certains prétendent vouloir aussi « débattre
de tout » mais seulement dans ce qui tire les musulmans vers le bas, leur faire
perdre de vue l'essentiel et les occuper par des futilités ou des sujets périphériques
qui ne concernent presque personne ... Là aussi, le Qur’ân condamne une telle
attitude, car le temps est une chose précieuse que l’on doit mettre à profit. C'est
l'état d'esprit de notre époque qui engendre toutes ses polémiques intempestives
et futiles : on s'éparpille, on s'éloigne de l'Unité (qui constitue pourtant l'objectif
principal de l'Islam) pour se perdre dans la matière (qui a une propension à la
division, à la multiplication et donc à la confrontation). Très peu possèdent
l'intelligence et la clairvoyance pour séparer le bon grain de l'ivraie, et pour
apporter des choses bénéfiques à la Communauté, et qui répondent aux exigences
de la conscience de l’Unité divine, de la justice, de la piété, de l’utilité et de la
sagesse.

Beaucoup se plaignent du fait que les musulmans ne lisent pas assez, - bien que
les plus grands lecteurs et érudits que nous connaissons sont musulman(e)s et
dépassent de très loin même de grands érudits non-musulmans (que nous
connaissons aussi) -, or ceux qui tiennent ces propos ne lisent eux-mêmes que très
peu ou trop mal - selon les cas -, et s’ils avaient pris le temps de lire plus et mieux,
auraient très vite remarqué les supercheries répétées (mensonges, manipulations
des textes, méthodologie lacunaire, absence de bon sens, etc.) de penseurs et
prédicateurs de notre temps, qui suivent une approche rigoriste, orientaliste ou
« réformiste ».
55
Dans le monde francophone par exemple, les musulmans qui ne prennent pas le
temps de lire ou d'étudier intensément devraient suivre plutôt des intellectuels et
professeurs comme Tayeb Chouiref ou Sofiane Meziani, car leurs analyses sont
pertinentes, ils élèvent le niveau, cultivent la sagesse et apportent une contribution
intéressante et positive à la communauté, qui n'a pas besoin des thèses farfelues
des uns et les analyses superficielles et hérétiques (du point de vue qurânique) des
autres, ni de ceux qui embêtent les musulmans avec des sujets de fiqh qu'ils ont
déterré de l'histoire et dont pratiquement personne ne parlait et qui même dans
l'histoire, n'étaient pas répandus ni réellement pratiqués. Ceux-là ne font que
cultiver l'orgueil, l'ignorance pseudo-savante, la débauche, la mécréance et
l'hérésie (via les idéologies modernes comme le positivisme, le matérialisme, le
sécularisme, ...).

Sous prétexte de réformisme, on rejette des valeurs magnifiques, on délaisse des


prescriptions bénéfiques issues du Qur'ân et de la Sunnah, on délaisse la
spiritualité et les bonnes œuvres, on se rebelle contre les savants (au lieu d'adopter
une vision plus nuancée) et nos parents (que l'on prend pour des abrutis finis et
des arriérés, là où la pondération doit aussi être de mise, - s'inspirer de leur piété
et de leur sagesse, sans toutefois adhérer aux superstitions ou aux erreurs de leur
temps qui ont pu les influencer), et la nature ayant horreur du vide, ce que le
réformisme (fondé sur des superstitions) a détruit, est remplacé par toutes les
tares et illusions de notre époque : matérialisme, sécularisme, scientisme,
recherche du buzz, culte de l'ego, la course aux polémiques, etc., pendant que les
gens crèvent de faim, que des familles se brisent, que des peuples se font la guerre,
et que la planète continue d'être saccagée par les idéologies que les réformistes
finissent par défendre alors qu'ils prétendaient vouloir lutter contre le fanatisme
ou l'obscurantisme, auxquels finalement eux-mêmes participent à travers les
idéologies qu'ils défendent. Le sécularisme a été un poison pour l’Humanité,
désormais perdue et déboussolée spirituellement, gavée d’antidépresseurs et
dilapidant les richesses précieuses de la terre pour s’adonner à la débauche, à la
criminalité, à la haine ou aux futilités les plus absurdes.

A l’heure où tous les « inconnus » cherchent la notoriété et à inonder les réseaux


sociaux de leurs opinions et états d’âme, il parait difficile de les raisonner ou de
leur interdire l’utilisation des réseaux sociaux à mauvais escient, mais qu’ils
gardent leurs opinions pour eux et qu’ils arrêtent de se la jouer spécialistes ou
savants alors qu'ils n'ont aucune compétence à ce sujet et qu’ils sont étrangers à la
sagesse, surtout que les conséquences néfastes sont visibles dans ce qu'ils
propagent.
56
Allâh a défini les finalités de la Religion dans le Qur’ân : Tawhîd, piété,
bienfaisance, justice et sagesse. Si certains acteurs publics contreviennent à ses
finalités, c’est qu’ils sont très loin des objectifs qurâniques, et au pire, qu’ils
dissimulent des ambitions et des intentions malveillantes et malsaines, ne
cherchent rien de tout ce qui satisfait Allâh et ce qu’Il nous a demandé. Ils
perturbent les musulmans fragiles et font perdre du temps aux autres.

Pour en revenir aux ahadiths, d'un point de vue historique et logique, même des
inconnus comme des gens réputés pour leur mensonge peuvent aussi dire la vérité
sur un certain nombre de sujets. Il ne suffit donc pas de se fier à ce seul critère pour
écarter définitivement un récit. De même, certains spécialistes ont cru parfois à
tort les rumeurs qui circulaient sur certains rapporteurs d'où les divergences
d'appréciation sur certains rapporteurs entre les spécialistes. Certains
traditionnistes ont même rejeté ou refusé les témoignages ou récits de certains
rapporteurs pour des oppositions doctrinales. D'autres encore, ont déformé, rejeté
ou forgé certains récits (qui sont isolés) pour des raisons politiques, même si là
aussi, le fait qu'il y ait un lien avec la politique n'implique pas forcément que le
récit ait été forgé en faveur du pouvoir politique, mais tout au plus, instrumentalisé
par celui-ci si ce dernier est injuste. Certains ahadiths considérés ultérieurement
comme étant ahad pouvaient être mutawatir à l'origine, mais dont les voies de
transmission ne nous sont plus parvenues pour diverses raisons (mort des
transmetteurs, absence de disciples, préférence accordée au commerce au
détriment de l'enseignement par exemple). Parfois certains rapporteurs étaient
inconnus pour quelques spécialistes mais pas pour d'autres, souvent car ils étaient
connus sous d'autres noms ou par leur kunya. De même, un hadith dont l'isnad
semble authentique peut comporter des défauts dans l'énoncé pour des raisons
diverses (déduction personnelle, confusion, absence du contexte, ...). Il convient
donc de revenir toujours au Qur'ân et à ses principes, et de confronter et comparer
toutes les sources entre elles, mais quoi qu'il en soit, l'étude de l'isnad, à elle seule,
ne suffit pas pour trancher les questions comme le pensent naïvement (ou
sournoisement) les réformistes. Par ailleurs, certains récits faibles ont été acceptés
car d'autres récits ou évidences renforçaient ce récit et rendaient improbables la
fabrication et la propagation concertées d'un mensonge. Et certains spécialistes
n'acceptaient le récit de transmetteurs jugés problématiques que si d'autres
éléments, transmetteurs ou récits corroboraient l’information en question.

Il est donc important de prendre en compte l'ensemble des versions, des


témoignages, des critiques, de la pratique répandue des musulmans parmi les
savants et les pieux, de revenir au contexte, à l'histoire et aux mécanismes qui ont
57
structuré la transmission du Hadîth avant de se prononcer, ce qu'ignorent
pourtant, et souvent, les réformistes et les orientalistes qui critiquent sans base
scientifique, la plupart des corpus du Hadîth. Cela étant dit, il convient de revenir
constamment au Qur’ân, comme l’indiquent aussi bien la Parole divine, que la
Sunnah, et l’élite des Sahaba, car celui qui aspire à la piété et à la droiture doit se
nourrir avant tout du Qur’ân et donc s’orienter vers ce qui peut et doit l’y conduire.

Par ailleurs, quand bien même l’authenticité des sources ne serait pas
« garantie », c’est l’information qui importe essentiellement, et si l’enseignement
ou l’information comportent des sagesses, il faut les accepter. Le Prophète
Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La sagesse est la propriété perdue du croyant. Il la ramasse
là où il la trouve » 61. Ce que le Qur’ân confirme en liant la Révélation avec le fait de
cultiver la sagesse qu’Allâh inspire et dévoile aux croyants : « Et rappelez-vous le
bienfait d'Allâh envers vous, ainsi que le Livre et la Sagesse qu'Il vous a fait
descendre, par lesquels Il vous exhorte. Et craignez Allâh, et sachez qu'Allâh
est Omniscient » (Qur’ân 2, 231).

Cette quête de la Sagesse, est liée aussi à la finalité d’atteindre la piété et la


droiture, et donc tout enseignement islamiquement fondé, doit se rattacher à la
sagesse, à la piété et à la justice, comme l’indique le Qur’ân.

« (…) c'est un guide pour les pieux » (Qur’ân 2, 2).

« Ce Qur'ân conduit vers la voie la plus droite. Il annonce à ceux qui croient et
font le bien qu’ils seront largement récompensés » (Qur'ân 17, 9-10),

« Par ceci (le Qur'ân), Allâh guide aux chemins du salut (et de la Paix) ceux qui
cherchent Son agrément. Et Il les fait sortir des ténèbres à la lumière par Sa
grâce. Et Il les guide vers un chemin droit » (Qur’ân 5, 16).

« Ô les croyants ! Craignez Allâh (soyez pieux), cherchez le moyen de vous


rapprocher de Lui et luttez pour Sa cause. Peut-être serez-vous de ceux qui
réussissent ! » (Qur'ân 5, 35).

61 Confirmé spirituellement par l’imâm Al-Jilânî dans Sirr al-Asrâr, chapitre 5. Rapporté

aussi avec quelques variantes par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2687, avec une bonne
chaîne selon Abû Hurayra, rapporté aussi par Ahmad et par d'autres. Certaines chaines sont
bonnes tandis que d’autres sont faibles.

58
« Ô les croyants ! Craignez Allâh comme Il doit être craint. Et ne mourez qu’en
pleine soumission (à Allâh). Et cramponnez-vous tous ensemble au « Habl »
[câble] d’Allâh et ne soyez pas divisés ; et rappelez-vous le bienfait d’Allâh sur
vous : lorsque vous étiez ennemis, c’est Lui qui réconcilia vos cœurs. Puis, par
Son bienfait, vous êtes devenus frères... Et alors que vous étiez au bord d'un
abîme de Feu, c'est Lui qui vous en a sauvés. Ainsi, Allâh vous montre Ses signes
afin que vous soyez bien guidés. Que soit issue de vous une communauté qui
appelle au bien, ordonne le convenable, et interdit le blâmable. Car ce seront
eux qui réussiront » (Qur’ân 3, 102-104).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Lorsqu'Allâh veut le bien à un serviteur, Il lui


accorde une exhortation venant de son coeur » 62.

Toute exhortation qui conduit à la sagesse, à la droiture, à la piété et à la justice


est un signe de l'Agrément d'Allah en faveur du serviteur. Et à chaque fois qu'il y
répond favorablement, son degré augmente auprès d'Allâh, et Il lui accorde une
lumière, une bénédiction ou une science correspondante.

« Voilà un exposé pour les gens, un guide, et une exhortation pour les pieux »
(Qur'ân 3, 138).

Ainsi, tous les moyens convenables, utiles et bénéfiques de se rapprocher d’Allâh


et de réaliser la piété et la droiture sont recommandés, - c’est-à-dire tout ce
qu’Allâh n’a pas interdit explicitement ou en principe (interdisant les
comportements et moyens blâmables et ne faisant pas partie de ce qui est reconnu
comme étant convenable) -.

« Nous faisons descendre du Qur'ân, ce qui est une guérison et une


miséricorde pour les croyants. Cependant, cela ne fait qu'accroître la perdition
des injustes » (Qur'ân 17, 82).

Le Qur'ân est une guérison pour le croyant, car il apaise le coeur, dissipe les
ténèbres de l'existence, soulage les peines, renforce les qualités du croyant et l'aide
à surmonter tous les obstacles de l'existence terrestre. Il projette la conscience du
croyant dans la Présence Divine, l'informe des réalités spirituelles, des vérités
présentes et le préserve des illusions et des turpitudes de ce bas-monde. Et comme

62 Rapporté par Ad-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws selon Umm Salama., par al-Hafiz

al-'Irâqî dans son Takhrîj ahâdîth al-Ihyâ' dans le chapitre 'Ajâ'îb al-qalb avec une bonne
chaîne.

59
le Qur'ân guérit les maux et les tares, cela ne peut qu'accroitre le ressentiment des
injustes, qui voient dans le Qur'ân, le plus grand pourfendeur de leur injustice.
Peu importe le courant islamique duquel on se réclame, la méditation du Qur'ân
nous ramène directement à la Présence Divine et à Son Soutien dans nos
méditations, un rappel de Son Ordre et de Son Autorité, et un secours contre nos
passions et un baume contre les injustices des injustes.

L’imâm ‘Alî, en parlant du Qur’ân, disait : « (…) Il est la corde solide d’Allâh, Sa
Lumière éclatante et Sa Guérison magnifique. Quiconque s’attache au Livre (Qur’ân)
sera préservé de l’égarement (…). Ses merveilles sont innombrables et les multiples
répétitions (ou significations) ne les épuisent pas » 63.

De même, il est rapporté ceci : « Je suis passé devant la mosquée quand les gens
étaient absorbés par la narration. Alors je me suis tourné vers 'Alî et j'ai dit : « Ô
Commandant des croyants ! Ne voyez-vous pas que les gens deviennent absorbés par
la narration ? ». Il a dit : « Ils en ont été consommés (consumés) ? ». J'ai dit : « oui ». Il
a dit : « Quant à moi, j'ai entendu le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬dire : « En effet, il viendra
une Fitna ». Alors j'ai (‘Alî) dit : « Quelle est l’issue (la solution et le remède) de cela
(la fitna) Ô Messager d'Allâh ? ». Il (‫ )ﷺ‬a dit : « Le Livre d'Allâh (Qur’ân). Il contient
des informations sur ce qui s'est passé avant vous, des informations sur ce qui viendra
après vous, et un jugement sur ce qui se passe entre vous. C'est le critère (entre le bien
et le mal) sans plaisanterie (ni futilité ni fausseté). Quiconque parmi les oppresseurs
l'abandonne, Allâh l'abaisse, et quiconque cherche à être guidé par un autre que lui
(Qur’ân), alors Allâh le laisse s'égarer (à ses dépens). C'est (le Qur’ân) la corde ferme
(et solide) d'Allâh, c'est le souvenir rempli sagesse, c'est la voie droite, et c'est celui
que les désirs et passions ne peuvent pas déformer, ni les langues ne peuvent le tordre,
ni les savants ne peuvent jamais en avoir assez (de sa Lumière et de sa profondeur
inépuisable), et il ne deviendra pas ennuyeux de le réciter beaucoup, et l'étonnement
ne diminue pas (malgré les nombreuses lectures du Qur’ân). C'est celui qui, quand les
jinns l’écoutent, ils n'ont pas hésité à en dire : « En vérité, nous avons entendu une
merveilleuse récitation (ce Qur’ân) ! ». Elle guide vers le droit chemin, et nous y avons
cru. Quiconque parle selon elle, alors il a dit la vérité, et quiconque agit selon elle est
récompensé, et quiconque juge par elle il a jugé avec justice, et quiconque y invite
alors il guide vers le droit chemin ». Prends ceci ô A'war ! » 64.

63 Rapporté par Abû Tâlib al-Makkî dans son Qût al-Qulûb 1/49.
64 Récit rapporté par Tirmidhî dans ses Sunân n°2906, d’après Al-Harith Al-A'war.

60
L’imâm ‘Alî disait encore ceci : « Il n’y a aucun bien dans un acte d’adoration
accompli sans connaissance ni dans une récitation du Qur’ân sans méditation » 65.

Ainsi que : « Qui comprend (véritablement) le Qur’ân peut expliquer toute science
» 66. Et enfin, il dit aussi : « Si je le voulais, je pourrais écrire un commentaire de la
Sûrah Al Fâtiha tellement long qu’il faudrait 70 chameaux pour le transporter » 67.

De même, le fait d’accepter la vérité, même d’un mécréant, d’un pervers ou d’une
personne connue pour ses mensonges, est aussi une nécessité, car il faut prendre
la sagesse là où elle se trouve, et accepter aussi les critiques fondées que les gens
portent sur nos (mauvaises) actions, nos défauts ou nos erreurs.

Dans un hadîth prophétique il est dit : « L'arrogance, c'est de refuser la vérité et


de mépriser les gens » 68. Il y a là une mise en garde contre l’arrogance et la brutalité
de la personne qui fait le rappel ou qui « donne » un conseil, et un avertissement
contre la personne qui refuserait la vérité et un bon conseil par orgueil.

Le Compagnon Mû’adh ibn Jabal a dit : « Je vous avertis de la déviation du sage, car
Shaytan peut dire un mot d’égarement par l’intermédiaire du sage et l’hypocrite peut
dire la vérité. Ainsi, acceptez la Vérité car sur la Vérité est la lumière ». Ils ont dit : «
Comment pouvons-nous savoir si le sage, qu'Allâh lui fasse miséricorde, a fait des
erreurs ? ». Mû’adh a dit : « C'est un mot que vous rejetez de sa part et vous dites :
« Qu'est-ce que c'est ? Cependant, ne vous détournez pas de lui, car il peut se rétracter
et revenir à des choses de ce que vous reconnaissez. En vérité, la place de la foi et des
actes est fixée jusqu'au Jour de la Résurrection, de sorte que quiconque les
recherchera les trouvera » 69. Et cela ne contredit pas le principe qurânique de
vigilance et d’analyse de l’information, encore plus quand il s’agit de gens pervers :
« Ô vous qui avez cru ! Si un pervers vous apporte une nouvelle, voyez bien clair
[de crainte] que par inadvertance vous ne portiez atteinte à des gens et que
vous ne regrettiez par la suite ce que vous avez fait » (Qur’ân 49, 6). Allâh n’a

65 Rapporté par Ad-Dârimî dans ses Sunân n°305, ainsi que par Abû Nu’aym dans Hilyat al-
awliyâ' 1/88.
66 Rapporté par Abû Tâlib al-Makkî dans son Qût al-Qulûb 1/49.

67Rapporté par Abû Tâlib al-Makkî, Qût al-qulûb, 1/50. 70 étant un nombre assez
symbolique signifiant souvent un développement important ou une grande quantité.
68 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°91 selon ‘Abdullâh Ibn Mas'ûd.
69 Rapporté par Abû Nu'aym dans Hilyat al-Awliyâ n°819 d'après Abû Idrîs.
61
pas dit de rejeter systématiquement ce qu’ils rapportent, mais d’y voir bien clair,
de faire attention et d’en vérifier la pertinence et la fiabilité. Et Il n’a pas non plus
restreint la « perversion », en ce sens qu’il s’agit de l’attitude qui est blâmée, que la
personne se dise musulmane ou non.

Quant à l’importance d’accepter la Vérité peu importe d’où elle provient, il s’agit
d’une sunnah également. Le Shaykh Ibn Taymiyya nous rappelait aussi cette vérité
dans son Majmû’ al-fatâwâ (5/101-104) : « (…) La vérité doit être acceptée de qui
que ce soit. Mu’âdh Ibn Jabal disait dans une parole bien connue de lui, rapportée par
Abû Dâwûd dans ses Sunân, ainsi que par Al-Hâkim et Al-Bayhaqî : « Acceptez la
vérité de quiconque l’apporte, même si elle vient d’un mécréant – ou bien a-t-il dit :
même si elle vient d’un pervers –. Et méfiez-vous de l’égarement du sage. On lui a dit
: Comment savoir lorsqu’un mécréant dit la vérité ? Il répondit : La vérité est une
lumière ».

En effet, il est rapporté que le Compagnon Mû’âdh Ibn Jabal, avait coutume de
dire : « Recevez (acceptez) la vérité de tous ceux qui l'ont apportée, - et même s'il est
un incroyant ou hérétique - et méfiez-vous de l'offense du sage », ils ont dit :
« comment pouvons-nous savoir si l'incroyant dit la vérité ? ». Il a dit : « Il y a la
lumière sur la vérité » 70. Et cette « lumière », est celle qui engendre et produit de la
sagesse, qui appelle au louable et renforce la piété, qui détourne les gens du mal,
des turpitudes, de l’injustice, de l’idolâtrie et de la débauche, et qui rapproche
d’Allâh et de la vertu.

On rapporte le même enseignement, de la part du Prophète (‫ )ﷺ‬et de Abû


Hurayra, où shaytan avait enseigné une vérité à ce dernier, et à la suite d’une
longue discussion, le Prophète (‫ )ﷺ‬dit à Abû Hurayra : « En vérité, il t’a dit la vérité
bien qu'il soit un menteur. Ô Abû Hurayra ! Sais-tu avec qui tu parlais ces 3 dernières
nuits ? ». J'ai dit : « non ». Il (‫ )ﷺ‬a dit : « C’était Shaytan » 71.

Et sur l’accusation de chaque groupe, à l’encontre d’autres groupes, et dont


certaines allégations et accusations sont infondées, voici ce que disait l’imâm Ibn
Hajar Al Asqalânî dans Nuz’hat un-nazar (p. 81) : « Ce qui est retenu c’est qu’on ne
rejette pas (le hadîth de) toute personne ayant été traitée de Kâfir pour cause de
Bid’a. Car chaque groupe prétend que ceux qui le contredisent sont Mubtad’i ; et

70 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4611, par Al-Hakîm dans Al-Mustadrâk

4/507 qui authentifie le hadîth.


71 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3275 sous l’autorité de Muhammad Ibn Sirîn,

par An-Nawawî dans Riyâd as-Salihîn n°1020.


62
parfois (un groupe) exagère et prétend que ceux qui le contredisent sont Kâfir. Dès
lors, si on prenait cela de façon absolue, cela entraînerait le fait de considérer tous
les groupes : Kâfir. Ce qui est fondé c’est que celui dont le Hadîth est à rejeter [parce
qu’il est vraiment dans le Kufr Akbar], c’est celui qui réfute ce qui est établi au niveau
« nécessairement connu comme faisant partie du Dîn », ou qui dit le contraire de ce
(qui est établi à ce niveau) ».

Ainsi, même s’il s’agit d’un propos d’un spécialiste ou d’une personne jugée
compétente ou digne de confiance, si un fort doute sur la pertinence de ses propos
se pose, alors il faut être prudent. Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Laissez ce
qui vous fait douter (et qui vous trouble) de ce qui ne vous fait pas douter (et
troubler). En vérité, la vérité apporte la tranquillité d'esprit et le mensonge sème le
doute » 72.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le serviteur (d’Allâh) n'atteindra pas la


réalité de la piété (taqwâ) tant qu'il n'abandonnera pas ce qui vacille (et trouble)
dans son cœur » 73.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Tout ce que votre cœur (sain) rejette, alors
abandonnez-le » 74. Car de 2 choses l’une, ou bien la conscience tournée vers la piété
et la pudeur rejette ladite pratique en raison de son opposition à la justice et à la
piété, et alors il faut la rejeter, ou bien ladite pratique avait une certaine raison
d’être à une époque ancienne mais dont les conditions et mentalités ont évolué et
qui n’a donc plus aucune raison d’être et qui présente en plus de cela, de
nombreuses dérives qu’un cœur « pur » aspirant à la droiture ne saurait accepter
et approuver.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Si vous êtes content (d'accomplir) de vos


bonnes actions et attristé par vos mauvaises actions, alors vous êtes un croyant (…)
Et le péché est quelque chose qui répugne l’âme, alors vous devriez l'abandonner » 75.

72 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2518 selon Hassân Ibn ‘Alî, sahîh.
73 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°8 selon Ibn 'Umar.
74 Rapporté par 'Abdullah Ibn al-Mubârak dans al-Zuhd wal-Raqâ’iq n°1147, selon Abdur
Rahman ibn Mu’awiyyah, sahîh.
75 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°21965 selon Abû Umamah, sahîh.

63
Le Compagnon Ibn Mas'ûd disait : « Le péché est ce qui trouble et perturbe le
cœur » 76.

Ibn al-Qayyîm dans son Madârij al-Sâlikîn (2/303) définissait la bonne action et
son rapport avec la conscience comme étant : « Dans la clémence, le pardon et la
tolérance sont la douceur de la foi, la paix de l'esprit et la tranquillité, ainsi que la
noblesse de l'âme, son honneur et son ascension (préférence et prédominance) sur la
satisfaction de la vengeance ».

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La droiture (et la justice) procurent la


sérénité dans l'âme et la paix de l'esprit dans le cœur. Le péché n'est pas confortable
dans l'âme et ne satisfait pas le cœur, même si le juge (muftî) vous donne son
approbation (ou son jugement) » 77. Ainsi, il y a certes l’éthique universelle dont
l’idéal est perceptible et intellectuellement intelligible par tous, mais la perception
de la piété dépend parfois du degré de conscience propre à chacun, en ce sens que
la noblesse de caractère est parfois étouffée ou voilée chez certains en raison de
mauvaises croyances ou de la prédominance des passions. Sur le plan éthique,
l’avis du mufti, aussi savant soit-il, ne doit pas l’emporter sur la Parole divine,
l’idéal prophétique et la « conscience spirituelle » du croyant, qui doit donc agir en
son âme et conscience. Ibn Rajab al-Hanbali a dit dans son Jâmi ’al-‘Ulûm wa al-
Ḥikam (2/95) : « Pour cette raison, Allâh a nommé ce qu'il a commandé comme bien
connu (ma’rûf) et ce qu’il a interdit comme inconnu (munkâr) », c’est-à-dire que
dans une société encore tournée vers la spiritualité, le sacré et la piété, peu importe
leur religion ou leur croyance philosophique, les gens reconnaissent ce qui est
convenu comme étant convenable ou blâmable, par exemple, parmi les bonnes
actions, le fait de nourrir les affamés, de soutenir les opprimés et les faibles, d’être
gentil et bon, d’aider les personnes malades, etc. Parmi les choses blâmables, se
mettre en colère pour pas grand-chose, tuer les gens sans raison, etc.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Consultez votre âme, consultez votre cœur (ô
Wabisa). La droiture (justice) est ce qui rassure votre âme et votre cœur, et le péché

76 Rapporté par Hannad ibn al-Sari al-Kûfi dans son Kitâb al-Zuhd, appelé aussi al-Zuhd li-

Hannâd n°935.
77 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°17396 selon Abû Tha'laba, sahîh.

64
est ce qui vacille dans votre âme et met de la tension dans votre poitrine, même si les
gens l'approuvent encore et encore dans leurs jugements » 78.

« La piété consiste en la haute moralité, le mal est ce qui met ton âme dans l’embarras
et qu’il te répugne que les gens le découvrent en toi » 79.

Wâbika Ibn Mu'âdh rapporte que le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Je me rendis une fois
auprès de l’Envoyé d’Allâh (‫ )ﷺ‬et il me dit : - Tu es venu me poser des questions sur la
piété. - Certes, dis-je. - Interroge ton coeur, dit-il : la piété est toute chose dans laquelle
l’âme et le coeur trouvent leur quiétude. Le mal est ce qui tourmente ta conscience et
met ton coeur dans l’hésitation, quoique les gens te donnent un avis contraire et
insistent dessus plusieurs fois » 80.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Lorsque vous entendez un hadîth qui m'est
attribué, si vos coeurs le reconnaissent, si votre peau s'adoucit (c'est-à-dire si le
hadith vous procure l'apaisement et la sérénité) et si vous avez l'impression d'en être
(spirituellement et moralement) proche, alors ce hadîth m'appartient vraiment. Mais
si vous entendez un hadîth contre lequel votre coeur s'insurge, que votre peau rejette
(au point de vous faire frémir) et qui semble éloigné de vous, alors ce hadîth est lui-
même éloigné de moi » 81.

Cela concerne évidemment ceux qui ont le cœur « pur », cheminant dans la
perspective d’adorer Allâh, de dompter leur ego, de réaliser les plus belles vertus,
et de renoncer aux choses illicites ou futiles qui avilissent l’être humain et qui
souillent l’âme. Pour Al-Hakîm at-Tirmidhî dans son Nawâdir al-Ussûl et pour le
Shaykh Al-Munawî dans son Fayd al-Qadîr, cela concerne celui qui a atteint une

78Rapporté par Ad-Dârimi dans ses Sunân n°2533, selon Wabisa ibn Ma’bad.
79Rapporté par Muslim dans son Sahih 4/1980 n°2553, At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2389,
Ahmad dans son Musnad 4/182, al Bayhaqî 10/142, al Hâkim dans Al-Mustadrak 2/14, Al
Muttaqi dans Kanz ul-Ummâl n°5163, At-Tabrîzî dans Al Mishkât n°5073, An-Nawawî dans
son Riyâd as Salihîn n°27, etc.
80 Rapporté par l'imâm Ahmad dans son Musnad 4/228, par Al-Bayhaqî dans Dalâ'il an-
nubuwwa 6/293, par As-Suyûti dans Ad-dhurr al manthûr 2/2551, az-Zubaydî dans al ithâf
6/42, at-Tahawi dans al mushkil, al Haythamî dans Majma az-zawâ’id n°10175, ad-Dârimi
dans ses Sunân 2/2533, At-Tirmidhî et d'autres.
81 Rapporté par Ahmad dans son Musnad, par Al-Hakîm at-Tirmidhî dans Nawâdir al-Ussûl,

par As-Suyûtî dans Al-Jâmi' as-Saghîr, par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 1/494 n°699
d'après Abû Asyad et par d'autres, avec une chaine authentique.

65
haute réalisation spirituelle, et Allâh sait mieux. Allâh a dit : « Dirige tout ton être
vers la religion exclusivement [pour Allâh] en tendant vers la Vérité, telle est
la nature qu'Allâh a originellement donnée aux êtres humains - pas de
changement (sous ce rapport) dans la création d'Allâh -. Voilà la religion de
droiture ; mais la plupart des gens ne savent pas » (Qur’ân 30, 30).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ne parlez pas de moi sans comprendre le


sens de mes paroles. Qui ment volontairement à mon sujet doit attendre sa place en
Enfer. Qui interprète le Qur'ân de façon subjective (et passionnelle), doit attendre sa
place en enfer » 82. En effet, car celui qui comprend de travers risque souvent
d’égarer les gens ou de leur rendre la vie difficilement supportable. Nous le voyons
chez les gens acquis au « modernisme » tout comme chez les rigoristes de tous
bords, les 2 sont un poison pour l’âme et la société. A l’époque, les savants faisaient
autorité et répondaient à des critères de « garantie » sur le plan du savoir, à savoir
la maitrise de l’arabe, du Qur’ân, des ahadiths, de la logique, des réalités de
l’époque, etc., ce qui n’empêchait évidemment pas non plus les erreurs, les dérives
ou les contradictions chez les savants. Cependant, de nos jours, même des gens
n’ayant suivi aucune formation, n’ayant pas éduqué leur âme, et ne sachant même
pas quelles sont les principes et les finalités de la Religion, qui n’ont aucun bagage
intellectuel dans les sciences en lien avec la Religion (logique, exégèse, histoire,
sociologie, Hadîth, jurisprudence, psychologique, …), ceux-ci abandonnent les
savants, ou s’y opposent même avec beaucoup d’arrogance, et commettent bien
plus d’erreurs et d’hérésies que ceux qu’ils dénoncent (souvent à tort) chez les
savants anciens ou contemporains. Ce phénomène touche tous les domaines, y
compris dans les secteurs en lien avec la médecine, la santé, l’histoire, la physique
et l’économie, où de nombreux ignorants s’improvisent « savants » et font fi de
nombreuses réalités et données bien établies. Il n’est cependant pas question non
plus d’adhérer aveuglément à toutes les théories ou affirmations communément
admises par les « spécialistes », d’autant plus quand de réelles divergences
existent entre eux, ou que des conflits d’intérêt financiers, politiques et
idéologiques sont clairement perceptibles. Mais le juste milieu dans cette affaire,
est de consulter les spécialistes, de les interroger, de se former à une bonne
méthodologie, de confronter leurs avis et de vérifier les données autant que
possible, de faire preuve d’ouverture intellectuelle tout en étant sérieux et
rigoureux dans sa démarche, et d’invoquer Allâh pour nous orienter dans nos

82 Rapporté par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 1/172 n°133, par As-Suyûtî selon une bonne

chaîne, par Ahmad et d'autres.

66
recherches et démarches. La « libre pensée » est souvent confondue avec
l’ignorance des modernes, qui abolit le savoir et le sérieux par l’amateurisme et la
prolifération d’absurdités en tous genres, multipliant les erreurs, noyant la masse
dans un flot continuel d’hypothèses infondées et farfelues, et où les idées et
travaux de qualité sont souvent « étouffés » par cette quantité toxique. Dans les
débats contemporains, où l’illusion de la « libre pensée » est confondue avec le
règne de l’ego (« moi je, moi je ») où les gens s’improvisent spécialistes sans même
avoir des bases solides et des références fiables dans ladite discipline, il convient
d’analyser les arguments des différents protagonistes. Ainsi, du côté des juristes et
des médecins, on parle souvent de la nécessité de confier le « savoir juridique » et
« l’expertise médicale » à des spécialistes reconnus dans le domaine.

L’analogie avec la médecine est pertinente quand on parle du fiqh, tout comme
dans le fait de se référer aux savants de la jurisprudence. De même, l’analogie est
valable quand il s’agit de se référer à une école juridique (ou médicale) reconnue
pour son sérieux et sa rigueur, et avoir été peaufinée et travaillée pendant plus de
1300 ans par de nombreux spécialistes de la discipline.

Mais il ne faudrait pas oublier que, par analogie, aussi bien les médecins que les
juristes, peuvent commettre des erreurs, s’être basés sur des informations qui
étaient jugées fiables mais qui ne l’étaient pas en réalité, – ou encore qui avaient
été mal compris sur certains points -, de même que les influences culturelles
avaient influencé l’avis d’un certain nombre de juristes, même si ces pratiques
pouvaient bien être acceptées, ou en tout cas tolérées, par les populations des
époques passées. La même chose s’applique pour les médecins, dont les théories
et les méthodes ont évolué tout au long de l’histoire.

Tout le monde peut méditer librement sur le Qur’ân ou les paroles prophétiques,
mais en tirer des règles juridiques ou théologiques demandent beaucoup
d’humilité, de savoir, de recul, de méditation, de recueillement, etc. Si même des
savants se sont parfois lourdement trompés dessus, cela doit nous inciter à la
vigilance et à la prudence, et toujours tout lier au Qur’ân et aux finalités de la Loi.

Dans toutes les oppositions qui divisent les musulmans aujourd’hui, le vrai débat
concerne l’état d’esprit et le paradigme. Est-ce que l’on s’enracine dans les valeurs,
principes, pratiques et finalités de l’islam, ou dans les superstitions, idéologies et
moeurs culturelles de l’époque pour orienter notre compréhension de l’Islam et
notre mode de vie ? Est-ce que l’on tend vers la justice et la piété, ou les vices de
l’âme et le relâchement des bonnes moeurs ? Est-ce que l’on souhaite se

67
rapprocher d’Allâh ou se conformer aux caprices de l’ego et aux méfaits du
consumérisme ?

Le Shaykh Mustafâ ‘Abd al-Azîz (né Michel Vâlsan) a dit : « La Loi (Shar’) en Islam
n’a pas le sens restreint qu’elle a dans la civilisation chrétienne où elle s’oppose même
d’une façon spéciale aux idées de Foi et de Grâce ; elle se rapporte, au contraire à
l’institution révélée dans toute sa généralité, car la Loi islamique est totale et inclut
tous les domaines et tous les degrés de la vie spirituelle et temporelle, y compris les
principes et les méthodes de la connaissance métaphysique » 83.

Quand on comprend que tous les domaines de la vie peuvent être des supports
pour la contemplation Divine et recueillir Ses Bénédictions, on comprend que le
rejet de la Sunnah revient à se priver de la Baraka qu’Allâh a accordé à Son
Messager, et de laisser d’autres influences humaines ou infra-humaines avoir une
emprise sur notre vie et notre perception des choses, conduisant ensuite l’individu
au sécularisme et aux dérives de la modernité, dont on ne sait que trop bien tous
les méfaits insoupçonnés comme visibles qu’elle engendre.

Aussi, toute science doit correspondre à une réalité, comme nous l’indique une
parole du Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Toute parole doit renvoyer à une
réalité » 84, et quand on prend en compte tous les aspects de la Religion et de la vie,
il devient plus facile de percevoir la sagesse derrière certaines prescriptions
énoncées dans le Qur’ân comme dans la Sunnah, ou dans certaines règles
juridiques élaborées par effort de réflexion, mais répondant à certaines exigences
de la Loi, surtout en termes de précaution, pour empêcher la prolifération de
nombreux maux. Certains modernistes ont aussi « brisé » une protection générale
(qui pouvait comporter des exceptions et dont il ne fallait pas en faire une
interdiction « absolue »), mais le mal qui en a émané, a été encore plus terrible et
tragique que certaines « interdictions » posées par un certain nombre de savants.

Sur les illusions et dangers des opinions personnelles fondées sur autre chose
que la connaissance au sens véritable du terme, Frithjof Schuon, dans son ouvrage
La Transfiguration de l’homme faisait très justement remarquer que : « Un mot sur
la « libre-pensée », ou plus précisément sur l’obligation quasi morale qui est faite à
tout homme de « penser par lui-même » : cette exigence n’est nullement conforme à

83 Michel Vâlsan, L’Épître sur l’Orientation Parfaite, Études Traditionnelles, 1966, p. 245,

note 10.
84 Rapporté notamment par As-Suyûtî dans Ta’yîd, p. 17, par Al-Munawî dans son Fayd al-

Qadîr 1/72.
68
la nature humaine, car l’homme normal et vertueux, en tant que membre d’une
collectivité sociale et traditionnelle, se rend compte en général des limites de sa
compétence. De deux choses l’une : ou bien l’homme est exceptionnellement doué sur
tel ou tel plan, et alors rien ne peut l’empêcher de penser d’une manière originale, ce
qu’il fera d’ailleurs en accord avec la tradition — dans les mondes traditionnels qui
seuls nous intéressent ici— précisément parce que son intelligence lui permet de
saisir la nécessité de cet accord ; ou bien l’homme est d’intelligence moyenne ou
médiocre, sur un plan quelconque ou d’une façon générale, et alors il s’en remettra
aux jugements de ceux qui sont plus compétents que lui, et c’est là dans son cas la
chose la plus intelligente à faire. La manie de détacher l’individu de la hiérarchie
intellectuelle, c’est-à-dire de l’individualiser intellectuellement, est une violation de
sa nature et équivaut pratiquement à l’abolition de l’intelligence, et aussi des vertus
sans lesquelles l’entendement réel ne saurait s’actualiser pleinement. On n’aboutit
ainsi qu’à l’anarchie et à la codification de l’incapacité de penser ».

Et quand on voit que la plupart des profils qui rejettent en bloc la Sunnah sont
des personnes très peu cultivées, dénuées de sagesse et de savoir, et aussi souvent
très éloignés de la piété, il y a de quoi se poser des questions, sachant qu’ils
rejettent des ahadiths qui sont soit en conformité avec le Qur’ân, soit dans le sens
apparent n’était pas le sens voulu, mais qui possède une utilité lorsque l’on revient
au contexte. Beaucoup ignorent qu’un hadith n’est pas forcément authentique
(selon les sunnites) ou qu’il ne doit pas forcément être appliqué puisque certaines
pratiques ont été abrogées, que certains ahadiths possèdent un sens restreint et
non pas général, qu’un hadith peut être plus « fort » et « complet » que d’autres,
que certains ahadiths sont adressés aux gouverneurs, aux juges, aux parents et non
pas à l’ensemble des musulmans, etc. Tout cela ils l’ignorent, et par
méconnaissance, mélangent tout ou rejettent tout. De même, beaucoup de
ahadiths sont rapportés en employant des figures de style, des métaphores, des
hyperboles, liant par exemple une belle action au Paradis, ou une mauvaise action
à l’Enfer, mais dont la portée n’est pas « absolue », en ce sens que le « salut de
l’âme » dépendra toujours de la Miséricorde divine, et que ces sentences
prophétiques sont à comprendre dans un but pédagogique et comme
« avertissement », pour que les gens s’éloignent des mauvaises actions et qu’ils
accomplissent les bonnes actions. Ensuite chaque hadîth doit être ramené au
Qur’ân, aux principes de la Religion et des autres ahadiths sur la même thématique,
sachant qu’il n’est pas possible de pouvoir toujours rappeler, dans un même
sermon ou lors d’un conseil, tout ce qui a pu être dit auparavant. De même,
certaines pratiques ne furent pas interdites au début mais le furent par la suite, et

69
à contrario, certaines pratiques furent interdites (car encore mêlées aux
mentalités et croyances superstitieuses et idolâtriques) puis ont été autorisées
lorsque les musulmans avaient bien assimilé le Tawhîd et les règles de
bienséance 85.

Frithjof Schuon, par ailleurs, faisait encore remarquer qu’il était facile de critiquer
les ancêtres et de les taxer de fanatisme alors que les modernes n’essaient même
pas de les comprendre. Il faut bien garder à l’esprit qu’ils ne rigolaient pas avec le
sacré car c’était leur raison d’être et la chose la plus sacrée qui soit à leurs yeux.
Or, de nos jours, le curseur s’est déplacé, mais le fanatisme perdure, puisque des
groupes emprisonnent, censurent ou tuent des personnes avec la laïcité, la patrie,
la démocratie, l’économie ou encore le « terrorisme ».

Là où le fanatisme juridique est étouffant, – et conduit à des extrêmes -, c’est


quand il pose comme vérité que les musulmans sont incapables de la moindre
réflexion valide, – exception faite dans la ‘aqida où le suivisme aveugle n’est pas
autorisé – tant qu’ils n’auront pas atteint le degré requis dans l’ijtihad, sauf qu’ils
ont posé des conditions tellement drastiques, – sans appuyer cela par le Qur’ân et
la Sunnah – que dans les faits cela parait presque impossible à atteindre. Or, il n’est
pas nécessaire d’avoir un bon niveau d’arabe pour comprendre les principes,
fondements, choses nécessairement connues et finalités de la religion, ce qui
permet de s’orienter, ni même pour connaître les obligations et interdictions
explicites de la religion, ni même pour soigner son comportement, ni même
connaître le contexte quand il est question des qualités du croyant, et de
l’interdiction de nuire clairement à ses proches, ses voisins, employés, voyageurs,
etc. qui ne représentent aucun danger pour la société ou sa propre vie. Nul besoin
de savant et de fatwa sur cela, contrairement aux questions complexes liées à
l’économie, au bon fonctionnement de l’état, aux règles liées aux situations
exceptionnelles ou délicates pour le culte, la politique, l’application des hudud, les
faits historiques, etc. Si la fatwa donnée par un savant est compréhensible, cela est
aussi le cas pour celui qui peut comparer les différents avis entre eux, et ensuite
identifier lequel semble se rapprocher le plus du Discours qurânique et de la voie
prophétique.

Il est par ailleurs courant de lire dans de nombreux ahadiths la formulation


suivante « les meilleures actions auprès d' Allâh sont » ou « la meilleure œuvre

85 Par exemple la visite des tombes fut interdite un temps, avant d’être autorisée de

nouveau.
70
est » ou encore « l' action la plus méritoire c’est de », mais il faut les comprendre
soit comme étant une expression signifiant « parmi les meilleures », ou bien
comme étant les meilleures actions pour certaines catégories d’individus (ceux qui
veulent se contenter du minimum, ceux qui ont encore des parents, ceux qui sont
parents, ceux qui occupent des fonctions publiques ou politiques, etc.).

Enfin, un aspect important qui démontre la fiabilité et la pertinence de nombreux


ahadiths ayant une traçabilité historique, ou qui ont été « confirmés
spirituellement » par kashf par des maîtres spirituels plusieurs décennies ou
siècles avant que les prédictions se réalisent, il y a les ahadiths de type
eschatologique. En effet, les nombreux ahadiths eschatologiques qui décrivent les
événements qui surgiront plusieurs années, décennies, siècles et même plus de
1000 ans après la mort terrestre du Prophète (‫)ﷺ‬, indiquent la fiabilité globale de
la Tradition prophétique, à la fois comme remontant jusqu'au Prophète (‫)ﷺ‬, - et il
suffit de faire abstraction des récits inventés ou provenant clairement des
isra'iliyyât (parmi ceux qui contredisent la Révélation et l'intellect, car tous les
récits issus des autres communautés ne sont pas inventés ni dénués de pertinence
et de véracité) 86, pour voir à quel point ces ahadiths sont conformes à la réalité,

86 Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh que `Abdullâh ibn `Amr, et de son père, que le

Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Rapportez les récits transmis par les fils d'Israël sans éprouver aucune
gêne ». L’auteur de `Awn al-Ma`bûd Sharh Sunân Abi Dawûd a dit : « Mâlik a précisé que la
transmission de leurs récits est limitée à ceux qui sont authentiques, quant aux récits
mensongers, il ne faut pas les rapporter ».
Ibn Taymiyya a dit dans son Majmû' al-fatawa (4/109-110) : « Si des convertis issus des gens
du Livre, versés dans les textes religieux, nous les traduisent en arabe, on doit profiter des
traductions dans les débats avec eux et dans l'appel à l'islam qui leur est adressé. C'était le cas
d'Abdullâh ibn Salâm, de Salmân al-Farisi, de Kâ’b al-Ahbâr et d'autres qui ont transmis le
savoir qu'ils détenaient. Ce qui permet de déceler les points de convergence entre leur religion
d'origine et celle du Messager, une manière d'apporter une preuve en faveur de ce dernier
contre les gens du Livres et d'autres, comme nous l'avons expliqué à l'endroit approprié ».
D’autres ahadiths mettent en garde ceux qui ne sont pas avertis et qui délaisseraient le
Qur’ân et l’étude des principes de la Religion, pour ne se fier que sur des écrits religieux qui
mêlent le vrai au faux. D’autres ahadiths indiquent aussi que : « il ne faut ni confirmer ni
infirmer les récits des Gens du Livre » sauf si l’on dispose d’une preuve émanant du Qur’ân,
d’un hadith authentique et notoire, d’un fait historique ou autre. Allâh a dit : « Ô les
croyants ! Soyez fermes en votre foi en Allâh, en Son messager, au Livre qu'Il a fait
descendre sur Son messager, et au Livre qu'Il a fait descendre avant. Quiconque ne croit
pas en Allâh, en Ses anges, en Ses Livres, en Ses messagers et au Jour dernier, s'égare,
loin dans l'égarement » (Qur’ân 4, 136) ; « Ne leur suffit-il donc point que Nous ayons
fait descendre sur toi le Livre et qu'il leur soit récité ? Il y a assurément là une
miséricorde et un rappel pour des gens qui croient » (Qur’ân 29, 51) ; « Et sur toi
71
notamment en prédisant des événements que des personnes vivant avant l'ère
moderne ne pouvaient même pas imaginer, et donnant par ailleurs une précision
inouïe (construction de buildings, découverte des richesses comme le pétrole et le
gaz, construction d'une horloge géante qui projettera son ombre sur la Ka'aba, des
moyens de communication matériels à distance, des moyens de transport
mécaniques dépassant la vitesse des chevaux, des moyens de transport dans les
airs, l'augmentation de l'insécurité et des forces de sécurité partout, le
dérèglement climatique et les saisons trompeuses, le fait qu'une dynastie autre
celle le clan hashémite prendra le contrôle des Lieux Saints, - les Al Saûd -, le fait
de construire de grandes villes dans les déserts d'Arabie, les conquêtes de la Perse,
de Constantinople, la sortie de l'Homme vers l'espace, etc.). De même, les ahadiths
évoquent l'apparition de mouvements extrémistes (les khawarij et les terroristes)
qui constitueront une épreuve pour la Communauté, et que des troubles terribles
toucheront les croyants, et donnant donc des conseils profitables et utiles pour
bien s'y préparer et s'en préserver un maximum.

(Muhammad) Nous avons fait descendre le Livre avec la vérité, pour confirmer le Livre
qui était là avant lui et pour prévaloir sur lui. Juge donc parmi eux d'après ce qu'Allâh
a fait descendre » (Qur’ân 5, 48).
72
Le Prophète Muhammad (‫ – )ﷺ‬La plus noble des créatures

Le Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬, dans la vie du croyant, occupe une place


fondamentale, puisqu’il est aussi un lien entre le croyant et le Seigneur des
mondes, celui qui guide vers Allâh et incarne les vertus humaines, servant ainsi de
modèle aux croyants. Comme l’a expliqué notre maître et imâm ‘Alî (‘alayhî
salâm) en guise de réponse à une question qui lui avait été posée et qui était la
suivante : « As-tu connu ton Seigneur à travers le Prophète Muhammad ou as-tu
connu Muhammad à travers ton Seigneur ? », ce à quoi il répondit : « Si j’avais connu
Muhammad à travers mon Seigneur, j’aurais eu besoin d’un Messager au moment où
il viendrait s’adresser à moi en disant : « Muhammad arrive à toi », dans ce cas, que
ferais-je du Messager ? Par Allâh, si j’avais connu Muhammad à travers mon Seigneur
cela voudrait dire que mon Seigneur s’adresse à moi me disant quelqu’un s’appelant
Muhammad, mais dans ce cas Il me parle, je n’ai donc plus besoin de Messager. Et si
j’avais connu mon Seigneur par Muhammad, cela voudrait dire que Muhammad est
plus digne de confiance que mon Seigneur. Plutôt (et cependant), j’ai connu mon
Seigneur par mon Seigneur, et Muhammad est venu pour annoncer ce que mon
Seigneur veut de moi » 87.

Le sens de son propos, - et Allâh sait mieux -, est qu’il est possible de reconnaitre
la Réalité divine à travers son intellect et l’observation du monde, en même temps
que certaines inspirations et intuitions qui se manifestent à nous. Néanmoins,
connaitre la Volonté divine et accomplir les belles œuvres et réaliser les nobles
vertus, ne sont possibles que par les enseignements et les confirmations apportées
par Ses Envoyés et Messagers. Ainsi, l’amour que l’on porte à Ses bien-aimés
participe à l’Amour divin, et l’Amour que l’on porte à Allâh, exige et débouche sur
l’amour de Ses bien-aimés et de ce qu’Il aime comme vertus et actions.

Le métaphysicien Frithjof Schuon disait à cet effet que : « L’amour du Prophète


constitue un élément fondamental dans la spiritualité de l’Islam (…). C’est parce que
les musulmans voient dans le Prophète le prototype et le modèle des vertus qui font
la déiformité de l’homme et la beauté et l’équilibre de l’Univers, et qui sont autant de
clefs ou de voies vers l’Unité libératrice, - c’est pour cela qu’ils l’aiment, et qu’ils
l’imitent jusque dans les moindres détails de sa vie quotidienne ; le Prophète, comme

87Rapporté par le Shaykh et exégète Muhammad Metlawî al-Shârawî lors d’un sermon et
d’un cours sur l’imâm ‘Alî et la connaissance d’Allâh :
https://www.youtube.com/watch?v=_LwLl-Yw1HA
73
l’Islam tout court, est un schéma céleste prêt à recevoir l’influx de l’intelligence et de
la volonté du croyant, et dans lequel même l’effort devient une source de repos
surnaturel » 88.

Le Qur’ân dit : « Nous t'avons (Muhammad) seulement envoyé comme


Miséricorde pour les mondes » (Qur'ân 21, 107), et la Miséricorde implique la
bonté, le pardon, la douceur, l'équité, l'humilité, la bienveillance, la lumière, la
générosité, l'indulgence, la compassion, la gentillesse, etc. De même, elle implique
la justice et la lutte contre l'injustice et l'oppression, par miséricorde envers les
démunis et les opprimés, ainsi qu'un soutien envers les faibles, les veuves et les
orphelins. Et par « les mondes », cela englobe les humains dans leur généralité (les
musulmans et les non-musulmans), ainsi que les jinns et les autres êtres vivants.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ô vous les gens ! Certes je ne suis qu'une
miséricorde qui a été donnée (aux gens par Allâh) » 89.

Des compagnons ont dit, alors qu'ils étaient en guerre contre une armée ennemie
: « Ô Messager d'Allâh ! Fais des invocations (maudis-les) contre les idolâtres (du
champ de bataille) ! ». Il a répondu : « Je n’ai pas été envoyé pour maudire, mais j'ai
été envoyé (par Allâh) comme miséricorde (pour l’humanité) » 90.

Et comme nous le verrons plus loin, même envers ceux qui ont tenté de
l’assassiner, et qui l’ont calomnié, persécuté et combattu, il leur a accordé son
pardon – certains se sont repentis de leur acte tandis que d’autres non -, sans rien
attendre en retour de leur part, si ce n’est qu’il espérait pour eux le bien et la guidée
(à l’islam). Seuls ceux qui ont tué ou combattu des innocents, et dont la famille des
victimes n’a pas voulu passer l’éponge, ont été sanctionnés, mais ils sont très peu
nombreux.

Le Qur’ân dit aussi : « Vous avez dans le Messager d’Allâh un excellent modèle
[à suivre], pour quiconque espère en Allâh et au Jour dernier et invoque Allâh
fréquemment » (Qur’ân 33, 21).

88 Frithjof Schuon, Comprendre l’Islam, éd. Seuil, 1976, p. 112.


89Rapporté par Ibn Sa'd et par Al-Munawî dans Al Fayd Al Qadîr, hadith n°2583 selon Abû
Salîh.
90 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2599, par Al-Bukharî dans Al-Adab al-Mufrad

n°321 d'après Abû Hurayra.


74
En effet, il a été rapporté par son épouse ‘Aîsha que : « Son caractère était le
Qur’ân » 91 et « qu’il était comme un (le) Qur’ân vivant (qui marche) » 92.

Allâh dit du Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬à l’égard de son peuple : « En vérité, il est
venu à vous un Prophète pris parmi vous ; le mal que vous commettez lui est
douloureux ; il est celui qui veut toujours votre bien ; envers les croyants il est
bon et miséricordieux » (Qur’ân 9, 128).

A l’égard des croyants, Allâh le décrit ainsi : « Par une miséricorde d’Allâh, tu
as été doux envers eux ; si tu avais été rude et dur de cœur, ils auraient fui loin
de toi. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allâh). Et
consulte-les à propos des affaires ; puis une fois que tu t’es décidé, confie-toi
donc à Allah, Allah aime, en vérité, ceux qui Lui font confiance » (Qur’ân 3, 159).

A l’égard de ses proches rester non-musulmans, et qu’il aimait : « Tu


(Muhammad) ne guides pas celui que tu aimes : mais c’est Allâh qui guide qui
Il veut… » (Qu’rân 28, 56).

Sa personnalité reste incomparable, et l’ensemble des Saints et des Vertueux,


puisent et réalisent leur sainteté dans son modèle : « Et vraiment, tu
(Muhammad) es selon un caractère (et une moralité) incomparable (et
éminent) » (Qur’ân 68, 4).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « J'ai été envoyé pour parfaire la noblesse du
comportement (les nobles caractères et les belles vertus) » 93.

Et dans une autre parole il (‫ )ﷺ‬dit : « Et je suis venu vers les gens qui aiment y être
amenés » 94.

91 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân 40/2, An-Nasâ’î dans ses Sunân 199/3, Ad-
Darimî dans ses Sunân 345/1, par Ahmad dans son Musnad n°25939, par As-Suyûtî dans al-
Jâmi’ as-Saghîr n°6831 avec une chaine sahîh et d’autres.
92 Rapporté entre autres par l’Imâm Ahmad dans son Musnad 6/91 n°163 et par Al-

Bayhaqî dans Al-Sunân al-Kubrâ, connu aussi sous le nom de Sunân al-Bayhaqî 2/499.
93 Rapporté par Al-Bukharî dans Al-Adab Al-Mufrad n°273 selon Abû Hurayra, par Ahmad

dans son Musnad 2/381, par al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°4221 qui l'a authentifié, par Al-
Haythâmî dans son Majmâ' al-Zawâ'îd n°14188 qui l'a authentifié, par Mâlik dans Al-
Muwattâ' et d'autres.
94 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1721.

75
De son modèle, les croyants doivent s'en inspirer sur les plans moral et spirituel.
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬disait en effet : « Dois-je vous dire qui est le plus aimé
pour moi et celui qui sera assis le plus près de moi au Jour du Jugement ? ». Les gens
étaient silencieux, alors il a répété cela 2 ou 3 fois. Alors les gens ont dit : « Oui, ô
Messager d'Allâh ». Il a dit : « Celui d'entre vous avec le meilleur caractère » 95.

Et à une autre occasion, il (‫ )ﷺ‬dit aussi : « Certes, ceux que je préfère parmi vous
sont ceux qui ont le plus noble caractère » 96.

Le croyant doit être doux envers ses frères en religion, juste et bienveillant
envers les non-musulmans respectueux, juste et équitable même envers ses
ennemis, et assumer fièrement son identité islamique sans se laisser humilier par
ses ennemis et ne pas éprouver de honte à l’égard de sa foi : « Ô les croyants !
Quiconque parmi vous apostasie de sa religion… Allâh va faire venir un peuple
qu’Il aime et qui L’aime, modeste envers les croyants et fier et puissant envers
les mécréants, qui lutte dans le sentier d’Allâh, ne craignant le blâme d’aucun
blâmeur. Telle est la grâce d’Allâh. Il la donne à qui Il veut. Allâh est Immense
et Omniscient » (Qur’ân 5, 54).

En parlant des mécréants qui avaient lancé les hostilités contre le Prophète et sa
communauté (verset 25), Allâh dit : « Muhammad est le Messager d’Allâh. Et
ceux qui sont avec lui sont rigoureux envers les dénégateurs (belliqueux),
pleins d’Amour rayonnant entre eux (les croyants). Tu les vois s’inclinant, se
prosternant : ils recherchent ardemment une faveur et une satisfaction
d’Allâh. La marque sur leurs visages résulte de la trace laissée par la
prosternation. Telle est l’analogie les concernant dans la Torah. Dans
l’Evangile, l’analogie les concernant est celle d’une semence qui pousse. Alors,
elle se renforce, puis s’épaissit, puis se tient en équilibre sur sa tige : elle
émerveille les semeurs tandis qu’elle exaspère les dénégateurs (belliqueux).
Allâh a promis un recouvrement et une rétribution sans commune mesure à
ceux qui ont mis en œuvre le Dépôt confié (la foi) et accompli les œuvres
intègres » (Qur’ân 48, 29).

95 Rapporté par Al-Bukharî dans Al-adab al-Mufrad n°272 selon 'Amr Ibn Shu'ayb, chaîne

sahîh.
96 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3805.

76
Quand bien même un peuple déclarerait son hostilité envers le Prophète (‫ )ﷺ‬et
les musulmans, Allâh enjoint les musulmans à faire preuve de justice, d’équité et
de piété : « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et
(soyez) des témoins équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite
pas à être injuste. Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et
craignez Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous
faites » (Qur’ân 5, 8).

En effet, parmi les derniers versets révélés en la matière, vers la fin de la période
médinoise (peu temps avant la mort terrestre du Prophète), vers l’an 630, Allâh a
dit : « Allâh ne vous interdit pas d’être bons et équitables envers ceux qui ne
vous ont pas combattus à cause de votre foi, (ni) ceux qui ne vous ont pas
expulsés de vos demeures. Allâh aime ceux qui sont équitables » (Qur’ân 60, 8).

Pour ce qui est du noble comportement, le Qur’ân expose les versets suivants :

« Non, mais quiconque donne (livre, soumet, laisse) à Allâh son être tout en
étant bienfaisant (muhsin), aura sa rétribution auprès de son Seigneur. Pour
ceux-là il n’y a nulle crainte, et ils ne seront point attristés » (Qur’ân 2, 112).

« Certes Allâh commande l’équité (et la justice), la bienfaisance (Al-Ihsân) et


l’assistance aux proches. Et il interdit la turpitude, l’acte répréhensible et
l’injustice (la rébellion et la tyrannie). Il vous exhorte afin que vous vous
souveniez » (Qur’ân 16, 90).

« Adorez Allâh et ne Lui donnez point d’associé. Agissez avec bienfaisance


(Ihsân) envers vos père et mère, envers les proches, les orphelins, les pauvres,
le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques
(captifs) sous votre charge car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux,
l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).

« Et ne semez pas la corruption sur terre après qu’elle ait été réformée. Et
invoquez-Le avec crainte et espoir, car la miséricorde d’Allâh est proche des
bienfaisants » (Qur’ân 7, 56).

Le Qur’ân donne ainsi une description du Prophète pleine de bonté, de


compassion, d’indulgence, de libéralité, de clémence, de justice, de piété et
d’équité, ce que confirme aussi la tradition prophétique purifiée, contrairement à
certains récits apocryphes ou déformés.

77
Le Qur’ân fonde et légitime le recours à la Sunnah du Prophète pour expliquer le
Qur’ân à travers un modèle vivant : « Allâh a très certainement fait une faveur
aux croyants lorsqu'Il a envoyé chez eux un messager de parmi eux-mêmes, qui
leur récite. Ses versets, les purifie et leur enseigne (explique) le Livre et la
Sagesse, bien qu'ils fussent auparavant dans un égarement évident » (Qur’ân
3, 164).

« Notre Seigneur ! Envoie l'un des leurs comme messager parmi eux, pour leur
réciter Tes versets, leur enseigner le Livre et la Sagesse, et les purifier. Car c'est
Toi certes le Puissant, le Sage ! » (Qur’ân 2, 129).

« Le butin provenant [des biens] des habitants des cités, qu’Allâh a accordé
sans combat à Son Messager, appartient à Allâh, au Messager, aux proches
parents, aux orphelins, aux pauvres et au voyageur en détresse, afin que cela
ne circule pas parmi les seuls riches d’entre vous. Prenez ce que le Messager
vous donne; et ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en; et craignez Allâh car
Allâh est dur en punition » (Qur’ân 59, 7).

« Quiconque obéit à Allâh et au Messager… ceux-là seront avec ceux qu’Allâh a


comblés de Ses bienfaits : les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les
vertueux. Et quels bons compagnons que ceux-là ! » (Qur'ân 4, 69).

De même, c'est par Son Envoyé Muhammad, qu'Allâh a enseigné aux gens Son
Livre, exprimé Sa Volonté et manifesté des Signes de Sa Réalité, de Ses Attributs et
de Ses injonctions. De même, Il a fait de Muhammad une miséricorde pour les
mondes « Certes, Nous ne t’avons (Muhammad) envoyé que comme Miséricorde
pour les mondes » (Qur’ân 21, 107), ainsi qu'une lumière qui éclaire les gens : «
C’est une lumière [Nûrun] émanant d’Allâh, qui est venue vous éclairer ainsi
qu’un Livre explicite » (Qur'ân 5, 15) et « Ô Prophète ! Nous t’avons envoyé [pour
être] témoin, annonciateur, avertisseur, appelant (les gens) à Allâh, par Sa
permission ; et comme une lampe éclairante (Sirâjân Munîrân ; la racine de
Minuirân vient du mot Nûr) » (Qur'ân 33, 45-46).

Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh (Livre de l'exégèse n°4838 au verset


qurânique : « Nous t'avons envoyé comme témoin, annonciateur (mubashshir),
avertisseur (nadhîr) (...) » le récit prophétique de nature qudsî : « Tu es Mon serviteur
et envoyé. Je t'ai nommé al-Mutawakkil (celui qui s'en remet pleinement à Allâh) ... Il
n'est ni rude ni dur de coeur, ne fait pas de tapage dans les marchés ; il ne répond pas
à une mauvaise action par une mauvaise action ; au contraire il répond à une
mauvaise action par une bonne action, fait grâce et pardonne. Je ne saisirai son âme
78
qu'une fois que J'aurai redressé par lui la religion (milla) qui a été déformée ... Par
toi (ô Muhammad), J'ouvrirai des yeux aveugles, des oreilles sourdes et des coeurs
voilés en sorte qu'ils proclameront qu'il n'y a pas de divinité si ce n'est Allâh ».

Et cette annonce s'est réalisée puisque des millions de personnes se sont éveillé
à la conscience du Divin et à Son Amour à travers Son bien-aimé Muhammad ‫! ﷺ‬

« Nous avons fait descendre sur vous le Rappel pour que tu exposes et
expliques clairement (tubayinna) aux gens ce qu'on a fait descendre pour eux
et afin qu'ils réfléchissent » (Qur’ân 16, 44). Ce verset indique que le Prophète
(‫ )ﷺ‬ne se contente pas que de réciter le Qur’ân pour les gens, mais aussi de leur en
expliquer les différents sens et de les mettre en pratique. Le rôle du Prophète (‫)ﷺ‬
n’est donc pas uniquement la « transmission brute » et « mécanique » de la
Révélation (Qur’ân), mais aussi d’être un exemple de soutien et de générosité pour
les pauvres et les opprimés, ainsi que, de façon générale, de fournir à tous,
l’explication des différents sens du Qur’ân dans ce qui leur est accessible, - la Parole
divine étant inépuisable, Allâh peut dévoiler à Ses serviteurs un nombre indéfini
de significations mais dont celles-ci n’abrogent nullement les sens exotériques -, et
de cultiver en eux, la sagesse et la vertu. Néanmoins, après sa mort, de faux
ahadiths ont circulé, tandis que d’autres ont été déformés ou décontextualisés. Il
faut donc les analyser selon leur conformité au Qur’ân, à savoir que, si le contenu
du hadîth contredit clairement le Qur’ân ou ne se concilie pas avec le Qur’ân, cela
ne laisse que 2 possibilités : soit le hadîth est clairement faux, soit le sens apparent
n’est pas le sens voulu, - soit il y a eu une déformation ou une incompréhension de
la part des rapporteurs, soit l’expression n’est pas à prendre au sens apparent mais
plutôt comme une métaphore ou comme un cas ayant une portée restreinte car
contextuelle -. Il peut également édicter des recommandations, des obligations ou
des réprobations ainsi que des interdictions religieuses par inspiration divine, à
condition qu’elles ne contredisent ou n’abrogent pas le Qur’ân ni ses principes et
ses finalités. Ainsi, il faut toujours en revenir au Qur’ân, puis à la Sunnah, puis à la
pratique notoire de la Famille et des proches Compagnons du Prophète (‫)ﷺ‬, à la
compréhension des Saints de la Communauté, à l’intellect et à l’expérience, - ce
sont là les méthodes enseignées par Allâh dans le Qur’ân.

79
Il nous est parvenu en effet selon un hadîth authentique que : « Lorsque le juge a
fait un effort (juridique) (ijtahada) puis a atteint la vérité, il a deux récompenses, et
s’il a fait un effort (juridique) et s’est trompé, il a une seule récompense » 97.

Quant à la légitimité de l’ijtihâd, outre les versets qurâniques qui enjoignent à la


réflexion et à l’observation concernant le fiqh (ainsi que la science, la ‘aqida, le
tafsîr, etc.), il y a aussi ce célèbre hadith prophétique où le Prophète (‫ )ﷺ‬avait
enseigné à Mu'âdh ibn Jabal avant de l’envoyer au Yémen comme messager des
bonnes valeurs de l’Islam : « Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s'en présentera
? – Selon le Livre d’Allâh (Qur’ân), avait répondu Mu'âdh. – Et si tu ne trouves pas (de
solution explicite) dans le Livre d’Allâh ? – Je jugerai alors selon les Hadîths du
Messager d’Allâh, avait répondu Mu'âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution
explicite) dans les Hadîths du Messager d’Allâh ? – Je ne manquerai alors pas de faire
un effort de réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion, avait répondu Mu'âdh ».
Sur quoi le Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : « Louange à
Allâh qui a guidé le messager (émissaire) du Messager d’Allâh vers ce qu'agrée le
Messager d’Allâh » 98.

Ce hadîth peut illustrer parfaitement ce noble verset du Qur’ân : « Ô les croyants


! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui
détiennent le commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi
que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au
Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et
aboutissement) » (Qur’ân 4, 59), c’est-à-dire par ordre hiérarchique Allâh dans le
Qur’ân, le Messager d’Allâh dans les ahadiths fiables en conformité avec le Qur’ân,
puis à ceux qui détiennent l’autorité, que ce soit dans la politique, la gouvernance,
le domaine militaire, le savoir, l’éducation spirituelle, etc., et en cas de divergence
dans le domaine de la réflexion, de revenir à ce qui est clair dans le Qur’ân et la
Sunnah.

Concernant l’approche spirituelle et intellectuelle du Qur’ân, Sa Parole étant


inépuisable, l’Homme, à travers son intellect et l’inspiration qu’Allâh peut lui

97 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh, n°6805 au chapitre Al- i‘tisâm bi al-kitâb wa

as-sunna.
98 Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°1327 selon Harith Ibn Amr avec une chaîne

authentique, par Abû Dâwûd dans ses Sunân n°3592 mais avec une chaîne comportant une
faiblesse selon certains, ainsi que par Ibn al-Qayyîm dans I'lâm ul-muwaqqi'în 1/49-50,
par Yûsuf ibn Abd al Barr dans son Jami' Bayan al ’Ilm, at-Tabarânî dans son Al Kabir, Al
Bayhaqî, Ahmad, Ad-Darîmî et d'autres.
80
octroyer, peut méditer constamment sur Sa Parole et y découvrir maintes
subtilités et sagesses de toutes sortes, ne s’excluant pas et ne se contredisant pas
les unes les autres : « Dis : Si la mer se faisait d’encre pour écrire le langage de
mon Seigneur, elle s’y épuiserait, même si Nous en doublions l’étendue, avant
que ne s’épuisât le langage » (Qur'ân 18, 109).

Le langage étant limité, contrairement à la connaissance intégrale qui dépasse le


langage humain, l’usage du symbolisme est une nécessité pour décrire des réalités
dépassant le cadre « ordinaire » du mental et des phénomènes physiques.

« Il est le Premier (al-Awwal) et le Dernier (al-Akhir), l’Extérieur (al-Zâhir) et


l’Intérieur (al-Bâtin). Il est informé de toute chose » (Qur'ân 57, 3). Des Noms
divins, découlent plusieurs types de connaissance et de science. De Son Nom Al-
Bâtin, les sciences ésotériques en manifestent ses significations et ses applications,
et de Son Nom Al-Zâhir, les sciences exotériques se manifestent, et Ses 2 Noms se
complètent et s’appuient l’un sur l’autre, mais l’un (Al-Bâtin) dépassant et
approfondissant l’autre (Al-Zâhir) sans pour autant l’abroger ou l’abolir.

« Allâh est la Lumière des Cieux et de la Terre, et le symbole de Sa Lumière est


un foyer où se trouve une lampe qui elle-même est nichée dans un récipient de
cristal ayant l’éclat d’un astre brillant qui tire sa luminosité d’un arbre béni :
un olivier qui n’est ni d’Orient, ni d’Occident et dont l’huile jette sa clarté
presque d’elle-même, sans avoir été touchée par aucune étincelle, donnant
ainsi lumière sur lumière. Allâh guide vers Sa Lumière qui Il veut et propose
des paraboles aux hommes, car Sa Science n’a point de limites » (Qur’ân 24, 35)

« N’as-tu pas vu comment Allâh propose en parabole une très bonne parole ?
Elle est comparable à un arbre excellent dont la racine est solide, la ramure
élevée dans le ciel et les fruits abondants en toute saison » (Qur’ân 14, 24-25).

Sur les visions spirituelles, Allâh dit : « Et lorsque nous te disions que ton
Seigneur cerne tous les gens par Sa Puissance et Son Savoir. Quant à la vision
que nous t’avons montrée » (Qur’ân 17, 60).

De même, concernant le dévoilement spirituel (kashf) et l’inspiration divine


(ilhâm), Allâh dit : « Telle est la Grâce d’Allâh, Il la donne à qui Il veut. Et Allâh
est Détenteur de la Grâce Immense » (Qur'ân 57, 21).

81
« Ils trouvèrent l'un de Nos serviteurs à qui Nous avions donné une grâce, de
Notre part, et à qui Nous avions enseigné une science émanant de Nous »
(Qur'ân 18, 65).

Allâh a enjoint aussi les musulmans à consulter les maîtres spirituels et les
spécialistes : « Demandez aux gens du rappel/savoir si vous ne savez pas »
(Qur’ân 21, 7), concernant le contexte des Gens du Livre durant les époques
antérieures, principe qui s’applique également pour la communauté musulmane
lorsqu’Allâh dit : « Demandez donc aux gens du rappel/savoir si vous ne savez
pas » (Qur’ân 16, 43). Le verset suivant (44) précise d’ailleurs que cette humilité à
leur égard et la reconnaissance des savants, ne doit cependant pas être aveugle,
mais susciter la réflexion chez le croyant : « (Nous les avons envoyés) avec des
preuves évidentes et des livres saints. Et vers toi, Nous avons fait descendre le
Qur’ân, pour que tu exposes clairement aux gens ce qu’on a fait descendre pour
eux et afin qu’ils réfléchissent ». Parmi les communautés antérieures, certains ont
suivi tellement aveuglément leurs « savants » et autorités, qu’ils ont fini par les
suivre dans leurs erreurs, leurs croyances parfois hérétiques ou dans les
interdictions qui ne furent nullement religieuses, au point de les considérer
presque comme des « divinités » en dehors d’Allâh. Le Qur’ân dit en effet : « Ils ont
pris leurs rabbins et leurs moines, ainsi que le Christ fils de Marie, comme
Seigneurs en dehors d’Allâh, alors qu’on ne leur a commandé que d’adorer un
Dieu unique. Pas de divinité à part Lui ! Gloire à Lui ! Il est au-dessus de ce qu’ils
[Lui] associent » (Qur’ân 9, 31).

Quant à l’attitude du croyant face aux divergences (innombrables) et à la


complexité des discours et des sciences qui peuvent les troubler, le Qur’ân et la
Tradition prophétique regorgent de conseils.

Allâh a dit : « Et quiconque se purifie, ne se purifie que pour lui-même, et vers


Allâh est la Destination » (Qur'ân 35, 18). Cette purification qurânique consiste à
purifier son cœur de tous les péchés et de tous les vices, et l’éducation de l’âme
visant à dompter son ego pour ne cultiver que la sagesse, la justice et la vertu,
forment un objectif à atteindre pour le croyant. De là, les meilleurs avis politiques,
juridiques, éthiques, spirituels, etc. doivent tendre vers cette finalité.

Allâh dit : « Ne l'avons-Nous pas guidé aux deux voies élevées ?

Or, il ne s’est pas engagé sur la voie ascendante !

Et qu’est-ce qui t’instruira de ce qu'est la voie ascendante ?

82
C'est délier un joug [affranchir un esclave],

ou nourrir, en un jour de famine,

un orphelin proche parent,

ou un pauvre dans le dénouement.

Et c'est être, en outre, de ceux qui croient et s'enjoignent mutuellement


l'endurance, et s'enjoignent mutuellement la miséricorde (et l’amour
rayonnant).

Ceux-là sont les gens de la droite » (Qur'ân 90, 10-18).

Allâh enseigne aussi aux croyants une invocation qu’ils doivent réaliser : «
Seigneur, accorde-moi sagesse (et savoir) et fais-moi rejoindre les gens de bien
» (Qur'ân 26, 83)

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La sagesse est la propriété perdue du


croyant. Il la ramasse là où il la trouve » 99.

Et dans une autre version : « La parole de sagesse est la propriété perdue du


croyant. Partout où il la trouve, il doit la faire sienne (s'en imprégner) » 100.

Allâh dit en effet : « Il donne la sagesse à qui Il veut, et certes, celui à qui la
sagesse a été donnée bénéficie d’un grand bien. Ceux doués d’une profonde
intelligence sont les seuls à s’en souvenir » (Qur’ân 2, 269).

Ainsi, peu importe la source (authentique ou douteuse) de la sagesse, celle-ci


doit être assimilée et méditée par le croyant, et c’est aussi la raison pour laquelle
les savants ont admis l’usage de ahadiths faibles dont le sens était conforme au
Qur’ân pour tout ce qui était en lien avec l’éthique et la spiritualité. Cela concerne
également tous les autres aspects de la vie (médecine, sport, technique, science,
etc.) à l’exception des rites musulmans fondamentaux, des dispositions juridiques

99 Confirmé spirituellement par l’imâm Al-Jilânî dans Sirr al-Asrâr, chapitre 5.


100 Rapporté notamment par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2687 selon Abû Hurayra, avec
une faiblesse dans la chaîne, rapporté aussi par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4169 par Ibn
Hibbân dans al-Du'afa, par As-Suyûtî dans al-Jâmî’ al-Saghîr n°6468 qui la considère comme
bonne, rapporté aussi par Ahmad et par d'autres, et authentifié par kashf par l'imâm Al-
Jilânî dans son Sirr al-Asrâr au chapitre 5.

83
(impliquant une peine) et des doctrines théologiques, qui eux, nécessitent d’autres
éléments (versets du Qur’ân, ahadiths, nécessités médicales ou politiques,
principes juridiques, finalités de la Loi, …) pour entrainer l’adhésion du musulman
comme faisant partie des choses qui doivent être suivies en matière de religion.

Un principe fondamental dans la vie du croyant a été exposé dans ce hadîth où


le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Pas de nuisance (tort, préjudice, injustice), ni à soi-même, ni
à autrui » 101. Cela veut dire que toute action ne relevant pas d’une nécessité
impérieuse, doit être dépourvue de causer un méfait ou une nuisance, que ce soit
envers soi-même ou envers les autres, ce qui interdit par voie de conséquence, la
pédophilie, la zoophilie, le terrorisme, l’agression verbale, physique, sexuelle ou
psychologique, la maltraitance animale, la violence conjugale et infantile, etc.

Un être humain n’a généralement pas le temps ni les capacités de trouver une
réponse légitime et argumentée à toutes les problématiques politiques, familiales,
juridiques, économiques ou médicales qui se posent à lui, et doit donc recourir à
des spécialistes. Pour autant, celui qui est doté d’une certaine perspicacité et qui
aspire à la piété, et qui est animé par la compassion, la sincérité et le souci de
justice, trouvera en son for intérieur, en s’en remettant à Allâh, l’avis le plus apte à
suivre, en conformité avec les principes et les valeurs de la Religion. De même,
celui qui est capable de comparer les différents avis donnés par les spécialistes,
choisira de toute façon celui qui lui semblera le plus proche ou le plus conforme au
Discours qurânique et à la sagesse. Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit en ce sens : « Demande la
fatwa à ton cœur, demande la fatwa à ton âme. Le bien est ce à propos de quoi l’âme
se tranquillise et le cœur se tranquillise. Le péché est ce qui se trame dans l’âme et
qui va et vient dans le cœur, même si on te donne des fatwas sur le sujet » 102 ainsi
que « Consulte ton coeur malgré les avis que te donnent les jurisconsultes » 103 et «

101 Rapporté sous l’autorité de `Ubâda Ibn As-Sâmit, et rapporté par Mâlik dans son Al

Muwattâ’, par Ibn Mâjah dans ses Sunân au chapitre des « Jugements » n°2430, par Ahmad
dans son Musnad n°23462, par Al-Bayhaqî dans ses Sunân n°12224.
102 Rapporté et commenté notamment par An-Nawawî dans son Riyâd As-Salihîn, As-Shâtibî

dans son Al-I’tisâm 2/153 à 159, par Mullâ Alî al-Qârî dans Mirqâtul mafâtîh 6/45. Dans le
Sahîh Muslim n°2553, une partie du hadîth similaire est citée aussi selon An-Nawwas ibn
Sam'an : « La droiture (justice) est un bon caractère et le péché est ce qui trouble (ou souille)
votre cœur (et qu’il faudrait y renoncer) et que vous détestez que les gens le découvrent ».
103 Rapporté par Al-Bukharî dans son Târîkh sous l’autorité de Wâbisa al-Azdî, par l’imâm

Al-Munâwî qui le commente dans son Fayd al-Qadir, et par As-Suyûtî dans al-Jâmi` al-Saghir
mais qui ne se prononce pas sur le degré de son authenticité. Le sens rejoint néanmoins
plusieurs versets du Qur’ân ainsi que des ahadiths.
84
Consultez votre âme, consultez votre cœur. La justice et la droiture sont ce qui
rassurent et tranquillisent votre âme et votre cœur, et le péché est ce qui vacille (et
trouble) l'âme et met de la tension dans votre poitrine, même si les gens l'approuvent
encore et encore dans leurs jugements » 104.

Bien évidemment, cela ne doit pas être confondu avec la recherche effrénée de
l’ignorance, de la passion, des vices et du refus d’éduquer son âme, comme on peut
le voir chez nos contemporains « modernistes » ou « rigoristes », et qui dans les
deux cas, édictent des opinions et promulguent leurs propres « fatawas »
dépourvues de sagesses, de recherches approfondies, de fondements qurâniques
et de finalités de la Loi, tout comme ils ne prennent pas en compte les aspects
économiques, techniques, sociologiques, psychologiques et médicaux des
questions sur lesquelles ils se permettent de parler sans science. Chez eux, la
méconnaissance et l’anarchie l’emportent, et les effets néfastes sont tellement
palpables qu’on se demande où sont passés leur bon sens, la sagesse et
l’intelligence.

Le Prophète Muhammad ‫ ﷺ‬a dit aussi : « Le sage est celui qui distingue le vrai du
faux, ce qui est utile de ce qui est nuisible, ce qui est beau (comme œuvre) de ce qui
est laid (comme oeuvre). Tout ce qui a une longue vie mais qui est périssable est laid
; et tout ce qui dure est beau, même quand il s’absente » 105.

Le croyant doit ainsi tendre vers tout ce qui est (spirituellement et moralement)
beau, juste, sage, utile et bénéfique, et s’éloigner de tout ce qui s’y oppose. Quant à
sa personnalité, le Prophète ‫ ﷺ‬la décrivit un jour lorsqu’il s’arrêta un jour vers un
groupe de gens assis et a dit : « Ne vais-je pas vous informer du meilleur et du plus
mauvais d’entre vous ? ». Alors ils se sont tus. Le Prophète a répété cela 3 fois alors
un homme a dit : « Certes ô Messager d’Allâh, informe-nous du meilleur et du plus
mauvais d’entre nous ! ». Le Prophète dit : « Le meilleur d’entre vous est celui dont on
espère le bien et dont on est à l’abri du mal et le plus mauvais d’entre vous est celui
dont on n’espère pas le bien et dont on n’est pas à l’abri du mal » 106.

104 Rapporté par Ad-Dârimî dans ses Sunân n°2533.


105 Rapporté par Ibn ‘Ajîba dans ses commentaires des Hikam et des Munâjât de l’imâm
Ibn Ata’ Llâh. Hadîth confirmé par kashf également.
106 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2263 selon une chaîne authentique, d’après

Abû Hurayra notamment). Et la portée de ce hadith est générale.


85
Il est rapporté que Mû’adh ibn Jabal a dit : « Le dernier conseil que le Prophète
m’ait donné lorsque je mettais mon pied à l’étrier était : « Prémunissez-vous envers
Allâh (soyez pieux) où que vous soyez ; faites suivre la mauvaise action par une bonne
qui effacera la précédente, et conduisez-vous bien (avec une haute moralité) envers
les gens » » 107.

Cela est conforme au Qur’ân, notamment aux versets suivants : « Les actions
bonnes dissipent les mauvaises » (Qur’ân 11,114), « et qui endurent dans la
recherche de l’agrément d’Allâh, accomplissent la Salât et dépensent (dans le
bien), en secret et en public, de ce que Nous leur avons attribué, et repoussent
le mal par le bien. A ceux-là, la bonne demeure finale » (Qur’ân 13, 22).

Un hadîth connu mais qui est souvent mal médité, permet de donner lieu à une
analyse intéressante, en ce qui concerne les « héritiers des Prophètes » : « En vérité,
les savants (ulémas) sont les héritiers des prophètes. Les prophètes n’ont pas laissé
en héritage des monnaies d’or ou d’argent, mais le savoir (ʿilm). Quiconque l’acquiert
gagne une grande fortune » 108. Dans le hadîth suivant on y lit : « En vérité – raconte
le Compagnon Abû l-Dardâ’ – j’ai entendu l’Envoyé d’Allâh dire ainsi : « Celui qui part
à la recherche du savoir, Allâh lui ouvrira un chemin qui mène au paradis. Les anges
baissent leurs ailes par agrément de celui qui recherche le savoir. Tous ceux qui sont
dans les cieux et sur la terre, et jusqu’aux bêtes aquatiques, demandent pardon en sa
faveur. La supériorité du savant sur l’adorateur est comme la supériorité de la lune
par rapport aux autres corps célestes. En vérité, les (véritables) savants sont les
héritiers des prophètes. Les prophètes n’ont pas laissé en héritage des monnaies d’or
ou d’argent, mais le savoir. Et quiconque l’acquiert gagne une grande fortune » » 109.
Ainsi, les savants authentiques, en Islâm, sont ceux qui sont dotés de science et qui
ont été gratifiés de la connaissance spirituelle issue de l’héritage spirituel et
religieux des prophètes, et qui suivent leur voie, c’est-à-dire, ceux qui se sont
détachés de la gloire politique, des attraits matériels de ce bas-monde, de
l’hypocrisie, de l’orgueil, de la vanité, de la sottise, de l’injustice, de la tyrannie et
de l’idolâtrie sous toutes ses formes, et qui par contre, sont acquis à la justice, à la
gnose spirituelle, au Tawhîd dans toutes ses dimensions, à la sagesse, à la sincérité,

107 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1987, par Ahmad dans son Musnad 5/153,
par Ad-Darimî dans ses Sunân 2/823, par An-Nawawî dans son recueil des 40 ahadiths n°18,
selon Mû’adh Ibn Jabal et Abû Dharr Jundub ibn Junâda.
108 Rapporté par Abû Dawûd, al-Tirmidhî et Ibn Mâjah dans leur Sunân.
109 Rapporté dans le Jâmi‘ d’al-Tirmidhî, Kitâb al-‘ilm, bâb mâ jâ’ fî fadl al-fiqh ‘alâ al-ʿibâda,

n°2682.
86
à la modestie, à la compassion et à la générosité. En effet, la symbolique de
l’argent (ici des monnaies d’or et d’argent) est associée aux passions, à
l’asservissement et à la tyrannie des plaisirs mondains. Ils sont ceux qui ont
bénéficié du « dhawq » (le goût spirituel acquis par expérience intime), sans cela
on passe à côté de l'essentiel et de la bonne compréhension. Les awliyâ' sont ainsi
la preuve de « tout » ; de la Réalité divine, de l'excellence du modèle prophétique
et du lien qui unissent les créatures au Créateur. On comprend dès lors pourquoi
Allâh blâme lourdement ceux qui s’en prennent à Ses Rapprochés comme l’indique
le hadîth qudsî rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh : « Quiconque montre de
l’hostilité envers un de Mes bien-aimés Je lui déclare les hostilités ».

Le 'ilm (savoir) est une science théorique/intellectuelle (où les doutes peuvent
subsister si l’on remet en question la fiabilité de la logique et de la rationalité) et
par ce biais, nous pouvons démontrer rationnellement la nécessité du Principe
existentiateur de l’existence relative ainsi que plusieurs de Ses Attributs comme la
Puissance, la Vie, la Science, la Miséricorde, etc, tandis que la ma'rifa (connaissance
métaphysique et spirituelle) relève du « goût » (dhawq) et de l'expérience intime,
ce qui permet de connaitre Allâh par la compagnie de Sa Présence et la
contemplation de Ses Noms et Attributs dont nous pouvons bénéficier.

Le véritable savant est donc celui qui a été gratifié de la piété, de la modestie, de
la sagesse, de la science, d’un certain degré d’ascétisme et de la clairvoyance. Le
Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Allâh possède des serviteurs qui connaissent les
gens par leur regard clairvoyant » 110 ainsi que : « Certes, Allâh - qu'Il soit exalté -
possède des serviteurs qui connaissent les gens par physiognomonie (regard
clairvoyant, perspicacité) » 111.

Il a été dit par Ibn Qayyim Al Jawziyya, dans son livre Ar Rûh : « Il a été fait l’éloge
des détenteurs de ce genre de regards dans la parole : « Voilà vraiment des preuves,
pour ceux qui savent observer ! » (Sûrate 15 Al-Hijr, verset 75). Ibn ‘Abbâs et d’autres
ont dit : « C’est-à-dire les détenteurs du regard clairvoyant (Al Firasa) ».

110 Rapporté par Al Hakîm dans Al-Mustadrak, At-Tirmidhî, Al Bazzâr dans son Musnad, Ibn
Sana, Abû Nu’aïm et d’autres, selon Anas.
111 Rapporté par At-Tabarânî dans Mu'jâm al-Awsat et validé par As-Suyûtî dans al-Jâmi' as-

saghîr n°2349.

87
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit par ailleurs : « Manifestez un bon caractère envers
les gens » 112.

Le savant, maître spirituel, ascète et salaf Fudayl Ibn 'Iyyâd a dit : « Si vous
décidez de vous mélanger aux gens, mêlez-vous avec un bon caractère pour n'inviter
qu'au bien. Ne vous mélangez pas avec un mauvais caractère, car cela n'invite qu'au
mal » 113.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La droiture c'est un bon caractère et le péché est
ce qui est trouble dans votre cœur et que vous détestez que les gens le découvrent
» 114.

Il a été dit au Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬: « Lequel des gens est le meilleur ? ». Le
Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Quiconque possède un coeur pur et qui est honnête dans
ses paroles ». Ils ont dit : « Le véridique en parole nous connaissons, mais qu'est-ce
qu'un cœur pur ? ». Le Prophète a dit : « C'est un cœur qui craint Allâh (faisant preuve
de piété) et qui est pur. Il n'y a ni péché ni agressivité, ni méchanceté, ni envie (être
envieux envers les autres par bassesse ou jalousie malsaine pour un bienfait qui leur
a été octroyé) » 115.

Et dans une autre narration, le hadîth se poursuit comme suit : « ils ont dit : « Ô
Messager d'Allâh, qui montre ce signe ? » - « Ceux qui n'adulent pas ce bas-monde et
qui aiment (et aspirent à) l'au-delà ». Ils ont dit : « Et qui en montre un signe ? ». Le
Prophète a dit : « Un croyant avec un bon caractère » 116. Il est ainsi dommage de
constater que beaucoup de « savants », pourtant dotés d’une érudition technique
appréciable, manquent toutefois, soit d’un bon caractère, soit d’une clairvoyance
permettant de privilégier l’avis le plus juste et le plus adapté, pour ne pas se
contenter de n’être qu’un « porteur de livres ». En effet, à plusieurs occasions, le
Prophète (‫ )ﷺ‬décrivit cela, notamment dans ses paroles suivantes :

112 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1987 d'après Abû Dharr.
113 Rapporté par Abû Nu'aym dans Hilyat al-Awliyâ n°11728.
114 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2553 selon An-Nawwas ibn Sam'ân.
115 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4216 selon 'Abdullâh ibn Amr.
116 Rapporté par al-Bayhaqî dans Shu'âb al-Imân n°4457, sahîh.

88
« Combien connaissent les règles religieuses (fiqh) tout en manquant de clairvoyance
(laysa bifaqîh) ! » 117.

« Peut-être que ceux à qui on transmet la connaissance l’appréhendent mieux que


ceux qui la (leur) transmettent » 118.

« Peut-être que celui à qui on transmet (une information ou une science) saisit mieux
que celui qui entend directement » 119.

« Les justes de chaque génération porteront ce savoir et le préserveront de la


déformation des rigoristes, de l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des
ignorants » 120.

Par ailleurs, le Prophète (‫ )ﷺ‬versait aussi des larmes quand il était en prière dans
sa relation au Divin, tout comme lorsqu’il visitait la tombe de sa chère mère. Le
Compagnon Abû Hurayra rapporte que : « Le Prophète (‫ )ﷺ‬visita la tombe de sa
mère et il se mit à pleurer, et a fait pleurer les autres personnes (qui étaient là) autour
de lui » 121.

Abû Mutarrif rapporte : « J'ai vu le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬alors qu'il priait et que sa
poitrine faisait un bruit comme l'ébullition d'un pot d'eau parce qu'il pleurait » 122.

Quant aux femmes et aux enfants, ils faisaient la joie du Prophète (‫)ﷺ‬. Anas Ibn
Mâlik rapporte ainsi que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬vit des femmes et des enfants
revenir d'un mariage, il se leva alors avec vigueur et leur dit : « Par Allâh, vous êtes
parmi ceux que j'aime le plus » 123.

Anas Ibn Mâlik rapporte aussi que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « 3 choses
de ce bas-monde me furent rendues dignes d'amour : les femmes, le parfum et la

117 Rapporté par différents rapporteurs parfois avec quelques petites variantes, comme
At-Tabarânî, par Al-Muttaqî’ dans Kanz al-Ummal n°29004.
118 Rapporté notamment par Ibn Mâjah dans ses Sunân, Kitâb man ballagha ‘ilman, n°243-

250.
119 Rapporté notamment par Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh n°1741.
120 Rapporté par Tabarî, Tamâm, ‘Adî dans ses Fawâ’îd : Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr as-

sa’âda qui le juge Sahîh, Ibn al Wazîr aussi Sahîh ou Hassan, l’imâm Ahmad le juge Sahîh
ainsi qu’Ibn ‘Abd al-Barr, rapporté aussi par al-Bayhaqî dans Sunân al Kubrâ’.
121 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°976.

122Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°904.


123Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°5180. Son amour désignait à la fois les
femmes et les enfants, et les Ansârs.
89
prière, laquelle fut la « fraîcheur de mes yeux » » 124. Ainsi, la vie spirituelle (la
prière), la compagnie terrestre dans la chasteté et la décence (aux côtés des
femmes), et la propreté ainsi que l’hygiène, étaient des choses qu’il aimait
profondément. Quiconque déteste ou méprise ainsi la prière, les femmes ou la
propreté, est éloigné de la voie du Prophète (‫)ﷺ‬.

Devenue veuve, Umm Salama était mère de 4 orphelins. Le Prophète


(‫)ﷺ‬demanda sa main en mariage, elle s'excusa en lui disant : « Je suis âgée, je suis
la mère d'orphelins et je suis jalouse ». Ce à quoi le Prophète lui répondit : « Pour ce
qui est de la jalousie, Allâh le Très-Haut la fera disparaitre. Pour ce qui est de l'âge,
je suis atteint (par la vieillesse) comme toi. Pour ce qui est des enfants, tes enfants
sont mes enfants » » 125.

Relatons aussi une anecdote relative à son cousin Ja’far Ibn Abû Tâlib qu’il aimait
beaucoup. En l’an 7 de l’hégire, Ja`far et sa famille quittèrent l’Abyssinie avec un
groupe de Musulmans et partirent pour Médine. Lorsqu’ils arrivèrent à
destination, le Prophète (‫ )ﷺ‬revenait de la victorieuse conquête de Khaybar,
expédition menée contre une tribu qui avait trahi un pacte et qui voulait
exterminer les musulmans. Il était tellement heureux de retrouver Ja`far qu’il dit :
« je ne sais ce qui me rend le plus heureux, la conquête de Khaybar ou la venue de
Ja`far ». Les musulmans, d’une manière générale, et plus spécialement les pauvres
parmi eux, étaient aussi heureux du retour de Ja`far que ne l’était le Prophète (‫)ﷺ‬.
Ja`far devint très vite connu comme se souciant du bien-être des pauvres et des
démunis. Il fut d’ailleurs surnommé « le Père des Pauvres ». Abû Hurayra disait de
lui : « Le meilleur des hommes envers nous autres nécessiteux était Ja`far. Il passait
devant nous en rentrant chez lui, et nous donnait ce qu’il avait comme nourriture. Et
s’il n’avait plus de nourriture, alors il nous envoyait un pot contenant du beurre et
rien d’autre. Nous l’ouvrions et en léchions le fond, jusqu’à le rendre propre ».

Le séjour de Ja`far à Médine ne fut pas long. Au début de la 8ème année de l’Hégire,
le Prophète mobilisa une armée pour affronter les forces Byzantines en Syrie, car
un de ses émissaires, envoyé en paix, fut lâchement tué par un gouverneur
Byzantin. Il nomma Zayd Ibn Haritha commandant en chef de cette armée, et
donna les instructions suivantes : « Si Zayd est blessé ou tué, le commandement
reviendra à Ja`far. Si Ja`far est blessé ou tué, alors votre commandant sera `Abdzllâh

124 Rapporté par Al-Hâkim dans son Al-Mustadrak n°2676.


125 Rapporté par Ahmad dans son Musnad, par Ibn Majâh, At-Tirmidhî et An-Nasâ'î dans leur

Sunân. Rapporté aussi par AbdulWahid Hamid dans Companions of the Prophet, éd. MELS,
Vol. 1, 1998, p. 138.
90
Ibn Rawâhah. Si `Abd Allâh est tué, il appartiendra alors aux musulmans de choisir
leur commandant ».

Jamais auparavant le Prophète (‫ )ﷺ‬n’avait donné de telles instructions à une


armée, et les musulmans prirent cela comme le signe d’une bataille acharnée, et
qu’ils pourraient même subir de lourdes pertes. Lorsque l’armée musulmane
parvint à Mutah, un petit village dans les collines de Jordanie, ils découvrirent que
les Byzantins avaient rassemblé 100 000 hommes auxquels s’ajouta un nombre
formidable d’Arabes chrétiens venus leur prêter main forte. Ces hommes venaient
des tribus de Lakhm, Judham, Qudâ`ah et d’autres encore. L’armée Musulmane elle,
ne comptait que 3000 hommes. Contre toute attente, les forces Musulmanes
engagèrent la bataille. Zayd Ibn Haritha ,le compagnon bien-aimé du Prophète (‫)ﷺ‬
fut parmi les premiers à tomber. Ja`far Ibn Abî Tâlib lui succéda aux commandes.
Enfourchant son cheval dont la robe était d’un roux flamboyant, il s’infiltra dans
les rangs Byzantins. Il éperonna son cheval et s’écria : « Comme le Paradis est
merveilleux lorsque l’on s’en rapproche ! Comme ses breuvages sont délicieux et
désaltérants ! Le châtiment envers les Byzantins est tout près ! ». Ja`far continua à se
battre héroïquement et finit par être tué. Le troisième à prendre les commandes,
`Abdallâh Ibn Rawâhah, fut tué à son tour. C’est alors que Khâlid Ibn Al-Walîd, le
combattant intrépide qui avait embrassé l’Islâm depuis peu, fut choisi pour
commander les troupes. Il ordonna un repli tactique, redéploya les Musulmans et
lança l’offensive de plusieurs directions. Finalement. Le gros des forces Byzantines
s’enfuit dans la confusion. C’est à Médine que le Prophète (‫ )ﷺ‬apprit la mort de ses
3 commandants. Il en ressentit une douleur et chagrin profond. Il se rendit à la
demeure de Ja`far et rencontra Asmâ Bint ‘Umays 126, son épouse. Elle se préparait

126 Elle fut tout d’abord l’épouse de Jâ'far Ibn Abî Tâlib (le cousin du Prophète et frère de
l'imâm 'Alî), puis quand il mourut, de Abû Bakr (fidèle soutien et beau-père du Prophète) et
quand ce dernier mourut, elle épousa l'imâm 'Alî (cousin, gendre et héritier spirituel du
Prophète). Elle eut Muhammad ibn Jâ'far et Muhammad Ibn Abî Bakr comme fils avec ses 2
premiers maris. Une tradition relate une petite querelle qui éclata entre Muhammad ibn
Jâ'far et Muhammad ibn Abi Bakr, chacun se vantant que son propre père avait été meilleur.
L’imâm ‘Alî a dit à Asmâ de régler la querelle. Elle a dit à ses 2 fils : « « Jâ'far était le meilleur
jeune arabe, et Abû Bakr était le meilleur arabe « âgé ». ‘Alî a dit : « C'est une bonne réponse.
Mais tu n'as rien dit de moi ! ». Asmâ a répondu : « Des 3, tu es le moins à choisir » »
(Muhammad ibn Sa'd dans ses Tabaqat al-Kabir, Vol. 8, voir aussi A. Bewley, The Women of
Madina, éd. London Ta-Ha Publishers, 1995, pp.198-199).
Ibn Jarîr at-Tabarî dans son Târîkh al-Rusûl wa'l-Mulûk indique qu'elle avait rapporté
plusieurs ahadiths du Prophète. Quelle noble femme ! Qu'Allâh lui fasse Miséricorde ainsi
qu'à ses enfants et à ceux qu'elle aimait.
91
pour le retour de son mari. Elle avait préparé du pain, avait lavé et habillé les
enfants. Asmâ raconta : « Lorsque le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬s’approcha de chez nous,
je vis son noble visage endeuillé par un voile de tristesse. Je devins inquiète. Mais je
n’osai pas l’interroger au sujet de Ja`far — qu’Allâh l’agrée — de peur d’apprendre
des nouvelles déplaisantes. Il nous salua et demanda : « Où sont les enfants de Ja`far
? ». Je les appelai et ils vinrent l’entourer joyeusement, le sollicitant de toute part. Il
se pencha et les enlaça, cependant que des larmes débordaient de ses yeux. « Ô
messager d’Allâh » demandais-je, « Pourquoi pleures-tu ? As-tu appris quelque chose
à propos de Ja`far et ses 2 compagnons ? ». « Oui », répondit-il. « Ce sont des martyres,
à présent ». Les sourires et rires s’effacèrent des visages des petits enfants lorsqu’ils
entendirent leur mère pleurer et gémir. Des femmes se rassemblèrent autour d’Asmâ.
« Ô Asmâ » dit le Prophète, « Ne dis rien de blâmable et ne frappe pas ta poitrine ».
Ensuite il pria Allâh de protéger la famille de Ja`far — qu’Allâh l’agrée — et de lui
accorder la subsistance, et leur assura qu’il avait atteint le Paradis. Le Prophète (‫)ﷺ‬
quitta la maison d’Asmâ et se rendit chez sa fille Fâtimah — qu’Allâh l’agrée — qui
pleurait également. Il lui dit : « Pour ce qui est de Ja`far — qu’Allâh l’agrée —, tu peux
pleurer jusqu’à la mort. Prépare donc à manger pour sa famille, car aujourd’hui ils
sont accablés par le chagrin » 127.

Ainsi, lorsque ses proches étaient éprouvés, il s’en inquiétait, pensait à eux, leur
offrait son soutien ou des biens, était attristé, et invoquait Allâh pour eux.

Nombreux sont les Saint(e)s, les hommes et les femmes de vertu à être
éprouvés, mais ils ne doivent pas oublier que le Prophète Muhammad ‫ﷺ‬, fut
l’homme qui vécut les pires tragédies au monde tout au long de son séjour
terrestre. Les récits concernant la vie des prophètes sont édifiants, car ils ne sont
pas de simples instruments et supports passifs du Divin ici-bas, mais ils ont
intériorisé Sa Parole et Ses enseignements, et les ont appliqués dans leur vie de
chaque instant, notamment à travers les dures épreuves qui étaient les leurs. Ne
dit-on pas que l'on reconnait la sincérité et la bonté des gens à travers leur façon
de se comporter face aux pénibles épreuves qu'ils endurent ?

127 Abdul Wâhid Hâmid, Companions of The Prophet, éd. MELS, 1995, vol. 1 concernant Ja'far

Ibn Abû Tâlib ; "Ja`far Ibn Abî Tâlib", islamophile, 23 mars 2002 :
http://www.islamophile.org/spip/Ja-far-Ibn-Abi-Talib.html

92
Le Prophète Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Ô vous les gens ! Que tout croyant éprouvé se
console avec les malheurs que j'ai subis. Car personne après moi ne sera atteint par
des malheurs semblables aux miens » 128.

Lors de l’année du deuil où il perdit plusieurs personnes chères à son cœur, il dit :
« Ô Allâh ! Je me plains à Toi de ma faiblesse, de mon manque de moyens et du mépris
des gens à mon égard. Tu es le Seigneur des faibles et Tu es mon Seigneur. À qui me
confies-Tu ? À un étranger qui se montre sévère envers moi ? Ou à un ennemi à qui
Tu as donné le dessus sur moi ? Peu importe tant que Tu n'es pas en colère contre
moi. Mais je serais plus heureux en obtenant le salut de Ta part. Je cherche refuge
auprès de la lumière de Ta Face, qui dissipe toute obscurité et qui régit cette vie et la
vie future, contre le fait d'encourir Ta colère ou d'être l'objet de Ton courroux » 129.

Il a été éprouvé par la maladie, la sorcellerie, les insultes, les agressions


physiques, les complots et tentatives de meurtre, les calomnies, l'atteinte à
l'honneur de ses épouses et de ses proches, la perte de sa femme bien-aimée, de
plusieurs de ses enfants, de ses oncles, de ses parents, il n'a jamais connu son père,
il devint orphelin très jeune. Il a été amené à gérer tout un état, à éduquer tout un
peuple, à faire face à des nations ennemies, etc. Il a été approché par des gens qui
voulaient le corrompre politiquement par la convoitise des richesses et de la gloire
mais il refusa de troquer la vérité et son sens de la justice contre tout cela. Il a été
boycotté, chassé et expulsé de sa terre natale pour son appel à la Vérité, son refus
de l'idolâtrie et des injustices. Qui peut se comparer à lui, le sayyîd des envoyés et
de l'humanité ?

Plus que quiconque, il a été éprouvé par les pires souffrances, mais cela ne l’a
jamais détourné de la confiance qu’il portait en Allâh, ni ne l’a dévié de la droiture,
de la justice, de la bienfaisance, de la modestie et de la spiritualité qui le
caractérisaient tant. Voilà pourquoi il est le Prophète de l’universalité, envoyé à
toute l’Humanité, car il a vécu la pauvreté, la calomnie, le rejet, la solitude, la
souffrance, l’agression sur sa personne, la maladie et d’autres « calamités ». Il a
donc expérimenté, - et enduré à lui seul - toutes les douleurs frappant l’Humanité
ici-bas, mais pour mieux en faire ressortir la sagesse, l’humilité, la justice, la
compassion, la bonté, l’équité, l’endurance, la patience et la confiance en l’Eternel.

128 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1599.


129 Rapporté par Al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh et par Ibn Abi Shayba, d'après
'AbdAllah Ibn Mas'ûd qui relate tout le contexte relatif à la prédication du Prophète envers
les gens de Tâ'îf.
93
Le métaphysicien, islamologue, scientifique et historien iranien Seyyed Hossein
Nasr relate dans son livre : « Le prophète participa réellement et pleinement à la vie
sociale. Il se maria, eut une maison, des serviteurs, il fût aussi gouverneur et juge et
il dût livrer un grand nombre de guerres qui furent pour lui de douloureuses
épreuves. Il lui fallut souffrir des tourments sans nombre et subir toutes les difficultés
inhérentes à l'existence humaine et, en particulier, celles qu'implique le rôle de
fondateur d'un nouvel état et d'une nouvelle société.

Au sein de toutes activités, son coeur, cependant, reposait dans la plénitude du Divin
et il se maintenait intérieurement dans la paix de Dieu. En fait, s'il participa à la vie
politique et à la vie sociale, ce fût précisément en vue d'intégrer ces deux domaines
de l'activité humaine au centre spirituel.

Le Prophète ne nourrissait aucune sorte d'ambition politique ou mondaine. Il était,


par nature, un contemplatif. Avant d'avoir été choisi comme prophète, il n'aimait pas
participer aux réunions et aux activités sociales. Il conduisait une caravane, de la
Mecque à la Syrie, à travers le majestueux silence du désert dont « l’infinité » même
porte l'homme à la contemplation.

Il passait souvent de longues périodes de solitude et de méditation dans la caverne


de Hirâ. Il ne croyait pas être, par nature, un homme « du monde » et il ne se sentait
pas enclin, bien qu'il appartînt à une famille de la plus haute noblesse, à briguer le
pouvoir politique parmi les Quraysh, non plus qu'une quelconque éminente position
dans la société mecquoise. Il lui fut réellement très pénible et très difficile d'accepter
le fardeau de la prophétie, lequel n'impliquait pas seulement la fondation d'une
nouvelle religion mais aussi la création d'un nouvel ordre social et politique. Les
sources traditionnelles, qui sont seules valables ici, attendent unanimement que le
fait d'avoir été choisi pour prendre part, d'une manière si intense, à la vie active fit
endurer au Prophète une grande souffrance. Les études récentes sur sa vie, qui le
dépeignent comme un homme aimant livrer bataille, sont tout à fait inexactes et
manifestement en opposition avec sa véritable personnalité. Aussitôt après avoir
reçu la première de ses révélations, il confia à sa femme Khadîja combien il lui était
difficile d'accepter le fardeau de la prophétie et quelle frayeur suscitait en lui tout ce
qu'impliquait une pareille mission.

Les mariages du Prophète non plus ne sont pas du tout les signes d'une complaisance
vis-à-vis de la chair. Pendant sa jeunesse, temps où les passions sont les plus fortes, il
vécut avec une seule femme qui était beaucoup plus âgée que lui et il supporta aussi
de longues périodes d'abstinence. Devenu prophète, ses mariages furent, pour la
plupart, des mariages politiques contractés en vue de consolider dans la structure
94
sociale prévalant en Arabie, l'existence de la communauté musulmane récemment
fondée. Pour lui, la polygamie – et il en est ainsi pour l'islam en général – ne
représentait pas tant un plaisir qu'une responsabilité et un moyen propre à réaliser
l'intégration de la société nouvellement fondée. Le problème sexuel dans son
ensemble est d'ailleurs envisagé en islam sous un autre angle que dans le
christianisme et l'on ne saurait le juger selon les mêmes normes. Les nombreux
mariages du Prophète, loin de manifester de sa part une faiblesse envers la « chair »,
symbolisent sa nature patriarcale et sa fonction, qui ne sont pas celles d'un saint
retiré du monde mais celles d’un homme qui sanctifie la vie même du monde en la
vivant et en l'acceptant dans le but de l'intégrer à un ordre de réalité plus élevé.

Les auteurs occidentaux modernes ont souvent accusé le Prophète d'avoir été cruel
et d'avoir traité durement les hommes. Cette accusation est sans fondement elle aussi,
parce que ceux qui font de telles critiques oublient qu'une religion, soit laisse le
monde à part comme le fit le Christ, soit intègre le monde et que, dans ce cas, elle doit
obligatoirement prendre en considération des problèmes comme la guerre, le
châtiment, la justice, etc. Lorsque Charlemagne, où quelqu'autre roi chrétien, perçait
d'un coup d'épée la poitrine d'un soldat païen, il était, en tant qu'individu, cruel
envers ce soldat mais, sur le plan universel, cet acte était une nécessité pour que soit
préservée, la civilisation chrétienne qui devait défendre ses frontières ou disparaître.
Il en est de même pour un chef ou roi bouddhiste, comme aussi pour toute autorité
religieuse qui s'efforce d'intégrer la société humaine.

Le Prophète manifestait la plus grande bonté et ne se montrait rude qu'envers les


traîtres. Car celui qui trahit une communauté religieuse nouvellement fondée, voulue
par Dieu et dont l'existence est un don du ciel à l'humanité, trahit la vérité elle-même.
La sévérité du Prophète en pareils cas était l'expression de la Justice divine. On ne
peut accuser Dieu d'être cruel parce que les hommes meurent ou que la maladie et la
laideur existent dans le monde. Toute construction implique une destruction
préalable, un défrichement du terrain, pour qu'une forme nouvelle apparaisse. Et
cela est vrai non seulement dans le cas d'une construction matérielle, mais aussi des
celui d'une nouvelle révélation qui se doit de faire place nette pour préparer
l'édification d'un ordre nouveau, politique et social, autant que purement religieux.
Ce qui, aux yeux de certains, apparaît comme la cruauté du Prophète envers les
hommes est précisément l'aspect de sa fonction qui fit de lui l'instrument de Dieu en
vue de l'établissement d'un ordre nouveau dans le monde. L'Arabie, foyer de ce nouvel
ordre, devait être purifiée de tout paganisme et de tout polythéisme qui, s'ils avaient
subsisté, auraient pollué la source même de cette nouvelle fontaine de vie. Mais
lorsque sa propre personne était concernée, le Prophète était toujours là
personnification plénière de la bonté et de la générosité.

95
Il n'est point de meilleur exemple de la noblesse et de la générosité du Prophète que
son triomphe à la Mecque, événement qui, en un sens, illumine sa carrière terrestre.
Là, au moment où tombait à sa merci le peuple qui lui avait fait subir des tourments
et des épreuves indicibles, le Prophète, au lieu de songer à en tirer vengeance – ce qui
eût certes été son droit – lui pardonna. Il faut avoir étudié en détail les obstacles à
peine imaginables que ce peuple dressa devant le Prophète et l'immense souffrance
qu'il lui fit endurer pour mesurer toute la générosité de son acte. Bien qu'il ne soit
pas dans notre propos de faire ici un récit apologétique de la vie du Prophète, il nous
faut cependant répondre sur ce point aux accusations fausses, et souvent
malveillantes, que l'on porte contre le fondateur de l'islam dans un grand nombre
d'ouvrages modernes, accusations qui mettent quasiment ceux qui y ajoutent foi dans
l'impossibilité de comprendre le Prophète » 130.

Faire face à tant d’idolâtrie, d’ignorance, de cruauté, d’injustices, de racisme, de


misogynie, de superstitions, de tribalisme, d’esclavagisme, de criminalité et de
corruption, ne fut guère chose aisée, et certains actes prophétiques (parmi ce qui
est authentique) qualifiés de « durs » ou de « sévères » sont à resituer dans ce
contexte, où même si la douceur était la règle générale dans l’attitude prophétique,
il ne pouvait guère rester silencieux ou passif face à la tyrannie, à la cruauté et aux
persécutions qui visaient des innocents ainsi que des fidèles de sa communauté.
Certains criminels ne comprennent pas le langage de la diplomatie et de la
bienveillance, - ce que le Prophète (‫ )ﷺ‬privilégiait toujours même en cas de guerre
puisqu’il dit : « Ne souhaitez pas la confrontation avec l'ennemi et demandez à Allah
la paix (et le salut) et si vous tombez face à l'ennemi, alors soyez patients ! Et sachez
que le Paradis est sous l’ombre des sabres » 131 -, ce que confirme aussi le Qur’ân : «
Et s'ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance
en Allâh, car c'est Lui l'Audient, l'Omniscient. Et s'ils veulent te tromper, alors
Allâh te suffira. C'est Lui qui t'a soutenu par Son secours, ainsi que par
(l'assistance) des croyants » (Qur'ân 8, 61-62), mais lorsque le camp adverse
impose la guerre et refuse tout traité de paix, la justice exige de leur faire face et
de protéger les innocents et d’empêcher que la corruption se répande sur terre : «
Ceux qui ont mécru et obstrué le chemin d'Allâh, Il a rendu leurs oeuvres
vaines. Et ceux qui ont cru et accompli de bonnes oeuvres et ont cru en ce qui a
été descendu sur Muhammad - et c'est la vérité venant de leur Seigneur - Il leur
efface leurs méfaits et améliore leur condition. Il en est ainsi parce que ceux
qui ont mécru ont suivi le Faux et que ceux qui ont cru ont suivi la Vérité
émanant de leur Seigneur. C'est ainsi qu'Allâh propose leurs paraboles aux

130 Dr. Seyyed Hossein Nasr, Islam - perspectives et réalités, Préface de Titus Burckhardt,
éd. Tasnîm, 2019, pp. 104-107.
131 Hadith rapporté par Bukhari dans son Sahîh n°3025.

96
gens. Lorsque vous rencontrez (au combat) ceux qui ont mécru, frappez-en les
cous. Puis, quand vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite,
c'est soit la libération gratuite, soit la rançon, jusqu'à ce que la guerre dépose
ses fardeaux » (Qur'ân 47, 4). S’ils ne renoncent pas à déposer les armes après
avoir entamé la guerre, les croyants doivent redoubler d’efforts pour obtenir la
victoire : « Alors, ne faiblissez donc pas et ne sollicitez pas la paix alors que vous
êtes en position de supériorité et qu'Allâh est avec vous, et qu'Il ne vous
frustrera jamais [du mérite] de vos œuvres » (Qur'ân 47, 35). Mais l’objectif n’est
pas de les tuer, puisque le Qur’ân évoque la libération gratuite ou la rançon lorsque
la bataille (ou la guerre) se termine.

Allâh a dit : « Dis : « Ô négateurs ! Je n’adore pas ce que vous adorez, pas plus
que vous n’adorez ce que j’adore ! […] À vous votre religion, et à moi la mienne
! » (Qur’ân 109, 1-3 à 6).

Les principes généraux à ce sujet sont évoqués dans plusieurs versets, qui
instituent et entérinent la justice et la préférence accordée à la paix, et qui sont
parmi les derniers versets révélés concernant la guerre, datant de la fin de la
période médinoise, et devant donc prévaloir même pour les partisans de la thèse
de « l’abrogation » :

« Si donc ces gens-là se tiennent à l’écart, et au lieu de vous attaquer vous


offrent la paix, Allâh ne vous donne plus aucun droit de les inquiéter » (Qur’ân
4, 90).

« Il se peut qu’Allâh établisse de l’amitié entre vous et ceux d’entre eux dont
vous avez été les ennemis. Et Allâh est Omnipotent et Allâh est Pardonneur et
Très Miséricordieux. Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables
envers ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas
chassés de vos demeures. Car Allâh aime les équitables. Allâh vous défend
seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus pour la religion,
chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux qui les prennent
pour alliés sont les injustes » (Qur’ân 60, 7-9).

Plusieurs exégètes citent ce hadîth comme étant en lien avec ce verset, où la mère
d’Asmâ bint Abû Bakr qui était toujours non-musulmane en l’an 630 (soit environ
2 ans avant la mort du Prophète, à la fin de la période médinoise), sa mère (qui
vivait au milieu de gens faisant la guerre au Prophète, à Abû Bakr et à ses propres
enfants !) vint la voir à Médine. Asmâ, embarrassée, demanda conseil au Prophète
Muhammad ‫ ﷺ‬: « « Ô Messager d’Allâh, ma mère mécréante est venue me voir. Puis-
97
je la recevoir et entretenir des (bonnes) relations avec elle malgré sa mécréance ? ».
Ce à quoi le Prophète répondit : « Oui, sois bonne avec ta mère » ». Ibn ‘Uyayna a dit
: « Puis Allâh révéla « Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers
ceux qui ne vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos
demeures. Car Allâh aime les équitables » (Qur’ân 60, 8) » 132.

Que dire alors qu’il s’agissait non seulement d’une femme mécréante, vivant dans
le camp ennemi ayant mené une guerre injuste et impitoyable contre les
musulmans, ne s’en désavouant pas clairement, mais qui ne levait pas les armes
elle-même contre les musulmans ? Le Prophète (‫ )ﷺ‬dit à Asmâ de maintenir de
bons rapports avec elle (pas d’insulte, pas d’agression, pas de meurtre, pas de
tromperie, pas de vol), d’être respectueuse et bienfaisante avec sa mère. N’est-ce
pas là le summum de la justice et de la bonté ?

Quant aux objectifs de la Loi divine (Sharî’ah), l'imâm al-'Izz ad-Din ibn `abd as-
Salâm a dit dans son Shajarat al-ma'arif wa al-ahwal wa salih al-aqwal wa al-a'mal
(p.401) : « Sache qu’Allâh, exalté soit-Il, n’a établi des lois que pour servir un intérêt
précis dans cette vie ou dans la vie dernière, ou présentement et à l’avenir, afin de
combler Ses serviteurs de Sa grâce (...). C’est un signe de bonté, de compassion, de
commodité et de sagesse qu’Allâh n’ait pas chargé Ses serviteurs de tâches pénibles
et inutiles dans cette vie ou dans l’autre, et qu’Il les ait appelés à se rapprocher de Lui
par la piété et l’accomplissement des bonnes œuvres. Car l’intérêt des gens en ce
monde-ci se voit dans tout ce qui leur est utile, et leur procure bien-être, bonheur et
confort, et en parallèle, dans tout ce qui les aide à éviter les maux et les dommages,
de même qu’à repousser les préjudices, aussi bien en ce bas-monde que dans la vie
dernière ».

L'imâm Abû Hâmid Al Ghazâlî, - La Preuve de l’Islam - a dit dans son Mishkat Al-
Anwar (Chapitre 3) à propos des catégories des hommes parmi les égarés : « Il
s'agit de ceux qui sont « voilés » par les seules ténèbres. Ce sont les négateurs
(mulhida), « qui ne croient pas en Allâh et au Dernier jour (Qur'ân 9, 45) ». Ce sont
également ceux « qui ont préféré la vie d'ici-bas à la vie future (Qur'ân 16, 107) »,
parce qu'ils n'y croient absolument pas. Ils sont donc de deux sortes :

132 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°5978, voir aussi n°2624, par Muslim dans son

Sahîh, par An-Nawawî dans Riyâd as-Salihin n°325.

98
Il y a ceux qui ont désiré trouver quelle était la cause de ce monde, et qui l'ont
attribuée à la Nature. Mais la « nature » (tab') est un attribut fixé dans les corps et
qui leur est inhérent ; et elle est obscure, car elle ne possède ni connaissance, ni
perception, ni conscience d'elle-même ou de ce qui émane d'elle-même, ni lumière
visible physiquement non plus.

Il y a ensuite ceux qui ne se sont souciés que d'eux-mêmes, sans se préoccuper par
ailleurs de rechercher la cause de l'univers, mais qui au contraire ont vécu comme
des bêtes. Leur voile est leur propre âme, qui est trouble, et leurs appétits, qui sont
ténébreux. Et il n'y a pas d'obscurité plus épaisse que celle de la passion (hawâ) et du
« moi » (nafs ; ego). C'est pourquoi Allâh a dit : « As-tu donc vu celui qui a fait de sa
passion sa (fausse) divinité ? » (Qur'ân 45, 23). De même, l'Envoyé d’Allâh a dit que :
« La passion est la plus détestable des idoles adorées sur la terre ». Ce genre
d'hommes peut être à son tour divisé en plusieurs groupes :

Le groupe de ceux qui prétendent que le but à atteindre ici-bas est d'accomplir ses
désirs, de satisfaire ses appétits, et de se délecter des plaisirs bestiaux du sexe et de la
table, et de [s'adonner aux vaines joies de] la parure. Ils sont les serviteurs du plaisir,
c'est lui qu'ils adorent, c'est lui l'objet de leur recherche, et leur foi est que l'obtenir
est la béatitude suprême. Il leur plaît de se ravaler au rang des bêtes, et même plus
bas encore. Y'a-t-il obscurité plus épaisse ? Ces hommes sont véritablement voilés par
les seules ténèbres !

Un autre groupe estime que le summum du bonheur consiste à vaincre, conquérir


et tuer, ou attaquer à l'improviste, emmener des captives et faire des prisonniers.
Telle était la conviction des Arabes bédouins [du paganisme] ; elle est celle aussi des
peuplades kurdes 133 et d'un grand nombre de fous furieux. Ils sont voilés par les
ténèbres des tendances naturelles à la férocité, qui les dominent et qui, lorsqu'elles
atteignent leurs fins, leur procurent les plus grandes voluptés. Ces hommes-là sont
contents d'être au niveau des animaux féroces, et même plus bas encore.

133 Il est question ici des kurdes non-islamisés qui ont souvent été violents, même encore

aux 19-20e siècles contre les Arméniens (qui leurs étaient aussi très hostiles et violents). On
le voit encore aujourd'hui chez les kurdes marxistes qui maltraitent et humilient leurs
opposants et les autres peuples en Syrie et en Irak, - aussi bien musulmans que chrétiens -,
ainsi que les Arabes, les Assyriens, les Turkmènes et même les Kurdes musulmans. Quant
aux Kurdes sincèrement musulmans, tout au long de l'histoire islamique, ils ont donné de
brillants savants, de grands chefs politiques, de bons logiciens, de grands maîtres spirituels
et des poètes à la plume élégante.
99
Un troisième groupe pense que la plus grande félicité réside dans la richesse et la
prospérité, parce que la fortune est l'instrument qui permet de satisfaire tous les
appétits et qu'elle donne à l'homme le pouvoir de réaliser ses désirs. Leur seule
préoccupation est d'amasser des biens, d'accumuler les domaines, les propriétés, les
chevaux de race, les troupeaux, les exploitations agricoles, et d'enfouir leurs pièces
d'or sous la terre ! On en voit qui passe toute leur vie à affronter les périls des déserts,
des expéditions lointaines et des voyages en mer, pour entasser des richesses qu'ils
gardent jalousement sans en profiter ni en faire profiter les autres ! C'est eux que vise
la parole du Prophète : « Malheureux esclave de l'argent ! Malheureux esclave des
pièces d'or ! ». Y'a-t-il pire obscurité que cette duperie dont l'homme est victime ?
Alors que l'or et l'argent ne sont que deux « pierres » » 134 sans intérêt en elles-mêmes,
et qui, s'ils ne servent pas à s'acquitter des besoins matériels et s'ils ne sont pas
dépensés, peuvent être échangés avec des cailloux ! ».

On voit donc ici que les extrémistes qui pensent à piller, tuer des gens, mépriser
les autres, réduire des femmes en esclavage sans nécessité, etc., sans aucun but
spirituel ni bon comportement, sont ceux qui imitent les pratiques de ceux qui
n'ont pas de spiritualité parmi les non-musulmans, or, quiconque imite un peuple
dans ce qui n'est pas noble, utile et qui contredit les principes islamiques et ses
finalités, en fait partie en quelque sorte, et commet donc a minima une chose illicite
selon le hadîth : « Celui qui imite un peuple en fait partie » 135. Ainsi, pour distinguer
le bon musulman du mauvais c’est assez simple, cela se fait par le critère du bon
comportement et des nobles caractères, et non pas par les aspects physiques ou
vestimentaires, par les slogans (trompeurs) ou même par le nombre de prières
qu’ils accomplissent. Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Rien ne pèse plus lourd
sur la balance (ainsi que pour le Jour du Jugement) que le bon comportement (et les
nobles caractères » 136. Les extrémistes, que l’on appelle généralement les
« khawarij » ou les « kharijites », ont souvent été une source de troubles pour le
monde musulman et ont salit l’Islam, - ce qui n’excuse pas les campagnes de
diabolisation et les massacres de grande ampleur commis par des nations non-
musulmanes -.

Ibn Taymiyya a dit dans Majmû al fatawâ (20/164) : « Il ne revient à personne


d’imposer à la Ummah (communauté islamique) un homme et d’appeler à son
chemin et d’allier et se désavouer en fonction de cette personne sauf s’il s’agit du
Prophète. Et il n’est pas permis d’imposer une parole et de s’allier et se désavouer sur

134 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh au Livre du Jihâd n°70.
135 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4031 selon Ibn 'Umar avec une chaîne
authentique.
136 Rapporté par Al-Bukharî dans Al-Adab Al-Mufrad n°270 selon Abû Ad-Dardâ’.

100
cette parole sauf s’il s’agit de la parole d’Allâh et de Son Messager ou du consensus
de la communauté. Plutôt, ceci fait partie des actes des gens d’innovations
(blâmables) qui élèvent une personne ou une parole et divisent la communauté
(musulmane) en s’alliant sur cette parole et en se désavouant en fonction de cette
alliance ».

Tous les savants dignes de ce nom sont unanimes sur ce principe, bien que tous
ne n'y soient pas conformés à chaque fois. Et l’une des caractéristiques des
Khawarij, est qu’ils désavouent les musulmans s’ils ne partagent pas leur adhésion
à la parole de leur référence humaine (qui n’est pas un Prophète).

Nous lisons dans plusieurs ahadiths, des descriptions de ces personnes, aux
mentalités sectaires et violentes, malgré leurs prétentions de se rattacher à
l’islam :

« Viendra de ma communauté (ou il adviendra de ma communauté) des gens qui


lisent le Qur’ân. Il ne dépassera pas leurs gosiers, ils sortiront de la religion comme le
ferait la flèche de sa cible, et ils n’y reviendront jamais. Ce seront les pires de ce
qu’Allâh a créé, les pires créatures » 137.

C’est-à-dire qu’ils liront ou réciteront le Qur’ân, mais en méditant pas


profondément et humblement le Qur’ân, en agissant de façon contraire à ses
enseignements et aux qualités morales que le musulman doit incarner et
manifester, telles que la justice, l’humilité, la générosité, la bonté, l’équité, l’amour
du bien, la bienfaisance, etc. qui sont mentionnées dans le Qur’ân. Leurs actions
contredisent le Qur’ân et la tradition prophétique authentique, ils finissent par
salir l’islam, combattre les musulmans et repousser les non-musulmans ou les
musulmans pêcheurs, de la lumière de l’islam et du Droit Chemin.

« Il y aura une divergence dans ma communauté, et une désunion. Des gens qui
parlent bien, aux actes mauvais, ils lisent/récitent le Qur’ân et il ne dépassera pas
leurs gosiers. Ils sortiront de la religion comme la flèche sort de la cible, ils n’y
retourneront jamais. Ils seront les pires qu’Allâh a créé et les pires créatures,
bienheureux est celui qui les tue et le tuent (au combat), ils appellent au Livre d’Allâh
alors qu’ils n’y ont aucun lien [relation saine], celui qui les combat est plus digne de
lui (le Livre d’Allâh) » 138. En effet, comme beaucoup d’extrémistes à notre époque,
certains utilisent de beaux slogans, des appels à la Vérité et à la Justice, à faire le

137 Rapporté par Muslim dans son Sahîh, n°1067.


138 Rapporté par Abû Dawûd, dans ses Sunân n°4765.
101
Bien et d’autres discours du même genre, mais dans les faits, leur compréhension
est médiocre et ils cautionnent de nombreuses injustices et des actes mauvais.

« Celui qui rompt l’allégeance, et quitte l’assemblée (des musulmans) et meure, sa


mort sera une mort de Jahiliyya (époque pré-islamique, d’ignorance). Et celui qui
combat sous une bannière folle, qui se met en colère par partisanat, ou appelle au
partisanat (sectarisme), ou pour faire triompher le partisanat (sectarisme) et est tué,
il mourra dans la Jahilya (mécréance). Et celui qui se rebelle contre ma communauté,
et frappe sans égard ses bons comme ses mauvais, sans considération pour ses
croyants, et ceux qui sont sous leur protection [c’est-à-dire les non-musulmans parmi
les dhimmis, les ressortissants ou tous ceux qui ont un pacte ou un accord avec des
musulmans, qu’ils soient dirigeants, paysans, savants, commerçants, hommes ou
femmes], celui-là n’est pas de moi, ni moi de lui (il sera renié par le Prophète) » 139.

« Viendra à la fin du temps des jeunes gens [jeunes sots], aux ambitions sottes, ils
parlent de la meilleure des façons (belles paroles), (mais) sortiront de l’Islam comme
la flèche sort de sa cible, leur foi ne dépassera pas leurs gosiers, là où vous les trouvez,
leur mort sera rétribué le Jour de la Résurrection » 140.

« Savez-vous qui est en faillite (perdu) ? Ils ont dit : « Celui qui n'a ni argent ni biens
est en faillite ». Le Prophète a dit : « En vérité, les « gens en faillite » de ma nation
sont ceux qui viennent le Jour de la Résurrection avec des prières, le jeûne et la zakât,
mais aussi avec des insultes à untel, des calomnies sur untel, consommant
(injustement) des biens d’untel, versant (injustement) le sang d’untel et frappant
(maltraitant) untel. On répartit ses bonnes actions entre ses victimes et, si elles ne
suffisent pas à le racheter auprès d'elles, on prélèvera de leurs péchés pour les lui
imputer et le jeter ensuite dans le Feu (de l’enfer) » 141.

« Il apparaitra aux derniers jours des hommes qui vendront leur religion pour ce
monde, qui se vêtiront pour les autres de douces peaux de mouton, et dont les langues
seront plus douces que le sucre, mais dont les cœurs seront des cœurs de loups. Allâh
dira : « Sont-ils illusionnés en ce qui Me concerne, ou sont-ils insolents avec Moi ? Je

139 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1848.


140 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3611 et par Muslim dans son Sahîh n°1066.
141 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2581 selon Abû Hurayra.

102
jure par Moi-même que Je leur enverrai une épreuve qui les laissera (en leur sein)
dépourvu d’intelligence » » 142.

« Il viendra aux derniers jours des personnes aux visages humains, mais aux cœurs
de démons, comme des loups affamés (se jetant sur leur proie), sans compassion
(d’aucune sorte). Ils verseront le sang et ne reculeront devant aucune infamie. Si vous
les suivez, ils vous tromperont, et si vous vous cachez d’eux, ils médiront sur vous.
Quand ils vous parleront, ils vous mentiront, et si vous leur faites confiance, ils vous
trahiront. Leurs enfants seront déchaînés, leurs jeunes seront violents, et leurs aînés
n’ordonneront plus le bien, ni n’interdiront le mal. Rechercher l’élévation par leur
biais ne sera (et n’apportera) qu’abaissement, et désirer ce qu’ils possèdent ne sera
que pauvreté (de l’âme). Les intelligents (qui les côtoient) seront (considérés comme)
des égarés, celui qui ordonnera le bien sera suspect (aux yeux des sots et des égarés),
le croyant parmi eux sera considéré comme faible, tandis que le corrompu (égaré)
sera honoré (en leur sein). La Sunnah chez eux sera considérée comme une bid’a
(innovation blâmable), et c’est la bid’a (innovation blâmable et l’hérésie) qui sera
considérée (par eux) comme étant la Tradition (Sunnah) à suivre. Et les pires parmi
eux seront déchaînés contre eux, et à ce moment-là, quand les meilleurs (c’est-à-dire
les moins pires parmi eux) prieront, ils ne seront pas exaucés (sauf par pure
Miséricorde divine) » 143.

Ces « humains au cœur de démon », désignent selon les cas, les khawarij et tous
les adeptes de la haine, de la débauche, de l’oppression et de l’infamie, qu’ils soient
des khawarij, des sécularistes ou des « réformistes ».

De même, ce célèbre hadîth est une mise en garde explicite contre toutes sortes
d’injustice : « Craignez l'invocation prononcée par la victime d'une injustice, fût-elle
un mécréant, car aucune barrière ne l'empêche de parvenir à Allâh » 144.

L’imâm Ismâ’îl Ibn Kathîr (m. 773 H/1373) a dit dans son Al Bidâyah wa an
Nihâyah (10/584) au sujet des khawarîj : « Si les khawârij prennent encore le
pouvoir, ils corrompront toute la terre de l’Irâq et du Shâm. Ils n’épargneront ni le
garçon ni la fille, ni l’homme ni la femme, car selon leur doctrine, les gens sont entrés

142 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2404 selon Abû Hurayra et n°2405 selon
Ibn ‘Umar avec une variante ayant le même sens.
143 Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabîr n°11006 et dans Al-Mu’jam al-Awsat

n°6441.
144 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°12140.

103
dans un tel état de corruption qu’ils ne peuvent être réformés que par le meurtre de
masse ».

En effet, selon la Tradition prophétique : « Le musulman ne cesse d’être dans une


situation aisée en matière de religion tant qu’il ne s’est pas entaché les mains d’un
sang d’interdit » 145.

« Celui qui dit que les gens sont perdus est le plus perdu d’entre eux » 146.

Dans son Sharh du Sahîh Muslim, An-Nawawî commente ce hadîth en disant : «


Dans le hadith du Prophète – ‘alayhî salât wa salâm – : le verbe est rapporté avec
deux déclinaisons notoires, notamment la première qui donne à la parole
prophétique le sens suivant : « C’est celui qui dit que les gens ont péri qui est le plus
perdu d’entre eux ».

La deuxième déclinaison renvoie au sens suivant : « C’est celui qui dit que les gens ont
péri qui les a perdus », c’est-à-dire que c’est lui qui les considère comme ayant péri,
et non qu’ils aient vraiment péri. Les savants s’accordent pour dire que cette
réprobation s’applique à celui qui dit que les gens ont péri à titre d’outrecuidance, de
dédain, d’amour-propre et de dénigrement des gens, car il ignore le Secret Divin à
l’égard de la créature ».

Le Prophète (‫ )ﷺ‬prédit donc l’apparition de mouvements sectaires dans le


monde musulman, desquels le musulman doit se désolidariser, – sans pour autant
tomber dans l’autre extrême en soutenant des causes injustes ou sectaires -.
Attention aussi aux calomnies lancées par des ignorants, des sectaires et des
défenseurs malhonnêtes de régimes injustes et tyranniques qui traitent tous leurs
opposants de « terroristes » ou de « kharijites » alors même qu’ils ne commettent
aucun crime ni n’appellent à la terreur, mais appellent soit à la justice, soit
défendent militairement les opprimés sans commettre de crimes contre des civils
(dans leur camp ou dans le camp ennemi).

Dans tous les cas, le dialogue et la sagesse doivent primer, mais le musulman doit
secourir la personne injustement opprimée, ou empêcher une personne injuste
(musulmane ou non) de commettre une injustice. Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Secours

145 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°669 sous l’autorité de Ibn ‘Umar. Relaté aussi

sous l’autorité d’Abdallâh Ibn Mas’ûd, rapporté par al-Bukharî, Muslim, At-Tirmidhî, An-
Nasâ’î et Ibn Majâh.
146 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2622.

104
ton frère qu'il soit injuste ou victime d'injustice ». Un homme a dit : « Ô Messager
d'Allâh ! Je lui porte secours s’il subit une injustice mais si c'est lui qui commet
l'injustice comment est-ce que je lui porte secours ? ». Le Prophète a dit : « Tu
l'empêches d'être injuste, ceci est le secourir » 147.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui soutient son peuple dans une cause
injuste est comme un chameau qui tombe dans un puits et qui est tiré par sa queue
» 148.

Le musulman ne doit jamais soutenir l’injustice ou la cautionner, même quand


elle émane d’une personne se réclamant de l’Islam. Comme l’a dit le Prophète (‫)ﷺ‬
: « Je refuse (de cautionner et) d'être témoin d'une injustice » 149.

De même, le Qur’ân dément l’attitude belliqueuse, obscène, rétrograde,


arrogante et violente des khawarij qui sont extrémistes :

« Les serviteurs du Tout-Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement


sur terre, et qui, lorsque les ignorants s'adressent à eux, disent : « Paix » »
(Qur'ân 25, 63). L’Imâm Ibn ‘Abd al-Barr a dit dans son At-Tamhîd (17/91) : « Il est
rapporté d’Ibn Mas’ûd, Abû ad-Dardâ' et Fadalah Ibn ‘Ubayd qu’ils prenaient
l’initiative de passer le salâm aux citoyens non-musulmans (Ahl ul dhimma). Ibn
Mas’ûd a un jour écrit a quelqu’un des gens du Livre et il a dit : salâm ‘alayk (paix sur
toi) ».

« Au milieu des biens qu'Allâh t'a accordés, recherche la Demeure Dernière. Ne


néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon (avec les créatures) comme Allâh

147 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°6952 et par Muslim dans son Sahîh n°2584

d’après Abû Hurayra.

148 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°5128, par Al-Baghawî dans son Mishkat al-

Masabih n°4904 selon Ibn Mas'ûd.

149 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1623f dans le Livre des cadeaux, selon An-
Nu'mân Ibn Bashîr. Le contexte de cette parole était une « petite injustice », celle d’un père
ne faisant pas des cadeaux à tous ses enfants, privilégiant ainsi certains de ses enfants pour
d’autres, or, si cela est considéré comme une injustice, que dire dans ce qui est plus grave et
plus préjudiciable que cela.

105
est Bon avec toi. Ne cherche (et ne sème) pas la corruption sur la Terre. Allâh
n'aime pas ceux qui sèment la corruption » (Qur'ân 28, 77).

« Tandis que celui qui, redoutant de comparaître devant son Seigneur, aura
dompté ses passions ; c’est le Paradis qui constituera son séjour » (Qur’ân 79,
40-41).

Nous avons vu, dans leur essence, quels étaient les enseignements du Prophète
(‫ )ﷺ‬selon le Qur’ân et la Sunnah, mais citons aussi les témoignages de ceux qui l’ont
connu, pour savoir comment ils l’ont décrit. Les différents récits qui suivront sont
rapportés par le Qadî 'Iyyâd 150 dans As-Shifâ' dans la 6ème section.

L'imâm 'Alî Ibn Abî Tâlib a dit : « J'ai lavé la dépouille du Prophète (‫ )ﷺ‬et j'ai
cherché ce qui se dégageait des morts mais je n'ai rien trouvé (de telle). Au contraire,
une odeur très agréable s'est dégagée de son corps (béni) et nous n'avons jamais rien
senti de pareil (en ce monde) ».

Notre maître Abû Bakr dit une parole similaire lorsqu'il embrassa le Prophète
(‫ )ﷺ‬après sa mort.

Jâbir Ibn Sumra rapporte que : « L'Envoyé d'Allâh (‫ )ﷺ‬ayant essuyé sa joue, j'ai
senti sur sa main une fraîcheur et une odeur agréable, comme s'il venait de la faire
sortir du panier d'une parfumerie ».

Al-Muzânî rapporte que Jâbir disait : « Le Prophète (‫ )ﷺ‬m'ayant pris en croupe, j'ai
embrassé le sceau de la Prophétie (en haut de son dos) et j'ai senti l'odeur du musc
qu'il dégageait ».

D'après Abû Hurayra : « Je n'ai jamais vu plus un homme plus beau que l'Envoyé
d'Allâh (‫)ﷺ‬. C'est comme si le soleil illuminait constamment son visage. Lorsqu'il
souriait, son visage brillait d'éclat ».

Une femme du nom de Umm Ma'bad a dit : « De loin il (‫ )ﷺ‬était le plus beau des
hommes, et de près il était le plus magnifique et le plus agréable à voir ». Ainsi que :
« Sa diction était agréable à entendre. Gracieuse, elle n'était ni pauvre ni superflue.

150 Al Qâdi ‘Iyyâd Ibn Mûsa (476 H/1083 – 544H/1149) était un historien musulman né il
y a près de 1000 ans, et il était aussi un juriste malikite, juge, exégète, linguiste, ussûlî,
logicien et grand spécialiste du Hadîth. Son ouvrage Al-Shifa bi Ta'rif Huquq al-Mustafa est
encore étudié aujourd’hui un peu partout dans le monde musulman.
106
C'est comme si son élocution était composée de perles enfilées. Il avait une voix sonore
et mélodieuse ».

L'imâm 'Alî Ibn Abî Tâlib a dit : « Celui qui le (‫ )ﷺ‬voyait lui était spontanément
inspiré la crainte révérencielle et celui qui le fréquente l'aime par connaissance (et
expérience). Celui qui le décrit ne manque pas de dire : « Je n'ai jamais vu ni avant, ni
après lui, un homme comme le Prophète (‫» » )ﷺ‬. Ainsi que : « De tous les hommes, il
(‫ )ﷺ‬était le plus tolérant, le plus véridique, le plus affable et le plus noble dans sa
compagnie ».

Sayyida 'Aïsha, la mère des croyants et la noble épouse du Prophète (‫ )ﷺ‬disait : «


Il avait le caractère que définit le Qur'ân (dans ses manières et sa personnalité) ».
Ainsi que : « Le Prophète (‫ )ﷺ‬n'était ni pervers ni grossier, ni criard dans les marchés.
Il ne répondait pas au mal par le mal, mais il pardonnait et ne tenait pas rigueur aux
gens, - n'étant pas rancunier - ».

L'imâm 'Alî Ibn Abî Tâlib et le Compagnon Anas ont dit : « De tous les hommes,
l'Envoyé d'Allâh (‫ )ﷺ‬était doté du meilleur caractère ». Il dit également : « Lorsque
la bataille battait son plein et qu'elle faisait rage nous nous protégions derrière
l'Envoyé d'Allâh (‫ )ﷺ‬et personne ne s'approchait autant de l'ennemi que lui. Il en fut
ainsi le jour de la bataille de Badr. Entre nous, nous disions alors que l'homme
courageux était celui qui se rapprochait le plus du Prophète (‫ )ﷺ‬parce qu'il était le
premier, face à l'ennemi, à entrer en contact avec lui ».

Ibn 'Umar, quant à lui, disait : « Je n'ai jamais vu un homme plus courageux, plus
intrépide, plus généreux, plus prompt à être satisfait et meilleur que l'Envoyé d'Allâh
(‫» )ﷺ‬.

Imrân Ibn Hassin a dit : « Jamais l'Envoyé d'Allâh n'a rencontré un détachement
militaire ennemi sans être le premier à frapper (s'ils persistaient à vouloir le
combattre) ».

Le noble cousin du Prophète (‫)ﷺ‬, Ibn 'Abbâs disait : « Le Prophète (‫ )ﷺ‬était le plus
généreux des hommes ».

Waraqa Ibn Nawfal a dit en s'adressant au Prophète (‫ )ﷺ‬: « Tu soutiens les faibles
et tu aides les indigents ».

L'imâm Hassân (petit-fils du Prophète ‫ )ﷺ‬relate que son frère, l'imâm Hussayn,
rapporta les faits suivants : « J'ai un jour demandé à mon père de me décrire
comment le Prophète se comportait avec ses convives. Il me répondit : « L'Envoyé
107
d'Allâh (Muhammad) était toujours affable, facile à vivre et accommodant (souple).
Il n'avait rien de dur ni de rustre. Il ne criait pas à tort et à travers, et ne tenait jamais
de propos infamants. Il n'avait pas un caractère improbateur et désagréable. Si
quelque chose ne l'enthousiasmait pas, il faisait mine de rien. Si quelqu'un plaçait un
espoir en lui, il n'anéantissait et ne décevait pas cet espoir. Vis-à-vis de lui-même, il
s'interdisait 3 choses : l'ostentation, l'excès et l'ingérence dans des affaires qui ne le
concernaient pas. Et vis-à-vis des gens, il s'interdisait 3 choses : blâmer, insulter et
déshonorer. Il ne disait mot que s'il pouvait en attendre récompense (et bienfait).
Lorsqu'il s'exprimait, l'auditoire écoutait attentivement, comme si des oiseaux se
tenaient sur leurs têtes. Lorsqu'il était silencieux, les gens n'hésitaient pas à parler
(en sa présence), mais ils ne polémiquaient (et ne se disputaient) pas, et ils écoutaient
le premier à prendre la parole jusqu'à ce que celui-ci ait terminé de parler. Il riait
(avec bienveillance) de leurs sujets de rire et s'étonnait de leurs sujets d'étonnement.
Si un étranger se présentait à lui, il accueillait avec patience (et endurance) ses
rustres manières de parler et de questionner (le Prophète), à tel point que ses
compagnons cherchaient à faire venir ceux-ci (pour entendre les réponses à leurs
interrogations). Il avait l'habitude de dire : « Si quelqu'un dans le besoin vous sollicite,
faites-lui largesse (de votre soutien). Il ne convient pas d'attendre des encens de la
part d'une personne avant de l'avoir servie d'une quelconque manière. Et il ne
convient pas d'interrompre quelqu'un qui parle, à moins qu'il transgresse un interdit.
Si en revanche, il transgresse un droit, il convient de l'en empêcher (si cela permet
d'éviter un mal plus grand) ou de partir (le cas échéant) » » » 151.

Nous avons ici un témoignage de première main, concernant une personne qui
connaissait le Prophète aussi bien dans son attitude en public que dans son
intimité, et dont la personnalité ici décrite correspond parfaitement au discours
qurânique, aux témoignages notoires et fiables à son sujet, ainsi qu'aux
confirmations spirituelles des plus grands maîtres spirituels de la Communauté.

Ses compagnons, après sa mort, ont perpétué et transmis son message, et ont agi
dans l’optique de se défendre face à l’injustice et à l’oppression, tout en important
aux gens le Message libérateur de l’islâm. Lorsque les musulmans furent attaqués
par les grandes puissances politiques de l’époque, ils menèrent ainsi des contre-
offensives. Un célèbre dialogue eut lieu entre le gé né ral perse Rustum, qui était
alors le commandant en chef de l'armée perse sassanide, et l’émissaire musulman
Rabî ibn 'Amir à cette occasion : « Quel message m’apportes-tu ? », commença

151 Hadîth rapporté par At-Tirmidhî dans Shamâ'il an-nabî.

108
Rustum. « Nous avons été envoyés par Allâh pour sortir les hommes de l’adoration
des hommes vers l’adoration d’Allâh, de l’esclavage étroit de ce bas-monde vers la
liberté et l’abondance de l’Au-delà, de la tyrannie des autres confessions (et voies)
vers la justice de l’islâm. Nous avons été envoyés avec Sa religion vers Sa création,
pour appeler les gens à Lui … » 152.

L'imâm Al-Qushayrî dans sa Rissâlah Al-Qushayriyyah a dit : « Et sache que la


réalité profonde (Haqîqah) de la Liberté (Hûriyyah) réside dans la perfection de la
Servitude ('Ubudiyah) (à l'égard d'Allâh), si tu es véridique envers Allâh dans ta
Servitude pour Lui, tu te débarrasseras de l'esclavage des créatures en toute liberté
».

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a ainsi communiqué et transmis la Loi divine, qui comporte à la


fois les droits et convenances à observer avec le Divin, et les droits à respecter à
l'égard de toute Sa Création (les êtres humains, les animaux, la nature, ...). En
principe, il ne faut pas suivre la majorité si cette dernière saccage les sociétés,
pollue ou détruit l’environnement. En effet, l’Islam est venu rappeler l’importance
du Tawhîd (l’Unicité divine), de se conformer à la Vérité et d’agir avec justice et
bonté en toute chose. Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit ainsi que : « En vérité, Allâh a prescrit
(aux croyants) l’excellence et la bienfaisance en toute chose » 153 et « En vérité, Allâh
est Excellent (Bienfaisant) et Il aime l’excellence et la bienfaisance (pour Ses
créatures) » 154.

152 Rapporté par At-Tabarî dans son Tarîkh 3/34-35, par Raghib El Serjany, L’éthique
prophétique des relations intercommunautaires, éd. Bayane, 2012 et par Agha Ali Ibrahim
Akram (1923 - 1989), The Muslim Conquest of Persia, Oxford University Press 2004, pp. 89-
90.
153 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3170 selon Shaddâd Ibn Aws, sahîh, par Ibn
Hajar dans Bulugh al-Maram 12/n°1382, par An-Nawawî dans son recueil des 40 Hadîths
n°17, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1409, par Muslim dans son Sahîh n°1955 ainsi que
selon Khalid al-Hadhdha' et d’autres. Le hadîth continue en disant : « Donc si vous (devez)
tuer (pour une bonne raison), alors tuez d’une bonne manière (de sorte à éviter les souffrances
pénibles et inutiles), et si vous égorgez, alors faites-le bien. Laissez l'un de vous aiguiser sa lame
et épargnez la souffrance à l'animal qu'il abat ». Ainsi, si même dans cette situation
l’excellence et la bienfaisance, - qui sont des notions incluses dans le terme « Ihsân » en
arabe -, cela est vrai aussi pour tous les autres actes de la vie.
154 Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Awsaṭ n°5884 avec une bonne chaîne. Le

début du hadîth indique : « Si vous êtes amené à tuer, alors faites-le d'une bonne et
excellente manière ».
109
Allâh a dit : « Et si tu obéis à la majorité de ceux qui sont sur la terre, ils
t’égareront du sentier d’Allâh : ils ne suivent que la conjecture et ne font que
fabriquer des mensonges » (Qur'ân 6, 116), ce que nous pouvons clairement
constater de nos jours, aussi bien dans les régimes dictatoriaux que
« démocratiques », dont les propagandes, mensonges, destructions
environnementales, implications dans la disparition de nombreuses espèces
animales, fakes news, crimes, scandales et massacres sont récurrents. Cela
concerne aussi bien les sociétés non-musulmanes que celles qui sont
« musulmanes » mais qui délaissent l’excellence de l’Islam pour suivre plutôt des
pratiques ou des mentalités culturelles, tribales, modernistes, etc.

« Certes Allâh ne pardonne pas qu’on Lui donne un associé (l’idolâtrie). En


dehors de cela, Il pardonne à qui Il veut. Mais quiconque donne à Allâh un
associé, se rend coupable d’un immense péché » (Qur'ân 4, 48). Certains
courants en milieu musulman, de nos jours, tombent souvent dans l’une des 2
dérives suivantes, à savoir, soit négliger ou minimiser les droits d’Allâh, - Celui qui
a créé l’existence et toutes les qualités -, soit négliger ou minimiser les droits de
Ses créatures qu’Il a instauré et rendu sacré. Ces 2 tendances parfois opposées,
mais réformistes, autodidactes et fanatiques à leur manière à l’égard de la
Tradition (au sens métaphysique et spirituel du terme), raisonnent de façon très
superficielle, sectaire et binaire. Leur paradigme de base, en même temps, est le
même, c'est-à-dire un autodidactisme dépourvu de rigueur intellectuelle, de
méthodologie claire et cohérente, et de spiritualité, d'où la rupture
épistémologique avec la Tradition 155. Il faut rappeler que l’Islâm et l’ensemble des

155 Il est assez cocasse d’entendre des réformistes critiquer Mohammed Ibn Abd al-Wahhâb,

fondateur du mouvement wahhabite, et qui était aussi un réformiste (ayant conduit à une
sorte de protestantisme de l’Islam), comme il se décrivait et voyait lui-même, bien qu’il ne
reniait pas le Qur’ân ni la Sunnah en soi. Il a rejeté le sunnisme traditionnel et sa
méthodologie millénaire, et a initié un mouvement en tant qu'autodidacte et « libre-
penseur », faisant son propre ijtihad, - souvent erroné et terrible dans les conséquences -, à
l’instar des réformistes contemporains, qu’ils soient laïcistes, modernistes ou sécularistes,
avec toutes les nuances que cela comporte. Il y a chez les réformistes, en tout état de cause,
un manque cruel et flagrant de bonne méthodologie et de bons principes, d’où leurs
divergences astronomiques et leur nombre croissant « d’écoles autodidactes » (un
oxymore) car ils divergent et s’opposent sur énormément de points et de méthodes.
D’ailleurs, le jihadisme contemporain est foncièrement moderne (approche autodidacte et
réaction superficielle au sécularisme) : aussi bien dans sa façon de comprendre les textes et
de rejeter les autorités et la hiérarchie savante, que dans leur rhétorique et mentalité, se
rapprochant ainsi d’une mentalité « réformiste ». Sur le plan politique, le réformisme a
connu de nombreux échecs et même de terribles dérives sanguinaires, comme en Syrie avec
110
religions sont venus rappeler aux êtres humains les principes existentiels en
rapport avec leur raison d’être et la façon de se comporter ici-bas.

1) Le péché le plus grave est le shirk pour l'Islam (et l'ensemble des Religions), car
il est lié à son existence et à la raison d'être même du monde et tout ce qu'il contient
(physiquement, humainement, métaphysiquement, etc.). Exotériquement parlant,
Allâh pardonne tous les péchés (même le shirk) pour celui qui s’en repent
sincèrement : « Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre
propre détriment, ne désespérez pas de la miséricorde de Dieu. Car Dieu
pardonne tous les péchés. Oui, c'est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux
». Et revenez repentant à votre Seigneur, et soumettez-vous à Lui, avant que ne
vous vienne le châtiment et vous ne recevez alors aucun secours » (Qur’ân 39,
53-54). Mais sur le même plan, Allâh peut pardonner, - même si la personne ne se
repend pas – tous les péchés sauf le shirk : « Certes, Allâh ne pardonne pas qu'on
Lui donne des associés. A part cela, Il pardonne à qui Il veut. Quiconque donne
des associés à Allâh s'égare, très loin dans l'égarement » (Qur’ân 4, 116) car
c’est le fondement de tout le reste ; si la créature ne croit pas en Allâh seul et en
Ses Attributs, la réciprocité (Pardon, Miséricorde, …) ne peut alors pas s’appliquer,
car l’idolâtre (qu’il soit athée ou non ; tous adorent autre chose que l’Agent unique :
les étoiles, l’humain, la patrie, le scientisme, la nature, leur croyance, etc.) s’est
opposé à cette vérité et en a refusé les bienfaits qui en découlaient. Du point de vue
ésotérique cependant, la Miséricorde divine finit par embrasser toute chose : «
Allâh est le meilleur gardien, et Il est Le plus Miséricordieux des miséricordieux
» (Qur'ân 12, 64) et « Ma miséricorde embrasse toute chose » (Qur'ân 7, 156).

2) Ici-bas, Allâh tolère par ailleurs la mécréance et l'idolâtrie et n'autorise pas de


combattre ou d'insulter les gens en raison de leur croyance : « N'insultez pas ceux

Bashar qui se disait être un réformiste laïc, avec Sissi se posant en réformiste et ennemi de
l'islam politique et traditionnel, ainsi que MBS en Arabie Saoudite incarnant la jeunesse
réformiste sécularisée ainsi que d'autres exemples contemporains tout aussi décevant.
Tous se posent comme étant résolument ennemis de la Tradition et incarnent une certaine
vision du réformisme et de la modernité. Mais le résultat est catastrophique, à savoir une
forte oppression politique, un carnage ayant causé la mort de plusieurs centaines de milliers
de morts et de blessés, des dizaines de milliers d'arrestations arbitraires et d'actes de
torture, des atteintes répétées aux droits humains, et tout cela en l'espace de 10 ans. Mais
où sont donc passés le bon sens, la spiritualité et l'éthique dans tout cela ? Et leurs parrains
occidentaux qui les approuvent, les soutiennent et les félicitent ont parfois encore plus de
sang sur les mains qu'eux. Sur les plans politiques et sociétaux, le réformisme empire même
souvent la situation d’après ce que l’on peut observer.
111
qui adorent d'autres divinités en dehors d'Allâh, car suite à cela, leur
ignorance pourrait les amener à vouloir se venger en insultant Allâh. C'est
ainsi que Nous embellissons aux yeux de chaque peuple ses propres actions.
Puis ils retourneront tous à leur Seigneur, qui les informera de leurs actes
passés » (Qur'ân 6, 108).

« Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez
l'équité : cela est plus proche de la piété » (Qur’ân 5, 8). Et dans un hadîth qudsî,
cela est aussi très explicite : « Ô Mes serviteurs, Je me suis interdit l’injustice à Moi-
Même et Je l’ai interdite entre vous, ne soyez donc pas injustes. Ô Mes serviteurs, vous
êtes tous égarés, sauf celui que J’ai guidé, demandez-Moi donc la guidée, Je vous
guiderai. (…) » 156.

De même, beaucoup de musulmans appelant au retour de la Shar’îah ou encore


ceux qui veulent la « laïcité », ignorent tout des subtilités de l’islam et du droit
musulman (qu’ils confondent avec la Shar’îah), car le droit musulman (fiqh) est
une interprétation humaine des sources et des principes islamiques, lié au temps,
à l’espace, à la mentalité et aux facteurs socio-économiques à un moment donné.
Le droit musulman peut donc changer et doit s’accorder aux enjeux et aux besoins
de chaque époque, tout en restant fidèle aux fondements du droit (ussûl al fiqh) et
aux finalités de la religion (maqasîd as-Shar’îyyah). Comme l’ont dit l’imâm Al-
Ghazâlî et le Shaykh Ibn Taymiyya, le peuple supporte plus facilement de vivre
sous un régime juste (qu’il soit musulman ou impie), qu’un régime injuste (qu’il se
réclame de l’islam ou non). Ibn Taymiyya dit à ce propos dans Majmû al fatâwâ
(28/146) : « … Les affaires des hommes vont toujours mieux quand la justice est
mêlée à l’erreur que quand l’injustice est mêlée à la vérité ; c’est pourquoi on dit
qu’Allâh appuyait un Etat juste, même mécréant, alors qu’Il n’appuie pas un Etat
injuste, fût-il musulman. On a dit aussi que ce monde perdure dans la justice et la
mécréance, alors qu’il ne perdure pas dans l’injustice et l’islam. La justice est le
principe de tout. Si les affaires de ce monde sont établies avec justice, elles se
maintiendront, même si les gestionnaires de ces affaires ne tirent aucun bénéfice de
l’Au-delà [par rapport à leur mécréance ici-bas]. Si par contre les affaires de ce
monde sont établies de façon injuste, elles ne dureront pas, même si leurs
gestionnaires tirent le bénéfice de leur foi dans l’Au-delà ».

156 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2577 selon Abû Dharr al-Ghifarî, par An-Nawawî

dans son recueil des 40 ahadiths n°24 « l’interdiction absolue de l’injustice ».


112
Il est rapporté que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Tandis que l’Etat peut
fonctionner sur la mécréance, il ne peut pas perdurer sur/sous l’injustice » 157.

Abû Hâmid al-Ghazâlî dans At-Tibr Al-Masbûk fi Nasîhat Al-Mulûk a dit : « Dans ce
qui est rapporté du Messager d'Allâh : « Allâh permet à la royauté de subsister avec
la mécréance, cependant Il ne permet pas à la royauté de subsister avec l'oppression
et l'injustice » ».

Par « royauté » il faut comprendre « mode de gouvernement », peu importe sa


forme et sa modalité. Ici-bas, la mécréance (malgré sa gravité doctrinale
évidemment) n’est pas un empêchement au fait de vivre dans ce bas-monde,
contrairement à la justice qui est une obligation dans ce bas-monde, pour
l’ensemble de l’Humanité. Ainsi, un état mécréant mais juste perdurera comparé à
un état musulman mais profondément injuste (à part quelques lois secondaires
d'apparence islamique, les principes islamiques liés à la justice politique et sociale,
à la prospérité économique, à la sécurité, etc., y sont absents, causant du tort ainsi
aux musulmans et aux non-musulmans sous leur responsabilité).

Un état juste (mais non-musulman) vaut mieux qu'un état injuste (même se
disant musulman), car même si le kufr est la pire chose qui soit pour le musulman,
cela relève du Droit Divin, tandis que l’injustice humaine est commise à l’encontre
des droits humains, qui est difficilement supportable ici-bas. Concernant une
confusion persistante, qui est de savoir ce qui est pire entre le shirk/kufr
(idolâtrie/mécréance) ou le meurtre, nous dirons que le shirk concerne le Droit
Divin, tandis que le meurtre concerne le droit des créatures, ce sont donc deux
plans différents car ici-bas le meurtre d'innocent est puni mais pas le shirk en soi.
De plus, un Etat juste (même non-musulman), qui fait preuve de tolérance à l’égard
des musulmans et de leurs rites fondamentaux (salât, zakât, mariage, etc.) assure
une meilleure garantie de la pratique quotidienne de l’islam que sous un Etat
injuste qui restreint les droits fondamentaux ainsi que la pratique de certains rites.

Al-Ghazâlî dit à ce sujet dans At-Tibr Al-Masbûk fi Nasîhat Al-Mulûk : « Les oeuvres
formant les branches de la foi consistent à s’éloigner des interdits et accomplir les
prescriptions. Elles appartiennent à deux catégories. La première est entre toi et
Allâh - comme le jeûne, la prière, le pèlerinage, l’aumône légale, le fait de ne pas boire
le vin et le fait de ne pas commettre l’interdit. La seconde catégorie est entre toi et les

157Rapporté dans Kashif al-Ghita, al-Dîn wal Islam, 1/116, voir aussi Sayyîd 'Alî ibn Tawus
dans Al-Fakhri fi al-Adâb al-Sultaniyyah, par Al-Ghazâlî dans At-Tibr Al-Masbûk fi Nasîhat Al-
Mulûk et d’autres.
113
créatures d’Allâh, comme la justice envers les sujets et le fait de s’abstenir de
l’iniquité. La règle en cela est d’oeuvrer pour ce qui est entre toi et Allâh, en Lui
obéissant dans Ses Ordres, en observant Ses interdits, et en manifestant ce que tu
aimerais que tes sujets adoptent à ton égard ; et d’oeuvrer pour ce qui entre toi et tes
sujets comme tu aimerais que l’on te traite. Sache que pour ce qui est entre toi et Le
Créateur Exalté Soit-Il, Son Pardon est proche. Quant aux injustices infligées aux
gens, Il ne te pardonnera jamais cela le Jour du Jugement et le péril de cela est
énorme. Nul roi n’en sort sain et sauf, excepté celui qui a gouverné avec justice et
équité afin qu’il sache demander la Justice et l’Equité le Jour du Jugement ».

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi à propos du Négus (alors chrétien), qui
dirigeait l'Abyssinie : « Il s'y trouve un roi chez qui personne n'est opprimé, et c'est
une terre de justice » 158. Cela nous informe du fait que, après la foi en Allâh et en ce
qu’Il a révélé, et le bon comportement, le Prophète (‫ )ﷺ‬cherchait avant tout la
justice sociale et politique pour sa communauté, même si le gouvernement ou la
terre de résidence, n’étaient pas « musulmans ». Et selon l’un des avis attribués à
l’imâm Abû Hanifa : « Ce qui est voulu quand on caractérise une terre comme étant
une terre d'islâm ou une terre de mécréance n'est pas du a l'islam ou à la mécréance
(en elle-même). Le but est de désigner si une terre est sûre ou dangereuse (pour le
musulman) » 159.

D’après ce qu’on a rapporté des Compagnons, d’après Umm Salama (l’épouse du


Prophète) a dit : « Quand nous sommes arrivés en Abyssinie, nous avons eu le meilleur
voisinage : Négus. Nous étions sécurisés dans notre religion ; nous avons adoré Allâh
sans être maltraités ni insultés. Et quand Quraysh a appris cela… » 160.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « J’ai été appelé à un pacte, durant la
période antérieure à l’Islam (pour la protection des faibles et l’opposition à l’injustice
et à l’agression). À présent, si je suis appelé en islam à me rallier à un pacte similaire,
je n’y manquerai pas » 161 et « Certes, j'avais été témoin d'un pacte de justice dans la
maison d'Abdullâh ibn Jud'an qui était plus aimé pour moi qu'un troupeau de
chameaux rouges. Si on m'appelait maintenant au temps de l'Islâm, j’y répondrais

158 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°18304, par Ibn Hisham dans sa Sîra 164/2, et

le récit est authentique.


159 Rapporté par l’imâm Al-Kasani dans al'Bada’i Al Sana’i 7/131.

160 Rapporté par Ahmad dans son Musnad 1/201 et 5/290.


161 Rapporté par Ahmad dans son Musnad.

114
(favorablement). Faites de telles alliances afin de rendre les droits à leur peuple,
qu'aucun oppresseur ne devrait avoir de pouvoir sur les opprimés » 162.

Ibn Hisham rapporte dans sa Sîrah (1/123) : « Ils ont promis et assuré qu'ils ne
trouveraient aucune personne opprimée parmi eux ou parmi n'importe qui d'autre
qui est entré à la Mecque, sauf qu'ils le soutiendraient. Ils s'opposeraient à quiconque
l'opprimerait jusqu'à ce que les droits de l'opprimé soient rétablis ».

Un autre hadîth dit que le Prophète (‫ )ﷺ‬a explicitement confirmé que toutes les
alliances (et pactes) pré-islamiques et non-islamiques basées sur la justice et la
charité, telles que le Hilf al-Fudul, sont soutenues et renforcées par l'Islâm : «
Chaque pacte du temps de l'ignorance n'est pas augmenté par l'Islâm sauf dans la
force et l'affirmation » » 163. S’adressant à ses compagnons qui seront encore en vie
après sa mort et qui conquerront de nouvelles contrées, il (‫ )ﷺ‬leur dit : « Il se peut
que vous fassiez la conquête de grandes cités après mon départ (vers l’Au-delà) et
que vous vous asseyiez ensemble dans leurs marchés. Si cela arrive, retournez les
salutations de paix, baissez vos regards (par chasteté et pudeur), guidez les aveugles
et assistez les opprimés » 164.

Cela est conforté par le Qur'ân : « Coopérez et soutenez-vous dans la droiture


(et la justice) ainsi que dans la piété, et ne vous entraidez pas dans le péché et
l'agression (ainsi que dans la transgression) » (Qur'ân 5, 2).

Donc si un pacte ou un traité visent à appliquer la justice et la charité pour les


opprimés, les nécessiteux et les gens maltraités, l’islâm impose de soutenir ce
genre d’initiatives, sans être évidemment naïfs quand cela est mené par des
manipulateurs oppresseurs 165. S’allier pour des causes justes avec des non-

162 Rapporté par Al-Bayhaqî dans Sunân Al-Kubrâ n°12114 selon Talha Ibn Abdullâh pour
la première partie, sahîh, et par Qâssim ibn Thâbit ʻAwfiî dans al-Dalâʼil fî Gharîb al-Ḥadîth
n°243, sahîh, pour tout le hadîth.
163 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°2904 selon Ibn ‘Abbâs
164 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°6801 et 6802, par At-Tabarânî dans Al-
Mu’jam Al-Kabîr n°17823.
165 Voir aussi Ibn Hajar al ‘Asqalânî, Fatḥ al-Barî n°2172 : « Zuhrah a dit : « C'est un pacte

comme le Hilf al-Fudul, dans lequel ils ont accepté de ne pas aider un oppresseur sur une
personne opprimée à La Mecque » ».

115
musulmans dont on ne craint pas l’injustice, l’oppression et la perversion est
autorisé en Islam 166.

L’idéal évidemment, en terres d’Islâm, est que l’Etat soit musulman


(religieusement et spirituellement) et juste à la fois, réunissant ainsi tout le bien
en son sein. Cela rappelle aussi l’épisode qûranique vantant les qualités de la reine
Bilqîs du Yémen (Reine de Sanâ’a) lorsqu’elle était toujours idolâtre (avant sa
conversion au monothéisme, lors de sa rencontre avec le Prophète Sulayman, - que
la Paix Divine soit sur lui), et qui reconnut ensuite son égarement doctrinal pour
embrasser le Tawhîd en compagnie du Prophète-Roi Sulaymân. Le Qur’ân relate :
« Elle dit : « En vérité, quand les rois entrent dans une cité ils la corrompent, et
font de ses honorables citoyens des humiliés. Et c’est ainsi qu’ils agissent. Moi,
je vais leur envoyer un présent, puis je verrai ce que les envoyés ramèneront »
(Qur’ân 34-35). Ainsi, des savants célèbres tels que Abû Hanifa, Al-Ghazâlî et Ibn
Taymiyya, ont été lucides quand ils disaient qu’il valait mieux une nation égarée
(même mécréante) mais qui applique la justice aux musulmans et aux non-
musulmans, qu'une nation officiellement musulmane mais qui soit profondément
injuste, - car ne respectant pas les droits des croyants et ne laissant pas la religion
s'épanouir de façon paisible -.

Il y a donc les droits d'Allâh et les droits sociétaux. Le plus grave,


intellectuellement parlant, concerne l’idolâtrie et la mécréance, surtout quand elle
est volontaire, mais elle ne « choque pas » du point de vue éthique, car l’éthique
est liée aux droits humains dans la vie de tous les jours. Quand des horreurs ou des
dérives touchent nos proches ou des êtres qui en souffrent, cela choque et révolte
plus la conscience humaine ordinaire, car ce sont les crimes qui causent la
souffrance ou l'injustice envers l'être humain ou d'autres êtres vivants qui
suscitent son empathie (chats, chiens, chevaux, oiseaux, ...). Les musulmans
doivent réaliser ainsi les 4 axes de la foi, à savoir la conscience du Tawhîd (la
conscience et la reconnaissance de l'Absolu, Souverain de toute chose, et la
conformité à Sa Loi), car de là découle tout le reste, la sacralité de la vie humaine
en soi, le respect de l'ensemble de Ses créatures (règne animal, règne végétal, ...)

166 Le Qur’ân (60, 6-10) l’autorise et interdit juste l’alliance avec ceux qui combattent les
musulmans injustement et qui les expulsent de leurs demeures. Abû Dawûd dans ses Sunân
n°2767 avec une chaîne sahîh selon Hassân Ibn Atiyah rapporte le hadîth suivant : « Vous
ferez une paix sûre avec les Romains et, ensemble, vous combattrez un ennemi derrière vous ».
An-Nawawî dans Sharḥ Ṣaḥîḥ Muslim (n°1871), As-Shawkanî dans Nayl al-Awthâ ̄ r 7/264,
Ibn Taymiyya et Ibn al-Qayyîm rapportent des ahadiths et les avis de As-Shafi'î et de Abû
Hanifa, qui autorisent de telles alliances, sous certaines conditions.
116
et le respect envers Sa Création (même en dehors de ce que l'on désigne comme
étant des éléments non-vivants).

Ce dépôt (amana) a toutefois été quelque peu oublié par les musulmans depuis
quelques siècles. Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Lorsque ma communauté fera
grand cas de la richesse matérielle, l'Islam perdra son charisme. Lorsque ma
communauté ne commandera plus le bien et n'interdira plus (sagement) le mal, elle
perdra la Bénédiction d'Allâh en rapport avec la Révélation » 167.

Al-Fudayl ibn 'Iyâd commentait ce hadîth en disant : « Cela signifie que la


communauté perdra la [juste] compréhension du Qur'ân » 168.

« Et Nous avons désigné parmi eux des dirigeants qui guidaient (les gens)
selon Notre ordre, aussi longtemps qu'ils enduraient et croyaient fermement
en Nos versets » (Qur'ân 32, 24). Quand le sens de la justice et de la vertu s’est
étiolé chez les masses musulmanes, elles ont été affaiblies, humiliées et méprisées
par les autres nations. Ainsi, Allâh élève chaque serviteur en vertu de la foi et de la
justice, tout comme Il élève un peuple par la foi et la justice. S’il manque la foi, la
société connaitra la décadence et la perversion des mœurs, et s’il manque la justice,
la société connaitra le chaos, l’iniquité, l’insécurité et le désespoir.

Or, en lisant la vie du Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬, on voit à quel point il était animé
par les sens de la justice, de la vertu et la foi. C’est sans doute ce qui motiva le
célèbre auteur français, Alphonse de Lamartine (1790 - 1869), qui était à la fois
écrivain, poète, historien et Ministre des Affaires étrangères, à écrire une
magnifique description de la personnalité du Prophète et de sa mission, dont les
traits et les objectifs sont conformes au Qur'ân, à la Sunnah mutawatir, et à la
confirmation spirituelle qu'en ont fait la totalité des grands maîtres spirituels : «
Jamais homme ne se proposa un but plus sublime, puisque ce but était surhumain :
saper les superstitions interposées entre la créature et le Créateur, rendre Dieu à
l’homme et l’homme à Dieu, restaurer l’idée rationnelle et sainte de la divinité dans
ce chaos de dieux matériels et défigurés de l’idolâtrie. Jamais homme n’accomplit en
moins de temps une si immense et durable révolution dans le monde, puisque moins

167 Rapporté par Al Hakîm At-Tirmidhî dans Nawâdir al-ussûl sous l'autorité d'Abû
Hurayra.
168 Rapporté par Abû Hamîd Al-Ghazâlî dans Kitâb âdâb tilâwat al-Qur'ân, qui est le 8ème

livre de sa somme Ihyâ'.


117
de deux siècles après sa prédication, l’islamisme 169, prêché et armé, régnait sur les
trois Arabies, conquérait à l’unité de Dieu la Perse, le Korassan, la Transoxiane, l’Inde
Occidentale, la Syrie, l’Égypte, l’Éthiopie, tout le continent connu de l’Afrique
septentrionale, plusieurs îles de la Méditerranée, l’Espagne et une partie de la Gaule.

Si la grandeur du dessein, la petitesse des moyens, l’immensité du résultat sont les


trois mesures du génie de l’homme, qui osera comparer humainement un grand
homme de l’histoire moderne à Muhammad ? Les plus fameux n’ont remué que des
armes, des lois, des empires ; ils n’ont fondé, quand ils ont fondé quelque chose, que
des puissances matérielles, écroulées souvent avant eux. Celui-là a remué des armées,
des législations, des empires, des peuples, des dynasties, des millions d’hommes sur
un tiers du globe habité ; mais il a remué, de plus, des idées, des croyances, des âmes.
Il a fondé sur un livre dont chaque lettre est devenue loi, une nationalité spirituelle
qui englobe des peuples de toutes les langues et de toutes les races, et il a imprimé
pour caractère indélébile de cette nationalité musulmane la haine des faux dieux et
la passion du Dieu un et immatériel.

Ce patriotisme, vengeur des profanations du ciel, fut la vertu des enfants de


Muhammad. L’idée de l’unité de Dieu, proclamée dans la lassitude des théogonies
fabuleuses, avait elle-même une telle vertu, qu’en faisant explosion sur ses lèvres, elle
incendia tous les vieux temples des idoles et alluma de ses lueurs un tiers du monde.
Cet homme était-il un imposteur ? Nous ne le pensons pas, après avoir étudié son
histoire. L’imposture est l’hypocrisie de la conviction. L’hypocrisie n’a pas la
puissance de la conviction, comme le mensonge n’a jamais la puissance de la vérité.
(…) Une pensée qui porte si haut, si loin et si longtemps est une pensée forte ; pour
être forte, il faut qu’elle ait été bien sincère et bien convaincue. Mais sa vie, son
recueillement, ses blasphèmes héroïques contre les superstitions de son pays, son
audace à affronter les fureurs des idolâtres, sa constance à les supporter quinze ans
à la Mecque, son acceptation de scandale public et presque de victime parmi ses
compatriotes, sa fuite enfin, sa prédication incessante, ses guerres inégales, sa
confiance dans les succès, sa sécurité surhumaine dans les revers, sa longanimité
dans la victoire, son ambition toute d’idée, nullement d’empire, sa prière sans fin, sa
conversation mystique avec Dieu, sa mort et son triomphe après le tombeau : plus
qu’une imposture, une conviction. Ce fut cette conviction qui lui donna la puissance
de restaurer un dogme. Ce dogme était double, l’unité de Dieu et l’immatérialité de

169Jusqu’à la moitié du 20e siècle, le terme « islamisme » était synonyme « d’islam », ne


désignant pas que l’islam politique, tout comme on désignait les chrétiens par le
Christianisme, ou les Juifs par le Judaïsme.
118
Dieu, l’un disant ce que Dieu est, l’autre disant ce qu’il n’est pas ; l’un renversant avec
le sabre des dieux-mensonges, l’autre inaugurant avec la parole une idée !
Philosophe, orateur, apôtre, législateur, guerrier, conquérant d’idées, restaurateur
de dogmes, fondateur de vingt empires terrestres et d’un empire spirituel, voilà
Muhammad. À toutes les échelles où l’on mesure la grandeur humaine, quel homme
fut plus grand ? » 170.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬choisit en effet la voie de l’ascétisme et de la pauvreté matérielle,


il fit preuve d’une immense générosité aussi bien avec les hommes que les femmes,
les adultes que les enfants, les pauvres que les riches, les musulmans que les non-
musulmans, les Arabes que les non-Arabes. Dans toutes les situations, il se
montrait juste, et pardonnait volontiers à autrui. En état de faiblesse, il plaçait sa
confiance en Allâh, faisait preuve de patience et d’abnégation, endurait dignement
les difficultés et les persécutions, passait l’éponge sur les calomnies et les insultes
le visant, et son caractère ne changeât pas lorsqu’il devint puissant et prit
l’ascendant sur ses ennemis, qu’il pardonnait avec une telle aura que ses ennemis
en étaient éblouis et marqués dans la profondeur de leur âme. Dans toutes les
fonctions qu’il incarnait, il était équilibré et incarnait l’excellence : orphelin, père,
mari, cousin, neveu, beau-père, beau-fils, maître spirituel, médiateur, commerçant,

170 Alphonse de Lamartine, Histoire de la Turquie, 1853, dans le chapitre « Vie de Mahomet

». Bien que dans le même ouvrage, il placera ‘Issâ (Jésus – Paix sur lui -) à un autre niveau,
on peut dire que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬était la synthèse de tous les autres Prophètes
avant lui, et que là où ‘Issâ incarnait le sceau de la sainteté et de la restauration (et de la
revivification) de la Loi mosaïque, Muhammad, lui, était à la fois l’excellence de la sainteté
Muhammadienne et révivificateur de la Loi Divine pour les nouvelles conditions du présent
cycle temporel, et son œuvre fut donc, à la fois plus importante, et à la fois plus difficile. C’est
de son modèle que s’inspirèrent les plus grands et les plus nombreux Saints de l’Humanité
depuis plus de 1400 ans. Le Prophète (‫ )ﷺ‬incarne ainsi la synthèse de tous les Prophètes,
tels que Adam, Ibrâhîm, Mûsâ, Yûsuf, ‘Issâ et même les autres figures qui correspondent aux
figures prophétiques telles que Zarathustra et Bouddha. La mission du Prophète (‫)ﷺ‬
englobe ainsi tous les aspects de la vie, de la prédication, de la connaissance, de la
spiritualité, des obstacles et des épreuves de l’ensemble des Prophètes avant lui, sauf dans
ce qui caractérisait chaque Prophète dans certains de leurs miracles qu’Allâh leur a permis
d’accomplir.
119
chef des armées, Prophète, chef d’Etat, poète, orateur, « médecin » 171 et «
métaphysicien » 172, contemplateur de l’Absolu.

Il vécut toutes les situations possibles ; maladies, perte de ses parents, de sa


première épouse, de plusieurs de ses filles et de son fils, des oncles, des tantes et
des Compagnons qui mourront de son vivant, le rejet d’une partie de son peuple et
même de sa famille, les persécutions et blessures physiques à la guerre, les
calomnies, la violence des champs de bataille, les agressions physiques sur sa
personne, les multiples tentatives d’assassinat dont il était la cible, le fait de penser
constamment à la protection de sa communauté, à la justice même envers ses
ennemis, à la prospérité de sa nation, aux musulmans qui professeront l’Islam sans
jamais l’avoir vu … En somme, tout en lui suscite l’admiration, inspire la confiance
et nourrit l’âme aussi bien que l’esprit des idéaux les plus nobles.

Durant la période précédant l'apparition de l'Islâm, le monde dormait et stagnait


depuis quelques siècles jusqu'à ce que l'Islam se manifeste et y opérait un réveil
qui allait positivement bouleverser le monde dans tous les aspects de l'existence
humaine : religieux, social, politique, scientifique, littéraire, spirituel, artistique,
juridique, théologique, écologique, métaphysique, éthique, etc. Les 2
superpuissances qu’étaient Byzance et la Perse se livraient la guerre en
permanence, ne produisaient plus grand-chose sur le plan scientifique et
connaissaient une phase de dégénérescence spirituelle et éthique. A l’heure
actuelle, le monde musulman est encore loin de cet idéal islamique, mais l’Islam
demeure intact dans son essence, et pour quiconque prend conscience de la
Puissance spirituelle que renferme l’Islâm, sait à quel point cette Religion a encore
la possibilité pour transformer positivement le monde. Mais le monde musulman

171 A la fois médecin des « coeurs », - psychologie spirituelle -, et médecin nutritionniste,

donnant des remèdes naturels avec des conseils thérapeutiques permettant de recouvrer la
santé et de fortifier le corps. Des savants musulmans écrivirent à ce sujet des ouvrages sur
la « Médecine prophétique », elle-même basée sur la médecine traditionnelle plus ancienne,
mais avec des corrections et un apport spirituel. Voir par exemple Abû Nu’aym al-Isbahânî,
Ibn al-Qayyîm et As-Suyûtî. Des scientifiques modernes ont prouvé les vertus de
nombreuses recommandations prophétiques sur le plan médical. Voir par exemple Assata
Doumbia, Fatima Oulhadj et Hassan Younes, La nutrition en islam (éd. Maison d'Ennour,
2017) et Hanane Afellah et Dawûd Salmân, Mon guide pour un Ramadan sain: La nutrition
pour outil de conscience et de réforme (éd. Hanif, 2020).
172Avant même le début de la Révélation, il aimait bien méditer sur le monde, la nature, la
société et l’humanité.
120
doit renoncer pour cela au sectarisme, au racisme, à la psychorigidité, à la
misogynie, au consumérisme, à la mentalité matérialiste des modernes et à une
conception inadaptée et sclérosée du fiqh tel qu’il est envisagé par un certain
nombre d’individus, car tout cela relève d’une mentalité propre à la jahiliyya
(ignorance) que l’Islâm était venu combattre et effacer de la conscience de
l’Humanité.

Et tout ce qui a été rapporté ici est conforme à ce qui est mentionné dans la Parole
divine à son (‫ )ﷺ‬sujet : « Certes, Allâh et Ses Anges bénissent le Prophète ; ô vous
qui croyez priez (Allâh) sur lui et adressez [lui] vos salutations » (Qur'ân 33,
56).

« Tu as été doux à leur égard par une miséricorde d'Allâh. Si tu avais été rude
et dur de coeur, ils se seraient séparés de toi » (Qur'ân 3, 159).

« Repousse le mal par le bien. Nous connaissons parfaitement ce qu'ils


inventent » (Qur'ân 23, 96).

Mais outre le fait qu’il partait de rien, qu’il fit face à de terribles et nombreux
obstacles qui auraient dû avoir eu raison de lui (du point de vue matériel et d’une
perspective naturaliste) et qu’il transforma des tribus faibles en un gigantesque
empire et une civilisation d’une envergure incroyable et mondiale, et que toute
l’hostilité qu’il subit injustement ne lui a pas fait oublier les bonnes manières et le
pardon lorsqu’il eut le dessus sur ses ennemis, il incarna prodigieusement la
réalisation de la sagesse et du noble caractère, qui font partie assurément des plus
grands miracles. Il (‫ )ﷺ‬transmit aussi la Révélation. Le Qur'ân est le plus grand des
miracles, car il apaise les cœurs, illumine l'âme et cultive les nobles caractères,
inspire la sagesse à ceux qui le méditent sérieusement, s'avère opératif contre les
cas de réelle possession ou d'influences occultes et psychiques sévères. Il est
accessible à tous et à toutes les époques depuis son apparition, contrairement aux
miracles physiques qui disparaissent aussitôt qu'ils sont apparus. Sa portée
spirituelle est un océan sans rivage, pénétrable par la beauté de Son verbe,
l'éloquence et les subtilités de sa composition linguistique 173. Le Qur’ân inspira des

173 Sur le « miracle linguistique » du Qur’ân voir les traités et travaux de al Hakim at-

Tirmidhî, de Al Baqillânî, de Muhammad Abdallah Draz, de Maurice Gloton, de Geneviève


Gobillot et de Nouman Ali Khan par exemple. Sur la structure et la composition du Texte
qurânique, voir Michel Cuypers sur la rhétorique sémitique, et sur l'harmonie du Texte
qurânique, voir Farrin Raymond dans Structure and Quranic Interpretation, a Study of
Symmetry and Coherence in Islams Holy Tex (White Cloud Press, 2014) qui montre que le
121
millions d’âmes et nourrit leurs plus belles œuvres : mathématiciens, artistes,
architectes, poètes, métaphysiciens, scientifiques, philosophes, linguistes,
logiciens, juristes, théologiens, économistes, écologistes et maîtres spirituels, le
Qur’ân fut à l’origine de nombreuses vocations scientifiques et spirituelles, et
contribua indirectement ou directement selon les cas, à bouleverser l’histoire des
sciences et des civilisations à travers ses adeptes qui le vivaient dans leur
quotidien. Les plus belles œuvres de poésie, alliant beauté, éthique, métaphysique
et mystique, furent des commentaires inspirés du Qur’ân et de la Tradition
prophétique, avec des poètes comme Jalâl ud-Dîn Rûmî, Ibn ‘Arabî, ‘Umar ibn al-
Farîd, Sâ’adi, Hafez, Attâr, Nizâmî, Yûnus Emre ou encore Ibn Atâ’Llâh, pour ne
citer que ceux-là, tous enracinés dans la tradition islamique et sa dimension
spirituelle (at-tasawwuf), qu’ils soient arabes, perses, turcs, berbères, africains ou
autres, les plus grands maîtres et poètes étaient illuminés par le Qur’ân. A chaque
relecture attentive du Qur’ân, de nouvelles découvertes apparaissent, révélant de
nombreuses subtilités et leçons de vie qui nous échappaient pourtant lors de nos
lectures antérieures, ce qui prouve le caractère à la fois inépuisable, universel et
transcendant de la Parole divine, toujours d’actualité et adapté aux besoins de
l’Humanité, peu importe le temps et le lieu.

Le Qur'ân mentionne la vision de la lune fendue en 2 en guise de miracle: «


L'heure approche et la lune s'est fendue » (Qur'ân 54, 1), bien que ce verset
puisse s'interpréter de différentes manières, cela peut se comprendre comme
étant un miracle affectant la vision de toutes les personnes présentes ayant
demandé au Prophète de réaliser un miracle par la Grâce d'Allâh : « D'après
'Abdallâh Ibn Mas'ûd : La lune s'est fendue en deux parties à l'époque du Prophète
(‫ )ﷺ‬et alors le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit: « Témoignez de cela » 174.

Le fait que la lune se soit fendue peut n'avoir été que visuelle pour les gens de cet
endroit à qui ce miracle était destiné. Mais en soi, Allâh peut accomplir ce qu'Il veut
dans Sa Création, et comme Il créé et renouvelle sans cesse Sa Création (étoiles,
galaxies, corps, atomes, etc.) cela relève intellectuellement du possible. Le Qur'ân

style et la cohérence interne du Qur’ân impliquent que son auteur soit unique. Sur la science
des lettres, la cohérence numérique et la portée spirituelle du Qur'ân voir Ibn 'Arabi, al-
Qashani, René Guénon, Abdul Hadi Ivan Aguéli, Michel Valsan, Titus Burckhardt et Charles-
André Gilis. Sur les aspects mathématiques et scientifiques du Qur'ân sans verser toutefois
dans le concordisme ou le négationnisme voir Abdelrhafour Elaraki. Le Coran lu par un
scientifique - lecture critique (éd. Fenex, 2013) et Le Coran arithmétique - lecture critique (éd.
Fenex 2015).
174 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahih n°4864 et Muslim dans son Sahih n°2800.

122
mentionne aussi l'ascension nocturne comme prodige : « Gloire et Pureté à Celui
qui de nuit, fit voyager Son serviteur [Muhammad], de la Mosquée Al-Haram à
la Mosquée Al-Aqsa 175dont Nous avons béni l'alentours, afin de lui faire voir
certaines de Nos merveilles. C'est Lui, vraiment, qui est l'Audient, le
Clairvoyant » (Qur'ân 17, 1).

Ascension qu'ont réalisé aussi de nombreux Saints musulmans 176, mais à un


degré inférieur à celui du Prophète (‫)ﷺ‬.

La Sunnah rapporte également de nombreux prodiges réalisés par le Prophète


(‫ )ﷺ‬par la Grâce d'Allâh, comme la guérison miraculeuse (par sa salive ou par l'effet
spirituel en passant sa main, notamment le cas où 'Alî eut une maladie aux yeux
lors de la bataille de Khaybar, et le Prophète (‫ )ﷺ‬le soigna instantanément), la
multiplication d'objets physiques, de nourriture et d'eau sans causes physiques,
l'immunité contre l'effet immédiat du poison, pouvait se passer de nourriture et
de boisson durant de longues périodes (ce que les scientifiques appellent les cas
d’inédie), etc.

Il (‫ )ﷺ‬a prédit aussi de nombreux événements qui allaient survenir des jours,
semaines, mois, années, siècles et plus de 1000 ans après sa mort physique comme
le fait que sa fille Fatima sera la prochaine à le rejoindre (parmi ses proches) 6
mois après lui, qu'Uthmân sera assassiné injustement 177, que le califat bien-guidé
durera environ 30 ans (englobant ainsi donc les califats de Abû Bakr, ‘Umar,
‘Uthmân, ‘Alî et son fils al-Hassân) et que cette période sera suivie ensuite des
systèmes monarchiques et héréditaires puis tyranniques et despotiques, la
conquête musulmane de la Perse, de l'Egypte, du Yémen, du Shâm (Syrie, Liban,
Jordanie), de la Palestine et de l'Irak dans l’ordre chronologique indiqué et tout
cela du vivant de ses Compagnons. Il (‫ )ﷺ‬prédit aussi plus tard que la conquête de
Constantinople (Istanbul) se fera par un bon commandant mais après l’époque des
Compagnons – et certains ont essayé mais ont échoué comme il (‫ )ﷺ‬l’avait prédit
aussi – et dit : « Constantinople sera conquise, et quel bon commandant sera ce

175 A l’origine le terme « masjid » désigne un lieu dédié à la prière et à la prosternation, et

non pas l’édifice spécifiquement musulman.


176 Comme Ibn ‘Arabî, Abû Yazîd al-Bistâmî et tant d’autres.
177 Le Messager d’Allāh (‫ )ﷺ‬a évoqué une dissension et dit : « Celui-ci y mourra (en martyr)

étant victime d’injustice » en parlant de ʿUthmân ». Rapporté par At-Tirmidhî dans ses
Sunân n°3708, selon Ibn 'Umar.
123
commandant, et quelle bonne armée sera cette armée » 178. A cela, d’autres
prédictions prophétiques ont été faites, comme les différentes guerres fratricides,
le fait que l’Islam sera enseigné et incarné par de nombreux hommes sages issus
de la Perse 179, le fait que les humains auront la capacité d'aller dans l'espace (cf.
Qur'ân 15, 14-15 : « Et même si Nous ouvrions pour eux une porte du ciel, et
qu'ils pussent y monter, ils diraient : « Vraiment nos yeux sont voilés. Mais
plutôt, nous sommes des gens ensorcelés » » et : « Ô peuple de jinns et
d'humains ! Si vous pouvez sortir du domaine des cieux et de la terre, alors
faites-le. Mais vous ne pourrez en sortir qu'à l'aide d'un pouvoir [immense] »
Qur’ân 55, 33), l'invasion moghole, l'apparition de nouveaux moyens de transport
mécaniques, l'apparition de moyens de communication à distance, la construction
de très hauts édifices et d'une concurrence à ce niveau, quand les déserts se
transformeront en lieux remplis de végétation (cela s'est réalisé notamment aux
Etats-Unis, dans les pays arabes du Golfe, la Chine, l'Egypte, ...), il (‫ )ﷺ‬décrivait
aussi les événements généraux et particuliers et la façon dont ses compagnons
allaient mourir (maladie, martyr, bataille, dans quel camp ils se trouveront, …)
après son départ pour l’Au-delà. Il avait prédit aussi les saisons trompeuses et le
dérèglement climatique qui surviendront bien longtemps après sa mort terrestre,
la découverte de grandes richesses dans les nations arabes (pétrole, gaz, …),
l'ombre qui sera projetée sur la Ka'aba (qui a eu lieu avec la construction d'un tour
immense avec une horloge à proximité) 180, l’égarement et la faiblesse des Arabes
quand la gestion des lieux Saints du Hijaz sera enlevée aux membres de sa famille
(ce qui eut lieu vers le 19e siècle), l’augmentation de l’insécurité et de la
surveillance généralisée en dépit de l’accroissement des forces de l’ordre,
l’augmentation du consumérisme et la diminution de la connaissance spirituelle et
de l’éthique, l’apparition des extrémistes et des terroristes, la propagation du

178 Rapporté notamment par Ahmad dans son Musnad n°18189, par Al-Hâkim dans Al-
Mustadrâk n°8413, par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabîr n°1200 et d’autres. La
conquête eut lieu en 1453 (857 H) par le Sultan ottoman musulman Muhammad Al-Fatih
(Mehmet Han), sûfi, poète, juriste hanafite, théologien maturidite et amoureux des belles
lettres et de la science.
179 Les nombreux linguistes, juristes, maîtres spirituels, poètes, scientifiques,

mathématiciens, traditionnistes et exégètes du Qur’ân issus de la communauté sunnite puis


shiite-sûfisante du monde persan pendant plus de 1000 ans sont la preuve de cette
prophétie où le Prophète (‫ )ﷺ‬posa sa main sur Salmân al-Farisî : « Si la Religion était aux
Pléiades, un homme de la Perse la rechercherait et la trouverait », rapporté par Ahmad dans
son Musnad n°7735 et par Muslim dans son Sahîh n°4618.
180 Voir "Signs Of Qiyamah: Clock Tower Casting Its Shadow Over Kaaba By Sheikh Hamza

Yusuf": https://www.youtube.com/watch?v=93itcUIvYCo
124
positivisme et de l’ignorance des principes métaphysiques, l'augmentation des
crises et des attaques cardiaques, l'apparition de nouvelles maladies difficilement
curables, l'augmentation de catastrophes naturelles, des massacres aveugles, des
assassinats ciblés et des meurtres/attentats aveugles, etc. 181 Dans un hadîth
célèbre nous apprenons ceci : « L’Heure ne viendra pas avant que le savoir (sacré et
bénéfique) ne soit enlevé (du « cœur » des gens), que les tremblements de terre ne
deviennent très fréquents, que le temps ne se contracte, que les séditions n’abondent,
et le chaos (et la confusion généralisée) ne se répandent, et c’est la grande tuerie, la
grande tuerie ; et il y aura tant d’argent (mais gaspillé) qu’on en aura plus
besoin » 182, « L'Heure ne viendra pas avant que les fils ne deviennent un tracas, que
les pluies n'apportent de la chaleur, que les gens vils ne deviennent nombreux, et les
gens nobles rares, que les jeunes ne traitent les vieux avec insolence, et les gens vils
ne soient irrévérencieux envers les gens nobles » 183, « Les choses ne deviendront que
plus difficiles. L'argent augmentera, mais les gens deviendront de plus en plus avides
et avares, et l'Heure n'arrivera que sur les pires personnes » 184.

181 Beaucoup d’ouvrages traitent de la question, voir notamment Mostafa al-Badawî, Les

signes de la fin du monde – L’essentiel des hadiths sur la fin des temps, éd. Albouraq, 2020.
Nous avions, depuis plus d’une décennie, beaucoup écrit là-dessus dans des articles et
publications, ainsi qu’un livre non-encore publié officiellement, mais cet ouvrage est
relativement complet, accompagné de commentaires qui rejoignent les nôtres, si bien qu’il
nous dispense de le publier à notre tour, sauf si Allâh en décide autrement.
182 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°1036 selon Abû Hurayra.
183 Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabîr n°715 dans Al-Mu’jam al-Awsat

n°11381.
184 Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabir n°7757 et 7068 et par Al-Hâkim dans

Al-Mustadrak n°8477 et 8482. De 2009 à 2019 la fortune des milliardaires français est
passée de 82 milliards à 442 milliards : « La fortune des milliardaires atteint un nouveau
sommet dans le monde en juillet 2020. UBS l’évalue à 10 200 milliards de $. La France est le
pays où elle a le plus progressé (+45% entre 2019 et 2020). Grâce aux réformes de l’ISF ?
Probable. Cette richesse ruisselle-t-elle ? Impossible à mesurer." Nous sommes les 99%... c’était
le slogan d’Occupy Wall Street en 2012. Un slogan pour dénoncer la croissance des inégalités,
les richesses qui s’accumulent pour le 1% du dessus, sans manifestement ruisseler sur les 99%
du dessous. Huit ans plus tard, où en est-on ? On a dépassé tous les records. La richesse
accumulée par les milliardaires de par le monde atteint un sommet inégalé en juillet 2020 (...)
». "Les très riches, toujours plus riches (et les Français plus encore…)", France Culture, 10
octobre 2020 : https://www.franceculture.fr/emissions/la-bulle-economique/les-tres-
riches-toujours-plus-riches-et-les-francais-plus-encore ; Ainsi, les Etats dépensent toujours
plus d'argent pour leurs budgets militaires (qui se chiffrent en plusieurs dizaines ou
125
C'est comme si le Prophète (‫ )ﷺ‬s'adressait aux déviants qui apparaitront dans le
monde après lui, à savoir les khawarij ; les shiites extrémistes détestant les bien-
aimés du Prophète parmi ses compagnons et ses épouses ; ceux qui seront injustes,
orgueilleux ou indifférents à l'égard des Ahl ul Kisâ et des Ahl ul Bayt en général ;
les réformistes qui s'attaqueront aux fondements du Dîn et de ses valeurs ; les
dirigeants injustes et pervers ; les rigoristes et les fanatiques ; les savants soumis
à leurs caprices et aux dérives des dirigeants ; les savants à la mentalité
psychorigide ; les hommes misogynes et violents ; les femmes manipulatrices et
celles qui délaissent la pudeur ; les jeunes insolents et violents ; les parents têtus
et rudes envers leurs enfants ; les prédicateurs qui dissimulent leur hypocrisie
derrière de beaux slogans ou des discours mielleux pour mieux tromper leur
auditoire ; les politiciens véreux ; les policiers violents ; les juges corrompus, etc.
Par ailleurs, plusieurs groupes (dans le temps) peuvent partager les mêmes
caractéristiques psychologiques et idéologiques malgré de fortes divergences
doctrinales, politiques ou idéologiques, si bien que cette condamnation ne vise pas
toujours un seul groupe en particulier, mais dénonce surtout cet « archétype
idéologico-psychologique ».

Nombreux pourtant sont ceux qui ont joué les « devins » et les « (faux)
prophètes », annonçant tout un tas de prédictions à notre époque, et qui se sont
lamentablement trompés, même sur des prédictions de quelques semaines, mois
ou années, alors qu’ils ont grandi dans cette époque et selon tous les moyens de
communication et d’information modernes à leur disposition, alors que les
prédictions prophétiques ont été énoncées et annoncées il y a plus de 1400 ans, et
décrivent parfaitement notre réalité (complexe) contemporaine, époque dont les
disparités éthiques, vestimentaires, idéologiques, technologiques et
« architecturales » ne pouvait pas être imaginée par des « bédouins du désert » ou
même par les civilisations « raffinées » de l’époque.

Il (‫ )ﷺ‬était capable de communiquer avec les animaux également 185. Certains


Saints musulmans ont hérité aussi de ce don prodigieux, raison pour laquelle nous

centaines de milliards de $ pour certains états) et les milliardaires s'enrichissent davantage,


mais appauvrissent davantage la majorité.
185 Par exemple le hadîth où ‘Abdullâh Ibn Ja’far accompagna le Prophète (‫ )ﷺ‬et relata que :
« (…) Il entra dans le jardin d'un homme ansarite. Tout d'un coup, quand un chameau vit le
Prophète (‫)ﷺ‬, le chameau pleura tendrement en produisant un son de nostalgie et ses yeux
coulèrent (de larmes). Le Prophète (‫ )ﷺ‬vint à elle et essuya la tempe de sa tête. Alors il garda
le silence. Il dit alors « Qui est le maître de ce chameau ? A qui est ce chameau ? Un jeune
126
voyons souvent des animaux (chats, chiens, oiseaux, lions, chevaux, etc.) se lier
d'amitié avec eux, au point d'en devenir leur compagnon, et parfois, de mourir de
tristesse eux aussi quand leurs compagnons (les saints) quittent ce bas-monde
(comme avec les cas de Al-Qushayrî et son cheval 186, ainsi que de Sufyân at-Thawrî
et de l'oiseau qu'il libéra de la cage dans laquelle il était captif 187). Le Shaykh, sûfi,
poète, résistant à la colonisation et Saint Ahmadou Bamba (1853 - 1927) du
Sénégal, était connu pour avoir attendri un lion qui lui était soumis et docile alors
qu’ils étaient enfermés dans la même cage (il fut fait prisonnier et fut jeté dans une
cellule à Saint-Louis) et lorsqu’il récita intensément les Sûrah Al-Baqara et Al-
Imrân, le lion devint proche et doux avec lui, alors qu’il n’y avait aucune barrière
entre lui et le lion.

Parmi les Compagnons du Prophète (‫ )ﷺ‬qui étaient réputés pour avoir été
gratifiés aussi de prodiges, de prédictions annonciatrices, d’interprétation des
songes et de visions oniriques, d’inspiration divine ou même de guérison parfois
miraculeuse, - toujours par la Grâce divine -, il y avait nos maîtres Abû Bakr, ‘Umar,
‘Uthmân, ‘Alî et Salmân al-Farîsî pour ne citer que les plus grands parmi eux.

Le grand spécialiste des religions et de la philosophie, Frithjof Schuon disait à ce


sujet : « L’attitude réservée de l’Islam, non devant le miracle, mais devant
l’apriorisme judéo-chrétien — et surtout chrétien — du miracle, s’explique par la
prédominance du pôle « intelligence » sur le pôle « existence » : l’Islam entend se
fonder sur l’évidence spirituelle, le sentiment d’Absolu, conformément à la nature
même de l’homme, laquelle est envisagée ici comme une intelligence théomorphe, et
non comme une volonté qui n’attend qu’à être séduite dans le bon et le mauvais sens,
donc par des miracles et des tentations. Si l’Islam, qui est la dernière venue dans la
série des grandes Révélations, ne se fonde pas sur le miracle, — tout en l’admettant

homme de l'Ansar est venu et a dit : « Ceci est à moi, Apôtre d'Allâh (‫» )ﷺ‬. Il a dit : « Ne
craignez-vous pas Allâh à propos de cet animal qu'Allâh a placé sous votre responsabilité ? Il
s'est plaint à moi que vous le gardez affamé et le chargez lourdement, ce qui le fatigue ».
Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°2549.
186 L’Imâm Tâj Ad-Dîn As-Subkî relate dans ses Tabaqât que l’Imâm Al-Qushayrî avait une

jument qui s’abstint de toute nourriture après son décès, elle empêcha quiconque de la
monter, et mourut au bout de quelques jours.
187 Il se rendit dans un marché et ne supportant pas de voir cet oiseau en cage, il l'acheta

puis le libéra de sa cage. L'oiseau s'attacha à lui et ne le quitta plus (le jour il volait dans les
alentours puis revenait la nuit auprès de lui). Le jour où Sufyân décéda et qu'on le mit dans
un cercueil, l'oiseau l'accompagna, poussa des gémissements, et lorsque le cercueil fut
placé sous terre, l'oiseau tomba et mourut à ce moment. Rapporté notamment par l'imâm
Farîd ud-Dîn Attâr dans Tadhkirat al-Awliyâ', dans la section réservée à Sufyân at-Thawrî.
127
nécessairement, sous peine de ne pas être une religion, — c’est aussi parce que
l’antéchrist « séduira beaucoup par ses prodiges » ; or la certitude spirituelle, qui est
aux antipodes du « renversement » que produit le miracle, — et que l’Islam offre sous
la forme d’une lancinante foi unitaire, d’un sens aigu de l’Absolu, — est un élément
inaccessible au démon ; celui-ci peut imiter un miracle mais non une évidence
intellectuelle ; il peut imiter un phénomène mais non le Saint-Esprit, excepté à l’égard
de ceux qui veulent être trompés et n’ont de toute façon ni le sens de la vérité, ni celui
du sacré » 188.

Et dans le même ouvrage, à propos du Qur’ân : « Pour comprendre toute la portée


du Koran, il faut prendre en considération trois choses : son contenu doctrinal, que
nous trouvons explicité dans les grands traités canoniques de l'Islam, tels ceux d'Abû
Hanifa et d'Et-Tahâwî ; son contenu narratif, qui retrace toutes les vicissitudes de
l'âme ; sa magie divine, c'est-à-dire sa puissance mystérieuse et un sens miraculeuse
(1) (...) Ces sources de doctrine métaphysique et eschatologique, de psychologie
mystique et de puissance théurgique, se cachent sous le voile de mots haletants qui
souvent s'entrechoquent, d'images de cristal et de feu, mais aussi de discours aux
rythmes majestueux, tissés de toutes les fibres de la condition humaine. Mais le
caractère surnaturel de ce Livre n’est pas seulement dans son contenu doctrinal, sa
vérité psychologique et mystique et sa magie transformante, il apparaît également
dans son efficacité la plus extérieure, dans le miracle de son expansion ; les effets du
Koran, dans l’espace et le temps, sont sans rapport avec l’impression littéraire que
peut donner au lecteur profane le mot à mot écrit. Comme toute Écriture sacrée, le
Koran est, lui aussi, a priori un livre « fermé », tout en étant « ouvert » sous un autre
rapport, celui des vérités élémentaires du salut. Il faut distinguer dans le Koran
l’excellence générale de la Parole divine d’avec l’excellence particulière de tel contenu
qui peut s’y superposer, par exemple quand il est question de Dieu ou de Ses qualités
; c’est de la même manière qu’on distingue l’excellence de l’or d’avec celle du chef-
d’œuvre tiré de ce métal. Le chef-d’œuvre manifeste d’une façon directe la noblesse
de l’or, et de même : la noblesse du contenu de tel verset sacré exprime la noblesse de
la substance koranique, de la Parole divine en soi indifférenciée, mais sans pouvoir
augmenter la valeur infinie de cette dernière ; et ceci est encore en rapport avec la «
magie divine », la vertu transformante et parfois théurgique du discours divin, à
laquelle nous avons fait allusion.

188 Frithjof Schuon, Comprendre l’Islam, éd. Gallimard, 1961, pp. 22-23.

128
Cette magie est étroitement liée à la langue même de la Révélation, laquelle est
l’arabe, d’où l’illégitimité canonique et l’inefficacité rituelle des traductions. Une
langue est sacrée quand Dieu l’a parlée (2) ; et pour que Dieu la parle, il faut qu’elle
présente certains caractères qui ne se retrouvent dans aucune langue tardive ; enfin,
il est essentiel de comprendre qu’à partir d’une certaine époque cyclique et du
durcissement de l’ambiance terrestre qu’elle comporte, Dieu ne parle plus, du moins
pas en Révélateur ; autrement dit, à partir d’une certaine époque, tout ce qui se
présente comme nouvelle religion est forcément faux ; le Moyen-Age est, grosso modo
, la dernière limite.

(1) Seule cette puissance peut expliquer l'importance de la récitation du Koran. Ibn
Arabî cite, dans sa "Risalât al-Quds", le cas de soufis qui passaient leur vie à lire ou à
réciter sans arrêt le Koran, ce qui serait inconcevable et même irréalisable s'il n'y
avait pas, derrière l'écorce du texte littéral, une présence spirituelle concrète et
agissante qui dépasse les mots et le mental. C'est d'ailleurs en vertu de cette puissance
du Koran que tels versets peuvent chasser les démons (jinns) et guérir des maladies,
dans certains concours de circonstances tout au moins.

(2) Il faudrait donc conclure que l’araméen est une langue sacrée, puisque le Christ
l'a parlé, mais il y a là trois réserves à faire : premièrement, dans le Christianisme
comme dans le Bouddhisme, c’est l'Avatara lui-même qui est la Révélation, en sorte
que les Écritures — à part leur doctrine — n’ont pas la fonction centrale et plénière
qu’elles ont dans d’autres cas ; deuxièmement, le mot à mot araméen des paroles du
Christ n’a pas été conservé, ce qui corrobore notre précédente remarque ;
troisièmement, pour le Christ lui-même, c’est l’hébreu qui était la langue sacrée. Bien
que le Talmud affirme que « les Anges ne comprennent pas l’araméen », cette langue
n’en a pas moins une valeur liturgique particulièrement éminente ; elle a été «
sacralisée » — bien avant Jésus-Christ — par Daniel et Esdras.
Comme le monde, le Koran est un et multiple à la fois. Le monde est une multiplicité
qui disperse et qui divise ; le Koran en est une qui rassemble et mène à l’Unité. La
multiplicité du Livre sacré — la diversité des mots, des sentences, des images, des
récits — remplit l’âme, puis l’absorbe et la transpose imperceptiblement, par une
sorte de « ruse divine » (au sens du terme sanscrit upâya), dans le climat de la sérénité
et de l’immuable. L’âme, qui a l’habitude du flux des phénomènes, s’y adonne sans
résistance, elle vit en eux et est divisée et dispersée par eux, et même plus que cela :
elle devient ce qu’elle pense et ce qu’elle fait.
Le Discours révélé a la vertu d’accueillir cette même tendance tout en en renversant
le mouvement grâce au caractère céleste du contenu et du langage, si bien que les
poissons de l’âme entrent sans méfiance et selon leurs rythmes habituels dans le filet
divin.

129
Il faut infuser au mental, dans la mesure où il peut la porter, la conscience du
contraste métaphysique entre la « substance » et les « accidents » ; le mental ainsi
régénéré, c’est celui qui pense d’abord Dieu, et qui pense tout en Dieu. En d’autres
termes : par la mosaïque de textes, de phrases, de mots,
Dieu éteint l’agitation mentale en revêtant Lui-même l’apparence de l’agitation
mentale. Le Koran est comme l’image de tout ce que le cerveau humain peut penser
et ressentir, et c’est par là même que Dieu épuise l’inquiétude humaine et infuse au
croyant le silence, la sérénité, la paix.
La Révélation, dans l’Islam, — comme d’ailleurs dans le Judaïsme, — se réfère
essentiellement au symbolisme du livre : tout l’Univers est un livre dont les lettres
sont les éléments cosmiques — les Bouddhistes diraient les dharmas — lesquels
produisent, par leurs innombrables combinaisons et sous l’influence des Idées divines,
les mondes, les êtres et les choses ; les mots et les phrases du livre sont les
manifestations des possibilités créatrices, les mots sous le rapport du contenu et les
phrases sous celui du contenant ; la phrase est en effet comme un espace — ou comme
une durée — comportant une série prédestinée de compossibles et constituant ce que
nous pouvons appeler un «plan divin». Ce symbolisme du livre se distingue de celui de
la parole par son caractère statique : la parole se situe en effet dans la durée et
implique la répétition, tandis que le livre contient les affirmations en mode simultané,
il y a en lui un certain nivellement, toutes les lettres étant pareilles, et cela est du reste
bien caractéristique de la perspective de l’Islam. Seulement, cette perspective —
comme celle de la Thora — comporte aussi le symbolisme de la parole : mais celle-ci
s’identifie alors à l’origine ; Dieu parle, et sa Parole se cristallise sous forme de Livre.
Cette cristallisation a évidemment son prototype en Dieu, si bien qu’on peut affirmer
que la « Parole » et le « Livre » sont deux côtés de l’Etre pur, qui est le Principe à la
fois créateur et révélateur ; on dit cependant que le Koran est la Parole de Dieu, et
non que la Parole procède du Koran ou du Livre » 189.

Si la récitation du Qur'ân possède bien des vertus prodigieuses et réelles, ses


effets varient en degré, et cela ne doit pas exclure les remèdes naturels et les
exercices physiques habituels. Et de tout cela, nous avons été témoin par
expérience et par observation, à savoir la guérison spirituelle des troubles
mentaux et maladies physiques de patients par le Qur'ân, là où les médicaments et
traitements thérapeutiques classiques avaient échoué, de la multiplication
d'objets et de la disparition d'objets ou de créatures sans qu'aucune explication
physique puisse les expliquer selon les lois de la physique et les processus
physicochimiques, - en dehors des cas de fraudes, de faux témoignages et
d'hypothèses farfelues qui pullulent un peu partout malheureusement. Et si tout

189 Ibid, pp. 52-56, et notes de bas de page.


130
cela est possible pour autre que le Prophète, que dire alors du rang éminent et des
prodiges du Prophète (‫? )ﷺ‬

Ainsi était notre Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬. Que la Grâce, les Bénédictions et la
Paix d'Allâh soient sur notre Prophète (‫)ﷺ‬, sa famille purifiée, ses nobles
Compagnons, les rapprochés d’Allâh de sa communauté, les vertueux et toutes
celles et ceux qui ont suivi la Bonne guidée et qu’Allâh a compté parmi les
bienfaisants !

Les idéologues de la modernité nous avait promis qu'avec la fin de la religion et


du religieux dans nos sociétés et dans nos systèmes politiques, le monde se
porterait mieux, que nos sociétés seraient débarrassées de la pauvreté, de la
corruption, de l'hypocrisie, de la superstition et de la haine, que nous vivrions en
harmonie avec la nature et les animaux, et que tous les citoyens seraient traités de
la même façon. Alors, 2 siècles après ces promesses et ces prédictions, où en
sommes-nous ? 190 Au bord de la catastrophe, de la fin de la liberté 191, de sociétés
très inégalitaires, de classes politiques rongées par la corruption et

190 Avant le monde moderne, la civilisation a toujours connu un progrès technique, mais mis

généralement au service de l’Humain et des animaux, et ne menaçant pas les écosystèmes.


Mais avec le monde moderne, la violence de la technique a défiguré la planète, violenté
l’Humanité et les espèces animales et végétales. L’Humain est devenu esclave de la machine
et de la technique, si bien que les méfaits l’emportent largement sur les bénéfices apportés
par cette technique. Cette technocratie réduit d’ailleurs le vivant (les humains et les
animaux) en esclavage pour enrichir de façon indécente une poignée d’individus et de
multinationales, exploitant l’immense majorité en la privant de libertés et de spiritualité, le
tout pour mieux financer des horreurs sans nom (pédophilie, trafic d’êtres humains et
d’organes, combats d’animaux, sacrifices, etc.).
191 "La reconnaissance faciale : le début de la fin de nos libertés individuelles", Libération,

14-16 octobre 2019 : https://www.liberation.fr/debats/2019/10/14/la-reconnaissance-


faciale-le-debut-de-la-fin-de-nos-libertes-individuelles_1817160/ ; Voir aussi le
documentaire Derrière nos écrans de fumée (The Social Dilemma) réalisé par Jeff Orlowski
et sorti en 2020 qui aborde la question du capitalisme de surveillance.
Et aussi le documentaire Citizenfour de Laura Poitras diffusé en 2014, mettant en avant les
travaux et déclarations de Edward Snowden, dénonçant la surveillance de masse initiée
par les Etats-Unis, - et aujourd'hui développée aussi par Israël, la France et la Chine
notamment -.
131
l'opportunisme, de l'extinction probable et potentielle de l'Humanité à courte
échéance 192, et de la disparition de nombreuses espèces animales et végétales 193.

Face à cette crise existentielle 194, le retour du religieux refait souvent surface,
parfois de façon noble et percutante, parfois de façon anarchique ou superficielle
quand les individus n'ont pas été capables de se soustraire du poison idéologique
de la modernité, qui a atteint jusqu'à la mentalité-même de certains religieux qui
n'ont pas été éduqués spirituellement 195.

Plus que jamais, la Voie Muhammadienne permet d’y faire face, - comme nous le
verrons -, et ainsi de se préserver autant que possible des menaces existentielles
qui pèsent sur l’Humanité, et même sur l’ensemble du règne du vivant.

192 En raison des activités humaines qui perturbent l’ensemble des écosystèmes,

engendrant des catastrophes naturelles, et aussi par les armes nucléaires, chimiques et
bactériologiques qui peuvent détruire des millions de vies en très peu de temps, tout en
polluant considérablement la nature pour des décennies ou des siècles, l'extinction de
l'Humanité n'a jamais été rendue aussi facile et probable qu'aujourd'hui. Il faut toutefois se
garder des pseudo-devins et catastrophistes qui donnent une date précise et cèdent
rapidement aux scénarios catastrophiques de façon loufoque, y compris ceux émanant de
certains scientifiques, dont bien des prédictions se sont avérées fausses.
193 "Près de 70% de la faune sauvage ont disparu en 50 ans : le constat alarmant du WWF",

LCI, 10 septembre 2020 : https://www.lci.fr/planete/les-70-de-la-faune-sauvage-a-


disparu-en-50-ans-le-constat-alarmant-du-wwf-2164157.html ; "En trente ans, près de 80
% des insectes auraient disparu en Europe", Le Monde, 18 octobre 2017 :
https://www.lemonde.fr/biodiversite/article/2017/10/18/en-trente-ans-pres-de-80-
des-insectes-auraient-disparu-en-europe_5202939_1652692.html ; "15.000 scientifiques
tirent la sonnette d'alarme sur l'état de la planète", Sciences & Avenir, 14 novembre 2017 :
https://www.sciencesetavenir.fr/nature-environnement/15-000-scientifiques-tirent-la-
sonnette-d-alarme-sur-l-etat-de-la-planete_118278
194 Les charlatans pullulent aussi en cette époque moderne. Beaucoup sont encore

conditionnés par une idéologie qui n'est pas fondée, preuve en est qu’ils minimisent les
dangers réels, et qu’ils amplifient largement les « mérites » de notre époque. Par ailleurs,
les scénarii tirés par les cheveux de nombreux catastrophistes sont à dénoncer aussi, mais
ils ne font que surfer sur une crise existentielle et des malaises bien réels.
195Voir notamment Seyyed Hossein Nasr, L'Islam traditionnel face au monde moderne, éd.
L'Âge d'Homme, 1993 ; René Guénon, La crise du monde moderne, éd. Folio, 1994 ; René
Guénon, Orient et Occident, éd. Véga, 2006 ; René Guénon, Le règne de la quantité et les signes
des temps, éd. Gallimard, 1945 ; Hamza Benaïssa, L'opium de l'Humanité, éd. El Maarifa,
2001.
132
Recueil

Section n°1 : L’Islam, la sincérité, le combat contre l’ego et


l’abstention de causer du mal aux gens

En Islam, il est bien établi que la sincérité et l’intention sont ce qui rendent
spirituellement valides et bénéfiques les actions que l’on réalise, en premier lieu,
pour chercher Son Agrément, et non pas pour plaire aux gens, obtenir des
richesses matérielles ou encore rechercher vainement les honneurs sociaux ou
politiques. Quand on accomplit sincèrement une bonne action pour Lui, celle-ci
reçoit alors Ses bénédictions, l’âme est purifiée et illuminée, et cela suscite la joie
et l’utilité à Sa création. Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit ainsi : « Les actions ne valent que par
les intentions et la personne obtient ce qu’elle a eu comme intention. Celui qui a
accompli la hijra vers Allâh et son Prophète alors sa hijra est vers Allâh et son
Prophète. Et celui dont la hijra est pour obtenir quelque chose de la vie d’ici-bas ou
pour se marier avec une femme alors sa hijra est vers ce pour quoi il l’a faite » 196.

L’imâm As-Shafi’i dit à propos de ce hadith : « Ce hadith représente le tiers du


savoir. Il intervient dans 70 chapitres du droit musulman » 197.

196 Rapporté entre autres par Bukharî dans son Sahîh n°6689 et Muslim dans son Sahîh
n°1907, d’après Yahya ibn Sa’id d’après Muhammad ibn Ibrahim d’après ‘Arqama d’après
‘Umar Ibn Al Khattab. Certains vont cependant dire que Muhammad ibn Ibrahim va être
critiqué par certains spécialistes du hadîth, alors qu’il est validé par d’autres. Ce seul
argument, sur le plan islamique et rationnel, ne suffit donc pas pour rejeter une information
acceptée par la quasi-totalité des musulmans, et par la totalité des gens doués de
clairvoyance, d’autant plus qu’il ne s’agit pas là d’une sentence légale ou d’un sujet lié aux
Attributs d’Allâh par exemple. Or, quand bien même la chaine serait faible ou forgée, le
Qur’ân et la conscience primordiale (fitra) exigent la pureté d’intention et le rejet de
l’hypocrisie, quand on accomplit un acte et lorsque l’on entretient une relation avec Allâh.
Et si le hadith possède une bonne traçabilité, il n’y a dès lors plus de raison suffisante pour
rejeter ce hadith. D’ailleurs, l’on constate que ceux qui n’ont pas cette méthodologie sont
souvent ceux qui sont mentalement déficients et qui cherchent n’importe quel prétexte pour
tendre vers l’hypocrisie, se détourner de la piété religieuse et justifier avec beaucoup
d’arrogance leurs passions, d’après ce que nous avons pu nous-même observer.
197 Ibn Daqiq al-‘Id, Sharh Muslim 13/53, Al-fath 1/11 et Sharh al-arba’in, p. 12.

133
L’imâm Ahmad dit : « Les fondements de l’islam se résument à 3 ahadiths : le hadith
de ‘Umar : « Les actes ne valent que selon les intentions qui les animent (…) » 198.

Ce hadîth est d’ailleurs en totale concordance avec le Qur’ân et dont nous ne


citerons qu’un échantillon de versets : « Quiconque veut la récompense d’ici-bas,
Nous lui en donnons une part. Et quiconque veut la récompense de l’au-delà,
Nous lui en donnons une part » (Qur’ân 3, 145).

« Il en était parmi vous qui désiraient la vie d’ici-bas et il en était parmi vous
qui désiraient l’au-delà » (Qur’ân 3, 152).

« Ceux qui veulent la vie présente avec sa parure, Nous les rétribuerons
exactement selon leurs actions sur terre, sans que rien ne leur en soit diminué.
Ceux-là sont ceux qui n’ont rien, dans l’au-delà, sauf le Feu. Ce qu’ils auront fait
ici-bas ira à vau-l’eau, et ce qu’ils auront œuvré sera vain » (Qur’ân 11, 15-16).

« Et ne congédie pas ceux qui, matin et soir, implorent leur Seigneur, cherchant
sa Face » (Qur’ân 6, 52).

« Mais ce que vous donnez comme Zakât, tout en cherchant la Face d’Allâh …
Ceux-là verront leurs récompenses multipliées » (Qur’ân 30, 39).

« Alors qu’en sera écarté le pieux, qui donne ses biens pour se purifier et auprès
de qui personne ne profite d’un bienfait intéressé, mais seulement pour la
recherche de La Face de son Seigneur le Très Haut » (Qur’ân 92, 17-20).

« Et vous ne dépensez que pour la recherche de la Face d’Allâh » (Qur’ân 2, 272).

« Et ceux qui dépensent leurs biens cherchant l’Agrément d’Allâh, et bien


rassurés de sa récompense, ils ressemblent à un jardin sur une colline. Qu’une
averse l’atteigne, il double ses fruits ; à défaut d’une averse qui l’atteint, c’est
la rosée. Et Allâh voit parfaitement ce que vous faites » (Qur’ân 2, 265).

« Il n’y a rien de bon dans la plus grande partie de leurs conversations secrètes,
sauf si l’un d’eux ordonne une charité, une bonne action, ou une conciliation
entre les gens. Et quiconque le fait, cherchant l’Agrément d’Allâh, à celui-là
Nous donnerons bientôt une récompense énorme » (Qur’ân 4, 114).

198 Ibn Daqiq al-‘Id, Al-fath 1/11.


134
Un autre hadîth célèbre et authentique qui résume la quintessence de l’Islam, est
le hadîth dit de « Jibril », où le contenu synthétise les enseignements qurâniques
essentiels (éparpillés dans le Qur’ân) pour expliquer l’Islam.

’Umar ibn al-Khattab a rapporté : « Un jour que nous étions assis auprès de l’Envoyé
d’Allâh voici qu’apparut à nous un homme aux habits d’une vive blancheur, et aux
cheveux d’une noirceur intense, sans trace visible de voyage, personne parmi nous ne
le connaissait. Il vint s’asseoir en face du Prophète, plaça ses genoux contre les siens
et posa les paumes de ses mains sur ses deux cuisses, et il lui dit : « Ô Muhammad :
informe-moi au sujet de l’islâm ».

L’Envoyé d’Allâh lui répondit : « L’islam est que tu témoignes qu’il n’est pas de divinité
si ce n’est Allâh et que Mohammad est l’Envoyé d’Allâh ; que tu accomplisses la prière
(cinq prières quotidiennement) ; verses la Zakât (l’aumône légale, l’impôt
purificateur) ; jeûnes durant le mois de ramadan et effectues le pèlerinage vers La
Maison Sacrée (La Mecque), si tu en as la possibilité (physique et financière) ».

« – Tu dis vrai ! dit l’homme ».

Nous fûmes pris d’étonnement de le voir interrogeant le Prophète puis l’approuver.

Et l’homme de reprendre : « Informe-moi au sujet de la foi (al-Imân) ».

« C’est, répliqua le Prophète, de croire en Allâh, en Ses Anges, en Ses Livres, en Ses
envoyés (prophètes et messagers), au Jour Dernier et de croire dans le destin imparti
pour le Bien et le Mal ».

« Tu dis vrai », répéta l’homme qui reprit en disant : « Informe-moi au sujet de


l’excellence spirituelle (al-Ihsân) ».

« C’est, répondit le Prophète, que tu adores Allâh comme si tu Le vois, car si tu ne Le


vois pas, certes, Lui te voit ».

L’homme dit : « Informe-moi au sujet de l’Heure (de la fin des temps) ».

Le Prophète répondit : « L’interrogé n’en sait pas plus que celui qui l’interroge ».

L’homme demanda alors : « Quels en sont les signes précurseurs ? ».

« C’est, répondit le Prophète, lorsque la servante engendrera sa maîtresse, et lorsque


tu verras les pâtres miséreux, pieds nus et mal vêtus rivaliser dans l’édification de
constructions (très) élevées ».

135
Là-dessus, l’homme s’en fût. Quant à moi, je restai un moment. Ensuite le Prophète
me demanda : « O ’Umar ! Sais-tu qui interrogeait ? ».

Je répondis : « Allâh et Son Envoyé en savent plus ».

« C’est (l’Ange) Gabriel (Jibrîl), dit le Prophète, qui est venu vous enseigner votre
religion » 199.

De ce hadîth, nous comprenons que nous pouvons distinguer trois aspects


fondamentaux de la religion :

1) Al-Islâm : c’est le fait de reconnaitre la vérité du message prophétique et d’en


accomplir les rites essentiels quand les conditions sont réunies (prière, zakâh,
jeûne, hajj, …). Cela a donné naissance à la science de la jurisprudence (comment
prier, comment jeûner, etc.), les modalités pratiques pour accomplir les rites, les
rapports sociaux et humains, etc.

2) Al-Imân : C’est l’aspect doctrinal, à savoir ce que le musulman doit professer et


reconnaitre intérieurement au niveau théologique : l’Unicité Divine et le Jour du
Jugement, le Paradis et l’enfer, les Prophètes, les Anges, les Révélations, la
Prédestination, etc. Cela a donné naissance à la science du « kalâm/’aqida », que
l’on traduit généralement par « théologie ».

3) Al-Ihsân : Que l’on pourrait traduire par « l’excellence spirituelle, la


bienfaisance, … ». C’est la dimension spirituelle et intellectuelle de l’Islam, qui
concerne la métaphysique et la spiritualité, où à travers l’éducation de l’âme, le
croyant se purifie, dissipe les voiles des illusions, acquiert de nobles caractères,
contemple Allâh en toute situation, se débarrasse des vils caractères et plonge
dans la Présence Divine, à la fois dans Son Immanence (Présence Divine en toute
chose) et dans Sa Transcendance (sans contact, incarnation ou fusion substantielle
avec les choses créées). Le croyant s’absorbe ainsi constamment dans la Présence
Seigneuriale et s’abstient de commettre des péchés et même des choses futiles (qui
sont autorisées, mais qui ne constituent ni des obligations religieuses ni des
recommandations religieuses). C’est le plus haut degré que le croyant puisse
atteindre, mais cela ne peut s’obtenir qu’en s’appuyant fermement sur les deux

199Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh n°8a, par An-Nawawî dans Riyâd As-Salihin
n°60, par Al-Baghawî dans Mishkat al-Masabih n°2, par Ahmad dans son Musnad n°367 et
368, par An-Nasâ'î dans ses Sunân n°4990 et d’autres.
136
premiers aspects de l’Islâm (l’islâm/fiqh et al-imân/’aqida). Cela a donné
naissance à la science du Tasawwuf.

Quant aux signes eschatologiques concernant la fin des temps, ce hadîth contient
une preuve de sa véracité puisque depuis l’avènement du monde moderne, ces
prophéties se sont réalisées, notamment dans les pays arabes du Golfe, puisque
des bédouins (enrichis grâce au pétrole et au gaz) rivalisent bien entre eux dans
l’édification et la construction de bâtiments très élevés (dépassant les 100 mètres
de haut notamment) et que des bédouins indignes du pouvoir politique
deviendront des dirigeants despotes qui dilapideront l’argent du peuple dans des
constructions luxueuses inutiles, de même pour « la servante qui engendrera sa
maîtresse » que nous pouvons constater de nos jours. C’est comme si le Prophète
anticipait déjà la critique de ce hadîth par des gens inavertis ou « malades » sur le
plan spirituel. Ce hadîth est une synthèse (facilitant aux gens la compréhension)
de ce qui est exposé dans le Qur’ân :

1) La Shahada et les 6 piliers de la foi (professer l’Unicité Divine, attester de Ses


Messagers, de Ses Anges, de Ses Révélations/Livres, du Jour du Jugement, du
Paradis et de l’Enfer ainsi que du Destin) dans le Qur’ân :

« Les vrais croyants sont ceux qui croient à Allâh et à Son Prophète
(Muhammad), ne connaissent pas le doute… » (Qur’ân 49, 15).

« Sache qu’il n’y a pas d’autre divinité qu’Allâh » (Qur’ân 47, 19).

« Celui qui rejette l’erreur et qui croit en Allâh est semblable à celui qui est
accroché à une anse solide, indétachable » (Qur’ân 2, 256).,

« La piété est de croire en Allâh et au Jour dernier » (Qur’ân 2, 177).

« C’est Lui qui détient les clefs de l’Inconnaissable. Nul autre que Lui ne les
connaît. Et Il connaît ce qui est dans la terre ferme, comme dans la mer. Et par
une feuille ne tombe qu’Il ne le sache. Et pas une graine dans les ténèbres de la
terre, rien de frais ou de sec, qui ne soit consigné dans un livre explicite. Et, la
nuit, c’est Lui qui prend vos âmes, et Il sait ce que vous avez acquis pendant le
jour. Puis Il vous ressuscite le jour afin que s’accomplisse le terme fixé. Ensuite,
c’est vers Lui que sera votre retour, et Il vous informera de ce que vous faisiez.

137
Et lorsque la mort atteint l´un de vous, Nos messagers (les Anges) enlèvent son
âme sans aucune négligence » (Qur’ân 6, 59-61).

« Ils croient en Allâh et au Jour dernier, ordonnent le convenable, interdisent


le blâmable et concourent aux bonnes oeuvres. Ceux-là sont parmi les gens de
bien » (Qur’ân 3, 114).

« Certes, ceux qui ont cru, ceux qui se sont judaïsés, les Nazaréens, et les
Sabéens, quiconque d’entre eux a cru en Allâh, au Jour dernier et accompli de
bonnes oeuvres, sera récompensé par son Seigneur ; il n’éprouvera aucune
crainte et il ne sera jamais affligé » (Qur’ân 2, 62).

« Certes, Allâh et Ses Anges bénissent le Prophète. Ô vous qui croyez, bénissez-
le et appelez sur lui le Salut (la Paix) ! » (Qur’ân 33, 56).

« Ceux qui disent : notre Maître, c’est Allâh, puis se comportent avec droiture,
verront affluer du ciel les Anges qui leur diront : « Ne craignez rien, et ne vous
affligez point ! Recevez plutôt une heureuse annonce, celle du Jardin qui vous
a été promis ! Nous sommes pour vous des soutiens en ce monde et le serons
dans l’Au-delà, où tous vos désirs seront comblés et tous vos voeux satisfaits »
(Qur’ân 41, 30).

« Ceux qui ont la foi, ont fait de bonnes oeuvres, accompli la Salât et acquitté la
Zakât, auront certes leur récompense auprès de leur Seigneur. Pas de crainte
pour eux, et ils ne seront point affligés. Ô les croyants ! Craignez Allâh (soyez
pieux) ; et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants »
(Qur’ân 2, 277-278).

« Et craignez le jour où vous serez ramenés vers Allâh. Alors chaque âme sera
pleinement rétribuée de ce qu'elle aura acquis. Et ils ne seront point lésés »
(Qur’ân 2, 281).

« C'est à Allâh qu'appartient tout ce qui est dans les cieux et sur la terre. Que
vous manifestiez ce qui est en vous ou que vous le cachiez, Allâh vous en
demandera compte. Puis Il pardonnera à qui Il veut, et châtiera (corrigera) qui
Il veut. Et Allâh est Omnipotent. Le Messager a cru en ce qu'on a fait descendre
vers lui venant de son Seigneur, et aussi les croyants : tous ont cru en Allâh, en
Ses anges, à Ses Livres (Révélations) et en Ses messagers ; (en disant) : « Nous
ne faisons aucune distinction entre Ses messagers ». Et ils ont dit : « Nous avons

138
entendu et obéi. Seigneur, nous implorons Ton pardon. C'est à Toi que sera le
retour » (Qur’ân 2, 284-285).

« Ô Prophète ! Quand les croyantes viennent te prêter serment d'allégeance,


[et en jurent] qu'elles n’associeront rien à Allâh, qu'elles ne voleront pas,
qu'elles ne se livreront pas à l'adultère, qu'elles ne tueront pas leurs propres
enfants, qu'elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec
leurs pieds et qu'elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable, alors reçois
leur serment d'allégeance, et implore d'Allâh le pardon pour elles. Allâh est
certes, Pardonneur et Très Miséricordieux » (Qur’ân 60, 12).

2) La salât (prière canonique) et la zakât (aumône purificatrice obligatoire) :

« Bienheureux sont certes les croyants qui prient avec humilité, qui se
détournent des futilités, qui s’acquittent de la zakât (…) » (Qur’ân 23, 1-4).

« Et accomplissez la Salât et acquittez la Zakât » (Qur’ân 2, 43).

« Accomplissez la Salât et acquittez la Zakât. Et tout ce que vous avancez de


bien pour vous-même, vous le retrouverez auprès d’Allâh, car Allâh voit
parfaitement ce que vous faites » (Qur’ân 2, 110).

« Ceux qui ont la foi, ont fait de bonnes oeuvres, accompli la Salât et acquitté la
Zakât, auront certes leur récompense auprès de leur Seigneur. Pas de crainte
pour eux, et ils ne seront point affligés » (Qur’ân 2, 277).

« Prélève de leurs biens une aumône par laquelle tu les purifies et les bénis, et
pris pour eux. Ta prière est une quiétude pour eux. Et Allah est Audient et
Omniscient » (Qur’ân 9, 103).

« Ceux qui ont la foi, ont fait de bonnes oeuvres, accompli la Salât et acquitté la
Zakât, auront certes leur récompense auprès de leur Seigneur. Pas de crainte
pour eux, et ils ne seront point affligés. Ô les croyants ! Craignez Allâh (soyez
pieux) ; et renoncez au reliquat de l'intérêt usuraire, si vous êtes croyants »
(Qur’ân 2, 277-278).

3) Le jeûne du mois de Ramadan :

139
« Ô les croyants ! On vous a prescrit as-Siyâm (le jeûne obligatoire) comme on
l’a prescrit à ceux d’avant vous, ainsi atteindrez-vous la piété, pendant un
nombre déterminé de jours. Quiconque d’entre vous est malade ou en voyage,
devra jeûner un nombre égal d’autres jours. Mais pour ceux qui ne pourraient
le supporter (qu’avec grande difficulté), il y a une compensation : nourrir un
pauvre. Et si quelqu’un fait plus de son propre gré, c’est pour lui ; mais il est
mieux pour vous de jeûner ; si vous saviez ! (Ces jours sont) le mois de Ramadân
au cours duquel le Qur’ân a été descendu comme guide pour les gens, et
preuves claires de la bonne direction et du discernement. Donc quiconque
d’entre vous est présent en ce mois, qu’il jeûne ! Et quiconque est malade ou en
voyage, alors qu’il jeûne un nombre égal d’autres jours. – Allâh veut pour vous
la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous, afin que vous en complétiez le
nombre et que vous proclamiez la grandeur d’Allâh pour vous avoir guidés, et
afin que vous soyez reconnaissants ! Et quand Mes serviteurs t’interrogent sur
Moi, alors Je suis tout proche : Je réponds à l’appel de celui qui Me prie quand
il Me prie. Qu’ils répondent à Mon appel, et qu’ils croient en Moi, afin qu’ils
soient bien guidés.

On vous a permis, la nuit d’as-Siyâm, d’avoir des rapports avec vos femmes ;
elles sont un vêtement pour vous et vous un vêtement pour elles. Allâh sait que
vous aviez clandestinement des rapports avec vos femmes. Il vous a pardonné
et vous a graciés. Cohabitez donc avec elles, maintenant, et cherchez ce
qu’Allâh a prescrit en votre faveur ; mangez et buvez jusqu’à ce que se
distingue, pour vous, le fil blanc de l’aube du fil noir de la nuit. Puis
accomplissez le jeûne jusqu’à la nuit. Mais ne cohabitez pas avec elles pendant
que vous êtes en retraite rituelle dans les mosquées. Voilà les lois d’Allâh : ne
vous en approchez donc pas (pour les transgresser). C’est ainsi qu’Allâh expose
aux hommes Ses enseignements, afin qu’ils deviennent pieux.

Et ne dévorez pas mutuellement et illicitement vos biens, et ne vous en servez


pas pour corrompre des juges pour vous permettre de dévorer une partie des
biens des gens, injustement et sciemment.

Ils t’interrogent sur les nouvelles lunes – Dis : « Elles servent aux gens pour
compter le temps, et aussi pour le Hajj [pèlerinage]. Et ce n’est pas un acte de
bienfaisance que de rentrer chez vous par l’arrière des maisons. Mais la bonté
pieuse consiste à craindre Allah. Entrer donc dans les maisons par leurs portes.
Et craignez Allah afin que vous réussissiez ! » (Qur’ân 2, 183-189).

140
Il est bien question d’obligation ici, à l’exception des cas où une « grande difficulté
» est réelle et menace la santé ou la vie de la personne. A noter que « grande
difficulté » exprime l’idée d’un empêchement réel, et non pas d’un « caprice
égotique » ou d’une petite difficulté (avoir une sensation de faim qui ne menace
pas la santé), car certains réformistes disent qu’à la moindre contrariété ou petite
difficulté, l’obligation est levée (devient caduque), ce qui revient à dire que le
croyant doit céder à son ego, abandonner tout effort dans la pratique religieuse et
l’acquisition de la connaissance et des qualités éthiques, dès que son ego (ayant
pris le dessus sur lui) sera « contrarié ».

4) Le hajj (grand pèlerinage)

« Et accomplissez pour Allâh le Hajj et la Umra (petit pèlerinage) » (Qur’ân 2,


196).

« Et c’est un devoir envers Allâh pour les gens (parmi les croyants) qui ont les
moyens, d’aller faire le pèlerinage de la Maison » (Qur’ân 3, 97).

De même, l’importance de la transcendance et de la piété est inscrite au « cœur »


du Qur’ân : « Et s’ils croyaient et vivaient en piété, une récompense de la part
d’Allâh serait certes meilleure. Si seulement ils savaient ! » (Qur’ân 2, 103).

Pour l’interdiction du « ribâ » : « Allâh anéantit l’intérêt usuraire et fait


fructifier les aumônes. Et Allâh n’agrée pas le mécréant pécheur. Ceux qui ont
la foi, ont fait de bonnes oeuvres, accompli la Salât et acquitté la Zakât, auront
certes leur récompense auprès de leur Seigneur. Pas de crainte pour eux, et ils
ne seront point affligés. Ô les croyants ! Craignez Allâh ; et renoncez au reliquat
de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants » (Qur’ân 2, 276-278).

En résumé, ce hadith est authentique, d’une part par sa chaîne de transmission,


d’autre part par sa conformité totale au Qur’ân et par la prédiction prophétique
qui s’est réalisée plus de 1000 ans après son énonciation. De même, la portée
spirituelle de ce hadîth a été développée, expérimentée et commentée par de
nombreux maîtres spirituels 200. Ce hadîth n’a été contesté par aucun spécialiste et

200Voir les traités parlant des « 5 piliers de l’Islam » par Al-Ghazâlî, Ibn ‘Arabî et l’imâm As-
Sha’rânî par exemple, et qui ont été traduit en français : Les secrets des cinq piliers de l’islam
de Abû Hâmid al-Ghazâlî (éd. Iqra, 2001, traduit par Abdel Rahîm Dahlaoui), Les Cinq piliers
141
a été le hadith de référence chez tous ceux qui l’ont entendu et mis en pratique, et
cela n’entre pas non plus en contradiction avec d’autres ahadiths (soit faibles soit
bons ou authentiques) qui ont évoqué 2, 3, 4, 6, 7, 8 (ou plus) piliers de l’Islam, en
ce sens que les « 5 piliers » de l’islam ont été acceptés de tous les Sahaba et Tabi’în,
et on retrouve ces piliers parmi les 6, 7, 8 ou plus évoqués par d’autres ahadiths,
de même que ceux qui ont évoqué 2, 3 ou 4 piliers, reprennent aussi ceux évoqués
par le hadîth des 5 piliers. La raison est que, pour certaines explications ou
préférences personnelles, certains mentionnaient un autre nombre ou mettaient
en avant, selon le contexte, des pratiques et œuvres sur lesquelles leurs disciples
ou les musulmans (de façon générale) devaient se concentrer. D’autres encore,
n’avaient pas forcément entendu la totalité du hadîth ou n’ont pas tout mémorisé,
et n’ont donc transmis que la partie qu’ils ont pu entendre ou mémoriser. Et
d’autres occasions encore, ils ont pu écouter le Prophète insister sur un certain
nombre de choses, et les ont donc comptés parmi les « piliers » à retenir et à
pratiquer. Quoi qu’il en soit, on ne regarde pas que la transmission du Hadîth, mais
aussi ce que dit le Qur’ân, la pratique qui a été transmise et accomplie par toutes
les générations, etc.

Ce hadîth-là en l’occurrence, n’est donc pas une fabrication politique ni un choix


arbitraire, et a été rapporté par un proche Compagnon du Prophète connu pour
bénéficier aussi de « l’inspiration Divine » (ilhâm). Et le « 5 » étant un chiffre
symbolique pouvant exprimer le caractère « complet » et l’aspect « essentiel et
synthétique » de la Religion, et constituant ainsi des critères suffisants et
accessibles à tous en principe, pour s’identifier et se rattacher à la Religion.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Adore Allâh comme si tu Le voyais, compte


ton ego au nombre des morts et prends garde à l'imploration de l'opprimé » 201.

de l’islam de Ibn ‘Arabî (éd. i Littérature, 2018) et Les secrets des cinq piliers de l’islam de
‘Abd al-Wahhâb Sha’rânî (éd. i Littérature, 2019).
201 Rapporté par Abû Nu'aym dans Hilyat al-awliyâ et par As-Suyûtî dans al-Jâmi' al-saghîr

n°1133 selon Abû ad-Dardâ'.


Ce hadîth rejoint aussi le célèbre hadith rapporté (par dévoilement) par la plupart des saints
« Mourez avant de mourir (faites mourir votre ego) » rapporté aussi par al-Hakim at-Tirmidhî
dans Nawadîr al-Usûl. Sayyidûna ‘Umar ('alayhî salâm) tint une parole similaire aussi : «
Faites votre introspection (pesez-vous et mesurez-vous) avant que vous [vos actions] ne soient
[physiquement] pesées [le jour de la Résurrection]. Tenez compte de vous-même, avant que
cela ne vous soit fait physiquement, car en effet, cela vous facilitera la tâche demain si vous
prenez en compte vous-même [maintenant, à l’avance concernant vos actions et vos
aspirations] … ». Rapporté par Abû Nu'aym dans Hilyat al-awliyâ n°135.
142
Ce hadîth expose le coeur du cheminement spirituel, à savoir aspirer à Allâh et se
concentrer sur le Tawhîd dans toutes nos actions et nos aspirations, agir de sorte
à dompter son ego et à s'en libérer, et ne pas nuire aux gens ni à les opprimer, qu'ils
soient musulmans ou non-musulmans, car le hadîth a ici une portée générale, et
est corroboré par le Qur'ân (cf. par exemple : « Ô les croyants ! Soyez stricts (dans
vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins équitables. Et que la haine pour
un peuple ne vous incite pas à être injustes. Pratiquez l’équité : cela est plus
proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car Allâh est certes Parfaitement
Connaisseur de ce que vous faites » Qur’ân 5, 8) ainsi que par d'autres ahadiths
tels que celui-ci : « et crains l’invocation de l’opprimé même si c’est un mécréant car
il n’y a pas de voile entre elle et Allâh » 202.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Mon Dieu ! Ne m'abandonne pas à mon
ego l'espace d'un instant et ne retire pas de moi le bien que Tu y as placé » 203.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Vous informerais-je au sujet du croyant


(mû’min) ? C’est celui que les gens ne craignent pas quant à leurs biens et leurs
propres personnes. Et le musulman, c’est celui dont les gens sont épargnés (du mal)
de sa main et de sa langue. Et le (véritable) combattant (al mujâhid) est celui qui
lutte contre son ego. Et l’émigré (al muhâjir) est celui qui délaisse (quitte) les péchés
et les mauvaises actions » 204.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « L’homme fort n’est pas celui qui est fort en
lutte, mais c’est celui qui se maitrise sous l’emprise de la colère » 205.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « L'homme fort n'est pas celui qui prend le
dessus (et qui terrassent) sur les gens mais l'homme fort est celui qui prend le dessus
sur sa propre âme (son ego) » 206.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Les forts ne sont pas ceux qui terrassent les
gens. Au contraire, les forts sont ceux qui maîtrisent leur ego (en le domptant) » 207.

202 Rapporté par Ahmad dans son Musnad.


203 Rapporté par Al-Munawî dans son Fayd al-Qadîr, par Al-Bazzâr dans son Musnad d'après
Ibn 'Umar, par As-Suyûtî dans al-Jâmi' as-saghîr.
204 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23438 selon Fadalah ibn ‘Ubayd.
205 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh et Muslim dans son Sahîh n°2609, par An-

Nawawî dans son Riyâd as-salihin n°45, par Ibn Hajar dans Bulugh al-Maram 16/n°1481
selon Abû Hurayra.
206 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°717 selon Abû Hurayra.
207 Rapporté par At-Tahawî dans Mushkil al-Âthâr n°1426.

143
Al-Bayhaqî a rapporté dans son Kitâb az-Zûhd al-Kabir :
« 368. Hannân (variantes : « Habbân », « Hayyân ») ibn Khârija sollicita l’avis de ‘Abd
Allâh ibn ‘Amr sur la guerre sainte et les expéditions, et voici quelle fut sa réponse : «
Commence par combattre ton âme, et commence par mener une expédition contre
elle ! Si tu es tué en fuyant, Allâh te ressuscitera en fuyard ; si tu es tué (en t’étant
battu), comme un hypocrite, c’est en hypocrisie qu’Il te ressuscitera, mais si tu es tué
en homme qui supporte (le combat) avec patience et s’acquiert ainsi des mérites, c’est
comme tel que tu seras ressuscité ».
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Il n'y a pas de gorgée qui apporte une plus grande
récompense auprès d'Allâh qu'une gorgée de colère qu'un homme ravale (et éradique
en son intérieur), cherchant ainsi la Face d'Allâh » 208.

Le Shaykh Al-Darqâwî (m. 1823) a dit dans ses lettres spirituelles (Rasâ'îl) :
« Les disciples des premiers temps ne recherchaient que ce qui pouvait faire mourir
leurs egos et vivifier leurs cœurs alors que nous sommes, à l’inverse, entièrement
préoccupés, à tuer nos cœurs et à vivifier nos egos ! Eux, ils ne s’efforçaient qu’à se
défaire de leurs passions et à détrôner leur égo ; quant à nous, c’est à la satisfaction
de nos désirs sensuels et à l’exaltation de notre ego que nous aspirons ! C’est pourquoi
nous sommes le dos tourné à la porte et faisons face à un mur. Je ne vous dis cela que
parce que j’ai vu les grâces (mawâhib) qu'Allâh accorde à quiconque fait mourir son
ego et vivifie son cœur. Nous nous contentons de bien peu ; or, seul l’ignorant se
contente avant d’être arrivé au terme de la Voie. Je me suis demandé s’il y avait en
dehors de nos désirs concupiscents et de l’exaltation de l’ego, autre chose qui nous
prive des dons divins, et Allâh en est témoin, j’ai trouvé que l’absence de nostalgie
spirituelle était aussi un voile. De fait, les intuitions (ma’âni) ne sont généralement
données qu’à celui dont le cœur est percé d’une intense nostalgie et d’un grand désir
de contempler l’Essence de son Seigneur. C’est à lui qu’affluent les intuitions de
l’Essence divine jusqu’à ce qu’il s’éteigne en Elle, en s’affranchissant de l’illusion d’une
réalité autre qu’Elle. Par contre, celui qui n’aspire qu’à la science ou à l’action
exclusivement, ne reçoit pas intuition sur intuition ; il ne s’en réjouirait d’ailleurs pas
puisque son aspiration vise autre chose que l’Essence divine, et qu'Allâh – qu’Il soit
exalté – comble Son serviteur à la mesure de son aspiration ».
Plusieurs versets du Qur’ân parlent de l’importance de l’éducation de l’âme et
de dominer sa rage.

« Et quiconque se purifie, ne se purifie que pour lui-même, et vers Allâh est la


Destination » (Qur'ân 35, 18).

208 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân, kitâb az-zuhd, n°4189 selon Ibn 'Umar.
144
« Et par l'âme et Celui qui l'a harmonieusement façonnée ; et lui a alors inspiré
son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes celui qui la purifie. Et
est perdu, certes, celui qui la corrompt » (Qur'ân 91, 7-10).

« Ceux qui donnent leurs biens en aumône dans l'aisance comme dans la
difficulté, qui contiennent (et dominent) leur colère (et leur rage) et se
montrent indulgents envers les gens : Allâh aime les vertueux (qui sont
bienfaisants) » (Qur'ân 3, 134).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Sois totalement sincère dans ta religion et


peu d'actes te suffiront » 209.

Dans le sens où la sincérité permet d'atteindre une haute spiritualité et moralité,


effaçant déjà de nombreux péchés et préservant l'individu de nombreuses choses
immorales, néfastes et blâmables, l’incitant à purifier son cœur, à se préserver de
l’hypocrisie, de l’ostentation et de l’orgueil, et d’entamer une relation sincère avec
son Seigneur. Allâh facilite en effet la Voie du Bien ainsi que la Voie du Pardon et
du repentir, à ceux qui sont sincères.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « En vérité, les gens ne seront ressuscités le Jour
du Jugement que selon leurs intentions » 210.

Les humains commettent naturellement des erreurs ainsi que des péchés, mais
ce qu’Allâh prend essentiellement en compte, ce sont les intentions qui ont présidé
l’acte, selon la connaissance ou l’ignorance de la personne, ainsi que la bonté
d’âme. En effet, comme l’a dit aussi le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬: « Certes Allâh ne
« regarde pas » votre apparence physique ou vos biens (matériels) mais Il regarde
vos coeurs et vos actes » 211.

Beaucoup sont angoissés quand ils prennent connaissance des nombreuses


divergences qui assaillent l’Humanité, mais il suffit de garder à l’esprit que le
musulman doit tout d’abord purifier son intention, - celle-ci devant être tournée
vers le Divin et la recherche de Son Agrément -, aspirer sincèrement à Lui et se
préserver de toutes formes d’idolâtrie -, et tenter de vivre une vie honorable et
digne, loin de la tyrannie, de l’injustice, de la débauche et de la perversité. En effet,

209 Rapporté par al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°4221, selon Mû'adh Ibn Jabal, chaîne sahîh.
210 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4229 et 4230 dans le Kitâb az-Zuhd, selon Abû
Hurayra et Jabir, les 2 chaînes sont sahîh.
211 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°4651 selon Abû Hurayra.

145
le Qur’ân, la Sunnah et l’intellect concordent à indiquer que la Foi en Lui et en ce
qu’Il a révélé (même si certaines choses en lien avec la Révélation et la Loi nous
échappent), la sincérité et l’accomplissement de bonnes œuvres (comme la Salât,
la charité, l’invocation adressée à Allâh, soutenir les opprimés, nourrir les affamés,
répandre le salâm, sourire aux gens, être au service de sa famille, bien se
comporter envers ses voisins et son prochain, etc.), sont ce qui « hâtent » et
« suscitent » le mérite conduisant à Sa Miséricorde, - ici particulière -, accordée à
Ses serviteurs.

Allâh a dit : « La révélation du Livre vient d'Allâh, le Puissant, le Sage. Nous


t'avons fait descendre le Livre en toute vérité. Adore donc Allâh en Lui vouant
un culte exclusif (et sincère). C'est à Allâh qu'appartient la religion pure.
Tandis que ceux qui prennent des protecteurs en dehors de Lui (disent) : « Nous
ne les adorons que pour qu'ils nous rapprochent davantage d'Allâh ». En
vérité, Allâh jugera parmi eux sur ce en quoi ils divergent. Allâh ne guide pas
celui qui est menteur et grand ingrat » (Qur’ân 39, 1-3).

« Il ne leur a été commandé, cependant, que d'adorer Allâh, Lui vouant un culte
exclusif (et sincère), d'accomplir la Salât et d'acquitter la Zakât. Et voilà la
religion de droiture » (Qur’ân 98, 5).

« Dis : « Mon Seigneur a commandé l'équité. Que votre prosternation soit


exclusivement pour Lui. Et invoquez-Le, sincères dans votre culte. De même
qu'Il vous a créés, vous retournez à Lui » (Qur’ân 7, 29).

Et d’autres versets encore allant dans ce sens.

146
Section n°2 : Aimer Allâh et Son Messager plus que soi-même

Nul ne peut prétendre à l'orthodoxie islamique et à la vertu, s'il n'aime pas Allâh
et Son Messager plus que lui-même, et s'il ne désire pas suivre les traces du bien-
aimé d'Allâh, et de respirer son « parfum ».

L'amour à l'égard d'Allâh et de Son Messager constitue la clé de la sagesse, du


salut et de la vertu !

Anas Ibn Mâlik rapporte qu'un homme interrogea le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬à
propos de l'Heure dernière en demandant : « « Quand viendra l'Heure ? ». Le
Prophète lui dit alors : « Qu'as-tu préparé en vue de l'Heure ? ». L'homme répondit :
« Rien, si ce n'est que j'aime Allâh et Son Envoyé ». Le Prophète conclut : « Tu seras
avec ceux que tu aimes ». Anas ajouta : « Aucune des paroles du Prophète ne nous a
réjouis autant que celle-ci : « Tu seras avec ceux que tu aimes ». J'aime le Prophète
(‫)ﷺ‬, Abû Bakr et 'Umar : j'espère être avec eux par l'amour que je leur porte même si
je n'ai pas accompli des oeuvres équivalentes aux leurs » 212.

Pour celles et ceux d'entre nous qui désespèrent un jour d'atteindre la sainteté
ou un degré de piété se rapprochant de l'excellence, souvenons de deux choses :
premièrement, invoquer la Miséricorde et le Pardon d'Allâh à la suite d'un repentir
sincère est à la portée de tous. Et deuxièmement, il est dit qu'Allâh nous réunira
avec les êtres que nous aimons. Ainsi donc, la sincérité dans notre amour envers
les Prophètes, les Saints et les Vertueux sera un moyen d'intercession témoignant
en notre faveur le Jour du Jugement. Puisse Allâh nous compter parmi les pieux, ou
à défaut, parmi ceux qui L'aiment et qui aiment Ses Bien-Aimés. Parmi les ahadiths
en rapport avec cela, citons ceux que rapportent Muslim dans son Sahîh :

« L'individu sera (ressucité) avec ceux qu'il aimait (ici-bas) ».

« Où sont ceux qui se sont aimés dans Ma Majesté ? En ce jour, Je les protègerai de
Mon ombre, le jour où il n’y aura d’ombre que la Mienne ».

« Un homme rendit visite à l’un de ses frères qui habitait dans un autre village. Allâh
envoya un Ange sur son chemin. Lorsqu’il arriva, l’Ange lui demanda : « Ou vas-tu ? »
– « Je vais rendre visite à un frère qui habite ce village. » – « Lui as-tu confié quelque
chose dont tu voudrais t’assurer du bon état ? ». Il dit : « Non, si ce n’est du fait que je

212 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°3832.


147
l’aime en Allâh, répondit l’homme ». L’Ange lui dit alors : « Je suis envoyé à toi de la
part d’Allâh pour te dire qu’Il t’a aimé comme tu as aimé en Lui cette personne ».

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ceux qui possèdent le plus grand amour pour
moi dans ma communauté sont des gens qui viendront après moi : ces personnes
seraient capables de tout donner pour me voir » 213.

Nous savons que certains de ses proches compagnons avaient le plus grand
amour qui soit pour lui. Cependant, eux l'ont vu et côtoyé, tandis que ceux qui
viendront après lui, sans l'avoir côtoyé physiquement, auront eux aussi, un
immense amour, mais leur mérite sera particulier, puisque n'ayant pas vécu à son
époque ni ne l'ayant côtoyé. Puisse Allâh nous compter parmi ceux qui aiment
sincèrement les Prophètes, les personnes parmi Ses rapprochés, les vertueux, les
sages, les pieux et les personnes bienfaisantes, et qu’Il nous réunisse avec les
personnes que nous chérissons mais dont notre Amour pour Lui l’emporte et
transcende sur tout le reste.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « L’une des supplications du Prophète Dawûd


était : « Ô mon Seigneur je te demande Ton amour, l'amour de ceux qui T'aiment,
ainsi qu'un amour qui me fera parvenir à Ton amour. Ô Allâh ! Rends-moi Ton amour
plus cher que moi, ma famille et l'eau fraîche » » 214.

En une autre occasion, le Prophète (‫ )ﷺ‬relata à ses compagnons ce qu’Allâh lui


inspira lors d’une théophanie 215, quelles étaient les meilleures actions qui
caractérisaient le groupe le plus élevé en Islam, et après avoir cité les actes cultuels
liés à la prière, aux ablutions (dans les situations difficiles) et aux rassemblements
dans les mosquées pour la Face d’Allâh, Allâh lui dit : « Nourrir les autres, être
indulgent (clément et tolérant) dans la parole (et les discours), et prier durant la nuit
pendant que les gens dorment. (…) et demande (dans tes supplications) : « Ô Mon
Seigneur, je Te demande de m'accorder d'oeuvrer pour le bien, de m'éloigner des
choses répréhensibles, de m'accorder l'amour des pauvres, de me pardonner et de me

213 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°7323.


214 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3490 et par An-Nawawî dans son Riyâd as-
Salihîn n°1490 d’après Abû ad-Dardâ’.
215 Dans le Hadîth, il est relaté qu’Allâh se manifesta sous une merveilleuse apparence, il

s’agit là d’une théophanie sans aucun rapport avec l’Essence divine, qui est au-delà de toutes
les formes physiques ou corporelles comme l’indique le Qur’ân. La théophanie fait donc
office de « symbole » dans la relation entre le Divin et la créature, comme l’ont expliqué
notamment des maîtres comme Abû Hâmid al-Ghazâlî et Abdul Qadîr al-Jilânî par rapport à
ce genre de ahadiths.
148
faire miséricorde. Si Tu désires éprouver un peuple alors fais-moi mourir en Toi sans
être atteint par l'épreuve. Ô mon Seigneur je te demande Ton amour, l'amour de ceux
qui T'aiment, ainsi qu'un amour qui me fera parvenir à Ton amour. Ô Allâh ! Rends-
moi Ton amour plus cher que moi, ma famille et l'eau fraîche » » 216.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit aussi : « Ô Allâh ! Je te demande pour ce qui me


fera bénéficier (de) Ta miséricorde et les moyens de bénéficier de Ton pardon, la
sécurité (et la préservation) contre l’accomplissement tout péché, le bénéfice de toute
bonne action, le succès dans l'atteinte du Paradis et la délivrance du feu » 217.

Ainsi, parmi les meilleures actions, il y a le fait d’aimer d’un amour intense, Allâh
et ceux qui L’aiment et qu’Il aime, à commencer par le Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬,
sa famille, ses nobles compagnons et tous ceux qui les ont aimé et suivi. Il y a aussi
le fait d’aimer les pauvres et d’être clément envers eux, de prier le matin, de se
réunir pour Lui, de nourrir les gens (et en particulier les affamés, qu’ils soient
musulmans ou non), de prodiguer de bonnes et belles paroles, de prier durant la
nuit, d’accomplir de bonnes œuvres et de s’abstenir de commettre du mal et de
mauvaises actions.

En effet, d'après 'Abdallâh Ibn Salam : « Lorsque le Prophète (‫ )ﷺ‬venait d'arriver


à Médine, les gens se sont précipités vers lui et j'étais parmi ceux qui sont allés vers
lui. Lorsque j'ai médité sur son visage j'ai vu qu'il ne s'agissait pas du visage d'un
menteur. La première chose que j'ai entendu de ses paroles est : « Ô les gens !
Propagez la paix (le salâm), offrez à manger (aux gens), liez (et préservez) les liens
de parenté et priez la nuit pendant que les gens dorment, vous rentrerez dans le
Paradis en paix » 218.

Tout cela est conforme aux versets du Qur’ân :

216 Rapporté par al-Ḥâkim an-Naysâbûrî dans son al-Mustadrak n°1932, voir aussi le
Munajat-e-Maqbul du Shaykh Ashraf Ali Thanwî, ainsi par At-Tirmidhî dans ses Sunân
n°3543 avec une bonne chaîne dans le Kitâb at-Tafsîr selon Mû’adh Ibn Jabal mais sans la
dernière phrase du hadîth, par Al-Baghawî dans Mishkat al-Masabih n°748 qui le rapporte
aussi de Ahmad et de Tirmidhî et dont il cite sa parole disant qu'il s'agit d'un hadîth validé
et qu'il demanda à son maître Muhammad Ibn Ismâ'îl al-Bukharî (l'auteur du Sahîh) disant
qu'il s'agissait d'un hadîth sahîh, par Ibn al-Jawzî dans son livre sur l’Amour d’Allâh…
217 Rapporté par An-Nawawî dans son Riyâd as-Salihîn n°1493 ainsi que par Al-Hâkim

dans Al-Mustadrak selon Ibn Mas’ûd.


218 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2485 chaîne sahîh.

149
« … il s’en trouve parmi les hommes pour, en place d’Allâh, adopter de Ses
égaux et les aimer d’un même amour. (Non !) ceux qui croient sont les plus
ardents en l’amour d’Allâh ! » (Qur’ân 2, 165).

« … Mon Seigneur est vraiment Miséricordieux et plein d’amour » (Qur’ân 11,90


et 85, 14),

« Allâh suscitera des gens qu’Il aime et qui L’aime. Telle est la générosité de
Dieu qu’Il accorde à qui Il veut » (Qur’ân 5, 54).

« Allâh vous a fait aimer la foi et embellie dans votre cœur… » (Qur’ân 49, 7).

« Dis ! Si vous aimez Allâh, suivez-moi, Allâh vous aimera » (Qur’ân 3, 31).

« Dis : si vos pères, vos fils, vos frères, vos épouses, votre clan, les biens que vous
avez acquis, un négoce dont vous craignez le marasme, des demeures où vous
vous plaisez, vous sont plus chers qu’Allâh et Son Prophète et la lutte dans le
chemin d’Allâh, attendez-vous à ce que Dieu fasse intervenir Son
commandement » (Qur’ân 9, 24).

« A ceux qui croient et font de bonnes oeuvres, Le Tout-Miséricordieux


accordera Son amour » (Qur’ân 19, 96).

« Allâh aime ceux qui se prémunissent (les pieux et ceux qui sont pleine de
droiture) » (Qur’ân 3, 76).

« Allâh aime les repentants » (Qur’ân 2, 222).

« Allâh aime ceux qui agissent avec bonté et bienfaisance » (Qur’ân 2, 195).

« Allâh aime les patients (et les endurants) » (Qur’ân 3, 146).

« Allâh aime les équitables (et les justes) » (Qur’ân 5, 42).

« Allâh aime ceux qui s’en remettent (totalement) à Lui » (Qur’ân 3, 159).

150
Section n°3 : L’amour bienveillant, la miséricorde et la compassion
envers les créatures

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La meilleure œuvre après la foi en Allâh est
l’amour bienveillant envers les gens » 219.

Et dans une autre version, le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le fondement et le


summum de (ce qu’exige) l’intellect, après la foi en Allâh, est l’amour bienveillant
(une bonté aimante) envers les gens » 220.

L’amour bienveillant, ou la bonté aimante, consistent à vouloir pour les gens ce


que l’on veut de bien pour nous-mêmes, à savoir la guidée, la piété, la bonne santé,
le paradis, la joie, le bien-être spirituel, la sécurité, la Miséricorde divine, etc., et
que nous devons œuvrer dans ce sens, en étant pour eux un support de
bienfaisance, de guidée, de bons conseils, et une « source » de sagesse et de
bienveillance, ce qui ne doit pas nous empêcher de désapprouver leurs croyances
déviantes, leurs mauvaises actions ou leurs pratiques nocives et blâmables.

Allâh a dit : « Tu (Muhammad) ne diriges pas celui que tu aimes : mais c'est
Allâh qui guide qui Il veut. Il connaît mieux cependant les bien-guidés » (Qur’ân
28, 56). Allâh dit cela à propos, notamment, de l’oncle du Prophète Abû Tâlib 221,
encore idolâtre au moment où ce verset fut révélé 222.

« Et parmi Ses signes Il a créé de vous, pour vous, des épouses pour que vous
viviez en tranquillité avec elles et Il a mis entre vous de l'affection et de la
bonté. Il y a en cela des preuves pour des gens qui réfléchissent » (Qur’ân 30,
21). Et dans certains cas, les hommes musulmans peuvent épouser des femmes
musulmanes, et cela ne peut se faire que dans l'affection et la tendresse.

219 Rapporté par At-Tabarânî dans son Mu’jam al-Kabîr et par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ al-

Saghîr n°1237 avec une bonne chaîne.

Rapporté par At-Tabarânî dans son al-Mu’jam al-Awsat n°6067 selon Abû Hurayra, et le
220

muhaddith As-Saffarânî al-Hanbali l’a déclaré bon dans son Sharh kitâb al Shihab.
221 Voir les récits rapportés par Muslim dans son Sahîh n°24 et 25, sous l'autorité de Sa'îd
Ibn Musayyib d'après son père Musayyib Ibn Hazm ainsi que d’après Abû Hurayra.
222 Il y a divergence pour savoir s’il est mort musulman ou non à la fin de sa vie.

151
« Telle est la [bonne nouvelle] qu'Allâh annonce à ceux de Ses serviteurs qui
croient et accomplissent les bonnes œuvres ! Dis : « Je ne vous en demande
aucun salaire si ce n'est l'affection eu égard à [nos liens] de parenté ». Et
quiconque accomplit une bonne action, Nous répondons par [une récompense]
plus belle encore. Allâh est certes Pardonneur et Reconnaissant » (Qur’ân 42,
23). Et la portée de ce verset est générale (aucune restriction quant à la religion ou
non des proches).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit alors qu’il se trouvait devant une ville où les
habitants étaient encore non-musulmans : « Ô Allâh, bénis-nous dedans (dans cette
affaire). Ô Allâh, donne-nous ses fruits (de lumière, de guidance, d’affection et de
bien), fais-nous aimer de son peuple, et fais-nous aimer les justes de ce peuple » 223.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a : « Le serviteur (c’est-à-dire le musulman) n'atteint


la réalité de la foi que lorsqu'il aime pour les gens ce qu'il aime pour lui-même de
bon » 224.

L’imâm al-Râghib al-Isfahânî (m. 502 H/1109) dans son Tafsîr dit : « Il fut dit : «
L’amour (mawaddat) interdit [vis-à-vis des non-musulmans] est l’amour religieux et
non pas l’amour bénéfique ou passionnel. Car, si l’amour que nous avons à leur égard
est dû au bénéfice qu’ils nous apportent, alors nous aimons le bénéfice à l’instar de
notre amour pour le dhimmî qui nous aide à repousser les idolâtres ».

Ibn al-Qayyîm quant à lui a dit dans al-Jawâb al-Kâfî (1/190) : « L’amour naturel
(al-mahabbat al-tib’iyyah) est ce à quoi l’humain tend de par sa nature, comme
l’amour de la soif pour l’eau, l’amour de la faim pour la nourriture, l’amour du
sommeil, une femme ou un enfant. Cet amour n'est pas blâmable à moins qu'il ne
détourne du souvenir d'Allâh et détourne de Son amour ».

Le Shaykh Abû Faysal al-Badrani a dit dans al-Walâʼ wal-Barâʼ wal-ʻAdâʼ fî al-
Islâm (1/47) : « Il est permis à un incroyant de montrer de l'affection à un croyant et
il n'y a pas de blâme sur un musulman pour cela, tant que les moyens de cette
affection ne sont pas des moyens illégaux. Abû Talib aimait le Prophète (…) Chercher
l'affection des incroyants, à l'exception de ceux qui font la guerre, et les inviter par
des moyens licites est permis sans aucun doute, comme donner des cadeaux, les

223 Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Awsaṭ n°4755 selon Ibn 'Umar, sahîh.
224 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°238 selon Anas Ibn Mâlik, sahîh.
152
traiter avec bonté, etc. Ceci même si l’amour de l’incroyant pour vous est rare, tant
que vous maintenez la Loi divine comme il se doit (dans vos relations avec eux) ».

Le Shaykh Hamza Muhammad Qassîm a dit dans Manâr al-Qârî (1/91) : « La


parole du Prophète d'aimer pour son frère ce qu'il aime pour lui-même est
interprétée comme une fraternité universelle, de telle sorte qu'elle inclut l'incroyant
et le musulman, et qu'il devrait aimer pour son frère, l'incroyant, ce qu'il aime pour
lui-même qui est son entrée dans l'Islam. Pour cette raison, il est recommandé
d’invoquer (Allâh) pour leur guidance. Le Prophète a invité les incroyants du Quraysh
à la bonté et il a aimé le bien pour eux. Il disait : « Ô Allâh, guide mon peuple car il ne
sait pas ». Cela confirme que le sens est d'aimer le bien pour tous. Il n'y a aucune
différence entre un musulman et un incroyant dans son affirmation que le meilleur
de la foi est d'aimer pour les gens ce que vous aimez pour vous-même et de détester
pour les gens ce que vous détestez pour vous-même (comme mal et souffrance) ».

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit en s'adressant à Anas Ibn Mâlik : « Jeune


homme, si tu es capable chaque matin et chaque soir d'éliminer toute méchanceté et
rancœur dans ton cœur envers qui que ce soit, fais-le. Jeune homme, c'est ma Sunnah.
Celui qui revivifie (fait revivre et/ou qui renouvelle) ma Sunnah m'a aimé, et celui qui
m'aime sera avec moi au Paradis » 225.

Le terme « ghish » renvoie à la haine, à la rancœur, à la méchanceté, au désir


d’être injuste et malveillant. C’est l’opposé de « nasihah », la bonne volonté et le
fait de vouloir le bien aux autres. Le Shaykh Mullâ ‘Alî al-Qarî dans son Mirqât al-
Mafâtîḥ (1/262) a commenté cette tradition prophétique en disant : « « envers qui
que ce soit » signifie que c'est général pour le croyant et l'incroyant. Car la bonne
volonté envers l'incroyant consiste à s'efforcer de l'amener à la foi et de faire l'effort
de le libérer des pièges menant à la destruction, que ce soit par la main ou par la
parole, et de manifester une affection mutuelle (ta'alluf) dans la mesure du possible
en offrant des biens. … ce qui signifie vider le cœur de la méchanceté ».

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Le premier groupe (de personnes) qui entrera au Paradis
sera brillant comme la pleine lune, et le groupe à côté d'eux sera scintillant comme

225 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2678 avec une bonne chaîne. Certains ont
tenté de l’affaiblir, mais la chaîne est bonne, et le sens est totalement conforme au Qur’ân et
à l’attitude connue du Prophète (‫)ﷺ‬.
153
l'étoile la plus brillante du ciel. Leurs cœurs seront comme le cœur d'une seule
personne, car ils n'auront ni inimitié, ni haine, ni envie et jalousie entre eux (…) » 226.

Concernant cette fois-ci la compassion et la miséricorde envers les êtres, le


Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le Tout-Miséricordieux (Allâh) accordera Sa
Miséricorde (particulière) à ceux qui font preuve de miséricorde. Faites miséricorde
aux êtres peuplant la terre, Celui qui est au Ciel (c'est-à-dire Celui qui transcende la
terre et les cieux et qui les domine) vous accordera Sa Miséricorde » 227.

Le Shaykh Al-Munawî a dit dans son Fayd al-Qadîr (hadith n°4489) : « Il s'agit ici
de ceux qui font miséricorde à tous les êtres peuplant la terre - qu'ils soient humains
ou animaux - en faisant preuve d'empathie, en étant bienfaisants à leur égard et en
s'abstenant de tout mal à leur encontre ...

Le gnostique al Bûnî a dit : « Si tu aspires à la Miséricorde divine, fais preuve de


miséricorde envers toi-même et envers les autres : fais miséricorde à l'ignorant en lui
accordant de ta connaissance ; à celui qui est rabaissé en lui faisant profiter de ta
notoriété ; au pauvre en lui donnant un peu de tes richesses ; à la personne âgée et
au jeune enfant en te montrant doux et indulgent envers eux ; au pécheur en priant
pour lui ; à la bête de somme en en prenant soin et en la préservant de ta colère.
L'homme le plus proche de la Miséricorde divine est celui qui est le plus
miséricordieux envers les créatures ». Dans al-Futûhât al-makkiya, Ibn 'Arabî écrit :
« Le Très-Miséricordieux demande à l'homme de commencer par faire miséricorde à
son âme. En effet, celui qui fait preuve de miséricorde envers son âme la pousse vers
la guidée et la préserve de sa passion. Ce faisant, il fait miséricorde à son « plus proche
voisin » et à une réalité qui a été créée à l'image d'Allâh. Il accomplit, de la sorte, deux
bien simultanément ».

Abû ad-Dardâ' avait rencontré une personne qui chargea son chameau de façon
démesurée, à tel point que le chameau était incapable de se relever. Il se hâta donc
vers le chameau pour le décharger du surplus et dit à son propriétaire : « Certes
vous serez de ceux qui ont bénéficié d'une grande miséricorde, si Allâh le Très Haut
vous pardonne les tortures (et maltraitances) que vous avez infligées aux animaux.
En effet, j'ai entendu ceci de la bouche du Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬: « Allâh le Tout-
Puissant vous ordonne de bien traiter ces animaux « muets » (selon vos perceptions)

226Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3254 selon Abû Hurayra.
227Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1989 avec une chaine hassân/sahîh, par
Abû Dawûd dans ses Sunân n°4941 avec une chaine sahîh selon Abdullâh Ibn Amr Ibn al-
‘As.
154
! Si vous rencontrez une terre fertile, permettez-leur de brouter l'herbe ! Au contraire,
si vous passez par un terrain asséché, ne nuisez pas à vos animaux en y flânant
inutilement ! » » 228.

L'imâm et Shaykh ul Islâm Al-`Izz Ibn `Abd As-Salâm (m. 660 H/1262) 229 dans
son Qawâ’id al-Aḥkaâm fiî Iṣlaâḥ al-Anâm (1/167) évoquait il y a près de 1000 ans,
les droits des animaux en Islâm : « Les droits des créatures et des animaux sur
l'humanité sont les suivants : qu'il les pourvoit comme ils l'exigent, même s'ils ont
vieilli ou (qu’ils) sont tombés malades de telle sorte qu'aucun bénéfice ne peut être
obtenu d’eux ; qu'il ne les charge pas au-delà de ce qu'ils peuvent supporter (ce qui
leur causerait préjudice) ; qu'il ne les a pas mis avec une autre créature qui pourrait
la blesser, que ce soit de leur espèce ou d'une autre espèce, que ce soit en brisant leurs
os ou en les cognant ou en les blessant ; qu'il les abat avec douceur et qu'il n'écorche
pas leur peau ou ne leur brise pas les os jusqu'à ce que leurs corps soient devenus
froids et décédés ; qu'il n'abatte pas leurs petits à leur vue, mais qu'il le fait dans la
solitude ; qu'il rend leurs lieux de repos et d'eau confortables ; qu'il met les mâles et
les femelles ensemble pendant leurs saisons d'accouplement ; qu'il ne jette (et ne
gaspille) pas ce qu'il a chassé ; et qu'il ne leur tire pas dessus avec quoi que ce soit qui

228 Rapporté par Ibn Hajar al 'Asqalânî dans al-Matalib al-`Aliya bi Zawa'id al-Masanid al-
Thamaniya 2, 226/1978.
229 L'imâm et Shaykh ul Islâm Al-`Izz Ibn `Abd As-Salâm (577 H/1181 - 660 H/1262),

surnommé le Sultan des savants, était un théologien asharite, juriste et mujtahid, exégète,
spécialiste des fondements, un muhaddith, un ascète, un mujâhid, un grammairien, un
logicien, un métaphysicien et un sûfi. Ad-Dhahâbî dit de lui dans son Siyar a`lam al-nubala’
(n°969) : « Le Shaykh, l'imâm, l'érudit, l'ascète, le connaisseur/connaissant par Allâh (sûfi
réalisé), le muhaddîth, le Shaykh ul islam, le grand maître parmi les sûfis ». An-Nawawî l'a cité
dans son Tahdhîb al Asma’ wa al Lughât (3/22) en disant : « Le Shaykh, l’imâm, sur lequel il
y a unanimité de son degré d’imâm, de sa brillance, sa compétence et qu’il est un appui dans
les diverses sciences, Abû Muhammad ‘Abd al ‘Azîz ibn ‘Abd as Salâm (…) ». Le Qâdî Tâj ad Dîn
‘Abd al Wahhâb as Subkî a écrit dans Tabaqât as-Shâfi’iyah al Kubrâ (8/209) : « ‘Abd al Azîz
ibn ‘Abd as Salâm ibn Abî al Qâssim ibn Hassan ibn Muhammad ibn Muhadhb as Sulamî, le
Shaykh al Islâm et des musulmans, un des imâm de haute personnalité, le sultan des savants,
l’imâm de son temps de manière incontestable, celui qui s’est levé pour ordonner le bien et
interdire le blâmable en son temps, l’initié aux réalités de la Loi légiférée [Shari’ah], le
connaisseur de ses finalités [maqâsid]. Il n’a pas vu quelqu’un comme lui, et personne parmi
ceux qui l’ont vu n’ont vu semblable à lui dans la science, la dévotion, rester ferme dans la
vérité, la bravoure, la force intérieure, Il naquit en l’an 577 ou 578 H ».

155
leur brise les os ou leur fasse du mal par quelque moyen que ce soit qui rendrait leur
viande interdite de consommation ».

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit en effet : « Si quelqu'un tue ne serait-ce qu'un (petit)
moineau ou quoi que ce soit de plus gros sans juste cause, alors Allâh l'Exalté lui
demandera des comptes à ce sujet le Jour de la Résurrection » 230. Il est donc interdit
de maltraiter, d’humilier ou de tuer le moindre animal s’il n’y a aucune nécessité
(se nourrir, sans excès ni gaspillage), et donc la chasse pour le plaisir, ou les
frapper pour se divertir ne sont pas des choses autorisées non plus.

L'imâm et Salaf Al-Fudayl ibn 'Iyyâd (m. 187 H/803) a dit : « Par Allâh, il n'est pas
autorisé (selon la Loi divine) pour toi de nuire à un chien ou à un cochon sans une
juste cause impérieuse, alors comment pourrais-tu nuire à un musulman (ou à
n'importe quel être humain) ? » 231.

La miséricorde envers tous les êtres occupe une place importante en Islâm,
puisque le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Allâh ne fera pas preuve de miséricorde
(particulière) envers une personne qui ne montre pas de miséricorde envers les
autres (créatures) » 232.

Souvent, quand il est question de l’expression « les autres, les gens, le peuple, ou
les êtres » cela désigne une portée générale incluant les humains (qu’ils soient
musulmans ou non), les hommes comme les femmes, ainsi que les animaux et les
insectes, à moins que le contexte indique une spécification ou une restriction
évidente, ne concernant que la généralité au sein d’une catégorique spécifique
(l’ensemble des musulmans, l’ensemble de l’Humanité, l’ensemble des hommes,
l’ensemble des femmes, l’ensemble des enfants, l’ensemble des animaux, etc.). Par
rapport au hadîth sur la miséricorde envers tous les êtres de la planète, le terme
général employé, « aux gens », inclut tous les êtres humains sans distinction de
race ou de religion. Les savants ont dit : « Cette prescription une portée générale et
inclut la miséricorde envers les enfants et tous les autres » 233.

230 Rapporté par An-Nasâ'î dans ses Sunân n°4445 selon Ibn 'Umar, sahîh.
231 Rapporté par Ad-Dhahâbî dans son Siyâr Aʻlâm al-Nubalâʼ 8/427.
232 Rapporté par al-Bukhari dans son Al-Adab Al-Mufrad n°96, 370 et 375, ainsi que par
Muslim dans son Sahîh n°2319a selon une chaîne sahîh selon Jarîr Ibn ‘Abdullâh. At-
Tirmidhî dans ses Sunân n°2381 rapporte un hadîth similaire selon Abû Sâ’îd.
233 An-Nawawî, al-Minhâj sharh Sahîh Muslim ibn al-Hajjâj, 15/77.

156
Le savant Ibn Battâl a dit dans son commentaire du Sahîh Bukharî : « Ce hadîth
incite à pratiquer la miséricorde envers toutes les créatures, les croyants comme les
mécréants ainsi que les animaux, les domestiques comme les hommes libres. La
miséricorde inclut le fait de donner à boire et à manger, d’alléger les charges et de ne
pas frapper » 234.

'Umar Ibn al-Khattâb a dit également : « Quiconque ne fait pas preuve de


miséricorde ne lui sera pas manifesté de la miséricorde. Quiconque ne pardonne pas
ne sera pas pardonné (sauf par pure bonté). Quiconque ne se repent pas, ne sera pas
protégé ou préservé (sauf par pure bonté de la part d’Allâh) » 235.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Par Celui qui détient mon âme en Son
Pouvoir, Allâh n’octroie Sa Miséricorde qu’aux miséricordieux ». On lui dit : «
Messager d’Allâh, nous pratiquons tous la miséricorde ». Il (‫ )ﷺ‬répondit : « Il ne s’agit
pas de miséricorde envers vos compagnons, mais de miséricorde envers tous les êtres
humains » 236.

Dans al-Futûhât al-makkiya, Ibn 'Arabî écrit : « Le Très-Miséricordieux demande à


l'homme de commencer par faire miséricorde à son âme. En effet, celui qui fait preuve
de miséricorde envers son âme la pousse vers la guidée et la préserve de sa passion.
Ce faisant, il fait miséricorde à son « plus proche voisin » et à une réalité qui a été
créée à l'image d'Allâh. Il accomplit, de la sorte, deux bien simultanément ».

Cette miséricorde s’étend même aux animaux. Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit :
« Chaque fois qu’un musulman plante un arbre ou sème une graine, il aura droit à
une récompense (qui sera considéré pour lui comme un cadeau de bienfaisance) pour

234 Al-Mubârakfûrî, Tuhfat al-ahûdhî bi-sharh jâmi` at-Tirmidhî, 6/42. `Alî ibn Khalaf ibn

`Abd al-Malik ibn Battâl, aussi surnommé Ibn al-Lajjâm, éminent savant, érudit et
calligraphe, très fiable ; il a commenté le Sahîh d’al-Bukhârî dans un ouvrage de plusieurs
volumes, et est mort en 449H. Voir az-Zarkalî, al-A`lâm 4/85, et ad-Dhahabî, Siyar a`lâm an-
nubalâ’ 18/47.
235 Rapporté par al-Bukhari dans son Al-Adab Al-Mufrad n°371 et 372 selon une bonne
chaîne.
236 Rapporté dans le Musnad de Abû Ya’lâ n°4258, par Al Bayhaqî dans Shû’ab al îmân

n°11060.
157
tout ce qu’un oiseau, une personne ou un animal quadrupède mangera (de ce qui en
sortira) » 237.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Quiconque fait preuve de miséricorde, même


envers un animal destiné à l'abattage, Allâh sera miséricordieux avec lui le Jour de la
Résurrection » 238.

Mu'awiyya ibn Qurra a rapporté que son père a dit : « Un homme a dit : « Messager
d'Allâh, j'allais abattre un mouton et ensuite je me suis senti désolé pour le mouton
que j'allais abattre ». Il (le Prophète) a dit 2 fois : « Puisque vous avez fait (preuve
de) miséricorde (et de compassion) envers les brebis, Allâh vous fera miséricorde » 239.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Un homme a eu très soif pendant qu'il était en chemin, là
il est tombé sur un puits. Il est descendu du puits, a étanché sa soif et est sorti. Pendant
ce temps, il a vu un chien haletant et lécher la boue parce qu’il était assoiffé. L’homme
se dit : « Ce chien souffre de soif comme moi ». Alors, il est redescendu du puits et a
rempli sa chaussure d'eau et l'a arrosée. Allâh l'a récompensé pour cet acte et lui a
pardonné ». Des Compagnons posèrent alors la question suivante au Prophète (‫ )ﷺ‬:
« Serions-nous récompensés pour le bien fait aux animaux ? ». Le Prophète (‫)ﷺ‬
répondit : « Pour le bien (ou service) fait à tout être vivant il y aura une
récompense » 240.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Allâh a 100 degrés de miséricorde, dont Il en a


partagé un seul entre toute la Création, en vertu duquel vous faites preuve de
miséricorde et de compassion les uns envers les autres et les animaux sauvages font
preuve de compassion envers leurs petits. Et Il a retenu 99 degrés de miséricorde en
vertu desquels Il fera miséricorde à Ses serviteurs le Jour de la Résurrection » 241.

Se montrer bienfaisant envers Ses serviteurs fait partie de l'adab envers le


Seigneur des mondes, oeuvrant à Son service. Le musulman qui aspire sincèrement

237Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°2320, Livre sur l'agriculture, selon Anas Ibn
Mâlik.
238 Rapporté par al-Bukhari dans Al-Adab Al-Mufrad n°381 selon Abû Umama, chaîne

hassân/bonne.
239 Rapporté par Al-Bukharî dans Al-Adab Al-Mufrad n°373, chaîne sahîh.
240 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°2363, 2466 et 6009, selon Abû Hurayra et par

Muslim dans son Sahîh n°2244.


241 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sûnan n°4293 selon Abû Hurayra.
158
à la Miséricorde divine se doit de manifester aussi de la miséricorde et de la
compassion à Ses créatures.

Allâh a dit de façon générale, que faire le bien pour tout être vivant est une chose
louable qui sera considérée : « Quiconque aura fait le bien du poids d’un atome
le verra. Quiconque aura fait le mal du poids d’un atome le verra » (Qur’ân 99,
7-8).

Tout cela est en accord aussi avec la mission et la personnalité du Prophète (‫)ﷺ‬
exprimées ici : « Nous t'avons seulement envoyé comme Miséricorde pour les
mondes » (Qur'ân 21, 107). Par ailleurs, si l’interdiction de tuer une âme humaine
est explicitement évoquée dans le Qur’ân : « N’attentez pas à la vie humaine
qu’Allâh a rendu sacrée, sauf par (la nécessité) d’une juste cause » (Qur’ân 6,
151). L’exégète Al-Qurtûbî dit à ce propos dans son Tafsîr Al-Jâmi’ li-ahkâm al-
Qur’ân : « Ce verset interdit d’attenter à la vie humaine qu’Allâh a rendu sacrée, que
ce soit celle d’un croyant ou de celle d’un incroyant en situation de paix, sauf si une
juste cause rend nécessaire de le tuer [ndt : c’est-à-dire en cas de nécessité ou de
légitime défense en situation de guerre ou en cas d’agression, ou en vertu de la loi du
talion si la personne a commis un meurtre qui ne peut pas être compensé d’une autre
façon] ». Al-Qurtûbî cite par ailleurs plusieurs ahadiths qui étayent le propos
qurânique, comme le récit suivant : « Celui qui tue sans raison un non-musulman
bénéficiant d’un traité de paix (ou de n’importe quel accord) garantissant sa sécurité,
Allâh lui interdira l’accès au Paradis » 242.

242 Rapporté aussi par Ahmad dans son Musnad n°20393, par Abû Dawûd dans ses Sunân
n°2760, par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4747, par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°2631, par
Ad-Dârimî dans ses Sunân n°2504, par At-Tayâlisî dans son recueil n°879, par Ad-Dhahâbî
et d’autres qui confirment son authenticité. Quand la menace de l’enfer est évoquée, elle
n’est pas absolue, mais il s’agit d’un avertissement sévère liant la gravité et la perversité de
l’acte (mauvais) au fait que cela est impur et indigne du croyant, d’où le fait que les choses
mauvaises sont destinées au « Feu », et qu’il faut y prendre garde. Néanmoins, les grands
pécheurs peuvent aussi être pardonnés par Allâh par pure bonté de Sa Part. S’Il a promis les
bienfaits et le Paradis aux bienfaisants, Sa « menace » et Sa Rigueur envers les criminels et
les mécréants ne sont pas une obligation ni une promesse, et Il peut donc les absoudre par
pure Générosité et par pure Miséricorde de Sa part comme par exemple dans ce verset : « Et
le jour où Il les rassemblera tous : « Ô communauté des jinns, vous avez trop abusé des
humains ». Et leurs alliés parmi les humains diront : « Ô notre Seigneur, nous avons
profité les uns des autres, et nous avons atteint le terme que Tu avais fixé pour nous ».
Il leur dira : « l'Enfer est votre demeure, pour y rester indéfiniment, sauf si Allâh en
décide autrement ». Vraiment ton Seigneur est Sage et Omniscient » (Qur’ân 6, 128). Et
dans cet autre verset : « L'Enfer demeure aux aguets, refuge pour les transgresseurs. Ils
159
Le Qur’ân ne se contente donc pas d’interdire aux musulmans de tuer des non-
musulmans innocents et pacifiques, mais leur enjoint aussi d’être équitables
envers eux, et même d’être bienfaisants, - c’est-à-dire qu’ils peuvent entretenir des
relations cordiales et utiles avec eux et non pas simplement se contenter de les
éviter - envers les non-musulmans qui ne nous attaquent pas : « Allâh ne vous
défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne vous ont pas
combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos demeures. Allâh
vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous ont combattus
pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre expulsion. Et ceux
qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur'ân 60, 8-9). Ibn Kathîr dans
son Tafsîr al-Qur’ân al-azîm (4/447) dit que la notion de bonté pieuse (Al-Birr)
inclut la bienfaisance en plus de la simple équité, et que cela peut inclure le fait
d’offrir des cadeaux en plus d’entretenir des relations et discussions amicales et
de les préserver de toute nuisance. Le Prophète (‫ )ﷺ‬passa un habit à ‘Umar Ibn al-
Khattâb et il décida (sans que le Prophète ne s’y oppose) à son demi-frère
maternel, ‘Uthmân Ibn ‘Abd al-Bâqî qui était non-musulman 243. L’imâm An-
Nawawî dans son al-Minhâj sharh Muslim ibn al-Hajjâj (14/39) dit : « C’est la
preuve qu’il est permis de maintenir les liens de parenté avec des proches mécréants
et de leur marquer de la bienveillance, et qu’il est permis de faire des cadeaux aux
mécréants ».

y demeureront pendant des générations successives » (Qur'ân 78, 21-23). At-Tabarî dans
son Tafsîr (11/107) dit que les phrases atténuantes utilisées dans ces versets ont été
interprétées par certains des premiers musulmans pour inclure tous ceux qui entreront un
jour en Enfer, pas seulement les musulmans ou les monothéistes. Il cite notamment le récit
où ‘Abdullâh ibn Mas’ûd a déclaré : « Il viendra un moment où les portes de l’enfer seront
ouvertes et il n’y restera plus personne. C'est après qu'ils y soient restés pendant des
générations ». Ceux qui ont accepté ce point de vue ont également observé qu'Allâh
mentionnait fréquemment la récompense ininterrompue des gens du Paradis, mais qu’Il
n'utilisait pas d'expressions similaires pour décrire la punition de l’Enfer. En d'autres
termes, il est confirmé que le Paradis est éternel et durera pour toujours en tant que don
ininterrompu, tandis que la réciproque n’est pas univoque pour l’enfer (ou du moins, pour
la correction envers les habitants du Feu). At-Tabarî relate aussi le récit de Ibn Zayd : « Allâh
nous a informés de ce qu'Il veut pour les gens du Paradis, alors Il a dit : « Un don sans fin »
(11/108) Et Il ne nous a pas dit ce qu'Il fera (définitivement) pour les gens de l’Enfer ».
243 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°846 et par Muslim dans son Sahîh n°2078. S’il

s’agissait ici d’un habit que les musulmans ne devaient plus porter, il est aussi autorisé de
leur offrir des choses qui sont licites pour les musulmans (aliments, habits, argent, maisons,
livres, etc.). Il n’est cependant pas autorisé de leur offrir des choses qui nuiraient à leur santé
ou à leur dignité.
160
Même avec les parents non-musulmans qui cherchent à imposer à leurs enfants
musulmans la mécréance et l’idolâtrie, Allâh ordonne aux musulmans de patienter
et de leur manifester du respect et de la courtoisie : « Si tes parents te
contraignent à M'associer ce dont tu n'as nulle connaissance, alors ne leur
obéis pas en cela. Veille pourtant, à observer avec eux, ici-bas, des rapports
convenables » (Qur’ân 31, 15).

Qu’ils soient croyants ou non, Allâh évoque une attitude ayant une portée
générale au sujet des parents : « Ton Seigneur a ordonné de n'adorer que Lui. Il
a prescrit d'être bon envers ses père et mère. Soit que l'un d'eux ait atteint la
vieillesse, ou que tous deux y soient parvenus, étant à ta charge, garde-toi de
marquer la moindre répulsion à leur égard ou de leur manquer de respect.
Parle-leur toujours affectueusement. Fais preuve, à leur égard, d'humilité
pour leur témoigner ta tendresse et dis : « Seigneur ! Aie pitié d'eux comme ils
l'ont été pour moi, lorsqu'ils m'élevèrent tout petit » (Qur’ân 17, 23).

Ainsi que : « Nous avons expressément enjoint à l'individu la bienfaisance


envers ses père et mère ; sa mère s'étant doublement exténuée, le portant puis
le mettant au monde ; Son sevrage n'ayant lieu qu'au bout de 2 ans. Sois
reconnaissant, lui fut-il prescrit, autant envers Moi qu'envers tes père et mère.
C'est vers Moi que vous serez ramenés » (Qur’ân 31, 14).

161
Section n°4 : Intelligence, clairvoyance et la Sharî’ah

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le croyant est discernateur (il distingue la


vérité de l’égarement, le vrai du faux), intelligent, avisé et sage » 244.

Le fiqh, comme les autres sciences en lien avec l’Islâm ne doivent pas être
désacralisés, car leur caractère sacré leur a été conféré par Allâh dans le Qur'ân.
Cela ne veut pas dire cependant que le fiqh ne doit pas comporter une possibilité
d'adaptation, d'allègement ou de durcissement quand les conditions et les
changements temporels l'exigent. Il s'agit d'une science noble et pure en soi, ainsi
que nécessaire pour la spiritualité comme pour la vie en société ; même les sociétés
modernes n'ont pas pu échapper à la nécessité d'avoir un corpus juridique pour
légiférer les règles diverses devant régir la société. Seulement, ce fiqh perd sa
raison d'être, et donc son caractère noble et sacré, quand il perd son lien avec la
Révélation et qu'il ne vise plus à se conformer aux finalités de la Loi et à assurer
un certain degré de justice et d'équité pour les gens.

Le maître spirituel, linguiste, juriste, ussûlî (spécialiste des fondements), le


théologien, le poète et l'exégète du Qur'ân Jalâl ud-Dîn Rûmî ne disait-il pas ceci
dans son Kitâb fîhi mâ fîhi : « L'origine de la jurisprudence (fiqh) est la Révélation
(wahî) ; mais quand elle se mélange aux idées, aux sens et aux apports personnels, sa
pureté disparaît ; elle n'a plus rien de cette pureté de la Révélation. De même, l'eau
qui coule du Tarut sur la ville : regarde combien elle est pure et limpide à sa source !
Mais quand elle parvient à la ville et passe dans les enclos, les quartiers et les maisons
; après que beaucoup de personnes y ont plongé les mains, le visage, les pieds, les
membres, les habits, les tapis ; après que les saletés du quartier, celles des chevaux et
des mulets s'y sont mêlées : arrivée en aval à la ville, bien qu'elle soit la même eau,
qui arrose la poussière, désaltère les assoiffés et fait reverdir la plaine, il faut un
discernateur pour déceler que cette eau n'a plus la même pureté et qu'elle est
mélangée à beaucoup de saletés ».

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « L'intelligence est une lumière dans le coeur qui discerne le
vrai du faux » 245.

244 Rapporté par Rûmî dans son Kitâb Fihi ma Fihi, par Al Munawi dans son Kunuz, p.136,

par As-Suyûtî dans Al Jamî’ as-Saghir 2/184 et par d’autres encore.


245 Rapporté par Al Mawardi dans Adab al dunia wa al dîn,
162
L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî a dit dans son Al-Mustasfa min Ilm al-Ussûl (p.
287) : « Le bien-être que nous entendons ici est la protection des objectifs de la Loi
divine (Sharî’ah). À savoir, les objectifs (fondamentaux) de la Loi (divine) sont au
nombre de 5 dans la création : la protection de la religion, de la vie, de l'intellect, des
relations familiales et de la propriété. Tout ce qui fait progresser la protection de ces
5 fondamentaux est considéré comme un avantage, et tout ce qui ne parvient pas à
protéger ces 5 fondamentaux est considéré comme de la corruption ».

Même si le savant hanbalite Ibn al-Qayyim lui-même a tenu parfois des avis
contraires à la justice et à la sagesse (parfois en se basant sur des ahadiths faibles
ou inventés), il explique ici clairement les principes véridiques et généraux de la
religion, dans son célèbre ouvrage I’lam al-muwaqqi’in (3/14-15) : « Il s’agit d’un
chapitre extrêmement bénéfique dont l’ignorance a provoqué une énorme confusion
au sujet de la législation (Sharî’ah), ce qui a impliqué la gêne, la difficulté et
l’imposition de ce qui est insupportable et que la formidable législation – qui se situe
au plus haut degré des intérêts – ne pourrait apporté. Car, en effet, la législation est
établie et fondée sur la prise en compte des finalités et des intérêts, dans ce bas-
monde et dans l’au-delà. Elle est dans sa totalité justice, miséricorde, intérêts et
sagesse … Ainsi toute question qui dévie de la justice vers l’injustice, de la miséricorde
vers son opposé, de l’intérêt vers le préjudice, de la sagesse vers la frivolité, ne fait pas
partie de la législation [la loi islamique] même si on l’y insère par (mauvaise)
interprétation ». L'imâm As-Shatibî a dit dans son livre Al I'tisam (304/1) : « Les
savants ont appris que toute preuve dans laquelle il y a une ambiguïté ou un
problème (de compréhension) n'est pas une preuve réelle ».

Il dit aussi dans Turuq Al-Hukmiyyah (p. 13) : « Allâh l'Exalté a clairement indiqué
dans Sa Loi que l'objectif est l'établissement de la justice entre Ses serviteurs et
l'équité entre les gens du peuple, donc quel que soit le chemin qui mène à la justice et
à l'équité fait partie de la religion et ne peut jamais s'y opposer ». Ainsi, aussi bien
les moyens que la fin doivent être justes et sains, ce qui est contraire à la voie
empruntée par les terroristes, les criminels et les despotes pour qui « la fin justifie
les moyens (injustes et barbares) ».

Le juriste et chercheur ‘Abd Allâh al-Mâliki a dit : « De même, établir la justice et


confirmer la vérité est une partie essentielle de la sharî’a de Dieu. De même, l’ordre
de faire le bien et l’interdiction de faire le mal sont un des piliers de la sharî’a. De
même, l’action de s’entraider dans la bienfaisance et la piété ou le fait de dire la vérité
devant un chef inique représentent une partie principale de la sharî’a. Je dirais même
plus, se rendre utile à autrui, bien traiter les animaux et les plantes, respecter et
163
préserver l’environnement et la nature, font partie de la sharî’a. Tout ce qui contribue
à donner à l’homme sa dignité ou à la concrétiser ou à la renforcer, tout ce qui
contribue à élever celui-ci matériellement et spirituellement, tout ce qui constitue
une utilité ou une amélioration sur la terre relève de la sharî’a et constitue un moyen
d’en établir les fondements. Toute œuvre, tout effort qui vise à écarter l’injustice,
l’oppression ou empêche la corruption et le préjudice sur la terre, entre dans le cadre
de la sharî’a » 246.

D'après les spécialistes de la principiologie islamique, les finalités de la Loi Sacrée


peuvent être résumées en ces termes (en se fondant sur les enseignements
islamiques) : « ...pourvoir aux intérêts des êtres humains en leur garantissant ce qui
leur est indispensable (darûrî) et en leur procurant le nécessaire (hâjî) et l'accessoire
(tahsinî). (…) L’affirmation selon laquelle toute prescription de la Loi islamique a
pour objet de pourvoir à l’un de ces besoins ou de le garantir se fonde, quant à elle,
sur l’analyse exhaustive des prescriptions globales et spécifiques de la sharia dans
tous les domaines, ainsi que des raisons d’être et des motifs de ces prescriptions que
le Législateur nous permet souvent de connaître (…). L'indispensable se résume à la
préservation de 5 choses : la religion [ndt : la liberté de conscience et de culte, y
compris pour les non-religieux], la vie, la raison [ndt : incluant la maturité
psychologique], l'honneur et la propriété. La préservation de ces 5 choses est
indispensable à l'être humain » 247.

Ainsi, un véritable état islamique se doit donc d'être fondé sur ces principes
universels, ainsi que les penser intelligemment dans leurs applications concrètes
à notre époque (en prenant en compte les nécessités et les conditions propres à
notre temps).

Allâh a dit : « Allâh ordonne la justice et l’équité, la bienfaisance et de donner


(les biens) aux proches, et Il interdit la turpitude, le blâmable et la tyrannie,
ainsi peut-être vous souviendrez-vous (de ce qui est juste et convenable) »
(Qur’ân 16, 90). Le shaykh ul islam Al-‘Izz Ibn ‘Abd As-Salâm, comme le relate Ibn
Ashûr dans son ouvrage At-Tahrir wa at-tanwîr (14/260) citant l’ouvrage As-Sîra
al-Halabiyya, disait que ce verset constituait une preuve englobant la totalité du
fiqh : « Le maître ‘Izz ad-Dîn Ibn ‘Abd As-Salâm a écrit un ouvrage intitulé As-Shajara

246 ‘Abd Allâh al-Mâliki, La souveraineté de la Umma passe avant l’application de la Sharî’a,
éd. Maison d’Ennour, 2018, p.41, traduit par le Shaykh Corentin Pabiot ; cité aussi par
Ahmad Ar-Rîsûnî dans Al-Fikr al-islamî wa Qadâyâ-nâ as-Siyâsiya al-Mu’âsira, p. 83.
247 Voir notamment 'Abd al-Wahhâb Khallâf, Les fondements du droit musulman, éd. Al

Qalam, 1997, pp. 307 et 309.


164
où il montre que ce verset englobe toutes les prescriptions juridiques de toutes les
branches de la jurisprudence », et ce, en dépit des erreurs ou des déviances
introduites par certains juristes. Dans le même ouvrage (p. 259 de l’ouvrage de Ibn
Ashûr), il est rapporté cette parole du compagnon Ibn Mas’ûd : « C’est le verset du
Qur’ân qui a la signification la plus exhaustive », ce qui est vrai. Sa portée générale
est immense et peut concerner l’ensemble des pensées, des actions et des
aspirations humaines dans tous les aspects de leur existence.

L’Islam appelle donc à tout ce qui est bénéfique (les intérêts bénéfiques ; al-
masâlih) et interdit tout ce qui est concrètement nuisible (les maux ; al-mafâsid).
Dans l’introduction de son ouvrage Qawâ’id al ahkâm (1/8) le Shaykh Ibn ‘Abd as-
Salâm rappelle que pour la Loi (réellement islamique) : « L’essentiel des objectifs
présents dans le Qur’ân se ramène à ordonner la recherche des intérêts (choses
bénéfiques) et de leurs causes, et à blâmer la recherche des maux et de leurs causes
». Et un peu loin (1/11) il rappelle aussi que : « Toutes les injonctions se ramènent
à l’intérêt bénéfique des êtres humains dans ce bas-monde et dans l’autre (l’Au-delà)
», c’est-à-dire les affaires politiques, sociales, morales, spirituelles, juridiques,
économiques, matérielles, etc.

Ibn al-Qayyim a dit dans I’lâm Al-Muwaqqi’în (4/273) : « Allâh a envoyé Ses
Messagers et a révélé Ses Livres afin que les gens observent l’équité, pour laquelle les
cieux et la terre ont été édifiés. Partout où se manifestent les signes de la vérité et les
preuves de l’intellect, là est la Loi Divine, là est Sa religion, et là est Son Agrément ».
Cela est corroboré par le verset qurânique suivant : « Nous avons envoyé Nos
Messagers avec des preuves évidentes, et fait descendre avec eux le Livre et la
balance, afin que les gens établissent la justice » (Qur’ân 57, 27).

L'imâm Ar-Râghib Al-Asfahânî (m. 500 H) a dit dans Ad-Dharî'a ilâ Makârim : «
Les plus belles pratiques de la Sharî'ah sont la sagesse, l'établissement de la justice
entre les gens, la magnanimité, le bel-agir, la bienfaisance, lesquelles pratiques ont
pour but d'atteindre le Paradis et d'être dans le giron du Seigneur de la Puissance ».

Il s’agit là des principes en vigueur défendus par les sommités traditionnalistes,


même si évidemment, selon les époques ou les avis propres à chacun, il y a des
choses à revoir ou des avis qui évoluent avec le temps et l’espace.

L’imâm Ibn al-Jawzî (m. 1201) a dit dans Sayd Al-Khâtir : « Celui qui regarde,
depuis l'œil de la clairvoyance, les conséquences des choses, dès leur commencement,
en obtiendra le bien et sera préservé de leur mal. Par contre, celui qui ne voit pas les

165
conséquences, tombera sous l'emprise des sens, et il ne trouvera que souffrance là où
il cherchait le salut ; et difficulté là où il espérait le repos ».

Ce principe doit guider aussi nos réflexions sur le fiqh, car au-delà des débats
suivant l'approche textualiste (des traditionnalistes) comme superficialiste (des
modernes), même quand un texte n'est pas catégorique, il y a d'autres facteurs à
prendre en compte, tels que les finalités de la Loi, le souci de la justice, la réalisation
de la piété, la pratique des vertueux à travers chaque génération, l'empêchement
des voies menant à la débauche ou à la dégénérescence (voie à laquelle conduit la
sécularisation par exemple, où à force d'évacuer ou d'étouffer le Sacré et le
spirituel du cœur des Hommes, les conduit à la dépression, au suicide, à la drogue,
à la désacralisation du monde et de la vie, à l'esclavage des sens et des passions, au
fanatisme idéologique, etc.).

L’imâm et juriste al-Qarâfî en s’adressant au mufti compétent disait dans son


Anwar al Buruq fi Anwa' al Furuq : « Toutes les fois qu'il y a un renouvellement dans
la coutume (‘Urf) des gens, le Mujtahid (savant) la prend en considération, et toutes
les fois où elle s'arrête, il la laisse. Ne te fige pas sur ce qui est consigné dans les livres
toute ta vie ! Mais plutôt, s'il te vient un homme qui n'est pas de ta région et qui te
demande la Fatwâ (avis juridique), ne le ramène pas vers la coutume de ton pays.
Questionne-le sur la coutume de sa région, guide-le vers celle-ci et donne-lui la Fatwâ
par elle sans tenir compte de celle de ton pays et de ce qui est établi dans tes livres.
Ceci est la vérité claire et limpide. Le fait d'être figé à jamais dans les textes rapportés
(al Manqulât) est un égarement dans la religion et une ignorance des desseins des
savants musulmans et des Salafs passés ».

Le Shaykh et gnostique Ahmad Al-Tijânî a dit : « Conduisez-vous selon les


spécificités de votre époque ». Dans son Ifadah, le grand disciple (du Shaykh Ahmad
At-Tijânî) Sidi Tayyeb Assufayani Al Hassanî a dit : « Il n'y a pas plus ignorant que
celui qui veut créer dans une époque ce qu'Allâh ne veut pas y faire apparaitre ».

Il cite ensuite l'érudit Sidi Muhammad al-Hajûjî qui a expliqué cette parole dans
son Fayd fadl Allâh al-muntashir, puis mentionne ce qu'a écrit l'érudit Sidi Ahmad
ibn al-'Ayyâshî Skiredj : « Soyez un être de votre époque et évitez de vous occuper du
temps passé. Le temps est comme une épée, si vous ne faites pas attention. Il vous
coupera au lieu de le franchir ; profitez donc de sa sérénité ! (…) Il n'y a pas plus
ignorant que celui qui veut créer dans une époque ce qu'Allâh ne veut pas y faire
apparaitre ».

166
Ainsi, revenir sans nécessité à une pratique sociale qui avait disparu et qui ne
possède aucun avantage réel, et qui engendre des abus certains est le fruit d'une
mentalité déviante, suivant les passions plutôt que la Justice de l'Islâm. Par ailleurs,
nous constatons que beaucoup de gens de la passion suivent tout ce qui n'est pas
obligatoire et louable, et tendent souvent vers ce qui est douteux ou nuisible,
même en prétextant revenir à d'anciennes pratiques sociales du passé qui ont
disparu, mais qui sont souvent peu compatibles avec l'excellence spirituelle et
éthique à laquelle invite l'Islam. Tout cela constitue des signes évidents d'une
déviance comportementale et intellectuelle. Il n’y a cependant aucun mal à refaire
vivre de nobles pratiques sociales ou culturelles disparues, mais qui ne
contredisent pas la noble éthique islamique ni sa doctrine fondamentale.

Les anciens juristes ont statué sur les pratiques soit selon les Textes religieux et
leur compréhension selon des méthodologies spécifiques (dont certains critères
peuvent être révisés), soit selon les coutumes (qui elles peuvent changer) de leur
époque. Quand les coutumes changent, le statut juridique d'une pratique (liée à la
coutume) change aussi. Il n'y a donc pas de raison d'introduire la mentalité
réformiste 248, quand celle-ci s'attaque aux fondements textuels et juridiques, et
non pas seulement aux questions secondaires ou aux coutumes, - que les anciens
savants traditionnalistes relativisaient (ou critiquaient) déjà -. La raison pour
laquelle certains avis juridiques anciens sur les questions secondaires manquent
de fondement scripturaire, est qu'ils étaient basés surtout sur la coutume, et celle-
ci peut donc être abandonnée si elle ne correspond ni aux finalités de la Loi divine
et à son éthique, ni aux mentalités ou conditions socioculturelles d'aujourd'hui,
comme la question de l'esclavage par exemple.

Le respect des fondements juridiques dérivés du Qur'ân et de la Sunnah, - parmi


ce qui relève du consensus chez les ussûliyyyûn - garantissent ainsi la préservation
de ce qui est nécessaire, utile et intemporel en matière de religion, et permettent
aussi le renouvellement continuel des coutumes et de leur prise en compte dans
l'évolution ou l'adaptation du fiqh dans les questions qui perturbent beaucoup de
musulmans de notre époque.

248 Le fait de critiquer certains avis est une chose qui est légitime du point de vue
traditionnel, - et certains réformistes et traditionnalistes peuvent converger là-dessus -,
mais c’est surtout la mentalité réformiste (qu’elle soit littéraliste ou moderniste) qui
constitue un problème en soi, car adoptant un état d’esprit déviant par rapport aux
principes éthiques, aux réalités spirituelles et aux réalités temporelles.
167
Le voile, la barbe (mais pas dans son statut d’obligation en toute circonstance),
le port des vêtements pudiques, l'importance de la prière, etc. ne relèvent pas de
la coutume, en ce sens qu'ils sont liés aux valeurs universelles et dont il existe des
textes religieux catégoriques et authentiques qui les explicitent et les confirment,
et dont la portée spirituelle est aussi établie. Mais dans les questions sur certaines
pratiques et mentalités conjugales ou familiales, certains critères liés au mariage
ou concernant le statut juridique des esclaves, il y a une part évidente en lien avec
la coutume, puisque les textes n'en parlent pas, ou alors existent mais peuvent les
contredire. L'aspect coutumier ne peut pas passer au-dessus des préceptes
religieux qui sont clairs et immuables.

Le fiqh est intrinsèquement lié à la réalité d'une époque. Pour comprendre le fiqh,
il faut donc bien resituer les choses et s'imprégner des conditions de vie de cette
époque, et des mentalités qui y sont prédominantes. Pour beaucoup, dans les
relations intercommunautaires, ils appliquent la logique de la réciprocité.
Toutefois, la justice morale de l'Islâm impose la justice et la bienfaisance à tous les
niveaux, et le combat que contre les criminels et combattants avérés (qui
transgressent et agressent sans droit les gens). Le danger, à notre époque, réside
dans le fait de les transposer tel quel à notre réalité qui a changé dans bien des
aspects, sauf dans certaines régions du monde. Or, ce que font certains
(réformistes ou non) est dangereux, puisqu’ils ressortent des avis anciens sans les
expliquer ou les contextualiser, ce qui pourrait donner de mauvaises idées (dans
un sens comme dans l'autre) aux gens, - et même eux, par faiblesse d'esprit, sont
tombés dans de graves dérives et déviances du point de vue qurânique -. Pour les
époques passées, souvent le droit correspondait aux impératifs et aux besoins de
l'époque, - sauf dans certains cas où la conception humaine défaillante prévalait
sur certains principes universels, car l'humain est faillible et peut toujours tomber
dans l'absurde -, ce qui évolue avec les mentalités et les conditions socioculturelles.
Encore aujourd'hui, dans des états occidentaux, le droit comporte des choses qui
nous paraissent absurdes, comme le port exigé de la cravate, l'interdiction de
prendre une douche à certains moments de la journée, etc., car au moment de
l'élaboration de ses dispositions, il y avait un contexte particulier (une pénurie
d'eau par exemple concernant la loi interdisant de se doucher à certaines heures
de la journée) 249. Dans le fiqh médiéval, il faut aussi garder à l’esprit que nombre

249A titre d’exemples, aux Etats-Unis, voici des lois jugées absurdes (mais l’article cite
certaines lois qui ne sont cependant pas absurdes ou dénuées de pertinence) : "Les Etats-
unis, champions des lois stupides, inutiles et encore en vigueur', Tendance Ouest, 30 mars
2016 : https://www.tendanceouest.com/actualite-134512-les-etats-unis-champions-des-
168
de juristes établissaient une distinction entre l’obligation morale (individuelle,
devant rendre des comptes à Allâh) et l’obligation juridique (devant rendre des
comptes à la société avec des sanctions juridiques ici-bas-). Ainsi, dans cette
configuration socioculturelle, certains actes étaient tolérés ou prohibés du point
de vue du droit 250, mais pouvant être moralement (sur le plan islamique)
répréhensibles, ou a contrario, dans certains cas, être acceptés et agréés par Allâh,
comme certains actes cultuels qui ne répondent pas forcément aux règles fixées
par une école juridique en particulier.

Dans les outils juridiques tirés du Qur'ân et de la Sunnah, et développés par de


nombreux juristes (essentiellement chez les malikites, les hanafites et les shafiites,
mais aussi une partie des hanbalites), on trouve ceux du « choix préférentiel » (al
istihsân), de l'intérêt général (al-maslaha), l'intérêt général indéterminé (al-
maslaha al mursala), les us et coutumes d'une société (al 'urf wa al 'adât), la
réfutation des arguments (sadd ad-dharâ'i'), le consensus (al 'ijma), la nuisance
contraignante (mafsada ; c’est-à-dire une chose mettant en danger l'existence ou
la préservation d'un des objectifs supérieurs qu’Allâh veut pour l'être humain),
l'analogie et la déduction (al qiyâs), la présomption de continuité (al-isthishâb), et
ce sont donc des outils qu'il faut connaitre et maitriser, - faisant appel à la logique
(mantiq) ainsi qu'aux données sociales, politiques, culturelles, historiques,

lois-stupides-inutiles-et-encore-en-vigueur.html ; Voir aussi "Interdit de se doucher nu, de


se raser la poitrine… Voici les lois américaines les plus absurdes", Ouest France, 4 août
2020 : https://www.ouest-france.fr/leditiondusoir/2020-08-04/interdit-de-se-doucher-
nu-de-se-raser-la-poitrine-voici-les-lois-americaines-les-plus-absurdes-ce245e9b-bee8-
4c43-b023-528c8929ee88 ; "Nouvelle-Zélande : Un député maori expulsé du Parlement
parce qu'il refuse la cravate", Paris Match, 10 février 2021 :
https://www.parismatch.com/Actu/International/Nouvelle-Zelande-Un-depute-maori-
expulse-du-Parlement-parce-qu-il-refuse-la-cravate-1724155
250 Car selon le paradigme de telle école, ou en raison de l’insuffisance, selon leur point de

vue, des « preuves légales », certaines pratiques ne pouvaient pas être catégoriquement
prohibées du point de vue pénal, mais condamnées ou réprouvées seulement du point de
vue moral. Cependant, si ces considérations entrainent des abus, des peines
discrétionnaires (de type « ta’zîr ») peuvent être instituées pour sanctionner les éventuelles
dérives à une époque donnée. De nombreux débats ont lieu aujourd’hui autour de la
complexité du fiqh, et de la nécessité de lier systématiquement le fiqh avec l’éthique, - se
rapprochant ainsi de la pédagogie prophétique -, pour éviter les dérives et les abus, et de ne
pas sacraliser certains avis juridiques anciens, - adaptés à leur propre contexte -, sans pour
autant tomber dans les dérives des réformistes (au sens moderniste) contemporains, qui
rejettent totalement (ou en grande partie) la Tradition par ignorance, par myopie
intellectuelle ou par orgueil.
169
psychologiques et médicales -, pour comprendre les sources textuelles, qui sont,
par ordre hiérarchique : le Qur'ân, la Sunnah, la pratique des compagnons puis
celle des successeurs et des successeurs des successeurs.

Ainsi, si un juriste s'est trompé, ou que le contexte et les coutumes ont changé
par rapport à l’avis qu’il avait émis dans son contexte ou à son époque, à partir des
principes islamiques et des outils juridiques-même de l’islam, il est permis de
délaisser, de nuancer ou de rejeter un ancien avis juridique, surtout si cet avis (qui
était soit erroné en soi, soit pouvant devenir blâmable dans un contexte différent,
où les mentalités, pratiques et priorités diffèrent grandement), contredit les
finalités liées à la dignité d'une personne, à sa vie ou à son bien-être réel ou encore
à l'intérêt général.

De même, il ne faut pas se conformer aux spécificités de l’époque qui impliquent


un péché manifeste, car la pratique légiférée ne peut pas impliquer ce qu’Allâh a
clairement interdit de façon explicite, et qui comporte un mal certain.

Il y a ainsi 2 maux à éviter, tout d’abord, le fait de suivre aveuglément des


coutumes anciennes qui ne convergent pas avec les finalités de la Religion et qui
ne sont pas motivées par la nécessité et qui ne procurent pas de bénéfices à
l’intérêt général. D’autre part, passer son temps à critiquer les Anciens en raison
de coutumes qui nous sont devenues étranges en raison du changement de
mentalité et des conditions de l’époque, qui forcément, ont amené à de nouvelles
situations et considérations.

La recontextualisation permet généralement, - sauf dans les cas d’injustices


flagrantes -, de mieux comprendre la raison d’être de certaines pratiques ou des
nécessités (insécurité, absence de stabilité politique, absence de divertissement,
…) qui ont justifié le recours à certaines pratiques qui nous paraissent aujourd’hui
futiles ou blâmables uniquement en raison de notre situation qui ne repose pas sur
les mêmes conditions et perspectives de vie. Ainsi, aussi bien ceux qui prennent un
malin plaisir à faire revivre d’anciennes pratiques blâmables, ou autorisées à une
époque mais qui seraient blâmables aujourd’hui étant donné la forte disparité
dans les conditions de vie et la décadence morale généralisée des peuples
d’aujourd’hui -, que ceux qui passent leur temps à ressortir des avis étranges ou
isolés des anciens qui n’ont jamais (ou presque) été pratiqués ou recommandés,
afin de les humilier ou de les diaboliser avec perfidie, et qui embrouillent les
musulmans du commun ou qui salissent la Religion, - qu’ils en soient conscients ou
non – sont à blâmer. Comme le disait le philosophe, théologien et cheminant sur la

170
voie sûfie Abû Hayyân al-Tawhidi (+- 922 - 1023) dans Al-Baṣâ'ir wa al-dhakhâ'ir :
« Réveille ton énergie vagabonde, secoue ton intelligence, ouvre ton esprit à la
compréhension des richesses des Anciens, consulte les trésors rares des hommes de
lettres, tu ne manqueras pas d'y trouver du sérieux qui te rendra heureux, du frivole
qui te distraira et des opinions qui te font défaut ».

On reconnait un arbre à ses fruits, et l’on constatera alors que ceux qui s’occupent
avec la Parole d’Allâh, l’exemplarité du Prophète (‫ )ﷺ‬et les bonnes œuvres, sont
dans la voie de la Sagesse, et inspirent les meilleurs actes et les meilleures pensées.
A contrario, ceux qui sont noyés dans la noirceur, l’absence de spiritualité, les
polémiques interminables et la contestation stupide envers tout ce qui dépasse
leur ignorance et leur médiocrité, n’offrent presque rien de bon. Le Shaykh Al-
Munawî a dit dans son Fayd al-Qadîr (2/310, au hadîth n°1750) : « « Hadîth : Certes,
Allâh tiendra compte de toute parole prononcée par l'homme. Que chacun prenne
donc garde à ce qu'il dit » 251. De nos jours, les ulémas s'adonnent aux polémiques lors
des séances publiques qu'ils tiennent. Ils s'en prennent aux écoles juridiques et aux
avis qu'ils ne partagent pas, et tentent de démontrer l'inanité de ces positions
doctrinales (...). Lorsque le simple croyant entend ces polémiques de la part des
ulémas, il les fait siennes parce qu'il respecte l'autorité religieuse de ces hommes. Ce
sont alors les ulémas qui sont responsables devant Allâh du péché commis par ce
simple croyant ».

Tous ceux, qui, parmi les dirigeants, les prédicateurs, les penseurs, les savants ou
aujourd'hui les professeurs et les youtubeurs, sèment la fitna et n'enseignent pas
des choses profitables et bénéfiques aux musulmans, ont ainsi clairement leur part
de responsabilité. Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui instaure une bonne
tradition aura sa récompense et la récompense de ceux qui ont oeuvré avec durant
sa vie et après sa mort jusqu'à ce qu'elle soit délaissée. Celui qui instaure une
mauvaise tradition a son péché jusqu'à ce qu'elle soit délaissée » 252. Le contexte de
ces paroles concerne aussi bien la charité que la protection du pays. Ainsi, toute
pratique, même nouvelle, en conformité avec les principes, les finalités et l’éthique

251 Rapporté aussi par al-Hakim at-Tirmidhî, ainsi que par As-Suyûtî mais qui le déclare

faible. Ce hadîth est conforme au verset du Qur'ân qui dit : « Et ne poursuis pas ce dont tu
n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur: sur tout cela, en vérité, on sera
interrogé » (Qur'ân 17, 36).
252 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1017 selon Jarîr Ibn ‘Abdullâh, par At-Tabarânî

selon Wathila Ibn Al Asqa' lors d’un autre événement avec une chaîne sahîh, et d’autres.
171
de l’Islam est autorisée et même récompensée pour cela, tant que cela n’abroge
aucune doctrine ou pratique religieuse reconnues obligatoires ou recommandées.

L'imâm 'Alî a dit : « Si la Vérité était pure, l'homme intelligent ne penserait pas
différemment à son sujet et il en serait de même pour l'erreur, mais une parcelle de
chacune se trouve mêlée à l'autre (…). Tout homme vit avec une imperfection en lui
» 253.

Il ne faut pas propager les avis étranges, inutiles ou allant clairement à l’encontre
de l’éthique islamique, et les laisser seulement à certains spécialistes. Il ne
convient pas de polluer l’esprit du croyant avec ce qui ne lui est pas profitable, et
c’est un signe de faiblesse intellectuelle et de corruption morale. Il faut faire
revivre la Sunnah et non pas les avis étranges du passé.

En résumé, concernant les gens, dont les Anciens, soit ils ont vu juste sur les
sujets qui nous divisent, et on doit les remercier en louant Allâh, soit leurs avis
étaient excusables ou légitimes selon leur contexte et plus selon le nôtre, et on ne
doit pas les blâmer pour cela, soit ils se sont trompés (tout en ayant des
circonstances atténuantes dans certains cas) et on ne les suit pas en cela, tout en
invoquant le Pardon divin sur eux comme nous l’a demandé Allâh, car aucun être
humain n’est à l’abri de l’erreur et du péché, pas même les plus grands savants.
D’autres parmi les Anciens par ailleurs, sont revenus sur leurs erreurs (anciens
avis), ou ne l’ont autorisé que sur le plan théorique légal, tout en recommandant
moralement une attitude plus sage, bénéfique et juste dans la pratique. On
observera également que là où les Anciens qui sont critiqués par les modernistes
n’ont commis au pire que des erreurs ou des déviances (ou dérives), - certes que
l’on ne doit pas suivre et que l’on peut critiquer à travers une approche
bienveillante, mais intellectuelle et critique -, ceux qui les rabaissent injustement,
non seulement commettent aussi de nombreuses erreurs et dérives, mais
professent souvent des hérésies ou des positions relevant de la mécréance, et
participent consciemment ou non, aux pires tragédies de notre temps
(consumérisme, fanatisme idéologique, répression politique, disparition et
éradication de la spiritualité, glorification de l’ego et banalisation des vices et des
fléaux sociaux).

Allâh a dit : « Et [il appartient également] à ceux qui sont venus après eux en
disant : « Seigneur, pardonne-nous, ainsi qu’à nos frères et soeurs qui nous ont

253 Rapporté par Abû Hayyân al-Tawhidi dans Al-Baṣâ'ir wa al-dhakhâ'ir.

172
précédés dans la foi ; et ne mets dans nos cœurs aucune rancœur pour ceux qui
ont cru. Seigneur, Tu es Compatissant et Très Miséricordieux » » (Qur’ân 59,
10). L’erreur et le péché pouvant toucher tout le monde, Allâh nous dit : « Et
repentez-vous tous devant Allâh » (Qur'ân 24, 31), de même qu’Il a dit : « et
implore le pardon pour ton péché, ainsi que pour les croyants » (Qur’ân 47, 19),
tout comme Il nous rappelle ceci : « Voilà une génération bel et bien révolue. A
elle ce qu’elle a acquis, et à vous ce que vous avez acquis. On ne vous
demandera pas compte de ce qu’ils faisaient » (Qur'ân 2, 134).

Et de façon générale, quand il y a une divergence ou un avis qui nous trouble, il


faut regarder les différents avis, on purifie notre intention, on fait la salât al-
istikhara (prière de consultation), on demande à Allâh de nous guider vers la
meilleure voie et le meilleur avis, ainsi que de nous pardonner en cas d'erreur ou
de faiblesse, et on choisit ce qui est le plus à même de nous conduire à la piété et à
la droiture. Face à tant de divergences, il faut aussi garder à l'esprit les finalités des
préceptes et rites qu’Allâh nous a enjoint de pratiquer (la prière, la zakâh, le jeûne,
le hajj, les ablutions, la charité, etc.), car ils sont en lien avec la sécurité, la pureté,
la purification de l'âme, l'hygiène corporelle et mentale, la piété, la maîtrise de soi,
la contemplation d'Allâh, la recherche de Sa Proximité et de Son Agrément. Dans
ce genre de cas, l'erreur est excusée si on agit avec sincérité dans l’optique de
trouver Son Agrément et d’aspirer à la piété tout en tendant vers la justice.

Parmi les avis, certains divergent mais ne se contredisent pas, et s’ils ne


s’opposent pas à la justice et à la piété, alors chacun choisira l’avis en adéquation
avec son niveau de spiritualité et sa situation personnelle ou selon sa préférence.
D’autres avis cependant, se contredisent, de sorte que l’un soit nécessairement vrai
et l’autre nécessairement ou partiellement faux, mais dont la conséquence n’a que
peu d’incidence ou de gravité, et enfin, les avis divergents dont les conséquences
sont plus ou moins graves sur les plans spirituel, théologique, rituel et éthique.
Ceux qui ne mettent pas en péril les fondements et branches établis de la Foi, de la
vertu et des rites relèvent de l’ijtihad autorisé, tandis que les avis qui s’y opposent
clairement ne sont pas acceptables (islamiquement et intellectuellement) ni
acceptés. Et entre les deux, il y a les avis qui sont douteux ou qui tendent vers le
blâmable sans l’être totalement, et la tradition prophétique nous enjoint de nous
en écarter en raison du caractère douteux et étrange de ce qu’implique ce genre
d’avis.

Et enfin, si notre méditation du Qur’ân ne nous conduit pas à réformer


concrètement et positivement notre comportement et notre attitude, alors c’est
173
que l’on s’y prend mal. En effet, le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Lis le Qur’ân tant qu’il
réforme ton comportement car s’il ne le fait pas, c’est que tu ne le lis (comprends) pas
comme il le faut » 254.

L'érudit Ahmad Ar-Rîsûnî disait dans son Al-Fikr Al-Islamî wa-Qadâyâ As-
Siyâsiyya al-Mu'âsira (p. 107) : « Une grande polémique et une lutte ardente
s'engagent aujourd'hui dans les différentes sociétés musulmanes sur la question de
la Sharî'a (loi islamique) et de son application. Cette question a en partie pour origine
la division des milieux intellectuels et politiques en deux courants principaux qui
occupent la scène culturelle et politique, et que l'on peut appeler le courant religieux
et le courant laïque. Mais une partie de cette lutte a aussi pour origine la confusion
que l'on fait sur la notion de Shari'a et d'application de cette même Sharî'a. Que ce
soit dans le camp des partisans de l'application de la sharî'a et de ses défenseurs,
comme dans le camp des opposants à cette idée et de ceux qui en ont peur, certaines
conceptions de la notion de la Sharî'a et de l'application de Sharî'a sont incomplètes
et tronquées, et entraînent par conséquent de nombreux problèmes et conflits qu'il
serait possible d'éviter ou de limiter si l'on en avait une connaissance véritable ».

La Sharî’ah est par essence noble et prend en compte l’intérêt général, interdit
l’injustice et ordonne l’équité, prenant appui notamment sur ces versets du
Qur’ân : « Nous avons effectivement envoyé Nos messagers avec des preuves
évidentes, et Nous avons révélé, par leur intermédiaire, l’Écriture et la Balance,
afin que les gens établissent la justice » (Qur'ân 57, 25) et « En toute vérité,
Allâh commande la justice (et l’équité), la vertu et la générosité (libéralité,
assistance) envers les proches, et Il interdit la turpitude, les actes
répréhensibles et la tyrannie (et l’injustice) » (Qur’ân 16, 90), « Par la sagesse
et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton Seigneur. Et
discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez [à
l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez...
cela est certes meilleur pour les endurants. Endure ! Ton endurance [ne
viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas
angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont
craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur'ân 16, 125-127).

L'imâm et juriste As-Shatibî a écrit dans al-Muwâfaqât (2/124) : « La Sharî'ah


dans sa totalité ne produit (ne doit produire en réalité) que des qualités morales
nobles », conformément aux paroles prophétiques dans lesquelles le Messager

254 Rapporté par At-Tabarânî dans Musnad al-Shâmiyyîn n°1345.


174
d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les meilleurs d'entre vous sont ceux qui ont le meilleur caractère
(et comportement) » 255.

« Les meilleurs d'entre vous dans l'Islam sont ceux qui ont le meilleur caractère, s'ils
ont la bonne compréhension » 256.

« Les plus mauvais de ma nation sont les bavards, les vantards et les pompeux. Les
meilleurs de ma nation sont ceux qui ont le meilleur caractère » 257.

« En vérité, l'obscénité et l'immoralité ne font pas partie de l'islâm. En vérité, les


meilleures personnes de l'Islam sont celles qui ont le meilleur caractère » 258.

« Rends ton comportement et ton caractère excellents pour les gens » 259.

« Sois pieux où que tu sois. Fais suivre la mauvaise action par une bonne action qui
l'effacera. Et comporte-toi convenablement avec les gens » 260.

Malheureusement, à cause de l’extrémisme et de l’ignorance de certains, et aussi


à travers les confusions et diabolisations opérées par les médias non-musulmans,
qui réduisent la Sharî’ah qu’aux peines corporelles destinées à sanctionner les
criminels qui s’en prennent à la vie et à la sécurité des citoyens essentiellement
(mais qui nécessitent tout de même de réunir de nombreuses conditions et qui ne
constituent même pas 1% des choses en rapport avec la Sharî’ah), les gens ont
peur de ce mot, alors qu’il désigne la Loi divine et ses principes liés à la justice, à la
sagesse, à la connaissance, à la liberté de conscience et de culte, à l’équité, à la
bienfaisance et à la charité envers les pauvres, les orphelins, les veuves, les
malades, les animaux, etc.

Les hudûd peuvent paraitre durs, mais c'est justement pour marquer l'esprit
humain sur l'importance de respecter la vie humaine, la sacralité de la dignité et

255 Rapporté par al-Bukhari dans son Sahîh n°3366 d'après 'Abdullah Ibn Amr.
256 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°9880.
257 Rapporté par al-Bukhari dans Al-Adab al-Mufrad n°1308.

258 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°20320 selon Jabir Ibn Samurah.
259 Rapporté par Mâlik ibn Anas dans Al-Muwattâ’ n°1636, sahîh, d’après Mû’adh Ibn Jabal
à qui le Prophète (‫ )ﷺ‬s’adressait. Rapporté aussi par At-Tirmidhî et par An-Nawawî dans
son Riyâd as-Salihîn n°61 d’après Abû Dharr.
260 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân avec une bonne chaîne, sous l'autorité de

Mû'âdh Ibn Jabal, de Abû Dharr, de Jundub Ibn Junadah.

175
des engagements pris envers Allâh, la société, sa famille et ses proches. Car a force
de les banaliser ou de les négliger, l'âme humaine s'affaiblit et se rebelle, et cause
du tort aux gens. Les hudûd sont aussi là pour fixer la limite maximale des peines
encourues, évitant ainsi des réactions et sanctions sauvages ou plus cruelles, et
selon les circonstances et les conditions, les juges et les autorités peuvent se
montrer plus clément et plus souple en cas d’application de la peine, bien que
l’Islam encourage tous les acteurs de la société (victimes vivantes, familles de la
victime, juges, témoins, etc.) à privilégier le pardon ou le dédommagement pour
éviter la peine de mort ou les peines corporelles (qui ne représentent même pas
1% de la Sharî’ah). Le chercheur et penseur Rachid Achachi disait d’ailleurs que :
« (...) Autre contradiction du point de vue des droits de l’homme, c’est qu'en prônant
la sacralité de la vie, même les démocraties les plus libérales du monde autorisent de
tuer quelqu’un dans un cas très précis de légitime défense quand la proportionnalité
de la violence est respectée. C’est-à-dire que les droits de l’Homme autorisent une
hiérarchisation des droits de la vie, puisqu’en autorisant la légitime défense jusqu’à
tuer celui qui veut vous tuer, les droits de l’Homme hiérarchisent les vies. Ils partent
de l’idée que la vie de l’innocent est supérieure à celle du criminel qui veut l'ôter. Donc
ce n’est pas un référentiel pur et cohérent où le droit à la vie est inattaquable. Il y a
plein d’exceptions où la vie peut être révoquée. (...) la meilleure manière de défendre
la vie, c’est par la peine de mort. Cela signifie que la vie est tellement sacrée que si
vous l’ôtez à quelqu’un, vous perdez la vôtre. C’est le summum de la défense de la
sacralité de la vie » 261.

On comprend donc que l’Islam ne cautionne nullement la barbarie ni n’incite à


répandre le sang, sauf dans des cas exceptionnels, qui se veulent rares et avec pour
effet d’être dissuasifs. Ces peines sont certes « dures » et « sévères » mais non pas
barbares ou injustes en soi, puisqu’elles sanctionnent des gens ayant commis des
crimes, sans aucune excuse possible, en toute connaissance de cause, et entrainant
la société dans le désordre, l’insécurité, le chaos et la débauche.

L’islamologue, scientifique, historien, métaphysicien et logicien Seyyed Hossein


Nasr disait à juste titre : « En essayant de rendre à l'Islam son pouvoir sur la scène

261 Rachid Achachi, "La peine de mort pour sacraliser la vie", 28 mai 2021 :
http://www.babmagazine.ma/rachid-achachi-la-peine-de-mort-pour-sacraliser-la-vie

176
de l'histoire, bon nombre de ces mouvements ont réussi à défigurer la nature même
de celui-ci » 262.

Avant lui déjà, le métaphysicien, logicien et mathématicien René Guénon disait :


« Du reste, c’est une habitude constante de tous les schismes et de toutes les
hérésies, dans quelque ordre que ce soit, de se présenter comme un retour à la
pureté des origines : le Protestantisme lui-même ne veut-il pas se faire passer pour
une manifestation du pur esprit évangélique, tel qu’il était aux temps du
Christianisme primitif ? » 263.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit encore : « Les justes de chaque génération


porteront ce savoir et le préserveront de la déformation des rigoristes, de
l’usurpation des imposteurs et de l’interprétation des ignorants » 264. On se rend
compte que parmi les gens, et notamment chez ceux qui se qualifient de penseurs
ou de savants, qu’il existe 3 groupes parmi eux, à savoir les rigoristes qui sont durs
pour rien et psychorigides, et qui encouragent ou tolèrent des pratiques ou des
comportements injustes ou pervers et qui sont dénués de toute perspective
spirituelle. Il y a ensuite les imposteurs qui se caractérisent par le mensonge,
l’hypocrisie et l’orgueil, qui déforment sciemment la vérité et agissent de sorte à
tromper les croyants, à semer la confusion et à propager des idéologies contraires
à l’Islam, ce qui correspond à notre époque à une partie des réformistes et des
« savants du palais ». Et enfin, il y a ceux qui, n’ayant ni science, ni spiritualité ni
convenance ni piété, réduisent la Religion et ses sciences, qu’à leur opinion
subjective, et décident d’eux-mêmes ce qui est permis et ce qui ne l’est pas, ce qui
est vrai, bon, faux ou mauvais, sur la seule base de leurs passions, elles-mêmes
fondées sur l’ignorance.

262Seyyed Hossein Nasr, L'Islam traditionnel face au monde moderne, éd L'Age d'Homme,
1993, p. 222.
263 René Guénon, Le Théosophisme, Histoire d’une Pseudo-Religion, éd. Éditions
Traditionnelles, 1969.
264 Rapporté par At-Tabarî, Tamâm, ‘Adî dans ses Fawâ’id, Ibn al Qayyim dans Miftâh dâr

as-sa’âda qui le juge sahîh, Ibn al Wazîr le juge sahîh/hassân, l’imâm Ahmad le juge sahîh
ainsi qu’Ibn ‘Abd’al-Barr.
177
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Certes, Allâh enverra un revivificateur de la
Religion (al mujaddid) auprès de cette communauté (al Ummah), et ceci, à
l’avènement de chaque génération » 265.

Al Hafiz ad-Dhahâbî dit dans son Siyâr A'lam an-Nubalâ' : « Je dis : pour le 4e siècle,
il s’agit de Abû Hâmid Al Isfarâyînî ; pour le 5e siècle, il s’agit de Abû Hâmid Al Ghazâlî
; pour le 6e siècle, il s’agit du Hâfiz ‘Abd ul Ghanî ; et pour le 7e siècle, il s’agit de notre
Shaykh Abul Fath Ibn Daqîq Al ‘Îd ».

Parmi les autres mujaddidin 266, on cite généralement l'imâm Al-Junayd, Al-
Baqillânî, l'imâm Al-Jilânî, l'imâm Ibn Atâ'Llâh, Shaykh ul Islâm Al-Izz Ibn Abd As-
Salâm, Ibn 'Arabî, As-Suyûtî, Shâh Walîullâh Ad-Dahlawî, Shaykh Ahmad Sirhindi,
Shaykh Ahmad Al-Alawî, etc. Leurs points communs : Ils furent dans la 'aqida des
asharites/maturidites/atharites, dans le fiqh ils adhéraient globalement à une
école juridique reconnue, et étaient également des « sûfis accomplis ». Tout en
rejetant les hérésies et les innovations blâmables, ils surent rester dans le Tawhîd,
« l'orthodoxie », la sagesse, la pondération et la spiritualité la plus authentique. Ils
condamnaient les dérives et le manque d'éthique à leur époque, remettaient le
Qur'ân et l'Amour d'Allâh au centre de la préoccupation de la vie des croyants, ainsi
que le suivi de la Sunnah du Messager d'Allâh (‫)ﷺ‬, et le renouvellement des
sciences religieuses, et se conformaient aux principes et aux finalités de la Religion,
ce qui n’a aucun rapport avec ceux que l’on appelle aujourd’hui les « réformistes »,
qui ne se conforment pas aux fondements, qui éloignent les gens de la piété, qui se
soumettent aux superstitions modernes, qui approuvent des injustices et qui n’ont
pas (ou très peu) de spiritualité.

L’imâm Hassân al-Basrî a dit : « En vérité, dans ce qui relève du caractère du


croyant il y a la force dans la religion, la détermination avec indulgence, la foi avec

265 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4291 dans le Kitâb al-Malahim, sahîh,
confirmé et authentifié par Al-Hakîm dans Al-Mustadrak, par al-Hafiz Zayn al-‘Irakî, par al-
Hafiz Ad-Dhahâbî dans son Siyâr, par As-Shawkanî et d’autres. Selon nous, il s’agit de chaque
génération, et non pas forcément de chaque « siècle ». Ibn Hajar dans Fath al-Bâri 13/295
et Ad-Dhahâbî dans Târîkh al-Islâm 23/180 affirment que le hadîth peut concerner un
groupe (taîfa) de personnes et non pas seulement une seule personne à chaque
génération/siècle.
266 Parmi ceux des premiers siècles ; Al-Hassân al-Basrî, les imâms des Ahl ul Bayt -

comme ‘Alî Zayn ul Abidîn et ses fils Muhammad al-Baqîr et Zayd Ibn ‘Alî, l’imâm Jâ’far as-
Sâdiq -, l’imâm Abû Hanifa, l’imâm Sufyân At-Thawrî, l’imâm Mâlik, l’imâm As-Shafi’î,
l’imâm Ahmad, Al-Hakim At-Tirmidhî, le Calife ‘Umar Ibn ‘Abd al-‘Azîz, etc., tous ont
marqué positivement le monde musulman, dans les sciences, la gouvernance, la piété, la
spiritualité, etc.
178
certitude, le désir de savoir, la sympathie avec la compréhension, la pondération dans
le culte, la miséricorde avec l'effort, donner à ceux qui demandent, ne pas faire de
tort à celui qu'il déteste, ne pas pécher pour celui qu'il aime, digne dans la tourmente,
reconnaissant dans l'aisance, satisfait de ce qu'il a, parler pour communiquer la
compréhension, se taire par prudence et affirmer la vérité comme témoin sur lui » 267.

Il nous est parvenu en effet selon un hadîth authentique que : « Lorsque le juge a
fait un effort (juridique) (ijtahada) puis a atteint la vérité, il a deux récompenses, et
s’il a fait un effort (juridique) et s’est trompé, il a une seule récompense » 268.

Quant à la légitimité de l’ijtihâd, outre les versets qurâniques qui enjoignent à la


réflexion et à l’observation concernant le fiqh (ainsi que la science, la ‘aqida, le
tafsîr, etc.), il y a aussi ce célèbre hadith prophétique où le Prophète avait enseigné
à Mu'âdh ibn Jabal avant de l’envoyer au Yémen comme messager des bonnes
valeurs de l’Islam : « Selon quoi jugeras-tu lorsque le besoin s'en présentera ? – Selon
le Livre d’Allâh (Qur’ân), avait répondu Mu'âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution
explicite) dans le Livre d’Allâh ? – Je jugerai alors selon les Hadîths du Messager
d’Allâh, avait répondu Mu'âdh. – Et si tu ne trouves pas (de solution explicite) dans
les Hadîths du Messager d’Allâh ? – Je ne manquerai alors pas de faire un effort de
réflexion (ijtihâd) pour formuler mon opinion, avait répondu Mu'âdh ». Sur quoi le
Prophète avait manifesté son approbation en ces termes : « Louange à Allâh qui a
guidé le messager (émissaire) du Messager d’Allâh vers ce qu'agrée le Messager
d’Allâh » 269.

Ce hadîth peut illustrer parfaitement ce noble verset du Qur’ân : « Ô les croyants


! Obéissez à Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui
détiennent le commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi
que ce soit, renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au
Jour dernier. Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et
aboutissement) » (Qur’ân 4, 59), c’est-à-dire par ordre hiérarchique Allâh dans le
Qur’ân, le Messager d’Allâh dans les ahadiths fiables en conformité avec le Qur’ân,
puis à ceux qui détiennent l’autorité, que ce soit dans la politique, la gouvernance,
le domaine militaire, le savoir, l’éducation spirituelle, etc., et en cas de divergence

267 Rapporté par Ibn Abd al-Barr dans Jâmi’ Bayân al-‘Ilm, p. 622.
268 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh, n°6805 au chapitre Al- i‘tisâm bi al-kitâb wa

as-sunna.
269 Rapporté par at-Tirmidhî et Abû Dâwûd dans leur Sunân ainsi que par Ibn al-Qayyîm

dans I'lâm ul-muwaqqi'în 1/49-50.


179
dans le domaine de la réflexion, de revenir à ce qui est clair dans le Qur’ân et la
Sunnah.

« Dans la création des cieux et de la terre, dans l’alternance de la nuit et du


jour, le navire qui vogue en mer chargé de choses profitables aux gens, l’eau
qu’Allâh fait descendre du ciel et par laquelle Il redonne la vie à la terre une
fois morte et sur laquelle Il disperse des animaux de toute espèce, la variation
des vents, des nuages soumis entre ciel et terre, il y a des signes pour des gens
qui raisonnent » (Qur’ân 2, 164).

« Dans la création des cieux et de la terre, l’alternance de la nuit et du jour, il y


a certes là des signes pour les doués d’intelligence » (Qur’ân 3, 190).

« Ne méditent-ils donc pas sur le Qur’ân ? S’il provenait d’un autre qu’Allâh, ils
y trouveraient de nombreuses contradictions ! » (Qur’ân 4, 82).

« Voici un Livre béni que Nous t’avons révélé, afin qu’ils méditent sur ses
versets et que Les doués d’intelligence réfléchissent ! » (Qur’ân 38, 29).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Lis le Qur’ân tant qu’il réforme ton


comportement car s’il ne le fait pas, c’est que tu ne le lis (comprends) pas comme il le
faut » 270.

Notre maître Abû Bakr a dit : « Il m'est plus agréable d'expliquer le sens des versets
du Qur'ân que de le mémoriser » 271.

Notre maître ‘Alî a dit : « Il n’y a aucun bien dans un acte d’adoration accompli
sans connaissance ni dans une récitation du Qur’ân sans méditation » 272. Et dans une
version plus longue et complète de ce récit : « Il n'est aucun bien dans une prière
sans humilité. Il n'est aucun bien dans un jeûne sans abstention de la médisance. Il
n'est aucun bien dans une lecture (du Qur'ân) sans méditation. Il n'est aucun bien
dans une science sans scrupule. Il n'est aucun bien dans une fortune sans générosité.
Il n'est aucun bien dans une fraternité sans solidarité. Il n'est aucun bien dans un

270 Rapporté par At-Tabarânî dans son Musnad al-Shâmiyyîn n°1345.


271 Rapporté par Ibn Al-Anbârî, Kitâb Izâhi' al-Waqf 1/23.
272 Rapporté par Ad-Dârimî dans ses Sunân, n°305, ainsi que par Abû Nu’aym dans Hilyat

al-awliyâ’ 1/88.
180
bienfait sans pérennité. Il n'est aucun bien dans une invocation sans sincérité » 273. En
effet, ceux qui apprennent, mémorisent et récitent le Qur’ân ainsi que des leçons,
sans sincérité, auront simplement une récompense pour l’acte en tant que tel. Ceux
qui apprennent et récitent avec sincérité, auront une récompense décuplée, mais
ils restent privés d’un grand bien tant qu’ils ne méditeront pas là-dessus
attentivement de sorte à illuminer leur cœur, à éduquer leur âme, à faire le bien et
à contempler leur Seigneur.

Il a dit également : « Le véritable savant est celui qui ne fait pas désespérer les gens
de la Miséricorde d'Allâh sans pour autant faire de concessions à leur égard
concernant la désobéissance faite au Seigneur, celui qui ne les rassure pas contre les
châtiments d'Allâh et qui n'a de penchant que pour le Qur'ân. En vérité, il n'y a aucun
bien dans un acte d'adoration qui n'est pas régie par la science, il n'y a aucun profit
dans une science dénuée de compréhension, et aucune utilité dans une lecture [du
Qur'ân] qui n'est pas accompagnée d'une méditation » 274.

Une personne demanda à notre maître Zayd s'il était convenable de réciter tout
le Qur'ân en 7 jours seulement. Zayd lui répondit : « C'est bien, mais je préférerais
que cette récitation soit réalisée en 15 jours (...) afin que je médite ses sens et que je
puisse le comprendre » 275.

Allâh dit en effet : « Ne méditent-ils donc pas sur la Parole (le Qur’ân) ? »
(Qur’ân 23, 68).

« Ne méditent-ils pas sur le Qur’ân ? Ou y a-t-il des cadenas sur leurs cœurs ? »
(Qur’ân 47, 24).

Ainsi, les principes de l’Islam et l’éthique sont généraux et universels, mais le


fiqh, comme la politique, la médecine ou les pratiques sociales peuvent évoluer et
il faut s’adapter, sans toutefois trahir les principes de la Religion ni l’éthique du
croyant, qui ne doivent pas se plier aux pratiques malsaines, aux injustices, aux
vices et aux idéologies perverties des gens enclin à la mécréance, à l’idolâtrie, à
l’injustice et à la débauche. Il y a donc une certaine créativité et liberté qui sont
possibles en Islam, mais celles-ci s’exercent dans la réflexion à partir des sources

273 Rapporté par Ibn Hajar al Asqalânî dans Al-Isti’dâd yawm al-ma’âd, traduit en français

sous le titre Sagesses musulmanes - Le livre des prédispositions au jour dernier, éd. Tawhid,
2011, au chapitre des 8 singularités.
274 Rapporté par Al-Qurtûbî, Al Jâmi‘ li Ahkâm ul Qur’ân.
275 Rapporté par Mâlik dans Al-Muwattâ', section sur le Qur'ân, 4.

181
que sont le Qur'ân, la Sunnah, l’ijmâ des Sahaba, l’analogie et la logique, et devant
répondre aux finalités de la Loi, se conformer aux fondements du Din et à l'éthique
islamique afin d'éviter les dérives, car l'approche rationnelle à elle seule ne permet
pas de trancher et d'éviter les mauvaises interprétations. Il faut donc juger une
doctrine ou une pratique selon ses fruits et sa conformité à l'éthique islamique,
tout en intégrant la complexité du fiqh et le fait que l’on ne peut pas sanctionner
juridiquement non plus ceux qui se contentent du minimum sur le plan moral,
même si chacun à son niveau (musulman de la masse, juge, juriste, gouverneur,
médecin, époux, épouse, mère, père, enfant, etc.) doit se conformer à l'éthique qui
concerne tous les musulmans.

L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî, a dit dans Al-Mustasfâ’ : « La Loi Révélée n’apporte
rien qui serait contraire à la rationalité (ou à l'intelligence), mais elle apporte
[parfois] ce que la rationalité est incapable d’appréhender (seule) » 276.

Ibn al-Qayyîm a dit dans ses Al-Fawâ’îd : « Les esprits soutenus par l'aide d'Allâh
considèrent que la Révélation faite au Prophète est la Vérité conforme à l'intelligence
et à la sagesse. Quant aux esprits abandonnés par la Grâce divine, ils considèrent
[faussement] que l'intelligence contredit les Textes Révélés, et que la sagesse s'oppose
à la Législation ».

Ibn al-Qayyîm dans Ighatha Al-Lahfan (2/136-137) a dit aussi : « La base de tout
bien est la science et la justice. La base de tout mal est l'ignorance et l'injustice ».

276 Beaucoup de nos contemporains confondent le rationnel, l’infra-rationnel, le non-

rationnel, l’irrationnel et le supra-rationnel. Le rationnel est ce qui est concevable et


possible du point de vue rationnel, l’infra-rationnel est ce qui ne répond pas vraiment aux
exigences de la rationalité comme les pulsions ou les goûts subjectifs mais qui ne relève pas
de l’irrationnel (l’absurde), le non-rationnel peut concerner l’intuition mentale qui ne
découle pas du raisonnement discursif mais qui est fondamentale dans la découverte de
nombreuses réalités et données d’ordre scientifique, l’irrationnel est tout ce qui est
impossible du point de vue rationnel (en contredisant les impératifs de la rationalité), et le
supra-rationnel concerne toutes les connaissances ou réalités qui dépassent les limites et
les modalités de la rationalité, comme la spiritualité, l’intuition métaphysique qui fournit les
principes de la démarche scientifique et de la connaissance rationnelle, la Révélation, etc.
Cela a été démontré par expérience à travers l’inspiration divine ou les dévoilements
spirituels dont beaucoup de maîtres spirituels, poètes gnostiques, disciples avancés dans la
Voie ont pu expérimenter, ou même dans les rêves prémonitoires qui se sont réalisés chez
des millions de personnes ordinaires (sur le plan spirituel), et dont nous-mêmes en avons
été gratifiés par Sa Grâce.
182
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ô Allâh, mets-moi sur la voie de la justice, de
la droiture (et de l’intelligence) » 277.

Et dans un autre hadîth : « Ô Allâh, accorde-moi (Ton) pardon, fais-moi


Miséricorde, dirige-moi vers le chemin de la justice et de la piété, et donne-moi ma
subsistance » 278.

Ainsi que : « Il faut rechercher la science car elle est l’amie intime du croyant. De
plus, la longanimité est le ministre de la science ; l’intellect en est le guide ; l’action,
le pivot ; le caractère bienveillant, le père, la douceur, le frère et la patience est le
général de ses armées ». Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak selon Ibn
‘Abbâs.

Et comme le dit le Qur’ân : « Et dis : « Ô mon Seigneur, accroîs ma connaissance


(et ma science) ! » » (Qur’ân 20, 114).

Le logicien et métaphysicien Frithjof Schuon écrivait : « Dieu exige de tout homme


ce que tout homme peut et doit donner; mais de l’intelligent il exige en outre
l’intelligence au service de la vérité, pour laquelle elle est faite et par laquelle elle vit.
Chez certains du reste, l’intelligence est moins dans leurs paroles que dans leur être,
moins dans leur théologie que dans leur sainteté; n’empêche que la norme spirituelle
est dans l’équilibre entre la pensée et la vertu, entre l’esprit et la beauté. L'intelligence
n'est belle que quand elle ne détruit pas la foi, et la foi n'est belle que quand elle ne
s'oppose pas à l'intelligence » 279.

On peut donc dire qu'il y a 2 types de danger :

- Ceux dont les idées et les comportements sont dangereux, détruisant la société
en même temps que les nobles idéaux.

- Et ceux dont les idées sont bonnes mais dont les comportements sont dangereux,
pervertissant indirectement les nobles idéaux qu'ils prétendaient défendre.

277 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2725 sous l’autorité de ‘Alî et de 'Asim Ibn Kulayb,

rapporté aussi par An-Nawawî dans Riyâd as-Salihin n°1473. La « droiture » ici, est celle qui
englobe la droiture et la clarté de l’esprit (l’intelligence et la connaissance), de l’âme (à
travers les vertus) et du corps.
278 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2697 sous l’autorité de Abû Mâlik Ashaja’î.
279 Frithjof Schuon, Le Soufisme, voile et Quintessence, 1980, p. 68.

183
Frithjof Schuon disait aussi : « Il résulte de tout ce qui précède que la foi comme
l’intelligence peuvent se concevoir chacune à deux niveaux différents : la foi en tant
que certitude quasi ontologique et pré-mentale est supérieure à l’intelligence en tant
que pensée discernante et spéculative, mais l’intelligence en tant que pure
intellection est supérieure à la foi en tant que simple adhésion sentimentale ; c’est de
cette ambivalence que dérivent de nombreux malentendus, mais c’est elle aussi qui
permet un langage exo-ésotérique à la fois simple et complexe. La foi, sous son aspect
supérieur, est ce que nous pourrions appeler religio cordis : c’est la « religion
intérieure » surnaturellement naturelle à l’homme, laquelle coïncide avec la religio
coelis - ou perennis - à savoir la vérité universelle, qui est au-delà des contingences
de formes et de temps. Cette foi est capable de se contenter de peu : contrairement à
une intelligence éprise d’exactitude mais jamais satisfaite dans son jeu de
formulations, - et passant de concept en concept, de symbole en symbole sans pouvoir
se fixer sur aucun, - la foi du coeur se satisfait éventuellement du premier symbole
qui se présente providentiellement à elle, et en vit jusqu’à la suprême Rencontre » 280.

Un jour, l’imâm ‘Alî interrogea le Prophète (‫ )ﷺ‬sur sa voie, ce à quoi lui fut
répondu : « La connaissance est mon capital. L'intellect est le fondement de ma
religion. L'amour est ma fondation. L'Aspiration [à Dieu et à ce qu'Il a enjoint] est
ma monture. Le Rappel d'Allâh est mon compagnon le plus fidèle. La Confiance [en
Allâh] est mon trésor. Le chagrin est mon compagnon. Le savoir est mon armure. La
patience est mon manteau. La satisfaction est mon butin. L'incapacité est mon
orgueil. L'abnégation est ma profession. La certitude est ma nourriture. La sincérité
est mon intercesseur. L'obéissance [à Allâh] est suffisante pour moi. Lutter contre le
mensonge est mon caractère. Le jihâd (effort sur le sentier d’Allâh) est mon caractère
et la fraicheur de mon œil [la prunelle de mes yeux] est dans la prière. Les fruits de
mon cœur repose dans le Dhikr (l’évocation d’Allâh et la méditation). Mes peines sont
pour le sort de ma nation. Mon aspiration n'est que pour mon Seigneur, Le Très-Haut
» 281.

280Frithjof Schuon, Logique et Transcendance, Chapitre : Comprendre et croire, éd.


Traditionnelles, 1970, p. 121.
281 Rapporté notamment par Al-Qâdî ‘Iyyâd ibn Mûsâ Al Yahsubî dans son Kitâb
as-Shifâ' bita'rif 'Huqûq Al-Mustafâ (L'Antidote qu'est de savoir les droits de l'élu
Prophète) dans la Section 21 « La piété du Prophète pour Allâh Le Très Haut, son
obéissance et son intensité dans l'adoration d'Allâh ».

184
Section n°5 : De la douceur, de la bonté et de la gentillesse

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit dans un hadîth qudsî : « Allâh montra les cieux
à Ezéchiel, lequel put ainsi voir le Trône. Il s'exclama : « Gloire à Toi ! Comme Tu es
immense (par Ton Essence et Tes Attributs) ! ». Allâh lui dit alors : « Les cieux et la
Terre sont trop limités pour Me contenir, mais le coeur de Mon serviteur croyant,
humble et doux, Me contient » 282.

Ce hadîth rejoint le hadîth qudsî rapporté et authentifié par dévoilement spirituel


par les grands maîtres, mais sans chaîne de transmission horizontale qui dit : « Ni
mon Ciel ni Ma Terre ne peuvent Me contenir, mais le coeur de Mon serviteur Me
contient » 283. Ce hadîth en particulier ne semble pas avoir de chaine de
transmission connue en mode ordinaire, mais a été accepté dans le sens où le
coeur, - l'organe spirituel ici -, doit être compris comme étant l'organe et la capacité
de pouvoir connaître Allâh, de L'aimer, de L'adorer, et de percevoir le monde
spirituel et les réalités essentielles, ainsi que la contemplation de Ses Attributs et
de Ses Noms, et non pas comme étant un lieu physique où Allâh serait
physiquement localisé.

Un autre hadîth qui va dans le même sens dit : « En vérité, il existe des réceptacles
d'Allâh parmi les habitants de la Terre. Les réceptacles de votre Seigneur sont les
coeurs de Ses serviteurs vertueux. Les coeurs qu'Allâh aime le plus sont les plus doux
et les plus sensibles (araqquhâ ; à la foi, à la vertu, à la droiture et à la spiritualité)
» 284.

282 Rapporté par Ahmad dans Kitâb az-Zuhd, par As-Suyûtî dans Al-Durar al-Muntatira fî
al-ahâdîth al-mushtahira, par Ibn Hajar al-Haythâmi dans Al-Fatâwâ al-Hadîtiyya pp. 197-
198 et par d’autres.
283 Rapporté par Abû Tâlib al-Makkî dans Qût al-qulûb, par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son

Ihyâ' 3/14, par Ibn 'Arabî dans ses Fûtuhat 1/216, par Ibn Taymiyya dans son Majmû' al-
Fatawa 18/122-376 et d'autres.
284 Rapporté et authentifié par par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 2/638-639 n°2375, par

At-Tabarânî selon Abû 'Inaba, par As-Suyûtî qui le considère cependant comme faible, mais
Al-Haythâmî le considère comme bon.

185
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Ne dois-je pas vous informer pour qui le Feu est
interdit (d'accès) et de qui il est interdit pour le Feu (de l'enfer) ? Toute personne
proche (des gens), amicale et facile à vivre avec » 285.

A titre d’exemple, Aswad bin Yazid rapporte que : « J'ai dit : « Ô 'Aîsha ! Que faisait
le Prophète quand il est entré dans sa maison ? ». Elle a dit : « Il s'occupait de servir
sa famille, puis quand le temps pour la prière était arrivé, il se préparait pour aller
accomplir la prière » 286. Ainsi, dans la vie du Prophète (‫)ﷺ‬, son exemplarité se
manifestait aussi à l’égard des membres de sa famille, s’occupant lui-même de
nombreuses tâches ménagères, vivant avec eux, et avec ses épouses, de façon
agréable, chaleureuse, aimable, altruiste et sans mettre dans la gêne ses proches,
ni ne leur rendait la vie dure ou pénible.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui a reçu sa part de douceur, alors on lui a
donné une part de bien. Et celui qui a été privé de sa part de douceur, alors il a été
privé de sa part de bien » 287.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La miséricorde n'est enlevée (du coeur) que
de quelqu'un qui est misérable : parce que la miséricorde dans la création est
tendresse dans le cœur, et sa délicatesse (et gentillesse) est un signe de foi, et
quiconque n'a pas de tendresse (et de gentillesse) n'a pas de foi, et quiconque n'a pas
(véritablement) la foi est misérable » 288.
Muslim rapporte dans son Sahîh les 3 paroles suivantes du Prophète (‫ )ﷺ‬: « Allâh
est doux et Il aime la douceur. Il donne pour la douceur ce qu’il ne donne pas pour la
violence ni pour aucune autre qualité » ; « Lorsqu’une chose est ornée de douceur,

285 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2676 d'après 'Abdullâh Ibn Mas'ûd, avec une

bonne chaîne, dans le Livre sur le Jour du Jugement, par Al-Bayhaqî et par d’autres aussi.
286Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2677 d'après Aswad bin Yazid, avec une
bonne sahîh, dans le Livre sur le Jour du Jugement.
287 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2013 selon Abû ad-Dardâ', avec une bonne

chaîne.
288 Rapporté par l'imâm Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr Sharh al-Jâmi' al-Saghîr. Tantôt la

parole prophétique s’arrête avant « parce que la miséricorde dans la création est tendresse »,
tantôt elle continue ; parfois cela est attribué au Prophète, d’autre fois, cela est attribué à
des Compagnons ou des Successeurs qui ont commenté les implications de cette parole (de
la première partie). Al-Munawî cite la première partie comme étant la parole prophétique,
puis insère les commentaires de certains salafs.
186
elle l’embellit, et lorsqu’elle en est privée, elle l’enlaidit » et « Celui qui est privé de
douceur est privé de tout bien ».

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Le croyant est doux et souple au point qu'on
pourrait le croire naïf (idiot) » 289.

L'imâm `Abdallâh Ibn `Alawî Al-Haddâd, - descendant du Prophète Muhammad


(‫)ﷺ‬, sûfi, théologien et juriste shafi’ite - a écrit dans son Al-Fusûl Al-`Ilmiyyah :

« Sache que la douceur est préférable, souhaitable et conseillé en toute chose, et que
cela est dicté aussi bien par la Loi divine que par l’intelligence. Par elle, on obtient
des résultats et des bienfaits que ne sauraient produire ni la violence ni l’agressivité.
La douceur est la caractéristique des sages, des miséricordieux qui sont les élus
d’Allâh parmi ses serviteurs. Pour décrire Son Prophète, Que les bénédictions et la
paix soient sur lui, le Seigneur des êtres humains, Allâh, Exalté soit-Il, a dit : « C’est
par quelque miséricorde de la part d’Allâh que tu (Muhammad) as été si doux
envers eux ! Mais si tu étais rude, au cœur dur, ils se seraient enfuis de ton
entourage. Pardonne-leur donc, et implore pour eux le pardon (d’Allâh) », « …
Les serviteurs du Tout Miséricordieux sont ceux qui marchent humblement sur
terre, qui, lorsque les ignorants s’adressent à eux, disent : Paix ! ». Et le Messager
d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La douceur embellit toute chose, et lorsqu’on l’enlève, toute chose
s’enlaidit ». La douceur consiste à prendre les choses avec gentillesse, facilité,
« gravité » et réflexion. On dit du Prophète (‫ )ﷺ‬que si on lui présentait deux choses, il
choisissait toujours la plus facile, aussi longtemps que ne s’y trouve aucun péché.
Dans le cas contraire, il prenait ses distances plus que quiconque. (…) Il apparaît donc
que la douceur est de loin la meilleure des attitudes. Il faut que l’individu intelligent
n’aborde les choses que sous cet angle, quel que soit le type de relation, que ce soit en
privé avec son épouse, ses enfants ou ses serviteurs, ou en public avec les autres
personnes. Il ne doit jamais s’en écarter, dans la mesure où il peut ainsi atteindre ses
buts et satisfaire ses exigences, même s’il faut de la patience. (…) La douceur reste le
fondement qui doit être utilisé en règle générale, sauf si l’on craint des conséquences
fâcheuses, si le pervers persiste dans sa perversion et sa transgression, et s’il n’est
possible de l’en détourner que par la dureté, la sévérité et la véhémence. En effet le
Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬ordonnait la douceur et l’appliquait dans la plupart des cas.
Quiconque a lu les biographies et les ahadiths, quiconque a remarqué son

289 Rapporté par As-Suyûtî mais avec une faiblesse, mais aussi par Al-Munawî dans son Fayd

al-Qadîr 6/340 hadîth n°9159 selon Abû Hurayra, et qui indique qu'il existe bien un hadîth
authentifié à ce sujet.
187
comportement quand il éduquait un ignorant, ou ses relations avec des gens proches
ou éloigné, le sait bien. Rappelons par exemple le hadith bien connu concernant le
bédouin qui urinait dans la mosquée. Citons le hadith où le Prophète (‫ )ﷺ‬donna
quelque chose à quelqu’un qui se mit en colère et commença à dire des choses qui
n’étaient pas convenables. Les musulmans faillirent le tuer mais le Prophète (‫ )ﷺ‬les
empêcha et lui donna plus, jusqu’à ce qu’il soit content et tienne un langage
convenable. (…) En toute occasion, tiens-t’en donc à la douceur, qu’Allâh t’accorde Sa
Miséricorde, car elle est bénie et produit de bons résultats. Allâh dit : « Mais cela
n’est donné qu’à ceux qui sont patients. Cela n’est donné qu’à celui qui reçoit
une grâce immense » » 290.

Dans d’autres ahadiths, ont été indiqués les bienfaits et les mérites de la douceur,
tout comme les méfaits et la gravité de son opposé, à savoir la dureté, la cruauté,
la rudesse et l’impolitesse. Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Ne vais-je pas vous
parler des habitants du Paradis ? Toute personne douce et humble, mais si elle prêtait
serment par Allâh, elle l'accomplirait. Ne vais-je pas vous parler des habitants de
l’Enfer ? Toute personne cruelle, impolie et arrogante » 291.

Et dans un autre hadîth encore : « Il n'entrera pas au Paradis qui est cruel et
impitoyable » 292.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Je garantis une maison dans les environs du
Paradis pour un individu qui évite de se quereller même s'il avait raison, une maison
au milieu du Paradis pour un individu qui évite de mentir même s'il plaisantait, et
une maison dans la partie supérieure du Paradis pour un individu qui a rendu bon et
agréable sa personnalité » 293. Eviter les polémiques stériles, les querelles, les
disputes (verbales ou physiques), et faire en sorte que notre compagnie soit
agréable et utile aux gens, voilà ce qui conduit les gens à la Satisfaction divine !

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit également : « Ô Suraqah, est-ce que je vous


informerai des gens du Paradis et ceux de l'Enfer ? ». Suraqah a dit : « Bien sûr, ô

290 En français, ce livre a été traduit par Albouraq (2002) sous le titre Le Livre du Savoir et
de la Sagesse.
291 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°4634 d’après Harithah Ibn Wahb.
292 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4801 selon Harithah b. Wahab, sahîh.
293Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4800 selon Abû Umamah, avec une bonne
chaîne.

188
Messager d'Allâh ». Le Prophète a dit : « Quant aux habitants du Feu, ce sont toutes
les personnes au cœur dur, cruelles et arrogantes. Quant aux gens du Paradis, ils sont
les doux (les faibles, les gens modestes) et les personnes qui sont injustement
opprimées » 294.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit encore : « Ne vous informerai-je pas sur les gens du
Paradis ? Ce sont des gens simples et modestes, sans haute fonction sociale. Pourtant
lorsqu’ils implorent Allâh, ils sont exaucés. Ne vous informerai-je pas sur les gens de
l’Enfer ? Ce sont des êtres à l’appétit insatiable et vorace, (et ils sont) violents,
hautains, méprisants et bornés (dans le blâmable) » 295.

294 Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Kabîr n°6589, sahîh.


295 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°4918 selon Hârithâ Ibn Wahb al-Khuza’î, par

Al-Munawî dans son Fayd al-Qadîr 3/133 hadîth n°2857. La première partie est en
opposition avec la seconde (violent, arrogant et obstinés dans le blâmable), d'où le fait que
la première partie, à notre sens, concerne non pas seulement les gens faibles et pauvres, ou
déconsidérés socialement, mais ceux qui ont aussi un coeur doux et dont leur aspiration à
Allâh est inébranlable.
189
Section n°6 : La piété et la bienfaisance

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Sois pieux où que tu sois. Fais suivre la
mauvaise action par une bonne action qui l'effacera. Et comporte-toi
convenablement (avec excellence et bonté) avec les gens » 296.

La piété selon le Qur'ân comporte 3 dimensions, à savoir la piété avec Allâh (la
doctrine et notre relation avec Lui), les actes de dévotion que l'on doit accomplir
religieusement, et le bon comportement envers Ses créatures et Sa création.
Comme nous l’avons déjà, le Prophète (‫ )ﷺ‬avait considéré comme faisant partie
des pires créatures, des gens qui prétendaient être musulmans, mais qui n’avaient
aucune compassion ni ne manifestaient de la bonté envers les gens, et qui semaient
le désordre et la terreur sur terre. Dans la Sûrah 49, Allâh blâme aussi des bédouins
qui prétendaient avoir la foi, alors qu’ils n’avaient pas de piété en eux : « Les
Bédouins ont dit : « Nous avons la foi ». Dis : « Vous n'avez pas encore la foi.
Dites plutôt : Nous nous sommes simplement soumis, car la foi n'a pas encore
pénétré dans vos coeurs. Et si vous obéissez à Allâh et à Son Messager, Il ne
vous fera rien perdre de vos œuvres ». Allâh est Pardonneur et
Miséricordieux » (Qur’ân 49, 14). Peu avant, Allâh rappelle l’importance de la
concorde et de l’équité : « (…) réconciliez-les avec justice et soyez équitables car
Allâh aime les équitables. Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la
concorde entre vos frères, et craignez Allâh (soyez pieux), afin qu'on vous fasse
miséricorde » (Qur’ân 49, 9-10). Allâh lie ainsi la piété avec la bienfaisance,
comme dans les versets suivants :

« Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont craint avec piété et ceux qui sont
bienfaisants » (Qur'ân 16, 127).

« Ô vous qui croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et


faites le bien. Peut-être réussirez-vous ! » (Qur'ân 22, 77).

« La bonté pieuse (al birr) ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant
ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour Dernier, aux
Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on
en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et
à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs (affranchir les esclaves),

296 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1987 avec une bonne chaîne, sous
l'autorité de Mû'âdh Ibn Jabal, de Abû Dharr, de Jundub Ibn Junadah.
190
d’accomplir la Salât et d’acquitter la Zakât. Et ceux qui remplissent leurs
engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la
misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et
les voilà les vrais pieux ! » (Qur'ân 2, 177).

La supériorité d'une personne, auprès d'Allâh, dépend donc de la piété (dans ses
3 dimensions), et non pas d'après le sexe, la classe sociale, l'idéologie, l'origine
ethnique, la richesse matérielle ou la couleur d'une personne :

« Ô humains ! Nous vous avons créés d'un mâle et d'une femelle, et Nous avons
fait de vous des nations et des tribus, pour que vous vous entreconnaissiez. Le
plus noble d'entre vous, auprès d'Allâh, est le plus pieux. Allâh est certes
Omniscient et Grand-Connaisseur » (Qur'ân 49, 13).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ô gens ! Sachez que votre Seigneur est Unique
et que votre père est unique. Sachez qu'il n'y a aucune différence entre un arabe et
un non arabe. Il n'y a pas de différence non plus entre un blanc et un noir, si ce n'est
par la piété » 297.

Il (‫ )ﷺ‬a aussi dit : « Le (véritable) croyant est l’individu dont les gens ne craignent
pas les méfaits » 298.

« Les plus estimables créatures aux yeux d’Allâh sont les plus vertueuses » 299.

« Le serviteur atteint par ses vertus le rang de l’individu jeûnant le jour et passant
ces nuits en prière » 300.

297 Rapporté par Ahmad dans son Musnad 411/5 n°23489 selon Abû Nadhra, sahîh, ainsi

que par Al-Bayhaqî dans Shûab al-Imân n°5137, par Abû Nu'aym dans Hilyat al-Awliyâ
3/100 selon Jabir Ibn 'Abdullah et d'autres.
298 Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « le combat intérieur des
véridiques » sous l’autorité de Anas Ibn Mâlik.
299 Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « le combat intérieur des

véridiques » et dans Al-Birr au chapitre 71, par al-Bukhari selon une formulation proche
dans son Fadâ’îl as-sahaba au chapitre 27 ainsi que dans son Al-Manâqib au chapitre 23, par
Ahmad dans son Musnad 4/193-194.
300Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « le combat intérieur des
véridiques », par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4798 selon ‘Aîsha dans le Kitâb Al-Adab au
chapitre 7 selon une formulation assez proche ainsi que par l’imâm Mâlik dans Al-
Muwattâ’ à la section Husn al-Khuluq, 6.
191
Le Qur’ân et la Tradition prophétique définissent la « vertu » comme englobant
la pratique de la prière, du jeûne, de la lecture du Qur’ân, du dhikr et les autres
rites, de façon sincère, assidue et humble, ainsi que la réalisation des nobles
caractères tels que la bonté, la charité, la piété, la sagesse, l’humilité, la justice, la
gentillesse, la bienfaisance, l’altruisme, la douceur, l’amour bienveillant, la
courtoisie, l’accomplissement de bonnes œuvres familiales, sociales,
professionnelles, conjugales et autres.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit par ailleurs que : « Le croyant ne se moque pas
des autres, il ne maudit pas les autres, il ne commet pas de choses obscènes (et
blasphématoires) et il n’abuse pas des autres » 301.

On comprendra dès lors, qu’en Islâm, la piété est à la fois l’attitude fondamentale
du croyant en même temps que la finalité à atteindre, que toutes les dispositions
morales, juridiques, politiques, sociales et spirituelles doivent tendre vers cette
finalité. Allâh dit en effet : « (…) c'est un guide pour les pieux » (Qur’ân 2, 2) et : «
Ce Qur'ân conduit vers la voie la plus droite. Il annonce à ceux qui croient et
font le bien qu’ils seront largement récompensés » (Qur'ân 17, 9-10).

301 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1977 selon Abdallâh Ibn Mas’ûd, avec une

bonne chaîne.
192
Section n°7 : Aimer pour les autres ce que l’on aime de bien pour soi-
même

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le serviteur (c-à-d le musulman) n'atteint la


réalité de la foi que lorsqu'il aime pour les gens ce qu'il aime pour lui-même de bon
(et de bonté) » 302.

Le Shaykh Al-Munawî dans son Fayḍ al-Qadîr (1/228) commente en disant : «


L'emploi du mot « gens (peuple) » inclut (aussi) l'incroyant, il convient donc à chaque
musulman d'aimer pour l'incroyant d'avoir l'islam et les vertus qui en découlent ».

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Aucun de vous ne croit vraiment tant qu'il n'aime
pas pour son frère ou pour son prochain, ce qu'il aime pour lui-même » 303.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit également : « La meilleure foi consiste à aimer


pour Allâh, à réprouver pour Allâh (pour ce qu'Il n'agrée pas) et de n’employer ta
langue que pour invoquer Allâh ». Mû'adh dit : « Et quoi encore, ô Messager d'Allâh
(‫» ? )ﷺ‬. Il (‫ )ﷺ‬dit : « Que tu aimes pour les gens ce que tu aimes pour toi-même, que
tu détestes pour eux ce que tu détestes pour toi-même et que tu dises du bien ou que
tu te taises » » 304.
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Abuser ou tromper verbalement un musulman est
de l'immoralité et le combattre (sans raison valable) est du Kufr » 305, c’est-à-dire que
cela s’apparente à un acte d’incrédulité, selon les cas cela constitue un acte
annulatif de l'islâm mais pas tout le temps.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Par Celui (Allâh) qui possède mon âme, vous
n'entrerez pas au Paradis tant que vous n'aurez pas cru, et vous ne croirez pas
(vraiment) tant que vous ne vous aimerez pas les uns les autres. Ne vous dirai-je pas
quelque chose qui, si vous le faites, vous fera aimer les uns les autres ? Répandez les
salutations (cordiales) et la paix entre vous » 306.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Allâh est doux et aime (que Ses serviteurs agissent
de la sorte) la douceur en toute chose » 307.

302 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°238.


303 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân 1/n°66 selon Anas.
304 Rapporté par Ahmad dans son Musnad selon Mû'âdh.
305 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân 1/n°69 selon 'Abdallâh.
306 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân 1/n°68 selon Abû Hurayra.
307 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3689 selon 'Aîsha.

193
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Evite les interdits et tu seras alors le plus
pieux des hommes, satisfais-toi de la portion (subsistance) qu'Allâh t'a donnée et tu
seras alors le plus riche des hommes, sois bienfaisant envers ton prochain (et/ou
voisin) et tu seras croyant. Aime pour les autres ce que tu aimes pour toi-même et tu
seras musulman » 308.

L’égoïsme, la méchanceté et la malveillance ne font pas partie du caractère du


croyant, puisque ce dernier doit vouloir pour les autres ce qu’il veut pour lui-même
comme guidée, bien, bonté, générosité, sécurité et sérénité. Par conséquent, si un
musulman manque d’empathie, de bonté et d’altruisme, sa foi est donc faible et
incomplète. L'imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî dit dans Ayyuhal Walad (145) : « A
chaque fois que tu traites avec des gens, traite-les comme tu aimerais être traité par
eux, parce que la foi d'un serviteur n'est pas complète jusqu'à ce qu'il aime pour tous
les gens ce qu'il aime pour lui-même ».

Allâh a dit : « Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils
commandent le convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât,
acquittent la Zakât (l’aumône purificatrice obligatoire ; charité) et obéissent
à Allâh et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allah fera miséricorde (tout
particulièrement), car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 9, 71) ; « (…)
concertez-vous dans la bonté et la piété » (Qur'ân 58, 9) ; « Entraidez-vous dans
l'accomplissement des bonnes oeuvres et de la piété et ne vous entraidez pas
dans le péché et la transgression (et l’agression) » (Qur'ân 5, 2).

308 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2305, selon Al-Hassân et Abû Hurayra.
194
Section n°8 : De la charité et de la productivité bénéfique du croyant

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Chaque être humain doit (faire) une
aumône chaque jour où le soleil se lève...(...). C'est aussi faire l'aumône que de
guider un aveugle, d'aider un sourd-muet à entendre et à comprendre, d'aider
quelqu'un à trouver quelque chose quand on sait où elle est, de courir de la force de
ses jambes vers l'affligé qui appelle au secours, de soulever de la force de tes bras la
charge des faibles ; tout cela participe au devoir de faire l'aumône » 309.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Le fait de sourire à ton frère est une
aumône. Le fait de recommander le bien et d'interdire le mal est une aumône. Le
fait de renseigner un homme qui s'est égaré est une aumône. Le fait d'enlever de la
voie publique les saletés, les épines et les os est pour toi une aumône. Le fait de
verser de l'eau de ton récipient dans celui de ton frère est pour toi une aumône. Le
fait d'aider un homme malvoyant est pour toi une aumône » 310.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Un homme vint se plaindre de la dureté de


son coeur à l'Envoyé d'Allâh (‫ )ﷺ‬qui lui répondit : « Si tu veux que ton coeur soit
plus doux, nourris alors le pauvre et prends soin de l'orphelin » » 311. Et cela parce
que, en voyant leurs conditions, et le fait qu’ils sont dépourvus de richesses
matérielles ou de parents, cela peut faire naitre en lui de la gratitude, de la
douceur et de la compassion en les côtoyant.

Vers la fin de la période médinoise, ce verset fut révélé : « Les aumônes ne sont
destinées que pour les pauvres, les indigents, ceux qui y travaillent, ceux dont
les coeurs sont à gagner (à l'Islam), l'affranchissement des jougs (la libération
des esclaves), ceux qui sont lourdement endettés, dans le sentier d'Allâh, et
pour le voyageur (en détresse). C'est un décret d'Allâh ! Et Allâh est Omniscient
et Sage » (Qur'ân 9, 60). Les aumônes doivent donc être destinées en priorité aux
pauvres, aux indigents, la da’wa (prédication) si elle est bénéfique et nécessaire,
pour affranchir les esclaves, et ceux qui sont endettés pour des choses nécessaires
(et non pas pour des choses illicites ou futiles comme les jeux de hasard, l’alcool,

309 Rapporté par Ahmad ibn Hanbal dans son Musnad n°21522, Ibn Hibbân dans son Sahîh
n°3377, Al Bayhaqî dans Shu'ab al imân n°7618 ; et par An-Nasâ'î dans As-Sunân al Kubrâ
n°9027.
310 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1956 selon Abû Dharr avec une bonne

chaîne.
311 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°7691 et par Al-Haythâmî dans Majmâ' al-

Zawâ'îd n°1358 qui considère la chaîne comme sahîh.


195
le trafic d’armes ou de drogue, etc.). Les non-musulmans peuvent aussi en
bénéficier. Chaque musulman doit regarder la priorité et l’urgence dans son
entourage, son voisinage ou sa région, et ainsi de suite.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Certes, Allâh réprouve le jeune oisif » 312. Le


croyant doit garder à l’esprit que dans ce bas-monde, qui est la demeure de
l’épreuve, il ne doit se reposer que pour préserver sa santé et récupérer ses forces,
mais qu’il est appelé, en dehors de ce moment de repos, - sauf maladie
contraignante -, à L’adorer par le cœur, la langue, l’esprit et le corps, à soutenir Sa
cause, ce qui englobe la connaissance, la charité, le soutien aux opprimés, la
sécurité de la nation, l’aide aux orphelins et aux veuves, œuvrer dans tout ce qui
comporte un bien et une utilité, en conformité avec la préservation de la nation et
de l’environnement, et la contemplation d’Allâh à travers Ses signes dans la
Création. Des nations non-musulmans qui convoitaient les richesses des nations
musulmanes ont œuvré activement pour pousser les nations musulmanes à la
passivité et à la oisiveté, ce qui a entrainé une démission intellectuelle, un retard
technique civilisationnelle, laissant ainsi complètement leur pays à la merci des
puissances impérialistes, leur faisant la guerre et détruisant leur économie, ou le
cas échéant, les dominant politiquement et spoliant leurs richesses en toute
impunité, tout en mettant leurs pions en place et imposant des régimes répressifs
dans les pays qui passaient sous leur domination, - ce qui a alimenté la haine,
entrainant de nombreux mouvements à se radicaliser et à sombrer parfois dans le
terrorisme -.

Le croyant doit aussi se souvenir que l'un des meilleurs pactes avec Allâh à
respecter est celui-ci : vivre en réalisant le Tawhîd et chercher Son Agrément en
étant au service des membres de la Communauté de Muhammad (‫)ﷺ‬, d'être
bienfaisant et généreux envers ses proches et ceux qui sont dans le besoin, et de
ne causer aucune injustice à Ses créatures, quelles qu'elles soient.
Ce pacte est tiré notamment des versets suivants :

« En toute vérité, Allâh commande l’équité (et la justice), la vertu et la


générosité (libéralité, assistance) envers les proches, et Il interdit la turpitude,
les actes répréhensibles et la tyrannie (et l'injustice) » (Qur’ân 16, 90).

« Au milieu des biens qu'Allâh t'a accordé, recherche la Demeure Dernière. Ne


néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon comme Allâh est Bon avec toi. Ne

312 Rapporté notamment par Al-Ghazâlî dans son Ihyâ’ 4/73.


196
cherche (et ne sème) pas la corruption sur la Terre. Allâh n'aime pas ceux qui
sèment la corruption » (Qur'ân 28, 77).

« Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Soyez bons envers vos père et
mère, vos proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin lointain,
le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre responsabilité, car
Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant » (Qur'ân 4, 36).

« En vérité, ma Salât (prière), mes actes de dévotion, ma vie et ma mort


appartiennent à Allâh, Seigneur des mondes » (Qur'ân 6, 162).

Ainsi, le croyant se doit d’être un pieux adorateur de l'Unique, un serviteur


sincère du Tout-Miséricordieux, et un être sincère et bienveillant pour Ses
créatures. De même, l'islam exige du croyant qu’il soit, - en cherchant toujours
l'Agrément divin -, le refuge des orphelins, le soutien des veuves, le protecteur des
opprimés, le bouclier des persécutés, le rempart face aux injustes, l'appui des
nécessiteux, l'allié des vertueux, le pourfendeur de l'idolâtrie et de l'injustice, et le
porte-parole du Tawhîd et de la vertu.

197
Section n°9 : Remercier les créatures et leur manifester un bon
caractère

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui ne remercie (et ne montre pas sa
gratitude) envers les gens, n'a pas (vraiment) remercié Allâh » 313.

Et cela car les causes et les moyens qu'Allâh emploie et nous envoie pour nous
aider et nous accorder la subsistance, font partie des faveurs qu'Allâh nous
manifeste, et il faut les remercier tout en sachant que seul Allâh a permis cela en
tant qu'Agent premier. Et remercier les gens fait partie des convenances et des
choses qui répandent la joie, le bonheur et la bonté entre les gens.

La question de la Sagesse divine et de la justice dépend essentiellement de la


perception que l'on a de l'existence. L'homme moderne part du principe que tout
lui est dû en raison de l'ego démesuré qui le caractérise. L'homme traditionnel par
contre, part du principe que, n'étant pas le Principe existentiateur du monde, rien
ne lui est dû, et que tout ce qui lui arrive comme bienfaits (respiration, mets
délicieux, belle épouse, enfants joyeux, méditations, paysages splendides, …) n'est
en fin de compte, que de purs dons que le Divin lui accorde par pure générosité.
Quant au malheur, il fait partie du Décret divin sur lequel l’homme n’a aucune
autorité, et il doit s'efforcer de l'accepter avec dignité et humilité, tout en gardant
à l'esprit que le malheur vient aussi avec une part de bien et de connaissance ici-
bas, ainsi qu'avec une compensation spirituelle dans l'au-delà. On se focalise dès
lors sur ce dont nous avons été gratifiés (un logement et de quoi manger durant
des années, des enfants dont on a pu bénéficier de la compagnie et de leur joie
durant tel nombre d'années, etc.) plutôt que sur ce que l'on n’a pas ou plus (perte
de quelque chose ou de quelqu'un).

La gratitude élève et purifie l'âme, et empêche l'ego, - notre part sombre - de


prendre le dessus. En soi, Allâh n'en a pas besoin, mais la gratitude est une qualité
qui nourrit le cœur et l'inonde de bonté, de lumière et d'humilité, et reconnait ainsi
Sa Réalité en tant que Bienfaiteur et Donateur, tout en étant reconnaissant envers
les êtres et les choses qu'Il a manifesté pour nous apporter le soutien, la
subsistance et l'amour dont nous avions besoin.

313Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4811 selon Abû Hurayra avec une chaîne
sahîh.

198
Allâh a dit : « Cela est de la grâce de mon Seigneur, pour m’éprouver si je suis
reconnaissant ou si je suis ingrat. Quiconque est reconnaissant c’est dans son
propre intérêt qu’il le fait, et quiconque est ingrat. Alors, mon Seigneur Se suffit
à Lui-même et Il est Généreux » (Qur’ân 27, 40).

« Il était reconnaissant pour Ses bienfaits » (Qur’ân 16, 121).

« Et sois du nombre des reconnaissants » (Qur’ân 7, 144).

« Allâh veut pour vous la facilité, Il ne veut pas la difficulté pour vous, afin que
vous en complétiez le nombre et que vous proclamiez la grandeur d’Allâh pour
vous avoir guidés, et afin que vous soyez reconnaissants ! » (Qur’ân 2,185).

« Souvenez-vous de Moi donc, Je me souviendrai de vous. Remerciez-Moi et ne


soyez pas ingrats envers Moi » (Qur’ân 2, 152).

« Et Nous récompenserons bientôt les reconnaissants » (Qur’ân 3, 145).

« Si vous êtes reconnaissants, très certainement j’augmenterai (Mes bienfaits)


pour vous » (Qur’ân 14, 7).

« Et tout ce que vous avez comme bienfait provient d’Allâh » (Qur’ân 16, 52).

« Sois reconnaissant, lui fut-il prescrit, autant envers Moi qu'envers tes père et
mère. C'est vers Moi que vous serez ramenés » (Qur’ân 31, 14).

Le tabi’i 'Abdullâh ibn Al-Mubarak a expliqué le bon caractère en disant : « C'est


un visage souriant, faisant de son mieux pour faire le bien et s'abstenant de faire du
mal (aux gens) » 314.

Ainsi, que l’on soit homme ou femme, riche ou pauvre, noir ou blanc, arabe ou
non-arabe, la personne qui s'efforce sincèrement d'obéir à Allâh, qui renonce aux
illusions du monde créé et aux honneurs au sein des créatures et qui réalise les
belles vertus, nous est nettement supérieure par la beauté et les qualités qui
illuminent tout son être, ne se contentant ainsi pas d'être qu'un amas de cellules
ou un poison pour ses semblables.

314 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2005 selon Abû Wahb.
199
Section n°10 : L’interdiction de l’injustice et l’endurance dans cette
épreuve

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « (Le Prophète) Mûsâ a demandé à Allâh : « Qui


est le meilleur pour juger vos serviteurs ? ». Allâh a dit : « Ceux qui jugent les gens
comme ils aimeraient être jugés eux-mêmes ». Mûsâ a dit : « Qui sont les plus honorés
de vos serviteurs ? ». Allâh a dit : « Ceux qui pardonnent quand ils ont du pouvoir (le
dessus) sur les autres » » 315.

Et car ceci est la preuve que le serviteur fait preuve de piété, et qu'il souhaite le
meilleur pour les autres comme il souhaite le meilleur pour lui-même, plaçant ainsi
la Loi divine et le bon comportement au-dessus des caprices de son ego ou de sa
haine.

Gare à celui qui occupe une fonction et qui ne s'en acquitte pas comme il se doit
(avec piété, humilité et justice). Le Prophète Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Ô chefs de
Quraysh, comportez-vous avec vos sujets et ceux qui vous suivent de 3 manières : s'ils
implorent votre clémence, accordez-la leur ; s'ils vous accordent autorité sur eux,
soyez justes envers eux ; et faites ce que vous dites (tenez vos engagements et vos
promesses). Quiconque n'agit pas de la sorte sera maudit (privé de Bénédictions) par
Allâh et Ses Anges, et Allâh n'acceptera de lui ni devoir (fardan) ni œuvre volontaire
(naflan) » 316.

Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Il y a 3 sortes d'individus qu'Allâh ne regardera


pas au Jour de la Résurrection : le sultan (dirigeant) injuste et menteur, le vieil
adultère et le pauvre arrogant, c'est-à-dire celui dont la convoitise pousse à
l'arrogance » 317.

Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit en s'adressant à ses Compagnons : « Un jour


viendra où vous conquerrez des territoires d'Orient et d'Occident, et ils seront placés
sous votre autorité. Tous les gouverneurs (mauvais) de ces territoires iront en Enfer
sauf ceux qui craindront Allâh, seront pieux (et justes) et qui remettront les dépôts
qu'on leur a confiés (à leurs propriétaires légitimes) » 318.

315 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°6352 selon Abû Hurayra,
316 Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Kitâb at-tibr al-masbûk fi nasîhat al-mulûk,
selon Ibn 'Abbâs, et cela eut lieu à proximité de la Ka'aba.
317 Ibid.
318 Ibid.

200
Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Celui à qui Allâh a donné autorité sur les gens
et qui les trompe, les néglige et ne se montre pas indulgent envers eux, se verra
interdire par Allâh l'accès au Paradis » 319.

Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Celui à qui est accordé le pouvoir sur les
musulmans et ne les considère pas comme il considère les membres de sa propre
famille, qu'il s'attende à occuper une place en enfer » 320.

Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « 2 types de personnes de ma Communauté seront


privés de mon intercession : le dirigeant injuste et l'innovateur (mubtadi') extrémiste
(ghâl) qui outrepasse les limites (du raisonnable et fixées par Allâh) » 321.

Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Il y a 5 types de personnes qui encourent la


Rigueur divine, - et libre à Lui de la leur infliger - et qui séjourneront en Enfer : le
prince obéit par ses sujets mais qui se montre injuste envers eux et ne met pas un
terme à la tyrannie. Le chef obéit par son groupe (ou son peuple) qui ne traite pas de
manière juste et équitable le puissant et le faible parmi eux et qui juge selon ses
préférences et de façon arbitraire. L'homme qui n'enjoint pas à sa femme et à ses
enfants d'obéir à Allâh, ne leur enseigne pas les principes de la Religion (l'islam) et
ne se soucie pas de l'origine de ce dont il les nourrit. Et l'homme qui embauche un
travailleur qui exécute la tâche qu'il lui a confiée, et qui refuse de le payer (selon ce
qui était convenu). Et enfin, l'homme qui utilise injustement la dot de son épouse » 322.

Le Prophète Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Malheur aux (mauvais) princes, malheur aux
(mauvais) fonctionnaires, malheur aux (mauvais) trésoriers. Ce sont les individus
qui, au Jour de la Résurrection, seront pendus au ciel par le toupet et souhaiteront
n'avoir jamais eu à exercer leur mandat » 323.

Le Prophè te Muhammad ‫ ﷺ‬a dit : « Au Jour de la Résurrection, tous ceux à qui on


aura accordé l'autorité, seront conduits enchaînés jusqu'au cou. S'ils ont été justes,
ils seront remis en liberté, dans le cas contraire, des chaînes supplémentaires leur
seront ajoutées (en guise de punition pour leurs méfaits) » 324.

319 Ibid.
320 Ibid.
321 Ibid.
322 Ibid.
323 Ibid.
324 Ibid.

201
L'imâm 'Alî ('alayhî salâm) a dit : « Malheur au juge de ce monde qui comparaitra
face au Juge des cieux, sauf celui qui aura été impartial dans ses jugements, qui
n'aura pas jugé selon son humeur, n'aura pas favorisé ses proches et qui ne se sera
pas rétracté par peur ou par convoitise, qui aura fait du Livre d'Allâh (le Qur'ân) son
miroir et qui s'y conformera dans ses jugements » 325.

On rapporte qu'un jour le Calife 'Umar ibn al-Khattâb ('alayhî salâm) suivait un
cortège funèbre. Un homme s'avança et dirigea la prière mortuaire, lorsqu'on
enterra le défunt, le même homme posa la main sur sa tombe et dit « Ô mon Dieu,
si Tu le corriges, cela Te revient car il T'aura désobéi et si Tu te montres clément à
son égard, il est alors pauvre (et dépendant) de Ta miséricorde. Bienheureux sois-tu,
ô toi le défunt si tu n'as jamais été (mauvais) prince, contrôleur, secrétaire, huissier
ou collecteur d'impôts ». Puis l'homme disparut, 'Umar ordonna qu'on l'amenât mais
il resta introuvable, puis 'Umar comprit qu'il s'agissait d'Al-Khidr ('alayhî salâm) et
dit : « Cet homme est al-Khidr ('alayhî salâm) » 326.

Le Calife 'Umar ibn al-Khattâb ('alayhî salâm) sortait la nuit avec ses gardes pour
s'assurer que tout allait bien et disait : « Si j'abandonnais une brebis galeuse
('anzan' jarbâ') au bord d'un fossé non-réparé, je craindrais d'être interrogé à son
sujet au Jour de la Résurrection » 327.
'Abdallâh Ibn 'Umar et certains de ses proches ont dit : « Nous conjurions Allâh de
nous accorder la vision du Calife 'Umar en songe. Après 12 ans je le vis en songe
(spirituel) : il avait fait ses grandes ablutions et était vêtu d'un pagne qui ceignait sa
taille ». Je lui demandais : « Ô Commandeur des croyants, comment t'a traité ton
Seigneur ? Et pour quelles belles actions t'a-t-Il récompensé ? ». 'Umar répondit : « Ô
'Abdallâh, depuis quand nous sommes-nous séparés ? ». Ibn 'Umar dit : « 12 ans ».
'Umar dit alors : « Depuis que je me suis séparé de toi, je rendais compte de mes
actions et craignais d'être anéanti. Mais Allâh est Miséricordieux, Tout-Pardonneur,
Bon et Généreux ! » 328.

Comme le disait encore Sayyidûna 'Umar Ibn Al Khattâb, s'adressant aux fidèles
musulmans : « Avant l'islam vous étiez un peuple vil, et Allâh vous a élevé par l'islam,
quiconque donc cherche une autre issue que l'Islam se verra humiliée » 329, et c'est ce
qui arriva !

325 Ibid.
326 Ibid.
327 Ibid.
328 Ibid.
329 Propos relaté selon différentes versions, très voisines : voir Al-Bidâya wa an-nihâya de

Ibn Kathîr 7/66, et Hayât us-sahâba de al-Kândahlawî 5338-5340.


202
Abû Barza, un autre Compagnon du Prophète, a dit quant à lui une fois : « Vous,
Arabes, étiez dans la situation que vous connaissez d'humiliation, de faiblesse et
d'égarement. Et Allâh vous (en) a fait sortir par l'islam et par Muhammad, jusqu'à ce
qu'Il vous ait fait parvenir à ce que vous voyez. C'est (l'attachement excessif à) ce
monde qui a gâché les relations entre vous » 330.

Un autre Compagnon, Jarîr, relate que Dhû 'Amr, un himyarite (un homme
originaire du Yémen) qui s'était converti à l'islam mais n'avait pas pu rencontrer
le Prophète, lui dit un jour : « Jarîr, tu as sur moi une faveur, et je vais t'informer de
quelque chose : Vous, Arabes, ne cesserez pas d'être dans une bonne situation tant
que lorsqu'un dirigeant parmi vous mourra, vous vous consulterez à propos de la
nomination d'un autre. Puis, lorsque la (direction) sera par l'épée (la domination par
la contrainte), ils (les dirigeants) seront comme les rois, se mettant en colère de la
colère des rois, et étant satisfaits de la satisfaction des rois » 331.

Ibn ‘Umar rapporte avoir entendu le Messager d’Allâh ‫ ﷺ‬dire du haut du minbar
: « « Al-Jabbâr (c'est-à-dire Allâh) prend dans Sa main Ses cieux et Ses terres » et de
sa main le Prophète fit le geste de fermer le poing puis de l’ouvrir, après quoi il dit : «
Je suis al-Jabbâr ! Je suis al-Malik (le Roi) ! Où sont les tyrans ? Où sont les arrogants
? » et disant cela, le Messager d’Allâh ‫ ﷺ‬se balançait de droite à gauche. Je regardais
alors le minbar et le vis bouger lui aussi, au point que je me suis demandé s'il n’était
pas tombé avec le Messager d’Allâh ‫ » ﷺ‬332. Al-Jabbâr est l'un des Noms d'Allâh, qui
signifie Le Restaurateur irrésistible et ultime de la solidité, de la droiture et de
l'intégrité de toute chose selon son état initial. Dans ce hadîth, le Messager d'Allâh
‫ ﷺ‬rappelait ici l'importance du dhikr, - qui purifie l'âme des tendances négatives
et obscures de l'âme -, en même temps qu'il condamnait l'attitude tyrannique et
arrogante de certains êtres, au point qu'ils en oublient qui est véritablement Al-
Jabbâr et Al-Malik. On apprend aussi de ce hadîth, que le Prophète ‫ ﷺ‬remuait aussi
(parfois violemment) durant le dhikr. La subtilité ici est aussi que le dhikr d'Allâh
permet de préserver l'être humain de la tyrannie et de l'arrogance, puisqu'il se
coupe des attaches matérielles de ce bas-monde et qu'il se rappelle Allâh et Ses
ordres, - qui interdisent et blâment la tyrannie et l'arrogance -.

Allâh a dit : « Endure ce qu'ils disent ; et rappelle-toi (le Prophète) David


(Dawûd), Notre serviteur, doué de force [dans l'adoration] et plein de repentir
[à Allâh]. Nous soumîmes les montagnes à glorifier Allâh, soir et matin, en sa

330 Rapporté par al-Bukhârî dans son Sahîh n°6695.


331 Rapporté par al-Bukhârî dans son Sahîh, Ibn Hajar dans son Fath ul-Bârî 7/96-97.
332 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân, kitâb az-zuhd, n°4273, sahîh.

203
compagnie, de même que les oiseaux assemblés en masse, tous ne faisant
qu'obéir à Lui [Allâh]. Et Nous renforçâmes son royaume et lui donnâmes les
sagesses et la faculté de bien juger. Et t'est-elle parvenue la nouvelle des
disputeurs quand ils grimpèrent au mur du sanctuaire ! Quand ils entrèrent
auprès de Dawûd, il en fut effrayé. Ils dirent : « N'aie pas peur ! Nous sommes
tous deux en dispute ; l'un de nous a fait du tort à l'autre. Juge donc en toute
équité entre nous, ne sois pas injuste et guide-nous vers le chemin droit ».
Celui-ci est mon frère : il a 99 brebis, tandis que je n'ai qu'une brebis. Il m'a dit
: « Confie-la-moi » ; et dans la conversation; il a beaucoup fait pression sur
moi ». Il [Dawûd] dit : « Il a été certes injuste envers toi en demandant de
joindre ta brebis à ses brebis ». Beaucoup de gens transgressent les droits de
leurs associés, sauf ceux qui croient (en Allâh) et accomplissent les bonnes
oeuvres - cependant ils sont bien rares. - Et Dawûd pensa alors que Nous
l'avions mis à l'épreuve. Il demanda donc pardon à son Seigneur et tomba
prosterné et se repentit. Nous lui pardonnâmes. Il aura une place proche de
Nous et un beau refuge » (Qur’ân 38, 17-25).

204
Section n°11 : La Paix et les nobles actions qui conduisent à
l’illumination spirituelle et au Salut

D’après Abû Shurayh : « Je demandai au Prophète (‫ )ﷺ‬de m’enseigner quelque


chose qui me ferait mériter le Paradis. Il dit : « Efforce-toi de n’avoir que de belles
(et bonnes) paroles, offre (et répands) la paix et nourris ceux qui sont affamés »
» 333.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ô Allâh ! Fais naître l'affection dans nos
coeurs, soigne et règle nos relations sociales, guide-nous vers les voies qui conduisent
à la Paix, sauve-nous de l'obscurité vers la Lumière, sauve-nous de toutes sortes
d'indécence, aussi bien celles qui sont apparentes que cachées. Bénis notre ouïe (et
notre audition), notre vue (et notre vision), nos cœurs, nos conjoint(e)s et nos enfants,
et fais-nous entrer dans Ta Miséricorde (ou : place Ta miséricorde sur nous). En effet,
Tu es Celui qui accepte grandement le repentir (de Tes serviteurs), Celui qui est (sans
cesse) Miséricordieux » 334.

Et dans une autre version, la fin de la supplication est celle-ci : « Et rends-nous


reconnaissants pour Ta bénédiction et fais-nous la louer en l'acceptant et en nous la
donnant pleinement » 335.

Allâh a dit : « Ceux qui craignent leur Seigneur seront conduits par groupes
au paradis ; ses portes s'ouvriront à leur arrivée ; ses gardiens leur diront : «
Paix sur vous ! Vous avez été bons. Entrez ici pour y demeurer immortels » »
(Qur’ân 39, 73).

Ici-bas comme dans l’Au-delà, toutes les qualités sont des grâces et conduisent à
une excellente demeure : « Les Anges entreront auprès d'eux, par toutes les
portes. Que la paix soit sur vous, parce que vous avez été constants, la demeure
finale est excellente » (Qur’ân 13, 23-24).

Ah ! Que Ton Pardon est sublime, doux, agréable et indispensable : « Elancez-vous


vers le Pardon de votre Seigneur, et vers un Jardin large comme le ciel et la
terre, préparé pour ceux qui auront cru en Allâh et en Ses prophètes. Telle est

333 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh, n°509, sahîh.
334 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak 1/265.
335 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°969 dans le Kitâb as-Salât, d'après 'Abdallâh

Ibn Mas'ûd, chaîne sahîh.

205
la grâce d’Allâh. Il la donne à qui il veut. Allâh est le Maître de la grâce
incommensurable » (Qur’ân 57, 21).

« C’est Lui, Allâh. Nulle divinité autre que Lui. Il est le Roi, le Saint, la Paix, Celui
qui témoigne de Sa propre véridicité » (Qur’ân 59, 23).

« Ô vous qui croyez ! Entrez tous dans la Paix » (Qur’ân 2, 208).

Et quelle sublime demeure, que celle de la Paix : « Le séjour de la paix leur est
destiné auprès de leur Seigneur en récompense de leurs (belles) actions [sur
terre] » (Qur’ân 6, 127).

Allâh nous a appelé à la demeure de la Paix, et nous devons y répondre avec hâte :
« Allâh appelle à la demeure de la paix et guide qui Il veut vers un droit chemin
» (Qur’ân 10, 25).

206
Section n°12 : De la tolérance, de la compassion et de la science

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La science (‘ilm) s’acquiert par


l’apprentissage (ta’allum) et la mansuétude (hilm) en s’efforçant d’être clément
(tahallum) » 336.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Il faut rechercher la science car elle est
l’amie intime du croyant. De plus, la longanimité est le ministre de la science ;
l’intellect en est le guide ; l’action, le pivot ; le caractère bienveillant, le père, la
douceur, le frère et la patience est le général de ses armées » 337. La science, au sens
islamique, est tout d’abord ce qui comporte une utilité en vue de connaitre Allâh,
l’âme humaine, et ensuite, tout ce qui permet de mieux connaître et préserver le
corps humain (la médecine au sens large) ainsi que la Création, tout en préservant
les écosystèmes de la « corruption » et donc de la pollution. Ainsi, dans le Qur’ân,
de nombreux versets font état de l’importance d’observer les civilisations
anciennes, le cosmos, la nature et les phénomènes physiques liés à la pluie, aux
nuages, aux animaux ou aux insectes (abeilles, fourmis, araignées, etc.) car les
merveilles et processus complexes qui y sont contenus éveillent la curiosité,
suscitent la perplexité, et montrent toute la panoplie de mécanismes qu’Allâh a
créé dans le monde.

Ibn Mas'ûd a dit : « Soyez des sources de science, des flambeaux éclairant le droit
chemin. Restez dans vos demeures (lors de périodes de troubles). Soyez les lumières
de la nuit. Ayez un cœur tendre et les vêtements usés (c'est-à-dire, soyez des ascètes

336 Rapporté par Al-Bukharî, par le Shaykh Muhammad Zakî Ibrahîm dans son sermon sur
le fait de prêter l'oreille aux savants : https://leporteurdesavoir.fr/si-tu-tassois-aupres-
des-savants-prete-leur-loreille-et-si-tu-tassois-aupres-des-ignorants-prete-leur-loreille-
cheikh-mohammed-zaki-ibrahim Voir aussi une version similaire dans le Sahih Al-Jami
d’Al-Albanî n°2328 :
https://ar.islamway.net/article/60973/%D8%A5%D9%86%D9%85%D8%A7-
%D8%A7%D9%84%D8%AD%D9%84%D9%85-
%D8%A8%D8%A7%D9%84%D8%AA%D8%AD%D9%84%D9%85?__ref=iswy et par
d’autres.
337 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak selon Ibn ‘Abbâs.

207
détournés des illusions de ce bas-monde). Soyez connus auprès des habitants du ciel
et inconnus auprès des habitants de la terre » 338.

L'imâm et l'émir des croyants dans le hadîth Sufyân At-Thawrî a dit : « Pour nous,
la science est la tolérance venant d'un homme digne de foi. Quant au rigorisme -
tashaddud-, tout le monde sait le faire » 339.

L’imâm Yûsuf Ibn Al-Hussayn ar-Râzî (m. 304 H) a dit : « Par le bon comportement
et les nobles manières (al-adab) tu comprends la science, par la science tu corriges
les actes, par les actes tu parviens à la sagesse, par la sagesse tu comprends
l’ascétisme, par l’ascétisme tu délaisses ce bas-monde et espère en l'au-delà, et ainsi
tu parviens à l'Agrément d'Allâh » 340.

L’Imâm Abû Zakariyyâ Yahyâ Al-‘Anbarî As-Shâfi‘î (m. 344 H) a dit : « La science
sans éthique (Adab) est comme un feu sans bois, et l’éthique sans science est comme
un esprit sans corps » 341.

En Islâm, la quête de connaissance englobe l’éducation, l’adab, l’apprentissage,


l’ouverture d’esprit, la piété et la tolérance.

« [Voici] un Livre béni que Nous avons fait descendre vers toi, afin qu’ils
méditent sur ses versets et que les doués d’intelligence réfléchissent ! » (Qur’ân
38, 29).

En dehors même de la méditation du Qur’ân, Allâh enjoint les croyants à intégrer


dans leur perspective holistique et spirituelle, les différents types de savoir utile
et louable, faisant intervenir les mathématiques et l’archéologie, la paléontologie
et la biologie, l’histoire et la sociologie, les neurosciences et la psychologie,
l’économie et la logique, la botanique et la zoologie, l’astrophysique et la physique,

338 Ibn Al Qayyim, Al-Fawâ'îd, chapitre Les sagesses d'Ibn Mas'ûd.


339 Rapporté par Ibn 'Abd Al-Barr dans Jâmi` bayân al-`ilm 2/44, et An-Nawawî dans son al-

majmû` 1/81.
340Rapporté par Al-Khâtib Al-Baghdâdî dans Iqtidâ ul-'ilm il-'amali n°27, p.31, par Ad-
Dhahâbî dans Siyar a’lam an-Nubalâ n°2672.
341 Rapporté par Al-Khâtib al-Baghdadî dans Al-Jâmi‘ Li Akhlâq ar-Râwî wa adab al-sami

n°12, p.80.
208
la médecine et la chimie, etc. Nous nous contenterons de citer ici que quelques
versets (parmi beaucoup d’autres) afin d’illustrer notre propos.

« N’as-tu pas vu qu’Allâh fait descendre l’eau du ciel, et la terre devient alors
verte ? Allâh est Plein de bonté et Parfaitement Connaisseur » (Qur’ân 22, 63).

« N’as-tu pas vu qu’Allâh vous a soumis tout ce qui est sur la terre ainsi que le
vaisseau qui vogue sur la mer par Son ordre ? Il retient le ciel de tomber sur la
terre, sauf quand Il le permettra. Car Allâh est Plein de bonté et de miséricorde
envers les hommes » (Qur’ân 22, 65).

« N’as-tu pas vu qu’Allâh pousse les nuages ? Ensuite Il les réunit et Il en fait un
amas, et tu vois la pluie sortir de son sein. Et Il fait descendre du ciel, de la grêle
[provenant] des nuages [comparables] à des montagnes. Il en frappe qui Il veut
et l’écarte de qui Il veut. Peu s’en faut que l’éclat de son éclair ne ravisse la vue
» (Qur’ân 24, 43).

« Ne voyez-vous pas qu’Allâh vous a assujetti ce qui est dans les cieux et sur la
terre ? Et Il vous a comblés de Ses bienfaits apparents et cachés. Et parmi les
gens, il y en a qui disputent à propos d’Allâh, sans science, ni guidée, ni Livre
éclairant » (Qur’ân 31, 20).

« N’as-tu pas vu qu’Allâh fait pénétrer la nuit dans le jour, et qu’il fait pénétrer
le jour dans la nuit, et qu’Il a assujetti le soleil et la lune chacun poursuivant
sa course jusqu’à un terme fixé ? Et Allâh est Parfaitement Connaisseur de ce
que vous faites » (Qur’ân 31, 29).

« C’est Lui qui, du ciel, a fait descendre de l’eau qui vous sert de boisson et grâce
à laquelle poussent des plantes dont vous nourrissez vos troupeaux. D’elle, Il
fait pousser pour vous, les cultures, les oliviers, les palmiers, les vignes et aussi
toutes sortes de fruits. Voilà bien là une preuve pour des gens qui réfléchissent.
Pour vous, Il a assujetti la nuit et le jour ; le soleil et la lune. Et à Son ordre sont
assujetties les étoiles. Voilà bien là des preuves pour des gens qui raisonnent.
Ce qu'Il a créé pour vous sur la terre a des couleurs diverses. Voilà bien là une
preuve pour des gens qui se rappellent. Et c'est Lui qui a assujetti la mer afin
que vous en mangiez une chair fraîche, et que vous en retiriez des parures que
vous portez. Et tu vois les bateaux fendre la mer avec bruit, pour que vous
partiez en quête de Sa grâce et afin que vous soyez reconnaissants. Et Il a
implanté des montagnes bien ancrés dans la terre afin qu'elle ne branle pas en
vous emportant avec elle de même que des rivières et des sentiers, pour que

209
vous vous guidiez, ainsi que des points de repère. Et au moyen des étoiles [les
gens] se guident. Celui qui crée est-il semblable à celui qui ne crée rien ? Ne
vous souvenez-vous pas ? Et si vous comptez les bienfaits d'Allâh, vous ne
saurez pas les dénombrer. Car Allâh est Pardonneur, et Miséricordieux »
(Qur’ân 16, 10-18).

« Cela ne leur a-t-il pas servi de direction, que Nous ayons fait périr avant eux
tant de générations dans les demeures desquelles ils marchent maintenant ?
Voilà bien là des leçons pour les doués d’intelligence ! » (Qur’ân 20, 128).

« Certes Nous avons placé dans le ciel des constellations et Nous l’avons embelli
pour ceux qui regardent » (Qur’ân 15, 16).

« Et c’est Lui qui vous a assigné les étoiles, pour que, par elles, vous vous guidiez
dans les ténèbres de la terre et de la mer. Certes, Nous exposons les preuves
pour ceux qui savent ! » (Qur’ân 6, 97).

« Et parmi Ses signes la création des cieux et de la terre et la variété de vos


idiomes et de vos couleurs. Il y a en cela des preuves pour les savants » (Qur’ân
30, 22).

« C’est Lui qui a fait du soleil une clarté et de la lune une lumière, et Il en a
déterminé les phases afin que vous sachiez le nombre des années et le calcul
(du temps). Allâh n’a créé cela qu’en toute vérité. Il expose les signes pour les
gens doués de savoir » (Qur’ân 10, 5).

« Avant vous, certes, beaucoup d’événements se sont passés. Or, parcourez la


terre, et voyez ce qu’il est advenu de ceux qui traitaient (les prophètes) de
menteurs » (Qur’ân 3, 137).

Et d’autres versets encore. Lorsque l’Islam s’est répandu, les peuples


« islamisés » fondèrent et participèrent à une seule et même civilisation, au point
où le monde musulman détenu le leadership incontesté de la science et fut la
première puissance économique mondiale durant de nombreux siècles, lorsque les
principes islamiques prédominaient dans le paysage sociopolitique, et que sa
spiritualité était opérative. De nombreuses villes devinrent des centres de savoir
(en Andalousie et au Maghreb, en Afrique noire, au Proche-Orient, dans les
provinces perses, dans le Shâm, en Irak et ailleurs). Le monde musulman précéda
même de plusieurs siècles l’Europe, en fondant et en construisant de nombreux

210
hôpitaux, des écoles et des universités, en plus des bibliothèques imposantes
dépassant parfois le million de manuscrits.

L’écrivain, historien, psychologue, sociologue et médecin français Gustave Le


Bon, disait à propos de la civilisation musulmane dans son ouvrage La civilisation
des Arabes (page 8) : « A mesure qu’on pénètre dans l’étude de cette civilisation, on
voit les faits nouveaux surgir et les horizons s’étendre. On constate bientôt que le
Moyen âge ne connut l’Antiquité classique que par les Arabes ; que pendant 500 ans,
les universités de l’Occident vécurent exclusivement de leurs livres, et qu’au triple
point de vue matériel, intellectuel et moral, ce sont eux qui ont civilisé l’Europe.
Quand on étudie leurs travaux scientifiques et leurs découvertes, on voit qu’aucun
peuple n’en produisit d’aussi grands dans un temps aussi court ».

Mais plutôt « qu’arabes » il faudrait parler des musulmans (arabes, persans,


turcs, kurdes, berbères, africains ayant aussi maîtrisé la langue arabe), et si la
transmission de la philosophie grecque est passée essentiellement par la
civilisation musulmane, comme l’atteste le mouvement massif et continu de
traduction de l’arabe et du persan vers le latin jusqu’aux 14e et 15e siècles
principalement, – après la tendance commence à s’inverser progressivement -, il y
a aussi quelques petits centres de savoir en Europe, mais rien de comparable avec
le monde musulman, qui comptait bien plus d’universités (et de grande envergure)
et de bibliothèques (avec des millions de manuscrits, contre quelques milliers de
manuscrits au même moment en Europe dans les plus grandes bibliothèques).

Denis Enet dans son ouvrage Vendre aux Arabes (éd. Entreprise moderne d’ED
Paris, 1978) disait : « En 712, Les Arabes fabriquèrent le papier, une manufacture
fut installée à Baghdâd, son coût à bon marché remplaça le papyrus, et les
bibliothèques commencèrent à fleurir dans les quatre coins des pays musulmans.
Pour l’exemple, Cordoue comptait entre ses murs un million d’habitants, avec 80
écoles publiques et une bibliothèque de 600 000 volumes, fondée par l’Omeyyade ‘Abd
Ar-Rahaman (792-852) quatrième souverain Omeyyade en Andalousie. La
bibliothèque du Caire fondée en 875 par Ahmad Ibn Touloun (835-884) fut émir de
Damas puis de l’Egypte en 868. La plus grande bibliothèque du monde Arabo-
Musulman, comptait 1 600 000 volumes. Alors qu’à la même époque la bibliothèque
de la Sorbonne s’enorgueillit d’être avec mille (1000) volumes, la plus grande de
l’Occident. Trois siècles après la mort du prophète [ndt : Muhammad], la langue
Arabe était devenue celle de la culture et de la science ».

211
La « tradition savante » en Islam a produit des merveilles, mais avec la
colonisation, cela s’est inversé, et une observation s’impose, à savoir que la
tradition pédagogique de l’Islam traditionnel n’a plus été préservée, - les colons
européens ayant non seulement assassinés des dizaines de milliers d’intellectuels
et de savants (polymathes), mais ont aussi détruit et rasé les écoles, les mosquées
et les fondations pieuses qui soutenaient le système éducatif en dâr al islâm.
L’Islâm conciliait et synthétisait très bien la culture livresque avec la spiritualité.
Ce qui fait défaut à l'islam moderne (sécularisé), c'est la notion de waqf orienté
vers le savoir et la spiritualité, l'idée de donations par une élite locale qui permet
le foisonnement intellectuel et artistique comme à l'époque, et le pouvoir
musulman étant décentralisé, les différentes puissances politiques musulmanes
rivalisaient entre elles à travers la production littéraire, scientifique, artistique et
religieuse, finançant de nombreux savants, la construction de nouvelles écoles,
l’acquisition ou la rédaction de nombreux ouvrages enrichissant leurs
bibliothèques respectives, etc., et donc chaque mécène souhaitait que sa « zone
d'influence » ait les meilleurs centres intellectuels. Il y avait donc non seulement
les grands pôles intellectuels et scientifiques (Baghdâd, Médine, Damâs, Ispahân,
Tabrîz, Hérat, Tûs, Cordoue, Kairouan, Tombouctou, Alexandrie, Le Caire,
Boukhara, …), mais presque toutes les régions habitées du monde musulman
comportaient des écoles, une élite intellectuelle locale, et dans les mosquées, y
étaient enseignées aussi bien la théologie (‘aqida), que le Qur’ân, le Hadîth et le
droit (fiqh), mais aussi l’histoire, la logique, les mathématiques, l’astronomie, la
poésie, etc. Il était parfois même obligatoire que les mosquées soient gérées par
des imâms ayant étudié les mathématiques et l’astronomie, - pour définir les
horaires de prière et la bonne orientation vers la Qibla -. En l’espace de quelques
siècles seulement, le monde musulman a produit plus de physiciens, de
mathématiciens, de poètes, de médecins, de chroniqueurs, de maîtres spirituels,
de théologiens/logiciens, de chimistes, de juristes et de lexicographes plus que
l’ensemble des civilisations antérieures que nous connaissons, en prenant en
compte l’ensemble des civilisations de l’Antiquité. De nombreux savants
musulmans, qui connaissaient les sciences islamiques, devinrent aussi des
références dans d’autres disciplines (scientifiques) comme Ibn Sîna (Avicenne), Al-
Birûnî, Ibn Tufayl, ‘Umar Khayyâm, Abû Hâmid al-Ghazâlî, Al-Khawarazmî, Abû
Bakr Al-Râzî (Rhazès) 342, Ibn Al-Haythâm, Jabîr Ibn Hayyân (l’élève de l’imâm

342 Comme nous l’avions déjà démontré dans un article intitulé Le sunnisme, un frein à la
science (expérimentale) et à la spiritualité ?, republié le 13 février 2021 : https://editions-
hanif.com/le-sunnisme-un-frein-a-la-science-experimentale-et-a-la-spiritualite/ ; il était
212
Jâ’far As-Sâdiq), Al-Kindî, Al-Jahîz, Ibn Khaldûn, Nasr ud-Dîn Tûsî, etc. On trouvait
ainsi non seulement des ouvrages novateurs sur les plans scientifiques ou
littéraires, mais aussi de nombreux commentaires de commentaires, d’où
l’existence de millions de manuscrits avant l’avènement du monde moderne. Le
génie et la beauté de l’Islam se manifestèrent aussi dans l’art architectural et
calligraphique, que ce soit en Andalousie, au Maghreb, en Perse, dans l’espace
ottoman, en Afrique, en Chine, en Malaisie, au Caucase ou dans les Balkans, où les
plus belles œuvres artistiques (mosquées, édifices, recueils de poésie, romans, …)
sont « islamiques », laissant ainsi d’inestimables joyaux à l’Humanité. Néanmoins,
l’état des lieux aujourd’hui est bien plus mitigé. Les musulmans illusionnés par la
« modernité » accordent plus d’importance au prestige social ou matériel
(voitures, montres, villas, …) qu’à la spiritualité, au savoir et à l’art sacré. Ils
dépensent leur temps et leur énergie, non plus dans la connaissance et l’art, mais
dans des choses futiles comme s’ils avaient adopté une vision matérialiste et
« laïque » (séculariste) du monde. Par ailleurs, de nos jours, par manque de soutien
gouvernemental, - inféodé souvent aux puissances occidentales qui préfèrent
maintenir les populations non-occidentales dans la misère économique et
éducative -, les intellectuels et savants abandonnent souvent leurs recherches par
faute de moyens, et doivent se trouver d’autres métiers pour payer leurs factures
et subvenir aux besoins de leurs proches. Or, avec le système de waqf, qui était
répandu un peu partout dans le monde musulman, cela permettait de pérenniser

de tendance mutazilite, - notamment selon Ibn Taymiyya -, et dans plusieurs écrits, - dont
ceux mentionnés par Al-Birûnî -, il se définissait clairement comme musulman et prit la
défense du Prophète Muhammad (‫)ﷺ‬.
On peut lire en effet dans le Kitâb al-Hawî fi al-Tibb (2/6) de Abû Bakr Muhammad Ibn
Zakariyyâ ar-Râzî, qu’il mentionne l’existence des jinns et qu’il aborde la question des
maladies en lien avec les jinns, sans en rejeter leur existence. Dans ses livres de médecine,
il évoquait la Basmala, formule traditionnelle islamique pour appeler et recevoir les
Bénédictions Divines. Dans plusieurs ouvrages, on peut y lire les Louanges adressées à Allâh
et les éloges sur le Prophète Muhammad. Le savant musulman Al-Birûnî avait aussi recensé
plusieurs ouvrages où Abû Bakr Ar-Râzî professait son islamité. En effet, si dans sa Risâla fī
Fihrist Kutub al-Râzî, Al-Birûnî recense 2 ouvrages « hérétiques » qui lui furent imputés
(mais qui contiennent probablement des falsifications, puisque contredisant ses ouvrages
authentiques, et le témoignage de ses maîtres comme de ses disciples ; falsifications
imputées à son opposant ismaélien Abû Hatim ar-Râzî qui n’apprécia pas qu’il critique les
batinites, – ismaéliens -), il cite aussi les autres ouvrages où il professe son rattachement à
l’Islam de façon explicite, comme Fi Wujub Da‘wat al-Nabi ‘Ala Man Nakara bi al-Nubuwwat
(L’obligation de propager les enseignements du Prophète contre ceux qui renient les
prophéties) et Fi anna li al-Insan Khaliqan Mutqinan Hakiman (Cet Homme a un Sage et
Parfait Créateur).
213
les hôpitaux, les fondations de charité, les écoles, les mosquées, les universités, etc.,
ce qui était propice à cultiver l’amour du savoir et à produire ainsi des intellectuels
de grande envergure, - la civilisation islamique s’étant illustrée par l’éclosion de
nombreux savants polymathes ayant laissé leurs empruntes dans l’histoire des
sciences 343 -. Néanmoins, et en dépit de difficultés majeures rencontrées dans
certains pays musulmans, plusieurs pays musulmans produisent un grand savoir
scientifique et une littérature assez riche, comme la Turquie, l’Iran, la Malaisie,
l’Indonésie, le Qatar, …, tandis que d’autres pays ne produisent pas « assez » alors
qu’ils disposent de grands intellectuels et scientifiques comme la Jordanie, le
Pakistan, l’Algérie, le Maroc, la Tunisie, l’Egypte, l’Arabie Saoudite, l’Irak (qui avant
2003, possédait un très bon niveau d’éducation scientifique avant que les
puissances occidentales ne réduisent ce pays en cendre).

Il y a donc bien eu une certaine démission civilisationnelle, une tendance qui


s’est inversée vers le 18e siècle, mais pour autant, il ne s’agit pas là d’une fatalité
qui serait irréversible, - la roue civilisationnelle continue toujours de tourner et les
pays occidentaux commencent à décliner depuis quelques décennies -, et le monde
musulman n’a jamais manqué de grands savants et d’intellectuels, même lors de
notre période dite de décadence.

La science, avons-nous dit, en Islam, doit s’accompagner aussi du bon


comportement, car le fanatisme et le sectarisme peuvent entraver les voies vers la
connaissance et vers la technique, - celle-ci devant être mise au service du vivant
et non pas l’inverse comme aujourd’hui -.

Il incombe ainsi à tout musulman de pratiquer le bon comportement en toute


circonstance, mais il n’incombe pas à chaque musulman de sanctionner les gens.
Pour les musulmans de la masse, qui n’occupent aucune fonction officielle - telles
que chef d’Etat, gouverneur, ministre, policier, soldat ou juge -, ce qui leur est
demandé est de bien conseiller et exhorter leur famille, leurs proches, leurs

343 Voir par exemple Seyyed Hossein Nasr, Sciences et savoir en islam, éd. Sindbad, 1995 :
Haydar Bammate, Visages de l’Islam, éd. Al Qalam, 2011 et Apport des musulmans à la
civilisation, éd. Tawhid, 1998 ; Dimitri Gutas et Abdesselam Cheddadi, Pensée grecque,
culture arabe : Le mouvement de traduction gréco-arabe à Bagdad et la société abbasside
primitive (IIe-IVe/VIIIe-Xe siècles), éd. Aubier, 2005. Chikh Bouamrane et Louis Gardet,
Panorama de la pensée islamique, éd. Sindbad, 1995 ; Muzaffar Iqbal, Islam and Science,
Aldershot : Ashgate, 2002 (ré-éd. en 2017), Science and Islam, Greenwood Press, 2007 et
Islam, Science, Muslims, and Technology: Seyyed Hossein Nasr in Conversation with Muzaffar
Iqbal, Islamic Book Trust, 2009.
214
voisins, leurs collègues, etc., de s’éloigner du mal et de se rapprocher du bien, mais
en aucun cas, ils peuvent agresser des pécheurs, insulter les gens ou infliger une
punition juridique aux pécheurs ou aux débauchés, exception faite en cas de
légitime défense ou si des criminels comptent commettre un crime ou une
injustice. Les péchés sont 3 sortes : les péchés liés aux vices intérieurs comme
l’orgueil ou l’ostentation et qui relèvent de l’intime entre la personne et Allâh ; les
péchés qui impliquent une nuisance à soi-même mais qui ne constituent pas des
crimes du point de vue sociétal ; et des péchés qui nuisent aux gens et qui
constituent un danger pour la société, tels que le meurtre, la sorcellerie, le viol,
l’agression, le vol, etc.

Si le respect est dû à un mécréant qui ne partage pas nos convictions religieuses


ou politiques, que dire alors pour une personne qui prétend se réclamer de l'Islam,
qu'elle soit réellement ou prétendument hérétique ? En effet, il est certes
préférable qu'une personne croit en Allâh, en Son Messager et en une partie du
Livre, et qui accomplit quelques bonnes oeuvres, qu'une personne qui rejette tout
cela et qui commet beaucoup de mauvaises actions et qui causent du tort aux gens.
Cependant, sous un autre rapport, le musulman égaré ou hérétique, s'il propage
ses hérésies ou innovations réellement blâmables, peut entrainer dans son
égarement, d'autres musulmans susceptibles d'être influencés en mal, - aussi bien
moralement que doctrinalement et politiquement -, ce qui doit motiver les
personnes qualifiées et sages, - tout en étant animés par la bienveillance et la
pondération -, de clarifier les choses et de réfuter leurs égarements manifestes, tels
que le rejet de la Sunnah, les fléaux sociaux comme la fornication, la banalisation
de l'alcool, la négation des Attributs divins, la conception anthropomorphiste et
corporelle d'Allâh, le rejet d'un fondement de la Religion ou des vertus morales, la
négation de la spiritualité à travers le tasawwuf, et les autres choses du genre, car
cela pervertie ou diminue la foi, la spiritualité et la vertu, et enfonce l'individu dans
les ténèbres de l'ego et atrophie sa conscience, de même qu'elle engendre des
maux dans la société.

N'est cependant pas une hérésie, toutes positions doctrinales ou juridiques qui
n'abrogent ou ne contredisent pas les fondements de la foi et de la morale
islamique (dans le Qur’ân), qui ne contestent pas les obligations religieuses
(comme la prière, la zakât, le jeûne du mois de Ramadan, le Hajj, le bon
comportement envers les parents, les épouses, les enfants, les voisins, les pauvres,
etc.). Quant aux questions secondaires, comme l'art, la musique, la danse, etc., cela
a toujours fait l'objet de divergences parmi les juristes (chacun les interdisant ou
les autorisant sous certaines conditions), et ne saurait donc constituer un
215
égarement, tant que le musulman n'abandonne ou ne délaisse pas ses obligations
religieuses, familiales et professionnelles, et qu'il aspire à la piété et à la justice.
Quant aux divertissements, cela suit les mêmes règles, et dépend du degré spirituel
de chacun que nul ne pourrait imposer à l'autre. Dès lors, l'indulgence est là aussi
obligatoire, tant que cela ne nuit pas fondamentalement à la personne ni à son
entourage ou à la société.

Quant au pécheur manifeste, si son péché ne nuit qu'à lui-même, on se contentera


de le conseiller et de l'avertir avec intelligence. Mais si les péchés commis troublent
la société ou impactent négativement la famille, - notamment les actes de violence
ou de rébellion -, si l'avertissement ne suffit pas, les autorités devront appliquer
des mesures adéquates et proportionnées pour empêcher les criminels ou les gens
violents d'agir, - de même qu'il faut empêcher les hérétiques de propager des
superstitions ou des croyances déviantes incitant les musulmans à abandonner les
fondements de la foi, de l'éthique, de la spiritualité et scripturaires.

‘Umar Ibn Al-Khattâb a dit : « Côtoie les frères qui sont sincères, tu vivras en toute
sureté auprès d’eux. Ils sont une parure dans l’aisance et un soutien dans l’adversité.
Pense du bien de ton frère tant qu’il n’émane de lui rien que tu ne puisses tolérer. Ne
parle pas de ce qui ne te concerne pas, éloigne-toi de ton ennemi et garde-toi de ton
ami, sauf celui qui est digne de confiance. Et nul n'est digne de confiance si ce n'est
celui qui craint Allâh. N'accompagne pas le pervers car il t'enseignera sa perversité,
et ne lui confie pas non plus tes secrets. Ne consulte, dans tes affaires, que ceux qui
craignent Allâh » 344.

Il y a cependant 2 difficultés majeures, que seules les personnes sages et avisées


savent éviter, à savoir l'identification des véritables hérésies et non pas les fausses
accusations d'hérésies fondées sur l'hypocrisie (afin de discréditer ses opposants
sous de faux prétextes) et/ou sur l'ignorance (croire sincèrement, tout en se
trompant, que leurs opposants professent une hérésie alors que leurs positions
sont en fait conformes à la Révélation ou à l'expérience, ou en tout cas, qu'elles
sont acceptables à l'égard de la Révélation et de l'expérience, même si elles ne
relèvent pas de la certitude ou d'une doctrine faisant nécessairement partie de ce
qui doit être connu en matière religieuse, scientifique ou éthique).

Un non-musulman qui ne veut pas embrasser l'islam sans chercher à imposer aux
musulmans des thèses visant à saper les fondements de la foi ne nuit qu'à lui-

344 Rapporté par Ibn Al-Jawzî dans Sifat us-safwa et Abû Nu‘aym dans Al-Hilya al-awliyâ.

216
même, tandis que les autres pervertissent la foi selon ce qui distingue l'orthodoxie
(réelle) de l'hérésie (manifeste).

Il faut aussi distinguer l'hérétique du simple innovateur ou de l'égaré en deçà de


l'hérétique, tout comme il faut distinguer la personne sincère et bienveillante dans
son égarement, de l'hypocrite ou du semeur de fitna dans son égarement. En plus
de l'identification des hérésies réelles, il y a le problème des mesures adéquates à
appliquer pour empêcher leur propagation, sans tomber dans l'oppression et
l'injustice. Une fois que la corruption des mœurs se répand et se banalise dans la
société, il est difficile de trouver un juste équilibre, entre la passivité et le laxisme
d'une part, et l'oppression et la sévérité systématique d'autre part.

La personne qui est responsable de la gouvernance de la nation doit veiller à ne


pas sombrer dans l'injustice et l'oppression, mais ne peut pas non plus encourager
ou tolérer les hérésies et idéologies qui menacent la foi, la spiritualité, le bien-être
et la sécurité de la population, car il s'agit d'un mal sérieux qui peut vite se
propager. Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le meilleur Jihâd est de dire la vérité
et une parole juste à un dirigeant injuste » 345.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Les habitants du Paradis seront (entre


autres) de 3 types : Un dirigeant compétent qui a régné avec justice et droiture, une
personne qui s'est montrée compatissante avec ses proches et sa famille, un(e)
croyant(e) ayant fait preuve de piété et qui a une famille nombreuse sans pour autant
faire appel (ou sans se rabaisser) à la mendicité » 346. Le Prophè te ‫ ﷺ‬a dit encore : «
Ô chefs de Quraysh, comportez-vous avec vos sujets et ceux qui vous suivent de 3
manières : s'ils implorent votre clémence, accordez-la leur ; s'ils vous accordent
autorité sur eux, soyez justes envers eux ; et faites ce que vous dites (tenez vos
engagements et vos promesses). Quiconque n'agit pas de la sorte sera maudit (privé
de Bénédictions) par Allâh et Ses Anges, et Allâh n'acceptera de lui ni devoir (fardan)
ni œuvre volontaire (naflan) » 347.

345Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2174 selon Abû Sâ'îd al-Khudrî, par Ibn
Mâjah dans ses Sunân n°4011, avec une bonne chaîne, par An-Nasâ'î dans ses Sunân, par An-
Nawawî dans Riyâd as-Salihîn n°195.
346Rapporté par Muslim dans son Sahîh, par An-Nawawî dans Riyâd as-Salihîn n°661.
347Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Kitâb at-tibr al-masbûk fi nasîhat al-mulûk,
selon Ibn 'Abbâs, et cela eut lieu à proximité de la Ka'aba.

217
Quant aux autorités légales, assurer la justice, appliquer les peines les plus
appropriées selon le contexte et sanctionner les criminels, relèvent de leur
obligation.

La science du contexte et des priorités (que l'on peut nommer « fiqh al waqî' »)
est le fait de lever/suspendre (et non pas d'abroger ou de rendre « caduc » en tant
que statut légal) une sentence dans un contexte donné, et ce principe revient donc
à appliquer la Shar'îah, contrairement au fait d'appliquer une sentence ou une
peine dans un contexte inadéquat qui ne le permet pas, et dont les conséquences
sont préjudiciables pour ceux qui ont été « jugés » sans respecter les règles
édictées dans la Shar'îah, et agir de la sorte est condamnée par la Sharî'ah !

Le fiqh doit toujours prendre en compte les notions de mafsada (éviter le


préjudice) et de maslaha (ce qui procure le meilleur bénéfice/avantage pour la
nation), et ne pas exclure la dimension morale, - omniprésente dans le discours
qurânique -, sous peine de sombrer dans le règne de l'ego, du chaos et de
l'insécurité. Dans les actions de chaque musulman, au-delà de la question
purement juridique du point de vue théorique, il lui est demandé (dans le Qur'ân
et la Sunnah) d'éviter autant que possible d'appliquer des peines, de s'écarter des
choses douteuses, de viser ce qui est le plus bénéfique et d'éviter le plus grand mal
lorsque l'on est confronté à différents maux, or, dans le Qur'ân et la Sunnah, le
meurtre fait partie des plus grands péchés qu'il faut éviter à tout prix, sauf dans la
nécessité (légitime défense et application du talion par exemple). Le Shaykh Ibn
Taymiyya écrit à ce sujet dans Majmû’ al-Fatawa (28/126-128) que : « là où la
Mafsada qu'(entraîne) le fait d'ordonner (le bien) et d'interdire (le mal) est plus
grand que sa Maslaha, cela ne relève pas de ce qu’Allâh a ordonné. (…) Cela se fait
parfois par le cœur [seulement], parfois par la langue [aussi], et parfois par la main
[également]. Pour ce qui est du cœur, cela est obligatoire en toute circonstance (…).
Deux groupes de gens commettent ici une erreur.

- Un premier groupe délaisse (de façon absolue) l'exhortation et la dissuasion, en


faisant une interprétation (erronée) de ce verset [Qur’ân 5/105] (…).

- Et le second groupe est constitué de ceux qui veulent ordonner (le bien) et interdire
(le mal) par la langue et la main de façon inconditionnelle (mutlaqan), sans
compréhension (fiqh), longanimité (hilm), patience et considération pour ce qui
convient à ce sujet et ce qui ne convient pas, et pour ce dont on a (réellement) la
capacité et ce dont on n'en a pas la capacité. (…) Ces gens ordonnent (le bien) et

218
interdisent (le mal) en croyant qu'ils obéissent ainsi à Allâh et suivent Son Messager,
alors qu'en fait ils outrepassent les limites fixées par Allâh ».

Les principes mêmes stipulent qu'il est mieux que l'on ne vienne pas porter
plainte auprès du tribunal pour ce qui risque d'entraîner l'application de ce type
de peines corporelles (les peines « maximales » qui sont avant tout dissuasives).
Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit ainsi : « Pardonnez-vous entre vous ce qui est susceptible
d'entraîner l'application de peines. Car une fois la plainte ayant été portée, elle
(l’application de la peine) sera nécessaire » 348. Ceci s'adresse aux simples citoyens
victimes d’abus.

Quant aux juges auxquels la plainte a été portée, le Prophète (‫ )ﷺ‬demande de


chercher à faire profiter l'accusé du bénéfice du doute : « Tant qu'une possibilité
existe, éloignez les peines » 349 et « Autant que vous le pouvez, éloignez des
musulmans les peines : s'il y a une possibilité, laissez-le aller. En effet, qu'un dirigeant
se trompe dans l'acquittement vaut mieux qu'il se trompe dans l'application de la
peine » 350.

De façon générale, comme l’a dit le Prophète (‫ )ﷺ‬: « La plume (de la Loi) est levée
sur 3 (catégories de) personnes : le fou jusqu’à ce qu’il retrouve sa raison (ou lucidité,
responsabilité) ; celui qui dort jusqu’à ce qu’il se réveille ; et l’enfant jusqu’à ce qu’il
atteigne l’âge de la puberté » 351, et une autre version comporte aussi une 4ème
catégorie : « et une personne âgée qui est faible d'esprit » 352.

Anas Ibn Mâlik rapporte que : « Je n'ai jamais vu un cas impliquant des représailles
(sanctions) légales être renvoyé au Messager d'Allâh, sans qu'il n’enjoignît (aux
victimes) de pardonner le coupable (quand cela leur était possible) » 353.

Dans le Muṣannaf ‘Abd al-Razzâq (n°18084) on trouve le fait que le grand juriste
et imâm Ibrahim Al-Nakha’i a dit : « Evitez (d'appliquer) les sentences légales sur les

348 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n 4376 par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4885

et par d’autres.
349 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°2545.
350 Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°1424.
351 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°940, par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4398,

4399, 4400, 4401, et par d’autres selon Sayyida ‘Aîsha, Sayyidûna ‘Alî, par al-A’mash et
d’autres. Al-Baghawî dans son Mishkat al-Masabih n°3287 et 3288 ainsi que Ibn Mâjah dans
ses Sûnan rapportent aussi ces ahadiths selon 'Alî et selon 'Aîsha.
352 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4403 selon ‘Alî, sahîh.
353 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4497 sous l'autorité de Anas Ibn Mâlik.

219
musulmans autant que vous le pouvez. Si vous trouvez une issue de secours pour un
musulman, alors laissez-la lui. En vérité, pour le juge, mieux vaut pardonner au
musulman que de commettre une erreur en les punissant ».

L’Islam enjoint ainsi tous les membres de la nation, - juges, policiers, citoyens,
victimes, gouverneurs -, de pardonner si cela leur est possible, ou le cas échéant,
d’éviter d’appliquer les peines les plus dures. Si un doute subsiste, - en l’absence
donc de preuves indiscutables -, la peine maximale (peine de mort, amputation
pour les voleurs, etc.) n’est pas appliquée.

Allâh a dit : « La bonne action et la mauvaise (action) ne sont pas pareilles.


Repousse (le mal) par ce qui est meilleur (le bien) ; et voilà que celui avec qui
tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce privilège) n'est
donné qu'à ceux qui endurent et il n'est donné qu'au possesseur d'une grâce
infinie. Et si jamais le Diable t'incite (à agir autrement), alors cherche refuge
auprès d’Allâh ; c'est Lui, vraiment l'Audient, l'Omniscient » (Qur’ân 41, 34-36).

« Par la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton


Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez
[à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez...
cela est certes meilleur pour les endurants. Endure ! Ton endurance [ne
viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas
angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont
craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur'ân 16, 125-127).

« Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie
présente ; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux
qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de
commettre] les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui
pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur
Seigneur, accomplissent la Ṣalât, se consultent entre eux à propos de leurs
affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par
l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise
action [une peine nécessaire] identique. Mais quiconque pardonne et réforme,
sa récompense incombe à Allâh. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui
ripostent après avoir été lésés, … ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux
; Il n’y a de voie [de recours] que contre ceux qui lèsent les gens et commettent
des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront une correction

220
douloureuse. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des
bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires » (Qur’ân 42, 36-43).

« Et Nous y avons prescrit pour eux vie pour vie, œil pour œil, nez pour nez,
oreille pour oreille, dent pour dent. Les blessures tombent sous la loi du talion.
Après, quiconque y renonce par charité, cela lui vaudra une expiation » (Qur’ân
5, 45).

« Nombre de gens du Livre aimeraient par jalousie de leur part, pouvoir vous
rendre mécréants après que vous ayez cru. Et après que la vérité s’est
manifestée à eux ! Pardonnez et oubliez jusqu’à ce qu’Allâh fasse venir Son
commandement. Allâh est très certainement Omnipotent ! » (Qur’ân 2, 109).

« Et que les détenteurs de richesse et d’aisance parmi vous, ne jurent pas de ne


plus faire des dons aux proches, aux pauvres, et à ceux qui émigrent dans le
sentier d’Allâh. Qu’ils pardonnent et absolvent. N’aimez-vous pas qu’Allâh vous
pardonne ? Et Allâh est Pardonneur et Miséricordieux ! » (Qur’ân 24, 22).

« Et ceux qui dominent leur rage et pardonnent aux gens, Allâh aime vraiment
les bienfaisants » (Qur'ân 3, 134).

De nombreux ahadiths prophétiques annoncent qu’après la période des Califes


bien-guidés, les populations musulmanes seront gouvernées souvent par des
dirigeants injustes ou pervers, mais qu’il faudra patienter face à leur mal, et que
tant qu’ils n’ordonnent pas le massacre des musulmans ni n’imposent aux
musulmans l’abandon du Tawhîd, de la Salât et de la Zakât, et que s’il n’est pas
possible de les démettre pacifiquement de leurs fonctions, qu’il ne faut pas semer
le désordre ou initier une guerre civile, car la situation empirera, et la stabilité en
même temps que la sécurité s’en trouveront menacées. Par ailleurs, beaucoup de
maux se trouvent dans la mentalité et le mauvais comportement des gens, si bien
que s’ils se réformaient, adoptaient un meilleur comportement (fondé sur la
douceur, la compassion, la justice, la charité, l’altruisme, la générosité, la modestie,
etc.) envers les gens et qu’ils soignaient leur relation avec Allâh, beaucoup de
problèmes disparaitraient, et des chefs d’Etat plus justes, pieux et compétents
accéderaient au pouvoir. Allâh dit en effet : « En vérité, Allâh ne change point
l’état d’un peuple, tant qu’ils ne modifient pas ce qui est en eux-mêmes »
(Qur’ân 13, 11).

Certes, quand on aspire à l’excellence et à la justice, il est toujours douloureux de


supporter la souffrance ou les dérives sociétales et politiques dans nos sociétés.

221
Mais il faut cultiver la foi et la confiance en Allâh, et les vertus, ainsi qu’une
conscience éclairée des enjeux, des mécanismes et des modalités pour diminuer le
mal, l’injustice et l’idolâtrie, et ne pas faire fuir les gens ou les pousser
indirectement à s’éloigner encore plus d’Allâh, de la justice, de la vertu et de tout
ce qui est bon pour eux. Beaucoup sont impatients, brûlent les étapes, ou adoptent
même des avis politiques, juridiques ou théologiques, qui sont en soi, erronés ou
même déviants, et leur empressement dans le mal, tout en croyant bien faire, cause
énormément de mal aux sociétés musulmanes, ce qui n’excuse pas non plus, la
corruption ou l’injustice qui rongent certains pays musulmans et qui alimentent
ou engendrent en retour, l’extrémisme de certains groupes. Parmi les
contestataires agressifs de notre temps, leur insatisfaction et leur empressement
les poussent à agir sans science ni sagesse, et leurs critiques des sociétés actuelles,
finiraient aussi par se retourner contre d’anciens empires tels que les Abbassides
ou les Omeyyades, qui étaient loin d’être parfaits, mais qu’ils prennent souvent en
modèles, car parfois des choses pires s’y déroulaient. Désobéir explicitement aux
autorités quand l'interdiction comporte un bien pour la santé ou la sécurité des
fidèles musulmans ou des citoyens non-musulmans et visant à éviter de propager
l'épidémie, le désordre et la violence, est un péché, et ceux qui contreviennent à
cela sont des pécheurs et des fautifs selon la Sharî'ah. Néanmoins, les autorités et
forces de l’ordre doivent réagir et intervenir avec avec plus de douceur, de
pondération, d’équité et de compassion envers les citoyens. Cela nous rappelle des
Compagnons qui voulaient tabasser le bédouin qui urinait dans la mosquée en
présence du Prophète (‫)ﷺ‬, mais il leur fut interdit d'agir ainsi. En effet, il a été
rapporté qu’ « Un bédouin avait uriné dans la mosquée et les gens ont couru vers lui
(pour le battre). Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « (Ne le frappez pas et) n'interrompez
pas sa miction (c'est-à-dire laissez-le finir) » Puis le Prophète (‫ )ﷺ‬a demandé un
récipient d'eau et a versé l'eau sur la place de l'urine (afin de nettoyer l’impureté).
Puis le Prophète a dit : « vous devez (être doux et conciliants et) rendre la vie facile
aux gens et non pas leur rendre la vie difficile et contraignante » » 354.

354 Rapporté avec quelques variantes mais dont le sens est le même (être patient et
indulgent, ne pas frapper/humilier les pécheurs pour ce genre d’actes, et nettoyer les
impuretés qu’ils ont causé) : par An-Nasâ'î dans ses Sunân n°54 et 571 selon Anas Ibn Mâlik
(sahîh) dans le Kitâb de la purification et de la Sunnah, par Al-Bukharî dans son Sahîh n°219
dans le Kitâb du Wudu' et n°6025 dans le Kitâb de l'Adab au chapitre sur le fait d'être gentil
et conciliant en toute chose ainsi que n°6128 selon Abû Hurayra avec le rajout consistant à
un conseil adressé à ses compagnons : « vous devez (être doux et conciliants et) rendre facile
la vie aux gens et non pas leur rendre la vie difficile et contraignante » par Ibn Hajar dans
Bulugh al-Maram 1/n°15, par Ibn Majâh dans ses Sunân n°572 avec une bonne chaîne, par
222
Il faut se méfier des ignorants, des charlatans ou des provocateurs qui, soit sont
dénués de science et de sagesse approfondies (que ce soit en fiqh, en ‘aqida, en
histoire, en psychologie, en géopolitique, en économie ou en politique), soit qui ne
sont là que pour alimenter la provocation et le trouble. De tels individus ou
groupes ne doivent pas être suivis, car le mal prédomine dans les conséquences de
leur idéologie et de leur attitude. Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit en ce sens :
« Viendra un temps où la meilleure propriété d'un musulman sera un troupeau de
moutons qu'il emmènera au sommet d'une montagne, ou dans les vallées des pluies,
fuyant avec sa religion (sa foi) des tribulations et des troubles » 355. Ainsi que ces
paroles prophétiques : « Il y aura des tribulations et des troubles dans lesquelles
rester assis vaut mieux qu’être debout. Celui qui est debout vaut mieux que celui qui
marche. Celui qui marche sera mieux que celui qui court. Quiconque cherche ces
tribulations sera détruit par elles. Quiconque trouve un abri ou un refuge, qu'il s'y
réfugie » 356.

« En vérité, juste avant l'Heure (de la fin des temps), il y aura une tribulation comme
des morceaux de la nuit noire dans laquelle un homme peut être croyant le matin et
incroyant le soir, ou croyant le soir et (devenir) un incroyant le matin. Celui qui
s'assied pendant ce temps sera meilleur que celui qui se lève (en vue d’alimenter les
troubles), et celui qui marche pendant cela vaut mieux que celui qui court. Brisez vos
arcs, coupez vos cordes d'arc et frappez vos épées contre le rocher. Si quelqu'un vient
vous tuer, soyez comme le meilleur des deux fils d'Adam (Qur’ân 5, 28) » 357. Ce qui
signifie qu’il faut éviter autant que plus possible de répondre violemment aux
provocations ou menaces qui nous visent, de ne pas aller sans nécessité à leur
encontre, et de se contenter de vivre sa vie tranquillement, mais si un criminel
nous prend pour cible ou compte attaquer un innocent ou un membre de notre
famille, les protéger est alors nécessaire et honorable.

Allâh a dit en effet : « Et raconte-leur en toute vérité l'histoire des deux fils
d'Adam. Les deux offrirent des sacrifices ; celui de l'un fut accepté et celui de
l'autre ne le fut pas. Celui-ci dit : « Je te tuerai sûrement ». « Allâh n'accepte, dit
l'autre, que de la part des pieux ». Si tu étends vers moi ta main pour me tuer,

Mâlik dans al-Muwattâ' 2/n°142 selon Yahya Ibn Sâ'îd, par Muslim dans son Sahîh n°284
selon Anas Ibn Mâlik, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°147 selon Abû Hurayra avec une
chaîne sahîh, par An-Nawawî dans son Riyâd as-Salihîn n°635 selon Abû Hurayra.
355 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°19 selon Abû Sâ’îd al-Khudrî.

356 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°6670, selon Abû Hurayra.
357 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4259 selon Abû Mûsâ al-Asharî, sahîh.
223
moi, je n'étendrai pas vers toi ma main pour te tuer : car je crains Allâh, le
Seigneur des mondes. Vraiment, moi, je voudrais que tu assumes mon forfait
et ton forfait : tu serais alors du nombre des gens du Feu. Telle est la
récompense des injustes. Son âme l'incita à tuer son frère. Il le tua donc et
devint ainsi du nombre des perdants » (Qur’ân 5, 27-30). Ces versets nous
enseignent que le musulman pieux ne doit pas tuer Ses créatures, par Amour pour
Lui et en vue de se prémunir contre l’injustice et le fait que cet acte ne soit pas
agréé par Allâh, et qu’il faut préserver la vie des gens et ne pas entacher nos mains
d’un sang illicite, même si les autres sont injustes ou méchants avec nous. Allâh
autorise cependant le recours à la force en cas de légitime défense, le combat juste
sur le champ de bataille, ou en vertu de la loi du talion contre un meurtrier qui n’a
pas été pardonné par la famille de la victime. Allâh dit aussi : « Il entra dans la
ville à un moment d'inattention de ses habitants ; il y trouva 2 hommes qui se
battaient, l'un était de ses partisans et l'autre de ses ennemis. L'homme de son
parti l'appela au secours contre son ennemi. (Le Prophète) Mûsâ lui donna un
coup de poing qui l'acheva. - [Mûsâ] dit : « Cela est l'oeuvre du Shaytan. C'est
vraiment un ennemi, un égareur évident ». Il dit : « Seigneur, je me suis fait du
tort à moi-même ; pardonne-moi ». Et Il lui pardonna. C'est Lui vraiment le
Pardonneur, le Miséricordieux ! Il dit : « Seigneur, grâce aux bienfaits dont Tu
m'as comblé, jamais je ne soutiendrai les criminels ». Le lendemain matin, il se
trouva en ville, craintif et regardant autour de lui, quand voilà que celui qui lui
avait demandé secours la veille, l'appelait à grand cris. Mûsâ lui dit : « Tu es
certes un provocateur déclaré » » (Qur’ân 28, 15-18). Le Prophète Mûsâ intervint
afin de secourir l’un de ses amis qui était en train de se battre violemment avec un
de leurs ennemis, sauf qu’il ne voulait pas le tuer, mais lui porter un coup dur pour
le neutraliser. Il regretta son geste et qualifiait cet homicide involontaire « d’œuvre
du diable », et son partisan de « provocateur » car cet acte aurait pu être évité. Que
dire alors en ce qui concerne l’homicide volontaire ?

D’autres paroles prophétiques mettent en garde contre les situations où les


troubles et les provocations attisent la haine et la violence : « En vérité, béni est
celui qui est tenu à l'écart des tribulations, béni est celui qui est tenu à l'écart des
tribulations, béni est celui qui est tenu à l'écart des tribulations, mais excellent est
celui qui est affligé et le supporte patiemment » 358.

358 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4263 selon Al-Mîqdad Ibn al-Aswad, sahîh.

224
« Nous étions rassemblés autour du Messager d'Allâh, tandis qu'il mentionnait les
tribulations, en disant : « Si vous voyez que les gens ont négligé (ou violé) leurs
engagements, diminué leur confiance et sont aussi confus et troublé que cela, (…)
alors restez dans votre maison, contrôlez votre langue, acceptez ce que vous savez
être bon, rejetez ce que vous savez être mal, prenez soin de vos affaires
spécifiquement et abandonnez les affaires des gens ordinaires » 359. Et quel excellent
conseil, et dont la description de l’époque qui l’annonçait correspond parfaitement
à la nôtre ! Ainsi, délaisser les polémiques, ne pas participer aux troubles, faire le
bien, délaisser le mal, surveiller sa langue, et prendre soin de sa famille et de ses
proches, - tout en aidant les nécessiteux -, voilà la voie à suivre en de pareilles
circonstances !

En dépit de toutes les lacunes, négligences, erreurs et imperfections des


dirigeants ou des sociétés, si la sécurité est globalement assurée, que l’on peut
pratiquer la religion, et que le gouvernement facilite la vie aux musulmans
bienfaisants (qui ne causent pas de troubles), protège l’honneur et la dignité des
femmes, aide considérablement les nécessiteux dans leur pays ou en dehors, qu’il
mène une lutte contre le terrorisme réel, qui se pose tant bien que mal en
défenseur des musulmans et qui honore ouvertement Allâh, Son Messager, l’Islam,
les croyants et les valeurs de l’Islam, et qu’il œuvre à renforcer l’indépendance
économique et politique du pays en plus de développer les infrastructures et la
science dans le pays, alors il faut les soutenir, - sans cautionner pour autant leurs
erreurs ou leurs dérives -, ou à défaut, ne pas s’y opposer ouvertement, car cela
nuira aux musulmans et à leurs concitoyens non-musulmans. Vouloir la perfection
(selon nos perceptions parfois biaisées ou dévoyées de ce devrait être la perfection
ou l’excellence) au point de toujours tout contester ou détruire, est clairement une
illusion satanique. Quant à ceux qui sont globalement injustes, qui étouffent ou
rabaissent l’Islam et ses partisans bienfaisants, - à distinguer des « sots » et des
« criminels » qui font du tort aux croyants sous-prétextes de vouloir brandir
l’étendard de l’Islâm alors qu’ils ne font que le rabaisser en élevant leur égo et non
pas la beauté et la sagesse de la Loi divine -, et qui se comportent en tyrans, si les
destituer n’est pas possible, et que le soulèvement risque de causer une situation
chaotique et catastrophique, alors la sagesse exige de patienter, d’exhorter les
dirigeants et d’entamer si possible des négociations et des discussions, d’invoquer
Allâh, d’aider les nécessiteux et de soutenir nos proches autant que possible,
jusqu’à ce qu’Allâh change la situation de la société.

359 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4343, selon ‘Abdullâh ibn Amr, sahîh.
225
Abû-l-’Abbâs Muhammad ibn Shâdhil Hâshimî a récité les vers suivants : « Tous
les hommes accusent le siècle, alors que notre siècle n’a pas d’autre défaut que nous.
Nous accusons notre siècle, alors que le défaut est en nous, et s’il pouvait parler, il
nous reprocherait de porter des peaux de moutons destinées à tromper ; et malheur
à celui qui nous déshonore, s’il vient à nous ! Le loup ne mange pas la chair de ses
congénères, alors que nous nous entre-dévorons bel et bien » 360.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Quiconque mène le jihâd (effort sacré) selon
la voie d'Allâh (pour la justice et la noble cause), sa préservation est assurée par
Allâh. Quiconque visite une personne malade, sa préservation est assurée par Allâh.
Quiconque visite la mosquée le matin ou le soir, sa préservation est assurée par Allâh.
Quiconque entre dans la demeure d'un priant pour l'honorer, sa préservation est
assurée par Allâh. Quiconque s'assied dans sa maison et ne mord aucun être humain
(ne lui cause aucun tort), sa préservation est assurée par Allâh » 361.

Même à l'époque des sahaba, sous l'ère des califes bien-guidés, certains
gouverneurs étaient des pécheurs ou des injustes, et avaient été démis de leur
fonction. Il y a des choses évidemment à critiquer concernant les gouvernements
de notre époque, mais cela doit se faire avec science, sagesse et connaissance du
waqi', en somme, tout ce qui fait défaut aux ignorants, aux pervers et aux semeurs
de troubles de notre temps, puisqu'ils prennent un malin plaisir à provoquer ou à
mettre la vie en danger de leurs semblables, à parler sans cesse sans rien maitrisé
du tout, et à propager beaucoup d’amalgames voire même de fausses informations.
Ainsi, nourrir des troubles est un crime contre la Ummah, puisque si des pays
musulmans tombent, de grands malheurs jailliront encore (et avec la Syrie, l'Irak,
le Yémen et la Palestine déjà en ruines, ce sera un nouveau rempart contre les
ennemis déclarés du Din qui tombera).

Quant aux gens soumis à des dirigeants injustes, ils doivent s’efforcer de ne pas
leur obéir dans ce qui constitue un mal évident, et d’accepter (et accomplir) ce qui
ne contredit pas la Loi divine et ce qui est reconnu comme étant convenable.

Dans un hadîth nous lisons que : « Celui qui voit chez son dirigeant quelque chose
qu’il déteste, qu’il patiente et qu’il ne cesse pas de lui obéir » 362 et dans un autre : «

360 Rapporté par Al-Bayhaqî dans Al-Zuhd al-Kabir n°222.


361 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°377, sahîh, selon Mû’âdh Ibn Jabal.
362 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°7054 selon Ibn ‘Abbâs.

226
… Celui à la tête de qui est nommé un dirigeant et qui voit ce dernier commettre
quelque péché, qu’il déteste le péché qu’il commet et ne cesse de lui obéir » 363.
L’expérience contemporaine a montré la sagesse de ces recommandations
prophétiques, même s’il est difficile pour un peuple maltraité de rester patient face
à l’incompétence ou au despotisme d’un pouvoir politique inique. Mais se révolter
sans s’assurer de la réussite de la « destitution du pouvoir en place », et sans savoir
concrètement si des puissances étrangères ne s’emmêleront pas, que des groupes
criminels ne prendront pas le pouvoir à la place, c’est là une voie obscure et
périlleuse. Pour autant, se réjouir de l’injustice qui touche le peuple, soutenir les
oppresseurs et justifier toutes leurs horreurs sous de faux-prétextes est illicite en
Islâm, et c’est s’opposer à la Voie prophétique. En effet, le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a
dit : « Il y aura des dirigeants dont vous verrez à la fois la bonté et la corruption. Celui
qui reconnaît son mal et le réprouve maintiendra son innocence, mais celui qui en
sera satisfait et le suivra (dans le mal) sera un pécheur ». Il a été dit : « Ne devons-
nous pas les combattre ? ». Le Prophète a dit : « Non, tant qu'ils prient » » 364.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Les meilleurs de vos dirigeants sont ceux que vous aimez
et ils vous aiment, qui prient (Allâh) pour vous et vous priez (Allâh) pour eux. Les
pires de vos dirigeants sont ceux que vous détestez et ils vous haïssent, que vous
maudissez et ils vous maudissent ». Il a été dit : « Allons-nous les confronter avec
des épées ? ». Le Prophète a dit : « Non, tant qu'ils établissent la prière parmi vous. Si
vous trouvez quelque chose de haineux de leur part, vous devriez détester leurs
actions mais ne pas retirer votre main de l'obéissance » 365.

Dans un autre hadîth encore : « « Il y aura des dirigeants qui viendront après moi
(et) qui ne suivront pas mes conseils ni ma Sunnah. Certains de leurs hommes auront
le cœur de démons dans un corps humain ». J'ai dit : « Ô Messager d'Allâh, que dois-
je faire si je vis pour voir ce temps-là ? ». Le Prophète a dit : « Vous devriez les écouter
et leur obéir même si le dirigeant vous frappe dans le dos et prend votre richesse,
même comme ça, continuez d’écouter et d’obéir (dans ce qui est licite et
convenable » » 366. Bien que certains aient déclaré non-authentique la dernière
partie de ce hadîth, on peut cependant en comprendre le sens comme étant une

363 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1849 selon ‘Awf Ibn Mâlik.
364 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1854 selon Umm Salama.
365 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1855 selon Awf ibn Malik.
366 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1847, selon Hudhayfa ibn al-Yaman.

227
hyperbole, indiquant l’importance de la patience, et de ne pas céder au trouble et
au chaos, qui ne feront qu’empirer la situation.

Et dans un autre hadîth : « Ô Allâh, quiconque est chargé de ma nation et qu'il est
rude et brutal envers ma nation, alors Sois rude envers lui. Quiconque est chargé de
ma nation et qui est doux avec ma nation, alors Sois doux avec lui » 367.

Ainsi, même s’il ne faut pas alimenter le chaos ou initier la révolte chaotique,
fusse-t-elle légitime face à l’oppression ou à l’injustice, il ne faut cependant pas
obéir quand les autorités nous somment de commettre une injustice évidente ou
nous impose la mécréance ou l’idolâtrie. Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Il n’y
a point d’obéissance dans les affaires impliquant la désobéissance à Allâh (et à ce
qu’Il a commandé) et à ce qui s’oppose à Sa Satisfaction, l’obéissance (le suivi) est
uniquement due lorsqu’on enjoint d’accomplir quelque chose de bon (en conformité
avec la Loi divine) et ce qui est raisonnable » 368 ainsi que : « Écouter et obéir au chef
est une obligation tant qu'il ne commande pas la désobéissance à Allâh. S'il
commande la désobéissance, alors il n'y a ni écoute ni obéissance (en cela) » 369.

Par ailleurs, il faut distinguer aussi la personne de la fonction que celle-ci occupe,
et faire attention à ne pas blâmer la fonction ou l’ensemble des personnes qui
occupent ladite fonction. Les politiciens comme les maîtres spirituels, les
médecins, les enseignants ou les imams, occupent une fonction importante dans la
vie des gens, d’autant plus qu’ils leur accordent leur confiance. Or, au plus que les
gens placent leur confiance en un État, en une communauté ou en une personne,
au plus ceux-ci se doivent d’être à la hauteur de ce qui leur est confié, – et le cas
échéant, admettre leurs faiblesses ou leurs limites avec humilité afin de ne pas
tromper leurs élèves, disciples, patients ou électeurs -, car lorsqu’une personne
occupant une fonction importante n’est plus à la hauteur de la mission qui lui a été
assignée, – ou que d’autres lui ont attribué -, c’est non seulement l’individu en tant
que tel qui est désavoué, mais aussi et souvent, toute la vision ou projet de société
qu’il transmettait et incarnait via son message et sa fonction.

367 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1828 selon ‘Aîsha.
368 Rapporté par Al Bukharî dans son Sahîh n°6830, et par Muslim dans son Sahîh n°1840
sous l’autorité de l’imâm ‘Alî, dans le Livre relatif au gouvernement.
369 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°2796 selon Ibn ‘Umar.

228
Dès lors, même si les médecins, politiciens ou imâms sont des personne faillibles,
pouvant commettre des erreurs ou des péchés, il est normal d’exiger d’eux d’être
en cohérence avec ce pourquoi les gens placent leur confiance en eux. Exercer une
certaine autorité va de pair avec le comportement, l’expertise et la responsabilité
qu’on exige d’eux et qui permettent de donner un sens et un cadre dans l’exercice
et la légitimité de leur fonction.

Pour autant, le monde moderne pousse à bout tout le monde, à travers les
pressions sociales, les pulsions sexuelles, l’appât du gain, la pression du pouvoir,
le lynchage médiatique, etc., peu sont ceux qui s’en sortent indemnes et qui
peuvent se prémunir contre la totalité de ses dangers. Aussi, il est de la
responsabilité de chacun et de chacune, de ne pas donner l’occasion aux gens de
les gonfler dans leur ego, d’alimenter des désirs malsains, de ne pas leur faire
aimer l’amour du pouvoir ou de l’argent, etc.

Aussi, il est nécessaire de dissocier l’individu de la fonction, et la fonction du


message ou des valeurs qu’elle doit incarner en principe, puisqu’un hypocrite ou
un pervers peut dire de nombreuses vérités, un politicien peut dénoncer des
injustices réelles qui doivent être dénoncées alors que lui-même peut en en
cautionner d’autres ou en dénoncer pour des calculs politiques (une dénonciation
donc, non pas par conviction suivant des valeurs morales fortes, mais pour des
raisons politiques, idéologiques ou économiques) 370, etc.

Que ceux qui acceptent ou qui cherchent à occuper une fonction aux lourdes
implications, s’assurent d’en avoir les compétences intellectuelles, les aptitudes
morales, les aspirations spirituelles et qu’ils prennent garde des nombreux pièges
et dangers auxquels ils seront inévitablement exposés.

Aussi, que le dirigeant soit bon ou mauvais, juste ou injuste, intègre ou corrompu,
musulman ou mécréant, il est nécessaire de lui adresser des conseils, des rappels
ou des critiques (exprimées avec diplomatie) en privé ou par des voies officielles,
de sorte à ne pas le rendre encore plus en colère ou plus injuste. L’exception est si
le gouverneur refuse toutes les solutions officielles et n’écoute aucune réclamation

370Mais attention à ne pas juger les gens négativement de façon systématique, puisque des
médecins, imâms et politiciens peuvent aussi être sincères mais se tromper par erreur, ou
dénoncer des injustices par amour de la justice (qui peut aussi coïncider ou converger avec
les intérêts de l’État, les élections, etc.), et se taire en raison de fortes pressions
indépendantes de leur volonté, tout comme certains d’entre eux peuvent être la cible de
fausses accusations ou de manipulations politiques ou médiatiques.
229
officielle, publique ou privée, qu’il rabaisse ouvertement Allâh, Sa Loi, Ses
Prophètes, et qu’il massacre injustement une partie ou la totalité de son peuple ou
d’un peuple voisin. Mais la règle générale est le conseil en privé. Le Messager
d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Quiconque a l’intention de conseiller quelqu'un détenant (une)
autorité, ne doit pas le faire publiquement. Il devrait plutôt le prendre par la main et
le conseiller en privé. S'il accepte les conseils, tout va bien. S'il ne l'accepte pas, il
(celui qui a prodigué le conseil) a rempli son devoir » 371.

Al-Muzani a rapporté que l’imâm As-Shafi’i a dit : « Quiconque réprimande son


frère en privé a été sincère avec lui et a protégé sa réputation. Quiconque le
réprimande en public l'a humilié et l'a trahi » 372.

Le célèbre savant malikite Ibn Battâl (m. 449 H, il y a environ 1000 ans) a dit : «
La diplomatie fait partie du comportement du musulman, elle consiste à « rabaisser
ses ailes » vis-à-vis des gens (à être bienveillant), à avoir la parole douce à leurs
égards, et à éviter les paroles sévères lorsqu’on leur adresse la parole, et ceci fait
partie des causes les plus importantes favorisant la bonne entente » 373.

L'érudit et gnostique Sīdî Aḥmed Skiredj a dit dans son al-inbâ' binuṣḥ al-abnâ'
: « Ô mon fils ! Aie plusieurs amis parmi les gens du bien secrètement et en public. Ne
prends aucune mauvaise personne pour ennemie d’une manière apparente, même si
elle est incroyante. Tu vis dans une époque qui exige de la diplomatie. Attache-toi
bien au cordon de ta religion tant que tu es en vie. Celui qui n’est pas diplomate avec
les gens s’expose souvent à des tentations dans sa religion ».

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « En vérité, la religion est la sincérité et l’intégrité.


Nous avons dit : « Envers qui ? ». Le Prophète a dit : « Envers Allâh, Son livre, Son
(dernier) Messager (Muhammad), aux dirigeants des musulmans et à leur
peuple » 374. Ainsi, la sincérité et l’intégrité sont des obligations envers Allâh, le
respect de Sa Loi, de Son Envoyé, des dirigeants et du peuple (musulman et non-
musulman). Il faut respecter nos engagements, s’abstenir de faire du mal et de la
trahison, et s’évertuer à faire le bien.

371 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°14909 selon ‘Iyyâd Ibn Ghanam, sahîh.
372 Rapporté par Abû Nu’aym, Ḥilyat al-Awliyâ’ n°13854.
373 Rapporté par Ibn Hajar al 'Asqalânî, Fath al-Bâri, 10/528.
374 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°55 selon Tamim al-Dari.
230
Section n°13 : Le monothéisme primordial, tolérant et indulgent

On posa la question suivante au Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬: « Quelle est la religion


(ou voie) la plus aimée d’Allâh ? ». (Ce à quoi) le Prophète (‫ )ﷺ‬répondit : « Le
monothéisme primordial (une voie droite et une conscience pure qui est conforme à
la Hanifiyya, - saine conscience -) et indulgent » 375.

Selon 'Aîsha, le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « L'Envoyé d’Allâh dit un jour : les
juifs doivent savoir que j'ai été envoyé avec le monothéisme primordial et
indulgent » 376.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La meilleure foi est celle qui s’accompagne de
patience et d’indulgence » 377.

Dans le Qur’ân, la « Tradition primordiale » est évoquée dans plusieurs versets :


« Tout pouvoir n'appartient qu'à Allâh qui vous a enjoint de n'adorer que Lui,
telle est la Tradition primordiale/immuable (Dîn al Qayyim). Mais la plupart
des hommes ne savent pas » (Qur'ân 12, 40), « Nous avons envoyé des prophètes
avant toi » (Qur'ân 15, 10 et 15, 30), « Tiens-toi debout, en vrai hanif qui
professe la religion primordiale, la religion naturelle, celle qu’Allâh a inscrite
au coeur de tout homme. C'est un don universel et immuable qu'Allâh a fait à
Ses créatures. Telle est la vraie religion, mais la plupart des hommes ne savent
pas » (Qur'ân 30, 30), « Nous avons envoyé dans chaque communauté un
messager pour leur dire : Adorez Alâah et écartez-vous du taghût » (Qur'ân 16,

375 Hadîth rapporté par Ahmad ibn Hanbal dans son Musnad 5/266 selon Ibn ‘Abbâs et par
As-Suyûtî dans al-Jâmi’ al-Saghîr n°208, sahîh.
376 Rapporté par Ahmad ibn Hanbal dans son Musnad, et par al-‘Ajlûnî dans Kashf al-Khafâ’

n°120, selon ‘Aîsha.


377 Rapporté par Ad-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws et par As-Suyûtî dans Al-Jâmi’ as-

Saghîr n°1244, d'après Ma'qal Ibn Yasâr, sahîh.

231
36). Les principes universels ne changent donc pas, contrairement aux
dispositions juridiques et culturelles, qui elles, varient selon le temps et l’espace.

Pour ce qui est du Tawhîd et de l’éthique, ces 2 versets du Qur’ân peuvent


illustrer la corrélation islamique entre le Tawhîd (conscience et doctrine tournées
vers l’Unicité divine) et la bonté : « Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé.
Agissez avec bonté envers vos père et mère, les proches, les orphelins, les
pauvres, le proche voisin, le voisin lointain, le collègue et le voyageur, et les
domestiques sous votre responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le
présomptueux, l’arrogant » (Qur’ân 4, 36).

« La bonté pieuse (al birr) ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant
ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour Dernier, aux
Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on
en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et
à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs (affranchir les esclaves),
d’accomplir la Salât et d’acquitter la Zakât. Et ceux qui remplissent leurs
engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la
misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et
les voilà les vrais pieux ! » (Qur'ân 2, 177).

Ibn ‘Ajiba dit dans son Kitâb Mi’râj al-Tashawwuf ilâ Haqâ’iq al-Tasawwuf à
propos de la Futuwwa, que l’on peut identifier comme étant la synthèse du Tawhîd
et de la bonté pieuse, incarnée dans la virilité spirituelle (faisant appel à la
générosité, à la bravoure, à l’humilité, à la justice, à l’équité, à la maîtrise de soi, à
la compassion, à la perspicacité et à la lutte contre l’oppression) :

« Al-Futuwwa

La « grandeur d’âme », c’est préférer autrui à soi-même et se montrer bienfaisant


envers ses semblables de la façon qu’ils aiment.

Pour cette raison, on a pu dire que la grandeur d’âme n’a atteint la perfection que
chez l’Envoyé d’Allâh parce que, dans une circonstance où tout autre n’aurait pensé
qu’à soi-même, il s’est écrié : « Ma nation ! Ma nation ! ».

On a dit que la grandeur d’âme consiste à ne se trouver aucun mérite par rapport à
autrui.

232
Le fatâ 378 est l’individu qui n’a pas d’adversaire (lâ khasma lahu).

La grandeur d’âme équivaut à la libéralité (sakhâ’), à l’humilité (tawâdu’), au


courage (shajâ’a) dans les circonstances difficiles.

Chez le vulgaire, la grandeur d’âme se traduit par les libéralités matérielles ; chez
l’élite, elle s’exprime en payant de sa personne ; chez les élus de l’élite, elle s’exprime
sur le plan spirituel, par le don de son âme (badhl al-muhaj) au Bien-Aimé (Allâh) 379
».

Conformément au Qur’ân et aux enseignements authentiques du Prophète


Muhammad (‫)ﷺ‬, As-Sulâmî rapporte dans ses Tabaqât al-sufiyya : « 1. Des maîtres
de Baghdâd s’étant réunis chez Abû Hafs al-Naysabûrî l’interrogèrent sur la
futuwwa, il leur dit : « Parlez donc vous-mêmes, vous avez de l’entendement et une
langue ! ». Junayd dit alors : « La futuwwa, c’est cesser de ratiociner et de s’attribuer
le mérite de ce que l’on fait (tark al-rawiyya wa’l-nisba) ». Abû Hafs reprit : « Ce que
tu viens de dire est excellent ! Mais, selon moi, la futuwwa c’est accomplir l’équité
(insâf) et cesser de la revendiquer ». Junayd s’exclama : « Levez-vous compagnons !
Abû Hafs l’emporte sur Adam et ses descendants ! ».

2. On interrogea Ruwaym Ibn Ahmad al-Baghdâdî (m. 303 H) sur la futuwwa. Il


répondit : « C’est excuser tes frères pour leurs fautes et ne pas te conduire envers eux
d’une façon qui t’oblige à t’excuser ».

3. Shah al-Karmânî (m. avant 300 H) a dit : « La futuwwa est une qualité des braves
(ahrâr) et la lâcheté une marque des vils. Il n’est point d’acte de dévotion qui soit plus
méritoire que de chercher à obtenir l’affection des Amis d’Allâh (awliyâ’) en faisant
ce qu’ils aiment ».

4. On questionna Muhammad Ibn al-Fâdil al-Balkhî (m. 319 H) sur la futuwwa. Il


répondit : « C’est préserver son secret (sirr) avec Allâh, selon ce qui convient, et,

378 C’est-à-dire le « héros » par excellence, et dans la voie spirituelle, cela correspond au
chevalier spirituel, qui manifeste la virilité masculine sur les plans physique, psychologique,
religieux et spirituel. Le modèle musulman qui incarne le plus la chevalerie spirituelle après
le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬est l’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm). Ensuite de nombreuses autres
figures musulmanes ont incarné la futuwwa sur différents plans.
379Comme l’ont dit de nombreux maîtres spirituels, historiens et linguistes, la notion de
futuwwa intègre les idées de générosité, de courage, de virilité spirituelle, de jeunesse, de
noblesse de caractère, de bravoure, d’équité, d’altruisme, etc.
233
extérieurement, respecter le bien avec les créatures en vivant avec elles en bonne
intelligence et en agissant vertueusement ».

5. On demanda à Abû ‘Abdallâh al-Shajazî : « Qu’est-ce que la futuwwa ? ». Il répondit


: « C’est voir des excuses chez tes semblables et voir tes défauts, voir leurs « perfections
» et tes insuffisances ; c’est la compassion vis-à-vis de toutes les créatures, innocentes
et pêcheresses. L’apogée de la futuwwa, c’est de ne pas être détourné d’Allâh par les
créatures ».

6. Abû al-Hussayn al-Warrâq al-Naysabûrî (m. avant 320 H) a dit : « La futuwwa est
fondée sur 5 qualités : la première est le respect des engagements pris (al-hifâz), la
seconde est la fidélité (al-wafâ’), la troisième est la gratitude (shukr), la quatrième
est la constance/persévérance/patience (sabr), la cinquième est le contentement
(ridâ) [de ce qu’Allâh nous accorde comme subsistances, situations et états].

7. Jâ’far Ibn Muhammad al-Khuldî (m. 348 H) a dit : « La futuwwa, c’est le mépris de
soi-même (ne pas s’enorgueillir) et le respect de la dignité des musulmans (dont leurs
droits doivent être respectés) ».

8. Abû al-Hassân ‘Alî Ibn Ahmad al-Bûshanjî (m. 348 H), interrogé sur la futuwwa,
répondit : « C’est la présence d’esprit (husn al-murâ’â) et la vigilance permanente
(dawân al-murâqaba) ; et c’est ne rien manifester extérieurement qui contredise ce
que tu recèles intérieurement ».

9. Abû Bakr Muhammad Ibn Ahmad al-Shabahî (m. avant 360 H) a dit : « La futuwwa
c’est la beauté du caractère et l’accomplissement du bien ».

10. Abû ‘Abdallâh Muhammad ibn Ahmad al-Muqrî’ (m. 366 H) a dit : « La futuwwa,
c’est faire preuve de bon caractère vis-à-vis de ceux que tu détestes, prodiguer tes
biens à ceux que tu honnis et faire bon visage à ceux dont ton cœur se détourne ». Et
toutes ses définitions sont englobées dans la futuwwa (chevalerie spirituelle), et
trouvent leurs fondements dans l’éthique prophétique et dans les qualités
synthétisées dans le Qur’ân.

234
Section n°14 : Les Rapprochés d’Allâh

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Certes il y a parmi les serviteurs d'Allâh des
serviteurs qui ne sont pas des prophètes, mais les prophètes et les martyrs les envient
». - Une personne a dit : « Et qui sont-ils ». Le Prophète (‫ )ﷺ‬répondit : « Ce sont des
gens qui se sont aimés par la lumière d'Allâh sans qu'il n'y ait entre eux de liens de
parenté ou de généalogie, leurs visages seront de lumière, ils seront sur des minbars
de lumière, ils n'auront pas peur lorsque les gens auront peur et ils ne seront pas
tristes lorsque les gens seront tristes », puis il récita le verset : « Certes les bien-
aimés d'Allâh sont à l'abri de toute peur et ne sont pas attristés » (Qur'ân 10,
62) » 380.

Le salaf Abû Bakr ibn Abî Dunya (m.281 H) a dit dans son épître Al Awliyah (n°57,
chapitre sur les caractéristiques des Abdâl) : « Lorsque les prophètes s'en allèrent
alors qu'ils étaient les piliers qui maintenaient la terre, Allâh ‫ ﷻ‬a fait naître à leur
place 40 personnes de la communauté de Muhammad ‫ﷺ‬, que l'on appelle les « Abdâl
». Aucun d'entre eux ne meurt sans que Allâh n'en créé un autre pour le remplacer.
Ils sont les piliers qui maintiennent la terre. Les coeurs de 3 d'entre eux sont
équivalents à la certitude (yaqîn) d'Ibrâhîm ‫ﷺ‬. Ils ne devancent pas les gens par leur
nombre de prières, ni par leur nombre de jeûnes, ni par une meilleure dévotion, ni
par un meilleur tempérament, mais plutôt avec la sincérité de leur scrupule, la pureté
de leurs coeurs, et leurs conseils d'un coeur doux à tous les musulmans en recherchant
les agréments d'Allâh, avec patience, bienfaisance et humilité. Sache qu'ils ne
maudissent personne, et ne font de mal à personne. Ils ne se prévalent de personne
en dessous d'eux et ne les méprisent pas, de même qu'ils ne jalousent personne au-
dessus d'eux. Ils ne seront pas craintifs, ni marqués par l'ascèse, ni n'inspireront de
l'admiration pour leur entourage, en s'abstenant d'aimer cette vie terrestre et

380Rapporté par An-Nasâ'î dans ses Sunân d'après Abû Hurayra, ainsi que selon des
versions voisines par Ahmad dans son Musnad 5/n°343 et Al-Baghawî dans Sharh as-
Sunnah 13/51 selon un autre Compagnon, par Al-Hakim dans al-Mustadrak 4/n°171 selon
Ibn 'Umar, par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°2508 selon Abû Hurayra, rapporté aussi par
Abû Ya'la dans son Musnad, authentifié aussi par Ad-Dhahâbi.
235
d'aimer les gens pour elle, et ne seront pas aujourd'hui dans la peur révérencielle,
pour ensuite demain tomber dans l'insouciance » 381.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La terre ne sera jamais dépourvue de 40 personnes


qui seront tels l'Ami (Khalil) du Tout-Miséricordieux. C’est par leurs intermédiaires
que les gens recevront la pluie et par eux qu'ils seront secourus (par Allâh). Aucun
d'entre eux ne meurt sans que Allâh ne le remplace » 382.
Qatâdah a dit : « Nous ne doutons pas que Al Hassân al Basrî fait partie d'eux » 383.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les Abdâl sont au Shâm et ils sont 30 sur le chemin
d’Ibrahim (paix sur lui), à chaque fois qu’un homme d’entre eux meurt, Allâh le
remplace par un autre, 20 d’entre eux sont sur le chemin de ‘Issa Ibn Myriam (paix
sur lui) et à 20 d’entre eux il leur fut donné l’enchantement (mot-à-mot : une flûte)
de la famille de Dawûd (paix sur lui) » 384.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les Abdâl dans cette communauté sont au nombre
de 30 : leurs coeurs sont en affinité avec celui d’Ibrahîm, l’« Ami-intime » du Tout-
Miséricordieux. A chaque fois que l’un d’entre eux meurt, Allâh le fait remplacer par
un autre homme dans sa fonction » 385.

381 Rapporté aussi par Al-Hakim at-Tirmidhî dans Nawâdir al Ussûl, Asl n°51 selon Abû ad-
Dardâ’,
382 Rapporté par As Suyutî dans Al Fatawâ as Sûffiyyah, par At Tabarânî dans Mu'jam al

Awsat 4/247 n°4101 et dans al-Muʿjam al-Kabîr 10/224 n°10390, par Abû Nu’aym dans
Ma’rifat as-Sahaba n°4013, et d’autres selon Anas ibn Mâlik. Al-Haythâmî dans Majmâ’ Al-
Zawâ’îd 10/63 n°16675 dit que la chaîne est bonne. Ibn Hibbân rapporte une variante dans
son Tarîkh selon Abû Hurayra mais avec une chaîne faible selon As-Suyûtî dans son Hawî
lil-fatawi 2/248.
383 Le Hâfiz Abû al Hassân al Haythamî a dit dans Majmû' az Zawâ'id : « Sa transmission est

bonne (hassan) » ».
384 Rapporté par Al-Hakîm At-Tirmidhî dans Nawâdir al Ussûl selon Hudhayfa Ibn Al

Yaman.
385 Rapporté par Ahmad dans son Musnad,. bien que certaines personnes essayent de réfuter

ce hadîth, par ignorance et/ou orgueil, nous leur répondrons que d'une part, il n'y a rien de
contraire à l'Islam et donc à la Vérité dans ce hadîth, et que dans un second temps, plusieurs
muhaddithîn ont authentifié ce hadîth et n'y ont vu aucun danger ni aucune hérésie là-
dedans. Le hadîth en question a été authentifié par l’Imâm al-Hâfiz al-‘Ajalî et l’Imâm Abû
Zahr'ah. Ce dernier était le muhaddith très réputé auquel l’Imâm Muslim avait présenté son
Sahîh pour avis et a par suite supprimé toutes les traditions non retenues par celui-là. Par
ailleurs, l’Imâm Badr ad-Dîn az-Zarkashî considérait ce hadîth comme « bon » (hassân).
Ensuite, lorsque l’Imâm Ahmad disait qu’un hadîth est munkar (lit. : dénoncé) cela ne
signifie pas que le hadîth était rejeté, mais qu’il alertait simplement qu’un rapporteur était
faible (da'îf), et un hadîth da'îf n'est pas forcément faux (d'autant plus si l'énoncé est juste,
236
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les Élus (Akhyar) de ma communauté sont au
nombre de 500 pour chaque siècle (ou : génération), et les Abdâl sont au nombre de
40. Jamais ils ne sont en dessous de 500 ou de 40. À chaque fois que l’un d’eux meurt,
Allâh le remplace et l’un des 500 remplace celui des 40 ». Il lui dit alors : « Ô Messager,
parle-nous de leurs oeuvres ». Il dit : Ils pardonnent à ceux qui sont injustes envers
eux, et ils se comportent bien avec ceux qui se comportent mal avec eux et ils font
largesses avec ce qu’Allâh leur accorde » 386.

Il a été rapporté également ceci : « Les Prophètes (paix sur eux) étaient des piliers
(Awtad) de la terre, lorsque la prophétie s’interrompit, Allâh les remplaça par des
gens de la communauté de Muhammad (paix sur lui) que l’on appelle les Abdal, ils ne
sont pas meilleurs que les autres par l’abondance de jeûnes, de prières, ni de
glorifications, mais en raison de la perfection de leur caractère, par l’authenticité de
leur scrupule, par une intention saine et la pureté de leur cœur vis-à-vis de tous les
musulmans, leurs prodiguant les bons conseils » 387.

et que d'autres versions du hadîth, avec une chaine de transmission solide, existent, et
confirment le hadîth faible). Et les hadîths hassân peuvent avoir des rapporteurs faibles et
c’est ce qui les différencie avec les hadîth sahîh. Dans le Musnad de l’Imâm Ahmad (9/341-
736) contenant le hadîth en question (n°23394) et surtout la note 4 en bas de page qui
permet de considérer le hadîth comme authentique (sahîh) ou bon (hassân) : « Abdallâh
nous a rapporté, mon père a rapporté, ‘Abd al-Wahhâb bnu ‘Atâ’ nous a rapporté, al-Hassân
Ibn Dhakwân nous a narré (le tenant) de ‘Abd al-Wâhid Ibn Qays (le tenant) de ‘Ubâdah Ibn
as-Sâmit (le tenant) du Prophète - sur lui la Grâce et la paix ! - : « Les Abdâl dans cette
communauté sont au nombre de 30 : leurs coeurs sont en affinité avec celui d’Ibrahîm, l’« Ami-
intime » du Tout-Miséricordieux. A chaque fois que l’un d’entre eux meurt, Allâh le fait
remplacer par un autre homme dans sa fonction »*. Mon père - Qu’Allâh soit miséricordieux
envers lui - a dit sur cela - c’est-à-dire le hadîth de ‘Abd al-Wahhâb - une parole autre que
celle-là, et il est munkar c'est-à-dire le hadith d'al-Hassân ibn Dhakwân. * Al-Haythamî dans
son Majmâ’ al-Zawâ’îd a dit (62/10) : « ses hommes (de la chaine de narration citée par
l’Imam Ahmad) sont les « hommes du sahîh » (rijâl as-sahîh) sauf ‘Abd al-Wâhid ibn Qays. Il
(le hadîth) a été authentifié (waththaqahu) par al-‘Ajalî et Abû Zar’ah. Ce hadîth fut rendu «
faible » (da’’afahu) par d’autres. Et al-Hakîm (261/1). Az-Zarkashî a dit : « hadîth bon (hassân)
», comme (écrit) dans al-mawdû’ât al-kubrâ li-l-qârî (n°146, p. 48) ».
386 Rapporté par At-Tabarânî, Abû Nu’aym dans Hilyat al-awliyâ', Ibn ‘Asâkir dans son

Târîkh Dimasqh et d’autres selon Ibn ‘Umar. Un autre hadîth similaire rapporte le nombre
de 300 au lieu de 500, mais dont le sens est le même.
387 Rapporté par Al-Hakîm At-Tirmidhî dans Nawâdir al Ussûl, Asl n°51 selon Hudhayfa et

Abû ad-Dardâ’. Un hadîth similaire a été rapporté par Ad-Daylamî dans Al-Firdaws 2/344,
par Ibn ‘Asakir dans son Târîkh Dimashq 1/292 selon Anas, par Ibn Abî al-Dunya dans
Kitâb al-Awliyâ’ n°8 selon l’imâm ‘Alî.
237
L’imâm ‘Alî a relaté : « Les Abdâl sont du Shâm, les Nujaba’ sont d’Egypte, et les
‘Isaba (l’élite des vertueux) sont d’Iraq » 388.

Ces ahadiths sont nombreux et se renforcent mutuellement 389, et ont même


atteint le degré du tawatûr (ce qui est notoire et que l’on ne peut pas
raisonnablement renier du point de vue islamique) 390.

Le Qur’ân les évoque sous différents qualificatifs, selon leur degré. Allâh a dit :
« Les premiers (à suivre les ordres d'Allâh sur la terre) ce sont eux qui seront

388 Rapporté par Ibn ‘Asakir dans Târîkh Dimasqh 1/296-297, par Al-Khallâl et Ad-Dani dans

ses Sunân al- Warida fi’l Fitan n°598, par As-Suyûtî dans Hawi lil Fatawi 2/466-467.
389 Voir Ibn Hajar dans Ar-Raf’u Wat takmil, p.374 qui dit : « Les Abdal ont été mentionnés

dans plusieurs récits, certains d'entre eux sont authentiques et d'autres non. Le terme Qutb est
apparu dans certains athar (récits du Tabi’în et ceux d’après) ». As-Suyûtî a déclaré que la
narration de Sayyiduna‘ Ubadah Ibn Samit était également sahîh (cf. Al-Munawî dans Fayd
ul-Qadîr, Hadith n°3033 ; voir aussi As-Siraj ul Munir 2/126-127 et Ibn Hajar, Majmâ’ al-
Zawâ’id 10/62-63. Les imâms Al-Sakhawî et As-Suyûtî dans son Al Khabr ad dâl ala wujûd
al Qutûb wal Awtâd wa an-Nujabah wal Abdâl ont rassemblé la plupart des récits
authentiques et bons à ce sujet. Ibn ‘Asâkir dans son Târîkh Dimasqh a relaté un grand
nombre de ces récits également, et le Shaykh Al-Munawî dans Fayd ul-Qadîr (hadîth n°3037)
a dit : « La force collective de ces chaînes ne peut être réfutée, sauf par les ignorants et les
obstinés ».
Voir aussi Ibn Hajar al-Haytamî dans ses Fatawa al-Hadithiyya (p. 324). Les imâms As-Shafi'î
et al-Bukhari ont non seulement reconnu l'existence des Abdâl mais en ont même identifié
certains (cf. Al-Sakhawî dans Al-Maqsidul Hasanah, Hadith n°8). De même pour 'Abdullâh
Ibn al-Mubarâk, Abdullâh ibn Sulayman Al-Misri, Al-Harith ibn Muslim Ar-Razî et d'autres
(cf. Ibn Abi al-Dunya, Kitâb Mujabid Da’wah ; Khalilî dans Al-Irshad n°120 ; Ibn al-'Imâd dans
Shadharatudh Dhahab 2/64 ; Al-Mundhirî dans al-Targhîb wa al-Tarhîb 4/423, etc. Ibn al
Athîr dans son Jâmi' al ussûl fi Ahadith ar Rassûl (12/466) dit que l'imâm Sufyân at-Thawrî
fait partie des Aqtâb.
390 Parmi les Sahaba ayant rapporté cela il y a 'Umar ibn Al-Khattâb, 'Alî Ibn Abû Tâlib, Abû

ad-Dardâ', Ibn Mas'ûd, Umm Salama, Abû Hurayra, Ibn 'Umar, Hudhayfa, Ibn 'Abbâs, Anas
Ibn Mâlik, Mû'âdh Ibn Jabal, Awf Ibn Mâlik, Abû Sâ'îd Al-Khudrî et d'autres. Al-Hafîz As-
Suyûtî dans Al Khabr ad dâl ala wujûd al Qutûb wal Awtâd wa an-Nujabah wal Abdâl, le
rapporte notamment. Tous les grands traditionnistes de l'Islam ont approuvé et authentifié
des récits à ce sujet comme Al-Bukharî, Muslim, Ibn Hibbân, Al-Hakîm at-Tirmidhî, Abû
Dawûd, Ibn Abi al-Dunya, At-Tabarî, Abû Nu'aym, Ahmad, At-Tabarânî, Al-Hakim an-
Naysabûrî, Al-Bayhaqî, Al-Qushayrî, Ibn Salah, Ibn 'Asakîr, Ibn al-Athîr, An-Nawawî, Ad-
Dhahâbî, Al-Sakhawî, Ibn Hajar al 'Asqalânî, Ibn Hajar al-Haytamî, Al-Haythâmî, As-Suyûtî,
Al-Munawî, Al-Muttaqî', etc, A noter que les Abdâl sont aussi bien des hommes que des
femmes. Al Khalâl dans Karâmât al-Awliyâ’ dit : « Les Abdâl sont 40 hommes et 40 femmes,
chaque fois qu'un homme meurt, Allâh remplace un autre homme à sa place, et chaque fois
qu'une femme meurt, Allâh remplace une autre femme à sa place ».
238
les premiers (dans l'au-delà). Ce sont ceux-là les plus rapprochés d'Allâh, dans
les Jardins des délices, une multitude d'élus parmi les premières [générations],
et un petit nombre parmi les dernières [générations] » (Qur’ân 56, 10-14).

« Si celui-ci est du nombre des rapprochés (d'Allâh), alors (il aura) du repos,
de la grâce et un Jardin de délices. Et s'il est du nombre des gens de la droite, il
sera [accueilli par ces mots] : « Paix sur toi » de la part des gens de la droite »
(Qur’ân 56, 88-91).

« Qu'ils prennent garde ! Le livre des bons sera dans l'Illiyoun - et qui te dira ce
qu'est l'Illiyun ? - un livre cacheté ! Les rapprochés (d'Allâh) en témoignent. Les
bons seront dans [un jardin] de délice, sur les divans, ils regardent. Tu
reconnaîtras sur leurs visages, l'éclat de la félicité. On leur sert à boire un
nectar pur, cacheté, laissant un arrière-goût de musc. Que ceux qui la
convoitent entrent en compétition [pour l'acquérir]. Il est mélangé à la boisson
de Tasnim, source dont les rapprochés (d’Allâh) boivent » (Qur’ân 83, 18-28).

« Quiconque obéit à Allâh et au Messager… ceux-là seront avec ceux qu’Allâh a


comblés de Ses bienfaits : les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les
vertueux. Et quels bons compagnons que ceux-là ! » (Qur'ân 4, 69).

« Ceux qui, de la crainte de leur Seigneur, sont pénétrés, qui croient aux versets
de leur Seigneur, qui n'associent rien à leur Seigneur, qui donnent ce qu'ils
donnent, tandis que leurs coeurs sont pleins de crainte [à la pensée] qu'ils
doivent retourner à leur Seigneur. Ceux-là se précipitent vers les bonnes
actions et sont les premiers à les accomplir » (Qur'ân 23, 57-61), ils sont les
« Sabiqûn » (les « avancés » ou les « devanciers »).

« Certes mon Maître, c'est Allâh qui a fait descendre le Livre (le Qur’ân). C'est
Lui qui se charge (de la protection) des vertueux » (Qur'ân 7, 196).

« Nous élevons en rang qui Nous voulons. Et au-delà de chaque détenteur de


connaissance il est un connaissant » (Qur'ân 12, 76).

« Et que penseront, au Jour de la Résurrection, ceux qui forgent le mensonge


contre Allâh ? - Certes, Allâh est Détenteur de grâce pour les gens, mais la
plupart d'entre eux ne sont pas reconnaissants. Tu ne te trouveras dans
aucune situation, tu ne réciteras aucun passage du Qur’ân, vous n'accomplirez
aucun acte sans que Nous soyons témoin au moment où vous l'entreprendrez.
Il n'échappe à ton seigneur ni le poids d'un atome sur terre ou dans le ciel, ni
un poids plus petit ou plus grand qui ne soit déjà inscrit dans un livre évident.
239
En vérité, les bien-aimés d'Allâh seront à l'abri de toute crainte, et ils ne seront
point affligés. Pour ceux qui croient et qui craignent [Allâh], il y a pour eux une
bonne annonce dans la vie d'ici-bas tout comme dans la vie ultime. - Il n'y aura
pas de changement aux paroles d'Allâh -. Voilà l'énorme succès ! » (Qur’ân 10,
60-64). Et d’autres versets encore.

Le Shâh Waliyyullâh écrit dans Hujjat ullâh il-bâligha, (1/467) qu'un des sens du
mot « foi » (« al-îmân ») est « la quiétude et la proximité spirituelles. C'est dans ce
sens que le Prophète a employé le mot « foi » lorsqu'il a dit : « La pureté est la moitié
de la foi » [rapporté par Muslim] ».

Le Shaykh Ibn Taymiyya écrit dans Kitâb ul-îmân (p. 168) : « Il est erroné de
penser que la foi n'est que croyance et connaissance, avec lesquels il n'y aurait ni
action ni état ni mouvement, ni intention, ni amour ni crainte révérentielle. Les
actions du cœur – que les sûfis appellent « états », « stations », etc. – font partie de
la foi : – une partie de ces actions du cœur a été rendue obligatoire (fardh) par Allâh
et Son Messager ; – une autre partie de ces actions du cœur est recommandée
(mustahabb) et n'est pas obligatoire. Chaque musulmane et musulman doivent
acquérir au moins les actions de la première partie pour être du nombre des
« Pieux, Gens de la Droite » (al-ab'râr, as'hâb ul-yamîn). Quant à ceux qui
acquièrent à la fois la première et la deuxième partie, ils feront partie des
« Rapprochés, Devanciers » (al-muqarrabûn as-sâbiqûn) ».

Le Shaykh Ibn al-Qayyim dit dans Ighâthat ul-lahfân (1/49) : « qu'il est erroné de
penser que la finalité de l'adoration d’Allâh est seulement la mise à l'épreuve, ou
seulement la rétribution dans l'au-delà, ou seulement l'éducation de l'âme ; la finalité
de l'adoration d’Allâh est de répondre au besoin que l'homme a de se tourner vers
Lui, de le connaître et de L'aimer ».

La piété conduit à la lumière, et nous observons que les Pieux (Salihîn) et que les
Saints (awliyâ’) sont des personnes apaisées, sages, vertueuses, lumineuses et
humbles, et qui par leur présence, illuminent et apaisent aussi les autres, se sentant
aimés, entourés, protégés et accompagnés par la Paix et la Sérénité accordées par
Allâh.

240
Section n°15 : A propos des femmes et des enfants

Anas Ibn Mâlik rapporte que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬vit des femmes et des
enfants revenir d'un mariage, il se leva alors avec vigueur et leur dit : « Par Allâh,
vous êtes parmi ceux que j'aime le plus » 391.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « (Les femmes sont) Enceintes, mettant au


monde, nourricières, miséricordieuses ; si ce n’était le fait qu’elles se doivent à leurs
époux, elles auraient fait du Paradis leur lieu de prière » 392.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « En vérité, Allâh vous enjoint d’être bon envers les
femmes. En vérité, Allâh vous enjoint d’être bon envers les femmes, car ce sont vos
mères, vos sœurs et vos tantes » » 393.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les croyants dont la foi est la plus complète et la
meilleure, sont ceux qui ont le meilleur caractère, et les meilleurs d'entre vous sont
les meilleurs dans leur comportement envers leurs femmes (et leur famille) » 394.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Celui qui honore les femmes est un noble et
celui qui les méprise n’est qu’un cabot » 395.

391 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°5180.


392 Rapporté par Al-Hakîm at-Tirmidhî dans al-Furuq wa-man al-taraduf, section 77, pp.
344-345, et aussi par As-Suyûtî, qui la considère comme authentique dans son Jâmi' al-
saghîr 1/365.
393 Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam al-Kabîr n°648, selon Al-Miqdam ibn Ma’di,

sahîh.
394 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1162 selon Abû Hurayra, sahîh, et n°3895

selon ‘Aïsha (« envers leur famille »), sahîh.


395 Rapporté par Ibn ‘Asakîr dans son Tarikh Dimashq, 13/313, la chaine de la version de ce

hadîth a été jugée faible par certains, mais le sens est conforme au Qur’ân, à la Tradition
prophétique et au comportement des nobles compagnons et des ‘awliyâ’.
241
Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les meilleurs parmi vous ne battent pas, n’insultent
pas et n’abandonnent pas les femmes » 396. Par déduction, les mauvais musulmans
sont donc ceux qui battent, insultent et abandonnent les femmes.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬: « Les meilleurs d'entre vous sont ceux qui sont les
meilleurs à l'égard de leurs femmes » 397.

Bahz bin Hakim a rapporté sur l'autorité de son père et de son grand-père
(Mu'awiyyah ibn Haydah) : « « J'ai dit : « Ô Messager d'Allâh, comment devrions-
nous approcher nos femmes et comment les quitter ? ». Il a répondu : « Approchez-
vous d’elles quand et comment vous le voulez [tant que ça ne vous porte pas
préjudice], donnez-lui à manger lorsque vous prenez de la nourriture, donnez-lui de
quoi se vêtir lorsque vous vous habillez, ne l'insultez pas et ne la battez pas » » 398.

Les mêmes enseignements furent rapportés à et par Mu'awiyyah al-Qushayri :


« « Que nous commandes-tu par rapport à nos femmes ? ». Il répondit : « Donnez-leur
de la nourriture ce que vous avez pour vous-même, et habillez-les ce dont vous vous
habillez [c’est-à-dire si vous achetez des vêtements décents pour vous, faites-le aussi
pour vos épouses], ne les battez pas et ne les insultez pas » 399.

Il a été rapporté de `Alî que la femme d'al-Walîd ibn` Uqbah vint vers le Prophète
(‫ )ﷺ‬et dit : « Ô Messager d'Allâh (‫)ﷺ‬, al-Walîd me frappe, (Nasr Ibn 'Ali a dit dans son
hadith - elle s'est plainte de lui), il (le Prophète) a dit : « Dis-lui qu’il (le Prophète) m'a
donné sa protection ». 'Ali a dit : « Il ne fallut pas longtemps avant qu'elle revienne et
dit : « Il m'a (seulement) frappé davantage (quand je lui ai dit cela) ». Il prit un
morceau de son vêtement et le lui donna et dit : « Dis-lui : « Le Messager d’Allâh (‫)ﷺ‬
m’a donné une protection » ». Peu de temps après, elle est revenue et a dit : « Il ne m'a

396 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân, Livre du nikâh/mariage n°1840.

397 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1978 selon 'AbdullahIbn Amr, sahîh.

398 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân, n°2143, chaîne sahîh, et n°98 du Livre sur le

Nikâh.
399 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân, n°2144, chaîne sahîh, et n°99 du Livre sur le

Nikâh.
242
frappé que plus. Il leva les mains et dit : « Ô Allâh, punis al-Walîd ; il m'a fait du tort
2 fois (à travers son comportement violent envers son épouse) » » 400.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit lors de son dernier pèlerinage (le sermon d’Adieu) : « Je
vous enjoins vraiment de bien traiter les femmes, car elles sont comme vos captives
(vos dépôts). Vous n'avez aucun droit de les traiter autrement (qu’avec bonté), à
moins qu'elles ne commettent une turpitude manifeste. Si elles le font, vous pouvez
abandonner leurs lits et les tapotez sans leur faire de mal, mais si elles vous obéissent,
vous ne pouvez pas le faire. Vous avez des droits sur vos femmes et elles ont des droits
sur vous. Parmi vos droits sur elles, il y a le fait qu'elles ne donnent leur lit à personne
d'autre que vous et elles ne laissent personne que vous n'aimez pas entrer chez vous.
L'un de leurs droits sur vous est de bien vous comporter avec elles, de les vêtir et de
les nourrir décemment » 401.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬est venu vers certaines de ses épouses alors qu'elles étaient
conduites par un chamelier nommé Anjasha. Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Soyez doux
lorsque vous portez les perles précieuses (les femmes ; devant être traitées avec
douceur, gentillesse et délicatesse) » 402. Les pièces de cristal sont une métaphore
désignant la préciosité et l'immense valeur humaine que représentent les femmes,
et qu'il faut en prendre soin pour ne pas les briser.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Que le croyant, s'il aime son épouse, l'honore. Et
s'il ne l'aime pas, qu'il ne lui fasse aucun mal » 403.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Quand l’un de vous vient chez son conjoint pour
avoir des relations sexuelles, laissez-les se couvrir et ne pas s’approcher comme deux
mulets sauvages » 404. C’est-à-dire que l’époux doit approcher son épouse avec
tendresse et de sorte à susciter l’amour, la douceur, la joie, le plaisir et l’affection,
et de ne pas lui causer du tort ou de se comporter brutalement avec elle.

400 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°1304-1305, dans la section réservée à 'Alî ibn
Abî Tâlib n°707, voir aussi I'taf Al-Khiarat al-Muhra' 4/93.
401 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1163 selon Amr ibn al-Ahwas, sahîh.
402 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°6209, par Muslim dans son Sahîh n°2323,

par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°10361, par Ahmad dans son Musnad n°14044 selon Anâs
ibn Malik, sahîh.
403 Rapporté notamment par le Shaykh Muhammad Rajab Dib dans son cours sur Les

droits de l'épouse, épisode 22 : https://www.youtube.com/watch?v=CYi_xn1_Uzk


404 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1921 dans le Kitâb an-Nikâh, selon Utbah ibn

Abd al Sulamî avec une bonne chaîne selon As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr n°339.
243
L’imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî commenta cela dans son Ihyâ’ (2/50) en disant :
« Ce qui signifie, ne soyez pas comme deux ânes, mais laissez-les plutôt s'approcher
avec des mots gentils et des baisers ».

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬mettait aussi en garde les femmes de la


communauté contre les hommes qui battaient leur femme, comme lorsqu’il
conseilla à Fatimah bint Qais de ne pas épouser un homme connu pour avoir frappé
les femmes, en disant : « (…) Quant à Abû Jahm, il ne pose pas son bâton de ses
épaules (du sens où il frappe constamment) (…) épouse plutôt Ussâmâh Ibn Zayd (…)
» 405. Et dans une autre version : « (…) quant à Abû Jahm c’est un homme qui a
l’habitude de frapper les femmes (donc je ne te recommande pas de l’épouser), mais
Ussâmâh est bien (et bon) » 406.

Sur la douceur dans les relations sexuelles, – qui découle notamment des versets
enjoignant la bonté et l’affection, citons aussi Ibn al-Qayyim qui rapporte dans son
Tibb al-Nabawi que le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a interdit de s’engager dans des
relations sexuelles avant les préliminaires, c’est-à-dire qu’il ne faut pas être rude,
violent et brusque. Al-Bukharî et Muslim rapportent dans leur Sahîh que selon
Jabir ibn Abdullah, le Prophète lui demanda : « « Tu t’es marié ? », Jabir lui répondit
par l’affirmative et le Prophète lui conseilla alors : « Alors si tu souhaites approcher
ta femme, fais-le avec douceur » ». Raison pour laquelle la douceur reste la règle
générale en tout temps dans le mariage (et en dehors du mariage également, sauf
contre les pervers et les criminels, qui ne comprennent parfois qu’avec la dureté).

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Il n’a pas été constaté de meilleure chose que le
mariage pour 2 personnes qui s’aiment » 407.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Qu'un croyant ne déteste pas une croyante, s'il
déteste un de ses comportements il sera satisfait par un autre de ses comportements
» 408.

Par contre, la femme peut demander le divorce sous certaines conditions. L’imâm
An-Nawawî dit dans al-Majmû ’Sharḥ al-Muhadhab (3/17) : « Si la femme n'aime

405 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1480.


406 Rapportée par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1869, 9/n°25, chaîne sahîh.
407 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1847 avec une bonne chaîne, par Al-Bayhaqî

dans Sunân Al-Kubra n°2347 et par At-Tabarânî dans Mu’jam Al-Kabîr n°11009 selon Ibn
'Abbâs.
408 Rapporté par Muslim dans son Sahih n°1469.

244
pas son mari en raison de son apparence laide ou de sa mauvaise compagnie, et
qu'elle craint de ne pas remplir ses droits, il est permis de demander le divorce sous
réserve d'une compensation ('iwad) ».

Ibn Qudama dans al-Mughnî (7/323) a dit : « Le résumé de l'affaire est que la
femme (l’épouse), si elle n'aime pas son mari à cause de son apparence, de son
caractère, de sa religion, de sa vieillesse ou de sa faiblesse, etc., et qu’elle a peur de ne
pas accomplir le droit d'Allâh Tout-Puissant en lui obéissant, il lui est permis de lui
demander le divorce avec compensation par laquelle elle se libère de lui ».

Quant à l’obéissance au mari, cela n’est permis que dans ce qui est reconnu
comme étant convenable, d’une part du point de vue des principes et de l’éthique
de l’Islam, puis du point de vue des coutumes de l’époque et de la région, - tant
qu’elles ne contredisent pas les principes et l’éthique de l’Islam -. Le Prophète
Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Il n’y a point d’obéissance dans les affaires impliquant la
désobéissance à Allâh (et à ce qu’Il a commandé) et à ce qui s’oppose à Sa
Satisfaction, l’obéissance (le suivi) est uniquement due lorsqu’on enjoint d’accomplir
quelque chose de bon (en conformité avec la Loi divine) et ce qui est raisonnable » 409.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Ne détestez pas les filles, car elles sont agréables
et précieuses » 410.

Il est rapporté que Ya`qûb ibn Bukhtân a dit : « Naquirent pour moi 7 filles. Chaque
fois qu'une fille naissait, j'allais voir Ahmad ibn Hanbal, et il me disait : « Ô Abâ
Yûssuf, les prophètes sont les pères des filles ». Alors ses mots dissipaient mon chagrin
» 411.

Allâh ne dit pas qu'Il préfère les hommes aux femmes ou inversement, mais dans
le Qur'ân, quand Il parle de Muhammad ou de Maryam (Marie), Il loue leurs
qualités, tout comme dans le Qur'ân et dans la Sunnah, Il aime et loue les nobles
traits de caractère qui se manifestent chez les hommes comme chez les femmes, et
blâme les mauvais traits de caractère chez les uns comme chez les autres. Il précise

409 Rapporté par Al Bukharî dans son Sahîh n°6830, et par Muslim dans son Sahîh n°1840
sous l’autorité de l’imâm ‘Alî, dans le Livre relatif au gouvernement.
410 Rapporté par Al-Munawî dans Al-Fayd al-Qadîr n°9859, par At-Tabarânî, par Al-Daylamî

dans Musnad al-Firdaws, par Ahmad et aussi par Al-Haythamî dans son Majmâ al-Zawa'id
qui l’a authentifié et déclare : « Il contient Ibn Lahia et son hadith est bon, et le reste des
rapporteurs sont dignes de confiance ».
411 Rapporté dans Tuhfat Al-Mawdûd, p. 26.

245
également qu'Il ne laissera perdre aucun mérite de tous les êtres accomplissant
des bonnes oeuvres, et que les récompenses sont liées aux intentions, aux efforts
et aux difficultés vécus par chacun, indépendamment de leur sexe.

L’importance de l’épouse, et de sa protection, relève du sacré en Islam. Le


Prophète Muhammad ‫ ﷺ‬dit en effet : « Celui qui meurt en défendant sa femme est
un martyr » 412.

Dans un hadîth plus complet : « Celui qui est tué en défendant ses biens, est un
martyr. Celui qui est tué en défendant sa religion, est un martyr. Celui qui est tué en
défendant sa vie, est un martyr. Et celui qui est tué en défendant sa famille, est un
martyr » 413.

D'après Mu'awiya Ibn Jahima : « Ô Messager d'Allâh ! Je veux partir faire la guerre
[contre les combattants ennemis] et je suis venu te demander ton avis. Le Prophète ‫ﷺ‬
a dit : « As-tu une mère ? ». Il a dit : Oui. Alors le Prophète ‫ ﷺ‬a dit : « Accroches-toi à
elle car le paradis est proche de son pied » 414. Et dans la version rapportée par
Ahmad dans son Musnad : « Accroches-toi à elle car le paradis est sous ses pieds ».

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La satisfaction du Seigneur est (aussi) dans la


satisfaction des parents (à condition que cela soit licite), et l’insatisfaction du
Seigneur est dans l’insatisfaction des parents » 415.

Un homme a demandé au Prophète (‫ )ﷺ‬: « Qui mérite le plus ma bonne compagnie


? ». Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Ta mère ». L'homme a demandé : « Et qui ensuite ? ». Le
Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « ta mère ». L'homme a demandé à nouveau : « Et qui ensuite ? ».
Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Ta mère ». L'homme a demandé à nouveau : « Et ensuite qui
? ». Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Ton père » » 416.

412 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4772, et par At-Tirmidhî dans ses Sunân

n°1421.
413 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân selon Sa`îd ibn Zayd.
414 Rapporté par An-Nasâ'î dans ses Sunân n°3104, avec une chaîne sahîh. Dans la version

rapportée par At-Tabarânî, cela concerne aussi le père en plus de la mère.


415 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1899 selon ‘Abdullâh Ibn Amr, chaîne

sahîh.
416 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°5626 et par Muslim dans son Sahîh n°2548

selon Abû Hurayra.

246
Ibn ‘Arabi cite souvent ce hadith où le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les femmes
sont les sœurs jumelles (shaqa’iq) des hommes » 417, qu’on peut aussi traduire et
comprendre comme : « Les femmes sont les semblables (ou égales) des hommes », et
il dit dans un poème dans ses Futûhât (3/87) :

« Les femmes sont les sœurs jumelles des hommes

Dans le monde des esprits comme des corps.

Leur statut est unique

C’est ce qu’exprime le terme « être humain ».

Pour une cause contingente

Le féminin s’est différencié du masculin,

Synthèse primordiale en vertu de

L’Unicité présente dans toutes les essences ».

Ils sont donc égaux et semblables en humanité, de même que par rapport à leur
potentialité spirituelle, mais sur les plans biologiques et psychologiques, il y a (eu)
différenciation dans le monde contingent, impliquant ainsi une complémentarité
entre les deux sexes, d'où le fait que chacun occupe, dans certains cas, des fonctions
spécifiques, et que les différences réelles (même si contingentes) entre leurs deux
identités, sont complémentaires, et non pas supérieures ou inférieures dans
l’absolu, ce qui abolit en principe la volonté de compétition ou de rivalité malsaines
entre eux, - comme on peut le voir dans le monde moderne -, car la femme est
supérieure, égale ou inférieure à l’homme dans certains domaines, et vice versa, et
doivent se compléter.

Tout cela est conforme à la Parole divine :

« Quant à elles, elles ont des droits équivalents à leurs obligations,


conformément à la bienséance (et la convenance reconnue) » (Qur’ân 2, 227).

« Entretenez de bons rapports (et comportez-vous de façon convenable et


digne) avec vos femmes » (Qur’ân 4, 19).

417 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân au Kitâb an-Nikâh, et par At-Tirmidhî dans

ses Sunân selon une chaine authentique.


247
« Allâh commande l'équité, la bienfaisance et l'assistance aux proches, et Il
interdit la turpitude, l'acte blâmable et la tyrannie (et l'injustice) » (Qur’ân 16,
90).

« La bonne action et la mauvaise (action) ne sont pas pareilles. Repousse (le


mal) par ce qui est meilleur (le bien) ; et voilà que celui avec qui tu avais une
animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce privilège) n'est donné qu'à
ceux qui endurent et il n'est donné qu'au possesseur d'une grâce infinie. Et si
jamais le diable t'incite (à agir autrement), alors cherche refuge auprès
d’Allâh ; c'est Lui, vraiment l'Audient, l'Omniscient » (Qur’ân 41, 34-36).

« Adorez Allâh et ne Lui donnez aucun associé. Agissez avec bonté envers vos
père et mère, les proches, les orphelins, les pauvres, le proche voisin, le voisin
lointain, le collègue et le voyageur, et les domestiques sous votre
responsabilité, car Allâh n’aime pas, en vérité, le présomptueux, l’arrogant »
(Qur’ân 4, 36).

« La bonne action et la mauvaise (action) ne sont pas pareilles. Repousse (le


mal) par ce qui est meilleur (le bien) ; et voilà que celui avec qui tu avais une
animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce privilège) n'est donné qu'à
ceux qui endurent et il n'est donné qu'au possesseur d'une grâce infinie. Et si
jamais le diable t'incite (à agir autrement), alors cherche refuge auprès
d’Allâh ; c'est Lui, vraiment l'Audient, l'Omniscient » (Qur’ân 41, 34-36).

« …Parmi Ses signes qu’Il ait créé pour vous à partir de vous-même des
épouses, afin qu’auprès d’elles vous trouviez l’apaisement ; et Il a placé entre
vous mawwada (affection, tendresse) et rahma (miséricorde, amour,
compassion, …) » (Qur’ân 30, 21). Le mariage n’est pas donc là, en islam, pour
rendre malheureux ou pour justifier une vision « totalitaire » et « violente » de la
relation conjugale, mais plutôt celle de l’apaisement, de l’affection, de l’amour et
de la tendresse.

« C’est Lui qui vous a créé d’une âme unique, dont il tira l’épouse, pour que ce
dernier trouvât auprès d’elle la paix… » (Qur’ân 7,189). L’homme et la femme
ont la même origine, et la « séparation » ou « l’émanation » des deux sexes à partir
de l’âme originelle (unique et primordiale), ont pour but l’union (par leur
complémentarité) dans la réalisation de la paix mutuelle.

Cette dimension de complémentarité et de soutien mutuel est évoquée dans le


verset suivant : « Elles sont un vêtement pour vous et vous êtes un vêtement

248
pour elles » (Qur’ân 2, 187). Ce verset aborde la notion de réciprocité et de
complémentarité, d’un soutien mutuel et d’un respect mutuel.

« (…) concertez-vous dans la bonté et la piété » (Qur'ân 58, 9).

« Entraidez-vous dans l'accomplissement des bonnes oeuvres et de la piété et


ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression (et l’agression) »
(Qur'ân 5, 2).

« La bonté pieuse ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant ou le


Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour dernier, aux
Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on
en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et
à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs, d’accomplir la Salât
(prière rituelle) et d’acquitter la Zakât (aumône obligatoire). Et ceux qui
remplissent leurs engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont
endurants dans la misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà
les véridiques et les voilà les vrais pieux » (Qur’ân 2, 177), c’est-à-dire que tout
comme le verset précédemment cité, la bonté pieuse est une obligation morale
universelle et possède une portée générale incluant toutes les catégories de
personne et toutes les classes sociales, où le musulman doit leur manifester de la
bonté et être animé par la confiance en Allâh, la bienveillance à l’égard des
créatures et de leur manifester de la bonté, tout en étant humble et équitable, sans
jamais rompre leurs bonnes promesses et leurs engagements divers
(professionnels, sociaux, familiaux, …).

« Tout ce qui vous a été donné [comme bien] n’est que jouissance de la vie
présente; mais ce qui est auprès d’Allâh est meilleur et plus durable pour ceux
qui ont cru et qui placent leur confiance en leur Seigneur, qui évitent [de
commettre] les péchés les plus graves ainsi que les turpitudes, et qui
pardonnent après s’être mis en colère, qui répondent à l’appel de leur
Seigneur, accomplissent la Ṣalât, se consultent entre eux à propos de leurs
affaires, dépensent de ce que Nous leur attribuons, et qui, atteints par
l’injustice, ripostent. La sanction d’une mauvaise action est une mauvaise
action [une peine nécessaire] identique. Mais quiconque pardonne et réforme,
sa récompense incombe à Allâh. Il n’aime point les injustes ! Quant à ceux qui
ripostent après avoir été lésés, …ceux-là pas de voie (recours légal) contre eux
; Il n’y a de voie [de recours] que contre ceux qui lèsent les gens et commettent
des abus, contrairement au droit, sur la terre : ceux-là auront une correction

249
douloureuse. Et celui qui endure et pardonne, cela en vérité, fait partie des
bonnes dispositions et de la résolution dans les affaires » (Qur’ân 42, 36-43).
Nous voyons ainsi que partout dans le Qur’ân, Allâh ordonne et enjoint la bonté,
l’indulgence, le pardon, l’affection, la réconciliation (quand c’est possible), la
modestie, la concertation, la compassion, la justice, l’équité, le dialogue, la paix, la
générosité, la patience et le respect. Ce verset est aussi très explicite : « Et ne
cherchez pas à leur nuire (ou à leur faire du mal) en les contraignant à vivre à
l'étroit » (Qur’ân 65, 6), qui est une injonction explicite pour ne pas leur rendre la
vie difficile, malaisante, insupportable, étouffante ou désagréable. As-Suyûtî dans
son Tafsîr al-Jalalayn (2/228) dit : « Parmi leurs droits à la bonne conduite, il y a ce
qui est légiféré sur les bonnes conditions de vie, éviter les préjudices et autres choses
similaires ».

Le Qur’ân insiste aussi sur la réciprocité des hommes et des femmes quant à leur
valeur intrinsèque, – leur essence commune -, ainsi qu’aux vertus et aux mérites
qu’ils réalisent et manifestent, ne faisant pas de discrimination : « ... Je ne laisse
perdre l’action d’aucun agissant parmi vous, homme ou femme, en réciprocité
… » (Qur’ân 3, 195), « Les Musulmans et Musulmanes, croyants et croyantes,
obéissants et obéissantes, loyaux et loyales, endurants et endurantes, pieux et
pieuses, donneurs et donneuses d’aumône, jeûnants et jeûnantes, gardiens de
leur chasteté et gardiennes, invocateurs souvent d’Allâh et invocatrices : Allâh
a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur’ân 33, 35) et «
Les croyants et les croyantes sont alliés les uns des autres. Ils commandent le
convenable, interdisent le blâmable accomplissent la Salât, acquittent la Zakât
et obéissent à Allâh et à Son messager. Voilà ceux auxquels Allah fera
miséricorde, car Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 9, 71), ces versets
soulignent à la fois leur « égalité » 418 sur le plan humain comme sur les plans
religieux et spirituel, tout en mettant en exergue leur solidarité et leur
complémentarité dans l’aspiration vers Allâh et les bonnes œuvres.

418L’égalité est un mot galvaudé de nos jours, et devient souvent synonyme d’égalitarisme,
c’est-à-dire un nivellement par le bas qui efface les différences positives, qui radicalise les
discours, ne prend pas en compte les nuances et différences dans les aptitudes et réalités
psychologiques et biologiques, ce qui entraine des déséquilibres, un manque d’équité, et
beaucoup d’abus et de troubles.
250
Section n°16 : Les mérites de la vertu

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Le serviteur atteint par ses vertus le rang de
l’individu jeûnant le jour et passant ces nuits en prière » 419.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Le (véritable) croyant est l’individu dont les gens
ne craignent pas les méfaits » 420.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les plus estimables créatures aux yeux d’Allâh sont
les plus vertueuses » 421,

Le Qur’ân et la Tradition prophétique définissent la « vertu » comme englobant


la pratique de la prière, du jeûne, de la lecture du Qur’ân, du dhikr et les autres
rites, de façon sincère, assidue et humble, ainsi que la réalisation des nobles
caractères tels que la bonté, la charité, la piété, la sagesse, l’humilité, la justice, la
gentillesse, la bienfaisance, l’altruisme, la douceur, l’amour bienveillant, la
courtoisie, l’accomplissement de bonnes œuvres familiales, sociales,
professionnelles, conjugales et autres.

419 Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « le combat intérieur des

véridiques », rapporté aussi par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4798 selon ‘Aîsha dans le
Kitâb Al-Adab au chapitre 7 selon une formulation assez proche ainsi que par l’imâm Mâlik
dans Al-Muwattâ’ dans Husn al-Khuluq, 6.
420 Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « le combat intérieur des

véridiques » sous l’autorité de Anas Ibn Mâlik.


421 Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « le combat intérieur des

véridiques », par al-Bukharî selon une formulation proche dans son Fadâ’îl as-sahaba au
chapitre 27 ainsi que dans son Al-Manâqib chapitre 23, rapporté aussi par Ahmad dans son
Musnad 4/193-194 et aussi par At-Tirmidhî dans ses Sunân 2018, au Kitâb Al-Birr au
chapitre 71 selon Jabir avec une bonne chaîne.

251
Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La (véritable valeur de la) fortune de l’humain ne
réside pas en la possession de nombreux biens, mais en la richesse de l’âme » 422.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Accomplis les devoirs qu’Allâh t’a prescrits ; sois
le plus scrupuleux des hommes ; et aime pour les gens ce que tu aimes pour toi-
même, tu seras vraiment croyant » (Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-
Nafs au chapitre « La sincérité des aspirants », par Ibn al-Jawzî dans "Al-‘ilal al-
mutanâhiya" 2/322, par Al-Muttaqî al-Hindî dans "Kanz al-‘Ummâl" n°43266, par
Al-‘Ajlûnî dans "Kashf al-khafâ’" 1/75, par Al-Zubaydî dans "Ihtâf al-Sâda al-
muttaqîn" 1/462, par Ibn Abî Hâtim Al-Râzî dans "’Ilal al-hadîth" n°1824 et par
d’autres).

L’imâm ‘Alî a dit : « Il est vraiment surprenant que le musulman, lorsque son frère
musulman vient à lui pour une nécessité, ne se sente pas obligé de lui faire du bien ?
Même s’il n’espère pas de récompense (du Paradis) et ne craint pas une punition (de
l’enfer), il devrait se hâter d’agir noblement car les bonnes actions indiquent la voie
du salut ». Quelqu’un lui demanda : « As-tu entendu ces propos de la bouche de
l’Envoyé d’Allâh ? ». Il répondit : « Oui ! Et ce qui est encore meilleur que cela.
Lorsqu’on ramena les prisonniers de Tayyi’, une jeune captive se leva au milieu d’eux
et dit : « Ô Muhammad, puisses-tu me libérer et éviter que les tribus Arabes se
réjouissent de mon malheur ! Je suis la fille du seigneur (chef) de mon peuple. Mon
père protégeait les familles, libérait les captifs, nourrissait les affamés, distribuait la
nourriture, saluait les gens, et n’a jamais renvoyé une personne les mains vides. Je
suis la fille de Hâtim al-Tā’î ». Le Prophète lui dit : « Ô jeune fille, c’est vraiment là une
qualité propre aux croyants ! Si ton père avait été musulman, nous aurions invoqué
la Miséricorde Divine sur lui. Libérez-la ! Son père aimait les nobles traits de
caractère, et Allâh aime les nobles traits de caractère ! ». Abû Burda ibn Niyâr 423 dit
alors : « Ô Envoyé d’Allâh, Allâh aimerait-Il les nobles traits de caractère ? ». Il lui
répondit : « Par Celui qui tient mon âme en Sa Main, seul celui qui a un bon caractère
entrera au paradis ! » » 424. Elle fut renvoyée alors auprès de son frère Adî ibn Hatim

422 Rapporté par At-Tirmidhî dans son Riyâda al-Nafs au chapitre « La sincérité des

aspirants », par Muslim dans son Sahîh au chapître de la Zakâh n°120, par al-Bukharî dans
son Sahîh au chapitre « Al-Tiryâq » chapitre 15, par Ahmad dans son Musnad 2/243, par Ibn
Mâjah dans ses Sunân n°4137 dans le chapitre 9 « Al-Zûhd » selon Abû Hurayra avec une
chaîne sahîh et par d’autres.
423 Abû Burda ibn Niyâr [Ibn ‘Amrū b. ‘Ubayd al-Ansârî] (m. 42 H) : compagnon du Prophète

et l’un des plus célèbres archers de l’armée musulmane.


424 Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ' dans le Kitâb al-ma'îsha wa akhlâq al-

nubuwwa dans le préambule (avant le Bayân 1), voir aussi dans le Takhrij al-Ihyâ' 2/440,
252
at-Tâ'î (Tayy), - qui était hostile au Prophète (‫ )ﷺ‬-, puis quand elle le retrouva, elle
lui conseilla d'embrasser l'Islam car il était probablement, selon elle, le Messager
d'Allâh. Alors il décida d'aller le voir à l'improviste à Médine vers l'an 630 (peu
avant la mort du Prophète), puis le rencontra, l'observa, profita de sa belle
compagnie, vit ses nobles manières et caractères, et comprit qu'il ne se comportait
pas comme un roi, mais comme un Messager et serviteur d'Allâh, humble, juste,
ascète et reconnaissant envers Lui, et finit par embrasser l'Islâm 425.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Ô mon Dieu, embellis ma nature externe et interne
» 426 et : « Ô mon Dieu, écarte de moi les mauvais traits de caractère (munkarāt al-
akhlâq) » 427.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « En vérité, Allâh a enveloppé (haffa) l’Islam dans
les nobles qualités et les belles oeuvres » 428.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les personnes les plus aimées d'Allâh sont celles
qui ont le meilleur caractère » 429.

rapporté aussi par At-Tirmidhî, par Ibn Kathîr dans Al-Bidâya wa al-Nihâya 5/1 dans
l'histoire de Udayy Ibn Hatîm al-Tâ'î, par al-Bayhaqî avec une bonne chaîne également, par
le Shaykh Jamal ad-Dîn Ibn Natabah dans Sarh al-Uyyûn du Sharh de la Rissâla de Ibn
Zaydûn. Sur le contexte de cette parole, voir aussi Ibn Sa'd dans Al-Tabaqat al-kabir 2/202,
Ahmad dans son Musnad, Ibn Qayyim Al-Jawziyya dans Zad al-Ma'ad, Saifur Rahman al-
Mubarakpuri, The Sealed Nectar, Darussalam Publications, 2005, p. 269. Cela eut lieu en l'an
9 de l'Hégire, donc vers la fin de la période médinoise.
425 Voir notamment sa biographie dans Companions of The Prophet de Abdul Wâhid Hâmid,

éd. MELS, 1995, en 2 volumes. Voir aussi Ali ibn al-Athîr dans Usd ul-Ghabah fi marifat al-
Saḥabah 3/393 et Ibn Hajar dans Al-Isaba fi tamyiz al-Sahaba 2/468.
426 Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ' dans le Kitâb al-ma'îsha wa akhlâq
al-nubuwwa, ainsi que par Ahmad.
427 Rapporté par Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ' dans le Kitâb al-ma'îsha wa akhlâq

al-nubuwwa dans le préambule (avant le Bayân 1), rapporté aussi par At-Tirmidhî.
428 Rapporté par l'imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî dans son Ihyâ' dans le Kitâb al-ma'îsha wa

akhlâq al-nubuwwa dans le préambule (avant le Bayân 1), d'après Mû'adh Ibn Jabâl.
429Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh n°486 selon Ussamah Ibn Sharik dans le Livre
de la justice et de la charité avec une chaîne sahîh selon Shû`ayb Al-Arna`ût dans son Takhrîj
du Sahîh Ibn Hibbân.

253
Le Shaykh et pôle spirituel de son temps, le descendant du Prophète (‫)ﷺ‬, l’imâm
‘Abd Al-Qadîr al-Jilânî a dit :

« Je te recommande de fréquenter les riches avec dignité (bi-at-ta'zîz), et les pauvres


avec humilité (bi-at-tadhlîl). Garde l'humilité et la sincérité, autrement dit la
permanente vision du Créateur. Ne critique point Allâh dans [tes réactions envers]
les causes secondes, demeure-Lui humblement soumis dans tous les états.

Ne néglige point le droit de ton frère sous prétexte de l'amitié qui vous unit.

Fréquente les pauvres (fuqarâ) avec modestie, dans le respect des convenances et
avec générosité. Et laisse ta nafs périr jusqu'à ce que la vie [véritable] te soit donnée.

[Souviens-toi que] les créatures les plus proches d'Allâh sont celles qui s'avèrent les
plus magnanimes. (Et que) la meilleure œuvre consiste en la garde (ri'âya) du «
secrêt » (sirr) pour qu'il ne se tourne pas vers « autre qu'Allâh ».

Tiens-toi fermement à la Vérité et à la patience. Que dans ce monde, 2 choses te


suffisent : la compagnie d'un faqîr et le service (hidma) assidu rendu à un walî. Sache
que le faqîr est celui qui ne se contente de rien en dehors d'Allâh. (Et sache que)
l'agression dirigée contre un inférieur est faiblesse, contre un supérieur, une
fanfaronnade, et contre un égal, un mauvais caractère.

La pauvreté et le tasawwuf sont des choses sérieuses. Ne les prends en rien à la légère.

Qu'Allâh nous accorde Sa grâce propice (waffaqanâ) ainsi qu'à tous les musulmans -
âmin ! » 430.

Et tout cela est conforme à la Parole divine, puisque Allâh a dit : « En toute vérité,
Allâh commande l’équité (et la justice), la vertu (et la bienfaisance) et la
générosité (libéralité, assistance) envers les proches, et Il interdit la turpitude,
les actes répréhensibles et la tyrannie » (Qur’ân 16, 90).

« Ceux qui donnent leurs biens en aumône dans l'aisance comme dans la
difficulté, qui contiennent (et dominent) leur colère (et leur rage) et se
montrent indulgents envers les gens : Allâh aime les vertueux (qui sont
bienfaisants) » (Qur'ân 3, 134).

430 Shaykh 'Abd al-Qadir al-Jîlânî, Futuh al-Ghayb (L'accès au Mystère), 70ème discours.

254
« Dis : « Mon Seigneur a commandé l'équité. Que votre prosternation soit
exclusivement pour Lui. Et invoquez-Le, sincères dans votre culte. De même
qu'Il vous a créés, vous retournez à Lui » » (Qur’ân 7, 29).

« (…) accomplis la Salât, commande le convenable, interdis le blâmable et


endure ce qui t’arrive avec patience. Telle est la résolution à prendre dans
toute entreprise ! » (Qur’ân 31, 17).

Section n°17 : Les bénédictions dans la famille

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Si Allâh souhaite la bonté pour une maison, Il


laisse la douceur venir sur eux » 431.

C’est-à-dire que le signe de la Satisfaction divine sur une famille, est que cette
famille vive dans la compassion, la bonté et la douceur, que ce soit envers l’épouse
ou l’époux, les parents ou les enfants.

Ces qualités forment l'ambiance idéale pour une famille dans la perspective
islamique, et les croyants doivent s'efforcer de les réaliser autant que possible.

Allâh a dit : « (…) concertez-vous dans la bonté et la piété » (Qur'ân 58, 9).

« Entraidez-vous dans l'accomplissement des bonnes oeuvres et de la piété et


ne vous entraidez pas dans le péché et la transgression » (Qur'ân 5, 2).

431 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23906 selon ‘Aîsha.
255
Section n°18 : Les « esseulés » et les « évocateurs » d’Allâh

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « « Mettez-vous en route car les esseulés, ceux


qui remuent (al-muhtazzûna) au Souvenir d’Allâh, vous ont déjà précédés ». On
demanda alors (au Prophète) qui étaient les esseulés. Il (‫ )ﷺ‬dit : « Ce sont ceux qui
aiment éperdument l’invocation et l’évocation d’Allâh, laquelle les soulage des
lourdeurs (de ce bas-monde) dont ils souffrent. C’est ainsi qu’ils rencontreront Allâh
le Jour de la Résurrection, avec un cœur léger » 432. Le Dhikr englobe les notions de
rappel, d’invocation, d’évocation, de connaissance, de souvenir et de méditation,
c’est-à-dire tout ce qui actualise la Présence divine et les vertus dans la conscience
et dans le « cœur » de la personne qui s’y adonne.

Dans la version rapportée par Muslim dans son Sahîh, les « esseulés » étaient
définis comme « ceux qui s’absorbent totalement dans le Souvenir d’Allâh (al-
mustahtirûna) ».

L'imâm Al-Kalabadhî commente ce hadîth dans son Kitâb at-ta’arruf li-madhhab


ahi al- Taṣawwuf : « L'esseulé est celui qui est délivré de l'ego par l'extinction de celui-
ci. Il est l'élu, le Rapproché qui ne connait que la Réalité Divine ».

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les mufaridûns ont dépassés les autres ». Les
compagnons ont dit : Ô Messager d'Allâh, qui sont les mufaridûns ? Le Prophète
Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Ceux qui font beaucoup de dhikr, hommes et femmes » » 433.

432 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3945 selon Abû Hurayra avec une bonne

chaîne, par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr, par Al-Munawî dans Sharh Manâzil al-sâ’irîn
fol.24 et dans Fayd al-Qadîr 4/121 n°4651, An-Nawawî dans son Sharh Sahîh Muslim
n°1436 et d’autres.
433 Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2676 ou 6984 selon les éditions, selon

Abû Hurayra.
256
Ce hadîth a été prouvé par l’expérience de nombreux disciples et maîtres, et nous
l’avons expérimenté aussi, Loué soit Allâh pour ce bienfait ! Quelle beauté, quelle
splendeur et quel apaisement, que d’assister à des cercles de dhikr (évocation et
invocation), où Allâh est loué par Ses plus beaux Noms, au point d’expérimenter
des états spirituels puissants qui rendent tout ce bas-monde insignifiant face à
Lui !

Pour le mouvement qui peut accompagner le Dhikr, il est apprécié, parce qu’il
stimule le corps dans l’accomplissement du rituel de l’évocation. Il est légalement
permis ; la preuve en a été donnée par l’Imam Ahmad dans son Musnad et al-Hâfiz
al-Muqaddasî d’après ce témoignage de Anas : « Les abyssins dansaient devant
l’Envoyé d'Allâh (que la paix et le salut soient sur lui) en disant dans leur langue :

- Muhammad est un serviteur (de Dieu) vertueux.

- Que disent-ils ? demanda le Prophète.

- Ils disent : Muhammad est un serviteur (d’Allâh) vertueux ».

Quant aux gens de la Voie, ils pensent même que cela est souhaitable,
conformément à la parole suivante du Prophète — sur lui la Grâce et la Paix —,
citée par l’auteur de la Nusra : « N’est pas noble qui ne remue pas à l’invocation du
Bien-aimé » 434.

« Seuls sont croyants ceux dont le coeur frémit lorsqu’Allâh est mentionné. Et
lorsque Ses versets leurs sont récités, leur foi augmente » (Qur’ân 8, 2).

A condition évidemment que ces mouvements soient naturels ou rythmés de


façon modérée, sans mouvements désordonnés et violents, - mais ceux qui ne
peuvent pas se contenir s’ils vivent des états extatiques intérieurement puissants
sont excusés -. Ibn al Qayyim dans son Madârij as-Sâlikîn a dit : « Il y a divergence
au sujet du balancement (tawâjud) : est-il permis ou non ? Les savants se sont ici
partagés en deux catégories. Les uns ont dit que cela ne convenait pas d’un point de
vue juridique de par le fait que ce soit une manière de montrer avec peu de naturel
et de feindre être ou détenir ce que l’on n’a pas. Quant aux autres, ils ont dit que cela
convenait d’un point de vue juridique, mais uniquement pour la personne sincère et

434 Rapporté par le traditionniste Muhammad Ibn Tâhir al-Maqdisî.

257
réellement affectée par des sens spirituels profonds. Le Prophète (‫ )ﷺ‬a ainsi dit : «
Pleurez, et si vous ne pleurez pas, provoquez la venue des pleurs ».

Ce qui veut donc dire que, d’une part, si celui qui se balance en feignant être ce qu’il
n’est pas, dans le but d’accéder à quelque chose, ou bien par suivi de ses passions et
de sa nafs, alors cela ne convient pas juridiquement. En revanche, si celui qui se
balance le fait dans le but de déclencher ou provoquer en lui un Hâl, ou un maqâm
en présence divine, alors ceci est juridiquement convenable… et cela se détermine
selon la personne se balançant, c’est-à-dire en fonction de ce qu’on connaît de lui en
matière de sincérité et d’ikhlâss (…) Si le balancement (tawâjud) était permis ou
recommandé pour l’ensemble des gens de ce bas-monde guidés par leurs passions,
plus personne ne goûterait à la saveur ni à l’allégresse de la réunion des coeurs avec
Allâh, ni au désir profond de Sa rencontre. Et cela, ne peut le croire que la personne
qui y a goûté, car ne peut l’accepter que celui qui a vu briller en lui ce qui brille en toi.
Et qu’Allâh récompense celui qui a dit : « Oh mon ami, ne vois-tu pas leur feu ?», il
répondit : « tu vois ce que je ne vois pas, la flamme (de l’Amour ardent) a apaisé ta
soif mais pas la mienne » et tu as pu voir de ton coeur ce que je ne peux percevoir » ».

Pour lui donc, cela est permis pour les gens sincères et pieux. Un récit relate aussi
que : « Le Prophète (‫ )ﷺ‬et ses compagnons se sont balancés en faisant le dhikr comme
se balancent les palmiers dans une nuit de vent » 435. Il ne s'agit pas ici de danse au
sens profane, mais de mouvements extatiques ou « sacrés » (mais dont certains
pseudo-sufis exagèrent et les ont déformés violemment), mais de moyen, et qui
n'est pas non plus obligatoire.

L’imâm An-Nawawî a dit dans son Sharh Sahih Muslim qu'une autre narration dit
: « Ce sont ceux qui tremblent ou sont émus à la mention ou au souvenir d'Allâh (hum
al-ladhina ihtazzu fi dhikrillah) » c'est-à-dire, Ils sont devenus fervemment dévoués
et attachés à Son souvenir ».

Al-Mundhiri a dit dans al-Targhib wa al-tarhib : « Ceux qui sont déterminés et ceux
qui sont éperdus du dhikr et en sont humiliés (en s’effaçant) : ce sont ceux qui sont
incendiés par le souvenir d'Allâh ».

435Rapporté par l'imam Ibn `Asakir dans son Târîkh Dimashq, par Ibn Kathîr dans Al-
Bidâya wa an-Nihâya, par Abû Nu`aym dans son Hilyat al Awliyâ 1/76 et 10/388 ;
certaines chaines sont faibles mais d'autres sont bonnes, et se renforcent et corroborent
d'autres récits.
258
A propos du dhikr collectif (en groupe et à voix haute), rien ne l’interdit non plus,
et plusieurs ahadîths instituent cette pratique. Il est rapporté que le Prophète
Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Il n’y a pas un peuple qui s’est assis dans une assemblée pour
évoquer Allâh et qui ensuite se lève, sans qu’il leur soit dit : « Levez-vous ! Allâh vous
a pardonné et Il a changé vos fautes en bonnes actions » » 436.

Abû Sa’îd Khudrî relate que Mu’awiyyah est venu vers un groupe de personnes
dans la mosquée et a dit que le Prophète (‫ )ﷺ‬est venu à la mosquée et a demandé
à un groupe de personnes : « Pourquoi êtes-vous assis ? ». Ils ont dit : « Nous sommes
assis (et réunis) ici en nous souvenant d'Allâh et nous Lui rendons grâce pour Sa
faveur de nous guider vers l'Islâm ». Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « vous jurez que c'est ce
qui vous a poussé à vous asseoir ici ? ». Ils ont dit : « Par Allâh, nous sommes assis ici
uniquement dans ce but ». Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Je ne vous ai pas fait jurer en
raison d’un quelconque doute, mais la vérité est que (l’ange) Jibrîl est venu et m'a dit
qu'Allâh exprime Sa Satisfaction (et Son Agrément) sur vous devant les anges » 437.

D'après Abû 'Uthmân rapporte que Salmân Al Farisî était en compagnie d'un
groupe de personnes qui faisaient le rappel d'Allâh (dhikru-Llâh). Le Prophète (‫)ﷺ‬
est passé vers eux et s'est approché doucement. Lorsqu'il fut proche d'eux, ils se
sont tus par respect envers le Prophète (‫)ﷺ‬. Alors le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Que
disiez-vous ? J'ai certes vu la miséricorde (d'Allâh) descendre sur vous et j'ai souhaité
être votre associé dans cette miséricorde » 438.

Allâh a dit dans un hadîth qudsi : « Les gens de Mon Rappel sont les gens de Mon
Assise. Les gens de Mon obéissance sont les gens de Mon Honneur. Quant aux gens de
Ma désobéissance, Je ne les chasse pas de Ma Miséricorde. S'ils se repentent, Je suis
leur Bien-aimé, et s'ils ne se repentent pas, Je suis leur Médecin, Je les éprouve (alors)
pour les purifier de leurs défauts » 439.

Une assemblée consiste en une activité basée sur un groupe d’individus faisant
la même chose, ou réunit dans le même but. Et cela est très méritoire selon de

436 Rapporté par Abû Ya’la dans son Musnad, Al-Bazzâr dans son Musnad, At-Tabarânî, Al-

Bayhaqî selon Abdallah ibn Maghfal et Sahl ibn Handhala.


437 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2075 et 2701, par Ahmad dans son Musnad 4/92,

par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3379, par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°5426, par Ibn
Hibbân dans son Sahîh 3/95 n°813, par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Kabîr 19/311 n°701,
par Ibn Abi Shaybah dans son Musannaf 6/59 n°29469 et d’autres.
438 Rapporté par Al Hakim dans son Mustadrak 1/198 n°419 qui l'a authentifié et l'imâm

Ad-Dhahâbî l'a authentifié également.


439 Rapporté par Ibn Rajâb al-Hanbalî dans Tahqîq kalimat al-Ikhlâs.

259
nombreux ahadiths, et le Qur’ân est général aussi à ce sujet et ne contient aucune
interdiction.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬est sorti vers ses compagnons et leur a dit : « Ô vous les gens ! Il
y a des escadrons d’anges qui descendent et s’arrêtent aux assemblées de Dhikr sur
terre, empressez-vous vers les jardins du paradis », ils dirent : « Et où sont les jardins
du paradis ? ». Il dit : « Ce sont les assemblées de Dhikr, allez-y matin et soir et
rappelez-vous à vous-même, celui qui veut savoir son degré auprès d’Allâh, qu’il
regarde quel est le degré d’Allâh auprès de lui, le serviteur s’éloigne de Lui autant
qu’il s’en éloigne en lui-même (en oubliant de Le mentionner) » 440. Or, si le dhikr
n’était autorisé qu’à titre individuel, parler « d’assemblée » et d’endroit (groupé)
prévu pour cela n’aurait aucun sens. Le dhikr collectif est donc bien institué en
islam, en plus du fait que rien n’interdit cette pratique juridique fondée sur un acte
cultuel institué islamiquement (le dhikr).

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Lorsque vous passez devant les jardins du Paradis,
broutez comme vous le souhaitez ». Ils ont dit : « Quels sont les jardins du Paradis ? ».
Le Prophète a dit : « Les Cercles (et les assemblées) de Dhikr » 441.

Les ahadiths à ce sujet sont nombreux, et comme le déclare l’imâm As-Suyûtî


dans Al Hawi lil Fatawi (1/422) : « Il n’y a rien du tout qui soit réprouvé dans cela.
De nombreux ahadiths du Prophète (‫ )ﷺ‬ont en fait suggéré que le dhikr en groupe et
à voix haute est recommandé. Il y a aussi des ahadiths qui justifient (dans certains
cas) le dhikr silencieux. Ces deux points de vue sont corrects par rapport à la nature
variable des individus (et des situations) ». Et pour beaucoup de musulmans, le
dhikr collectif renforce leur amour pour Allâh, leur aspiration spirituelle et apaise
leur cœur.

Si le Jihâd armé en vue de combattre l’injustice et de défendre ses biens, sa


famille, sa religion ou sa patrie, relève de la nécessité et possède ses mérites, ce
n’est pas là le but recherché en Islam, car le plus grand Jihâd est celui de purifier
son âme, comme l’indique le hadîth suivant où le Prophète répondit a dit à Abû
Sa’id al-Khudrî : « Même si quelqu’un frappe les mécréants et les idolâtres (qui vous

440 Rapporté par Ibn Abi Dunya, Abû Ya’la, al-Bazzâr dans son Musnad, At-Tabarânî, Al-
Bayhaqî, et Al Hakîm qui déclare que la chaine est authentique, selon Jabir.
441 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3510 selon Anas Ibn Mâlik par une bonne

chaîne, par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr n°853.

260
combattent) avec son épée jusqu’à ce qu’elle casse, et qu’il est entièrement teint de
leur sang, les gardiens du souvenir d’Allâh sont un degré au-dessus de lui » 442.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Voulez-vous que je vous dise quelles sont vos meilleures
oeuvres, quelles sont celles qui sont les plus pures et les plus agréés auprès de votre
Seigneur, celles qui élèvent très haut votre degré, celles qui vous rapportent plus de
récompense que de dépenser votre or et votre argent au service d’Allâh ou prendre
part au jihâd en tuant (le combattant ennemi) ou en se faisant tuer dans la voie
d’Allâh ? ». Ils dirent : « Nous voulons bien ». Il dit : « C’est l’invocation d’Allâh » 443.

Dans un autre hadîth ayant le même sens : « Le Prophète (‫ )ﷺ‬fut interrogé sur les
serviteurs qui occuperont les plus hauts degrés auprès d’Allâh le Jour de la
Résurrection. Il répondit : « Ceux qui invoquent et évoquent Allâh abondamment
» » 444.

« Dis : « Allâh », puis laisse-les divaguer dans leurs vaines disputes » (Qur'ân 6,
91).

Ce verset constitue un fondement qu'évoquer Allâh par Son Nom d'Essence est
permis, car Il le dit explicitement, or l'évocation est le contraire de l'occupation
futile, ce qui renforce encore cette permission.

Le Shaykh Ad-Darqawî a dit dans An-Nûr al-mabghî fî rasâ’il wa ash’âr : « Ce dikhr


qui est l’invocation du Nom de Majesté — Allâh — possède en effet une lumière par
laquelle il surpasse toutes les invocations. C’est son pouvoir qui gouverne tous les
Noms divins, car il est le Nom de l’Essence rassemblant tous les Noms et tous les
Attributs. Allâh en a fait allusion en disant : « Dis : « Allâh », puis laisse-les divaguer
dans leurs vaines disputes » (Qur’ân 6 Al-An’âm, 91) et Abû Madyan al-Gawth a dit :
Dis : Allâh, et laisse l’Univers et tout ce qu’il contient,

Si ton désir est d’atteindre la perfection.

442 Rapporté par Ahmad dans son Musnad 3/75, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3376,
par Al-Baghawî dans Sharh al-Sunnah 5/195, par Ibn Kathir dans son Tafsir 6/416 par Al-
Munawî dans Fayd al-Qadîr 3/150 n°2886 et d'autres.
443 Rapporté par Ahmad, Ibn Mâjah, At-Tirmidhî, Ibn Abi ad-Dûnya, al-Hakim, Ad-Dhahabî,

Al-Bayhaqî, As-Suyûtî dans al-Jami’ al-Saghîr sous l’autorité d’Abû ad-Dardâ’, par Ahmad qui
le relate de Mû’adh ibn Jabal.
444Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°11899, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3803
avec une bonne chaîne sous l’autorité d’Abû Sa’îd al-Khudrî.
261
Tout ce qui n’est pas Allâh, si tu le vérifies,

Est néant (‘adam), globalement comme en détail ».

D’autres ahadiths sur l’importance du dhikr :

« L'Heure ne viendra pas tant qu'il y aura sur terre quelqu'un pour dire : Allâh, Allâh
» 445. Ici il s'agit du Dhikr Allâh (entre autres).

« Ô Messager d’Allâh ! Les prescriptions de l’Islam sont trop nombreuses pour moi,
donne-moi une chose à laquelle je puisse m’attacher ». Il lui dit : « Que ta langue ne
cesse d’être imbibée par l’évocation d’Allâh » 446.

« Celui qui pratique l’évocation d’Allâh au milieu des insouciants est comparable à
celui qui fait face au combat au milieu de ceux qui fuient » 447.

« On demanda au Prophète quel type de combattants aura la plus grande


récompense. Il dit : « Ceux qui évoquent et invoquent le plus Allâh le Très-Haut ». On
l’interrogea alors sur la prière (salât), la zakâh, le hajj, l’aumône, il répondit à chaque
fois : « Ceux qui évoquent et invoquent le plus Allâh le Très-Haut ». Alors Abû Bakr dit
à ‘Umar : « Ô père de Hafsa, les évocateurs ont amassé tout le bien ! ». L’Envoyé
d’Allâh ajouta alors : « Exactement ! » » 448.

Frithjof Schuon au sujet du « Dhikr » et du « Nom suprême » : « Quand on entre


dans une forêt, on a le sentiment d’être entouré par le silence, et l’âme tend à
demeurer silencieuse ; il est vrai que les oiseaux chantent, mais c’est de la musique
céleste ; ce qui est humain par contre s’éteint dans le silence de la forêt (1). De même
quand on entre dans un sanctuaire : on ressent tout d’abord le désir de se taire ; c’est
comme si le saint silence de cet endroit sacré nous submergeait. Ceci indique
d’ailleurs que la forêt est un sanctuaire naturel ; elle ne peut être rien d’autre. Et il
en est de même, et avant tout, du Nom suprême, dans lequel nous pénétrons lors de
l’invocation, et lequel nous entoure comme un espace divin ; là, tout enchaînement

445 Rapporté par al-Muttaqî’ dans le Kanz al-Ummal n°38485, par l’imâm Ahmad, par Ibn

Arabî et d’autres.
446 Rapporté par al-Hakîm dans Al-Mustadrak n°1822 selon ‘Abdallâh Ibn Busr, sahîh, et

rapporté aussi par At-Tirmidhî, Ibn Hibbân et Ibn Mâjah.


447 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°148 d’après Anas Ibn Mâlik, par At-Tirmidhî

dans ses Sunân n°2207 avec une chaîne sahîh, par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Kabîr,
par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr n°4310 selon Ibn Mas’ûd, sahîh.
448 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°15853 sous l’autorité de Mû’adh Ibn Jabal, par

Al-Haythâmî dans Majmâ’ al-Zawâ’îd n°14188 qui le considère comme bon.


262
des pensées s’arrête, l’âme doit se taire. Et ce silence n’a rien de contractant ; il est au
contraire un espace illimité et libérateur. Lâ ilâha illa Llâh» 449.

Le Qur’ân confirme l’importance et les mérites du Dhikr en maints endroits,


comme :

« La prière éloigne l'homme de la turpitude et des actions blâmables, mais


l'évocation du Nom d’Allâh est ce qu'il y a de plus grand » (Qur’ân 29, 45).

« ...invocateurs (et évocateurs) souvent d’Allâh et invocatrices (et évocatrices)


: Allâh a préparé pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur’ân 33,
35).

« Est-ce que celui dont Allâh ouvre la poitrine à l'Islâm et qui détient ainsi une
lumière venant de Son Seigneur (…) » (Qur’ân 39, 22).

« Souvenez-vous de Moi et Je me souviendrai de vous » (Qur’ân 2, 152).

« Ceux qui, debout, assis, couchés sur leurs côtés, invoquent (et évoquent)
Allâh » (Qur’ân 3, 191).

« Ô vous qui croyez ! Evoquez Allâh d'une façon abondante et glorifiez-Le à la


pointe et au déclin du jour » (Qur’ân 33, 41-42).

« Ceux qui ont cru, et dont les cœurs s'apaisent à l'évocation d'Allâh. N'est-ce
pas que par l'évocation d'Allâh que s'apaisent les cœurs ? » (Qur’ân 13, 28).

« Rappelle-toi le Nom de ton Seigneur et consacre-toi totalement à Lui » (Qur’ân


73, 8).

« C’est Lui qui a fait descendre la « sakîna » (la sérénité ; la grande Paix) dans
les cœurs des croyants afin qu’ils ajoutent une foi à leur foi. A Allâh
appartiennent les armées des cieux et de la terre; et Allâh est Omniscient et
Sage » (Qur’ân 48, 4).

« Allâh a très certainement agréé les croyants quand ils t’ont prêté le serment
d’allégeance sous l’arbre. Il a su ce qu’il y avait dans leurs cœurs : Il a alors fait
descendre sur eux la « sakîna » et Il les a récompensés par une victoire proche »
(Qur’ân 48, 18). Même si cela s’adresse en premier lieu aux Compagnons, la Sakîna

449Frithjof Schuon, De tout coeur et en l’esprit - Choix de lettres d'un Maître spirituel, éd.
L’Harmattan, 2015.
263
et la victoire ont un rapport avec la spiritualité et sa réalité intemporelle pour
toutes les personnes qui actualisent la foi et revivifient Son Souvenir et s’ouvrent
à Sa Présence par le dhikr, jusqu’à purifier leur cœur et acquérir l’illumination
spirituelle (al fath).

Ibn Al Qayyim a dit dans al-Wabil as-Sa'ib (pp. 52-53) : « Il n'y a pas de doute que
le coeur s'oxyde, tel le cuivre et l'argent. Son polissage est le Dhikr, qui le rendra
comme un miroir resplendissant. L'oxydation du coeur est dû à l'insouciance et les
péchés. Son polissage se fait au moyen de deux actions ; le repentir, et le Dhikr. Si le
coeur d'une personne est nuageux, la réflexion des images ne seront pas clairs, il
verra la fausseté comme vérité et la vérité dans l'image de la fausseté (Batil). Quand
il y a trop d'oxydation sur le coeur, le cœur sera obscurci, et dans l'obscurité, les
images de la vérité et de la réalité n'apparait certes jamais. La meilleure façon de le
polir est par le Dhikr d'Allâh. (…) Si un croyant veut être guidée, il doit chercher une
personne qui fait partis des gens du Dhikr. S’il trouve une personne parmi les gens du
Dhikr, gardant le Dhikr continuellement, et qui suit la Sunnah du Prophète (‫)ﷺ‬, il se
doit de rester proche de lui (…) Il n'est pas de plus immense besoin pour les âmes que
de connaître leur Créateur, de L'aimer, de L'évoquer, de s'en réjouir, et de se
rapprocher de Lui… ».

Comme le rappelait aussi le Shaykh ‘Abd al-Wahîd Yahya (René Guénon) : « [...]
le dhikr qui dans l'ésotérisme islamique s'applique à des formules rythmées
correspondant exactement aux mantras hindous, formules dont la répétition a pour
but de produire une harmonisation des divers éléments de l'être, et de déterminer des
vibrations susceptibles, par leur répercussion à travers les séries des états, en
hiérarchie infinie, d'ouvrir une communication avec les états supérieurs, ce qui est
d'ailleurs d'une façon générale, la raison d'être essentielle et primordiale de tous les
rites » 450.

L'imâm Ahmad Ibn Atâ'i-Llâh a dit dans son Miftah al-Fallah : « Le dhikr est un
sultan, à chaque fois qu'il descend en un lieu, il annonce sa présence grâce à ses
trompettes et ses tambours. Lorsqu'il apparaît, il s'oppose à tout excepté Le Vrai (al-
Haqq), il s'attache à anéantir ce qui s'oppose à Lui, comme l'eau éteint le feu sur son
passage ».

450René Guénon, Symboles fondamentaux de la science sacrée, Chap.7 : La langue


des oiseaux, éd. Gallimard, 2010.
264
Parmi les vertus du dhikr, citons l’évocation d’Allâh en elle-même, le fait de
purifier sa bouche et d’éviter de proférer des malédictions, des insanités, des
injures, des paroles futiles ou blâmables. De même, il y a l’apaisement du cœur, la
cessation (au plus le dhikr est intense) des pensées futiles, malsaines, mauvaises
et dérangeantes. L’éducation de l’âme qui produit de belles vertus et suscite les
saines inspirations, et enfin, pour les plus avancés dans la voie, la présence d’états
spirituels puissants, la gratification de dévoilements et visions d’ordre spirituel, le
soulagement des maux de l’âme et la contemplation du Seigneur.

Grâce au Dhikr, on s'occupe intelligemment avec Allâh et on évite de causer du


tort aux gens ou d'être accablé ou intoxiqué par leur négativité. Tout cela procure
lumière et bénédiction, Loué soit-Il !

265
Section n°19 : Être utile aux gens et soulager les peines des gens

Ibn ‘Umar rapporte qu’un homme est venu trouver le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬et lui
dit : « Ô Messager d’Allâh ! Quels sont les personnes ainsi que les actions qu’Allâh
aime le plus ? ». Le Messager d’Allâh dit : « les gens les plus aimés par Allâh sont ceux
qui sont les plus utiles (et bénéfiques) aux autres et les actions les plus aimées par
Allâh sont celles qui participent à donner de la joie à un musulman, soit en le
soulageant d’une détresse, en remboursant une dette à sa place ou en soulageant sa
faim. En fait, si je marche avec un frère pour quelque affaire qu’il a, cela m’est plus
souhaitable que de faire une retraite spirituelle dans cette mosquée (celle de Médine)
pendant 1 mois. Quiconque ravale sa colère, alors Allâh cachera ses fautes.
Quiconque réprime sa rage, même s'il peut satisfaire sa colère s'il le souhaite, alors
Allâh sécurisera son cœur le Jour de la Résurrection. Quiconque marche avec son
frère en ce qui concerne un besoin jusqu'à ce qu'il le lui assure, alors Allâh l'Exalté
rendra son pied ferme sur le pont le jour où les semelles seront secouées » 451.

Parfois, sans que l'on s'y attende, Allâh nous fait parvenir Ses dons et Ses faveurs
à travers des personnes, - parfois même de « parfaits inconnus » -, et il nous arrive
de penser que l'on ne mérite pas toute cette bonté ou Ses faveurs compte tenu de
nos péchés ou de nos faiblesses. Mais il faut bien garder ceci à l'esprit : même si
l'on pense n'avoir rien fait méritant Ses dons, ces cadeaux seraient de toute façon
une faveur d'Allâh que le croyant doit accepter avec humilité et gratitude envers
Lui.

De même, le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La meilleure action est que tu


rendes ton frère (ou ta soeur) croyant joyeux ou que tu acquittes sa dette ou que tu
lui donnes à manger du pain [tu le nourris] » 452.

451 Rapporté par At Tabarânî dans al-Muʻjam al-Awsaṭ n°6192, chaîne sahîh.
452 Rapporté par Al-Bayhaqî d’après Abû Hurayra.
266
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit également : « En vérité, Allâh a des gens pour qui
Il a attribué des bénédictions à Ses serviteurs. Il consolide leurs bénédictions tant
qu'ils les offrent aux autres. S'ils refusent de les donner, il les enlève et les dirige vers
les autres » 453.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui soulage un croyant d'un souci (ou
d'une peine) parmi les soucis (ou les peines) de l'ici-bas Allâh le soulage d'un souci
(ou d'une angoisse) parmi les soucis du Jour du Jugement. Celui qui accorde une
facilité à son débiteur, Allâh lui facilite dans l'ici-bas et dans l'au-delà. Celui qui
couvre un croyant, Allâh le couvre dans l'ici-bas et dans l'au-delà. Allâh aide le
serviteur tant que le serviteur aide son frère. Celui qui emprunte un chemin par lequel
il recherche une science, Allâh lui facilite par cela un chemin vers le paradis. Et aucun
groupe ne se rassemble dans une maison parmi les maisons d'Allâh (mosquées,
madrassa) afin de lire le Qur'ân et de l'enseigner entre eux sans que la quiétude ne
descende sur eux, sans que la miséricorde ne les englobe, sans que les anges ne les
entourent et sans qu'Allâh ne les mentionne auprès de ceux qui sont auprès de Lui. Et
celui dont ses œuvres l'ont retardé ne sera pas avancé par sa lignée » 454.

Et enfin, le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Celui qui vient au secours d’une personne en
détresse, Allâh lui retirera une peine parmi les peines du Jour de la résurrection » 455.

Allâh a dit : « Craignez donc Allâh autant que vous le pouvez ! Écoutez,
obéissez, faites l'aumône, dans votre propre intérêt, car ce sont ceux qui se
prémunissent contre leur propre avarice qui seront les bienheureux » (Qur’ân
64, 16).

« Ceux et celles qui font la charité et qui ont fait à Allâh un prêt sincère, cela
leur sera multiplié et ils auront une généreuse récompense » (Qur’ân 57, 18).

« Et ils t’interrogent au sujet des orphelins. Dis : « Leur faire du bien est la
meilleure action. Si vous vous mêlez à eux, ce sont alors vos frères [en religion].
Allâh distingue celui qui sème le désordre de celui qui fait le bien » (Qur’ân 2,
220).

« Les vertueux boiront d'une coupe dont le mélange sera de camphre, d'une
source de laquelle boiront les serviteurs d'Allah et ils la feront jaillir en

453 Rapporté par Al-Bayhaqî dans Shû’ab al-Imân n°7144 selon Ibn 'Umar, avec une bonne
chaîne.
454 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2699.
455 Rapporté par Ahmad dans son Musnad.

267
abondance. Ils accomplissent leurs voeux et ils redoutent un jour dont le mal
s'étendra partout, et offrent la nourriture, malgré son amour, au pauvre, à
l'orphelin et au prisonnier (disant) : « C'est pour la Face d'Allâh que nous vous
nourrissons : nous ne voulons de vous ni récompense ni gratitude. Nous
redoutons, de notre Seigneur, un jour terrible et catastrophique ». Allâh les
protégera donc du mal de ce jour-là, et leur fera rencontrer la splendeur et la
joie, et les rétribuera pour ce qu'ils auront enduré, en leur donnant le Paradis
» (Qur’ân 76, 5-12).

Section n°20 : Les mérites des êtres secrets, pieux et innocents

« Un jour ‘Umar ibn Al-Khattâb entra dans la mosquée où il trouva Mû’âdh Ibn
Jabal assis près de la pièce du Prophète (‫ )ﷺ‬qui donne dans la Mosquée. Comme
Mû’âdh pleurait, ‘Umar lui demanda : « Qu’est ce qui te fait pleurer, Ô Abû
Abdurahmân ? Est-ce que ton frère a péri ?». Il répondit : « Non mais il s’agit d’un
hadith que j’ai entendu dans cette mosquée de la bouche de mon bien-aimé (le
Prophète) ». 'Umar lui demanda : « Quel est-il ? ». Mû’âdh dit : « Ce hadith disait : «
Allâh aime les hommes secrets, bien avertis, pieux et innocents, à qui on ne prête pas
attention lorsqu’ils sont absents et qu’on ne reconnaît pas lorsqu’ils sont présents.
Leurs coeurs sont les flambeaux de la guidance. Ils sortiront indemnes de toute
discorde sombre et aveuglante » » 456.

De ce hadîth, on en déduit les mérites de la discrétion, du recueillement, de se


tourner vers Allâh, d’avoir un cœur tourné vers Allâh, pur, sincère, humble, doux,
sans haine, ni injustice, ni ressentiment, et le fait de ne pas prendre part aux
troubles et aux discordes. Ils sont des bien-guidés d’Allâh, du nombre des
« Rapprochés » et des « Véridiques ».

« Quiconque obéit à Allâh et au Messager… ceux-là seront avec ceux qu’Allâh a


comblés de Ses bienfaits : les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les
vertueux. Et quels bons compagnons que ceux-là ! » (Qur’ân 4, 69).

456 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak n°4, sahîh, par Ibn Al-Qayyim al Jawziyya,

dans Madarij as salikîn et d’autres.


268
Section n°21 : Renoncer à ce bas-monde tout en préservant les gens
de son mal

Un homme est venu vers le Prophète (‫ )ﷺ‬et a dit : « Ô Messager d'Allâh, dirige-
moi vers un acte qui, si je le fais, [amènera] Allâh à m'aimer moi et à me faire aimer
des gens ». Alors il (‫ )ﷺ‬a dit : « Renonce au monde et Allâh t’aimera, et renonce à ce
que les gens possèdent et les gens t’aimeront » 457.

Celui qui renonce à ce bas-monde, Allâh devient Sa Lumière, Son Compagnon et


il a alors tout gagné, car Allâh est L’appui éternel, la Source inépuisable de
Bénédictions et Son Amour comble toutes nos attentes et dissipe toutes les
angoisses et les souffrances de ce bas-monde, et quand les gens s’aperçoivent que
l’on ne convoite pas leurs richesses, leurs titres et rangs d’ordres social ou
politique, nous cessons d’être des « ennemis » à leurs yeux.

« Lorsque l’Envoyé d’Allâh mourut, les Compagnons (du Prophète) se réunirent. Un


homme à la barbe grise, au corps grâcieux, les dépassant tous par la taille, entra et
pleura. Il se tourna ensuite vers les Compagnons et déclara : « Il y a en Allâh le Très-
Haut une consolation contre toute calamité, une compensation pour tout ce qui
manque, un remplacement de (pour) tout ce qui a disparu. C’est vers Allâh le Très-
Haut que vous devez vous tourner, c’est Lui que vous devez supplier, Son Regard
protecteur est sur vous pendant l’épreuve, regardez donc vers Lui ! Celui qui est
atteint par le malheur est seulement celui qui n’a pas été consolé ». Abû Bakr et ‘Alî
prirent la parole (et dirent) : « Celui-ci (qui prononça ces paroles) est Al-Khidr ! »
» 458.

457 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4102 avec une bonne chaîne, par An-Nawawî
dans son recueil des 40 ahadiths n°31 et dans dans Riyâd as-Salihîn n°471.
458 Rapporté par Al-Hâkim dans son Al-Mustadrak rapporte d’après Jâbir.

269
Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Le Musulman est celui dont les gens sont
épargnés du mal de sa langue et de sa main et le croyant est celui dont les gens ont
confiance en ce qui concerne leur vie et leur biens matériels » 459.

Cela signifie que le plus bas degré (celui du musulman) doit consister, a minima,
dans le fait de ne pas insulter, agresser ou tuer les gens (qu’ils soient musulmans
ou non-musulmans, hommes ou femmes, enfants ou adultes, riches ou pauvres, …),
et le degré supérieur de l’islam, qui est celui du « mu’mîn » (croyant, celui qui a
vraiment la foi), est d’inspirer aux gens la confiance, la paix et la sécurité, et donc
de manifester la bonté et la sagesse, et d’incarner la justice et le bel-agir.

Allâh a dit : « Allâh est la Lumière des cieux et de la terre. Sa lumière est
semblable à une niche où se trouve une lampe. La lampe est dans un (récipient
de) cristal et celui-ci ressemble à un astre de grand éclat ; son combustible
vient d'un arbre béni : un olivier ni oriental ni occidental dont l'huile semble
éclairer sans même que le feu la touche. Lumière sur lumière. Allâh guide vers
Sa lumière qui Il veut. Allâh propose aux hommes des paraboles et Allâh est
Omniscient. Dans des maisons [des mosquées] qu'Allâh a permis que l'on élève,
et où Son Nom est invoqué ; Le glorifient en elles matin et après-midi, des
personnes que ni le négoce, ni le troc ne distraient de l'invocation d'Allâh, de
l'accomplissement de la Salât et de l'acquittement de la Zakât, et qui redoutent
un Jour où les coeurs seront bouleversés ainsi que les regards. Afin qu'Allâh les
récompense de la meilleure façon pour ce qu'ils ont fait [de bien]. Et Il leur
ajoutera de Sa grâce. Allâh attribue à qui Il veut sans compter » (Qur’ân 24, 35-
38).

459 Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân, n°4995, sahîh.


270
Section n°22 : La tolérance, la patience, la modération et la
pondération

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Certes la bonne voie, la belle apparence (pudique,
sobre, chaste, simple et harmonieux) et la modération sont une partie des 25 parties
de la prophétie » 460.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « En effet, il y a 2 traits en vous qu'Allâh aime : la


tolérance et le fait d'être patient (être tranquille, être stable et ne pas se précipiter)
» 461.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Mon Seigneur m'a enseigné les convenances
spirituelles : Il a rendu parfaite cette éducation » 462. La notion « d’adab » que l’on
traduit généralement par « convenances spirituelles » englobe l’éthique, le bon
caractère, les bonnes manières, la générosité, la courtoisie, la sagesse, la clémence,
l’équité, la modestie, la tolérance pratique, la patience, l’endurance, la justice, etc.,
en somme, toutes les nobles qualités.

L'imâm 'Alî ibn Abî Tâlib a dit : « Soyez comme la fleur qui donne même son parfum
à la main qui l'écrase ».

460 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4776 selon Ibn ‘Abbâs, par At-Tirmidhî dans

ses Sunân n°2010 selon Abdullâh Ibn Sarjis Al-Muzam qui rapporte seulement une partie et
avec « 24 parties » au lieu de « 25 », avec une bonne chaîne.
461 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2011 selon Ashajj 'Abdul-Qays et Ibn 'Abbâs,

avec une chaîne sahîh.


462 Rapporté par Ibn al-Sam'ânî dans Adab al-imlâ', par As-Suyûtî dans al-Jâmî' al-Saghîr

n°310 avec une chaîne sahîh.

271
Notre imâm ‘Alî disait aussi : « Tous les extrêmes mènent à l'erreur, le juste milieu
est ce qu'il y a de mieux, il porte la marque du Livre sacré et l'influence de la prophétie
» 463.

René Guénon disait : « Dans la tradition islamique, c’est à supporter la sottise et


l’ignorance humaines que consiste haqiqatus-zakâh, la « vérité » de l’aumône, c’est-
à-dire son aspect intérieur et le plus réel (haqîqah s’oppose ici à muzâherah, qui est
seulement la manifestation extérieure, ou l’accomplissement du précepte pris au sens
strictement littéral) ; ceci relève naturellement de la vertu de « patience » (eç-çabr),
à laquelle est attachée une importance toute particulière, comme le prouve le fait
qu’elle est mentionnée 72 fois dans le Qorân » 464.

« Et c’est ainsi que nous avons fait de vous une nation du juste milieu afin que
vous soyez les gardiens de l'Humanité (…) » (Qur'ân 2, 143).

« Et qui, lorsqu’ils dépensent, ne sont ni prodigues ni avares, mais modérés


entre les 2 » (Qur'ân 25, 67).

463 Rapporté dans le Nahj al-Balagha (La Voie de l'éloquence) qui fut compilé par ash-
Sharif ar-Radi, rapporté aussi que par l'imâm Abdallâh Ibn Alawî Al-Haddâd dans son Al-
Fusûl Al-`Ilmiyyah et d'autres.
464 René Guénon, Initiation et réalisation spirituelle, chap. 1 : Contre la vulgarisation, note 1.

272
Section n°23 : Respecter le dépôt de confiance

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Si vous voulez qu'Allâh et Son Messager vous
aiment, respectez le dépôt de confiance lorsqu'il vous est confié, soyez véridiques
lorsque vous parlez et comportez-vous de la meilleure manière avec vos voisins (et
vos prochains) » 465.

Il est rapporté que le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit concernant les


caractéristiques de « la personne juste » : « On peut compter sur lui car il prend soin
de ce qu’on lui a confié, et il le rend. Il tient ses engagements. Il est véridique et ne
ment jamais. Il n’est pas cassant dans la discussion (il ne cherche pas à humilier son
interlocuteur) et il ne brise pas les cœurs (des gens) » 466.

De la même façon, par rapport aux caractéristiques de la personne injuste, le


hadîth stipule : « Il est infidèle (indigne de confiance), on ne peut pas compter sur lui
et il ne prend pas soin des choses qui lui sont confiées. Il ne tient pas ses promesses. Il
est menteur. Il est agressif et il jure lorsqu’il discute. Il brise les cœurs » 467.

A notre époque, la confiance s’est perdue car c'est justement parce que
l'incompétence se mêle à l'ignorance, au fanatisme et à la corruption, que la
confiance se perd, tout naturellement. Dans ces conditions, il est tout à fait normal
que de douter et de se méfier de tout ce que l'on nous raconte, mais pas au point
d'abandonner nos principes et de croire à toutes les versions « alternatives » que
des ignorants nous proposent aussi face aux « versions officielles » (qui ne sont
pas toujours fausses, ou dont seulement certains aspects peuvent être biaisés). La
modernité, qui a opéré une rupture avec le Sacré, a également engendré une crise

465 Rapporté par At-Tabarânî dans Al-Mu'jam al-awsat.


466 Rapporté et confirmé spirituellement par l’imâm Al-Jilânî dans Sirr al-Asrâr, chapitre 11.
467 Ibid.

273
de la confiance à tous les niveaux. Les électeurs n'ont plus confiance en leur classe
politique, les patients doutent de leurs médecins, les hommes doutent des femmes
et vice-versa, les citoyens soupçonnent les autorités politiques et sanitaires d'être
de connivence avec les lobbies pharmaceutiques au détriment de leur santé, les
gens craignent les méfaits de leurs voisins, la compétition dans les entreprises se
transforme en rivalité malsaine à coup de ruses et d'actes malveillants…Même les
enfants ne respectent plus leurs parents, et ces derniers manquent de compassion
ou d'indulgence envers eux. Là encore, la solution réside dans la Taqwâ, car faire
confiance à Allâh, patienter face aux épreuves, se détourner des futilités, se
préserver de la course aux richesses et des situations malsaines, évite d'engendrer
l'injustice et de succomber aux choses qui avilissent la condition humaine.

Allâh a dit : « Certes, Allâh vous commande de rendre les dépôts à leurs ayants-
droit, et quand vous jugez entre des gens, de juger avec équité. Quelle bonne
exhortation qu'Allâh vous fait ! Allâh est, en vérité, Celui qui entend et qui voit
tout » (Qur’ân 4, 58).

Il y a 2 types d'Islam. Celui qui se vit dans le cœur et se manifeste dans les actes
au quotidien, et expérimentant intérieurement les sagesses et les doctrines
islamiques, et celui qui se contente de conceptualiser savamment des théories
légales à partir d'une approche toute extérieure des textes, sans jamais parvenir à
goûter la substance de l'Islâm. Face à ce dhawq (goût de l'Islam vécu et
expérimenté), aucune théorie légaliste, orientaliste ou islamophobe ne saurait
prévaloir contre l'expérience et la certitude intellectuelle dans ce qu'incarne
l'Islam de plus noble et de plus pure. C'est ce qu'exprime notamment ce magnifique
verset qui décrit ce qu'est vraiment la piété religieuse :

« La bonté pieuse (al birr) ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant
ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour Dernier, aux
Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on
en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et
à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs (affranchir les esclaves),
d’accomplir la Salât et d’acquitter la Zakât. Et ceux qui remplissent leurs
engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la
misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et
les voilà les vrais pieux ! » (Qur'ân 2, 177).

274
Section n°24 : L’importance d’entretenir de bonnes relations et de ne
pas semer la discorde

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Savez-vous ce qui est encore meilleur que la
prière, le jeûne et la sadaqa (l'aumône, la charité) ? C’est de maintenir de bons
rapports (amicaux) avec les gens, car les querelles et la rancœur sont ce qui
détruisent les choses (l’humanité) » 468.

Abû ad-Dardâ' rappela ceci aussi en une autre occasion : « Dois-je vous dire
quelque chose de mieux pour vous que la Sadaqa (charité ; aumône) et le jeûne ?
Améliorer le rapport amical (avec les gens), car la haine est ce qui détruit les choses
» 469.

Cela ne veut pas dire qu'il faille abandonner la prière, le jeûne et la charité, - qui
sont des obligations comportant de nombreux bienfaits pour l'âme, la société et le
corps -, mais que le bon comportement revêt également une importance capitale
pour la foi comme pour l'Humanité. Le mauvais comportement peut entacher,
pervertir ou même « étouffer » la foi des individus, en raison de l'injustice ou de
l'extrémisme.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Voulez-vous que je vous informe de qui sont
les plus nobles parmi vous ? Ils répondirent : « Bien sûr ! ». Il dit alors : « Ce sont ceux
que l'on voit évoquer Allâh ». Puis, il continua : « Voulez-vous que je vous informe
quels sont les plus vils d'entre vous ? ». Ils répondirent : « Oui ! ». Il dit alors : « Ce sont

468 Rapporté par al-Bukharî dans Al Adab Al-Mufrad n°39 selon Abû ad-Dardâ’, chaîne

sahîh.
469 Rapporté par al-Bukhari dans Al-Adab Al-Mufrad n°412, chaine sahîh.

275
ceux qui colportent la calomnie, ceux qui corrompent la relation entre les gens qui
s'aiment (ou qui s’apprécient), ceux qui aiment mettre les innocents en difficulté » 470.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui apporte la paix entre les gens n'est pas
un menteur, il dit quelque chose de bien ou rapporte quelque chose de bien » 471.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Un musulman ne donne jamais à un de ses


coreligionnaires un meilleur cadeau que la sagesse par laquelle Allâh le renforce ou
le détourne d'un comportement nuisible » 472.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit, en s'adressant à Anas Ibn Mâlik : « Jeune


homme, si tu es capable chaque matin et chaque soir d'éliminer toute méchanceté et
rancœur dans ton cœur envers qui que ce soit, fais-le. Jeune homme, c'est ma Sunnah.
Celui qui revivifie (fait revivre et/ou qui renouvelle) ma Sunnah m'a aimé, et celui qui
m'aime sera avec moi au Paradis » 473.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Que celui qui croit en Allâh et au Jour dernier, dise
du bien ou qu’il se taise » 474.

« Au milieu des biens qu'Allâh t'a accordé, recherche la Demeure Dernière. Ne


néglige pas ta part de ce bas-monde. Sois bon comme Allâh est Bon avec toi. Ne
cherche (et ne sème) pas la corruption sur la Terre. Allâh n'aime pas ceux qui
sèment la corruption » (Qur'ân 28, 77).

« Toutes les fois qu'ils allument un feu pour la guerre, Allâh l'éteint. Et ils
s'efforcent de semer le désordre sur la terre, alors qu'Allâh n'aime pas les
semeurs de désordre » (Qur'ân 5, 64).

470 Rapporté par Al Bukharî dans Al Adab al Mufrad n°323 selon Asma bint Yazid, avec une

bonne chaîne.
471 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1938 selon Umm Kulthûm bint 'Uqbah,

sahîh.
472 Rapporté par Al Bayhaqî.
473 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2678 avec une bonne chaîne.
474 Rapporté par al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh, par An-Nawawî dans son Riyâd as-

salihîn n°1511.
276
« Dis à mes serviteurs d’employer dans leurs paroles des propos aimables, de
peur que shaytan ne sème entre eux la discorde, car shaytan est l’ennemi
mortel de l’être humain » (Qur’ân 17, 53).

Section n°25 : S’occuper de ses propres défauts au lieu de scruter


ceux des autres

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « L'un de vous voit l'amertume dans


l'œil de son frère et oublie le moignon (qui se trouve) dans son œil » 475.
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Béni soit celui qui se préoccupe de ses
défauts plutôt que de ceux des autres » 476.
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Si vous recherchez les défauts des
gens, vous les corromprez (…) » 477.
Et cela parce que ne voir que les défauts des autres mène à l’hypocrisie, à
voir le mal partout chez les autres mais à oublier de s’occuper de sa propre
âme, à corriger ses propres défauts, et à être bénéfique aux autres au lieu
de se plaindre des autres. Par ailleurs, quiconque s’occupe de son âme et
de sa relation avec Allâh, n’a plus de temps à accorder aux défauts des
autres.

475 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh 13/73, Al-Bayhaqî dans Shuayb al-Iman 5/311,

al-Bukharî dans Al-Adab al mufrad 1/207 et 1/305, par al-Mundhiri dans al-Targhîb wa al-
Tarhîb 3/167.
476 Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad 16/n°1510, selon Anas, avec une bonne chaine

de transmission. Rapporté aussi par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam Al-Kabîr 5/ 71, Al-Bayhaqî
dans Shu’ab Al-Imân 7/355, par Al-Qadai dans Musnad Al-Shehab 1/358, par Al-Daylami Al-
Hamdhani dans Musnad Al-Firdaws 2/447, par Al-Haythamî dans Majma` al-Zawâ'id
10/229.
477 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4888 selon Abû ad-Dardâ' et Mu'awiyya.
277
« Et par l'âme et Celui qui l'a harmonieusement façonnée ; et lui a
alors inspiré son immoralité, de même que sa piété ! A réussi, certes
celui qui la purifie. Et est perdu, certes, celui qui la corrompt » (Qur'ân
91, 7-10).

Section n°26 : Celui qui connait son âme connait Son Seigneur

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Celui qui connait son âme a vu son Seigneur
» 478, ce qui est conforme à l’expérience spirituelle ainsi qu’à ces versets du Qur’ân
: « (…) Ainsi qu’en vos âmes, ne verrez-vous donc pas ? » (Qur’ân 51, 21) et
« Nous leur montrerons Nos signes dans l'univers et en eux-mêmes, jusqu'à ce
qu'il leur devienne évident que c'est cela (le Qur’ân), la vérité. Ne suffit-il pas
que ton Seigneur soit témoin de toute-chose ? » (Qur’ân 41, 53).

Certains rapportent qu’Alî aurait également enseigné cette parole 479.

Selon une autre version du hadîth prophétique : « Celui qui connait son soi (âme)
et s’oppose vraiment aux mauvais désirs, celui-là en vient à connaitre son Seigneur,
et agit selon Ses souhaits » 480.

En nous se trouvent de nombreuses connaissances et réalités qui ne demandent


qu’à être dévoilées. Celui qui connait son âme, ainsi que les pièges de l’ego, connait
aussi par déduction et par opposition, qui est Dieu et ce qui nous permet de réaliser
Sa Satisfaction. L’âme contient symboliquement tout le cosmos, c’est ainsi que l’on
peut dire que la totalité du cosmos est « empreinte » de sacré, avec une
correspondance symbolique entre le macrocosme et le microcosme. Fin 2020, des
scientifiques ont mis en avant certaines « découvertes » scientifiques, – mais déjà

478 Rapporté par Al-Hâkim at-Tirmidhî dans son Bayân al-farq bayna as-sadr wa al-qalb wa
al-fû’âd wa al-lubb, au chapitre sur le « Vrai coeur », rapporté aussi par Abû Hâmid al-
Ghazâlî, Al-Hujwirî, Ibn Arabî, Rûmî, Abd al Qadîr al-Jilânî et bien d’autres, qui étaient à la
fois des traditionnistes, des spirituels et des juristes. Ce hadîth a été confirmé par de
nombreux saints via leurs dévoilements spirituels.
479Voir par exemple Jalâl ud-Dîn Rûmî, Fîhi-ma-Fîhi.
480Rapporté par le Shaykh ‘Abd al-Qadîr al-Jilânî, dans Sirr al-Asrâr, et authentifié par «
dévoilement spirituel (kashf) », dans le chapitre 1 « Le retour de l’homme à la source
originelle ».
278
connues des grands maîtres spirituels -, entre l’Univers et le cerveau dans leurs
structures : « Le réseau cosmique de galaxies et le réseau de neurones dans le cortex
cérébral possèdent des caractéristiques étonnamment similaires, montrent les
travaux de scientifiques italiens. L’astrophysicien Franco Vazza, de l’Université de
Bologne, et le neurochirurgien Alberto Feletti, de l’Université de Vérone, ont analysé
l’organisation de ces deux systèmes probablement les plus complexes qui existent
dans la nature que sont l’organisation des galaxies qui composent l’Univers et le
réseau de neurones qui compose le cerveau humain. Leur constat : les deux structures
présentent des caractéristiques étrangement similaires. Selon les deux chercheurs,
s’il existe incontestablement une différence d’échelle entre les deux systèmes, les
résultats de leurs travaux laissent à penser que des processus physiques
complètement différents peuvent former des structures avec des niveaux de
complexité et d’auto-organisation étonnamment similaires. (…) Le fonctionnement
du cerveau humain est déterminé par le vaste réseau de neurones, estimé à environ
69 milliards. Pour sa part, l’Univers visible est composé d’un réseau d’au moins 100
milliards de galaxies. Dans les deux cas, les galaxies et les neurones n’occupent qu’une
petite fraction de la masse des deux systèmes que les chercheurs évaluent à moins de
30 %.

De plus, dans les deux cas, les galaxies et les neurones s’organisent en longs filaments
ou en nœuds entre filaments. Et dans les deux systèmes, environ 75 % de la masse ou
de la distribution d’énergie est composée de matière qui a un rôle apparemment
passif (…) » 481.

Frithjof Schuon faisait remarquer que : « La solution fondamentale du problème


de la crédibilité des axiomes religieux, et par conséquence la quintessence des
preuves de Dieu, est dans la correspondance ontologique entre le macrocosme et le
microcosme, c’est-à-dire dans le fait que le microcosme répète nécessairement le
macrocosme ; c’est dire que la dimension subjective, prise dans sa totalité, coïncide
avec la dimension objective, dont relèvent précisément les données religieuses et
métaphysiques. Le tout est d’actualiser cette coïncidence, ce que fait précisément, en
principe ou de facto, la Révélation, laquelle réveille, sinon toujours l’intellection
directe, du moins cette intellection indirecte qu’est la foi ; credo ut intelligam » 482.

481 « L’Univers et le cerveau, des structures étrangement similaires », Radio-Canada, 19


novembre 2020https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1750836/univers-cerveau-
structures-similaires
482 Frithjof Schuon, Du Divin à l’humain, éd. Le Courrier du Livre, 1981, p. 153.

279
Section n°27 : Être bon et pardonner à ceux qui ont été injustes et
blessants envers nous

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La plus haute vertu consiste à maintenir (ou
renouer) les liens avec ceux qui les rompent avec toi, donne à ceux qui te privent (de
générosité et de bonté) et pardonne à ceux qui t'oppriment (ou se montrent injustes
envers toi) » 483.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Fait partie des nobles traits de caractère, le
fait de pardonner à celui qui se montre injuste envers toi » 484.

Dans un hadîth prophétique qudsi, où c’est Allâh qui s’exprime en Son Nom)
stipule : « Tu demandes la vengeance contre celui qui t’a opprimé, et celui que tu as
opprimé fait de même contre toi. Si J’exauce ton imploration, J’exaucerai aussi la
sienne » 485.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Est-il difficile pour l’un d’entre vous d’être comme Abû
Damdam (qui disait chaque matin : « Ô Allâh ! Pour Toi, j’offre mon honneur à Tes
créatures ») » 486.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Ils n’aiment pas être humiliés, et quand ils ont pris le
dessus, ils pardonnent » 487.

483 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°17488, avec une bonne chaîne selon la

vérification du Shaykh Shu'ayb al-Arna'ût, par As-Suyûtî dans son Al-Jâmi’ al-Saghîr n°1287.
484 Rapporté par al-Bayhaqî dans Al-Shu’ab al-Imân n°8077.
485 Rapporté par Ad-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws n°4497.
486 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4886.
487 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh.

280
Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Les forts ne sont pas les meilleurs lutteurs. En vérité, les
forts sont que ceux qui se contrôlent et se maitrisent lorsqu'ils sont en colère » 488.

Parmi les sagesses de Al-Khidr communiquées au Prophète Mûsa (que la Paix soit
sur eux) nous trouvons : « Garde-toi de blâmer une personne qui a fait du mal en
l'humiliant ; tu en serais éprouvé » 489 et « Sois utile et non-nuisible ; sois de bonne
humeur et non irascible ; renonce à l'entêtement (quand ce n'est pas utile et
nécessaire) et ne bouge pas sans raison ; ne reproche pas une faute à une personne,
mais pleure plutôt sur ta faute, Ô fils de ‘Imran » 490.

Cela concerne aussi les non-musulmans, - aucune indication textuelle ou


contextuelle ne vient restreindre la portée de ce hadîth à une catégorie de
personne en particulier - comme le prouvent aussi de nombreux récits, dont celui
de l'homme non-musulman de la tribu de Muhârib Khasifa qui tenta d'assassiner
le Prophète (‫ )ﷺ‬alors qu'il se reposait seul sous un arbre, mais il ne parvint pas à
le tuer, le Prophète (‫ )ﷺ‬prit finalement le dessus et lui pardonna, tout en le laissant
repartir librement auprès des siens 491.

Allâh dit : « Pardonne [et fais montre d’indulgence], fais [et enjoins] le bien et
éloigne-toi des ignorants (polémiqueurs) » (Qur’ân 7, 199).

« Et que les détenteurs de richesse et d'aisance parmi vous, ne jurent pas de ne


plus faire des dons aux proches, aux pauvres, et à ceux qui émigrent dans le
sentier d'Allâh. Qu'ils pardonnent et absolvent. N'aimez-vous pas qu'Allâh
vous pardonne ? et Allâh est Pardonneur et Miséricordieux ! » (Qur’ân 24, 22).

« Et concourez au pardon de votre Seigneur, et à un Jardin (paradis) large


comme les cieux et la terre, préparé pour les pieux, qui dépensent dans
l'aisance et dans l'adversité, qui dominent leur rage et pardonnent à autrui -
car Allâh aime les bienfaisants -. Et pour ceux qui, s'ils ont commis quelque
turpitude ou causé quelque préjudice à leurs propres âmes (en désobéissant à

488 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2609 selon Abû Hurayra, par al-Bukharî dans Al

Adab Al Mufrad n°1317 selon Abû Hurayra.


489 Retenu par Ibn Abi Hatim, d'après Abû Sa'id.
490 Rapporté par Al-Alûsî, Rûh al-ma'ânî fî al-Qur'ân al-'azîm wa as-sab' al-mathânî dans la

section où il parle de Al-Khidr.


491Voir Ibn Hajar dans Fath al-Bârî 7/428, Al-Bukhari dans son Sahîh n°3905, Muslim dans
son Sahîh n°843 selon Jâbir Ibn Abdullah.

281
Allâh), se souviennent d'Allâh et demandent pardon pour leur péchés - et qui
est-ce qui pardonne les péchés sinon Allâh ? - et qui ne persistent pas
sciemment dans le mal qu'ils ont fait. Ceux-là ont pour récompense le pardon
de leur Seigneur, ainsi que les Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, pour
y demeurer éternellement. Comme est beau le salaire de ceux qui font le
bien ! » (Qur’ân 3, 133-136).

« Ne l'avons-Nous pas guidé aux deux voies élevées ?

Or, il ne s’est pas engagé sur la voie ascendante !

Et qu’est-ce qui t’instruira de ce qu'est la voie ascendante ?

C'est délier un joug [affranchir un esclave],

ou nourrir, en un jour de famine,

un orphelin proche parent

ou un pauvre dans le dénouement.

Et c'est être, en outre, de ceux qui croient et s'enjoignent mutuellement


l'endurance, et s'enjoignent mutuellement la miséricorde (et l’amour
rayonnant). Ceux-là sont les gens de la droite » (Qur'ân 90, 10-18).

282
Section n°28 : Enjoindre le bien, réprouver le mal, ne pas effrayer les
gens et parler aux gens selon leur degré de compréhension

Al-Bukharî rapporte dans son Sahîh n°127 un récit de l’imâm ‘Alî, lui-même le
tenant du Prophète (‫ )ﷺ‬la parole suivante : « Parlez aux gens en fonction de leur
connaissance : aimeriez-vous que l’on traite Allâh et son Envoyé (Muhammad) de
mensonge ? ». En effet, troubler les musulmans qui n’ont pas même pas idée des
fondements juridiques, des règles subtiles dans le fiqh, ou qui sont ignorants des
doctrines spirituelles et métaphysiques, alors qu’il faudrait d’abord leur
apprendre les bases et les inciter à accomplir le Salât et à adopter les convenances
sociales et familiales qui s’imposent à chacun, risquerait de les pousser à mentir
sur Allâh de façon inconsciente, ou à rejeter des réalités et des préceptes
islamiques à cause de leur ignorance et par incompréhension. Il convient donc de
s’assurer de leur niveau et de bien exposer une science de sorte à qu’ils puissent la
comprendre tout en y voyant la conformité au Tawhîd et aux finalités de la Loi.

Ibn Hajar dans son Fath Al Barî (1/425, Bab man khassabi 'ilm qawaman dûna
qawm) rapporte que l'imâm « `AIî ibn Abî Tâlib apprenait aux croyants à éviter
toute situation qui pourrait aboutir au rejet d'un hadith du Messager d'Allâh ‫ﷺ‬
comme par exemple, dire aux gens des paroles du Messager d'Allâh qu'ils ne peuvent
pas comprendre. Il disait : « Dites aux gens ce qu'ils savent ; ou bien voulez-vous que
l'on mécroit en Allâh et Son Messager ? » [Bukhârî].

« Ce qu'ils savent » est utilisé dans le sens de « ce qu'ils peuvent comprendre ». Voilà
une preuve que les questions ambigües que l'on trouve dans des hadiths ne doivent
pas être transmises au commun des gens. On trouve parmi ceux qui rejetaient l'idée
de transmettre certains hadiths et pas d'autres : l'Imâm Ahmad en ce qui concerne
les hadiths semblant inviter à la rébellion contre les autorités ; l'Imam Mâlik en ce
qui concerne les hadiths au sujet des Attributs divins ; et Abû Yûsuf en ce qui concerne
les hadiths traitant de sujets étranges. L'idée principale est la suivante : il s'agit des
hadiths dont le sens apparent pourrait porter à confusion et introduire une
innovation alors que le sens apparent n'est pas le sens voulu. Dans un tel cas, il est

283
donc nécessaire de s'abstenir de rapporter le hadith à une personne qui pourrait le
comprendre uniquement dans son sens apparent ».

Allâh dit en effet : « Et ne poursuis pas ce dont tu es dépourvu de science.


L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela on sera interrogé (ou rendu responsable)
» (Qur'ân 17, 36). Nous avons donc une part de responsabilité dans la façon dont
nous transmettons aux gens des enseignements.

L'Imâm Mullâ `Alî ibn Sultân al-Qârî al-hanafî a dit dans son Sharh al-Fiqh al-
akbar : « Le désaccord dans le fiqh est une miséricorde et le désaccord sur les
questions liées au Tawhid et à l'Islâm est une illusion et une innovation. Une erreur
en ijtihad en matière de fiqh est pardonnée de plus elle est même récompensée et une
erreur (grave) en 'ilm al-kalâm est un kufr et un mensonge et celui qui y est tombé
est trompé ».

De même, le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Rendez les choses faciles (aux gens)
et ne (leur) compliquez pas les choses. Donnez de bonnes nouvelles (aux gens) et ne
repoussez pas les gens (par le mauvais comportement et les propos repoussants).
Coopérez les uns avec les autres et ne vous divisez pas » 492.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Enseignez, facilitez et ne rendez pas les choses
difficiles, annoncez de bonnes nouvelles et ne faites pas fuir et lorsque l'un d'entre
vous s'énerve qu'il se taise » 493.

Or, beaucoup de juristes, d’étudiants ou de modernistes n’hésitent pas à


embrouiller les musulmans de la masse avec des sujets périphériques (faisant en
plus de cela, l’objet de divergences) très techniques, et de les perturber sans
aucune nécessité. Et dans les débats, beaucoup s’emportent, s’énervent, puis
insultent, ne faisant ainsi pas honneur à l’Islam et à la science.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Quiconque parmi vous voit un mal, qu'il le change par sa
main. S'il est incapable de le faire, alors avec sa langue. S'il est incapable de le faire,
alors avec son cœur, et c'est le niveau de foi le plus faible » 494.

Le Qâdi Abû Ya’la dit dans al-Amr bil Ma’ruûf li-Ibn Taymiyya (1/21) : « Nul ne
peut enjoindre le bien et interdire le mal à moins qu'il ne comprenne ce qu'il enjoint

492 Rapporté par al-Bukhâri dans son Sahîh n°2873, d’après plusieurs Compagnons, dont

Mû’âdh Ibn Jabal.


493 Rapporté par Ahmad dans son Musnad d’après ‘Abdallâh Ibn ‘Abbâs.
494 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°49 selon Abû Sa’îd al-Khudrî.

284
et interdit, il est doux dans ce qu'il enjoint et interdit, et il fait preuve de patience dans
ce qu'il enjoint et interdit ».

Beaucoup de musulmans de nos jours, qui délaissent des vertus morales comme
la douceur, la gentillesse, la compassion et la sagesse, et qui ne connaissent même
pas les divergences qui existent dans la 'aqida ou dans le fiqh, ou qui ignorent
même que le tasawwuf (spiritualité) 495 fait partie de l'Islam, n'hésitent pourtant
pas à mépriser les autres (musulmans et non-musulmans), à leur reprocher soit
des choses qui sont justes ou recommandées en Islam, soit qui se montrent rudes
et violents à l’encontre des pécheurs. Or la prédication et les conseils se font par la
douceur et la sagesse, comme nous l’avons déjà montré, aussi bien selon le Qur’ân
que selon la Sunnah.

Comme l’ont expliqué les savants, le mal se désavoue, pour tout le monde, dans
le cœur. Mais il y a certains types de mal qui ne peuvent être combattus ou
sanctionnés que par les autorités légales et compétentes, ou que par des savants
avisés, ou que par les parents, ou que par les enseignants, ou que par les forces de
l’ordre, etc. Bien plus, ceux qui, parmi les citoyens de la masse, qui n’ont pas reçu
l’autorisation de l’Etat, de fermer les endroits malsains (bars, boites de nuit, etc.),
de sanctionner les gens ou de leur tenir des propos sévères, et qui se comportent
de façon violente avec eux, ils ont alors commis une faute grave, et, selon l’Islam,
peuvent être sanctionnés. Dans un débat historique opposant le Shaykh mujadîd
Ahmad Ibn Atâ'Llâh As-Sakandârî et le Shaykh Ibn Taymiyya, un élément de
réponse intéressant concerne la façon dont ne doit pas être compris le principe
islamique « ordonner le bien et interdire le blâmable ».

495 Ibn Taymiyya, dans son al-rissala al-safadiyya dit : « Les grands savants [sûfis] mentionnés

par Abû Abd al-Rahman al-Sulamî dans Tabaqat al-sufiyya, et Abû al-Qassim al-Qushayrî dans
al-Rissala, étaient adhérents de l’école d’Ahl al-Sunna wa al-Jama’a et de l’école d’Ahl al-
hadith, comme al-Fudayl ibn Iyyâd, al-Junayd ibn Muhammad, Sahl ibn AbdAllâh al-Tustarî,
Amr ibn ‘Uthmân al-Makki, Abû `AbdAllâh Muhammad ibn Khafi al-Shirazî, et d’autres; et leurs
enseignements étaient fondés sur la Sunnah, et ils rédigèrent des livres au sujet de la Sunnah
». Et quant à l’imâm Ibn al Qayyîm al Jawzîyya, il dit dans son poème An-Nûniyyah (p.120) :
« Les gens du hadîth dans leur totalité, les imams de la fatwâ, les gens des vérités de la gnose,
et les connaisseurs de leur Seigneur, de leur Prophète et des degrés des œuvres dans leur
prévalence sont des sûfis qui suivent la Sunnah et l’exemple prophétique et ne sont pas des
déviants ou des divagateurs ».

285
Le Shaykh Ibn Atâ'Allâh As-Sakandarî dit : « Et l’Imâm Ahmad – qu’Allâh soit
satisfait de lui – critiqua les actions de certains de ses disciples qui avaient l’habitude
d’aller en patrouille, brisant les tonneaux ouverts de vin (dans les magasins de leurs
marchands chrétiens), déversant leur contenu par terre, bastonnant les chanteuses
et confrontant les gens dans la rue. Tout cela, ils le firent au nom de prêcher le bien
et interdire le mal. Cependant, l’Imâm ne donna aucune fatwa les motivant à
censurer ou réprimander tous ces gens. En conséquence, ces disciples (responsables
de ces actions) furent fouettés, jetés en prison, assis à dos d’ânes à l’opposé c’est-à-
dire faisant face à l’arrière de l’âne et défilant » 496.

Ce principe est tiré du Qur’ân en plusieurs endroits, comme celui-ci : « Que soit
issue de vous une communauté qui appelle au bien, ordonne le convenable, et
interdit le blâmable. Car ce seront eux qui réussiront » (Qur'ân 3, 104).

C'est-à-dire que la communauté a pour obligation de toujours rappeler aux gens


de faire le bien, et d'inciter à ce qui est convenable et d'éloigner les gens du
blâmable, au-delà même des divergences juridiques toujours possibles, il est
nécessaire de délaisser ces avis étranges, singuliers et qui comportent un mal
certain, surtout que nous avons pour obligation de ne pas causer du tort sans
raison aux créatures d'Allâh, et surtout envers les croyant(e)s, de même que l'idéal
est d'encourager quiconque à délaisser les futilités et les choses qui nuisent à
l'âme, à la santé et aux relations sociétales.

Mais on voit bien que sous prétexte d'ordonner le bien et d'interdire le mal,
l'islam, et les grands savants de l'islam, n'ordonnent pas de le faire n'importe
comment ou de façon brutale, car même si l'on veut interdire une chose clairement
blâmable ou néfaste pour les gens (comme l’alcool qui lorsqu'il se répand,
corrompt la société et provoque la mort de nombreux individus chaque année, les
styles de danse et de réunions qui mènent potentiellement à l’agression sexuelle,
au relâchement des mœurs, aux conflits, à la fornication ou à l’adultère), ceux-ci
n'accepteront pas toujours le bon conseil. Par conséquent, il existe des manières,
des conditions, etc. avant d'appliquer une méthode visant à détruire les idoles, les
boissons alcoolisées en public, etc. Même si la Shar'îah, dans ses jugements,
interdit une chose, l'application de cette interdiction ne doit pas toujours être
appliquée quand le contexte ne s'y prête pas, ni sur l'ensemble des personnes, ni
si l'on craint encore plus de mal et de rejet que de bien. Si l'on craint un plus grand
mal par une action (visant à l'origine à répandre le bien), alors il faut s'en abstenir,

496 Rapporté notamment par le Shaykh Muhammad Zaki Ibrahîm dans Ussûl al-Wussûl.
286
et privilégier une autre méthode (licite), qui doit être adoptée (la suspension d'une
application pénale, fait partie du licite quand il y a une nécessité ou une
circonstance atténuante), en vue d'éviter des plus grands maux. Parfois, certains
sont bien intentionnés mais sont trop brutaux et effraient les gens, malgré qu'il
s'agisse de condamner une pratique blâmable, mais l'islam interdit une telle
méthode de façon générale, et ce sont alors les auteurs de la méthode brutale qui
doivent être sanctionnés pour avoir effrayé ou brutalisé les gens. Il y a aussi le
célèbre cas du hadîth rapporté par al-Bukharî, où un juif manqua de respect au
Prophète et le prit par ses vêtements, alors 'Umar s'énerva et effraya le juif pour
son acte hostile, mais le Prophète dit à 'Umar de ne pas agir ainsi, et un
dédommagement fut donné au juif, et ce dernier se convertira plus tard à l'islam,
en ayant vu les signes de la prophétie sur le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬497.

L'imâm Ibn Rajab dans son Jâmi’ al-‘Uluûm wal-Ḥikam (2/245) a dit : « Toutes
ces traditions indiquent que c’est une obligation de condamner le mal à la mesure de
sa capacité. Quant à la condamnation dans le cœur, elle est toujours requise.
Quiconque ne condamne pas le mal dans son cœur, c'est un signe que la foi a disparu
de son cœur. Quant à la condamnation de la langue et de la main, elle n'est
obligatoire que dans la mesure de ses capacités », car en effet, si l’on craint d’être
tué, torturé, emprisonné ou de perdre un emploi qui nous permettait de faire le
bien, il faut alors peser le contre pour voir quel est le plus grand mal à éviter.
Néanmoins, si l’on est agressé ou qu’un innocent est victime d’une injustice devant
nos yeux, le secourir fait partie de la noblesse de la foi, et se défendre contre un
criminel ou un policier injuste qui tente de nous tuer est évidemment autorisé. Le
Prophète Muhammad ‫ ﷺ‬dit en effet : « Celui qui meurt en défendant sa femme est
un martyr » 498. Dans le hadîth rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân selon Sa`îd
ibn Zayd, il est dit : « Celui qui est tué en défendant ses biens, est un martyr. Celui qui
est tué en défendant sa religion, est un martyr. Celui qui est tué en défendant sa vie,
est un martyr. Et celui qui est tué en défendant sa famille, est un martyr ».

De même, si notre action entraine un mal plus grand, ou cause une injustice que
l’on aurait pu éviter, cela est interdit. Le Prophète ‫ ﷺ‬a dit : « Quiconque aura

497 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk n°6547 qui l’authentifie, par Ibn Hibbân dans

son Sahîh n°288, par Al-Bayhaqî dans son recueil n°11066, par Al-Haythâmî dans Majmâ’
al-zawâ’îd qui l’authentifie, par At-Tabarânî et Ibn Mâjah dans leur recueil également.
498 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4772, et par At-Tirmidhî dans ses Sunân

n°1421.
287
contribué injustement à une querelle, ou contribuera à une injustice, sera l’objet de
la Rigueur Divine jusqu’à ce qu’il cesse » 499.

Même en temps de guerre, cela n’est pas permis. Ibn Kathîr a dit dans son Tafsîr
(4/113) par rapport au verset de la Sûrate At-Tawba (sur le fait d’accorder la
sécurité aux combattants ennemis qui déposent les armes sur le champ de bataille)
: « Même lorsqu’un pays musulman est en guerre avec un autre pays, si des gens
viennent dans le pays musulman pour le négoce, le travail, le tourisme, ils resteront
protégés par le traité politique passé entre les autorités musulmanes et leurs
autorités et auront le droit tant à leur intégrité physique qu’à leurs biens jusqu’à leur
retour en toute sécurité ».

L’imâm al-Qurtubî a dit dans son Tafsîr Al-Jami’ li Ahkam al-Qur’ân (4/8/49) : « Il
est communément reconnu entre les musulmans que personne n’a le droit de mettre
en péril la sécurité et l’ordre public lorsque les autorités l’imposent, car c’est en cela
où réside l’intérêt de tous (…) Si l’idolâtre refuse de croire en ton message, conduis-le
en un lieu sûr… ». Dans son tafsîr (4/8/49) il relate également la position de l’imâm
Mâlik : « Ce sont des questions épineuses, mais il faut laisser le non-musulman rentrer
chez lui en toute sécurité » (4/114). Ibn al-Qâsim déclare : « Pareil pour le
commerçant qui descend sur nos côtes, il doit retourner chez lui en sécurité »
(4/8/49).

Ibn Qudâma al-Maqdisî, le célèbre savant hanbalite a dit dans son Al-Mughnî
(13/75) : « Lorsque les autorités donnent la paix, même aux combattants ennemis, il
faut la leur accorder du fait qu’il n’est pas du ressort de la foule de décider de telles
questions ». Ceci est l’opinion de At-Thawrî, Awzâ’î, As-Shafi’î, Ishâq, et Ibn al-
Qâsim ainsi que de la majorité des savants de l’islam. On a rapporté cela sur le
pieux et juste calife ‘Umar Ibn al-Khattâb également.

Ibn Qudâma reprend (13/77-79): « La sécurité des non-musulmans doit avoir la


même importance que celle des musulmans pour les individus et pour les groupes
pour que les musulmans puissent jouir des mêmes droits (…) si on coupe toute
communication avec l’ennemi, il n’y aura plus d’échange ainsi le chaos s’installe et
l’intérêt des deux parties se perd à jamais ».

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a résumé l’attitude du croyant dans ce noble hadîth :


« En vérité, Allâh m'a inspiré la modestie et l’humilité (que vous devez aussi adopter).

499Rapporté par Ibn Mâjah dan ses Sunân n°2320 et par Abû Dâwûd dans ses Sunân
n°3598 selon ‘Abdallâh ibn `Umar, avec une bonne chaîne.
288
Et que personne ne puisse faire du tort, être injuste ou opprimer autrui et que
personne ne puisse être dédaigneux, méprisant et hautain envers autrui » 500.

Chacun à son jihâd an nafs à mener, pour certains c'est le fait de revenir à la prière
ou de l'accomplir durant son temps, pour d'autres c'est de ne plus voler ou de ne
plus mépriser ses parents ou ses voisins, ou encore d'être plus doux envers ses
proches, ou de se voiler pour Allâh et parachever extérieurement la pudeur, ou
d'habituer sa langue et son coeur au dhikr, ou de délaisser la consommation
d'alcool ou encore d’arrêter de fumer. Chacun à ses faiblesses et ses difficultés
propres. Mais si l'Etat n'impose pas des lois à ce sujet, il ne convient pas d'insulter,
de violenter ou d'user d'une quelconque violence pour réformer quelqu'un ou
l'inciter à abandonner une chose blâmable (ou que l'on croit tel). Le bon conseil
commence d'abord par la sincérité en nous-mêmes et à montrer le bon exemple, à
agir et conseiller avec humilité et douceur comme règles fondamentales et
générales. Ne pas se sentir supérieur à une personne que l'on voit commettre un
péché car il se peut qu'elle soit plus proche et plus généreuse auprès d'Allâh que
nous le sommes nous-mêmes, et car nous commettons aussi peut-être d'autres
formes de péchés, plus graves que ce que l'on dénonce ou voit chez les autres, ou
encore car ces personnes ont vécu des épreuves terribles qui constituent pour
elles, des circonstances atténuantes. Néanmoins, il ne faut pas se mentir à soi-
même et se trouver des excuses pour refuser les bons conseils sous prétexte que
les autres font pire que nous, car l'autosatisfaction et le refus de s'améliorer sont
des caractères vils qui peuvent conduire aux pires péchés qui soient et à
l'insouciance de façon générale.

Laisserait-on une mère continuer à maltraiter son enfant, un époux violent à battre
sa femme en toute impunité, un voisin déverser ses ordures devant notre demeure
sans réagir, et ainsi de suite. Le bien-être général de la société exige une réforme
individuelle et globale à l'échelle de toute la société. L'individualisme qui consiste
à croire faussement de faire ce que l'on veut produit un effet délétère sur l'individu
comme sur son entourage, jusqu'à intoxiquer toute la société, où toutes les dérives
se manifestent et où tous les fléaux prolifèrent (gaspillage, incivilité, indécence,
haine des autres, mépris d'autrui, pollution, ...). Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : «
L'arrogance, c'est de refuser la vérité et de mépriser les gens » 501. Il y a ici une mise

500 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2865, par An-Nawawî dans Riyâd as-Salihîn

n°601 et 1589, par Ibn Hajar dans Bulugh al-Maram 16/n°1527, d'après 'Iyyâd Ibn Himar.
501 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°91 selon ‘Abdullâh Ibn Mas'ûd.

289
en garde contre la personne qui fait le rappel tout comme contre celle qui « reçoit »
le rappel, à savoir que la personne faisant le rappel et adressant son conseil ne doit
pas être brutal, arrogant et méprisant, et que la personne à qui est adressée le
rappel, doit accepter la vérité et le bon conseil pour s’améliorer et délaisser le mal
et les choses blâmables qu’elle pouvait dire ou commettre.

En conclusion, cette « science » dépend énormément de la sagesse et de la


clairvoyance, et cela n’est pas donné à tout le monde, car Allâh a dit : « Il donne la
sagesse à qui Il veut. Et celui à qui la sagesse est donnée, vraiment, c’est un bien
immense qui lui est donné. Mais les doués d’intelligence seulement s’en
souviennent » (Qur’ân 2, 269).

290
Section n°29 : Le silence et la sagesse

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « « Oh Abû Dharr voudrais-tu que je t’indique


deux qualités dont l’acquisition est très aisée, mais qui pèseront lourd dans la balance
? ». Certes, oui, ô Messager d’Allâh. « Tâche donc d’avoir un bon comportement et
d’observer de longues périodes de silence, par Celui qui détient l’âme de Muhammad
dans Sa main, d’entre toutes les bonnes actions accomplies par les créatures, rien ne
vaut ces 2 qualités » » 502.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La sagesse est constituée de 10 parties : 9


d’entre elles sont conférées par la solitude et une d’entre elles par le silence » 503.

Notre maître et Calife ‘Umar Ibn Al-Khattâb a dit : « Prenez votre part de solitude
» 504.

L'imâm Abû-l-Qâssim Al Qushayri 505 rapporte dans sa Rissâlat-ul-Qushayriyya


que Sayyidûna Mû'âdh Ibn Jabal a dit : « Parle peu aux gens, et parle (adresse-toi)
beaucoup à Allâh, il se peut ainsi que ton coeur verra Allah ta'âla ».

L’imâm Ahmad Ibn Atâ’Llâh As-Sakandarî 506 disait dans ses Hikâm : « Rien n’est
plus utile au cœur qu’une solitude (spirituelle) qui le fera entrer dans le monde de la
méditation ».

502 Rapporté par Al-Bayhaqî dans Shu’ab al-Imân n°4591 avec une bonne chaîne, ainsi que

par Ibn Abî ad-Dûnya et d’autres.


503 Rapporté par Ibn ‘Adî dans al-Kâmil et par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr n°3828

avec une bonne chaîne.


504 Rapporté par Ibn Abî ad-Dunyâ dans son Kitâb Al-‘Uzlâh n°13, p. 56.
505 L’imâm Abû al-Qâssim al-Qushayrî al-Naysâbûrî (376 H/987 - 465 H/1073) était un

exégète du Qur'ân, un sûfi et maître spirituel, grammairien, poète, mathématicien, juriste


shafiite, théologien asharite, spécialiste des fondements du droit (ussûli) et un spécialiste
du hadîth.
506 L’imâm Ahmad Ibn Atâ’Llâh As-Sakandarî (658 H/1259 - 709 H/1310) était un exégète

du Qur’ân, un théologien, un spécialiste du Hadîth et des fondements, un juriste malikite (et


shafiite aussi selon certains), un grammairien, un ascète, un poète, un sûfi et un maître
291
En effet, lorsque l’individu se distrait trop à parler aux gens de tout et n’importe
quoi, en s’éloignant des paroles utiles et justes, des activités spirituelles, de la
lecture profitable et de la méditation, il se détourne d’Allâh et de Ses Bénédictions.
Ainsi, limiter la discussion avec les gens, s’imposer une sorte de « jeûne de la parole
» (silence) pour mieux se couper des influences néfastes ou futiles, permet de
mieux s’orienter vers Allâh, de renforcer notre connexion avec Lui, et de bénéficier
par Sa Grâce, de la « paix de l’âme » et parfois même, de merveilles indescriptibles
liées au monde spirituel.

Et si l’ennui gagne la personne, qu’elle fasse donc quelque chose de profitable


(lecture du Qur’ân, méditation du Qur’ân, des ahadiths ou des écrits des maîtres
spirituels, méditation et contemplation de la nature, randonnée spirituelle, activité
sportive, aide humanitaire, …) ou même une sorte de divertissement utile
(documentaires, séries, reportages, films, etc. qui possèdent un certain intérêt
scientifique, religieux, historique, sociologique, spirituel, politique, …), et qu’elle se
préserve des discussions futiles (sauf par moment, car c’est souvent inévitable
pour les gens du commun) et qu’elle se détourne des endroits ou activités
comportant des risques, des dangers et des influences néfastes pour l’âme, la
sécurité, la dignité et les mœurs.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit également : « Celui qui me garantit ce qu’il y a


entre ses deux mâchoires et ce qu’il y a entre ses jambes, je lui garantis le Paradis
» 507. Et cela parce que celui qui contrôle sa langue, - ses propos -, et ses désirs
sexuels, qui ne cause pas du tort aux gens ni à lui-même grâce à cette maîtrise, aura
atteint un haut degré et se sera conformé à Son Ordre. Avec la modernité, s’en est
suivie une déresponsabilisation des hommes et des femmes, leur faisant croire
qu’ils pouvaient agir comme bon leur semblait sans se soucier le moins du monde
des conséquences de leurs actes, de suivre leur libido sans aucun cadre spirituel,
de ne pas soigner leurs propos et de ne pas discipliner leur âme, ce qui a conduit
les nouvelles générations à céder à la vulgarité, au règne de l’ego et donc à insulter
les femmes ou les hommes à la moindre contrariété, et à ne pas contrôler leur
appétit sexuel ni leurs pulsions, avec toutes les dérives (agressions, adultères,

(éducateur) spirituel rattaché à la tariqa shadhiliyya. Le Shaykh Ibn Taymiyya le tenait en


très haute estime malgré leur opposition sur certains sujets, le qualifiant de très savant,
éloquent, vertueux et ascète.
507 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°6474 selon Sahl Ibn Sâ’d, par At-Tirmidhî dans

ses Sunân n°2409 selon Abû Hurayra et n°2408 selon Sahl, par Mâlik dans Al-Muwattâ’
n°1824 selon Zayd Ibn Aslam et Atâ’ Ibn Yasar, par Ibn Hibbân dans son Sahîh, Al-Bayhaqî
et d’autres.
292
fornications, viols, harcèlements sexuels, avortement de masse, suicides,
dépressions, meurtres, violence physique, …) que nous connaissons, et qui ont
même affecté les religieux qui se sont finalement soumis à la modernité, ou qui du
moins, s’en sont laissés affectés, au point de délaisser l’éducation de l’âme (at-
tazqya an-nafs en langage qurânique), qui est pourtant une dimension
fondamentale de l’Islâm. Dès lors, on comprend l’importance d’instaurer un cadre
à la fois spirituel, éthique et juridique pour éviter au maximum ces fléaux qui
menacent l’Humanité. Il n'est certes pas toujours évident de résister ou d'être
immunisé face au charme féminin ou masculin, - comme nous l'apprennent le
Qur'ân et la Sunnah -, mais l'éducation de l'âme et éviter les endroits ou les
situations qui nous conduisent à la perdition et à l'irréparable, font partie de la
sagesse, et sont d'excellents moyens pour se préserver au mieux de ce genre de
choses.

Que le croyant se remémore ce verset où Allâh a dit : « Et ne poursuis pas ce


dont tu n’as aucune connaissance. L’ouïe, la vue et le cœur : sur tout cela, en
vérité, on sera interrogé » (Qur'ân 17, 36).

293
Section n°30 : Sur l’amour du Prophète (‫)ﷺ‬, de sa famille et de ses
proches

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Aimez Allâh pour ce qu'Il vous abreuve de Ses
Bénédictions, aimez-moi en raison de l'amour d'Allâh, et aimez les membres de ma
maison en raison de votre amour pour moi » 508.

L'Imâm Zayn Al-Abidîn rapporte, d'après les dires de son père l'Imâm Al-
Hussayn et ceux de son grand-père l'Imam 'Alî, que le Prophète (‫ )ﷺ‬pris Al-Hassan
et Al-Hussayn par la main et leur dit : « Quiconque m'aime et aime ces deux-là
(Hassân et Hussayn), mais aime également leur père (Sayyiduna 'Alî ibn Abi Talib)
et leur mère (Sayyida Fatima az-Zahra) sera autorisé à entrer en ma proximité le
Jour du Jugement » 509.

Ibn 'Arabî rapporte dans sa Tadhkirât que l’Envoyé d'Allâh entra chez sa fille
Fâtima au matin (le lendemain) de son mariage avec 'Alî, et qu’il la trouva en
larmes. « Qu'as-tu à pleurer ? lui demanda-t-il, par Allâh ! Je n'ai pas failli envers toi
; je t'ai mariée à un homme qui es un seigneur (sayyîd) 510 en ce Bas-Monde et qui
dans l'Autre (monde) sera parmi les Parfaits (al-sâlihûn) ».

Selon une autre de ses paroles : « Je suis un arbre, Fâtima est la branche, ‘Alî l'a
fécondé, et al-Hassân et al-Hussayn en sont les fruits ; quiconque les aime, m'aime,
quiconque les hait, me hait, et celui qui me hait fait partie des ennemis d'Allâh et de
ceux qui seront indéfiniment dans Son Enfer ».

Frithjof Schuon disait : « L’amour du Prophète constitue un élément fondamental


dans la spiritualité de l’Islam (…). C’est parce que les musulmans voient dans le
Prophète le prototype et le modèle des vertus qui font la déiformité de l’homme et la
beauté et l’équilibre de l’Univers, et qui sont autant de clefs ou de voies vers l’Unité
libératrice, - c’est pour cela qu’ils l’aiment, et qu’ils l’imitent jusque dans les moindres

508 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°4158 au chapitre des vertus selon Ibn 'Abbâs

avec une bonne chaîne.


509Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3733.
510Le terme « sayyîd » en arabe, traduit souvent en français par « seigneur », a le sens de
guide, de maître, de chef, etc. parmi les humains, sans dimension divine, contrairement au
terme « Rabb » en arabe, qui signifie « Seigneur » au sens divin du terme.
294
détails de sa vie quotidienne ; le Prophète, comme l’Islam tout court, est un schéma
céleste prêt à recevoir l’influx de l’intelligence et de la volonté du croyant, et dans
lequel même l’effort devient une source de repos surnaturel » 511.

Allâh a dit : « Telle est la [bonne nouvelle] qu'Allâh annonce à ceux de Ses
serviteurs qui croient et accomplissent les bonnes œuvres ! Dis : « Je ne vous en
demande aucun salaire si ce n'est l'affection eu égard aux proches ». Et
quiconque accomplit une bonne action, Nous répondons par [une récompense]
plus belle encore. Allâh est certes Pardonneur et Reconnaissant » (Qur'ân 42,
23). Ce verset montre que l'affection envers les proches du Prophète, - c'est-à-dire
ses épouses, ses proches Compagnons et l'ensemble de sa famille suivant la voie
du Prophète (‫ )ﷺ‬-, fait partie de la foi et constitue une action conforme à la
Tradition prophétique. Et qui sont donc les proches du Prophète, si ce n'est ses
épouses croyantes, ses enfants, et ceux qui parmi ses proches et sa famille l'ont
aimé et soutenu, et qui ont embrassé l'Islâm, de même qu'Allâh et Son Messager
n'ont pas autorisé de s'en prendre à ses proches non-musulmans qui ne l'ont pas
combattu, à l'instar de son oncle Abû Tâlib pour ne citer que lui.

Ce verset interdit donc de détester ses épouses, ses enfants, ses cousins/cousines,
tantes, oncles et ses plus proches compagnons. Et certes cela ne contredit pas le
fait qu'au sein de ses proches (de façon générale), certains aient un statut
particulier, comme l'atteste ce hadîth où Ḥussayn (qui n’est pas ici le fils de l'imâm
'Alî) interrogea Zayd : « Zayd, tu as pu acquérir une grande vertu : vous avez vu le
Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬écouté son discours, combattu à ses côtés dans des batailles,
(…) raconte-nous ce que tu as entendu du Messager d'Allâh (‫)ﷺ‬. Il a dit : « (…) Un
jour, le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬s'est levé pour prononcer un sermon dans un point d'eau
connu sous le nom de Khumm situé entre La Mecque et Médine. Il a loué Allâh, l'a
exalté et a prononcé le sermon, nous exhortant et dit : « Ô peuple, je suis un être
humain. Je suis sur le point de recevoir un messager (l'ange de la mort) de mon
Seigneur et moi, en réponse à l'appel d'Allâh, (je vous dirais au revoir), mais je laisse
entre vous 2 choses importantes : l'une étant le Livre d'Allâh (Qur’ân) dans lequel il
y a une bonne direction et une lumière, alors tenez-vous fermement au Livre d'Allâh
et adhérez-y. Il a exhorté (nous) (à tenir ferme) le Livre d'Allâh et a ensuite dit : « La
seconde des choses sont les membres de ma maison que je vous rappelle (de vos
devoirs) aux membres de ma famille ». Il (Hussayn) dit à Zayd : « Qui sont les
membres de sa maison ? Ses femmes ne sont-elles pas les membres de sa famille

511 Frithjof Schuon, Comprendre l’Islam, éd. Seuil, 1976, p. 112.

295
(maison) ? ». Là-dessus, il dit : « Ses femmes sont les membres de sa famille (mais ici)
les membres de sa famille sont ceux pour qui l'acceptation de la Zakât est interdite ».
Et il a dit : « Qui sont-ils ? Là-dessus, il dit : « ‘Alî et la progéniture de 'Alî, ‘Aqil et la
progéniture de 'Aqil (Ibn Abî Tâlib), Ja’far (Ibn Abî Tâlib) et la progéniture de Ja'far,
‘Abbâs et la progéniture de 'Abbâs ». Hussayn a dit : « Ce sont ceux pour qui
l'acceptation de la Zakât est interdite ? ». Zayd a dit : « Oui » 512.

Ce récit nous indique donc qu’il faut toujours revenir au Qur’ân, et qu’il faut
témoigner du respect et de l’amour envers tous ses proches, - cette parole
prophétique ne parle pas du tout de l’infaillibilité des Ahl ul Bayt -dont ceux de la
famille de ‘Alî, de Ja’far, de ‘Aqil et de ‘Abbâs, mais aussi de ses épouses, car elles
sont l’honneur du Prophète et Allâh les a honorées dans le Qur’ân en disant : « Le
Prophète a plus de droit sur les croyants qu’ils n’en ont sur eux-mêmes, et ses
épouses sont leurs mères (aux croyants) » (Qur’ân 33, 6).

« Ô femmes du Prophète ! Vous n’êtes comparables à aucune autre femme (…)


ô vous, les Gens de la Maison (ahl ul bayt) ! Allâh veut seulement éloigner de
vous la souillure, et vous purifier totalement » (Qur’ân 33, 32-33). Les versets
antérieurs ne parlent que des femmes du Prophète, donc elles sont les premières
concernées par cette qualification (de ahl ul bayt).

« Les mauvaises [femmes] aux mauvais [hommes], et les mauvais [hommes]


aux mauvaises [femmes]. De même, les bonnes [femmes] aux bons [hommes],
et les bons [hommes] aux bonnes [femmes]. Ceux-là sont innocents de ce que
les autres disent. Ils ont un pardon et une récompense généreuse » (Qur’ân 24,
26). Et comme le Prophète n'est pas un mauvais homme, ses épouses sont donc de
bonnes femmes qui méritent le Pardon Divin et qui auront une généreuse
récompense de la part d'Allâh selon le verset. Ces versets montrent que toutes les
épouses du Prophète (‫ )ﷺ‬sont considérées comme les mères des croyants (elles
sont donc musulmanes, dignes de respect, aimées par le Prophète (‫ )ﷺ‬et agréées
par Allâh), qu’elles sont de bonnes femmes (globalement) et qu’elles font parties
des ahl ul bayt. A ce titre, citons le hadîth suivant rapporté par Umm Salama,
l’épouse du Prophète (‫ )ﷺ‬: « Le Messager d'Allâh a rassemblé 'Alî, Hassân et Hussayn
sous son manteau et a invoqué Allâh puis dit : « Ceux-là sont (aussi) les gens de ma

512 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2408 dans le Livre des mérites des

Compagnons.
296
maison (Ahl ul bayti) ». Umm Salama demanda : « Est-ce que j'en fait partie ? ». Le
Prophète lui dit : « Tu fais partie de ma famille » » 513.

Et toujours selon Umm Salama : « Que le Messager d'Allâh a rassemblé Fâtima,


Hassân, Hussayn et les a fait entrer sous son manteau et dit : « Ô Allâh, ceux-là sont
les gens de ma maison ». Umm Salama demanda : « Ô Messager d'Allâh, fais-moi
entrer avec eux ! ». Le Prophète lui dit : « Tu fais partie de ma famille » » 514.

Le même hadîth mais avec une précision complémentaire : « Umm Salama


demanda : « ô Messager d'Allâh, ne suis-je pas une membre de Ahl ul bayt ? ». Le
Prophète dit : « Mais si, si Allâh le veut » » 515.

Et dans une autre version : « Umm Salama demanda : « Ô Messager d'Allâh, ne suis-
je pas une membre de Ahl ul bayt ? ». Le Prophète dit : « Mais si ». Umm Salama entra
alors sous le manteau après l'invocation du Messager d'Allâh concernant les 4 » 516.

D'après l’avis le plus solide, les ahl ul bayt du Prophète sont ceux auxquels
l'aumône est interdite, à savoir ses épouses, sa descendance et tout musulman ou
musulmane de la descendance de 'abd Al-Muttalib, c'est-à-dire les enfants de
Hâshim fils de 'Abd Manâf. L’imâm Ibn Hazm a dit dans son livre Jamharatu ansâb
al-'arab (p. 14) : « Hâshim b. 'Abd Manâf a eu comme garçon Shayba qui est 'Abd Al-
Muttalib. La branche issue de «'Abd Al-Muttalib est la branche noble et c'est la seule
qui reste de sa descendance puisqu'il ne reste de descendants de Hâshim que ceux de
son fils 'Abd Al-Muttalib ». Ibn Hazm retrace la lignée de 'abd Al-Muttalib, tout
comme Ibn Qudama dans son at-tabyîn fî ansâb al-qurashiyyîn (p.76), Ibn Hajar
dans son Fath ul-Bârî (7/78-79) et Ibn Taymiyya dans son Minhâj as-Sunnah
(7/304-305). La preuve que les fils de ses oncles font partie des ahl al-bayt est un
hadith, qui se trouve dans le Sahîh de Muslim (n°1072), et qui relate que 'Abd Al-
Muttalib, fils de Rabî'a b. Al-Hârith, fils de 'Abd Al-Muttalib et Al-Fadl b. 'Abbâs sont
allés voir le Messager d'Allâh pour lui demander de les nommer comme
percepteurs de l'aumône afin d'en recevoir une partie pour pouvoir se marier.

513 Rapporté par At-Tabarî dans son Jâmi' Al-Bayân 'an ta'wil ayat Al-Qur'ân n°26170, selon

Abû Kurayb qui rapporte de Khalîd ibn Makhnaf, de Mûsâ ibn Ya'qûb, de Hashim ibn Hashim
ibn 'Utba ibn Abi Waqass, de 'Abdillah ibn Wahb ibn Zam'a qui rapporte de Umm Salama,
l’épouse du Prophète (‫)ﷺ‬.
514 Rapporté par At-Tabarânî dans son Al-Mu'jam Al-Kabir n°2597.
515 Rapporté par Al-Bayhaqî dans son Al-Sunân Al-Kubrâ.
516 Rapporté par Ahmad dans son Musnad, par At-Tahawî dans le Sharh de Mushkil al Athar

n°770.
297
En revenant au Qur’ân, on se rend compte que l’amour et le respect envers les
épouses, la famille et la descendance du Prophète (‫ )ﷺ‬sont une obligation, de
même pour les Compagnons comme Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân, que le Qur’ân
place parmi les Compagnons de la droite, et enfin, que le dogme de l’infaillibilité
des « 12 imâms » n’a aucun fondement qurânique et qu’il ne saurait donc faire
partie des conditions ou des fondements de la foi. Les Ahl ul Bayt eux-mêmes ont
réfuté cette croyance lorsqu’elle émergea bien après la mort du Prophète (‫)ﷺ‬.

En effet : « J’ai demandé à ‘Umar ibn ‘Alî et à Al Hussayn ibn ‘Alî les oncles de Jâ’far
(as-Sâdiq) : « y’a t’il parmi vous Ahl al bayt une personne envers qui l’obéissance est
obligatoire, qui lui est reconnue cette qualité et que quiconque ne lui reconnait pas
cette qualité alors il meurt de la mort de la jahiliyyah ? ». Les deux ont dit : « Non, par
Allâh, il n’y a pas cela chez nous, et quiconque affirme que ceci existe chez nous est
un menteur ». J’ai dit à ‘Umar ibn ‘Alî : « qu’Allâh te fasse miséricorde, il est dit que
vous prétendez que le Prophète a désigné ‘Alî comme successeur puis que ‘Alî a
désigné Al Hassân, puis qu’Al Hassân a désigné Al Hussayn, puis qu’Al Hussayn a
désigné ‘Alî ibn Al Hussayn puis que ‘Alî ibn al Hussayn a désigné Muhammad ibn ‘Alî
comme successeur … ». Alors il a dit : « Par Allâh mon père (‘Alî ibn al Hussayn) est
mort et n’a pas laissé en succession 2 mots ! Qu’Allâh les « combatte » 517, par Allâh
ces gens-là ne sont pas plus qu’un fardeau sur nous » 518.

Dans un hadîth mutawatir rapporté peu avant la mort du Prophète (‫)ﷺ‬, les
mérites de l’imâm ‘Alî avaient été évoqués devant de nombreux Compagnons, dans
le célèbre événement de Ghadîr Khumm : « Allâh n’est-il pas prioritaire sur les
croyants ? (ou : « Allâh n’a-t-il pas plus de droits sur les croyants qu’ils n’en ont sur
eux-mêmes ? ») » Ils répondirent : « Bien sûr ! ». Il dit alors : « Seigneur, fais que ‘Alî

517 L’expression « qu’Allâh les combatte ou les extermine » signifie la gravité d’une telle

croyance ou affirmation, - dont il faut se désavouer et les réfuter -, qui relève d’une
abomination et d’une injustice à l’encontre d’Allâh, de la foi ou de Ses bien-aimés. Il n’est
pas à prendre donc comme une incitation à combattre les gens pour ce genre de croyances
ou de propos, aussi abominables soient-ils, à moins qu’ils l’imposent à la société, qu’ils
lèvent les armes contre la nation, ou qu’ils appellent au meurtre et à la révolte (de façon
illégitime et injuste).
518 Rapporté par Ibn Sa’d dans al-Tabaqât al-Kubrâ 5/324 d’après Muhammad ibn ‘Asim (le

grand imâm, l’exemple, le pieux, le fiable) qui rapporte de Shababah ibn Suwar (l’Imâm, le
Hafidh, la preuve) qui rapporte de al Fudayl Ibn Marzûq (le muhhadith véridique allié de la
famille du Prophète).

298
soit partisan de qui je suis partisan (Mawlâ). Seigneur, sois le Partisan de celui qui le
prend comme partisan, et sois l’ennemi de celui qui le prend pour ennemi ! » 519.

Le terme « Mawlâ » est polysémique et ambivalent, puisque pouvant signifier :


protecteur, protégé, tuteur, esclave (affranchi ou non), prince, responsable,
représentant, maitre, partisan, etc. Selon le contexte, le sens se précisera, et
certaines significations seront donc spécifiques aux créatures. Dans ce texte, le fait
que le terme « mawlâ » est mis en opposition au terme « 'Âdd » (ennemi, agresseur,
opposant, ...) renvoie aux sens de partisan, de protecteur, d'allié, ce qui converge
avec les autres ahadiths, - ainsi qu'avec les versets du Qur'ân - où les croyants sont
exhortés à aimer et respecter ses proches, et à prendre l'imâm 'Alî, - ainsi que
d'autres Compagnons vertueux - comme des modèles.

D'après Zayd Ibn Arqam : « Le Prophète (‫ ) ﷺ‬se leva un jour parmi nous et nous a
fait un discours alors que nous étions dans un endroit qui s'appelle Khama entre La
Mecque et Médine. Il a loué Allâh et lui a fait des éloges. Il a exhorté et rappelé puis il
a dit : « Ô vous les gens ! Certes je ne suis qu'un homme à qui le messager de son
Seigneur va bientôt venir et je vais lui répondre (c‘est-à-dire à la mort). Je vous ai
laissé 2 choses d'une lourde importance : la première est le Livre d'Allâh (Qur’ân), il
s'y trouve la guidée et la lumière, prenez Le livre d'Allâh et accrochez-vous à lui ».
Alors il a exhorté et appelé vers le Qur’ân puis il a dit : « Et les gens de ma maison, je
vous rappelle Allâh concernant les gens de ma maison, je vous rappelle Allâh
concernant les gens de ma maison, je vous rappelle Allâh concernant les gens de ma
maison » 520. On comprend dès lors que la guidée réside dans l’importance de
s’accrocher au Qur’ân, et d’aimer ainsi que de prendre soin des gens de sa famille,
- ses épouses comme ses descendants -, mais il n’est pas question ici d’infaillibilité.
La portée de ce hadîth est générale et non pas restreinte qu’aux Ahl ul Kissâ.

Un jour, notre maître Al-Hassân al-Muthanna 521 rencontra un homme (rafidi ;


shiite extrémiste) qui prétendait que le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬avait indiqué de

519 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°906, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°4078
et d’autres également.
520 Rapporté par Muslim dans son Sahih n°2408.
521 Notre maître Al-Hassân al-Muthanna est un des plus éminents Ahl al-Bayt du 1er siècle

de l'Hégire, célèbre fils de l'Imâm Al-Hassân as-Sibt, le petit fils du Messager d'Allâh (‫)ﷺ‬. Sa
première épouse fut l'honorable et savante Sayyida Fâtima Bint Al-Hussayn. Il était le père
de Sayyidina 'Abdullâh al-Kamil, de Sayyidina Al-Hassân al-Muthallath, de Sayyidina
Ibrahim al-Ghamr, de Sayyidina Muhammad al-Dibaj ainsi que le grand père de Sayyidina
Muhammad an-Nafs az-Zakiyya, - que l’imâm Mâlik tenait en très haute estime -, de
299
façon explicite que notre maître 'Alî était son Khalifa après lui. Comme argument,
l'homme avait cité la parole du Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬: « Celui dont je suis le Mawla
(maître), 'Alî est aussi son Mawla ». Sayyidûna Al-Hassân al-Muthanna lui dit alors
: « Par Allâh ! Si par cette déclaration, le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬avait voulu (pour 'Alî)
une position d'Émir et Sultan sur les gens, il l'aurait clairement exprimé, tout comme
il a clairement exprimé [les injonctions de] la prière (as-Salât), l'aumône légale (az-
Zakat), le jeûne de Ramadan (Siyam Ramadan), et le pèlerinage (al-Hajj). Il (‫)ﷺ‬
aurait dit : « Ô gens ! Celui-ci (faisant référence à 'Alî) est votre Émir après moi, alors
écoutez-le et obéissez-lui ». Il n'y aurait pas eu de différend après cela, car en effet le
plus prévenant des gens envers les musulmans était le Messager d'Allâh (‫ » )ﷺ‬522.

Dans le Musannaf de ibn Abi Shaybah, un récit avec une chaine forte et
authentique 523 jusqu’à l’Imâm Muhammad al Bâqir qui a dit : « ‘Umar (Ibn al-
Khattâb) a donné à ‘Alî la terre de Yanbu’ et a rajouté à cette terre d’autres terres ».

Selon les imâms des Ahl ul Bayt, ‘Umar Ibn al Khattâb dans une chaine très courte
jusqu’aux Imâms d’Ahl al Bayt donna plusieurs terres importantes à l’imâm ‘Alî,
sans rien lui demander en échange. Ce n’est pas là le comportement d’une
personne qui déteste les Ahl ul Bayt.

De son côté, l’amour de notre maître 'Umar Ibn al-Khattâb à l’égard du Messager
d’Allâh et de sa famille est une chose notoire. De nombreux récits nous l’informent
sans aucun doute possible. Citons ce récit où ‘Umar témoigna de son admiration et
de son amour spirituel à l’égard de Fatîma, lorsqu'il se rendit dans la maison de
Fatîma la fille du Prophète Muhammad : « Ô Fatima ! Je jure par Allâh que je n'ai vu
personne de plus cher au Messager d'Allâh ('alayhî salât wa salâm) que toi (Fâtima).

Sayyidina Ibrahim, de Sayyidina Mûlay Idrîss al-Akbar et de Mûlay Sulayman, qu’Allâh leur
accorde Sa Paix !
522 Rapporté notamment par l'Imâm Ibn ‘Asâkir dans son Târîkh Dimashq.

523 La chaine est composée de Ibn Abi Shayba qui est fiable, de Hafs Ibn Ghiyah (Qâdi de
Kûfa) qui est fiable et partisan des ahl ul bayt, l’imâm Jâ’far As-Sâdiq qui est l’imâm des ahl
ul bayt de son temps, et son père l’imâm Muhammad Al-Bâqîr qui est digne de confiance et
savantissime à l’unanimité. Dans Al-Sunân al-Kubra de Al-Bayhaqî, le même récit est
rapporté avec une autre chaîne : Abû ‘Abdullâh (Hafiz et digne de confiance), Muhammad
Ibn Ya’qûb (digne de confiance), Al Rabi’î Ibn Sulayman (digne de confiance), ‘Abdullâh Ibn
Wahb (digne de confiance), Sulaymâ Ibn Bilâl (digne de confiance), selon l’imâm Jâ’far As-
Sâdiq et selon son père Muhammad Al-Bâqîr.
300
Je jure par Allâh que personne ne m'est plus cher que toi après ton père (Muhammad)
» 524.

Dans Al Kafi (7/214) un recueil très connu chez les shiites, nous trouvons ce récit
: « Zurarah a dit : j’ai entendu Abû Ja’far dire : « UbayduLlah ibn ‘Umar a été puni
pour avoir bu du vin et ‘Umar a ordonné qu’il soit frappé en punition. Personne ne
s’est présenté pour accomplir cette tâche alors ‘Alî s’est levé et l’a frappé avec un objet
solide 40 fois » 525.

Ce récit nous apprend donc que personne n’osait punir l’un des fils de ‘Umar,
alors l’imâm ‘Alî se leva pour lui infliger la punition, et le Calife ‘Umar l’a laissé faire
sans s’y opposer. Or, jamais un tyran et une personne qui détesterait l’imâm ‘Alî
n’aurait supporté une telle scène, ni même que son fils soit puni en public par son
pire ennemi. On comprend donc que le Calife ‘Umar ne détestait pas du tout l’imâm
‘Alî.

L’imâm ‘Alî a dit dans Nahj al Balagha au sermon 227 (il s’agit d’un ouvrage
shiite) : « Qu’Allâh récompense untel (‘Umar ibn al-Khattâb), il a redressé la courbe,
a guéri la maladie, a abandonné le mal et a établi la Sunnah. Il est parti de ce monde
avec des vêtements intacts et est resté à l’abri de ses maux. Il a offert l’obéissance à
Allâh et l’a craint comme Il le mérite. Il est parti et a laissé les gens en des voies
diverses dans lesquelles l’égaré ne peut pas obtenir la guidance et le guidé ne peut
pas obtenir la certitude (al yaqin) ».

Dans son Sharh du Nahj al-Balagha (12/3) qui est la plus populaire, le shaykh
Ibn Abi al Hadid (qui n’est pas sunnite) a dit : « Celui qui est visé ici est ‘Umar ibn Al
Khattâb, j’ai trouvé la copie originale de Nahj al Balagha avec l’écriture personnelle
de Abû Al Hassan al Radi (le compilateur de Nahj al Balagha) et il a écrit ‘Umar sous
le mot « fûlan ». Puis il a dit : « j’ai demandé au chef des ahl al bayt Abû Ja’far Yahya
ibn Abi Zayd al ‘Alawî à ce propos et il a dit : « ‘Umar ibn al Khattâb », je lui ai dit «
le chef des croyants (‘Alî) l’a tant loué ? », il a répondu : « oui » ».

Al-Hâkim raconte qu’on a demandé à ‘Alî : « Ô Commandeur des croyants, parlez-


nous d'Abû Bakr ». Il dit : « Il est une personne qu'Allâh a appelé As-Siddiq (le

524 Rapporté par Al-Hâkim dans son al-Mustadrak 3/168 n°4736, par Ahmad dans son

Fadaîl as-Sahabah 1/364 n°532, par Ibn Abi Shayba dans al-Musannaf 7/432 n°37045, par
As-Shaybanî dans al-Âhad wa-l-mathani 5/360 n°2952, par Al-Khatîb al-Baghdadî dans
Târîkh Baghdâd 4/401 et d'autres.
525 Al-Majlissî dans al Mirât 23/330 croit en la validité de ce récit shiite.

301
véridique) à travers la langue du Prophète et il est le calife (le successeur) du
Prophète. Nous l'acceptons pour notre religion et pour notre vie terrestre ».

L'imâm 'Alî a rapporté : « Allâh a donné à chaque Prophète 7 lieutenants et Il en a


donné 14 à votre Prophète (Muhammad) dont notamment Abû Bakr, 'Umar, Ibn
Mas'ûd et Ammâr » 526.

Il est rapporté de l'imâm 'Alî (ce propos : « Si j'entendais un hadith du Messager


d'Allâh (‫)ﷺ‬, Allâh m'en faisait bénéficier comme Il l'a voulu. Si quelqu'un d'autre me
disait quelque chose de lui, je lui demanderais de jurer, et s'il jurait, je le croirais. Abû
Bakr m'a dit - et Abû Bakr disait la vérité - qu'il avait entendu le Prophète (‫ )ﷺ‬dire :
« Il n'y a aucun homme qui commet un péché, puis qui fait le wudû' et le fait bien -
Mis'ar a dit : et prie ; Sufyân a dit : alors prie - 2 rak'ahs et demande pardon à Allâh,
qu'Il soit glorifié et exalté, Il lui pardonnera » 527.

Il est rapporté de la mère des croyants, Sayyidâ 'Aîsha que le Prophète (‫)ﷺ‬
ordonna de fermer toutes les portes s'ouvrant dans la mosquée, sauf la porte d'Abû
Bakr As-Siddîq 528.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬était sur la montagne Hira (une montagne à proximité de La


Mecque) avec Abû Bakr, 'Umar, 'Uthmân, 'Alî, Talha et Zubayr lorsqu'un rocher a
bougé. Alors le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Ne bouge pas. Il n'y a sur toi qu'un prophète,
un véridique ou un martyr » 529. Le véridique est Abû Bakr et 'Umar, 'Uthmân, 'Alî,
Talha et Zubayr sont tous morts en martyr.

526 Rapporté par al-Qâdi 'Iyyâd dans son Kitâb as-Shifâ' bita'rif 'Huqûq Al-Mustafâ, au

chapitre 3.
527 Hadîth rapporté par Ahmad dans son Musnad n°2 avec une chaîne authentique.
528Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh 15/272 n°6857, par Al-Bayhaqî dans Sunân al-
Kubrâ 2/442 n°4121, par Abû Yalâ dans Al Musnad 8/137 n°4678, par At-Tirmidhî dans ses
Sunân 5/616 n°3678, par Ahmad dans Fadâ'il as-Sahaba 1/70 n°33 et 1/353 n°512, par At-
Tabarî dans son Târîkh 2/229.
529Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2417 selon Abû Hurayra, et une autre variante
très proche par al-Bukharî dans son Sahîh n°3675 selon Anas Ibn Malik.

302
A propos de Sayyidûna ‘Uthmân, le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬évoqua une dissension
et dit : « Celui-ci y mourra (en martyr) étant victime d’injustice » en parlant de
ʿUthmân » 530.

Nafi' rapporta aussi que : « ‘Uthmân, qu'Allâh l'agrée, a vu le Prophète (‫ )ﷺ‬dans


son rêve la nuit où il a été tué le lendemain matin. Le Prophète (‫ )ﷺ‬lui dit : « ‘Uthmân,
romps ton jeûne avec nous ce soir » 531. Puis, il a été tué alors qu'il jeûnait (et récitait
le Qur’ân).

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Ô 'Uthmân, Allâh t'habillera d'un vêtement


(particulier) ; si jamais les hypocrites veulent que tu l'enlèves, ne le fais pas » 532.

Quand les criminels assiégèrent la demeure de 'Uthmân, il refusa de les tuer, mais
résista et refusa de trahir le dépôt qui lui avait été confié avec l'approbation
prophétique et leur dit : « Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬m'a confié un dépôt et j'ai décidé
de le garder » 533, refusant ainsi de trahir le dépôt prophétique uniquement pour
que sa vie soit épargnée, il préféra donc la Satisfaction d'Allâh et celle de Son
Prophète (‫ )ﷺ‬à sa propre vie.

Face à cette confusion, des gens demandèrent à Ubayy Ibn Ka'b ce qu'il fallait
faire et leur dit : « Le Livre d'Allâh (Qur'ân) et la Sunnah de Son Prophète. Ce qui est
clair pour vous faites-le, mais ce qui vous rend perplexes, laissez-le de côté » 534.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « La modestie est une partie de la foi, et le plus
modeste de ma Communauté est ‘Uthmân » 535.

530 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3708, selon Ibn 'Umar.
531 Rapporté par Al-Bayhaqî dans Dalâ’îl al-Nubuwwâ 7/48.
532 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23326, par Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk

n°4519, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3705, par At-Tabarânî dans Al-Mu'jam al-Kabir
n°4921.
533 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3711.
534 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk n°5326.

535 Rapporté par Ibn ‘Asâkir dans Târiîkh Dimashq n°39916 selon Abû Hurayra avec une

chaine authentique.
303
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Les affaires de ma communauté seront régies avec
justice jusqu'à ce qu'un homme des Banû Umayya nommé Yazîd soit le premier à le
bouleverser » 536.

Cela nous informe que pour le Prophète (‫)ﷺ‬, les premiers califes Abû Bakr, 'Umar,
'Uthmân et 'Alî étaient justes et bien-guidés. Le cas de Mu'awiyya est différent,
puisqu'il fut l'objet d'éloges et de critiques de la part du Prophète (‫)ﷺ‬, mais que la
grande tragédie surviendra avec Yazîd Ibn Mu'awiyya, commettant l'irréparable,
et où un de ses partisans, assassinera l'imâm Hussayn, le petit-fils du Prophète (‫)ﷺ‬
-, bien que certaines sources indiquent que Yazîd n'en ordonna pas l'ordre de lui-
même.

Cela est conforme aussi aux autres paroles prophétiques comme celles-ci, où,
désignant Abû Bakr, 'Umar et 'Uthmân, le Prophète (‫ )ﷺ‬dit : « Ceux-ci sont ceux qui
prendront la responsabilité (des musulmans) après moi (et qui seront vos successeurs
politiques légitimes » 537. Ainsi que : « La succession (politique) dans la voie de la
prophétie sera de 30 ans, et ensuite Allâh donnera le pouvoir politique à qui Il voudra
» 538, incluant ainsi Abû Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Alî et son fils Al-Hassân (qui
gouverna environ 6 mois avant de céder le pouvoir à Mu’awiyya pour éviter
l’effusion de sang, malgré le rang éminent de l’imâm Al-Hassân, il pensait d’abord
au bien-être de la Ummah) parmi les Califes bien-guidés.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Abû Bakr As-Siddîq est mon ministre
(wazîri), et mon Calife (ou mon vicaire) sur ma communauté après ma mort, `Umar
parle par ma langue, `Ali est mon cousin, mon frère et le porteur de mon étendard, et
`Uthmân est de moi et je suis de lui » 539.

D’après Ibn `Abbâs : « Un homme vint trouver l’Envoyé d’Allâh et lui dit : « Cette
nuit j’ai vu en songe un nuage qui laissait tomber en gouttes du beurre et du miel et

536 Rapporté par Abû Ya'lâ dans son Musnad n°837, par Al-Hârith Ibn Ussâma dans son

Musnad n°606.
537 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Mustadrâk n°4251 et n°4508, par Al-Bayhaqî dans Dalâ'îl

al-Nubuwwa n°816 et 817, par Ibn Hajar al 'Asqalânî dans Al-Mâtalib al-'Âliya n°3912, par
Al-Hârith Ibn Ussâma dans son Musnad n°584.
538 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n° 20918, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2226,

par Abû Dawûd dans ses Sunân n° 4646 et 4647.


539 Rapporté par At-Tabarâni dans Al-Mu’jam Al-Kabîr, et Ibn `Adî dans Al-Kâmil, et d’autres

l’ont rapporté également.


304
la foule se précipitait pour les recueillir dans leurs paumes, les uns en prenant peu,
d’autres beaucoup, lorsque tout à coup une corde lia le ciel à la terre et je te vis saisir
cette corde et t’élever dans les airs. Puis vint un autre homme qui saisit la corde et
s’éleva également ; il vint ensuite un autre qui fit la même chose, puis un troisième
vint et saisit la corde qui se rompit puis se rejoignit de nouveau afin de lui permettre
de s’élever également ». – « Ô Envoyé d’Allâh, toi, pour qui je sacrifierais la vie de mon
père, dit alors Abû Bakr, au nom d’Allâh, laisse-moi donner l’interprétation de ce
songe ». – « Interprète-le », répondit le Prophète. – « Le nuage, reprit Abû Bakr, c’est
l’islâm ; le miel et le beurre qui en tombaient c’est le Qur'ân avec sa beauté et sa
douceur ; c’est le Qur'ân dont les uns lisaient beaucoup et les autres peu. Quant à la
corde liant le ciel à la terre, c’est la Vérité que tu nous as apportée et c’est en t’y
attachant qu’Allâh t’a élevé. Après toi, viendra un homme qui se saisira de cette corde
(de la Vérité) et qui, grâce à elle, s’élèvera. Un autre homme viendra ensuite et fera
de même. Enfin, viendra un homme qui se saisira de la corde qui se rompra puis se
rejoindra et l’homme s’élèvera » 540.

L’imâm ‘Alî a rapporté que le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Qu'Allâh fasse
Miséricorde à Abû Bakr, il m'a donné sa fille (‘Aîsha) en mariage, et il m'a soutenu
(et accompagné) durant la Hijrah (l’émigration), et il a libéré Bilâl (Ibn Rabâh al-
Habashi, l’africain) avec sa richesse. Qu'Allâh fasse Miséricorde à ‘Umar, il dit la
vérité même si elle est aigre. La vérité l'a fait se retrouver sans ami. Qu'Allâh fasse
Miséricorde à 'Uthmân, les anges sont timides de lui. Qu'Allâh fasse Miséricorde à ‘Alî.
Ô Allâh ! Place la vérité avec lui partout où il se dirige » 541.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Abû Bakr est de moi et je suis de lui, et il est mon
frère ici-bas comme dans l’au-delà » 542.

Citons le sublime sermon de notre maître ‘Alî sur notre maître Abû Bakr (sur eux
deux la Paix !). Usayd bin Safwan rapporte que lorsque Sayyidûna Abû Bakr quitta
ce bas-monde, et que son visage fut couvert par un linceul, alors Médine toute
entière trembla par les pleurs et la détresses de ses habitants. Les gens pleuraient
comme ils l’avaient fait lors du jour de la disparition du Saint Prophète Muhammad
(‘alayhî salât wa salâm), l’imâm ‘Alî, notre maître, le père des maîtres du Paradis
parmi les jeunes, Al-Hassân et al-Hussayn, l’époux de l’une des reines du Paradis,
Sayyida Fatima, le cousin et gendre du sayyîd du genre humain, le modèle des

540 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°4214.


541 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°4079 selon ‘Alî.
542 Rapporté par Ad-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws.
305
amoureux, le pôle des gnostiques, arriva en pleurant et en récitant « Inna lillah wa
inna ilayhi râji'ûn » (Qur’ân 2, 156) et dit : « Aujourd’hui le califat du Prophète s’est
interrompu ». Puis il se mit face à la porte de la demeure dans laquelle se trouvait
le corps de Sayyidûna Abû Bakr, résuma toutes les qualités ainsi que les mérites
de notre maître Abû Bakr lorsqu’il dit :

« Ô Abû Bakr ! Qu'Allâh te fasse miséricorde, tu es le premier (homme adulte) à avoir


embrassé l'islam, le plus sincère dans la foi, celui qui a cru (avec) le plus (de certitude)
en Allâh, celui qui Le craint le plus, le plus généreux et charitable de tous, celui qui a
passé le plus de temps avec le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬et qui était le plus compatissant
(altruiste) avec (les gens de) l'Islam. Tu fus la plus grande bénédiction pour les
compagnons du Prophète (‫)ﷺ‬, le meilleur dans la volonté du bien (pour les autres),
le plus élevé en mérite, le premier à initier la marche, bénéficiant de la plus haute
station, le plus proche du Saint Prophète (‫)ﷺ‬, tu étais dans ta guidance, ta
complexation, ton contrôle du langage, le plus semblable (le plus proche) au Saint
Prophète (‫)ﷺ‬. Aux yeux du Saint Prophète (‫)ﷺ‬, tu étais le plus honorable des
compagnons et le plus digne de confiance. Qu’Allâh, l'Exalté, te comble par le biais du
Saint Prophète (‫ )ﷺ‬de l'Islam et des musulmans, de bonheurs (richesses, bien-être,
récompenses dans l’au-delà). Tu as attesté de la véracité (de la parole et de l’être) du
Saint Prophète (‫ )ﷺ‬lorsque le peuple l'a rejeté, alors Allâh t'a gratifié en t’attribuant
le nom d’Al-Siddiq (le véridique) dans Son Livre et dit : « Celui qui a apporté la vérité
(c'est-à-dire le Saint Prophète) et celui qui a attesté (certifié), (c'est-à-dire Abû Bakr
al-Siddîq) » (cf. Qur’ân). Tu as consolé (réconforté) le Saint Prophète (‫ )ﷺ‬alors que le
peuple était rancunier (hostile, haineux). Debout avec le Prophète (‫ )ﷺ‬lorsque le
peuple l'a abandonné, tu as rendu grâce au Prophète (‫ )ﷺ‬même dans les moments les
plus difficiles. Tu es Thani-Al-Ithnayn (Le second parmi les deux ; il secondait le
Prophète), tu as été béni et (Allâh) a fait descendre sur toi la paix. Tu étais le
compagnon du Saint Prophète (‫ )ﷺ‬durant l’émigration et durant tous les moments
difficiles. Tu t'es avéré être le meilleur calife du Saint Prophète (‫ )ﷺ‬pour la Ummah,
sans cela, le peuple aurait apostasié. Tu as établi (fermement) le Dîn d'Allâh comme
nul autre calife d'un quelconque (autre) Prophète n'aurait pu le faire. Tu es resté
robuste (fort) lorsque tes compagnons se sont affaiblis, tu as été prompt, (fait preuve
de diligence) lorsqu'ils sont devenus indolents (paresseux), tu t’es dressé (contre
l’ennemi) pour la stabilité du Dîn lorsque les gens ont montré des signes de faiblesses,
tu as marché sur le Minhaj (la voie de la droiture) du Saint Prophète (‫ )ﷺ‬au moment
où la détermination des Hommes a faiblit, tu n'as guère prêté attention à l'opposition
des hypocrites, à la haine des rebelles, à la colère des infidèles et à l'envie et à
l'aversion des envieux. Tu as persévéré dans la cause de la vérité pendant que les gens
étaient découragés, tu es resté ferme pendant qu'ils vacillaient, tu as marché à la
lumière des conseils divins pendant qu'ils se tenaient face (en opposition) à lui, enfin
ils t’ont suivi et ont obtenu la guidance. Ta voix était la plus basse mais son rang, le
306
plus élevé, ton discours était le plus bas mais le plus avéré (authentique), tu étais le
plus silencieux mais ton discours était le plus éloquent. Tu excellais dans la haute
opinion (les suggestions, les conseils), la bravoure (vaillance), la force de conviction
(doctrine), la bonne complexation (les bonnes actions) et dans la compréhension des
affaires. Ô Seigneur de gloire ! Tu fus le premier chef du Dîn lorsque les gens l’ont
délaissé et tu fus le dernier chef lorsqu'ils se sont tournés vers ce dernier. Tu étais
comme un père compatissant envers les musulmans jusqu'à ce qu'ils deviennent
comme tes enfants. Tu portais de lourdes charges qu'ils (tes compagnons) ne
pouvaient supporter, tu sauvais ceux sur le point de s’égarer et tu prenais soin de
ceux qui étaient sur le point de délaisser (la voie droite). Tu as fait preuve de diligence
lorsqu’ils étaient impuissants, tu as gardé la tête haute lorsqu’ils étaient découragés,
tu es resté ferme lorsqu’ils étaient terrifiés et ils ont obtenu une telle guidance et
succès, que sans toi, il leur aurait été impensable de l’acquérir. Tu étais une tempête
de tourments et une flamme de feu pour les mécréants (belliqueux) et un déluge
d'amour et de miséricorde pour les croyants.
Tu as volé dans l'atmosphère des attributs et des perfections, trouvé et choisi le
meilleur présent parmi eux. Ton argument n'a jamais été vaincu, ton coeur ne fut
jamais rouillé, ta vision n'a jamais faibli et ton âme n'a jamais connu la lâcheté ou la
perfidie. Tu étais tel une montagne que les vents ne pouvaient déplacer et que les
tempêtes ne pouvaient secouer. Selon les paroles du Prophète (‫)ﷺ‬, tu étais le plus
bienveillant (gratifiant) envers le Prophète (‫ )ﷺ‬en termes de compagnie et de service
financier, et selon les paroles du Prophète (‫( )ﷺ‬ou selon ces dernières), tu possédais
un corps plutôt amaigri mais tu étais doté d’une incroyable force et ardeur en
matière de Dîn d'Allâh. Tu étais humble en estime de soi-même, mais tu étais exalté
aux yeux d'Allâh, (être) sans égal (aux autres) sur terre, et très estimé parmi les
croyants. Personne ne se moquait de toi, ni ne pouvait prononcer une (quelconque)
critique à ton égard. Tu n'as également jamais fait de concessions à quiconque (en
matière de Dîn).

L'homme faible et inférieur était fort à tes yeux jusqu'à ce que tu lui octroies son droit
et l'homme fort et puissant était faible et humilié à tes yeux jusqu'à ce que lui ôtait
les droits des autres. De loin et de près, les deux catégories de personnes étaient les
mêmes à ses yeux.
Ton rang était (constitué par) la vérité, la véracité et la douceur, ton commandement
était définitif et catégorique, ton attitude était la patience et la clairvoyance, ton
opinion était (fondée sur) la connaissance et la détermination. Tu as quitté le monde
lorsque le chemin fut pavé, que la difficulté se transforma en facilité et que le feu (le
danger) fut éteint. Grâce à toi, le Dîn a atteint un état modéré (équilibré, tempéré),
la foi s’est enhardie, le commandement d'Allâh a prévalu malgré que les mécréants
(injustes) en ont souffert et l'Islam et les musulmans sont restés sur la droiture. Par
307
Allâh, le Seigneur de gloire ! Tu es allé si loin dans l’application (des enseignements)
du Dîn que tu as épuisé ceux qui t’étaient postérieurs (ne pouvant t’égaler), tu as
réussi et tu es libéré des soupirs et des souffrances. La gravité de ta mort s’est fait
ressentir jusqu’au ciel et sa tragédie a touché toute l'humanité. Nous appartenons
tous à Allâh et nous reviendrons à Lui. Nous sommes satisfaits de la décision d'Allâh,
le Seigneur Glorieux, et nous lui avons confié notre cas. Par Allâh ! Après la disparition
du Saint Prophète (‫)ﷺ‬, aucun évènement n’a plus affecté (et meurtri) les musulmans
que ton décès. Tu étais un lieu de mérite (de renommé) et un refuge pour le Dîn, une
forteresse et un Dar Al-Amn (demeure/terre de sécurité) pour les musulmans, et pour
les hypocrites tu étais plein de rage et de hargne. Puisse Allâh, l'Exalté, t’unir à Son
Noble Prophète (‫ )ﷺ‬et ne jamais nous priver de ta récompense et de nous garder
fidèles à la vérité pour toujours ». Tant que Sayyidunâ ‘Alî parlait, les gens
écoutaient en silence, puis se mirent à pleurer de façon incontrôlable comme ils
l’avaient fait le jour de la disparition du Saint Prophète (‫ )ﷺ‬543. Et cela ne diminue
en rien les mérites particuliers de l’imâm ‘Alî, car comme il l’a lui-même dit :

« Muhammad, le Prophète, est mon « frère » [cousin] et mon beau-père,

Hamza, le maître des martyrs, est mon oncle. Ja'far, l’homme qui vole avec les anges

Matin et soir, est le fils de ma mère.

La fille de Muhammad est mon épouse et ma partenaire,

Notre chair et notre sang sont entrelacés.

Les petits-fils d’Ahmad (le Prophète) sont mes propres fils. Ainsi, qui parmi vous a un
statut comme le mien ?

J’étais le premier de vous tous à entrer dans l’Islâm 544,

543 Rapporté notamment par Al-Hâkim at-Tirmidhî dans Nawadîr al-Usul 3/142, par Ibn

'Abd al-Barr dans Al-Isti'âb 1/98, par Ibn 'Asakir dans Tarîkh Dimasqh 30/440, par Muhîb
Tabarî dans Riyadh al-Nadhra 2/248, par Al-Bazzâr dans Al-Musnad 3/138 n°928, par
Muqaddisi dans Al-Ahadith Al-Mukhtarat 2/15 n°397-398, par Al-Haythâmî dans Majmâ' Al-
Zawâ'îd 9/47 et par d'autres.
544 Il y a divergence sur la première personne à avoir embrassé l’Islâm, mais ce que l'on

sait en tout cas, est que Abû Bakr est le premier homme adulte à s'être converti à l'Islâm, -
étant déjà un proche ami du Prophète avant que sa mission prophétique ne débute -,
Khadija (l'épouse du Prophète) fut la première femme à embrasser l'Islâm, et 'Alî fut le
premier enfant à devenir musulman.
308
Encore un garçon dont la puberté n’était pas arrivée » 545.

Et comme le dit Ibn ‘Arabî dans sa Tadhkirat au chapitre 7 sur l’imâmat d’Alî, il
rapporte que ‘Alî, à l’époque où ‘Umar était calife, retarda d’un jour la visite qu’il
avait coutume de lui rendre. A sa vue, ‘Umar lui fit le meilleur accueil et lui déclara
: « Tu m’as beaucoup manqué en ne venant pas hier. Allâh me préserve du jour où je
ne te verrai pas et de l’assemblée dont tu ne seras pas ! Par Allâh ! Je préférerais ne
pas être dans une réunion où tu ne serais pas avec moi ». Quand ‘Umar tenait séance
avec les combattants de Badr en particulier, pour discuter de leurs intérêts, ‘Alî
était le premier à entrer auprès de lui et lu dernier à le quitter. Selon une autre
tradition, ‘Umar aurait dit : « ‘Alî est l’un de ceux qui sont aimés d'Allâh et de Son
Envoyé. J’étais avec un groupe de Compagnons en présence de l’Envoyé d'Allâh, alors
qu’il parlait d’une expédition qu’il avait envoyée et qui était revenue sans succès. Il
dit alors : « Demain je vais donner l'étendard à un homme qui revient à la charge et
ne bat pas en retraite, aimant Allâh et Son Envoyé, aimé d'Allâh et de Son Envoyé, et
c'est à lui qu'Allâh accordera la victoire ». Or j’étais le premier à y prétendre et celui
qui, de tous, désirait le plus en être le porteur. Mais, le lendemain, il appela ‘ Alî —
(qui souffrait alors d’ophtalmie que le Prophète guérit instantanément avec sa salive
— et lui remit l'étendard en lui disant : « Va ! tu as l'initiative : qu'Allâh t'appuie de
Son secours et qu'Il affermisse ta force et ta résolution ! ». Il partit et Allâh lui accorda
la victoire. Et je ne connais personne parmi les Compagnons de l’Envoyé d'Allâh qui
n’ait envié 'Alî pour ce que lui avait dit l’Envoyé d'Allâh et pour les paroles et la
situation honorifiques dont il l’avait ainsi comblé » 546. On voit ici qu'Umar était
quelqu'un qui était aimé de l'imâm 'Alî et qui aimait l'imâm 'Alî, de même qu'il
désirait plus que tout d'être aimé d'Allâh et de Son Messager, et qu'il rapporta
l'immense mérite et reconnut le rang éminent de l'imâm 'Ali.

Ibn 'Arabî dans sa Tadhkirât rapporte par ailleurs que d’après Abû Bakr al-Siddîq
: « J’étais, dit-il, assis seul avec l’Envoyé d'Allâh, quand ‘Alî demanda l’autorisation
d’entrer ; il la lui accorda et se tourna vers moi avant qu‘Alî ne fût introduit, en me
disant : « Ô Abû Bakr ! Celui qui veut voir l'homme de ma famille qui a le rang le plus
grand et le mérite le plus parfait, qui est de la branche et de la souche les plus pures,

545 Rapporté notamment par Ibn Hajar al Haytamî dans Sawa'iq al-Muhriqa, et qui relate

aussi que : « L’Imâm al-Bayhaqî a dit : « Ces lignes de poésie devraient être mémorisées par
quiconque ignore la vérité sur 'Alî, afin qu’il puisse reconnaître sa fière place dans l’Islâm » ».
546Rapporté notamment par Ahmad dans son Musnad 1/99 et 185, par al-Bukharî dans son
Sahîh dans le kitâb al-jihâd et dans le Fadâ'îl Ashâb an-Nabi.
309
n'a qu'à regarder 'Alî. Sa main sera dans la mienne le Jour de la Résurrection (Yawm
aI qiyâma) ; il entrera partout où j'entrerai, sa main ne quittera pas la mienne
jusqu'à ce qu'il entre au Paradis avec moi » ».

Si les 3 premiers califes bien-guidés étaient les ennemis des Ahl ul Bayt, et alors
même qu'ils avaient la puissance politique et le soutien populaire, ils n'auraient
pas hésité à écarter les Ahl ul bayt des affaires politiques, - or ils les ont intégré
dans les affaires politiques et publiques de la Communauté -, mais ils les auraient
aussi massacrés. Or, sous leur autorité les Ahl ul Bayt ont non seulement été
protégés, mais ils ont aussi été loués et leurs valeurs ont souvent été reconnues et
louées publiquement en privé.

La tragédie qui frappa les Ahl ul Bayt ne survint que plus tard, ce qui prouve la
Baraka qui était attachée aux Califes bien-guidés. 'Umar a été vraiment le
protecteur des ahl ul bayt. Il a tout fait pour les honorer, et son amour pour eux ne
peut que donner les larmes aux yeux. Partant de là, nous comprenons mieux
pourquoi les awliyâ le voyaient à la droite du Prophète dans le Diwân à travers
leurs songes spirituels ou de leurs dévoilements à l’état de veille, et et pourquoi
Allâh l'a honoré en le faisant reposer à côté du Prophète (‫ )ﷺ‬et de Sayyiduna Abû
Bakr à Médine, ville de la Paix.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬avait dit par ailleurs : « Mon Dieu, renforce l'Islam par celui de ses
2 hommes que Tu aimes le plus : par Abû Jahl ou par 'Umar ibn al-Khattâb » 547.

Il n'est pas dit : « celui que Tu détestes le plus ou qui est le moins pire », mais « que
Tu aimes le plus ». De même, il s'agit ici d'une du'a pour renforcer la Ummah, et cela
exclut la mécréance et la perversité dans ce cas présent.

L'imâm 'Alî a rapporté du Prophète (‫ )ﷺ‬qu'il a dit : « Abû Bakr et 'Umar sont les
maîtres des personnes âgées parmi les habitants du Paradis, depuis les premiers
jusqu'aux derniers, en dehors des Prophètes et des Messagers » 548.

547Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3863 relaté par Ibn 'Umar notamment, par
Ahmad dans son Musnad n°5696, par Al-Hâkim dans son Mustadrak n°4485, authentifié par
Ad-Dhahabî. La chaine a été considérée comme étant bonne/authentique.
548 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°4028 selon 'Alî avec une bonne chaîne.

310
L'imâm Muhammad al-Bâqîr (petit-fils de l'imâm Hussayn, et père de l'imâm
Jâ'far) a dit : « Quiconque ignore la valeur (élevée) de Abû Bakr et ´Umar - qu'Allâh
les agréés tous 2 - est un ignorant de la Sunnah » 549.

L’imâm Al Hakîm An-Naysabûrî, qui était un traditionniste ayant relaté les


nombreux mérites des ahl ul bayt a dit : « Jâ’far [As Sâdiq] Ibn Muhammad rapporta
d’après son père Muhammad [Al Baqîr] Ibn ‘Alî [Zayn ul ‘Âbidîn] que ‘Abdu Llâh Ibn
Jâ’far Ibn Abî Tâlib a dit : « Abû Bakr As Siddîq est devenu notre Calife et il fut le
meilleur des Califes d’Allâh, il fut le plus charitable et le plus attentionné envers nous
(les Ahl ul Bayt) » » 550.

Abû Bakr disait en effet : « Cherchez la proximité (urqubû) de Muhammad -


salallahû ‘alayhi wa salam- à travers les membres de sa famille » 551.

Lorsque Fâtima tomba malade, Abû Bakr partit lui rendre visite et demanda la
permission d'entrer. 'Ali demanda : « Ô Fatima, c'est Abû Bakr demandant la
permission d'entrer ». Elle répondit : « Veux-tu que je lui donne la permission ? » ? Il
répondit : « Oui ». Donc, elle lui donna la permission, et il était venu la voir dans le
but de rechercher sa satisfaction. Abû Bakr lui dit : « Par Allâh, j'ai quitté ma maison,
mes biens et ma famille dans l'unique but de la satisfaction d'Allâh, de son Messager
et de vous, ô Ahlul Bayt ». Puis il a conversé avec elle jusqu'à ce qu'elle soit satisfaite
de lui » 552.

Le célèbre mujtahid shiite Allâmah Bahrâni rapporte lui aussi que Fâtima fut, par
la suite, satisfaite du jugement de Abû Bakr 553.

549 Rapporté par al-Daraqutnî dans Al-Fadâ'il as-Sahaba (les vertus et mérites des

Compagnons).
550 Rapporté par al-Hakîm dans son Al Mustadrak.
551 Hadîth rapporté par al-Bukharî et Muslim dans leur Sahîh, sous l’autorité de Ibn ‘Umar.

552 Ce hadith est rapporté par al-Bayhaqî dans Sunan al Kubra (6/300-301) et Dala’il al-

Nubuwwa (7/273-281) qui a dit : « La chaîne de transmission est bonne (hasan) ». Muhibb al
Din al-Tabari le cite dans al Riyad Al Nadira 2/96-97 n°534 et Ad-Dhahabî dans Siyar a’lam
an-Nubalâ’. Ibn Kathir juge qu'il s'agit d'un récit Sahih dans son Al Bidayah wa An-Nihayah
5/290 et Ibn Hajar Al ‘Asqalanî dans son Fath Al Bari 6/202.

553 Voir son Sharh’ Nahdil Balâghah, p. 543.


311
Par ailleurs, après cet événement, Fâtima demanda que la femme d'Abû Bakr
fasse son lavage mortuaire. Fâtima décéda 6 mois seulement après le Prophète (un
hadîth nous apprend que le Prophète lui prédit sa mort : que le Prophète allait
mourir et que la première personne parmi ses proches à le rejoindre serait sa fille
Fatima). Lors de sa maladie, elle appela Asma bint Umays 554, la femme d'Abû Bakr,
pour lui demander si elle pourrait lui faire son lavage corporel après sa mort, ce
qui nous prouve que le conflit de Fadak devait être déjà réglé. ‘Alî demanda par
ailleurs à Abû Bakr de diriger la prière de Janaza selon une source shiite, dans le
Fasl ul-Hitab de Nuri Tabarsi : « Sur la requête d'Alî, Abû Bakr est venu en tant
qu'Imâm afin de conduire la prière mortuaire avec 4 takbir ».

Ad-Dhahâbî dans son Tadhkirat al huffâz (p.8) rapporte également cette parole
de l’imâm ‘Alî : « Auparavant, lorsque j’entendais un hadith de la bouche du Prophète
(‫)ﷺ‬, je m’instruisais de son contenu selon la Volonté Divine, mais lorsqu’il me fut
rapporté par une autre personne, je le fis passer sous serment pour s’assurer de sa
véracité sauf pour Abû Bakr as-siddîq (le véridique) car Abû Bakr ne dit que la vérité
».

L'imâm 'Alî a dit : « Lorsque le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬fut décédé, nous avons étudié
notre affaire et nous avons trouvé que le Prophète (‫ )ﷺ‬a mis en avant Abû Bakr pour
la prière ; alors nous avons accepté pour le temporel (pouvoir politique) celui dont le
Messager (‫ )ﷺ‬fut satisfait pour le religieux (spirituel, cultuel, …), et nous avons mis
Abû Bakr en avant » 555.
Dans le Kitâb al masahif de Ibn Abî Dawûd, un récit authentique de ʿAbd Ḫayr
relate que : « J’ai entendu ʿAlî dire : « C’est Abû Bakr qui est le plus digne de
récompense en ce qui concerne les recueils qurâniques. (Que) La Miséricorde d’Allâh
soit sur Abû Bakr ! Ce fut le premier qui recueillit le Livre d’Allâh (Qur’ân) » 556.
Si l'imâm 'Alî a interdit de soutenir les tyrans et les oppresseurs et de les
fréquenter dans leur exercice du pouvoir, comment a-t-il pu être le conseiller et le
soutien de Abû Bakr, de 'Umar et de 'Uthmân, donner sa fille Umm Kulthûm en
mariage à 'Umar, et ne pas avoir fait sécession envers Abû Bakr et 'Umar, si le
califat devait lui revenir en exclusivité et en tant qu'obligation religieuse ? Il aurait

554 Mariée auparavant à notre maître Ja’far Ibn Abû Tâlib jusqu’à ce qu’il tomba en martyr.
555 Ibn Sa'd dans ses Tabaqat, 3/167 ; rappelons que son maître al-Waqidî était un « shiite
» au sens politique, partisan de l'imâm 'Alî. Rapporté dans d’autres sources aussi. D’autres
le rapportent aussi selon une bonne chaîne.
556 Texte relaté également par As-Suyûtî dans son Al-Itqân (p. 217) et authentifié

notamment par l’imâm Ibn Hajar al ‘Asqalânî.


312
donc désobéi à Allâh et à Son Messager, ce qui est impossible même selon le dogme
du shiisme duodécimain. Paradoxalement, ils s'attachent à un récit apocryphe
indiquant que Sayyidûna ‘Umar aurait tué Fatima (la fille du Prophète) en présence
de l'imâm 'Alî, qui ne se serait pas interposé pour la secourir, lui, le lion de la de la
Ummah. Il s'agit là d'un récit apocryphe, et qui contredit le Qur'ân, la Sunnah et
l'avis des ahl ul bayt. Les Califes bien-guidés, en dépit de leurs différences
respectives, puisaient à la même source (Qur'ân et la Voie prophétique). Allâh a
dit : « Allâh a promis à ceux d'entre vous qui ont cru (en Lui et en ce qu’Il a
révélé) et fait les bonnes oeuvres qu'Il leur donnerait la succession sur terre
(faire d’eux des vicaires) comme Il l'a donnée à ceux qui les ont précédés. Il
donnerait force et suprématie à leur religion qu'il a agréée pour eux. Il leur
changerait leur ancienne peur en sécurité. Ils M'adorent et ne M'associent
rien » (Qur’ân 24, 55), et en effet, durant la période des califes bien-guidés, Allâh
donna la suprématie aux musulmans et à l’Islâm, avant que les déviances et les
grandes divisions ne se succèdent. Et comme le dit Ibn ‘Arabî dans sa Tadhkirat au
chapitre 7 sur l’imâmat d’Alî : « et alladhîna (« ceux qui ») est un pluriel, le waw dans
âmanû (« ils croient ») et ‘amilû (« ils font ») est une forme pronominale du pluriel,
ainsi que hum dans Sa Parole : yastakhli- fanna-hum (« Il les fera vicaires ») ».

On rapporta que le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬se rendit un jour chez sa fille Umm
Kulthûm (qui n’est pas la fille de l’imâm ‘Alî portant le même nom) alors qu'elle lui
lavait la tête (à son mari 'Uthmân ibn Affân) et qu'il dit à sa fille : « Ma fille (Umm
Kulthûm), prends bien soin d'Abû 'Abdallâh, car de tous mes Compagnons, c'est lui
qui me ressemble le plus, en termes de comportement » 557.

C'est le Prophète (‫ )ﷺ‬qui suggéra à 'Uthmân d'épouser sa fille Umm Kulthûm 558.

Anas ibn Mâlik relata qu'il vit le Prophète (‫ )ﷺ‬assis au bord de la tombe de sa fille
Umm Kulthûm (décédée en l'an 9 de l'Hégire) : « Je vis ses yeux se remplir de larmes
... » 559.

557 Rapporté par Al-Haythamî dans son Majma 'az-Zawâ'id wa Manba' al-Fawâ'id 9/81. Il dit

que tous les rapporteurs du récit sont des gens dignes de confiance, sauf Muhammad ibn
'Abdullâh qu'il ne connait pas (en tout cas pas sous ce nom). Le contenu est en tout cas
conforme aux éloges d'Allâh dans le Qur'ân sur 'Uthmân, et aux nombreux éloges du
Prophète et des ahl ul bayt concernant 'Uthmân et son comportement.
558Rapporté par al-Hâkim dans son al-Mustadrak.
559Rapporté par al-Bukhari dans son Sahîh n°1285 selon Anas Ibn Mâlik dans le Kitâb al-
Janâ’îz (des funérailles).
313
L’éloge de Mu'awiyya par rapport à l'imâm 'Alî. Après la mort de 'Alî, Dirar ibn
Damrah le pleura dans sa poésie, Dirar écrit dans une élégie : « Je me souviens de
lui disant un jour : « Ô monde ! Ô monde ! Je sais que tu t'es embelli d'ornements et
que tu attends avec impatience de venir à moi. Ne perds pas ton temps, car tu ne feras
que t'épuiser. Va harceler quelqu'un d'autre, si tu en as la force ! J'ai divorcé de toi
par les 3 talaqs, et ne reviendrai jamais sur ma parole. Tu disposes d'une espérance
de vie courte et ton niveau de vie est faible, mais le préjudice que tu causes est
pourtant immense. Quelle honte ! Le voyage est long, avec de nombreux obstacles, et
pourtant les provisions sont peu abondantes ! ». Entendant cela, Mu'awiyya
s'approcha de Dirar et dit : « Puisse Allâh avoir miséricorde du père de Hassân (c'est-
à-dire : ‘Alî). Il était bel tel que tu le décris. Mais, poursuivit-il, tu as ressenti beaucoup
de peine à la suite de la mort de 'Alî. Comment dire l'ampleur de ton chagrin ? ». « J'ai
ressenti le chagrin d'une mère portant son enfant étranglé, répondit Dirar » 560.

Concernant notre mère ‘Aîsha, le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit à sa fille Fâtima : « « Ma chère
fille, n'aimes-tu pas ce que j'aime ? », « Oh que si répondit-elle » - « Alors aime 'Aîsha
dit-il » » 561.

Aimer ce que le Prophète aime fait partie de la foi, et le Prophète aimait ses
épouses (et non pas seulement Khadija), et dit ici explicitement d'aimer 'Aîsha. Et
comme on le sait, Sayyida Fatîma ne pouvait pas désobéir à son père et était
partisane de la Vérité et de la vertu.

Ibn ‘Arabî rapporte dans sa Tadhkirat au chapitre 7 sur l’imâmat de ‘Alî : « Il en


était de même pour l’insurrection de ‘Aîsha, qui avait engagé Talha et al-Zubayr (le
cousin du Prophète) à s’insurger avec elle. C’était la conséquence de son appréciation
(ra'j) et de son interprétation personnelles (ijtihâd), ainsi que de sa volonté de
ramener la paix en faisant appliquer la loi aux meurtriers de ‘Uthmân ; ce n’était rien
d’autre et rien de plus. Aucun d’eux n’avait contesté à ‘ Alî la place qu’il occupait et
ne lui avait dit : « Tu n’es pas digne de ton rang et tu n’as pas droit à la position où lu
te trouves ». Il s’agissait uniquement de la peine de mort requise pour les meurtriers
de ‘Uthmân, alors que ‘Alî, se basant sur son propre jugement et sa propre
interprétation, n’était pas d’avis d’appliquer la peine de mort à plusieurs personnes
pour un seul meurtre, estimant que seul le sang de l’exécuteur du crime devait être
répandu, à moins que les exécuteurs aient été plusieurs, car alors, selon lui, la
sentence devait être la même que pour l’exécuteur unique et il fallait répandre leur

560 Rapporté par Abû Nu'aym dans Hilyat ul-Awliya 1/85.


561 Rapporté par Muslim dans son Sahîh, Livre des mérites des compagnons, n°2442.
314
sang et les mettre à mort pour le même meurtre (…). ‘Aisha, la Mère des Croyants —
que la Miséricorde d’Allâh et Ses Bénédictions sanctifiantes (zakawât) soient sur elle
! — bien-aimée de l’Envoyé d’Allâh, on rapporte qu’elle pleura amèrement quand elle
vit les Musulmans se combattre avec acharnement à la « Bataille du Chameau » 562 et
qu’elle s’écria : « Seigneur ! Tu es témoin que je n’ai pas voulu cela et que ce n’était
pas mon but ; j’aimerais mieux avoir eu 20 enfants, tous de l’Envoyé d’Allâh, et les
avoir perdus, plutôt qu’assister à de pareils spectacles ». La guerre ayant pris fin et
l’effervescence étant calmée, elle demanda à l’un de ses Compagnons d’aller trouver
le Commandeur des Croyants, de lui transmettre ses salutations et de lui dire ceci : «
Moi, ‘Aisha je désire retourner à Médine, facilite-moi la chose ! J’implore ton pardon,
accorde-le moi ! ». L’émissaire revint auprès d’elle avec la réponse de ‘ Alî : « Le
Commandeur des Croyants te salue à son tour et te dit : « Qu’Allâh te pardonne, Mère
des Croyants ! et qu’il accepte bien volontiers la demande de pardon que tu m’as
adressée ! Tu partiras demain, si Allâh le veut, saluée et honorée » ». Elle s’en alla
donc, grâce à lui, sur le chemin du retour à Médine, de la plus parfaite et de la plus
belle façon puisque 'Alî, accompagné de ses fils et des hommes les plus éminents
parmi ses compagnons et les membres de sa famille, partit l’escorter et lui faire ses
adieux. Que la Miséricorde d’Allâh et Sa Satisfaction soient sur tous les deux 563.

Lors de la révolte des khawarij, voici la lettre qu’elle lui a écrite quand elle a appris
que les khârijites (ou khawarij) se soulevaient contre celui-ci et lui déclaraient la
guerre. Elle était ainsi adressée : « De la part de la Mère des Croyants (Umm al-
mu’minin), qu’Allâh a innocentée 564, la bien-aimée de l’Envoyé d’Allâh, au
Commandeur des Croyants, ‘Alî, fils d'A bû Tâlib, qu’Allâh se charge de sa tâche et lui
donne une issue heureuse ! ». Après avoir fait son éloge et évoqué son passé glorieux,
elle disait au commencement : « Félicitations à toi, Abû-I-Hassân ! Qui pourrait se
comparer à toi ou t’égaler tel que tu es, toi qui es le dernier (encore en vie ?) de l’élite
des Compagnons de l’Envoyé d’Allâh, le sceau de ses représentants et de sa succession
(khâtam khulafâ’ihi wa-khilâfatihi), toi qui n’as cessé de protéger la religion d’Allâh,
de lui apporter ton secours et de défendre Sa Loi. Tiens bon maintenant dans la lutte

562 Voir aussi At-Tabarî dans son Târîkh 1/3091-3233.


563 Voir aussi At-Tabarî dans son Târîkh 1/3231.
564 Une accusation calomnieuse ayant été portée contre ‘Aîsha, Allâh l’innocenta dans la

Sûrate 24, verset 11 (cf. le commentaire de Bukhârî dans son Sahîh 6, Kitâb 65, Bâb 7 et 11).
‘Aîsha s’était écartée une nuit à la recherche d’un collier qu’elle avait perdu. Cette nuit qui
fut à l’origine de la calomnie, fut providentielle pour les Musulmans car le Prophète et ses
Compagnons, restés sans eau pour leurs ablutions, furent autorisés par Allâh à pratiquer la
lustration pulvérale (tayammum) : Sûrates 4, 43 et 5, 6. C’est l’un des titres de gloire que
‘Abd Allah ibn ‘Abbâs rappelle à ‘Aisha avant sa mort. Voir Ahmad dans son Musnad 1/276.
315
que mènent contre toi ces Khârijites, car tu es dans « la Vérité éclatante » (al-haqq
al-mubîn) (Qur'ân 24, 25 : « ...et ils sauront qu'Allâh est la Vêrité éclatante »), et, si
tu le désirais, je partirais pour te prêter main forte n’importe où (fî-l-shajar wa-l-
madar) —c’est-à-dire « partout au monde » ». Ceci accompagné de beaucoup
d’autres paroles à ce sujet ‘Alî, à la réception de la lettre, monta en chaire et proclama
: « Musulmans ! Venez entendre ce que me dit votre mère, l’épouse de votre Prophète
; elle m ’approuve dans le combat contre cette faction égarée qui attaque les
Musulmans ! ». Après sa lecture retentit un concert de louanges et de bénédictions
sur ‘Aisha et d’expressions de gratitude pour sa noble intention. Par la suite cela
renforça leur assurance dans le combat contre les Khârijites et augmenta leur zèle à
lutter contre eux.

Il lui répondit ensuite dans une lettre bien connue où il lui dit : « Qu’Allâh récompense
ta bonne intention, ô Mère (des croyants) ! et qu'Il aide tes fils dans leur piété envers
toi ! Ton zèle n'avait pas mon assentiment au début, et finalement il m'est agréable.
Rassure-toi ! qu’Allâh t'accorde la tranquillité ! car tes fils te suppléeront et agiront
au mieux dans cette affaire à ta place, si Allâh le veut. Assurément je sais, moi, que ta
main est puissante : quand elle se tend vers Allâh en quelque circonstance, elle ne
revient pas déçue. Aussi je te demande de l'étendre près de la tombe de l’Envoyé
d’Allâh et de prier (Allâh) en faveur de tes fils pour qu'ils obtiennent l'Assistance
divine, une issue heureuse et la victoire sur la faction égarée, car j'ai le ferme espoir
d’être rapidement exaucé, grâce à ta prière et à ton intermédiaire, par la
bienveillance d’Allâh et Sa faveur » ».

Dans son ouvrage La Grande Discorde : Religion et politique dans l'Islam des
origines (éd. Folio, 2008) consacré à cette dissension, l'historien et essayiste
Hichem Djaït 565 écrit concernant ce trouble : « C'est donc en tant que musulmane
que Aïcha demande réparation pour le sang de Uthman, selon la loi de Dieu. La
première, elle déchire le voile et lance cet appel à la conscience islamique. (…)
L'action de Aïcha ne se proclame ni comme une conjuration ni comme rébellion
contre Ali, mais comme l'expression d'une exigence de vérité et de justice. Elle est
tournée contre les meurtriers d'Uthman à qui il faut demander des comptes, qu'il faut
poursuivre et châtier. Le plus habilité à le faire est le calife, mais tout musulman peut
réclamer que la loi divine soit appliquée et oeuvrer pour cela. Et il se trouve que Aïcha

565 Il a toutefois sur d’autres sujets, des positions assez floues et faibles, où il prend quelques

libertés sans fondement à travers ses opinions singulières.


316
est la “Mère des croyants”, elle s'attribue de ce fait une responsabilité vis-à-vis de ses
enfants qui constituent la masse de l'Umma ».

Geneviève Chauvel dans son livre Aïcha, La Bien-aimée du Prophète (éd. Livre de
Poche, 2009) nous dresse le tableau des motivations à l'origine de la sainte colère
d'Aïsha : « Elle veut préserver la continuité califale. Le problème d'Ali en lui-même
ne préoccupe pas 'Aîsha. C'est un problème de justice qu'elle pose. C'est l'idée d'un
calife assassiné de cette façon qui la trouble et surtout l'idée de son corps jeté dans
un terrain vague, aux chiens. A ce moment-là, elle n'avait qu'une autorité morale ».

Pour Talha et Zubayr, leur intention n’était pas de prendre le pouvoir, mais ils
avaient été induits en erreur par la complexité de la situation et les intrigues des
hypocrites. Le Prophète avait fait leur éloge, et ‘Alî fut satisfait d’eux malgré leurs
erreurs. Alî a déclaré : « Par Allâh ! j’espère être (au Paradis) avec ‘Uthmân, Talha
et al-Zubayr parmi ceux dont Allâh a dit : « fraternellement sur des sofas, se faisant
face » (ikhwânan ‘ alâ sururin mutaqàbilîna) » (Qur’ân 15, 47) » 566. Lorsque le bien-
fondé de l’ijtihâd de ‘Alî fut devenu évident pour al-Zubayr, il se détourna de la
guerre et l’abandonna. ‘Alî, le voyant venir à lui, dit à ses hommes : « Laissez le
passage au Shaykh, le cousin du Prophète (Ibn al-‘amma — « le fils de la tante » du
Prophète) 567, car vous le gênez ! ». Ils lui firent place. Il « avança alors résolument
et, s’arrêtant devant lui, déclara : « Par Allâh ! Abû-l-Hassân ! Je sais, moi, que ton
imâmat est de plein droit et que tu es le plus digne des Musulmans d’occuper ce rang.
Je viens d’abandonner ce qu’il ne fallait pas pour ce qu’il fallait » — ou selon une
variante « ce qui n’était pas nécessaire pour ce qui l’était », voulant dire par « ce qu’il
ne fallait pas » ou « ce qui n’était pas nécessaire » le combat contre ‘Alî, et par « ce
qu’il fallait » ou « ce qui était nécessaire » l’acte d’obédience (bay' a) attendu de lui
—, « car j’ai compris la justesse et la droiture de ton attitude et la fermeté de ton
jugement et de ton point de vue ». Et il partit en implorant publiquement le Pardon
Divin, et certes, Allâh accorde Son Pardon à celui qui se repent sincèrement. Et ceci
parce qu’il restait fermement attaché à ses convictions concernant la légitimité de
son Imâmat et sa fonction, fidèle à l’engagement pris envers son califat et à la
reconnaissance solennelle de son allégeance. C’était aussi de sa part montrer son
désir de se disculper et de se justifier pour ce qui s’était passé et qui était de son

566 Voir al-Muttaqî dans Kanz al-'Ummâl 5/444, et al-Bayhaqî dans I’tiqâd, 195.
567 La mère d’al-Zubayr était Safiyya, fille de ‘Abd al-Muttalib, donc soeur de
'AbdAllâh père du Prophète et d’Abû Tâlib père de ‘Alî, ce qui explique qu’al-
Zubayr soit désigné par le nasab honorifique Ibn al-'amma et également par celui
de Ibn al-‘awâmm — « le fils des oncles », étant à la fois le cousin du Prophète et
de ‘Alî.
317
fait. Cela témoignait également du bien qu’il pensait de lui et de la bonne opinion
qu’il avait de lui, estimant que ‘Alî avait suivi la Vérité dans ses résolutions et ses
décisions. On voit ainsi qu’ils s’étaient séparés satisfaits l’un de l’autre, chacun
ayant repris vis à-vis de son compagnon l’attitude qui convenait. Lorsqu’al-Zubayr
fut tué traîtreusement 568 sur le chemin du retour et que l’on apporta son sabre à
‘Alî, il fut très ému en le voyant et pleura longuement. Puis il récita le verset du
retour à Allâh et s’écria : « Ce sabre avait pendant si longtemps rassuré l’Envoyé
d’Allâh (litt. : “dissipé l’inquiétude de son visage”) ! ». Et il ajouta : « Que la
Miséricorde d’Allâh soit sur toi, cousin (du Prophète) (Ibn al-‘amma) ! J’en jure par
Allâh ! Ton meurtrier sera en Enfer, quand bien même aurait-il empli la terre de
bonnes actions, car j’ai entendu l’Envoyé d’Allâh qui disait : « Annonce l’Enfer au
meurtrier du fils de Safiyya ! » — et selon une autre tradition : « Annonce l’Enfer au
meurtrier d’al-Zubayr ! ». De même, au sujet de Talha, une tradition historique
(khabar) confirmée par les spécialistes de la « critique », rapporte « qu’affrontant
la mort il dit à un homme de l’armée de ‘ Ali qui passait près de lui : « Etends les
mains pour que je prête serment d’allégeance à ‘Alî, bien que je lui aie déjà fait ce
serment, mais je veux le renouveler pour effacer les fautes qui nous ont séparés ;
puissent-elles n’avoir jamais existé ! ». Il étendit la main et lui prêta serment.
L’homme partit immédiatement informer ‘Alî au sujet de Talha et de son geste. ‘Alî
fit son éloge et évoqua sou passé glorieux dans l’Islam et ses vertus. Pendant la nuit
il se rendit auprès de lui, mais il le trouva déjà mort. Il se tint alors près de lui,
pleurant et récitant le verset du retour à Allâh 569, et s’écria : « Il m’est pénible, Abû
Muhammad ! de te voir ainsi gisant à la face du ciel ! ». Et il n’eut de cesse qu’il l’eut
lavé, enveloppé d’un linceul, prié sur lui et qu’il l’eut enseveli 570 que la Miséricorde
d’Allâh et Sa Satisfaction soient sur tous les deux ! Et cette tradition confirme que
chacun d’eux était redevenu pour l’autre ce qu’il était auparavant, et que Talha
était resté attaché à son allégeance et fidèle à son engagement envers Alî; et c’est
avec cet attachement et cette fidélité qu’il devait rencontrer Allâh.

Quant à Sayyida 'Aîsha bint As-Siddîq, elle pensait énormément de bien de


Sayyida Fâtima az-Zahra : « Je n'ai vu personne (de) supérieure à Fatima autre que

568 Sur le meurtre d’al-Zubayr par Ibn Jurmûz, voir At-Tabarî, Târîkh 1/3171-2,

3187-8, 3218-9.
569 Il s’agit du verset 2/156 : « Innâ li-Llâhi wa-innâ ilayhi râji'ûn » (« Nous appartenons
à Allâh et nous retournons à Lui »). On le récite en cas de malheur et de mort (musîba).
570 Voir al-Muttaqî, Kanz al-'Ummâl 5/442-3.

318
son père (le Prophète Muhammad) » 571 et : « Je n'ai jamais vu personne qui soit plus
digne de confiance (véridique) que Fâtima, sauf son père » 572.

Parmi les plus belles invocations en faveur des nobles et proches compagnons du
Prophète, il y a celles de l’imâm des ahl ul bayt de sa génération, celui qui fut
reconnu à l’unanimité des gens de la Sunnah pour sa science et sa piété, l’imâm ‘Alî
Zayn ul Abidîn (‘alayhî salâm), - fils de l’imâm Al-Hussayn (‘alayhî salâm), et donc
petit-fils de l’imâm ‘Alî (‘alayhî salâm) et arrière-petit fils du noble Messager
d’Allâh, Muhammad (‘alayhî salât wa salâm), surnommé l’imâm As-Sajjâd, né en 38
de l’Hégire et mort en 95 H (il a donc connu son grand-père ‘Alî Ibn Abû Tâlib, mort
en 40 H) a dit dans sa Sahîfa Sajjâdiya, par rapport aux compagnons du Prophète
Muhammad (‫ )ﷺ‬: « Ô Allâh, rappelle-Toi avec pardon et bon plaisir les disciples des
Messagers, et les gens de la terre qui en ont été témoins sans les avoir vus (alors que
les obstinés se sont opposés à eux en criant des mensonges). Ils ont langui pour les
envoyés à travers les réalités de la foi, à chaque ère et époque dans laquelle Tu as
envoyé un messager, et mis en place un directeur (guide) pour les gens, de la période
d’Adam jusqu’à Muhammad (qu’Allâh le bénisse ainsi que les siens), parmi les imâms
de la guidance et les dirigeants des dévots (que la Paix Divine soit sur eux) !

Ô Allâh n’oublie pas ce qu’ont abandonné pour Toi et en Toi les compagnons de
Muhammad spécifiquement, ceux qui étaient en bonne compagnie, qui ont supporté
la bonne épreuve en l’aidant, qui lui ont répondu lorsqu’il leur a fait entendre
l’argument de ses messages, qui se sont séparés de leur conjoint et de leurs enfants
dans la manifestation de sa parole, qui ont combattu leurs pères et fils (qui se sont
opposés violemment à eux) en renforçant sa prophétie, et qui ont remporté la victoire
à travers lui, ceux qui ont été enveloppés dans l’affection pour lui, qui « espèrent des
bénéfices impérissables » (Qur’ân 35, 29) dans l’amour pour lui, ceux qui ont été
laissés par leurs clans lorsqu’ils se sont accrochés à sa prise et qu’ils ont renié leurs
proches lorsqu’ils se sont reposés dans l’ombre de sa famille.

Ô Allâh satisfais-les avec Ton bon plaisir pour les créatures qu’ils ont conduites à Toi
alors qu’ils étaient avec Ton Messager, appelant à Toi pour Toi.

571 Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam Al-Awsat 3/137 n°2721, Haythamî dans son
Majmâ az-Zawâ'îd 19/201 et Abû Ya 'la dans son Musnad, As-Shawkânî dans Darr us-Sahaba
fî-manaqîb al-qarabah wa as-Sahaba p.277 n ° 24, et la chaine est sahîh.
572 Rapporté par Abû Nu'aym dans Hilyat al-awliya wa tabaqat ul asfiya 2/41, 42.
319
Montre-leur de la gratitude pour avoir laissé les demeures de leur peuple pour Ton
amour et pour être sortis d’une vie riche pour une vie réduite. Et montre de la
gratitude pour ceux d’entre eux qui sont devenus les objets d’injustices et que Tu as
augmenté dans l’exaltation de Ta religion.

Ô Allâh, donne aussi Ta meilleure récompense à ceux qui ont agi en suivant les
compagnons, qui disent : « Seigneur, pardonne-nous ainsi qu’à nos frères qui nous
ont devancé dans la foi » (Qur’ân 59, 10), à ceux qui se sont dirigés sur la voie des
compagnons, qui ont poursuivi leur itinéraire, et qui ont progressé avec leur
coutume. Aucun doute concernant leur discernement sûr ne les a détournés et aucune
incertitude ne les a troublés pour ne pas suivre leurs traces et ne pas être dirigés par
la guidance de leur lumière. En tant qu’assistants et défenseurs, ils ont professé leur
religion, remporté la guidance à travers leur guidance, se sont accordés avec eux, et
ne les ont jamais accusés dans ce qu’ils ont bénéficié d’eux.

Ô Allâh, bénis aussi les partisans, à partir de ce jour de notre époque jusqu’au Jour du
Jugement, leurs épouses, leur descendance et ceux d’entre eux qui T’obéissent, avec
une bénédiction à travers laquelle Tu les préserveras de la désobéissance à Ton
égard, Tu leur feras une place dans les terrains de Ton jardin, Tu les défendras de la
duperie de Shaytân, Tu les aideras dans la piété dans laquelle ils recherchent de Toi,
Tu les protègeras des événements soudains qui proviennent la nuit et le jour – sauf
les événements qui viennent avec un bien – et Tu les inciteras à nouer fermement le
lien du bon espoir en Toi, en ce qui est avec Toi, et à s’abstenir de mauvaises pensées,
en raison de ce que les mains de Tes serviteurs tiennent. Ainsi, Tu peux les rétablir
après T’avoir recherché et pour T’avoir craint, les amener à renoncer à l’abondance
de l’immédiat, les faire aimer l’œuvre pour le terme et les pousser à se préparer pour
ce qui vient après la mort, alléger pour eux toute détresse qui leur parvient le jour où
les âmes quittent les corps, les libérer de ce qui entraine les périls de la tentation et
la descente et le séjour indéfini en enfer, et les emmener dans un lieu sûr, le lieu de
repos des dévots ».

Ainsi, parmi les enseignements les plus authentiques (dans la transmission de ce


qu’ont réellement enseigné et dit les ahl ul bayt), nous avons les témoignages de
‘Alî, de ‘Alî Zayn ul Abidîn, de Muhammad Al-Bâqir, de Zayd Ibn ‘Alî, de Jâ’far As-
Sâdiq, et bien d’autres ahl ul bayt, - ‘alayhûm salâm -, qui reconnaissaient
l’orthodoxie, la piété, la justice et les mérites de tous les grands compagnons du
Prophète. Rappelons aussi que l’imâm Jâ’far, - le joyau de son époque -, avait aussi
pour ancêtre Abû Bakr et condamnait quiconque dénigrait son ancêtre, en plus
d’avoir dit de lui qu’il était le meilleur Calife envers les Ahl ul bayt. Contrairement
320
à des récits étranges et singuliers qui ont circulé en dehors des cercles de la famille
prophétique, l’élite des ahl ul bayt n’a relaté que des propos élogieux envers les
proches compagnons du Prophète (dont faisait partie les 3 premiers califes bien-
guidés).

L'imâm Jâ'far As-Sâdiq a dit sur nos maîtres Abû Bakr et 'Umar : « Celui qui ne
dit pas du bien d'Abû Bakr et de 'Umar ne peut se réclamer de moi, et je n'ai rien à
voir avec lui ». Il est rapporté de Sālim ibn Abî Ḥafsah : « J'ai interrogé Abū Jaʿfar et
son fils Jaʿfar (Al-Sadiq) sur Abû Bakr et 'Umar, alors il a répondu : « Ô Sâlim, aimez-
vous et alliez-vous avec eux, et dissociez-vous de leur ennemi, car ils étaient des
imâms de guidance (et de droiture) ». Puis il a dit : « Ô Sâlim, un homme insulterait-
il son propre grand-père ? Abû Bakr est mon grand-père. Que l'intercession de
Muḥammad ne m'atteigne pas le Jour de la résurrection si je ne les aime pas et ne
m'allie pas avec eux et me dissocie de leur ennemi » 573.

Cette position de l'imâm Jâ'far a été rapportée par de multiples voies de narration
à tel point que la transmission a été qualifiée de notoire (tawatûr).

Il est rapporté de Sufyân Ibn ʿUyainah qu'un homme a demandé un jour à ʿAlî Ibn
Ḥussayn Ibn ʿAlî Ibn Abî Ṭâlib : « Quel était le statut d'Abû Bakr et de 'Umar avec
Rasûlullâh (le Prophète) (‫» )ﷺ‬. Il a répondu : « Leur place avec lui est comme leur
place avec lui aujourd'hui (c'est-à-dire là où ils sont dans leurs tombes) » 574. C'est-à-
dire qu'ils sont aux côtés du Prophète (‫ )ﷺ‬et dans la même demeure (le Paradis).

L'Imâm ‘Alî a rapporté du Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬la tradition suivante : « Ceux qui
seront en sécurité sur le pont du Sirât seront ceux qui étaient les plus profondément
amoureux des Ahl Al-Bayt et de mes Compagnons » 575.

L’imâm 'Alî invoque Allâh en faveur de 'Umar : « Qu'Allâh Ta'ala illumine la tombe
de 'Umar, comme il a illuminé nos Mosquées » 576.

Et sur Sayyiduna Abû Bakr, l’imâm ‘Alî a dit : « Qu’Allâh fasse miséricorde à Abû
Bakr, Par Allâh il était clément envers les pauvres, il récitait le Qur’ân, il interdisait
le blâmable, il était un connaisseur de sa religion, il craignait Allâh, il réprimait les

573 Al-Dhahabî, Siyâr ʾAʿlâm Al-Nubalâʾ 6/258.


574 Rapporté par Abû Bakr Al-Daynûrî, Al-Mujâlasah wa Jawâhir Al-ʿIlm 4/254.
575 Rapporté par As-Suyûtî dans Ihya al Mayyit bi Fada'il Ahl ul Bayt.
576
Rapporté par Ibn Qudama dans Al-Mughnî 1/457.
321
actes prohibés et ordonnait le convenable, il passait la nuit en priant et le jour en
jeûnant, il a surpassé ses compagnons en piété et en sobriété, et les a devancé en
ascétisme et en chasteté » 577.

Les Imâms Al Bâqir et As Sâdiq rapportent que ‘Alî invoqua la Grâce et le Salut
d’Allâh sur ‘Umar Ibn Al Khattâb et pria en sa faveur. En effet, l’imâm al-Khatîb al-
Baghdadî rapporte dans son Al Jâmi’ Li Akhlâq ur Râwî wa Âdâb us Sâmi’ selon une
chaine sahîh : « Nous rapportons de (…) qui rapporta de Ja’far Ibn Muhammad le
rapportant de son père qui rapporta que Jâbir Ibn ‘Abdi Llâh a dit : « ‘Alî dit à ‘Umar
Ibn Al Khattâb, alors que ce dernier était allongé sur son lit de mort : « Salla Llâhu
‘alayk – que La Grâce (et la Paix) d’Allâh soit sur toi ! », puis il fit des invocations en
sa faveur ». Sufyân rapporta : « On demanda à Ja’far : « N’est-il pas dit que l’on
invoque la Grâce [d’Allâh] seulement sur le Prophète (‫» ? )ﷺ‬. Il répondit : « Je l’ai
entendu tel quel » » » 578.

Dans son combat légitime contre l’oppression, l’imâm Zayd Ibn ‘Alî répondait à
ceux qui voulaient lui prêter allégeance, ceci : « Je vous convie au Livre d’Allâh
(Qur’ân) ainsi qu’à la Sunnah de Son Prophète (‘alayhî salât wa salâm). Comme je
vous convie au combat contre les oppresseurs, pour défendre les plus faibles, rendre
leurs droits aux gens, partager le butin entre ses ayants-droit, faire justice à ceux qui
ont subi des injustices, et secourir les gens de la vérité (persécutés injustement) …
Voulez-vous prêter serment pour tout cela ? » 579.

Des gens (appartenant à un courant shiite) posèrent ainsi des questions à l’imâm
Zayd qui répondit à la question « Que penses-tu d’Abû Bakr et de ‘Umar ? » : « Allâh
leur pardonne. Je n’ai entendu personne de ma famille dire du mal d’eux. Et moi aussi,
je ne dirai aucun mal d’eux ! ».

« Mais alors pourquoi demandes-tu de venger le sang de la famille alide ? ».


« L’imâm Zayd répondit : « Tout ce que je peux dire concernant ces deux compagnons
est qu’Alî était plus en droit d’être élu calife. Mais la population les a choisis et nous
a « éloignés » du califat, pour cause d’utilité publique. Et tout ceci est très loin de la
mécréance. Ils ont été choisis, ils ont gouverné et ont été équitables. Ils ont mis en
pratique le Qur’ân et la Sunnah ! ».

577 Voir Nâssikh al-Tawarîkh de Mirza Muhammed Taqî al-Kâshânî surnommé Lissân al-
Mulk 5/143-144.
578 La chaine est totalement sahîh selon tous les vérificateurs.
579 Ibn al-Âthir, Al-Kâmil, page sur l’année 121 H.

322
Ils lui dirent : « Pourquoi combats-tu donc alors ? ».
Il répondit : « Ceux-ci (les omeyyades) ne sont pas comme ceux-là (Abû Bakr et
‘Umar). Ceux-ci (les omeyyades) ont été injustes envers les gens, comme ils l’ont été
envers leurs propres personnes. Et je vous convie au Livre d’Allâh et à la Sunnah de
Son Prophète (‘alayhî salât wa salâm) ; et je vous convie à la revivification de la voie
prophétique, et à l’anéantissement des innovations blâmables. Si vous m’obéissez, ce
sera préférable pour vous, et si vous refusez, je ne suis alors point votre garant
(devant Allâh) » 580.

Les shiites rafidites, ayant été désavoués dans leurs positions par l’imâm Zayd,
refusèrent donc de leur prêter allégeance et l’abandonnèrent. L’imâm Zayd dit
alors tout haut : « Je crains qu’ils vont faire (aujourd’hui pour moi) ce qu’ils ont fait
(auparavant) pour Hussayn. Quant à moi, par Allâh, je combattrais jusqu’à la
mort ! ».

Que nous apprend donc ce récit ? Tout d’abord que l’on ne peut pas accuser
l’imâm Zayd d’avoir usé ici de « taqiyya », car il répondait à des shiites imamites
(qui n’avaient cependant pas côtoyé l’imâm Zayd ni l’imâm Jâ’far, car ils venaient
d’une région lointaine, de Kûfa) venus lui poser des questions. L’imâm Zayd
appelait ouvertement à la révolte contre les oppresseurs. Il dit explicitement que
selon lui l’imâm ‘Alî était le plus méritoire pour être élu calife, - cela fait l’objet de
divergences de la bouche même de l’imâm ‘Alî qui reconnut les mérites particuliers
de Abû Bakr et de ‘Umar à son fils Muhammad Al-Hanafiyya -, mais qu’il ne
s’agissait pas d’une obligation religieuse instituée dans le Qur’ân et la Sunnah, mais
d’un ijtihad. Le Qur’ân (dans sa totalité) existait déjà donc bien et fut mémorisé par
cœur sans altération par de nombreux savants de l’époque, et était aussi étudié par
les exégètes. La Sunnah était aussi une source importante de la religion pour les
ahl ul bayt.

Il affirme clairement que Abû Bakr et ‘Umar furent élus, sans peur et sans
contrainte, par la majorité des compagnons et des gens du peuple, qu’ils étaient
musulmans, pieux, justes, équitables, et qu’ils appelaient au Qur’ân et à la Sunnah.
Il ne dit jamais qu’ils étaient les ennemis des ahl ul bayt non plus. Par ailleurs, son
neveu Jâ’far étudia lui-même auprès de Al-Qasim qui était l’élève et le neveu
d’Aîsha, considérée donc comme une musulmane, croyante et pieuse, par Al-
Qâssim, Muhammad al-Bâqir, Jâ’far As-Sâdiq et Zayd, conformément à la position
de l’imâm ‘Alî qui dit cela publiquement face à ses opposants (les kharijites). Il
confirme donc qu’Abû Bakr et ‘Umar étaient légitimes, bien qu’Alî avait selon lui,

580 Ibn Kathîr, Al-Bidâya wa al-Nihâya, p. 330.


323
la préférence dans l’élection à cette fonction. Parmi ses avis juridiques, il y a aussi
le fait qu’il est permis de prêter allégeance à des dirigeants musulmans qui sont
justes et pieux, bien que moins savants ou pieux que d’autres, si les autres refusent
d’en assumer la charge. Le terme péjoratif de « shiites rafidi » fut employé, par
l’imâm Zayd (descendant de l’imâm ‘Alî), qui se désavoua, - à l’instar de Jâ’far as-
Sâdiq -, des thèses défendues par les shiites extrémistes.

Comme le rapporte l’historien Abû Zuhra dans son Târîkh (p. 668) à travers des
récits historiques attestés et fiables, l’imâm Zayd réfuta les déviances shiites
(infaillibilité, occultation de l’imâm, calomnies et takfir contre Abû Bakr et ‘Umar,
l’idée de retour des êtres humains dans la vie d’ici-bas après leur mort terrestre,
…) et déclara son fort attachement à Abû Bakr et à ‘Umar, confirmant leurs mérites,
leurs qualités et la légitimité de leur califat, bien que selon lui, ‘Alî aurait dû les
devancer dans cette fonction. Cependant, la Sagesse Divine en a voulu autrement,
non seulement car Abû Bakr et ‘Umar étaient aussi légitimes et justes, mais aussi
parce qu’ils étaient plus âgés que l’imâm ‘Alî, qu’ils étaient aptes à protéger la
communauté, qu’ils étaient les califes de la situation pour les épreuves de leur
époque, et car l’imâm ‘Alî allait lui-même devenir calife, et être éprouvé par les
épreuves qui étaient les siennes. Par ailleurs, bien que conseiller politique des
premiers califes, l’imâm ‘Alî pouvait ainsi se concentrer sur le peu de temps qu’il
restait à Fatima avant de quitter ce bas-monde suivant la juste prédiction énoncée
par le Prophète juste avant sa mort, ainsi que se charger d’éduquer spirituellement
et scientifiquement un certain nombre de disciples, ce qui est difficile lorsque l’on
occupe la fonction de calife à plein temps, et que l’on doit faire face à de nombreux
troubles.

Pour en revenir à l’imâm Zayd, selon lui, il est donc permis que les meilleures
personnes soient dirigées par des moins bonnes, tant qu’elles remplissent les
conditions pour diriger légitimement les affaires politiques de la nation, avec
justice, sagesse, intelligence et piété. De même, le choix du dirigeant doit
correspondre à l’intérêt et à l’utilité publics (maslaha), comme cela fut le cas pour
Abû Bakr, ‘Umar et ‘Uthmân.

Zayd affirme également que personne dans sa famille n'a dit du mal des califes
bien-guidés ou d'Aîsha, par conséquent, ce qui était transmis de façon sûre et
notoire chez les ahl ul kissâ ('Alî, Fatima, Hassân et Hussayn) et leurs descendants
comme les imâms 'Alî Zayn al ‘Abidîn, Muhammad al-Baqîr, Jâ'far as-Sâdiq, etc.,
était que Abû Bakr, 'Umar et 'Uthmân étaient des califes légitimes, musulmans,
pieux et justes. Ils n'accordaient donc aucun crédit aux récits inventés dans le but
de semer les troubles et les divisions, en salissant notamment la mémoire de Abû

324
Bakr, de 'Umar, de 'Uthmân et de 'Aîsha, et qui par la même occasion, faisaient
passer l'imâm 'Alî pour un lâche, un menteur, un traitre et un hypocrite incapable
d'assumer sa fonction ou de protéger Fatima, et par extension, ce reproche, selon
les récits inventés (pourtant approuvés par beaucoup de shiites et acceptés par
des sunnites aussi), s'appliquait aussi aux descendants de l'imâm 'Alî qui
respectaient les compagnons et ne faisaient pas leur takfir.

Zayd Ibn ‘Alî était un salaf vertueux et très savant, une autorité dans les sciences
du Qur’ân, du Hadîth, du fiqh, du kalâm, de la ‘aqida, de la spiritualité, de la logique
et de la langue arabe. Tous les sunnites véridiques dirent du bien de lui, et l’imâm
Abû Hanifa l’approuva aussi dans son combat contre l’oppresseur. Il fit la même
chose que l’imâm Hussayn, qui était à la fois un compagnon du Prophète et son
petit-fils, réputé pour sa science et sa piété, et qui se leva contre l’oppression. En
soi, donc, la révolte face aux tyrans est autorisée en Islam, cependant, si les
conditions ne sont pas favorables à une telle révolte, il vaut mieux s’en abstenir, et
ce fut là l’avis de l’imâm Al-Hassân, - pour qui il est nécessaire de préserver l’unité
et la paix -, de l’imâm Muhammad Al-Bâqir et de l’imâm Jâ’far As-Sâdiq.

L’imâm Zayd, tout comme son frère Muhammad al-Bâqir et son neveu l’imâm
Jâ’far, détestaient la taqiyya définie et appliquée comme les rafidites. Ils étaient
courageux et dirent donc toujours la vérité, même face aux tyrans. Et c’est parce
qu’ils ne mentaient pas et ne dissimulaient pas leurs véritables opinions qu’ils
étaient considérés comme véridiques, car les menteurs et lâches ne peuvent pas
constituer une autorité et une référence dans la religion en Islam. Seulement, là où
les imâms Hassân, ‘Alî Zayn ul Abidîn, Muhammad al-Baqîr et l’imâm Jâ’far
préconisaient de rester loin des affaires politiques, de se consacrer à la science et
à la spiritualité, et de préserver autant que possible la stabilité de la nation, - quand
bien même celle-ci serait dirigée par des injustes -, les imâms Hussayn et Zayd ibn
‘Alî, - ainsi que quelques autres tout comme de l’imâm Abû Hanifa – étaient plutôt
d’avis qu’il fallait se soulever ouvertement face à l’oppression afin de garder la tête
haute et de donner ainsi espoir aux opprimés.

Il s’agit là des 2 avis qui se valent et qui ont toujours divisé les savants (aussi bien
shiites que sunnites), bien que selon les contextes, certains savants ont adopté le
second avis. Les sources historiques 581 indiquent que les deux arrière-petit-fils de
l’imâm ‘Alî avaient été aidés et soutenus par l’imâm Mâlik et Abû Hanifa. L’imâm
Mâlik aida la rébellion de Muhammad Nafs Zakiyya à Médine, tandis que l’imâm
Abû Hanifa aida Ibrâhîm, et demanda aussi aux soldats et aux officiers de refuser

581 Cf. Muhammad Abû Zûhra, Târîkh, p. 371.


325
l’ordre de le tuer. L’un des officiers répondit à l’appel d’Abû Hanifa et refusa dès
lors d’obéir à ses supérieurs lorsque ceux-ci exigeaient de commettre des
assassinats illégitimes. Abû Hanifa, en raison de son influence grandissante, se mit
à critiquer publiquement les injustices du pouvoir politique. En raison de son
courage, de sa défense de la vérité, de sa critique face aux injustices du pouvoir
politique et en raison de son soutien privé et public envers les ahl ul bayt, il fut
emprisonné et torturé chaque jour durant le temps de son incarcération. De même,
il assista ouvertement l’imâm Zayd, lui envoya des combattants et de l’argent,
quand au même moment, des shiites autoproclamés abandonnèrent l’imâm Zayd.

Il était aussi une tradition chez les imâms des ahl ul bayt, de donner les noms des
3 premiers califes bien-guidés et de 'Aîsha, - que la Paix soit sur eux tous - à leurs
enfants. Aujourd'hui, seuls les sunnites perpétuent cette tradition. A l'image de
l'Imâm ‘Alî (‘alayhî salâm), nombreux sont les descendants du Prophète à avoir
donné à leurs enfants ces noms que les Shiites extrémistes détestent, à savoir Abû
Bakr, ‘Umar, ‘Uthmân, ‘Aisha et Hafsa, et cela indique clairement qu'ils
n'éprouvaient aucune hostilité envers les compagnons et épouses du Prophète.
Voici quelques descendants de l’imâm ‘Alî qui portaient ces noms (et que l’on peut
trouver aussi dans les sources shiites pour la plupart).

Membres des Ahl al Bayt qui portaient le nom de Abû Bakr :

- Abû Bakr ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib

- Abû Bakr ibn al-Hassân ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib

- Abû Bakr, kunya (surnom) de Zayn al 'Âbidîn (4e Imâm)

- Abû Bakr ibn Mûsa al Kâdhim (7e Imâm)

- Abû Bakr, kunya (surnom) de ‘Alî al-Ridâ (8e Imâm)

- Abû Bakr ibn Abdillah ibn Jâ'far ibn Abî Tâlib (frère de l'Imâm ‘Alî ibn Abî Tâlib)

- Abû Bakr ibn al-Hassân al-Muthannâ ibn al-Hassân al-Sibt ibn Alî ibn Abî Tâlib.

Membres des Ahl al Bayt qui portaient le nom de 'Umar :

- 'Umar al Atraf ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib

- 'Umar ibn al-Hassân ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib


326
- 'Umar ibn al-Hussayn ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib

- 'Umar al-Ashraf ibn ‘Alî Zayn al-'Âbidin ibn al-Hussayn ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib

- 'Umar ibn Mussâ al-Kâdhim ibn Ja'far al-Sâdiq

- 'Umar ibn Yahya ibn al-Hussayn ibn Zayd al-Shâhid ibn ‘Alî Zayn al-'Âbidin ibn al-
Hussayn ibn Alî ibn Abî Tâlib

Membres des Ahl al Bayt qui portaient le nom de 'Uthmân :

- 'Uthmân ibn ‘Alî ibn Abî Tâlib

- 'Uthmân ibn 'Aqîl ibn Abî Tâlib ('Aqîl : frère de Alî ibn Abî Talîb)

Membres des Ahl al Bayt qui portaient le nom de ‘Aîsha :

- ‘Aîsha bint ‘Alî Zayn al-'Âbidin (4e Imâm)

- ‘Aîsha bint Ja'far al-Sâdiq (6e Imâm)

- ‘Aîsha bint Mussâ al-Kâdhim (7e Imâm)

- ‘Aîsha bint ‘Alî al-Ridâ (8e Imâm)

- ‘Aîsha bint ‘Alî al-Hadî (10e Imâm)

S'ils accusent toutes les figures sunnites de menteurs et donc d'être indignes
d'être suivi, que dire de leurs accusations visant les Ahl ul bayt en les considérant
clairement de menteurs et de dissimulateurs, et de mentir ouvertement sur la
Religion. C'est la pire des insultes (celles des shiites prétendant que les Imâms des
Ahl ul bayt faisaient la taqiyya, même quand ils étaient entre eux) que l'on puisse
faire.

Nous terminerons en citant Ibn ‘Arabî dans sa Tadkhirât à ce sujet où il dit : « Il y


a à ce sujet « un vin rare et cacheté », un vin « mêlé d'eau du Tasnîm » 582.

582 Allusion aux versets du Qur’ân : « Tu reconnaîtras sur leurs visages, l'éclat de la
félicité. On leur sert à boire un nectar pur, cacheté, laissant un arrière-goût de musc.
Que ceux qui la convoitent entrent en compétition [pour l'acquérir]. Il est mélangé à la
327
Nous plaçons en tête, après ces successeurs du Prophète, les autres « Compagnons du
Conseil » (Ashâb al-Shûrâ) 583, car ils étaient les « substituts » (al-abdâl) 584, à savoir
Talha, al-Zubayr, 'Abd al-Rahmân ibn 'Awf et Sa'd ibn Mâlik. Chacun d’eux était apte
au califat et chacun d’eux était un imâm. Il faut leur joindre les autres Compagnons
faisant partie des 10 à qui avait été promis le Paradis 585. Ensuite nous plaçons
d’abord, parmi les Compagnons de l'Envoyé d'Allâh, les Combattants de Badr (Ahl ul
Badr) 586, les « Emigrés » (al- Muhâjirûn) avant les « Auxiliaires » (al-Ansâr), et selon
leur ordre d’ancienneté par rapport à l’Emigration (al-Hijra), l’un après l’autre. Puis
les plus méritants après ceux-ci sont les Compagnons de l’Envoyé d’Allâh constituant
la génération de ceux au milieu de qui il avait été missionné et qui ont vécu près de
lui une année, un mois, un jour, une heure, ou qui l’ont vu un instant, qui l’ont entendu
et qui ont cru en lui. Ils font partie de ses Compagnons autant qu’ils ont vécu près de
lui et dans la mesure de leur ancienneté dans l’Islam avec lui. Ceux qui ont été le moins
longtemps ses Compagnons sont cependant plus méritants que la génération de ceux
qui ne l’ont pas vu même s’ils ont rencontré Allâh avec toutes les vertus possibles.
Ceux-là qui ont été les Compagnons de l’Envoyé d’Allâh, qui l’ont vu, l’ont entendu et
ont cru en lui ne serait-ce qu’une heure, ont plus de mérite que les « Successeurs » (at-
Tâbi'ûn) et ceux qui sont venus après eux dans la communauté toute entière. Que cela
soit donc ta conviction, et prie (Allâh) pour le repos de l’âme (tarahham ‘ alâ) de tous
les Compagnons de l’Envoyé d'Allâh ! N’insulte à la mémoire d’aucun d’eux, mais au
contraire implore le Pardon Divin pour eux tous, et cela conformément à la Parole
d'Allâh : « Et ceux qui sont venus après eux en disant : Notre Seigneur pardonne-nous

boisson de Tasnîm, source dont les rapprochés boivent » (Qur'ân 83, 24-28). Rappelons
que les maîtres spirituels, quand ils parlent de « vin » (ésotérique) et « d’ivresse »
(spirituelle), font référence au vin céleste qui symbolise la connaissance pure et l’extase
spirituelle et existentielle, et non pas la boisson alcoolisée et enivrante que nous
connaissons ici-bas.
583 Voir le paragraphe 118 de sa Tadhkirât.
584 Voir le paragraphe 145, note 2, chap. 47 de sa Tadhkirât.
585 Il s’agit de Sa‘îd ibn Zayd et d’Abû ‘Ubayda ibn al-Jarrâh. Voir le paragraphe 106.

Référence au hadîth célèbre sur les « 10 Compagnons promis au Paradis ».


586 La Bataille de Badr fut une guerre défensive opposant les Musulmans, - alors environ

300 combattants - contre leurs agresseurs idolâtres, alors dépassant la barre des 1000
combattants, - soit environ 3 fois plus nombreux que les musulmans -, se déroulant en l'an
2 de l'Hégire (l'an 623 de l'ère chrétienne). L'issue du combat fut favorable aux musulmans
qui remportèrent la bataille et comptèrent 14 tués. Parmi les Compagnons qui assistèrent
le Prophète et qui s'illustrèrent dans cette bataille, citons Hamza (l'oncle du Prophète), Abû
Bakr, 'Umar, 'Alî, Sa'd Ibn Mu'adh et Mûsab Ibn 'Umayr. Voir les biographies du Prophète
(sur la Sirah) de Martin Lings, Muhammad Hamidullah et Montgomery Watt. Le Qur’ân
évoque aussi cette bataille dans la Sûrah 8.
328
ainsi qu'à nos frères qui nous ont précédés dans la foi ! Ne mets point dans nos coeurs
de ressentiment contre ceux qui ont cru ! Notre Seigneur ! Tu es indulgent et
miséricordieux » (Qur'ân 59, 10). Conformément aussi à la parole du Prophète : «
Allâh m'a choisi parmi les habitants de la terre el il a choisi pour moi des Compagnons
dont il a fait mes ministres, mes auxiliaires, ma famille par alliances ; quiconque les
insulte portera la malédiction d'Allâh, des Anges et de tous les Musulmans ». Il a dit
également : « Quiconque insulte l'un de mes Compagnons m'insulte, et celui qui
m’insulte insulte Allâh, et celui qui insulte Allâh mérite qu'Allâh le culbute le nez dans
l'Enfer ». Il a dit aussi : « Quiconque insulte l'un de mes Compagnons sera privé de
mon intercession (shafâ'ti) ». Selon une autre de ses paroles : « N'insultez aucun des
Combattants de Badr ! car ils se sont convertis par crainte d'Allâh et les hommes se
sont convertis par crainte de leurs sabres ; quiconque les insulte n'est plus sous ma
protection et il portera la malédiction d'Allâh et celles des Anges et de tous les
Musulmans » 587. Également celle-ci : « Ne me faites point de mal dans ma tombe en
faisant du mal à mes Compagnons ! En vérité ne faites de mal à aucun d'eux, ne vous
moquez pas d'eux, ne les traitez pas d'ignorants et ne les dénigrez pas ! Allâh a fait
d'eux en effet une sauvegarde (‘isma) pour ma Religion et un exemple pour ceux qui
viendront après eux. En vérité les plus fermes et les mieux guidés d'entre vous sont
ceux qui les aiment, qui attestent leur sainteté (zakkâhum) et implorent pour eux le
Pardon Divin ! » (...). Allâh a dit aussi au sujet des hommes de « l'Allégeance de la
Satisfaction Divine » (Bay‘at al-Ridwân) : « Allâh a été satisfait des Croyants quand
ils te prêtaient serment d'allégeance sous l'Arbre » 588 ; or plusieurs parmi les «
Hommes de l’Arbre (de Hudaybiyya) » dont Allâh a été satisfait ont pris part à ces

587 Toutes ses traditions sont considérées généralement comme étant authentiques ou

bonnes (hassân) par les traditionnistes. Mais si Ibn ‘Arabî les cite sans les critiquer, c’est
qu’il les considère également comme authentiques, non seulement du point de vue
qurânique et historico-logique, mais aussi selon la science du dévoilement spirituel (al-
kashf) tirant sa légitimité du Qur’ân Lui-même : « Ils trouvèrent l'un de Nos serviteurs à
qui Nous avions donné une grâce, de Notre part, et à qui Nous avions enseigné une
science émanant de Nous » (Qur'ân 18, 65), une science venant directement d’Allâh, qui
n’est donc ni une Révélation (wahî) destinée aux Prophètes, ni une science « acquise » ou
« étudiée ». A l'appui de ce verset qurânique, nous avons cité plusieurs ahadiths dans le
chapitre consacré à la connaissance ésotérique.
588 Qur'ân 48, 18 : « Allâh a très certainement agréé les croyants quand ils t'ont prêté le

serment d'allégeance sous l'arbre. Il a su ce qu'il y avait dans leurs cœurs, et a fait
descendre sur eux la quiétude, et Il les a récompensés par une victoire proche ».
329
guerres civiles (fitan), et Sa Satisfaction n’est jamais plus suivie de Sa Rigueur 589. Le
Prophète a dit également : « Prenez garde de mépriser l'un de mes Compagnons pour
leurs actions ! Si l'un de vous dépensait en or le poids (de la montagne) de Uhûd, cela
n'atteindrait pas la moitié de la valeur d'un seul d'entre eux ». Il a dit aussi : « Il y
aura quelque chose (hunayha) entre mes Compagnons », formulant leur
appartenance à sa personne. De même une autre de ses paroles : « En vérité ceux
d'entre vous qui vivront jusqu'à la discorde (fitna) entre les « gens de la qibla » », et
celle-ci : « Il y aura une discorde entre les « gens de la Prière » », ou celle-là : « Quand
il y aura la discorde dans ma communauté », et cette autre encore « Mon (petit) fils
que voici — c’est-à-dire al-Hassân — est un chef (sayyid) et c'est pour lui — ou
« grâce à lui » — qu’Allâh rétablira la paix entre deux grandes fractions de
Musulmans » 590. Or dans toutes ces paroles il a formulé leur appartenance à sa
personne (adâfa-hum ilà nafsihi) et les a appelés les « gens de la qibla » (Ahl al-qibla),
les « gens de la Prière » (Ahl al- Salât) et « Musulmans » (Muslimîn), bien qu’Allâh, lui
eût fait savoir ce qu’il adviendrait d’eux après lui. Il a dit aussi : « Si l'on parle (en
mal) de mes Compagnons, abstenez-vous (amsikû) d’intervenir ! » comme il avait dit
: « Si l'on parle du décret divin (qadar), abstenez-vous d'intervenir ! » c’est-à-dire :
Remettez-vous-en à Allâh en ce qui concerne Sa décision et Son décret (fî qadâ'i-Hi
wa-qadari-Hi) et remettez-vous-en à mes Compagnons au sujet de leurs actes, car
vous n’êtes comme aucun d’eux en ce qui touche son intime conviction et le bien-fondé
de son jugement ! Il est donc clair pour toi, grâce à ces arguments traditionnels, que
chacun des deux partis 591 avait une interprétation (ta'wîl), un jugement (ijtihâd) et
une conviction (muta‘ allaq) légitimes et légitimant son action, et qu’il ne recherchait
que la pure orthodoxie (sunnat al-salâma) dans ce qu’il interprétait, jugeait ou
accomplissait. Ceux qui marchent sur de telles traces suivent fidèlement la Sunna et
sont les plus dignes continuateurs des Compagnons de l’Envoyé d'Allâh. En eifet ces
derniers ont été ses intimes, ont suivi ses paroles, ont été longuement attachés à sa
personne, ont reçu sa science en charge et maintenu le souvenir de ses intentions
(anfâs : litt. : « souffles ») et de ses actions. L’Islâm, ils l’ont reçu de lui directement ;
ses rites (sharâ'ï), ils en ont été les témoins : ses règles (ahkâm), ils les ont connues
de visu, sans intermédiaire ni délégué entre eux et lui. Ils les ont pratiqués en le
regardant et les ont appris de lui-même oralement. Ils ont reçu cet enseignement de

589Le verset 162 de la Sûrah 3 (al imrân) met en opposition la Satisfaction d’Allâh (al-
Ridâ) et Sa Rigueur (al-Sakhat) : « Est-ce que celui qui se conforme à l'agrément
(satisfaction) d'Allâh ressemble à celui qui encourt la rigueur (correction) d'Allâh ? ».
590
Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh, Kitâb al Sulh, 9, 3/243.
591 Celui de 'Alî, Az-Zubayr et de Talha, voir ses paragraphes 146 et 151.
330
sa bouche comme une nourriture agréable et ont été convaincus que tout cela était
la vérité, y consacrant leur coeur en toute certitude. Ils ont transmis la Loi (al-
Sharî’ah), et c’est ainsi qu’elle fut affermie, et c’est par eux que les fondements de la
Tradition (ussûl al-Sunnah) ont été sauvegardés. La reconnaissance envers eux est
donc un devoir pour la Communauté toute entière, car ils ont été les dépositaires de
la science de l’Envoyé, les transmetteurs de sa religion, ses intermédiaires entre sa
Communauté et lui, les hommes sûrs choisis par lui pour communiquer la Révélation
(al-wahî). Quiconque dénigrera l’un d’eux ou l’exécrera à cause d’un événement
quelconque le concernant ou d’une prétendue mauvaise action sera un hérétique
hypocrite (mubtadi‘ munâjiq), tant qu’il ne priera pas pour le repos de leur âme, pour
tous sans exception, et qu’il n’aura pas le coeur pur (qalb salîm) envers eux 592. C’est
en effet à l’Envoyé d’Allâh qu’ils se rattachaient, c’est sur sa science qu’ils prenaient
appui, c’est d’elle qu’ils tiraient argument et c’est à elle qu’ils avaient recours, et c’est
son avis qu’ils suivaient, ce dont ils étaient fiers, et c’est fort d’avoir été ses proches
qu’ils se jetaient sur les ennemis de sa Voie (Sunnah). Qui donc pourrait les égaler
dans l’illustration de l’honneur ou rivaliser avec eux dans le domaine de la gloire et
le prestige du nom ? ».

Comme on le voit, l’adab islamique consiste à ne pas les insulter ou à les mépriser
car ils étaient les protégés et les soutiens du Prophète, que leurs mérites sont
nombreux, de même que leurs bonnes actions. Mais n’étant pas infaillibles,
certains ont commis des erreurs, et d’autres ont commis des péchés ; de tout cela,
Allâh et Son Messager en étaient évidemment bien informés, et ont tout de même
pris leur défense, et Allâh a promis Son Pardon pour ceux qui étaient sincères dans
leur engagement. Le Prophète fut catégorique et intransigeant sur ce point, et
malheureusement nous voyons que des shiites, réformistes et coranistes de notre
époque s’évertuent à les maudire, les dénigrer, les insulter ou les excommunier, -
et certains sunnites influencés par différents groupes en font malheureusement de
même pour certains Compagnons -, mais ce n’est pas là, la voie pure du Prophète,
ni même ce que nous enseigne Allâh dans le Qur’ân.

Plus loin, Ibn ‘Arabî continue en disant : « Tiens-toi donc — que Allâh t’aide par
Son concours (tawfîq) et Sa bonne direction (tasdîd) — là où s’en sont tenus les
meilleurs de la Communauté, et abstiens-toi, comme eux, quand il s’agit des sujets de
différends survenus entre eux ! Garde-toi de l’indiscrétion en exerçant ton opinion
personnelle (hawâ) sur leurs fautes involontaires (hafawât) et sur les suites de leurs
actions ! On a rapporté en effet précédemment l’interdiction faite par l’Envoyé

592 Qur'ân 26, 89 : « (…) sauf celui qui vient à Allâh avec un cœur sain (pur) ».
331
d’Allâh de parler de ce qui pourrait porter atteinte à l’un d’eux. Prends garde ! Prends
garde ! Toi qui es soucieux de ton âme et de ta religion, qui désires bâtir solidement
ta foi et ta certitude, qui cherches à te sauver par l’Islâm et à échapper aux mortels
dangers des péchés (mûbiqât al-âthâm), de te moquer de l’un d’entre eux pour ce
qu’il a avisé de faire, ou de critiquer sottement son jugement ou encore de le dénigrer
dans sa décision ou sa résolution. La protection de la foi (‘ismat al-îmân) et la parole
de vérité (kalimat al-haqq) s’étaient en effet étendues sur eux et, selon le témoignage
d’Allâh à leur égard, ils étaient des croyants, comme II l’a dit : « Et si deux groupes de
croyants se combattent, rétablissez entre eux la concorde... ! » jusqu’à Sa parole : «
rétablissez la concorde entre (les deux groupes de) vos frères ! » 593 et II les a appelés
« croyants » et « frères ». Nous dirons donc que la contestation et l’inimitié surgies
entre eux, Allâh les a ôtées de leur coeur par Sa bonté et Sa miséricorde, comme II l’a
dit : « Et Nous aurons ôté de leur poitrine ce qui s’y trouve de haine. (Ils seront)
fraternellement sur des sofas se faisant face » 594. Fais donc suivre leur nom de la
meilleure des mentions et la plus belle des louanges ! Car ils sont nos imâms, nos
seigneurs et nos guides vers Allâh, les meilleurs des premiers et des derniers de
l’humanité après les prophètes et les envoyés d’Allâh. Les plus parfaits (litt. : « l’élite
» : al-khâssa) d’entre eux étant les 10 auxquels le Paradis avait été solennellement
promis et les meilleurs « la quintessence de l’élite » (khulâsal khâssâtihim) étant les
4 imâms successeurs du Prophète, dans l’ordre chronologique l’un après l’autre, eux
qui sont en effet les éléments les plus purs (litt. : « le coeur de la pureté » : lubb al-
lubâb) et les plus précieux des Compagnons de l’Envoyé d’Allâh sans le moindre
doute. Quiconque les dédaigne et « s'écarte d'eux de la distance d'un empan ôte de

593 Qur’ân 49, 9-10 : « Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation
entre eux. Si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, combattez-le groupe qui se rebelle,
jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allâh. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec
justice et soyez équitables car Allâh aime les équitables. Les croyants ne sont que des
frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allâh, afin qu'on vous fasse
miséricorde ». Les califes Abû Bakr et ‘Alî agirent de la sorte, illustrant ainsi leur suivi et
amour du Qur’ân et de la justice. Notre maître Abû Bakr traita avec justice les « apostats »
qui refusèrent de payer la zakât et qui firent sédition, et accepta le repentir de ceux qui
revinrent dans les rangs. Quant à l’imâm ‘Alî, il considéra Mu’awiyya et ses partisans comme
étant « ses frères qui se sont rebellés » puis traita avec justice ses opposants qui déposèrent
les armes et regrettèrent leurs actions.
594 Qur’ân 15, 47. C’était le voeu de l’imâm ‘Alî, voir la fin du paragraphe 151.

332
son cou le joug de l'Islam » 595. Prends exemple sur ce qu’a dit al-Sha'bî 596 en ces
termes : « Aime les gens de la Famille de ton Prophète sans être râfidite, agis selon le
Qur'ân sans être harûrite, et sache que « ce qui t'arrive de bien vient d'Allâh et ce qui
t'arrive de mal vient de ton âme » (Qur’ân 4, 79) sans être qadarite, obéis à l'imâm
« même si c'est un esclave abyssin » 597 sans être khârijite 598 ! » ».

Et tout cela est corroboré par la Parole d’Allâh :

« Et ceux qui, pour (la cause d’) Allâh, ont émigré après avoir subi des
injustices, Nous les installerons dans une situation agréable dans la vie d’ici-
bas. Et le salaire de la vie dernière sera plus grand encore s’ils savaient »
(Qur’ân 16, 41).

« Dis : « Ô Mes serviteurs qui avez cru ! Craignez votre Seigneur ». Ceux qui
ici-bas font le bien, auront une bonne [récompense]. La terre d’Allâh est vaste
et les endurants auront leur pleine récompense sans compter » (Qur’ân 39,
10).

595 Rapporté par Ahmad dans son Musnad 4/130, par At-Tirmidhî dans ses Sunân au Kitâb

al-Adab.
596 Fameux traditionniste (spécialiste du hadîth) et jurisconsulte de Kûfa, mort en 110 H,

qui eut pour disciple le célèbre imâm Abû Hanifa. Voir Ad-Dhahabî dans Tadhkirat al-Huffâz,
1, 1/74-82.
597 Allusion au hadîth rapporté notamment par At-Tirmdhî dans ses Sunân n°2676 : « Je vous

recommande la taqwa d'Allâh (la piété) et d'écouter et d'obéir même à un esclave abyssin car
certes celui d'entre vous qui va vivre verra de nombreuses divergences. Et prenez garde aux
nouvelles choses [qui contredisent les principes et valeurs de l’Islâm] car elles sont certes
égarement. Celui d'entre vous qui assiste à cela qu'il s'accroche à ma Sunnah et à la sunnah
(voie) des califes droits et bien-guidés. Mordez là à pleine dent ».
598 Selon Abû Bakr ibn ‘Ayyâsh, le râfidite (shiite extrémiste) fait de Abû Bakr, de ‘Umar, de

‘Uthmân, de ‘Aîsha et d’autres des infidèles, le harûrite fait de ‘Alî un infidèle (cf. Henri
Laoust, La profession de foi d'Ibn Batta, Damas, Institut français du Proche-Orient, 1958, p.
64). Harûrâ’ est une localité proche de Kûfa, où les partisans de l’imâm ‘Alî opposés à
l’arbitrage de Siffîn firent leur première sécession et se retournèrent contre l’imâm ‘Alî. Les
qadarites (al-qadariyya), - à ne pas confondre avec les sûfis de la qadiriyya (en référence au
célèbre imâm Abdul Qâdir al-Jilânî) -, qui étaient un courant de pensée accordant tellement
d’importance au « libre-arbitre » qu’ils en venaient à renier, - ou du moins à fortement
minimiser – la prédestination (et où les extrémistes de la prédestination étaient appelés les
Jabarites/fatalistes). Plus tard, les mutazilites reprirent en partie la voie des qadarites
tandis que les sunnites et les shiites, - avec des nuances importantes en leur sein -, optèrent
pour une voie du juste milieu, acceptant le libre-arbitre, comme étant lui-même décrété,
voulu, connu et encadré par Allâh.
333
Ces versets parlent en premier lieu des premiers musulmans qui ont émigré en
Abyssinie, après avoir subi des injustices (dont la torture), et qui
accompagnèrent Jâ’far Ibn Abû Tâlib (le cousin du Prophète, et frère de l’imâm
‘Alî), et parmi ceux-là, figuraient ‘Uthmân et son épouse Ruqayya (fille du
Prophète Muhammad) 599.

De même, ces versets les concernent également : « Est-ce que celui qui, aux
heures de la nuit, reste en dévotion, prosterné et debout, prenant garde à
l’au-delà et espérant la miséricorde de son Seigneur… Dis : « Sont-ils égaux,
ceux qui savent et ceux qui ne savent pas ? ». Seuls les doués d’intelligence se
rappellent » (Qur’ân 39, 9).

« Les tout premiers (croyants) parmi les Emigrés et les Auxiliaires et ceux qui
les ont suivis dans un beau comportement, Allâh les agrée, et ils l'agréent. Il a
préparé pour eux des Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, et ils y
demeureront éternellement. Voilà l'énorme succès ! » (Qur’ân 9, 100)

« Allâh a très certainement agréé les croyants quand ils t'ont prêté le serment
d'allégeance sous l'arbre. Il a su ce qu'il y avait dans leurs cœurs, et a fait
descendre sur eux la quiétude ... » (Qur’ân 48, 18).

« On ne peut comparer cependant celui d'entre vous qui a donné ses biens et
combattu avant la conquête... ces derniers sont plus hauts en hiérarchie que
ceux qui ont dépensé et ont combattu après. Or, à chacun, Allâh a promis la
plus belle récompense, et Allah est Grand Connaisseur de ce que vous faites »
(Qur’ân 57, 10).

« Alors, s'ils croient à cela même à quoi vous croyez, ils seront certainement
sur la bonne voie. Et s'ils s'en détournent, ils seront certes dans le schisme !
Alors Allâh te suffira contre eux. Il est l'Audient, l'Omniscient » (Qur’ân 2, 137).

« Muhammad est le Messager d'Allâh. Et ceux qui sont avec lui sont puissants
et fiers envers les mécréants, miséricordieux entre eux. Tu les vois inclinés,

599 Voir notamment le récit de Ibn ‘Abbâs rapporté notamment par Al-Qurtûbî dans son

Tafsîr 10/107.

334
prosternés, recherchant d'Allâh grâce et agrément. Leurs visages sont
marqués par la trace laissée par la prosternation » (Qur’ân 48, 29).

« Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur
engagement envers Allâh. Certains d'entre eux ont atteint leur fin, et d'autres
attendent encore; et ils n'ont varié aucunement (dans leur engagement) »
(Qur’ân 33, 23).

« Leur Enseigneur alors les exauça : « Parmi vous, homme ou femme, Je ne


laisse pas perdre l'œuvre de qui agit : vous êtes issus les uns des autres. Aussi,
Je ferai sûrement disparaitre les méfaits de ceux qui ont émigré, et qui ont été
expulsés de leurs demeures, et qui ont été persécutés dans Mon sentier, et qui
ont combattu, et qui ont été tués. Et sûrement Je les ferai pénétrer dans des
Jardins sous lesquels coulent les ruisseaux, comme récompense venant d'Allâh
» (Qur'ân 3, 195).

335
Section n°31 : Les gens de la foi sont les plus réticents à verser le
sang

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Les gens les plus réticents à tuer sont les gens
de la foi » 600.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Certes les plus réprouvés/désavoués d'Allâh


sont : celui qui tue quelqu’un alors que la personne ne l’a pas combattu, ou qui
demande le prix du sang de la jahiliyya (vengeance de la période de l'ignorance) a
quelqu’un parmi les musulmans, ou quelqu’un qui affirme que ses yeux ont vu quelque
chose dans un rêve alors qu’il ne l’a pas réellement vu » 601.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Faites attention ! Ne revenez pas à


l'incrédulité (mécréance, ingratitude) après moi en vous frappant au cou (les uns les
autres) » 602.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le musulman est celui dont les gens sont en
sécurité et préservés de sa langue (mauvaises paroles et fausses accusations) et de la
main (agression physique ou meurtre), et le croyant est celui dont les gens ont
confiance en leur vie et en leur richesse » 603.

Le Qur’ân dit : « Ne tuez pas l’âme qu’Allâh a rendu sacrée, - sauf par nécessité
et pour une raison impérieuse juste - » (Qur’ân 17, 33).

Non seulement le Prophète (‫ )ﷺ‬a enseigné aux autres de ne pas verser


injustement le sang des gens, et que cela devait se faire qu’en dernier recours, par
nécessité ou pour sanctionner un criminel ayant souillé la société en y versant le
sang ou en incitant au chaos.

Là où les tyrans et les despotes du passé comme du présent (parmi les présidents
tyranniques, qu’ils soient communistes, capitalistes ou autres) n’hésitent pas à
verser le sang pour la moindre opposition, le Prophète (‫ )ﷺ‬quant à lui, ne se
vengeait même pas quand il était menacé directement de mort par ses ennemis.

600 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°3728 et 3729 selon ‘Abdullâh Ibn Mas’ûd,
sahîh.
601 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°15943 selon Abû Shurayh, et sa chaine est

authentique aussi selon al Haythamî également.


602 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°6403.
603 Rapporté par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°4998, sahîh.

336
‘Aîsha a rapporté que jamais le Prophète n’avait levé la main sur ses épouses ni sur
les gens qui étaient à son service, tous aimant sa compagnie qui était accompagnée
de douceur, de sagesse, d’indulgence, d’altruisme, de générosité, etc. Elle dit en
effet que : « Le Prophète n’a jamais frappé une personne de la main, ni une femme ni
un serviteur. Il n’a frappé autrui que lorsqu’il combattait (sur le champ de bataille)
pour la cause d’Allâh, et il ne s’est jamais vengé de quoi que ce soit pour lui-même, à
moins que les choses rendues sacrées par Allâh aient été violées, il agissait alors (pour
appliquer la justice) pour Allah, l’Exalté et le Glorieux » 604. Dans un autre hadîth elle
dit aussi : « Le Messager d’Allâh n’a jamais battu aucun de ses serviteurs, ni aucune
femme, et sa main n’a jamais rien touché ou frappé (injustement) » 605.

Jâbir ibn ‘Abdallâh rapporte qu’un bédouin parmi les idolâtres vint trouver le
Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬allongé et que son épée était accrochée à un arbre. Le
bédouin se saisit alors de l’épée et dit au Prophète : « Qui te protégera de moi ? ».
Ce à quoi le Prophète lui répondit : « C’est Allâh qui me protègera de toi ! » » 606. Dans
une version plus complète de ce hadîth, nous apprenons que l’épée tomba des
mains du bédouin et le Prophète la récupéra et demanda à son tour au bédouin : «
Et toi maintenant, qui te protège moi ? ». Ce à quoi le bédouin lui répondit : « Sois
comme un bon réprimandeur ». Le Prophète lui dit alors : « Atteste qu’il n’y a de
divinité qu’Allâh et que je suis Son Messager ». Le bédouin lui rétorqua alors : « Non,
mais je te fais la promesse que je ne te combattrai plus et que je ne rejoindrai plus
des gens qui te combattent ! ». Alors le Prophète le laissa partir 607.

L’homme retourna auprès des siens 608, et leur dit : « Je reviens de la compagnie
du meilleur (le Prophète Muhammad) des hommes » 609.

Un autre ennemi du Prophète (‫)ﷺ‬, fut Suhayl ibn ‘Amr, qui était un chef ayant
participé à la bataille de Badr et de Uhûd contre les musulmans. En dépit de sa
forte hostilité contre le Prophète (‫ )ﷺ‬et les musulmans, plusieurs de ses enfants
étaient devenus musulmans et combattaient aux côtés du Prophète. Lors de la

604 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2328, dans le Livre sur les vertus 43/n°108.
605 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°1984, dans le Livre relatif au mariage,
9/n°140.
606 Hadîth rapporté par Muslim dans son Sahîh n°843.
607 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°14929, et la chaine est authentique, notamment

d’après le vérificateur Shû’ayb al Arnaût.


608 Selon Ibn Hajar dans son Fath ul-Barî 7/428, lui et sa tribu se convertiront à l’Islam à la

suite de cet événement.


609 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh, Livre des expéditions militaires, chapitre « La

campagne de Dhât ar-Riqâ’, n°3905.


337
bataille de La Mecque, n’ayant plus d’échappatoire, il dit : « J’envoyai dire à mon fils
‘Abdallâh ibn Suhayl, - qui faisait partie de l’armée musulmane victorieuse – de
demander au Prophète (‫ )ﷺ‬de m’accorder sa protection : je risquais en effet d’être
tué, et nul n’avait un passé aussi sombre que le mien. J’étais celui qui avait contraint
le Prophète à accepter le traité d’Hudaybiyya et j’avais combattu les musulmans à
Badr et à Uhud » 610.

Suhayl ibn ‘Amr rapporte ensuite que son fils ‘Abdallâh ibn Suhayl alla trouver le
Prophète (‫ )ﷺ‬pour lui dire : « Messager d’Allâh, accorde-lui la sécurité ». Le
Prophète (‫ )ﷺ‬lui répondit : « Oui, il est sous la Protection divine, il peut sortir » 611.

Tout en garantissant la sécurité à tous ceux qui le demandaient, le Prophète


ordonna aussi à ses compagnons de ne pas les insulter ni de les humilier.
Concernant Suhayl, il leur dit : « Que ceux qui rencontrent Suhayl ibn ‘Amr ne le
fixent pas du regard » 612. Alors même que Suhayl fut un ennemi acharné du
Prophète (‫ )ﷺ‬et des Compagnons, le Prophète n’hésitait pas à souligner et à
énumérer ses qualités : « Suhayl est un homme sage et honorable. Un homme comme
Suhayl n’ignorait pas l’Islam, mais il avait l’impression qu’il ne serait pas dans son
intérêt ».

‘Abdallâh ibn Suhayl alla alors trouver son père pour l’informer des propos et de
la décision du Prophète (‫)ﷺ‬, et Suhayl s’exclama : « Il est tout aussi généreux qu’il
l’était autrefois (avant que les idolâtres ne se mettent à le persécuter) ! » 613.

D’autres ennemis du Prophète (‫ )ﷺ‬cependant, le jour de la prise victorieuse de la


Mecque, n’abandonnèrent pas leur idée de l’assassiner. Tel fut le cas de Fudâla ibn
‘Umayr qui vouait une haine farouche envers le Prophète ‫ﷺ‬. Alors que le Prophète
‫ ﷺ‬se trouvait avec environ 10 000 Compagnons, qui tournèrent autour de la
Ka’aba, Fudâla, dissimula son épée et tenta de s’approcher suffisamment près du
Prophète ‫ ﷺ‬pour être en mesure de le tuer, mais lorsqu’il fut à proximité, le
Prophète ‫ ﷺ‬s’orienta vers lui et lui dit : « Tu es bien Fudâla ? ». « Oui, Fudâla,
Messager d’Allâh (faisant semblant d’être musulman) ». Le Prophète lui dit alors : «
Qu’avais-tu l’intention de faire ? ». Fudâla lui répondit : « Rien, je me rappelais d’Allâh

610 Rapporté par Ibn al-Athîr, Asad (Usd) al-Ghâba 2/346.


611 Rapporté notamment par Ibn Hajar dans al-Isâba 3/219, par Ibn ‘Abd al-Barr dans al-
Istî’âb 3/57.
612 Ibid.
613 Rapporté par Ibn ‘Abd al-Barr dans al-Istî’âb 3/57.
338
». Le Prophète se mit alors à rire et lui dit : « Implore le Pardon d’Allâh (alors), Fudâla
». Puis il posa la main sur le cœur de Fudâla afin de l’apaiser. Fudâla commenta cet
incident en disant : « Par Allâh, lorsqu’il ôta sa main de ma poitrine, il n’y avait
aucune créature au monde que j’aimais autant que le Prophète » 614.

Après la mort du Prophète, cet esprit de clémence et de bonté était encore


incarné par certains de ses Compagnons. Un jour, un homme envoya un courrier à
Ibn 'Umar lui priant de lui écrire le savoir en entier. Il lui a répondu en ces termes
: « Le savoir abonde, mais si tu peux rencontrer Allâh le dos allégé du sang des gens,
le ventre vide d'avoir consommé leurs biens, la langue exempte d'avoir atteint leur
honneur, tout en étant fidèle à leur unité, alors fais-le » 615.

Cette parole peut résumer l'essentiel du comportement du croyant, car elle


dévoile les conséquences d'une attitude corrompue dans la personnalité. En effet,
le savoir abonde, mais si celui-ci ne mène pas à la sagesse, il n'est guère utile. Ne
pas verser injustement le sang des gens (par un simple coup violent ou par le
meurtre), ne pas voler ou détourner les biens d'autrui, préserver sa langue
(parole) de tout ce qui peut nuire aux autres (calomnies, fausses accusations,
médisance, insultes, etc.), et encourager l'unité, la solidarité et la fraternité au lieu
de la division et de la discorde.

Cette attitude est celle préconisée par le Qur’ân en maints endroits comme celui-
ci : « Et ceux qui croient (en Allâh et en ce qu’Il a fait descendre) et pratiquent
les bonnes oeuvres, ceux-là sont les gens du Paradis où ils demeureront
éternellement. Et [rappelle-toi], lorsque Nous avons pris l'engagement des
enfants d'Israël de n'adorer qu'Allâh, de faire le bien envers les pères, les
mères, les proches parents, les orphelins et les nécessiteux, d'avoir de bonnes
paroles avec les gens ; d'accomplir régulièrement la Salât et d'acquitter le
Zakât ! - Mais à l'exception d'un petit nombre d’entre vous, vous manquiez à
vos engagements en vous détournant de Nos commandements. Et rappelez-
vous, lorsque Nous obtînmes de vous l'engagement de ne pas verser le sang,
[par le meurtre] de ne pas vous expulser les uns les autres de vos maisons. Puis
vous y avez souscrit avec votre propre témoignage. Quoiqu’ainsi engagés, voilà
que vous vous entre-tuez, que vous expulsez de leurs maisons une partie
d'entre vous contre qui vous prêtez main forte par péché et agression. Mais

614 Rapporté par Ibn Kathîr, al-Bidayâ wa an-nihâya 4/342.


615 Rapporté par Ad-Dhahâbî, Siyar A'lam an-Nubalâ’ 222/3.

339
quelle contradiction ! Si vos coreligionnaires vous viennent captifs vous les
rançonnez alors qu'il vous était interdit de les expulser (de chez eux). Croyez-
vous donc en une partie du Livre et rejetez-vous le reste ? (…) » (Qur’ân 2, 82-
85).

Ainsi que dans les passages suivants notamment :

« Dis : « Venez, je vais réciter ce que votre Seigneur vous a interdit : ne Lui
associez rien ; et soyez bienfaisants envers vos père et mère. Ne tuez pas vos
enfants pour cause de pauvreté. Nous vous nourrissons tout comme eux.
N’approchez pas des turpitudes (actes abominables) ouvertement, ou en
cachette. Et ne tuez pas, sans nécessité de droit, la vie qu’Allâh a déclaré sacrée.
Voilà ce qu’[Allâh] vous a enjoint de faire ; peut-être comprendrez-vous »
(Qur’ân 6, 151). Tous les versets où Allâh évoque la sacralité de la vie humaine ont
une portée générale, et rien n’indique une restriction, si ce n’est le principe de
justice (et non pas de croyance ou de religion) qu’Allâh énonce. Seule une
circonstance accidentelle et aggravante peut autoriser la punition en dépit de cette
sacralité ; celui de l’assassin (musulman ou non), ou du combattant ou rebelle
transgresseur (musulman ou non) qui lève les armes contre l’Etat musulman
légitime et juste ou contre ses citoyens (musulmans ou non), ou contre des non-
musulmans possédant un pacte de protection (même en dehors du dâr al islâm).

« (…) quiconque tuerait une personne non-coupable d’un meurtre ou d’une


corruption sur la terre, c’est comme s’il avait tué toute l’Humanité » (Qur’ân 5,
32).

Et « et ne tuent pas la vie qu’Allâh a rendue sacrée, sauf à bon droit » (Qur’ân
25, 68).

« En revanche, dans le cas des rapports avec les non-musulmans, c’est au contraire
l’exemple des saints les plus élevés qu’il faudra suivre. Ceux-ci entretiennent avec eux
de bonnes relations amicales, en raison des mœurs élevées qui les caractérisent. Ce
comportement est puisé, au-delà de la lettre de certains passages coraniques,
destinés à des êtres moins évolués 616, directement dans la Torah, qui recèle le

616 L’injonctionqui consiste à demander aux hommes d’être bons avec les croyants
et puissants avec les ennemis de Allâh s’adresse, dans le Qur’ân, aux sincères
(saints de degré inférieur). Allâh a dit : « Ils seront humbles à l’égard des croyants
et puissants et fiers à l’égard des incrédules ». C’est l’action de l’homme sincère
(zâdiq).
340
principe d’une fraternité adamique exigeant de traiter de manière égale tous les
hommes sans aucune distinction : On rapporte, d’après Moïse, que celui-ci aurait dit
: – Seigneur, donne-moi un héritage. Dieu lui aurait répondu : – Je te lègue le lien du
sang (qui est aussi la clémence) qui te rattache à l’espèce de ton père Adam. Moïse
demanda : – Ô Seigneur, qu’en est-il de l’homme qui est éloigné de moi et se trouve
aux confins est et ouest de la terre ? Il dit : – Aime pour eux ce que tu aimes pour toi-
même ». Tirmidhî ajoute : « Ka'b s’élevait contre un homme vivant dans son
entourage qui s’était coupé de ce lien (de clémence) à l’humanité. Il citait, à ce sujet,
la Torah » 617 » 618.

Il s'agit d'un précepte qu'Allâh a institué pour tous les Prophètes, et des récits
véhiculant les mêmes injonctions (sur la courtoisie, la clémence et la justice à
appliquer, même avec les incroyants) concernant les Prophètes Dawûd, Issâ
(Jésus) et Muhammad, - 'alayhûm as-Salâm -. Le Qur'ân, dans plusieurs passages,
énonce, évoque et actualise ces préceptes que la Communauté musulmane doit
s'efforcer de mettre en pratique.

Et dans la Tradition, citons quelques récits à ce sujet :

« Un homme vint à Jésus fils de Marie (Issâ Ibn Maryam) et dit : « Ô maître de bonté,
enseigne-moi quelque chose que tu sais dont j'ignore, qui me profitera et ne te
portera pas préjudice ». Jésus rétorque : « Que serait-ce ? ». L'homme dit : « Comment
un serviteur peut-il être vraiment pieux devant Allâh ? ». Jésus dit : « L'affaire est
facile. Aime Allâh de tout ton coeur et oeuvre à Son service en déployant tous tes
efforts et toutes tes forces, et sois miséricordieux envers les gens de ta race, comme
tu fais preuve de miséricorde envers toi-même. L'homme rétorque : « Ô maître de
bonté, qui sont les gens de ma race ? ». Il dit : « Tous les fils d'Adam. Et ce que tu
n'aimerais qu'on te fasse, ne le fais pas aux autres. De cette façon, tu seras vraiment
pieux devant Allâh » 619.

« Allâh révéla à Jésus (‘Issa) – que la Paix Divine soit sur lui - : « Ô Jésus, Je t’ai accordé
l’amour pour les pauvres et la miséricorde à leur égard. Tu les aimes, et ils t’aiment

617 'Ilm al-awliyâ’, Göttingen-Universitats-bibliothek, no 256, 218 folios, f. 97. Pour plus de

détails, voir : G. Gobillot, « “Le langage, science des saints” selon al-Hakîm al-Tirmidhî »,
Mystique musulmane, parcours en compagnie d’un chercheur : Roger Deladrière, Paris,
Cariscript, décembre 2002, p. 59-92.
618 Geneviève Gobillot, Éthique et spiritualité en islam à travers la pensée d'al-Hakîm al-

Tirmidhî - Le Sage de Tirmidh, mystique khurâsânien (m. 318/930, paru dans la Revue
d'éthique et de théologie morale 2007/3, n°245.
619 Rapporté par Aḥmad dans son Kitâb az-Zuhd n°332.

341
et t’acceptent comme leur guide spirituel et leur chef, et tu les acceptes comme
compagnons et disciples. Ce sont deux traits de caractère (noble). Sache que
quiconque Me rencontre au Jour du Jugement avec ces deux traits de caractère
(amour et miséricorde) M’a rencontré avec la plus pure des œuvres et avec ceux que
J’aime le plus » 620.

« Allâh – qu’Il soit exalté – a regardé Dâwûd (le Prophète David) – que la paix soit
sur lui – alors qu’il était solitaire et isolé. Allâh lui dit : « Pourquoi es-tu dans la
solitude et l’isolement ? ». Dawûd répondit : « Pour Toi j’ai manifesté mon hostilité
envers les créatures ». Allâh lui dit : « Ne sais-tu pas que Mon amour implique que tu
sois affectueux avec Mes serviteurs et que tu les combles de tes faveurs ? Voilà
comment je t’inscrirai parmi Mes amis et Mes bien-aimés. Car si tu es ainsi, ton nom
figurera dans le registre des gens de l’amour » » 621.

Le Prophète Jésus (‘Issâ) a dit : « Si vous désirez vous consacrer entièrement à Allâh
et être la lumière des enfants d’Adam, pardonnez à ceux qui vous ont fait du mal,
rendez visite au malade qui ne vous rend pas visite, soyez doux avec ceux qui ne sont
pas doux avec vous et prêtez à ceux qui ne vous remboursent pas » 622, s’ils sont
réellement dans la nécessité.

Le Prophète Jésus (‘Issâ) avait coutume de dire : « La charité, ce n’est pas faire le
bien à l’égard de ceux qui font le bien à ton égard [car cela est facile pour la nafs],
car ce serait rendre le bien pour le bien. La charité, c’est que tu dois faire le bien pour
le bien. La charité c’est que tu dois faire le bien à l’égard de ceux qui te font du tort
» 623.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Aimez les pauvres et fréquentez-les. Aimez


les Arabes (vertueux) de tout ton coeur et prémunissez-vous contre les compliments
des gens ce que vous savez de votre âme » 624.

Rapporté par Aḥmad dans son Kitâb az-Zuhd p.97, n°320.


620
621Rapporté par Ibn al-Jawzî dans L'Amour de Dieu dans la tradition musulmane, éd. Iqra,
2000, pp. 74-75, selon Thawr ibn Zayd.
622 Rapporté par Aḥmad dans son Kitâb az-Zuhd, pp.144-145 n°480, par Abû Nu’aym dans

Hilyat 5/238-239.
623 Rapporté par Aḥmad dans son Kitâb az-Zuhd, p.96, n°317 et p.142 n°469 ; par Ibn

‘Asakir dans Sirât, p.155, n°166.


624 Rapporté par al-Hâkim dans son Mustadrak n°7947, selon Abû Hurayra, chaîne sahîh.

342
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La fréquentation des pauvres est une preuve
de modestie et c'est la meilleure des guerres saintes [c'est-à-dire l'une des meilleures]
» 625.

Ce hadîth peut s'expliquer de 2 manières qui se complètent. D'une part les


pauvres de la société, car celui qui ne veut pas perdre son prestige social ne voudra
pas être vu avec des pauvres, et donc les fréquenter reviendrait à renoncer aux
attraits de ce bas-monde et donc à dominer son ego pour la Face d'Allâh, et d'autre
part, les pauvres en Allâh, - les Fuqara de la voie spirituelle -, car ils cheminent
pour Allâh, délaissant les choses blâmables et se réunissant pour Lui tout en
réalisant de nobles vertus, et les fréquenter revient donc à préférer Allâh et l'Au-
delà, aux choses futiles et à ce bas-monde, ce qui est une victoire éclatante sur son
ego.

Le Prophète Jésus (‘Issâ) ‘alayhî salâm passa près d’un groupe d’Israélites qui
l’insultèrent. Chaque fois qu’ils exprimaient une parole mauvaise, Jésus répondait
par une parole de bonté. Simon le pur lui a dit : « Vas-tu répondre avec des paroles
de bonté chaque fois qu’ils te disent des paroles mauvaises ? ». Le Christ (Jésus) lui dit
: « Chaque personne dépense (offre, manifeste) ce qu’elle possède » » 626.

Allâh dit dans le Qur’ân : « La bonne action et la mauvaise (action) ne sont pas
pareilles. Repousse (le mal) par ce qui est meilleur (le bien) ; et voilà que celui
avec qui tu avais une animosité devient tel un ami chaleureux. Mais (ce
privilège) n'est donné qu'à ceux qui endurent et il n'est donné qu'au possesseur
d'une grâce infinie. Et si jamais le Diable t'incite (à agir autrement), alors
cherche refuge auprès d’Allâh ; c'est Lui, vraiment l'Audient, l'Omniscient »
(Qur’ân 41, 34-36).

625 Rapporté par Ad-Daylamî dans son Musnad al-Firdaws d'après Anas Ibn Mâlik, par As-

Suyûtî dans al-Jâmi' as-Saghîr qui considère la chaîne comme étant faible, par Al-Munawî
dans son Fayd al-Qadîr.
626 Rapporté par Ibn Qutayba dans ‘Uyun 2/370 ; par Ibn ‘Asakir dans Sirât p.156 n°169 ;

par Abû ‘Uthmân al-Jahîz dans al-Bayân 2/167.


343
Section n°32 : De la beauté, de la générosité, de la propreté et de la
sympathie

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Certes Allâh est Beau et Il aime la Beauté. Il
aime les affaires les plus nobles (la noblesse de caractère) et réprouve la mesquinerie
(et la bassesse) » 627.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Quiconque possède ne serait-ce que le poids


d’une graine d’arrogance dans son cœur n’entrera au Paradis ». Un homme a dit :
« Mais un homme aime avoir de beaux vêtements et de belles chaussures ». Le
Prophète a dit : « En vérité, Allâh est beau et Il aime la beauté. L'arrogance, c'est de
refuser la vérité et de mépriser les gens » 628.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « En vérité, Allâh est généreux. Il aime la


générosité et le caractère exalté, et Il réprouve la mesquinerie. Allâh est magnanime
et aime la magnanimité » 629.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le croyant est quelqu'un d'agréable (et de


sociable), qui attire la sympathie. Il n'y a rien de bon dans une personne au caractère
déplaisant, qui pousse au mépris » 630.

Dans une autre version plus complète : « Le croyant est agréable (sympathique et
sociale) et inspire la sympathie. Il n'y a aucun bien en qui n'est pas agréable

Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Awsaṭ n°6902 et n°1771 dans al-Mu’jam al-
627

Kabîr, selon Jabir, sahîh.


628 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°91 selon ‘Abdullâh Ibn Mas'ûd.
629 Rapporté par Al-Bayhaqî dans al-Sunân al-Kubrâ n°19134 selon Sahl ibn Sa’d, sahîh.
Certaines versions ne rapportent pas le dernier passage.
630 Rapporté par al-Bayhaqî dans Shû'ab al-Imân 6/271 n°8120, par Ahmad dans son

Musnad 2/400 n°9187 et 5/335 n°22891, par Al-Hâkim dans Al-Mustadrak 1/73, par Al-
Haythâmî dans Majmâ' al-Zawâ'îd 8/90, par Ibn Hibbân dans Kitab al-Majruhin min al-
Muhadithin 2/368, par At-Tabarânî 6/131 n°5744, par As-Suyûtî dans Al-Jâmi' al-Saghîr,
par Al-Baghawî dans Mishkat al Masabih n°4995 et par d'autres avec une chaîne
authentique, certaines chaînes comportent des faiblesses tandis que d'autres sont
authentiques, rapportées sous l'autorité de Abû Hurayra, de Jâbir Ibn AbdAllâh, de Ibn
Mas'ûd et d'autres. Les notions dans ce hadîth renvoient au fait que le croyant doit tisser
des liens sociaux, d’être agréable, sympathique, etc.
344
(sympathique) et n'inspire pas la sympathie d'autrui, et le meilleur des gens est le
plus bénéfique (et utile) pour les gens » 631.

De ses ahadiths, nous pouvons déduire que la sympathie, la magnanimité, la


beauté, - quand celle-ci est encadrée par la pudeur et le sacré -, la modestie et la
générosité font partie de ce qu’Allâh aime et de ce dont le croyant doit s’imprégner.
Ces ahadiths sur la beauté sont d’ailleurs les fondements scripturaires qui
inspirèrent l’art islamique dans toute sa beauté et sa profondeur, manifestant ainsi
le Sacré sous ses plus belles manifestations. Aussi, le musulman doit, tout en
restant dans la limite du raisonnable, de la modestie et de la pudeur, avoir une
apparence propre, soignée et agréable.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Si vous n’avez pas honte ni de pudeur, faites
ce que vous voulez » 632.

En effet, quand la pudeur disparait, la beauté perd de son éclat et de sa lumière,


pour devenir prisonnière des passions, des vices et des pulsions « bestiales », où
l’ostentation, la superficialité, la laideur du comportement et l’hypocrisie
empoisonnent l’âme, la santé et les relations humaines.

L’imâm Ibn Rajab a dit dans Jâmi ’al-Ulûm wa al-Ḥikam (p. 20) : « Les savants
interprètent ce proverbe de 2 manières. Premièrement, qu'il s'agit d'un ordre de
prudence et d'avertissement, ce qui signifie que s'il n'y a pas de honte, faites ce que
vous voulez, car Allâh vous « remboursera » en conséquence ... Deuxièmement, qu'il
s'agit d'un commandement de description, ce qui signifie que quiconque n'a pas
honte agira comme il l’entend, car c'est la honte qui empêche les mauvaises actions ».

Pour résumer, citons Salih ibn Abi Hassan, qui rapportait du Compagnon Sa’îd
ibn al-Musayyib, ce que lui avait enseigné le Prophète (‫ )ﷺ‬: « En vérité, Allâh est pur
et Il aime la pureté. Il est propre et Il aime la propreté. Il est généreux et Il aime la
générosité. Il est magnanime et Il aime la magnanimité » 633.

631 Rapporté par Ahmad dans son Musnad selon Sahl Ibn Sâ'ad, par Ad-Dâraqutnî dans son

Al-Ifrad wa Al-Diya' par At-Tabarânî dans Al-Mu’jam Al-Awsat 6/58 et dans Al-Saghîr sous
l'autorité de Jâbir, par Al-Baghawî dans le commentaire de son Mishkat al Masabih n°4995.
632 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3483 selon ‘Abdullâh Ibn Mas’ûd.
633 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2799 dans le Kitâb al-Adab, sahîh, rapporté

et authentifié aussi par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ al-Saghîr n°1742.


345
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « En effet Allâh est Tayyib (Bon) et Il aime la
bonté (Tayyib), Il est Pur (Nazif) et Il aime la propreté, Il est Bienveillant (et Doux)
et Il aime la bienveillance (et la gentillesse), Il est Généreux et Il aime la
générosité » 634.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La propreté (pureté) est la moitié de la foi » 635.
Ce hadîth a plusieurs sens qui se complètent, à savoir la pureté du cœur qui est la
moitié de la foi, la propreté et l’hygiène qui sont nécessaires pour accomplir la
prière, - après avoir pris soigneusement les ablutions -, la propreté de façon
générale, - et on sait que le Prophète (‫ )ﷺ‬était quelqu’un qui sentait naturellement
bon et qu’il utilisait malgré tout aussi les parfums, qu’il prenait soin de lui et de sa
barbe, qu’il se valait et portait des vêtements propres bien qu’il ne portait pas de
vêtements luxueux -, de même que la pureté du cœur représente aussi la moitié de
la foi en tant que la pureté d’intention doit précéder l’action.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit en effet : « Mangez, buvez et donnez en charité.


Portez de beaux vêtements, mais sans fierté ni extravagance. En vérité, Allâh aime
que ses bénédictions soient vues sur ses serviteurs » 636. Allâh dit en effet : « Ô enfants
d’Adam, dans chaque lieu de dévotion, portez votre parure (vos habits). Et
mangez et buvez ; et ne commettez pas d’excès, car Il [Allâh] n’aime pas ceux
qui commettent des excès » (Qur’ân 7, 31).

« Et ne gaspille pas indûment, car les gaspilleurs sont les frères des démons ;
et le Démon est très ingrat envers son Seigneur » (Qur’ân 17, 26-27). Là où le
gaspillage prédomine, les cœurs s’endurcissent, le mépris envers les gens se
répand, et l’indifférence envers les malheurs de leurs proches se banalise, à tel
point que les « gaspilleurs » deviennent les « complices », - conscients ou non selon
les cas -, des démons.

« Ne porte pas ta main enchaînée à ton cou [par avarice], et ne l’étend pas non
plus trop largement, sinon tu te trouveras blâmé et chagriné » (Qur'ân 17, 29).

634 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2799 selon Salih bin Abi Hassan, par Abû

Ya'la dans son Musnad n°791, par Al-Bazzâr dans son Musnad n°1114, par Ibn Qutayba dans
Gharib al-Hadîth 1/297 et d'autres. Même si la chaîne a été généralement considérée comme
faible, des ahadiths authentiques reprenant chacune des parties du hadîth en renforcent le
sens.
635 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°223 selon Abû Mâlik al-Ash'ari.

636 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°6656 selon ‘Abdullâh ibn Amr, sahîh.
346
Ce verset nous rappelle le juste milieu que le croyant doit avoir à l'égard des
causes secondes, afin de trouver un juste équilibre entre la générosité et sa propre
autonomie. C'est-à-dire qu'il ne doit pas oublier les faveurs et dons qu'Allâh lui
accordé, et dont il doit dépenser une partie pour ceux qui sont éprouvés et ceux
qui sont dans le besoin, et ce, afin de se préserver contre l'avarice et
l'égocentrisme. D'autre part, il ne doit pas s'oublier soi-même, - pour celui qui ne
possède pas un tawakkul permettant de se passer des causes secondes -, au point
de tomber dans la pauvreté extrême et la mendicité, surtout s'il est responsable
d'une famille qui compte sur lui pour leur apporter ce dont ils ont besoin par la
Grâce d'Allâh. Celui qui n'a pas la foi solide et le tawakkul, et qui finit par tomber
dans la pauvreté, risquerait selon le verset, de ne pas supporter sa situation, et
d'être déçu et rongé par les remords s'il n'obtient pas l'aide escompté des autres à
laquelle il s'attendait. Ainsi donc, le croyant doit se garder de l'avarice mais doit
aussi faire preuve de pondération et de prévoyance pour ne pas se retrouver dans
une situation délicate et insupportable, s'il ne possède pas l'état spirituel
permettant de se satisfaire de cette situation.

347
Section n°33 : Le Prophète (‫ )ﷺ‬et son amour pour ceux qui le
suivront sans l’avoir côtoyé ici-bas

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « J'aurais tant aimé rencontrer mes frères ! ».
Les compagnons ont dit : « Est-ce que nous ne sommes pas tes frères ? ». Le Prophète
‫ ﷺ‬a dit : « Vous êtes mes compagnons et mes frères sont ceux qui vont croire sans
m'avoir vu » 637.

L’amour du Prophète (‫ )ﷺ‬pour toute sa communauté procure la joie du cœur et


créé un lien dans le cœur de tous les croyants qui sont ainsi unis avec le Prophète
(‫ )ﷺ‬et dont le souvenir de son message béni et noble doit rythmer nos journées.
De même, son intercession le Jour du Jugement profitera à tous les croyants.

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Je serai prééminent parmi les descendants d'Adam
au Jour de la Résurrection et je serai le premier intercesseur et le premier dont
l'intercession sera acceptée (par Allâh) » 638.

D'après Sharh Ibn Hawshab : « Des hommes ont pris la parole et ont insulté 'Alî. La
dernière personne qui a parlé était un homme des Ansars que l'on appelait Unays. Il
a dit : « Je jure par Allâh que j'ai entendu le Prophète (‫ )ﷺ‬dire : « Le jour de la
résurrection je vais certes intercéder pour un nombre de gens plus grand que le
nombre des pierres et des arbres présents sur Terre ». Puis ‘Unays a dit : « Je n'ai pas
vu une personne qui liait plus ses liens de parenté que le Prophète (‫)ﷺ‬. Ainsi est-ce
que les autres personnes que lui peuvent espérer son intercession et il n'intercède pas
pour les gens de sa famille ? » 639.

Al-Qurtûbî dans son Tafsîr parlait également du tawassul et de l’intercession du


Prophète (‫ )ﷺ‬: « Il est rapporté selon Abû Sadiq selon ‘Ali qui a dit : « Un bédouin est
venu après que l’on ait enterré le Prophète (‫ )ﷺ‬depuis 3 jours, il s’est jeté sur la tombe
du Messager d’Allâh et jetant la terre du tombeau sur la tête il a dit : « Ô Messager
d’Allâh nous avons entendu les paroles et les exhortations qu’Allâh t’a révélées et
parmi celles-là il y a : « Si lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils

637Rapporté par l'imam Ahmad dans son Musnad n°12579 et par le Shaykh Shuayb Arna'ut
dans sa vérification du Musnad Ahmad.
638Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2278 selon Abû Hurayra.
639Rapporté par Al-Bazzâr dans son Musnad, par Ibn Hajar dans son Mukhtassar Zawâ’îd Al
Bazzâr n°1968 avec une chaîne sahîh.
348
venaient à toi en implorant le pardon d’Allâh et si le Messager demandait le pardon
pour eux, ils trouveraient, certes Allah Très Accueillant au repentir, Miséricordieux»
(Qur'ân 4, 64) et certes j’ai été injuste envers moi-même et je suis venu à toi pour que
tu demandes le pardon ». Un appel a alors retenti de la tombe disant : « Certes il t’a
été pardonné » ».

Allâh a dit en effet : « Si lorsqu’ils ont fait du tort à leurs propres personnes ils
venaient à toi en implorant le pardon d’Allâh et si le Messager demandait le
pardon pour eux, ils trouveraient, certes Allâh Très Accueillant au repentir,
Miséricordieux » (Qur'ân 4, 64).

Une autre forme que prend cet honneur qu’Allâh réserve à une élite parmi ses
Serviteurs est l’acceptation, par Sa Permission, de l’intercession en faveur de tiers
: « Qui peut intercéder auprès de Lui sans Sa Permission ? » (Qur'ân 2, 255) ; «
Et ils n’intercèdent qu’en faveur de ceux qu’Il a agréés » (Qur'ân 21, 28) ; «
L’intercession auprès de Lui ne profite qu’à celui en faveur duquel Il la permet
» (Qur'ân 34, 23).

Son intercession sera d’une portée immense. Abû Saîd Al-Khudrî rapporte que
le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Quand les gens du Paradis sont entrés au Paradis et
que les gens du Feu sont entrés dans le Feu, Allâh dira : « Sortez (du Feu) quiconque
possède l’équivalent d’un atome de foi en son cœur ». Ils sortiront alors du Feu.
Concernant les gens de l’Enfer qui sont des vrais habitants, ils ne mourront pas et ne
vivront pas. Toutefois, pour les gens qui seront châtiés par le feu à cause de leurs
péchés, (ou, a-t-il dit : « à cause de leurs fautes »), Allâh les fera mourir ; et quand ils
seront devenus charbon et qu’on autorisera qu’on intercède en leur faveur, on les
amènera alors par groupes pour les disséminer dans des fleuves du Paradis puis on
dira : « Ô habitants du Paradis, arrosez-les. Ils pousseront alors comme la graine
pousse dans le limon du torrent » 640.

Abû Saîd Al-Khudrî rapporte également que le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : «
Lorsque Allâh ‫ ﷻ‬sauvera les croyants de l’Enfer et qu’ils seront en sécurité ; la
discussion que l’un de vous entreprend en faveur de son compagnon pour récupérer
son droit dans ce bas-monde n’est pas plus vive que celles qui seront engagées par les
croyants en faveur des autres croyants entrés en Enfer. Il dit : Ils diront Seigneur, ce
sont nos frères, (et il a rapporté le sens du hadith) ; « Seigneur, ils jeûnaient avec
nous, priaient et accomplissaient le pèlerinage avec nous ». Il leur sera dit : « Retirez

640 Rapporté avec des variantes, voir par exemple Muslim dans son Sahîh n°184, al-Bukharî

dans son Sahîh n°6560.


349
ceux que vous reconnaîtrez et leur corps seront protégés du feu de l’Enfer ». Ils
retireront alors beaucoup de gens qui auront déjà disparu dans le feu jusqu’à la
moitié des jambes, et d’autres jusqu’aux genoux. Puis les croyants diront : « Il n’y reste
plus aucun de ceux que Tu nous as ordonnés de sortir. Ensuite, Allâh dira : « Repartez
et celui dans le cœur duquel vous trouverez le poids d’un dinar de bien, retirez-le » ;
alors, ils retireront beaucoup de gens, puis, ils (les croyants) diront : « Seigneur, nous
n’y avons laissé personne parmi ceux que Tu nous as ordonnés de retirer ». Puis Il
dira « Retournez et celui dans le cœur duquel vous trouverez le poids de la moitié
d’un dinar de bien, retirez-le ». Ils retireront un grand nombre de gens puis ils diront
« Seigneur, nous n’y avons laissé personne parmi ceux que Tu nous as ordonnés de
retirer ». Puis Il dira : « Retournez et celui dans le cœur duquel vous trouverez le poids
d’un atome de bien, retirez-le ». Ils retireront alors un grand nombre de gens puis ils
diront : « Seigneur, nous n’y avons laissé personne parmi ceux que Tu nous as
ordonnés de retirer ». Allâh dira alors : « Les Anges ont intercédé, les Prophètes ont
intercédé, et les croyants ont intercédé, il ne reste plus que Le Plus Miséricordieux des
miséricordieux. Alors, Il prendra une poignée de l’Enfer et en fera sortir des gens
n’ayant jamais fait de bien, tout calcinés ; Il les jettera dans un fleuve aux portes
Paradis appelé fleuve de la vie ; ils renaîtront alors comme pousse le grain dans le
limon du torrent […] » 641.

641Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°183 et Ahmad dans son Musnad, par Ibn Mâjah
qui rapporte toute la première partie dans ses Sunân n°63, sahîh, voir aussi Ibn Mâjah dans
ses Sunân n°4312 qui rapporte un autre récit similaire avec une chaîne sahîh selon Anas Ibn
Mâlik, ainsi que par et par al-Bukharî dans son Sahîh n°7440 et d’autres.
350
Section n°34 : Concentrer ses aspirations en Lui

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Allâh prendra en charge les relations humaines
de qui prend soin de sa relation à Allâh, et Il changera la situation extérieure de
quiconque réforme son intérieur » 642.

Citons encore d’autres paroles prophétiques :

« Celui qui unifie toutes ses préoccupations pour n’en garder qu’une seule sera
préservée par Allâh de tous les soucis de ce bas-monde et de l’Au-delà. Quant à celui
qui se laisse dissiper par les préoccupations (de bas-monde), Allâh ne se soucie guère
de la façon dont il périra » 643.

« Celui qui réforme sa vie intérieure (sarîra) Allâh réformera et embellira sa vie
extérieure ('alâniyyatahu) » 644.

« Pour celui qui a rassemblé ses aspirations en une seule, Allâh les comble toutes » 645,
voilà quels sont les connaissants par Allâh, disait le Shaykh du As-Sulâmî dans son
Rissalât al-Malamatiyya (littéralement : l'épitre des gens du blâme). Selon une
autre version, ce sont les « sciences » qu'il faut synthétiser ou « faire converger »
en une seule aspiration (la satisfaction et la proximité avec Allâh).

‘Umar ibn Al-Khattâb a écrit à Abû Mûsâ en disant : « Quiconque purifie son
intention, Allâh prendra soin de ses affaires entre les gens. Quiconque embellit pour
les gens ce qu'Allâh sait qu’il n'est pas dans son cœur, Allâh le déshonorera » 646. C’est-
à-dire que celui qui vise la Satisfaction d’Allâh et agis avec sincérité, sans duplicité,
ni arrogance ni duperie et ostentation, Allâh l’embellira et bénira ses actions,
tandis que celui qui agit sans se soucier d’Allâh, afin de duper les gens et de leur
faire croire qu’il est vertueux et généreux alors qu’il ne l’est pas vraiment, il sera
tôt ou tard rabaissé et déshonoré.

642 Rapporté par Al-Hâkim dans Al-Târîkh, par As-Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr n°8339
avec une bonne chaîne.
643 Rapporté par Al-Hâkim dans son Mustadrak n°3658 selon Ibn ‘Umar, chaîne sahîh.
644 Rapporté entre autres par As-Sulâmî dans son `Uyûb An-Nafs wa mudâwâtuhâ.

645 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân et par As-Sulâmî dans son Rissalât al-

Malamatiyya.
646 Abû Nu’aym, Ḥilyat al-Awliyâ ’1/50 d’après Amir al-Sha’bi.

351
Tout cela fait référence également au célèbre verset du Qur'ân : « Allâh ne
modifie pas la condition (situation) de gens qui ne changent pas ce qui est en
eux-même » (Qur'ân 13, 11).

Ce verset enseigne que sans réforme spirituelle (intérieure), la situation


extérieure ne sera pas « pure et apaisante » tant que la vie intérieure ne sera pas
présente. C'est-à-dire que, si une personne souhaite que la justice et la paix règnent
dans la vie publique, celle-ci doit fournir les efforts et l'intention de les concrétiser
déjà en elle-même, sans quoi, ses paroles contrediront ses actes et seront vaines.
Il en va de même pour celui qui prétend à la spiritualité, à la science et au bon
comportement, mais qui n'intériorise pas en lui-même les réalités qu'il évoque
dans ses propos. Ces réalités ne se manifesteront donc jamais extérieurement si
elles ne se réalisent pas d'abord en lui-même. Ce bas-monde étant essentiellement
limitations, privations, illusions et multiplicité, se laisser dominer par ses
préoccupations ne peut être que source de méfaits et de souffrances. A contrario,
rechercher constamment l’Agrément divin et recueillir Ses grâces ne peuvent être
que profitables.

352
Section n°35 : Sois comme un voyageur ici-bas

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Sois en ce monde comme un étranger ou un


voyageur » 647. Ce bas-monde, étant par essence limité, relatif et éphémère, n’est
pas destiné à durer éternellement, et à notre échelle individuelle, notre espérance
de vie est elle aussi très limitée, et pouvant même « accidentellement » être
écourtée. Il faut savoir vivre l’instant présent, faire preuve de détachement,
recueillir les Bénédictions divines là où elles se trouvent, ne pas accorder
d’importance démesurée aux choses matérielles, et aspirer à la Satisfaction du
Seigneur des mondes, car là réside tout le bien.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit également : « Quand l’individu meurt, son œuvre
s’arrête sauf dans 3 choses ; un bien qu’il a légué en aumône continue, une œuvre
(science) bénéfique dont les gens tirent profit et un enfant vertueux qui prie (Allâh)
en sa faveur » 648.

Ibn 'Umar a dit : « J'étais avec le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬et un homme parmi les Ansar
est venu vers lui et a salué le Prophète (‫)ﷺ‬. Puis il dit : « Ô Messager d'Allâh, lequel
des croyants est le meilleur ? ». Il dit : « Celui qui a les meilleures manières (et les plus
nobles caractères) parmi eux ». Il dit : « Lequel d'entre eux est le plus sage ? ». Il dit :
« Celui qui se souvient le plus de la mort et est le mieux disposé pour s'y préparer. Ce
sont les plus sages » » 649. En effet, celui qui se souvient de la finalité de ce bas-
monde, et de sa rencontre avec Allâh, se détournera de ce qui suscite la colère et la
perte de temps, de ce qui engendre l'injustice et la nuisance, et se préoccupera
plutôt des choses qui procurent la joie, la paix et la proximité avec Allâh.

Allâh a dit : « Méditez cette leçon, vous qui êtes doués d’intelligence ! » (Qur’ân
59, 2) et « Ne porte pas tes regards vers les jouissances éphémères que Nous
avons accordées à certains groupes d’entre eux. Ce n’est là que le vain
clinquant de ce monde, destiné à les mettre à l’épreuve. Mais les biens que ton
Seigneur te réserve sont meilleurs et plus durables » (Qur’ân 20, 131).

647 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°6492 selon Ibn 'Umar, ainsi que par An-
Nawawî dans son recueil des 40 ahadiths n°40, ainsi que par d’autres.
648 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1631.
649 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân, kitâb az-zuhd, n°4259 selon Ibn 'Umar avec une

bonne chaîne.

353
Section n°36 : L’érudition et la clairvoyance

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Peut-être que ceux à qui on transmet la


connaissance l’appréhendent mieux que ceux qui la (leur) transmettent » 650.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Peut-être que celui à qui on transmet (une
information ou une science) saisit mieux que celui qui entend directement » 651.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit également : « Combien connaissent les règles


religieuses (fiqh) tout en manquant de clairvoyance (laysa bifaqîh) ! » 652.

Il est courant de voir de nombreux prédicateurs, étudiants et savants se


cantonner aux livres ou aux avis qu’ils ont appris dans les livres ou auprès de leurs
shuyukhs, mais dont la pertinence est absente, ou qui contredisent l’éthique
prophétique, les finalités de la Religion, et qui nuisent à la dignité, à la santé ou à
la piété des gens, ce qui ne peut pas être valide du point de vue islamique, même si
cela peut se justifier selon leur propre paradigme juridique, mais en décalage avec
le Qur’ân ou la Tradition prophétique, ou l’attitude des Saints et des Vertueux de
la Communauté. Ils manquent ainsi de clairvoyance et de perspicacité dans leurs
jugements.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Le sage est celui qui tient compte de lui-même et
lutte pour ce qui subsiste après la mort. Et l'homme sans défense est celui qui suit ses
propres caprices puis se livre à des vœux pieux à propos d'Allâh » 653.

« Ils ne suivent que la conjecture et les passions de [leurs] âmes, alors que la
guidée leur est venue de leur Seigneur » (Qur'ân 53, 23) ; « Voilà un exposé pour
les gens, un guide, et une exhortation pour les pieux » (Qur'ân 3, 138) ; « Voici
un Livre béni que Nous t’avons révélé, afin qu’ils méditent sur ses versets et que
les doués d’intelligence réfléchissent ! » (Qur’ân 38, 29).

650 Rapporté notamment par Ibn Mâjah dans ses Sunân, Kitâb man ballagha ‘ilman, n°243-
250.
651 Rapporté par Al-Bukharî dans son Sahîh n°1741.
652 Rapporté par différents rapporteurs parfois avec quelques petites variantes, comme At-

Tabarânî, voir aussi Al-Muttaqî’ dans Kanz al-Ummal n°29004.


653 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân, kitâb az-zuhd, n°4260 selon Abû Ya’la Shaddad

Ibn Aws.
354
Section n°37 : Le respect de la dignité et de la justice envers les non-
musulmans

Reconnaitre la dignité et les qualités des non-musulmans fait aussi partie de


l'Islam, comme l'indique le Qur'ân : « Et nous avons (honoré et) donné à chaque
être humain une dignité » (Qur'ân 17, 70).

Chaque être humain a reçu le Souffle divin en lui, sacralisant sa vie et lui donnant
ainsi une dignité. Leur vie est donc sacrée, en principe, selon le Qur’ân :
« N’attentez pas à la vie humaine qu’Allâh a rendu et déclaré sacrée, sauf pour
une cause juste et à bon droit » (Qur’ân 6, 151).

L’imâm As-Sarakhsi écrit dans Ussûl (2/334) : « Comme Allâh l'Exalté a créé
l'humanité pour qu’il porte Son dépôt de confiance, Il les a honorés avec (la) raison
et l’inviolabilité sacrée afin d'être responsable des devoirs et des droits qu'Allâh
placés sur eux. Puis Il leur a accordé la sacralité, la liberté et les droits de propriété
pour qu'ils continuent à exercer leurs dépôts. Par conséquent, cette liberté, cette
sacralité et ce droit de propriété sont accordés à une personne au moment de sa
naissance ; que ce soit pour ceux qui sont capables de discernement et ceux qui ne le
sont pas sont égaux à cet égard, de même l'inviolabilité sacrée (de sa personne) est
établie à la naissance, qu'ils soient sains d'esprit ou non ».

La justice et l’équité les concernent aussi, comme l’enseigne le Qur’ân : « Ô les


croyants ! Soyez stricts (dans vos devoirs) envers Allâh et soyez des témoins
équitables. Et que la haine pour un peuple ne vous incite pas à être injustes.
Pratiquez l’équité : cela est plus proche de la piété. Et prenez garde à Allâh. Car
Allâh est certes Parfaitement Connaisseur de ce que vous faites » (Qur'ân 5, 8).

Le Qur’ân va même plus loin, et enjoint aux croyants, non seulement de ne pas
tuer les non-musulmans innocents et pacifiques, d’être juste et équitable avec eux,
mais aussi de leur manifester de la bienveillance et de la bonté à leur égard : «
Allâh ne vous défend pas d’être bienfaisants et équitables envers ceux qui ne
vous ont pas combattus pour la religion et ne vous ont pas chassés de vos
demeures. Allâh vous défend seulement de prendre pour alliés ceux qui vous
ont combattus pour la religion, chassés de vos demeures et ont aidé à votre
expulsion. Et ceux qui les prennent pour alliés sont les injustes » (Qur'ân 60, 8-
9). Ainsi, la sévérité ne concerne que les non-musulmans qui combattent et
expulsent les musulmans ou les non-musulmans opprimés de leurs demeures.

355
En l'an 630, donc vers la fin de la période médinoise, après que les versets sur les
combats eurent été révélés, la mère d’Asmâ bint Abû Bakr qui était toujours non-
musulmane en l’an 630 (soit environ 2 ans avant la mort du Prophète, à la fin de la
période médinoise), sa mère (qui vivait au milieu de gens faisant la guerre au
Prophète, à Abû Bakr et à ses propres enfants !) vint la voir à Médine. Asmâ,
embarrassée, demanda conseil au Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬: « « Ô Messager
d’Allâh, ma mère mécréante est venue me voir et elle désire recevoir une récompense
(un cadeau) de ma part. Puis-je la recevoir et entretenir des (bonnes) relations avec
elle malgré sa mécréance ? ». Ce à quoi le Prophète répondit : « Oui, sois bonne et
gentille avec ta mère » » 654.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬en prenant Abû Bakr as-Siddiq par la main, lui dit,
à propos d'un groupe idolâtre (la tribu des Banû Shaybân) qui incarnait une qualité
que le croyant doit mettre en oeuvre : « Quelle noble qualité que celle-ci, par laquelle
Allâh contient la violence des uns et des autres, et par laquelle ils se réconcilient » 655.

Il ‫ ﷺ‬dit aussi à propos du Négus (alors chrétien), qui dirigeait l'Abyssinie : « Il s'y
trouve un roi chez qui personne n'est opprimé, et c'est une terre de justice » 656. Cela
nous informe du fait que, après la foi en Allâh et en ce qu’Il a révélé, et le bon
comportement, le Prophète ‫ ﷺ‬cherchait avant tout la justice sociale et politique
pour sa communauté, même si le gouvernement ou la terre de résidence, n’étaient
pas « musulmans ». Ceci étant dit, le Négus finit par se convertir à l’Islam, mais ne
put instaurer politiquement et publiquement la Sharî’ah, faute de soutien
populaire et étant empêché par ses « ministres et dignitaires ».

De même, le Prophète ‫ ﷺ‬reconnut et loua les qualités et l'intelligence de Khalîd


ibn al-Walîd alors qu'il était encore idolâtre à l'époque 657.

654 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°1003 au Livre de la Zakât et par al-Bukharî dans

son Sahîh n°2620 et 2624 au chapitre « Les cadeaux aux idolâtres ». Le passage « elle désire
recevoir une récompense (un cadeau) de ma part » n’est évoqué que dans le hadîth n°2624
du Sahîh d’al-Bukharî.
655 Rapporté par Al-Bayhaqî dans ad-Dalâ'il al-Nubuwwa 2/422-427, par Abû Nu'aym dans

ad-Dalâ'il al-Nubuwwa 1/237-242, Ibn Kathîr dans al-Bidâya wa an-Nihâya 3/164-165.


656 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°18304, par Ibn Hisham dans sa Sîra 164/2, et

le récit est authentique.


657 Rapporté par Ad-Dhahâbî dans Târîkh al-Islâm 1/293.

356
Si l'on peut en effet trouver, dans les avis anciens des positions autorisant
juridiquement, - mais pas nécessairement moralement - l'agression (avec ou sans
homicide) concernant le non-musulman qui vivrait en dar al harb (terre/demeure
de guerre), c'est-à-dire dans une nation dont l'hostilité à l'Islam est explicite et
avec laquelle il n'existe aucun pacte de paix avec les nations musulmanes, où
chaque homme (les femmes et les enfants ne peuvent pas être agressés ou tués
même selon cet avis) est un combattant potentiel, surtout au vu du contexte de
l'époque, où les hommes étaient enrôlés de force au combat lorsque l'Etat les
mobilisait, et cette pratique existe encore aujourd'hui dans certains états non-
musulmans. Pour beaucoup de juristes anciens, dans les relations
intercommunautaires, ils appliquaient la logique de la réciprocité. Toutefois, la
justice morale de l'Islâm impose la justice et la bienfaisance à tous les niveaux, et
le combat que contre les criminels et combattants avérés (qui transgressent et
agressent sans droit les gens).

Les états furent classés ainsi selon différentes catégories : dar al islâm (terre
d'Islam), dar al harb (terre de la guerre), dar al kufr (terre non-musulmane ;
pouvant être soit dar al harb soit dar al 'ahd/salâm ; terre du pacte/de la paix) et
dar al 'ahd/salâm, c'est-à-dire un état ne persécutant ni les musulmans sur son
territoire, et ne déclarant pas la guerre aux nations musulmanes. En dar al islâm et
en dar al 'ahd/salâm, les non-musulmans qui n'ont commis aucun meurtre, n'ont
pas incité à la guerre ni n'ont participé à une révolte sanglante illégitime, ne
peuvent pas être agressés ou tués, cela aussi bien du point de vue juridique que
moral.

En dar al harb, si n'importe quel musulman a un lien de parenté, un engagement


professionnel ou a tissé un lien ou un rapport amical avec un non-musulman, celui-
ci est sous sa protection, car l'engagement et la demande de protection concernent
l'ensemble des musulmans, qu'ils soient gouverneurs, paysans, hommes, femmes,
commerçants, juristes, juges, professeurs ou autres comme nous l'informe la
parole prophétique : « Celui qui accorde sa sécurité à un individu puis le tue alors je
me désavoue du tueur même si celui qui a été tué était infidèle (non-musulman) » 658,
et lors du retour victorieux des musulmans à la Mecque (vers la fin de la période
médinoise), la cousine du Prophète, Umm Hanî (sœur de l'imâm 'Alî) qui tarda à se
convertir à l'Islam, demanda au Prophète de garantir la protection qu'elle avait

658Rapporté par différentes chaînes, cf. Ibn Hibbân dans son Sahîh, Abû Nu'aym dans
Ma'rifâ al-Sahâba wa Fadâ'ilihim, Al-Bazzâr dans son Musnad n°2308, At-Tabarânî dans Al-
Mu'jam al-Awsat n°4352 et par d'autres.
357
accordé à son époux non-musulman (combattant parmi les ennemis de l'Islam
jusqu'à leur défaite totale) ainsi qu’à un autre idolâtre, ce à quoi le Prophète lui
répondit : « Ô Umm Hani, notre protection s’étend à ceux que tu as pris sous ta
garantie et nous accordons l'immunité (la sécurité) à ceux auxquels tu l'as accordée
! » 659. Ce récit nous informe donc que n’importe quelle personne rattachée à
l’Islam, qu’il s’agisse d’une femme ou d’un homme, d’une personne occupant une
fonction politique ou non, peut accorder sa protection à des non-musulmans, et
même d’anciens combattants non-musulmans (apostats ou non) qui luttaient
contre des musulmans. Il y a aussi le cas de 'Abdullâh ibn Sa'd ibn Abi Sarh, qui fut
un musulman ayant apostasié et rejoignant les combattants ennemis. Il combattit
ainsi le Prophète et les musulmans. Lors de la conquête de la Mecque, le
Compagnon 'Uthmân, qui était son frère de lait, intervint auprès du Prophète (‫)ﷺ‬
pour qu'il puisse bénéficier de l'immunité et donc de la sécurité pour sa vie. Le
Prophète (‫ )ﷺ‬accepta 660. Il est donc autorisé pour le musulman, d'accorder la
protection à un apostat (ancien combattant ou non), à condition qu'il se retient de
combattre les musulmans ou d'insulter/dénigrer publiquement Allâh et Ses
Prophètes.

Tous les versets du Qur’ân et les ahadiths sur le combat se ramènent au final à
ces 4 versets : « Combattez dans le sentier d'Allâh (que) ceux qui vous
combattent, et n’agressez (et ne transgressez) pas. Certes. Allâh n'aime pas les
agresseurs (et les transgresseurs) ! » (Qur’ân 2, 190), « (…) S'ils s'écartent de
vous sans avoir eu à vous combattre, et s'ils vous proposent la paix, alors Allâh
n'établira pour vous aucun recours (hostile) contre eux » (Qur'ân 4, 90), « Et
s'ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et place ta confiance en
Allâh, car c'est Lui l'Audient, l'Omniscient. Et s'ils veulent te tromper, alors
Allâh te suffira. C'est Lui qui t'a soutenu par Son secours, ainsi que par
(l'assistance) des croyants » (Qur'ân 8, 61-62), « Tant qu'ils sont droits envers
vous, soyez droits envers eux. Car Allâh aime les pieux » (Qur’ân 9, 7). Tous les
versets et ahadiths parlant du combat concernent ainsi des criminels et des
agresseurs, et non pas des non-musulmans pacifiques, - c’est ce qu’indique

659 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°3171, par Muslim dans son Sahîh n°336, par

Abû Dawûd dans ses Sunân n°2763, par Al-Baghawî dans Mishkât al-Masabih n°3977, par
Ibn Hajar dans Al-Bulugh al-Maram 11/n°1314 et d'autres.
660 Rapporté notamment par An-Nasâ'î dans ses Sunân n°4069 dans le Livre du combat, avec

une bonne chaîne, par Abû Dawûd dans ses Sunân n°2683 notamment avec une chaîne sahîh
dans le Livre du Jihâd.

358
clairement la lecture globale du Qur’ân quand on rassemble tous les versets et les
ahadiths sur une même thématique et qu’on lit les versets antérieurs et
postérieurs aux passages incriminés par les islamophobes -. Même le Shaykh Ibn
Taymiyya dans Majmû’ al-Fatâwâ (4/205) dira : « De même, les successeurs du
Prophète (‫ )ﷺ‬qui sont venus après lui, Abû Bakr et ‘Umar, et ceux qui étaient avec
eux parmi les Muhâjirs et les Ansârs, bref tous ceux dont on sait qu’ils étaient les gens
les plus attachés à sa pratique, les plus obéissants à sa loi, les plus fidèles à leur
engagement vis-à-vis de lui. Ces gens ont combattu les Byzantins, comme ils avaient
combattu les Perses ; ils ont combattu les gens du Livre comme ils avaient combattu
les Majûs : ils attaquaient seulement ceux qui les avaient attaqués ». Le Qur’ân dit
aussi : « Pour ne pas qu’il y ait de trouble » (Qur’ân 8, 39). Ibn Taymiyya
commente ce verset en disant, dans Qâ’idat fî qitâl al-Kuffâr (p. 92) : « La « fitna »
c’est quand le musulman est inquiété dans sa religion, comme les idolâtres
inquiétaient les musulmans dans leur pratique de la religion. Dans ce cas, il faut
obligatoirement les combattre, afin que ces troubles cessent et que les musulmans ne
soient plus inquiétés dans leur religion, objectif que l’on peut atteindre aussi en les
empêchant de combattre. Où l’on voit que le Qur’ân n’a pas dit : « Combattez-les
jusqu’à ce qu’ils se convertissent à l’Islam ». Dans le même ouvrage (p.90) Ibn
Taymiyya dit : « Chapitre relatif au combat armé contre les mécréants : a-t-il pour
raison d’être le fait de se défendre ou de combattre la mécréance ? Les savants se
partagent en 2 avis sur ce point : le premier est celui de la majorité des savants,
comme Mâlik, Ahmad ibn Hanbal et Abû Hanîfa [selon lequel la raison d’être du
combat armé est de se défendre contre les agressions extérieures qui sont d’abord le
fait de l’ennemi]. Le second est celui d’As-Shafi’î, suivi en cela par un groupe de
hanbalites [qui considère que la raison d’être du combat armé est la mécréance] 661
». Mais le Qur’ân est clair dessus, les 2 raisons évoquées sont pragmatiques et
nécessaires, et sont relatives à l’agression et à l’injustice, et non pas aux différences
culturelles, religieuses, ethniques, sociales ou idéologiques. Par ailleurs, dans son
Kitâb al-Umm, As-Shafi’î nuance aussi son avis et parle du principe de « réciprocité
», donc si le non-musulman se montre juste envers le musulman, le musulman doit
en faire de même, sans parler du fait que le musulman doit toujours respecter son
engagement s’il y en a un.

661 Sauf si ce sont des dhimmis ou des gens avec qui un traité de paix, un accord de
protection, ou une garantie de non-agression, sont établis. Dans la mentalité de l’époque,
certaines nations menaient des expéditions et pouvaient tuer les civils comme les
combattants d’un pays, puisqu’aucun accord n’était scellé entre elles. Là où l’on ne craint
pas l’agression d’un peuple (non-musulman), cet avis ne s’applique évidemment pas.
359
Ibn Taymiyya, toujours, conclut dans le même ouvrage (p.90), à la suite d’une
étude attentive du Qur’ân que : « L’avis de la majorité est conforté par le Qur’ân, la
Sunnah et l’analogie. En effet, Allâh a dit : « Combattez sur le sentier d’Allâh ceux qui
vous combattent » (2, 190), jusqu’à « Et sachez qu’Allâh est avec les pieux » (2, 194).
Or la Parole Divine (2, 192) rattache le statut légal correspondant au fait qu’ils nous
combattent. Ceci indique qu’il s’agit de la raison d’être du combat armé contre eux.
Puis Allâh ajoute : « N’agressez/transgressez pas ». Or le mot « ‘udwân » est qu’il n’est
pas permis de dépasser les limites du combat défensif ».

Et dans son ouvrage An-Nubuwwât (p. 140) il dit : « Il n’est permis de combattre
les mécréants qu’en cas d’agression de leur part, ainsi que l’enseigne la majorité des
savants et comme l’indiquent le Qur’ân et la Sunnah en leur lieu ».

Et dans As-Sârim al-Maslûl (2/513) il évoque la même raison d’être du combat :


« la condition pour combattre est d’être combattu (sous-entendu : en premier lieu ;
ne pas commencer le combat) » 662.

De facto, il est donc interdit d’agresser ou de tuer des non-musulmans qui sont
des proches, des amis, des collègues, des voisins, des collaborateurs d’autres
musulmans. Par ailleurs, les pays membres de l’ONU s’engagent à respecter les
traités de non-agression, dont les pays musulmans sont signataires, et il est donc
obligatoire de les respecter sauf en cas de légitime défense. Le jour où les pays ne
respecteront plus la charte de l'ONU, - et on le voit déjà depuis des décennies dans
la pratique -, les dérives et la barbarie seront légions, où de nombreux états
modernes tirent sur tout ce qui bouge, sans aucune distinction, car pour eux, c'est

662 Il y a cependant des passages dans son livre où il s’écarte des principes islamiques et
s’appuie sur des récits faibles, apocryphes ou décontextualisés. Et dans une autre fatwa,
sûrement antérieure, - si cela est bien authentifié – il indique le contraire, notamment par
rapport aux Druzes dont il dresse une longue liste d’hérésies et de traits négatifs. Il faut
cependant voir si les Druzes qu'il visait s'était associé à une puissance ennemie qui
combattait les musulmans. Souvent, dans l'histoire, les décrets religieux, juridiques ou
politiques de ce type sont promulgués à la suite d'incidents ou de conflits impliquant des
communautés particulières. Mais évidemment, on ne peut pas justifier le massacre
indifférencié de toute une communauté pour cette simple raison. Quoi qu'il en soit, dans
d'autres fatawa, plus célèbres d'Ibn Taymyya, il y a la réfutation de cette fatwa, et en plus
de 1000 ans, les pouvoirs sunnites n’ont pas massacré les Druzes. En outre, Ibn Taymiyya
avait pris les armes contre les envahisseurs croisés et mongols, mais pas contre les
Druzes. Les Druzes n'ont pas une conception très monothéiste et sont dans le syncrétisme
et n’ont pas le Qur’ân comme principal Livre sacré, et ne sont pas musulmans, donc on ne
peut pas les qualifier d'apostats. De facto, ils sont associés aux mushrikins.
360
« tuer tous nos opposants quels qu'ils soient, ou être tués ou humiliés (ou devenir
esclaves) », et c’est la politique suivie aussi bien par des pays occidentaux
qu’orientaux. Le profil psychologique et idéologique des terroristes relève souvent
du paradigme moderniste, malgré les apparences trompeuses 663, ce qui nuance et
réfute même la propagande moderniste à ce sujet 664.

663 En effet, d'une part, quand on leur cite les avis retenus des écoles juridiques et des
autorités de notre époque, ils s'en cognent royalement, - tout comme des versets du Qur’ân
ou des ahadiths qui les contredisent - et qu'ils utilisent (à tort et à travers) des versets du
Qur'ân (loi du talion, effrayer/dissuader les combattants ennemis, etc.), là où les exégètes
classiques les réfutent, et d'autre part, religieusement, ils ne cherchent pas les preuves, le
contexte sociopolitique l'emporte dans leur paradigme, suivi de la loi du talion : « ils nous
attaquent sans distinction, alors on leur fait la même chose », ce qui n’est pas une mentalité
légitime en Islam, qui exige la justice, la sagesse et la clairvoyance. La plupart des personnes
sont issues d’un milieu « réformiste » (soit salafiste, soit moderniste), en effet, à l’exception
éventuellement de certains détraqués mentaux, les écoles traditionnalistes s’opposent
fermement au terrorisme et au fait de tuer ou de provoquer indistinctement les civils
comme les Etats non-musulmans. Ils sont très peu cultivés religieusement parlant et n’ont
généralement pas suivi de cursus approfondi dans les sciences islamiques traditionnelles.
Il en va de même chez les terroristes en milieu marxiste, laïc ou issus de l’extrême-droite
(avec une identité « chrétienne » de façade ou sioniste, en totale contradiction avec les
valeurs chrétiennes).
664 En effet, pourquoi les anciens juristes traditionnalistes comme les contemporains n'ont

jamais fait ce qu'ont fait les membres extrémistes de Daesh ou du régime syrien, et qu'ils
ont toujours condamné la mentalité kharijite (remontant à l'époque des Sahaba face à des
gens dont la mentalité était problématique, donc avant l'apparition du pouvoir omeyyade)
? Car l'éthique et les conditions juridiques précises étaient strictes et prévalaient, - mais
pour les connaitre il faut les étudier évidemment (ce que très peu de réformistes, qu'ils
soient daeshites ou modernistes font, se contentant de piocher et de bricoler) -, même si les
autres nations se comportaient comme les khawarij, - d'où la tendance à appliquer
(théoriquement) le principe de la réciprocité pour certains -.
Pourquoi les plus grands criminels de notre époque sont des autodidactes et des
réformistes (daeshites, sécularistes, nations occidentales qui appellent à la réforme de
l'Islam et qui soutiennent les réformistes) ? Ce simple constat aurait dû les faire cogiter
pourtant. On en revient donc au même problème central qui relève de la mentalité et non
des textes en soi, car même s'il peut exister des millions de textes appelant à la violence ou
qui sont mal compris, c'est au final la mentalité et la situation sociopolitique qui vont
pousser les gens à passer à l'acte. Il est toutefois toujours utile de bien montrer la faiblesse
ou l'inauthenticité, - mais suivant une méthodologie cohérente et solide, et non pas en
suivant ses caprices et des hypothèses sans fondements - de certains textes ou de certains
avis. La manière d’interpréter et d’appliquer les textes s’apprend souvent auprès d’un
shaykh vivant et qualifié, et non pas dans les livres, qui souvent dans le fiqh, sont des
abrégés (basés sur d’autres ouvrages plus détaillés), ou dont certains points ont été revus
361
De même, Al-Barâ Ibn 'Âzib rapporte : « Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬nous a ordonné
7 choses : de rendre visite au malade, suivre les cortèges funèbres, dire à celui qui
éternue « qu'Allâh soit miséricordieux avec toi ! » (lorqu'il dit : Al-hamdulillâh),
soutenir le faible, aider (défendre) l'opprimé, saluer les autres (et répandre la paix),
honorer le serment (et aider les autres à respecter leur engagement) » 665, sans
distinction de religion ou d'origine concernant les faibles et les opprimés.

« Ô les croyants ! Remplissez fidèlement vos engagements » (Qur'ân 5, 1).

Et quels plus grands engagements que ceux qui concernant Allâh, la Religion, la
vie et la dignité de l'Humanité et de la Communauté (musulmane) ? Dans le verset
suivant, Allâh met en garde contre l'injustice et le mauvais comportement : « (...)
Et ne laissez pas la haine pour un peuple qui vous a obstrué la route vers la
Mosquée sacrée vous inciter à transgresser. Entraidez-vous dans
l'accomplissement des bonnes œuvres et de la piété et ne vous entraidez pas
dans le péché et la transgression. Et craignez Allâh, car Allâh est, certes, dur
en punition ! » (Qur'ân 5, 2).

Dans le verset 9, Allâh dit : « Allâh a promis à ceux qui croient et font de bonnes
oeuvres qu'il y aura pour eux un pardon et une énorme récompense » (Qur'ân
5, 9).

Il est donc doublement interdit de s'en prendre à eux. Et enfin, pour le non-
musulman qui n'aurait aucun pacte ni aucune relation d'aucune sorte, le Qur'ân et
la Sunnah, - contrairement à l'avis très faible de certains juristes - n'autorisent
nullement de les prendre pour cibles s'ils ne représentent aucun danger. Fait
partie du bel islam que de préserver les gens innocents de sa main et de sa langue.
As-Shafi'î, qui à ce sujet était l'un des plus durs, dira pourtant lui-même que si le
non-musulman (soldat ou géôlier) harbi te traite avec justice, c'est la réciprocité
qui doit l'emporter, c'est-à-dire les traiter avec justice également.

Il n'est pas permis non plus aux musulmans de choisir un avis faible sous prétexte
qu'il existerait, sachant que les principes supérieurs de la Religion interdisent ce
qui apporte une nuisance (ou une plus grande nuisance) en commettant une chose

ailleurs, ou dont certains avis sont liés à un contexte précis qui n’est pas toujours bien
indiqué.
665 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°2445 et 6235 sous l’autorité de Mu’awiyya

Ibn Suwayd, dans le Livre sur l’oppression, par Muslim dans son Sahîh, par An-Nawawî
dans Riyâd as-Salihîn n°846.
362
(qui n'est de plus, aucunement obligatoire ou fortement recommandé), et
permettent la non-application d'une peine si cela bénéficie à l'intérêt général des
musulmans ou de la nation. Ces mêmes principes enjoignent les musulmans à
éviter et à délaisser tous les avis douteux, et surtout ceux qui conduiraient à faire
couler (injustement) le sang des êtres humains comme des animaux,
conformément aux versets du Qur'ân et aux ahadiths du Prophète tels que : « Les
gens les plus réticents à tuer sont les gens de la foi » 666 ou encore sa parole lors de
son prêche du pèlerinage d’adieu : « Est-ce que je vous informe sur (le véritable)
croyant ? Il s’agit de celui dont les gens en sont en sécurité vis-à-vis de leur bien et
d’eux-mêmes (le vrai croyant ne peut porter atteinte aux autres ni à leur biens), le
Mujahîd est celui qui lutte contre son ego dans l’obéissance à Allâh (à Ses ordres et
aux vertus qu’Il nous enjoint de réaliser), et le Muhajir (celui qui émigre) est celui qui
abandonne et fuit les péchés » 667. Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le mujahîd
est celui qui lutte contre son ego » 668.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Ne vais-je pas vous parler des habitants du
Paradis ? Toute personne douce et humble, mais si elle prêtait serment par Allâh, elle
l'accomplirait. Ne vais-je pas vous parler des habitants de l’Enfer ? Toute personne
cruelle, impolie et arrogante » 669 et dans un autre hadîth encore : « Celui qui est
cruel et impitoyable n'entrera pas au Paradis » 670. Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit
aussi : « Ô Suraqah, est-ce que je vous informerai des gens du Paradis et ceux de
l'Enfer ? ». Suraqah a dit : « Bien sûr, ô Messager d'Allâh ». Le Prophète a dit : « Quant
aux habitants du Feu, ce sont toutes les personnes au cœur dur, cruelles et
arrogantes. Quant aux gens du Paradis, ils sont les doux (les humbles et les faibles) et
les personnes qui sont injustement opprimées » 671.

666 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°3720 avec une bonne chaîne.
667 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°23967 selon Fudâla Ibn ‘Ubayd, par Ibn
Hibbân dans son Sahîh n°4862, authentique également selon Ibn Hajar al ‘Asqalânî, et le
récit de l’imâm Ahmad est jugé bon par le Shaykh Shû’ayb al-Arna’ût dans son Takhrij Al-
Musnad. Rapporté aussi en partie par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3934.
668 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°1621, avec une bonne chaîne, sous

l'autorité de Fudâla Ibn 'Ubayd.


669 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°4634 d’après Harithah Ibn Wahb.

670Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4801, chaîne sahîh.
671 Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Kabīr n°6589, sahîh. Le même
enseignement, mais sous une forme différente, a été rapporté aussi par Ahmad dans son
Musnad n°2904, sahîh d’après Hudhayfah ibn al-Yaman : « Ne vais-je pas vous parler des
pires serviteurs d'Allâh ? Ils sont cruels et arrogants. Ne vais-je pas vous parler des meilleurs
363
Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi que l’oppression est un grave péché, que cela
vise les musulmans comme les non-musulmans : « Quiconque a opprimé une autre
personne concernant sa réputation ou quoi que ce soit d'autre, il devrait le supplier
de lui pardonner avant le Jour de la Résurrection quand il n'y aura pas d'argent (pour
compenser les mauvaises actions), mais s'il a de bonnes actions, ces bonnes actions
lui seront enlevées selon l'oppression qu'il a faite, et s'il n'a pas de bonnes actions, les
péchés de la personne opprimée seront chargés sur lui » 672.

Allâh, dans le Qur'ân, à la Sûrah 5, a débuté par l'importance de respecter ses


engagements : « Ô les croyants, remplissez (fidèlement) vos engagements »
(Qur'ân 5, 1).

Le fiqh doit toujours prendre en compte les notions de mafsada et de maslaha, et


ne pas exclure la dimension morale, - omniprésente dans le discours qurânique -,
sous peine de sombrer dans le règne de l'ego, du chaos et de l'insécurité.

Dans les actions de chaque musulman, au-delà de la question purement juridique


du point de vue théorique, il lui est demandé (dans le Qur'ân et la Sunnah) d'éviter
autant que possible d'appliquer des peines, de s'écarter des choses douteuses, de
viser ce qui est le plus bénéfique et d'éviter le plus grand mal lorsque l'on est
confronté à différents maux, or, dans le Qur'ân et la Sunnah, le meurtre fait partie
des plus grands péchés qu'il faut éviter à tout prix, sauf dans la nécessité (légitime
défense et application du talion par exemple).

Dans le contexte du monde moderne, précisons que tous les pays sont en principe
dar al 'ahd, puisque tous les pays membres de l'ONU doivent s'engager à privilégier
la paix et à ne pas persécuter les citoyens, peu importe leur religion. Ils ont donc
de facto, un pacte que tout musulman doit respecter, sauf s'il y a une violation
catégorique et explicite du pacte de leur part.

Tous les versets liés au combat dans le Qur'ân, sont en rapport avec les non-
musulmans qui ont engagé le combat ou qui ont rompu les pactes avec les
musulmans puis les ont persécutés, chassés et combattus. Le Qur'ân ordonne donc
de se défendre si les musulmans en ont la possibilité, mais leur interdit de s'en
prendre aux non-combattants ennemis ou aux combattants qui déposent les

serviteurs d'Allâh ? Ils sont opprimés, persécutés et abattus, mais s'ils prêtent serment à Allâh,
Allâh accomplira leur serment ».
672 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°2449 selon Abû Hurayra.
364
armes, ou encore à ceux qui se rétractent et décident de ne plus opter pour la
confrontation. Et en cas de prisonniers de guerre, le Qur'ân ordonne de bien les
traiter, puis de les libérer gratuitement ou de les échanger (contre une rançon).
Par exemple, le passage 47/35 parle du combat avec les idolâtres qui ont initié les
hostilités, comme l'indique le passage 47/1 : « Ceux qui ont mécru et obstrué le
chemin d'Allâh, Il a rendu leurs œuvres vaines » ainsi qu'en 47/4 : « Lorsque
vous rencontrez au combat ceux qui ont mécru frappez-en les cous. Puis, quand
vous les avez dominés, enchaînez-les solidement. Ensuite, c'est soit la
libération gratuite, soit la rançon, jusqu'à ce que la guerre dépose ses fardeaux
».

Ensuite dans le passage 47/34 : « Ceux qui ont mécru et obstrué le chemin
d'Allâh (…) ». Mais lorsque la guerre a été initiée, les croyants doivent combattre
et tenter logiquement de remporter la victoire pour préserver leur vie, leur
honneur et leur dignité et élever la Parole d’Allâh : « Alors, ne faiblissez donc pas
et ne sollicitez pas la paix alors que vous êtes en position de supériorité et
qu'Allâh est avec vous, et qu'Il ne vous frustrera jamais [du mérite] de vos
œuvres » (Qur'ân 47, 35). Mais en général, et comme l’indique un verset
postérieur 673, si leur attitude tend vers la paix, alors les croyants doivent tendre
aussi vers la paix : « Et s'ils inclinent à la paix, incline vers celle-ci (toi aussi) et
place ta confiance en Allâh, car c'est Lui l'Audient, l'Omniscient. Et s'ils veulent
te tromper, alors Allâh te suffira. C'est Lui qui t'a soutenu par Son secours, ainsi
que par (l'assistance) des croyants » (Qur'ân 8, 61-62).

Ce verset enseigne donc que si les musulmans ont le dessus sur un champ de
bataille, - guerre imposée par des non-musulmans -, ils doivent remporter la
bataille s'ils en ont la capacité afin d'éviter l'humiliation ou les concessions
négatives. Là, ils doivent les faire prisonnier et les libérer quand la guerre sera
terminée. Mais si les idolâtres renoncent à la guerre, alors c'est le verset qui
appelle à la Paix qui prévaut. De même pour l’une des dernières sûrates révélées
par rapport au combat, et qui est souvent incriminée, il suffit pourtant de lire le
contexte évoqué dans la Sûrate pour comprendre que l’hostilité est en rapport avec
les non-musulmans qui ont violé leurs pactes et déclenché les hostilités contre les

673 Selon une chronologie musulmane attribuée à l’imâm Jâ’far As-Sâdiq et largement

diffusée en 1924 sous l’autorité d’al-Azhar, cette Sûrate occupe la 88e place, se situant en
mars 622 après le combat de Badr, tandis que la Sûrate n°47 (Muhammad) est
essentiellement mecquoise (donc antérieure) selon cette même classification.
365
musulmans, et que ceux qui parmi les non-musulmans, n’ont pas combattu les
musulmans, leur assurer la sécurité est un devoir :

« A l'exception des associateurs avec lesquels vous avez conclu un pacte, puis
ils ne vous ont manqué en rien, et n'ont soutenu personne [à lutter] contre vous
: respectez pleinement le pacte conclu avec eux jusqu'au terme convenu. Allâh
aime les pieux. Après que les mois sacrés expirent, combattez les associateurs
où que vous les trouviez. Capturez-les, assiégez-les et guettez-les dans toute
embuscade. Si ensuite ils se repentent, accomplissent la Salât et acquittent la
Zakât, alors laissez-leur la voie libre, car Allâh est Pardonneur et
Miséricordieux.

Et si l'un des associateurs te demande asile, accorde-le lui, afin qu'il entende la
parole d'Allâh, puis fais-le parvenir à son lieu de sécurité. Car ce sont des gens
qui ne savent pas. Comment y aurait-il pour les associateurs un pacte admis
par Allâh et par Son messager ? A l'exception de ceux avec lesquels vous avez
conclu un pacte près de la Mosquée sacrée. Tant qu'ils sont droits envers vous,
soyez droits envers eux. Car Allâh aime les pieux. Comment donc! Quand ils
triomphent de vous, ils ne respectent à votre égard, ni parenté ni pacte conclu.
Ils vous satisfont de leurs bouches, tandis que leurs coeurs se refusent ; et la
plupart d'entre eux sont des pervers. Ils troquent à vil prix les versets d'Allâh
(le Qur’ân) et obstruent Son chemin. Ce qu'ils font est très mauvais !

Ils ne respectent, à l'égard d'un croyant, ni parenté ni pacte conclu. Et ceux-là


sont les transgresseurs (et les agresseurs). Mais s'ils se repentent,
accomplissent la Salât et acquittent la Zakât, ils deviendront vos frères en
religion. Nous exposons intelligiblement les versets pour des gens qui savent.
Et si, après le pacte, ils violent leurs serments et attaquent votre religion,
combattez alors les chefs de la mécréance - car, ils ne tiennent aucun serment
- peut- être cesseront-ils ? Ne combattrez-vous pas des gens qui ont violé leurs
serments, qui ont voulu bannir le Messager et alors que ce sont eux qui vous
ont attaqués les premiers ? Les redoutiez-vous ? C'est Allâh qui est plus digne
de votre crainte si vous êtes croyants ! » (Qur’ân 9, 4-13).

Même quand les non-musulmans lancent les hostilités contre les musulmans,
Allâh exhorte les musulmans à ne pas attaquer ceux qui n’ont pas combattu les
musulmans et qui n’ont pas violé leur pacte. Et même par rapport à ceux qui ont
combattu les musulmans, Allâh n’ordonne pas de les tuer, mais de préférence de
les capturer si possible, ou de viser les chefs et leaders du combat, car les

366
neutraliser permet généralement d’affaiblir le moral des troupes voire même de
les pousser à abandonner la guerre s’ils suivaient aveuglément, ou par contrainte,
leurs chefs. Quant à ceux qui déposent leurs armes, ou qui parmi les civils, désirent
voyager en lieu sûr et se trouvant en territoires dominés par les musulmans, ils
doivent être protégés, traités avec bonté et justice, et conduits jusqu’en lieu sûr.

Quant aux pactes, ils peuvent être à durée indéterminée ou limitée dans le temps.
Al-Bukhârî écrit dans son Sahîh (Abwâb ul-jiyza wa al-muwâda'a, bâb n°12) :

« Du fait de conclure un traité (al-muwâda'a wa-l-mussâlaha) avec les idolâtres, avec


ou sans clause de tribut ; et le péché de celui qui n'a pas respecté (ce) traité. Et de la
parole (d’Allâh) : « S'ils inclinent vers la paix, incline (toi aussi) vers elle » » ;

« Du fait de conclure un traité pour 3 jours, ou pour une durée déterminée » (bâb
n°18) ;

« Du fait de conclure un traité sans que la durée (en) soit déterminée » (bâb n°19) ».

Le Shaykh Ibn Taymiyya écrit quant à lui dans Al-Fatâwâ al-kubrâ (4/613 ou
5/542 selon les éditions) : « Il est autorisé de le conclure pour une durée
indéterminée ainsi que pour une durée déterminée ».

Son disciple Ibn al-Qayyim a dit dans Zâd al-ma'âd (3/146) : « Dans ce récit il y a
la preuve du caractère autorisé de conclure une paix de façon indéterminée, sans que
le délai soit fixé, mais comme le pense le dirigeant. Après cela rien n'est venu qui ait
abrogé cette règle de façon formelle. L'avis juste en est donc le caractère autorisé et
le caractère valide. As-Shâfi'î l'a stipulé selon la relation de al-Muzanî. Autre que lui
parmi les référents (aîmma) l'a aussi stipulé ».

Il suffit donc de lire les versets antérieurs et postérieurs, et de réunir tous les
versets sur le sujet (l'une des significations du Qur'ân est notamment le fait de
réunir et rassembler ce qui est épars et éparpillé). Et comme nous l’avons vu dans
ce chapitre, les derniers versets révélés au sujet du combat ordonnent non
seulement la justice, le respect de l’engagement et la piété envers les non-
musulmans pacifiques (ou du moins, qui respectent leur engagement), mais aussi
contre les combattants ennemis, à la différence près, qu’Allâh exhorte les
musulmans à se montrer bienfaisants envers les non-musulmans qui ne les ont pas
combattu ou chassé de leurs demeures.

367
Section n°38 : Revenir à l’essence du Message de l’Islâm en cas de
doute, de confusion ou de trouble

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Nous étions rassemblés autour du Messager


d'Allâh, tandis qu'il mentionnait les tribulations, en disant : « Si vous voyez que les
gens ont négligé (ou violé) leurs engagements, diminué leur confiance et sont aussi
confus et troublé que cela, (…) alors restez dans votre maison, contrôlez votre langue,
acceptez ce que vous savez être bon, rejetez ce que vous savez être mal, prenez soin
de vos affaires spécifiquement et abandonnez les affaires des gens ordinaires » 674.

Le Qur’ân résume cela de façon brève mais tellement puissante : « Ô vous qui
croyez ! Inclinez-vous, prosternez-vous, adorez votre Seigneur, et faites le bien.
Peut-être réussirez-vous ! » (Qur'ân 22, 77).

Mais qu’est-ce que l’essentiel de l’Islâm ? A la section n°1, nous avions mentionné
le hadîth décrivant les piliers de l’Islam et de la foi, à cela, rajoutons aussi 2 récits.
Le premier, celui qui datait du début de l’Islâm, avec les musulmans envoyés en
Abyssinie, - la première émigration -, en raison des persécutions que subissaient
les musulmans. Lorsque les musulmans arrivèrent en Abyssinie (terre chrétienne),
et qu’ils furent accueilli par le Négus, ce dernier demanda aux musulmans de leur
décrire l’Islam, et le Compagnon Jâ’far Ibn Abû Tâlib (le cousin du Prophète (‫ )ﷺ‬et
le frère de l’imâm ‘Alî) décrivait l’Islam : « Le Négus convoqua ses prêtres, qui
étendirent leurs livres autour d’eux. Quand les Musulmans entrèrent, il leur
demanda : – Pourquoi avez-vous quitté votre peuple sans adhérer à notre religion
ni à celle d’aucun autre ? Celui qui lui répondit fut Ja’far Ibn Abî Tâlib qui dit : « – Ô
roi ! Nous étions un peuple de l’ignorance. Nous adorions des idoles. Nous mangions
la chair morte (de cadavres d’animaux) et nous commettions des turpitudes
(commettant toutes sortes d’atrocités et de pratiques honteuses). Nous brisions les
liens du sang et nous portions préjudice aux voisins, manquant aux règles de
l’hospitalité. Le plus fort d’entre nous exploitait le faible. Nous vivions dans cet état,
jusqu’à ce qu’Allâh nous envoie un Prophète dont nous connaissions la généalogie, la
sincérité, la loyauté et la chasteté. Il nous appela à Allâh et à Son unicité, non sans
avoir à renoncer à ce que nos pères adoraient en dehors de Lui en pierres et en idoles.
Il nous a ordonné la sincérité dans nos paroles, la remise du dépôt à qui de droit,
d’être aimable et respectueux envers nos proches (ainsi que le respect des liens de

674 Rapporté par Abû Dawûd dans ses Sunân n°4343, selon ‘Abdullâh ibn Amr, sahîh.

368
parenté) et le bon voisinage. Il nous a ordonné de ne plus nous adonner aux interdits
ni de verser du sang (injustement). Il nous a interdit l’indécence et l’abomination, le
faux témoignage, la dilapidation des biens de l’orphelin et l’atteinte à l’honneur de la
femme vertueuse. Il nous a ordonné d’adorer Allâh sans rien Lui associer. Il nous a
ordonné la prière (salât), la zakât et le jeûne » 675.

On voit donc que l’Islam se définit essentiellement par la conscience de l’Absolu


(du Divin ; du Tawhîd) et de Son adoration exclusive, et qu’après cela, c’est la haute
morale qui doit s’incarner dans l’attitude du croyant, devenant ainsi un être digne
de confiance, consciencieux, vertueux, juste, honorable, pieux et altruiste.

Cela fut aussi rappelé et détaillé lors du dernier sermon public donné par le
Prophète (‫ )ﷺ‬à toute sa communauté :

« Ô peuple ! Écoutez-moi attentivement, car je ne sais pas si, après cette année-ci, je
serai encore parmi vous. Écoutez, donc, ce que je vous dis avec beaucoup d’attention
et transmettez ce message à ceux qui ne pouvaient être présents parmi nous
aujourd’hui.

Ô peuple ! Tout comme vous considérez ce mois, ce jour, cette cité comme sacrés,
considérez aussi la vie et les biens de chaque musulman comme sacrés. Retournez à
leurs légitimes propriétaires les biens qui vous ont été confiés. Ne blessez personne
afin que personne ne puisse vous blesser. Souvenez-vous qu’en vérité, vous
rencontrerez votre Seigneur et qu’effectivement, Il vous demandera compte de vos
actes. Allâh vous a défendu de pratiquer l’usure, donc tout intérêt non-payé sera
maintenant annulé. Votre capital, cependant, vous revient. Vous n’infligerez ni
d’endurerez aucune injustice. Allâh a décidé de rendre l’intérêt illicite, et tout intérêt
qui était dû à ‘Abbâs ibn Abd’al Muttalib sera maintenant annulé. Méfiez-vous de
Shaytan, pour le salut de votre religion. Il a perdu tout espoir de ne pouvoir jamais
vous amener à commettre les grands péchés ; attention, donc, à ne pas le suivre dans
les péchés mineurs.

675 Voir Muhammad Hamidullah, Le Prophète de l’Islam, sa vie, son oeuvre, éd. El Falah, 7e,

2009, Ibn Qudâma al-Maqdisî dans Kitâb ar-riqqah wa al-bukâ', au chapitre 14 sur les
anecdotes de certains Compagnons (en français : L'adoucisseur des cœurs : récits merveilleux
des prophètes, des compagnons et des saints, éd. Iqra, 2005, pp. 160-162 ; Abdul Wâhid
Hâmid, Companions of The Prophet, éd. MELS, 1995, vol. 1 concernant Ja'far Ibn Abû Tâlib.

369
Ô peuple ! Il est vrai que vous avez certains droits à l’égard de vos femmes, mais elles
aussi ont des droits sur vous. Souvenez-vous que c’est par la permission d’Allâh que
vous les avez prises pour épouses et que c’est Allâh qui vous les a confiées. Si elles
respectent vos droits, alors à elles appartient le droit d’être nourries et habillées
convenablement. Comportez-vous donc bien avec vos femmes et soyez gentils envers
elles, car elles sont vos partenaires et elles sont dévouées envers vous. Il est de votre
droit qu’elles ne se lient pas d’amitié avec des gens que vous n’approuvez pas, et
qu’elles ne commettent jamais l’adultère 676. Elles sont un dépôt pour vous (dont il
faut en prendre soin) car vous ne les avez épousés qu’avec la permission d’Allâh, et la
jouissance vous a été rendu licite par la Parole divine, alors comprenez et écoutez
mes paroles.

Ô peuple ! Écoutez-moi bien : adorez Allâh, faites vos 5 prières quotidiennes, jeûnez
pendant le mois de Ramadan, et donnez votre richesse en zakât. Accomplissez le Hajj
(grand pèlerinage) si vous en avez les moyens. Toute l’humanité descend d’Adam et
Ève. Un Arabe n’est point supérieur à un non-Arabe, et un non-Arabe n’est point
supérieur à un Arabe ; et les Blancs ne sont point supérieurs aux Noirs, de même que
les Noirs ne sont point supérieurs aux Blancs. Aucune personne n’est supérieure à une
autre, si ce n’est en piété et en bonnes actions. Vous savez que chaque musulman est
le frère de tous les autres musulmans. Vous êtes tous égaux. Vous n’avez aucun droit
sur les biens appartenant à l’un de vos frères, à moins qu’on ne vous ait fait un don
librement et de plein gré. Par conséquent, ne soyez pas injustes les uns envers les
autres.

Souvenez-vous, un jour vous vous présenterez devant Allâh et répondrez de vos actes.
Prenez garde, donc, ne vous écartez pas du droit chemin après ma mort. Ô peuple !

676 Plusieurs versions comportent aussi un passage indiquant que si les épouses
commettent de graves turpitudes et que le dialogue ne suffit pas à les ramener à la raison et
à une attitude respectueuse et pacifique, alors il a été autorisé aux époux de les tapoter pour
leur signifier la gravité de la situation, mais sans jamais les frapper (c’est-à-dire l’action de
frapper, causant des blessures, des bleus, des fractures, des saignements, des traces, des
douleurs violentes, etc.), - et cette permission (interdisant ainsi la violence conjugale sans
pour autant frustrer le mari en colère) – n’est autorisée que dans cette seule situation (acte
symbolique impliquant une action physique) et que si elles cessent, même cette permission
est alors abolie et n’a plus lieu d’être. Ce passage enseigne donc que même en cas de grands
péchés et hostilités de la part de l’épouse, le mari n’a pas à la battre ou à lui faire du mal,
mais que cet acte symbolique doit enseigner à la femme qu’elle doit respecter son mari et
veiller à respecter ses droits, et vice-versa. Par exemple, dans la version rapportée par Al-
Jâhiz dans Kitâb al-Bayân wa-al-Tabyîn : « Tapotez-les d’une façon qui ne leur cause pas de
mal (nuisance, souffrance) ».
370
Aucun prophète ni messager ne viendra après moi, et aucune nouvelle religion
(d’origine Divine) ne naîtra. Raisonnez bien, ô peuple, et comprenez bien les mots que
je vous transmets. Je laisse derrière moi deux choses : le Qur’ân et mon exemple, la
Sunnah 677. Et si vous les suivez, jamais vous ne vous égarerez. Que tous ceux qui
m’écoutent transmettent ce message à d’autres, et ceux-là à d’autres encore ; et que
les derniers puissent le comprendre mieux que ceux qui m’écoutent directement. Sois
témoin, ô Allâh, que j’ai transmis Ton message à Tes serviteurs ».

C’est ainsi que le Prophète termina son dernier sermon et, alors qu’il se tenait près
du sommet de Arafat, le verset suivant lui fut révélé : « … Aujourd’hui, J’ai parfait
votre religion pour vous et J’ai accompli Mon bienfait sur vous. Et J’ai choisi l’islam
comme religion pour vous » (Qur’ân 5, 3) » 678.

En dehors du Qur’ân, voici donc des récits authentiques (et sans risque de
manipulation politique), qui résument l’essentiel de l’Islam, dont celui qui fut
prononcé à la fin de la vie du Prophète, et qui fut son dernier sermon adressé en
public, devant de nombreux témoins. En cas de divergence, il convient donc de
toujours revenir au Qur’ân et surtout à ces ahadîths, qui interdisent l’idolâtrie,
l’usure, le racisme, l’injustice, la misogynie, la turpitude, et tous les grands péchés
qu’il ne convient pas de commettre. Sa mission prophétique a débuté alors qu’il
avait 40 ans, aux environs de l’an 610 de notre ère, et s’est poursuivie jusqu’en l’an
632. L’humanité, qui suivait alors la voie de l’ignorance, a été guidée sur la voie de

677 Dans certaines versions, le passage « Sunnah » y est absent, seul le Qur’ân est
mentionné, mais de toute façon, le Qur’ân enjoint à suivre la Sunnah à la lumière
du Qur’ân comme dans ces versets : « Prenez ce que le Messager vous donne ; et
ce qu’il vous interdit, abstenez-vous en » (Qur’ân 59, 7), « Quiconque obéit à
Allâh et au Messager… ceux-là seront avec ceux qu’Allâh a comblés de Ses
bienfaits : les prophètes, les véridiques, les martyrs, et les vertueux. Et quels
bons compagnons que ceux-là ! » (Qur'ân 4, 69) ; « Ô les croyants ! Obéissez à
Allâh, et obéissez au Messager et à ceux d'entre vous qui détiennent le
commandement (l’autorité). Puis, si vous vous disputez en quoi que ce soit,
renvoyez-le à Allâh et au Messager, si vous croyez en Allâh et au Jour dernier.
Ce sera bien mieux et de meilleure interprétation (et aboutissement) » (Qur’ân
4, 59).
678Ce sermon a été rapporté avec quelques variantes, notamment par Muslim dans son
Sahîh n°65, 1297, 1679 ; par al-Bukharî dans son Sahîh n°121, 1739, 1741 ; par Ahmad dans
son Musnad 251/5 ; par An-Nasâ’î dans ses Sunân n°2996 ; par Abû Dawûd dans ses Sunân
n°1956, par Al-Jahîz dans son Kitâb al-Bayân wa-al-Tabyîn, par Ibn Hisham dans sa Sirah
an-Nabawiyyah, par At-Tabarî dans son Târîkh et par d’autres.
371
la vertu par la Grâce d’Allâh. Peu de temps avant sa mort, et alors qu’il faisait le
pèlerinage (Hajj) à la Mecque, le Prophète Muhammad prononça ce sermon qui
allait par la suite être connu sous le nom de « dernier sermon du Prophète » ou
« sermon d’Adieu ». Ce dernier sermon n’était pas qu’un rappel destiné à ses
fidèles, mais aussi un important avertissement. Il confirmait également la fin de
sa mission prophétique. Ce sermon eut lieu en l’an 10 de l’Hégire, soit durant le
Hajj de l’an 632, au 9ème jour du mois de dhûl hijjah, qui est le 12ème mois du
calendrier lunaire, et se tenait sur le mont Arafat, devant des dizaines de milliers
de personnes (et même plus de 120 000 personnes selon certaines sources). Ce
sermon était aussi très symbolique, marquant ainsi le triomphe de l’Islâm en
Arabie et plus particulièrement au Hijaz, la fin de la mission prophétique, et la
pacification d’une large partie de la péninsule arabique, et entérinant la
communauté musulmane comme puissance politique.

De même, d’autres ahadiths et versets du Qur’ân vont dans ce sens, où ce qui


caractérise l’islamité d’une personne, en plus de la profession de foi et des piliers
de l’Islam et de la foi, sont surtout les qualités morales.

« Ô Prophète ! Quand les croyantes viennent te prêter serment d'allégeance,


[et en jurent] qu'elles n'associeront rien à Allâh, qu'elles ne voleront pas,
qu'elles ne se livreront pas à l'adultère, qu'elles ne tueront pas leurs propres
enfants, qu'elles ne commettront aucune infamie ni avec leurs mains ni avec
leurs pieds et qu'elles ne désobéiront pas en ce qui est convenable, alors reçois
leur serment d'allégeance, et implore d'Allâh le pardon pour elles. Allâh est
certes, Pardonneur et Très Miséricordieux » (Qur'ân 60, 12).

Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit, en réponse à un groupe de juifs venus l’interroger


: « N'associez rien à Allâh, ne volez pas, ne forniquez pas, n'attentez pas à la vie
qu'Allâh a rendu sacrée, - sauf pour une raison juste et impérieuse -, ne dénoncez pas
un innocent aux autorités pour qu'il soit tué, ne pratiquez pas la sorcellerie, ne
consommez pas le produit de l'usure, ne calomniez (surtout) pas une femme honnête,
ne fuyez pas le champ de bataille (alors que la lutte se fait pour une noble cause) » 679.

Il y a ainsi 2 types d'Islam. Celui qui se vit dans le cœur et se manifeste dans les
actes au quotidien, et expérimentant intérieurement les sagesses et les doctrines

679 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2733, chaîne bonne et sahîh selon Safwân

ibn 'Assâl, par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3705 sous une forme résumée.

372
islamiques, et celui qui se contente de conceptualiser savamment des théories
légales à partir d'une approche toute extérieure des textes, sans jamais parvenir à
goûter la substance de l'Islâm. Face à ce dhawq (goût de l'Islam vécu et
expérimenté), aucune théorie légaliste, orientaliste ou islamophobe ne saurait
prévaloir contre l'expérience et la certitude intellectuelle dans ce qu'incarne
l'Islam de plus noble et de plus pure. C'est ce qu'exprime notamment ce magnifique
verset qui décrit ce qu'est vraiment la piété religieuse :

« La bonté pieuse (al birr) ne consiste pas à tourner vos visages vers le Levant
ou le Couchant. Mais la bonté pieuse est de croire en Allâh, au Jour Dernier, aux
Anges, au Livre et aux prophètes, de donner de son bien, quelqu’amour qu’on
en ait, aux proches, aux orphelins, aux nécessiteux, aux voyageurs indigents et
à ceux qui demandent l’aide et pour délier les jougs (affranchir les esclaves),
d’accomplir la Salât et d’acquitter la Zakât. Et ceux qui remplissent leurs
engagements lorsqu’ils se sont engagés, ceux qui sont endurants dans la
misère, la maladie et quand les combats font rage, les voilà les véridiques et
les voilà les vrais pieux ! » (Qur'ân 2, 177).

A force de tout codifier, sur le plan du fiqh, souvent même à partir d’efforts
d’interprétation erronés qui ont été sacralisés par certains, cela a produit un
décalage entre l’Islam prophétique, et l’Islam « humanisé » par la suite, où
l’essentiel et la beauté de l’islam ont été effacés par une « juridicisation rigoriste »
de la Religion. Or, aucun avis juridique ne devrait, - islamiquement parlant -,
prévaloir sur l’éthique islamique clairement définie dans le Qur’ân et la Sunnah.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit en effet : « Ne soyez pas des suiveurs. Ne dites
pas : « si les gens font le bien, nous le ferons aussi, et s'ils se conduisent injustement,
nous nous conduirons comme eux ». Fixez votre pensée, et décidez que si les gens font
le bien, vous le ferez aussi, mais s'ils se conduisent méchamment, vous ne vous
laisserez pas entraîner à l'injustice » 680.

Une personne dit au Prophète (‫ )ﷺ‬: « Ô Messager d'Allâh ! Je suis resté avec un
homme qui ne m'a pas diverti et qui ne s'est pas comporté de manière hospitalière

680Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°2007 selon Hudhayfa, avec une bonne
chaîne.
373
avec moi. Puis il est venu rester avec moi, est-ce que je lui rendrai la pareille ? Il (‫)ﷺ‬
a dit : « Non, divertis-le (et traite-le bien) » » 681.

Le Compagnon Abdullah Ibn Mas'ûd a dit : « Ne soyez pas comme des moutons ».
On lui demanda : « C'est-à-dire ? ». Il répondit : « C'est de se dire : Je suis les gens. S'ils
empruntent le droit chemin je l'emprunte avec eux et s'ils s'égarent, je m'égare avec
eux. Que chacun d'entre vous se prépare à ne pas renier sa religion si un jour tout le
monde la reniait » 682.

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Vous suivrez certainement les (dérives des)
voies de ceux qui sont venus avant vous, empan par empan, coudée par coudée,
jusqu’au point que s’ils entrent dans le trou d’un lézard, vous y entrerez aussi ! ». Ils
dirent (les compagnons) : « Ô Messager d’Allâh ! (Veux-tu dire) les juifs et les
chrétiens (qui se sont égarés) ? ». Il répondit : « Et qui d’autres qu’eux !? » » 683. Que
ce soit des musulmans de la masse, des combattants, des gouverneurs ou des
savants musulmans, beaucoup ont délaissé l’éthique, la spiritualité et les principes
universels de l’Islâm, pour suivre les non-musulmans dans certaines pratiques
blâmables, comme la consommation d’alcool, des fêtes comportant des éléments
nuisibles, le tribalisme, la misogynie, le racisme, la sacralisation (voire même
l’idolâtrie) de certains savants, l’arrogance, le consumérisme, l’amour de l’argent,
le gaspillage, le suivi de certains groupes ou savants au détriment du Qur’ân, de la
Tradition prophétique et de l’intellect dans des sujets qui sont claires, et finissent
par causer du tort aux gens, en se cachant parfois derrière certains avis.

Il convient donc de rester ferme sur ses principes, de pratiquer les belles valeurs
de la Religion, de ne pas suivre les gens qui commettent le mal, la débauche et
l’injustice (qu’ils aient ou non des avis politiques ou juridiques sur lesquels
s’appuyer, ou se « cacher », se servant de tous les prétextes possibles pour assouvir
leurs passions ou leurs injustices). Certes, les temps sont durs et difficiles, la
patience et la foi sont mises à rude épreuve, mais tenir bon et faire de son mieux
n’est pas vraiment une option, mais pour chaque difficulté endurée, Allâh décrète
une facilité, une bénédiction, une sagesse, une récompense et un bienfait.

681 Rapporté par at-Tirmidhî dans ses Sunân n°2006 selon Abû Al-Ahwas, sahîh.
682 Rapporté par Ibn Al-Qayyîm dans Al-fawâ'îd.
683 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7320.
374
Section n°39 : La connaissance ésotérique (intérieure) du Qur’ân

Le Compagnon Abdullâh Ibn Mas'ûd a dit, en reprenant une parole du Prophète


Muhammad (‫ )ﷺ‬: « Le Qur'ân a un intérieur (batn) et un extérieur (zahr), une limite
(hadd) et un point d'ascension (matla' ou matl') » 684.

Le compagnon du Prophète (‫ )ﷺ‬Abû-l-Dardâ’ disait quant à lui : « Nul ne


comprend le Qur’ân jusqu’à qu’il perçoive en lui des significations multiples » 685.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Le Qur'ân possède un extérieur, un intérieur, [Il]


détermine des principes et ouvre sur l’universel » 686.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit aussi : « Le Qur'ân est descendu suivant 7 sens (a'rufin) et
chaque verset possède un sens intérieur et un sens extérieur (zahîr wa batîn) » 687. Le
7 fait souvent référence à un nombre symbolique, désignant une « grande
quantité », souvent apparentée à l'indéfini (c'est-à-dire une réalité dont l'homme
ne peut pas mesurer ou saisir toute la portée et l'étendue).

Ainsi que : « Lisez le Qur’ân et cherchez [humblement] à saisir ses significations


extraordinaires (garâ’ibahu) » 688 et « La science est comme un secret préservé : seuls
les savants par Allâh la connaissent ; et lorsqu’ils la manifestent, ceux qui se trompent
au sujet d’Allâh les blâment » 689.

« J'ai reçu la supériorité sur les autres prophètes à 6 égards : on m'a donné les paroles
synthétiques (des mots qui sont concis) mais compréhensifs dans leur sens ; J'ai été
secouru par la fureur (et la terreur dans le cœur des combattants ennemis) ; le butin
m'a été rendu licite (pour la bonne cause) : la terre a été faite pour moi propre et un

684 Rapporté par Abdallâh Ibn al-Mubârak dans Kitâb az-Zûhd n°93, par al-Harith al-

Muhasibî dans Mu‘âtabat an-Nafs ; Ibn Hibbân cite une variante dans son Sahîh n°75.
685 Rapporté par Abû Nu’aym dans son Hilyat al-awliyâ' 1/211, et par Abû Hâmid al-Ghazâlî

dans son Ihyâ’ au 8ème livre sur les convenances et la récitation du Qur’ân Kitâb âdâb tilâwat
al-Qur’ân.
686 Rapporté par At-Tabarânî, ainsi que par l’auteur du Tâj al-tafâsîr, par al-Muttaqî dans

Kanz al-‘Ummâl n°3086.


687 Rapporté par Ibn Hibbân dans son Sahîh 1/75.
688 Rapporté par Ibn Abî Shayba dans son Musannâf, n°30532.
689 Rapporté par As-Suyûtî, Ad-Daylamî et d’autres, cf. Al-Muttaqî’ dans Kanz al-‘Ummal n°

28942.

375
lieu de culte ; J'ai été envoyé à toute l'humanité et la lignée des prophètes est scellée
avec moi » 690.

Et tout cela est conforme au Qur’ân :

« Dis : Si la mer se faisait d’encre pour écrire le langage de mon Seigneur, elle
s’y épuiserait, même si Nous en doublions l’étendue, avant que ne s’épuisât le
langage » (Qur'ân 18, 109).

« Quand bien même tous les arbres de la terre se changeraient en calames


[plumes pour écrire], quand bien même l’océan serait un océan d’encre où
conflueraient 7 autres océans, les Paroles d’Allâh ne s’épuiseraient pas. Car
Allâh est Puissant et Sage » (Qur’ân 31, 27).

Sa Parole est donc inépuisable, et aucun être humain ne saurait réduire Sa Parole
Infinie à un nombre limité d'enseignements ou d'informations. Ainsi, la lecture du
Qur’ân pourra toujours révéler à chacun d’entre nous, des enseignements et des
états psychologiques et spirituels indéfinis, en plus des vérités théologiques,
historiques, éthiques et juridiques qui sont accessibles au commun et après une «
simple lecture attentive ». De même, cela signifie que Sa Parole est aussi « contenue
» et « manifestée » à travers tout ce qui existe dans Sa Création (arbres, astres,
animaux, etc.). Ces 2 versets montrent le fondement légal et théologique des
explications spirituelles (ésotériques) et subtiles de la Parole Divine. De même,
outre les significations universelles qui étaient aussi bien valables il y a plus de
1400 ans qu’aujourd’hui, le lecteur doit lire le Qur’ân comme s’Il s’adressait
spécifiquement à lui, car il pourra en retirer ainsi, des enseignements profitables
aussi pour son propre temps et sa propre situation personnelle.

Et par ailleurs, de par ce verset du Qur'ân : « Il est l’Apparent


[Extérieur/Manifesté] et le Caché [Intérieur/Non-Manifesté] » (Qur'ân 57, 3), de
chaque Nom Divin découle et émane toute une série de sciences, d'informations,
d'états et de connaissances de cet ordre (L'Extérieur donnant toutes les sciences
extérieures et légales ; L'Intérieur se rapportant aux sciences intérieures,
spirituelles et métaphysiques).

690 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°523, par At-Timirdhî dans ses Sunân n°1553 mais

avec une autre chaîne et variante mais dont le sens est très proche, aussi selon Abû Hurayra.

376
Ibn Mas'ûd a dit : « Que celui qui désire posséder la connaissance des premiers
jusqu'aux derniers hommes [véridiques et vertueux] méditent le Qur'ân » 691. Cela
inclut aussi bien les connaissances extérieures qu'intérieures (spirituelles).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬: « La religion est un arbre : l’ésotérisme (spiritualité)


est ses branches, la sagesse son feuillage, la vérité son fruit. Le Saint Qur’ân, avec ses
commentaires, ses explications, ses interprétations, ses paraboles (et analogies), les
contient tous » 692.

L’imâm Abû Hâmid Al-Ghazâlî nous rappelle dans son 8ème ouvrage Kitâb âdâb
tilâwat al-Qur’ân de son œuvre Ihyâ' : « En résumé, toutes les sciences découlent des
Actes (Af'âl) d’Allâh et de Ses Attributs (Sifât). Or, le Qur'ân expose ce que sont
l'Essence, les Actes et les Attributs d’Allâh : ainsi, les sciences découlant du Qur'ân
sont elles sans fin. Les différentes stations qui peuvent être réalisées en ce domaine
dépendent de la profondeur de la compréhension du Qur'ân, et le commentaire
extérieur ne concerne pas cet aspect du Livre (Qur'ân). En réalité, tous les concepts
et toutes les divergences doctrinales, au sujet desquelles les hommes se sont divisés,
se trouvent résolues dans le Qur'ân sous une forme allusive (implicite) que ne
comprennent que les gens doués de compréhension profonde (ahl al-fahm) ».

Un hadîth du Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬relaté par l’imâm 'Alî étaye cela : « Par
Celui qui m'a envoyé comme Prophète avec la Vérité (...). Le Qur'ân vous permet de
trancher les différends entre vous. Les orgueilleux qui s'en écartent [volontairement
et injustement] seront sanctionnés par Dieu, et quiconque recherche la science en
dehors du Livre [ses fondements et préceptes] s'égarera. Le Qur'ân est la « corde
solide » d’Allâh, Sa lumière éclatante et Sa guérison bénéfique. Quiconque s'attache
au Livre sera préservé de l'erreur, quiconque s'attache à lui sera sauvé et ne déviera
point. Ses merveilles sont innombrables et les multiples répétitions ne les épuisent
pas » 693.

L'imâm, le sâlaf, le sûfi qui fit l’unanimité, Al-Junayd a dit dans Tâj al-'ârifîn (pp.
173-174) : « Notre science (le tasawwuf) est intimement liée au Livre (Qur'ân) et à
la Tradition prophétique : quiconque n'a pas mémorisé le Qur'ân ni apprit et
retranscrit l'enseignement du Hadîth et de la jurisprudence ne saurait être suivi

691 Rapporté par Al Bayhaqî dans Shû'ab al-imân n°1808.


692 Rapporté par le Shaykh Abd al Qadîr al-Jilânî, dans Sirr al-Asrâr, et authentifié par «
dévoilement spirituel (kashf) », dans le chapitre 4 « De la connaissance ».
693 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2906.

377
(comme guide) (...). Notre science (tasawwuf) est indissolublement liée aux traditions
de l'Envoyé d'Allâh (‫» )ﷺ‬.

Le Shaykh Mustafâ Al-Madanî rapporte dans An-Nusrah An-Nabawiyya (p. 22)


que l'imâm Al-Junayd (m. 297 H) a dit : « Le tasawwuf consiste à s’approprier tout
caractère noble et à se défaire de tout caractère vil » et « Le tasawwuf est
entièrement fait de nobles caractères. Celui qui te surpasse en nobles caractères te
surpasse en tasawwuf ».

Le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans al-Majmu` al-fatawi (14/355) : « Celui qui suit
le chemin d'al-Junayd parmi les gens du tasawwuf et la connaissance expérientielle
d'Allâh (ma`rifa), il sera guidé, sauvé, et dans la félicité (...) » 694.

L'imâm, l'ascète, le juriste, l'exégète, le traditionniste et le sûfi Abû Nasr as-Sarrâj


a dit dans son Kitâb al-Luma' (p. 147) : « Par la conformité extérieure (exotérique)
et intérieure (ésotérique) au Qur’ân et à l’enseignement de l'Envoyé d'Allâh (‫ )ﷺ‬ainsi
que leur mise en pratique, les personnes qui ont atteint la réalisation spirituelle (al-
muhaqqiqûn) reçoivent une connaissance qu'ils ne possédaient pas, à savoir la
science de l’allusion (‘ilm al-ishâra) et la science conférée par les actes (‘ilm
mawârith al-a’mâl) que le Très Haut dévoile à Ses serviteurs purifiés. Ils saisissent
ainsi des significations précieuses, les secrets cachés, les sciences mystérieuses et les
sagesses rares contenues dans le Qur’ân et les paroles de l'Envoyé d'Allâh (‫» )ﷺ‬.

Il disait encore dans son Kitâb al-Luma' : « Si, pour chaque lettre du Qur'ân
l'homme recevait 1000 degrés de compréhension, ceci n'épuiserait pas tous les sens
que contient un seul verset ».

Jalâl ud-Dîn Rûmî disait dans son Fîhi-mâ-fihî à propos de la profondeur du


Qur'ân : « Le Qur'ân est comme une jeune mariée : Tu essaies de retirer son voile, et
elle ne te montre pas son visage. Au moment où la jeune mariée qu'est le sens du
Qur'ân retire son voile, le royaume de la foi est dénué de trouble. Si l'examen du
Qur'ân ne te donne aucune satisfaction et ne te dévoile rien, c'est parce qu'il refuse
que tu retires le voile ; il a rusé avec toi en se montrant comme laid ; il te dit : « Je ne
suis pas cette beauté ». Le Qur'ân est capable de se montrer sous l'apparence qu'il
veut. Mais si tu ne cherches pas à lui ôter le voile, tout en œuvrant à son
contentement, en arrosant son champ, et en lui rendant service de loin, par tout ce
qui peut lui donner satisfaction, alors, sans que tu retires le voile, il se montrera à toi

694 Le Shaykh As-Shawkanî l'a aussi rapporté dans son al-Badr al-Tali`, 1/70.

378
». Il dira encore dans le même livre : « Le Qur’ân est un brocart aux deux côtés
ouvragés. Certains aiment un côté, d'autres l'autre. Les deux sont vrais et corrects,
car Allâh le Très-Haut souhaite que les deux groupes puissent en faire usage. De
même, une femme a un mari et un bébé ; chacun d'eux jouit du bonheur avec elle
d'une manière différente. Le plaisir de l'enfant vient de son sein et son lait, celui du
mari des baisers et de l'étreinte amoureuse. Certaines personnes sont des enfants sur
le chemin, buvant le lait - ils jouissent du sens extérieur du Qur’ân. Mais les hommes
véritables connaissent une autre jouissance et ont une compréhension différente des
sens intérieurs du Qur’ân ».

Frithjof Schuon dit aussi que : « Une des raisons pour lesquelles les Occidentaux
ont de la peine à apprécier le Coran, et ont même maintes fois posé la question de
savoir si ce livre contient ou non les prémices d’une vie spirituelle, réside dans le fait
qu’ils recherchent dans un texte un sens pleinement exprimé et immédiatement
intelligible, tandis que les Sémites — et les Orientaux en général — sont épris de
symbolisme verbal et lisent en profondeur : la phrase révélée est un alignement de
symboles dont les étincelles jaillissent à mesure que le lecteur pénètre la géométrie
spirituelle des mots ; ceux-ci sont des points de repère en vue d’une doctrine
inépuisable ; le sens implicite est tout, les obscurités du mot à mot sont des voiles qui
marquent la majesté du contenu » 695.

Et comme nous le rappelait Seyyed Hossein Nasr : « Bien des gens, en effet, lisent
le Livre sacré sans en rien recevoir d'autre que le message littéral, parce qu'aucun
texte sacré ne s'ouvre facilement au regard de l'homme pour lui révéler son secret.
Le Qur'ân est comme l'Univers, il a de nombreux plans d'existence et de nombreux
niveaux de signification, et une préparation est nécessaire à qui veut comprendre
tout ce qu'il signifie » 696.
Le tasawwuf est donc la parfaite synthèse et symbiose entre l’ésotérisme et
l’exotérisme, fidèle à la lettre et à l’esprit du Qur’ân, contrairement à certaines
dérives en milieu shiite, parmi certains ismaéliens et imâmites. Comprendre la
distinction conceptuelle allégorie/symbolisme du ta'wil shi'ite à travers le
parallélisme ismaélien/duodécimain. D'une part, chez les ismaéliens il est
question d'un ta'wil allégorique. C'est-à-dire que le dessein ici est de détacher la
signification réelle d'un terme de son sens apparent au profit du « batin », et c'est
ce dernier qui va primer, le sens extérieur étant quant à lui parfaitement désuet.

695 Frithjof Schuon, Comprendre l’islam, éd. du Seuil, 1976, p. 64.


696 Seyyed Hossein Nasr, Islam - perspectives et réalités, éd. Tasnîm, 2019.
379
Les conséquences en sont l'abandon de l'orthopraxie pour un « occultisme »
pouvant toujours tout justifier, notamment les purs fantasmes et les
interprétations les plus loufoques et éloignées du Qur’ân 697. D'autre part, chez les
duodécimains il est question d'un ta'wil symbolique. Ainsi le sens extérieur est
conservé et il fera l'objet d'une herméneutique. Néanmoins, y sont ajoutés des
parallélismes systémiques, l'on donne une signification plus haute au simple
« zahir », et l'on déploie pléthore de significations comme dans la Sûrate 28 au
verset 5 au sujet des Fils d'Israël qui est mis en parallèle avec les ahl ul bayt 698.
Pour les maîtres spirituels sunnites par contre, chaque lettre du Qur’ân doit être
pris au sérieux, et par l’inspiration aussi bien que par l’analyse linguistique, les
sens les plus profonds se dévoilent à l’intellect, et sont confortés par les
expériences spirituelles les plus élevées et les plus intimes, évitant ainsi les travers
de la spéculation gratuite, les « biais idéologiques » en raison des croyances
dogmatiques 699.
Pour s’apercevoir de la Puissance spirituelle, de la profondeur métaphysique et
de l’extase spirituelle qui se dégagent du Qur’ân, il n’y a qu’à consulter les traités

697 On trouve donc aussi bien des traités ésotériques des plus sublimes, - quand ils
respectent l’herméneutique qurânique -, que des traités les plus problématiques et
déviants, quand ils s’en éloignent.
698 Voir Henry Corbin et Mohammad Ali Amir Moezzi et Christian Jambet dans Qu'est-ce

que le shî'sme ?, éd. Fayard, 2004. Les premiers livres de Moezzi étaient très intéressants,
mais depuis quelques années son entreprise idéologique très malhonnête et sélective,
prime sur la recherche et l’objectivité, notamment quand il est question du Qur’ân, de la
Sunnah, des Ahl ul Bayt, du sunnisme, du shiisme et de l’histoire.
699 Pour beaucoup d’imamites par exemple, le Texte qurânique doit toujours être

subordonné à la croyance imamite, même quand aucune évidence linguistique, spirituelle,


historique et logique ne vient étayer une telle chose, alors que c’est le processus inverse qui
doit être appliqué : le Texte qurânique doit éclairer nos perceptions et nos actes, partant
des principes généraux et explicites, pour comprendre et interpréter les éléments
secondaires, isolés ou prêtant à interprétation. La croyance imamite étant tardive, et ayant
été critiquée et désavouée par les imâms les plus notables des Ahl ul Bayt, il ne convient pas
de tordre la réalité à la lumière de cette croyance, mais bien l’inverse, puisque cette
croyance n’est qurâniquement, logiquement, prophétiquement et historiquement pas
fondée, dans ce qui lui est spécifique, - contrairement aux autres éléments qui sont en
accord avec les autres courants -. En usant du même procédé que les imamites et batinites
(ismaéliens) on pourra donc toujours dire tout et son contraire, sans jamais pouvoir
trancher, or ce qui permet de trancher sont le Qur’ân, les indications explicites de la
Tradition prophétique et des Saints (dont les Sahaba et les Ahl ul bayt) et l’expérience.
Certains exégètes shiites ont cependant produit de remarquables écrits aussi sur le plan
linguistique autant que philosophique.
380
et commentaires spirituels qu’en ont fait les grands maîtres, tels que Sahl al-
Tustarî, Al-Junayd, Al-Hâkim at-Tirmidhî, Al-Qushayrî, Al-Hujwirî, Ahmad et son
frère Abû Hâmid al-Ghazâlî, 'Ayn al-Quzât Hamadânî, Al-Jilânî, Ibn Atâ’Llâh As-
Sakandârî, Najm ud-Dîn Kubrâ, Jâlal ud-Dîn Rümî, Farîd ud-Dîn Attâr, Nizami,
Hafez, Qutb ad-Dîn al-Shirazî, Sâ’adi, Ibn ‘Arabî, Sadr ud-Dîn Qunawî, As-Sha’aranî,
Nûr ad-Dîn Abd ar-Rahmân Jâmî, Ruzbehân Baqli, Nûr ad-Dîn Abd ar-Rahmân
Isfarâyinî, Muhammad Al-Darqawî, Ibn ‘Ajîba, Ahmad Al-Alawî et bien d’autres, -
notamment les shiites sûfisants (imprégnés par le tasawwuf) comme Haydar
Amoli et Mullah Sadra -, qui, tout en puisant dans les profondeurs du Qur’ân, ont
été inspirés par Allâh et gratifiés des dévoilements spirituels et des expériences
spirituelles, accédant ainsi à d’autres niveaux de conscience et de réalité, et dont
nous-mêmes, à notre petite échelle, avons déjà pu en avoir un aperçu, et goûter à
des états spirituels et à des inspirations magnifiques de la part du Très-Haut : « «
Telle est la Grâce d’Allâh, Il la donne à qui Il veut. Et Allâh est Détenteur de la
Grâce Immense » (Qur'ân 57, 21).

Ils puisent vraiment les trésors spirituels du Qur'ân pour nous les faire remonter
à la surface, telles des perles « récupérées » dans les profondeurs de l'Océan.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Laissez les connaissants inspirés (al-'ârifûn al-


muhaddathûn) de ma communauté à leurs états et ne les destinez ni au Paradis ni à
l'Enfer, car Allah seul sait à quoi Il les destine le Jour du Jugement » 700.

Le tasawwuf est ainsi lié à 3 notions qurâniques fondamentales : le Tawhîd


(conscience de l'Absolu à tous les niveaux), al-ihsân (excellence spirituelle et
bienfaisance morale) et tazqya an-nafs (la purification et l'éducation de l'âme et du
coeur).

L’imâm As-Shafi'î dit dans son Diwân (p. 41) : « Sois à la fois un faqih (juriste) et
un sûfi et non l'un des deux seulement. Par Allâh, je te le conseille certes sincèrement
». Ibn Khaldûn et Abû Hâmid al-Ghazâlî rappellent par exemple que « As-Shâfi‘î
s'asseyait devant [le sûfi] Shaybân al-Râ‘î, comme un enfant s'accroupit à l'école
qurânique, et lui demandait comment il devait faire en telle et telle affaire » 701.

700 Rapporté par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 3/723 n°4324, par Al-Khatîb al-Baghdadi

dans Târîkh Baghdâd selon 'Alî, par As-Suyûtî dans al-Jâmi' al-Saghîr qui le considère
comme faible.
701 Cf. Ihyâ' 1/1, bâb 2, bayân 2.

381
Le shaykh hanbalite Muhammad As-Safarînî a rapporté d’après Ibrâhîm Ibn `Abd
Allâh Al-Qalânisî, que l’Imâm Ahmad Ibn Hanbal a dit des Sûfis : « Je ne connais
guère de gens meilleurs qu’eux (les vrais sûfis) ». On lui dit : « Mais ils font le samâ`
et atteignent des états de wajd [extase spirituelle] !». Il dit : « Laissez-les se réjouir
quelques instants avec Allâh » » 702.

L’imâm et Salaf Dhû'l Nûn Al-Misrî a dit : « Le sûfi est celui dont le langage, quand
il parle, reflète la réalité de son état, c'est-à-dire qu'il ne dit rien qu'il n'est pas, et
quand il est silencieux, sa conduite explique son état, et son état proclame qu'il a brisé
tous les liens de ce monde » 703.

Ibn Taymiyya dit dans son Minhaj as-Sunnah (1/172-173) : « Abû Hanifa, Mâlik
ibn Anas, As-Shafi’i et Ahmad ibn Hanbal - qu’Allâh les agréé - étaient tous des imâms
dans le Hâdith, le tafsîr, le tasawwuf et le fiqh ».

A la question, le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬était-il sûfi ? Nous répondrons oui, si


l’on entend par là, la réalisation et la maitrise de la spiritualité et de l’acquisition
des plus nobles caractères, et la réalisation aux stations spirituelles les plus
élevées, tout comme il avait la maîtrise du fiqh, de la ‘aqida, du tafsîr, de l’adab, etc.
Et tous les sûfis suivent son modèle, tout comme l’ensemble des théologiens, des
juristes, des exégètes, etc. doivent s’inspirer de lui et bénéficier de sa lumière, pour
se conformer au Message qu’il a transmis 704.

Nous rappellerons aussi les mises en garde de grands savants contre la calomnie
et le jugement hâtif et infondé à l’égard des grands saints. Ad-Dhahabî dit dans al-
Muqiza (pp. 88-90) : « La critique d’un véritable sûfi (muhiqq al-sufiyya) devient une
cible pour le hadith : « Celui qui montre de l’hostilité à un de Mes bien-aimés, Je lui
déclarerai la guerre ». Tandis que celui qui ne condamne pas le faux provenant de ce
qu’il entend de la part de certaines personnes, alors il délaisse le commandement qui
consiste à ordonner le convenable et à condamner le blâmable ».

702 Cf. Ghidhâ' Al-Albâb Sharh Mandhûmat Al-Adâb 1/120.


703 Rapporté par Al-Hujwirî dans Kashf al-Mahjûb li-Arbâb al-Qulûb.
704 En tant que science codifiée, le tasawwuf est apparu en même temps que le fiqh, la ‘aqida,

le Hadîth, le tafsîr, les ussûl al fiqh, etc., car elles étaient auparavant des réalités sans noms
ni règles codifiées extérieurement, d’où les innovations linguistiques comme le tawhîd, la
‘aqida, sûfi, etc., qui puisent leur réalité dans l’Islam, mais dont les termes sont parfois
apparus plus tard, pour les besoins conceptuels et éducatifs dans la transmission du savoir.
Tous les savants avisés des Ahl ul Sunnah ont accepté ces termes et sciences sans aucun
problème, tant qu’ils en étaient en conformité avec le Qur’ân et la Sunnah.
382
Il dit aussi dans son compte-rendu biographique sur Ibn al-Farid dans Mizan al-
i`tidal (3/214) : « Ne vous empressez pas de juger, au contraire, gardez la meilleure
opinion des sûfis ».

L’Imâm Abû Hâmid al-Ghazâlî dans al-Munqidh min al-dalal (p.40) a dit : « Ayez
de bonnes pensées (envers les Sûfis) et ne nourrissez pas de doutes dans vos coeurs ».

Citons aussi la célèbre la fatwa d’Ibn Hajar al-Haytamî (m. 1567), dans Fatawa
hadithiyya (p.331) concernant les critiques faites contre ceux qui respectent le
tasawwuf et croient aux awliyâ’ : « Les mauvaises pensées à leur sujet (les Sûfis) est
la mort du coeur ».

Et en effet, les personnes qui aimaient calomnier les sûfis manifestaient


clairement la mort de leur « coeur » et une absence de spiritualité véritable. Nous
avons donc ici 3 sommités de l’école shafiite, qui étaient sûfis et qui conseillaient
aux gens de ne pas s’empresser à les critiquer, et encore moins à les calomnier.

Cela se fonde notamment sur ce hadîth qudsî : « Quiconque montre de l'hostilité à


l'un de Mes bien-aimés (Saints, Amis, Rapprochés, Alliés), Je lui déclare la guerre. Mon
serviteur ne peut se rapprocher de Moi par une chose meilleure à Mes yeux que ce
que Je lui ai prescrit comme œuvres obligatoires, et Mon serviteur ne cesse de se
rapprocher de Moi par des œuvres surérogatoires jusqu'à ce que Je l'aime. Et quand
Je l'aime, Je deviens l'ouïe par laquelle il entend, la vue avec laquelle il voit, la main
par laquelle il saisit et le pied avec lequel il marche. S'il Me demande [quelque chose]
Je lui donne et s’il cherche refuge auprès de Moi, Je le lui accorde » 705. Ne pas
approuver ou adhérer à tout ce qu’ils ont pu dire ou faire, - au-delà même de savoir
si on les a bien compris – est une chose, mais les rabaisser, les calomnier, les
excommunier ou les insulter est une chose d’une énorme gravité en Islam, d’autant
plus que le bénéfice du doute est la règle générale, et la bonne opinion aussi si une
bonne interprétation ou une excuse valable peuvent être trouvées, d’autant plus
s’ils étaient connus pour être des gens pieux.

Allâh a dit : « En vérité les bien-aimés d'Allâh seront à l'abri de toute crainte,
et ils ne sont point affligés. Ceux qui croient et qui craignent Allâh » (Qur’ân 10,
62-63).

705 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°6581 selon Abû Hurayra, par An-Nawawî dans

son recueil des 40 Hadiths n°38, par Al-Baghawî dans Mishkat al-Masabih n°2266 et
d’autres.
383
« Qu'ont-ils donc pour qu'Allâh ne les châtie pas, alors qu'ils repoussent (les
croyants) de la Mosquée sacrée, quoiqu'ils n'en soient pas les gardiens, car ses
gardiens ne sont que les pieux (…) » (Qur’ân 8, 34).

« Ô vous qui avez cru ! Qu’un groupe ne se raille pas d’un autre groupe : ceux-
ci sont peut-être meilleurs qu’eux. Et que des femmes ne se raillent pas d’autres
femmes : celles-ci sont peut-être meilleures qu’elles. Ne vous dénigrez pas et ne
vous lancez pas mutuellement des sobriquets (injurieux). Quel vilain mot que
« perversion » lorsqu’on a déjà la foi. Et quiconque ne se repent pas… Ceux-là
sont les injustes » (Qur’ân 49, 11).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Les awliya d'Allâh sont ceux qui lorsqu'ils sont
vus, Allâh est mentionné » 706, car, comme l’ont dit de grands maîtres, il y a sur eux
des signes évidents de piété, de sagesse, d’humilité et de charisme spirituel, ce qui
apporte la paix, procure l’apaisement et fait rappeler directement aux gens les
vertus, la volonté de faire le bien et de louer Allâh. Et nous avons connu de tels
êtres, par la Grâce d’Allâh !

706 Rapporté par Al-Hakîm at-Tirmidhî, par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr au hadîth n°2801,

avec une chaîne sahîh.

384
Section n°40 : Indulgence, tolérance et décadence

Le Compagnon Abû Dharr al-Ghiffarî a relaté que : « Le Prophète me demanda, en


croisant les doigts : « Comment te comporterais-tu, Abû Dharr ! si tu te trouvais avec
la lie de l’humanité ? – Que me suggères-tu, Envoyé d’Allâh ? – La patience, la
patience, la patience, répéta-il. Soyez indulgents pour la nature des hommes, mais ne
les suivez pas dans leurs (mauvaises) actions ! » » 707.

La lie signifie ici le rebut, c’est-à-dire ce qu’il y a de plus vil, de plus mauvais chez
une personne ou un groupe de personne. On dit souvent par exemple « la lie du
peuple ». En ces temps troubles où les gens commettent parfois des turpitudes
tout en étant parfois animés de bons sentiments, - ainsi en est-il des « identités
sexuelles » déviantes et anormales, des buveurs d’alcool, de personnes qui se
baladent dans la rue de façon impudique, des joueurs accros aux jeux de hasard,
ou des gens qui font ribâ par exemple -, il ne faut pas piétiner leur dignité ou
contester leurs « bons sentiments », mais simplement leur indiquer que leurs actes
sont basés sur l’ignorance et que la Loi divine exige de nous, l’humilité, la retenue,
la maitrise de l’âme et de l’ego, la pudeur et la bonté, en même temps que d’éviter
toutes les choses nuisibles pour la santé physique comme pour la santé mentale et
l’âme, et que, à défaut de ne pas se plier à la Loi divine, en privé comme en public,
qu’ils commettent alors leurs turpitudes ou mauvaises actions en privé, sans en
faire la promotion en public et sans les manifester publiquement, pour ne pas
répandre la corruption des mœurs à l’ensemble de la société. Ces rappels et ces
avertissements, doivent se faire en règle générale par la douceur et la sagesse,
surtout au vu de notre époque caractérisée par une dégénérescence intellectuelle
et morale, qui frappe l’ensemble des peuples et des groupes.

Les conditions seront tellement pénibles à la fin des temps, pour les croyants,
qu’Allâh « compensera » cette situation par une plus grande indulgence accordée
aux croyants. Le Messager d’Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Vous êtes certes aujourd'hui dans une
époque où les savants sont nombreux et les sermonneurs sont peu nombreux, celui
qui délaisse le dixième de ce qu'il connait sera certes tombé dans la perdition. Et
viendra ensuite une époque dans laquelle les sermonneurs seront nombreux et les

707 Rapporté par al-Bayhaqî dans Az-Zuhd al-Kabir n°192 sous l’autorité d’Abû Dharr, ainsi

que par Al-Haythâmî dans Majmâ’ al-Zawâ’id 7/283.

385
savants seront peu nombreux, celui qui s'accrochera au dixième de ce qu'il connait
sera certes sauvé » 708.

Le sens voulu ici par « sermonneurs » est que ce sont des gens qui appellent à
l'Islâm sans avoir les connaissances nécessaires ni la sagesse pour cela. Quant aux
savants dans ce hadîth, ce sont les savants clairvoyants, vertueux, vraiment
connaisseurs, et non pas simplement ceux qui se font appeler comme tels. De
même, les prédicateurs seront plus suivis que les savants, et on le voit bien
aujourd’hui à l'ère des réseaux sociaux où les prédicateurs sont plus influents que
les savants (qui sont plus discrets, et auprès de qui il faut se déplacer généralement
pour suivre leurs cours et bénéficier de leurs enseignements). Et Allâh est le plus
Savant.

Dans un autre hadîth : « Il y aura certes après vous des jours de patience. Celui qui,
à cette époque, s'accrochera à ce sur quoi vous êtes (la bonne voie) aura la
récompense de 50 d'entre vous ». Ils ont dit : « Ô Messager d'Allâh ! 50 d’entre eux ? ».
Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Plutôt 50 d'entre vous » » 709.

Bien entendu, il ne s’agit pas ici de croire que les gens venant après l’époque des
Compagnons seront supérieurs à eux en mérites et en qualités, car ce n’est pas le
cas, les Compagnons, surtout les proches Compagnons du Prophète ‫ﷺ‬, furent les
meilleurs partisans et compagnons du Prophète ‫ﷺ‬-, mais cela signifie que les
difficultés seront tellement grandes pour les musulmans, que ceux qui
s’accrochent aux fondements de la foi, aux belles œuvres et aux nobles aspirations,

708 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2267 avec une bonne chaîne et par At-

Tabarânî dans Al Mu'jam al-Saghîr n°1156, par Ahmad dans son Musnad 5/155 n°21372,
par Abû Nu'aym dans Hilyat al-Awliyâ 7/316, par Al-Bukharî dans son Târîkh al-Kabîr
n°2819 et d'autres, sous l'autorité de Abû Hurayra, de Abû Dharr, de Abû Sâ'îd et d'autres,
parfois selon une chaîne sahîh, parfois selon une chaîne bonne ou faible. Al-Albanî chez les
salafis l'a aussi authentifié dans la Silsila Sahiha n°2510, revenant ainsi sur son ancien avis
(il l'avait affaibli avant de revenir dessus). Ce hadîth est corroboré aussi par de nombreux
ahadîths allant dans le même sens.
709 Rapporté par At-Tabarânî dans al-Mu’jam al-Kabîr et dans al-Mu’jam al-Awsat selon
‘Utba Ibn Ghazwan, sahîh. Rapporté aussi par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°3058 selon Abû
Umayah As-Sha'bani et Abû Tha'balah Al-Khushani avec une chaîne sahîh., par Al-Haythâmî
dans Majmâ' al-Zawâ'îd 7/282, par Ibn Hibbân, Al-Hakim, Abû Dawûd et d'autres encore.
Plusieurs ahadiths ayant le même sens ont été rapportés de différents Compagnons dont
‘Abdullâh Ibn ‘Umar, Anas Ibn Mâlik, Mû’âdh Ibn Jabal, ‘Abdullâh Ibn Masû’d, Tha`labah Al-
Khashni, Abû Umamah.
386
en ces temps de grands troubles, recevront de la part d’Allâh, une énorme
récompense, car contrairement aux Compagnons, ils n’ont pas pu bénéficier de la
lumière prophétique de façon totale et immédiate, et que nous avons été
confrontés à un nombre colossal de divergences, d’obstacles et de faux récits.

L'imâm Ibn Hajar Al ‘Asqalanî dans son Fath ul-Barî (7/7) a dit : « Ces hadiths ne
montrent pas la supériorité de ceux qui ne sont pas des compagnons par rapport aux
compagnons du Prophète car en effet le fait qu'il y ait une récompense
supplémentaire n'induit pas forcément la supériorité ».

Le Shaykh Ibn Taymiyya a dit dans Majmû' Al Fatâwa (11/370) : « Ceci désigne
la situation où l'une des personnes de la fin (des temps) de la communauté
pratiquerait les mêmes oeuvres que certains compagnons alors il obtiendrait la
récompense de cinquante d'entre eux. Mais il n'est pas envisageable que les gens de
la fin de la communauté puissent pratiquer les mêmes oeuvres que les grands
compagnons comme Abû Bakr et 'Umar car en effet il n'y aura plus de prophète
envoyé comme l'a été Muhammad ‫ ﷺ‬afin que l'on puisse accomplir avec lui ce qu'ils
ont accompli avec Muhammad ‫» ﷺ‬.

Cela est à mettre en relation aussi avec le hadîth sur les « ghuraba » : « Nous
sommes maintenant en ce jour. Heureux les étrangers (qui viendront après moi). Il a
été dit : « Ô Messager d'Allâh, qui sont les étrangers ? ». Le Prophète a dit : « Des gens
justes et vertueux qui vivront au milieu de nombreux gens pervers et malfaisants.
Ceux qui leur désobéissent sont plus nombreux que ceux qui leur obéissent » 710.

Le Shaykh Al-Munâwî a commenté ce genre de récits dans son Fayd al-Qadîr


(hadîth n°1951) en disant : « La comparaison entre les débuts de l'islam et la fin des
temps se justifie parce qu'au début les croyants étaient très peu nombreux et qu'à la
fin des temps ils seront en grand nombre mais très peu de musulmans le mettrons
réellement en pratique... Ce petit nombre de musulmans seront des étrangers dans
leur propre communauté... Mais ils seront des bienheureux, comme l'ont été les
premiers Compagnons autour du Prophète ».

Frithjof Schuon quant à lui, dira : « Toutes les civilisations sont déchues, mais les
modes diffèrent : la déchéance orientale est passive ; la déchéance occidentale, active.

710 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°6612 selon 'Abdullâh ibn Amr, sahîh.
387
La faute de l'Orient déchu, c'est qu'il ne pense plus ; celle de l'Occident déchu, qu'il
pense trop, et mal. L'Orient dort sur des vérités ; l'Occident vit dans des erreurs » 711.

Dans un autre hadîth, le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le croyant qui se mêle
aux gens et endure leur mal obtient une plus grande récompense que celui qui ne se
mêle pas aux gens ni ne supporte leur mal » 712. Et cela parce que s’isoler de la société
pour fuir les gens ne les aide pas à se réformer, or, le croyant qui reste dans une
société corrompue pour la réformer, aider les gens, enseigner la science utile,
pratiquer la vertu, conseiller le louable et réprouver le blâmable, a un mérite
particulier immense à cet égard.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « La vie d'ici-bas est la prison du croyant et le


paradis du mécréant » 713.

Ce bas-monde est le « paradis » du mécréant, car celui qui renie Allâh et ignore
l’existence de l’Au-delà, pense que tout le Réel se limite seulement à l’un de ses
mondes et de ses modalités, alors que les Révélations, les dévoilements spirituels,
les expériences spirituelles et médicales 714, et l’intuition, témoignent d’un Au-delà
plus vaste, plus intense, plus grandiose et plus agréable. L’écrivain, philosophe et
penseur Emile Cioran ne disait-il pas : « Spécialisé dans les apparences, exercé aux
riens (sur quoi et par quoi d'autre pourrait-il satisfaire sa soif de domination ?), il
[l’homme moderne] amasse des connaissances qui en sont le reflet, mais de vraie
connaissance il n'en a point, sa fausse science, réplique de sa fausse innocence, le

711Dans son ouvrage Perspectives spirituelles et faits humains, éd. L’Âge d’Homme, 2001,
p.26.
712 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°22588 selon Ibn ‘Umar, sahîh.
713 Rapporté par Muslim dans son Sahîh n°2956 selon Abû Hurayra.
714 Voir par exemple les EMI/NDE, analysés par de nombreux scientifiques comme Mario
Beauregard, Pim Van Lommel, Eben Alexander, Jean-Jacques Charbonnier, Raymond Moody
etc. Si certaines de leurs positions ou interprétations peuvent être contestables, les
conclusions logiques fondées sur les confirmations et expériences scientifiques en lien avec
les témoignages de millions d’expérienceurs indiquent clairement que la conscience et les
perceptions extrasensorielles existent en dehors du cerveau, et que la vie continue, sous
une autre forme, pour ceux qui quittent (les défunts) ce bas-monde, avec des chants, des
sons, des couleurs et de ses sensations plus fortes, plus intenses et plus agréables. Voir aussi
notre livre Pour en finir avec les superstitions de l'athéisme moderne, éd. Hanif, 2020.
388
détournant de l'Absolu, tout ce qu'il sait ne mérite pas d'être su. L'antinomie est
complète entre penser et méditer » 715.

Or, pour le croyant, ce bas-monde lui apparait trop étroit pour contenir l'Amour
et l'Infini dont nous sommes issus. Il aime Allâh, Ses bien-aimés, ses proches, et
ressent le besoin de réaliser la Paix et de retrouver ceux qu’il aime, ce qui est
« impossible » dans ce bas-monde, et l’injustice comme les limitations (impliquant
la souffrance) de ce bas-monde lui sont pénibles, bien qu’il accepte le Décret
d’Allâh et la sagesse qui y réside, plaçant ainsi sa confiance en Lui, mais cette soif
d’Amour, d’empathie, de retrouvailles et d’altruisme, ne peut être comblée que par
Lui dans l’Au-delà, tout comme la sensation de faim n’est comblée que par la
nourriture ici-bas, ou encore la recherche de l’amour sentimental et de la
jouissance qui ne peut être satisfaite qu’à travers l’union avec un être
complémentaire vers lequel on est attiré.

Frithjof Schuon écrivait d’ailleurs que : « Le monde est malheureux parce que les
hommes vivent au-dessous d'eux-mêmes ; l'erreur des modernes, c'est de vouloir
réformer le monde sans vouloir ni pouvoir réformer l'homme ; et cette contradiction
flagrante, cette tentative de faire un monde meilleur sur la base d'une humanité pire,
ne peut aboutir qu'à l'abolition même de l'humain et par conséquent aussi du
bonheur » 716.

Les modernes ont vécu dans l’illusion d’un bonheur croissant qui ne s’est jamais
réalisé. Ce bas-monde étant éphémère en même temps que limité, et les ressources
de la planète n’étant pas illimitées, - bien que suffisantes pour vivre décemment,
leur désir d’infinitude qui devait normalement se plonger dans le Souvenir et la
Présence du Divin, il n’est tout simplement pas possible que toute l’Humanité vive
au-dessus de ses moyens. Ainsi, la course effrénée sans limites aux richesses, - qui
sont limitées – n’est tout bonnement pas possible, et lorsque des pays connaissent
une prospérité croissante aujourd’hui, cela impacte généralement de façon très
négative d’autres pays, et où le manque d’équité et de spiritualité, conduit souvent
à la misère pour les uns, et à la démesure excessive pour les autres. Allâh dit : « La
course aux richesses vous distrait, jusqu'à ce que vous visitiez les tombes. Mais
non ! Vous saurez bientôt ! (Encore une fois) ! Vous saurez bientôt ! Sûrement
! Si vous saviez de science certaine. Vous verrez, certes, la Fournaise. Puis, vous

715Emile Cioran, La Chute dans le temps, au chapitre « L’arbre de vie », 1964, p. 24.
716Frithjof Schuon, La conscience de l'Absolu - aphorismes et enseignements spirituels,
éditions Hozhoni 2016, qui est la deuxième édition de l'ouvrage, la première datant de
1990, - donc avant la mort de Frithjof Schuon en 1998 -, aux éditions Le Seuil.
389
la verrez certes, avec l'oeil de certitude. Puis, assurément, vous serez
interrogés, ce jour-là, sur les délices » (Qur’ân 102, 1-8).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Le bas-monde est la demeure de celui qui n’en
a point, et la richesse est celui qui ne possède rien : seul celui qui n’a pas d’intelligence
amasse (inutilement) en ce monde » 717. Car il court derrière une chose qui n'a
aucune valeur en soi, fatigue son mental et son corps, ne vit pas une vie bénie et
élévatrice, et nuit à ses semblables ou pollue la planète pour des choses futiles dont
il n'en a pas réellement besoin, et tout cela relève de la sottise.

Ibn Muqaffâ dans Kalila wa Dimma a dit : « Il m'apparut qu'il n'existait aucune
jouissance ou aucun plaisir de ce monde qui ne se transformât pas en souffrance et
n'engendrât pas la tristesse ».

Le croyant peut évidemment être attristé et nostalgique, surtout d’un point de


vue spirituel, mais il est préservé de la folie et de la dépression, ou en tout cas du
désir du suicide, quand sa force spirituelle transcende sa condition humaine.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Certes, Allâh aime les coeurs attristés » 718,
c'est-à-dire ceux qui se souviennent de l'Au-delà et de leur origine céleste,
éprouvant ainsi de la nostalgie, et les encourageant ainsi à suivre la Voie du Vrai,
du Bien, de la miséricorde, de bonté et de douceur.

L’imâm Al-Munawî dans son Fayd al-Qadîr (au hadîth n°1888) commentait ce
hadîth en disant : « Certes « Allâh le Très-Haut aime les coeurs attristés » c'est-à-dire
plein de douceur, de bonté et de miséricorde. Mais les coeurs attristés sont aussi les
coeurs marqués par la crainte d'Allâh, consacrés à la religion et préoccupés par leurs
manquements envers Allâh. Regretter ses manquements est, en effet, l'état de l'amant
envers son bien-aimé. Allâh le Très-Haut regarde les coeurs de Ses serviteurs et aime
ceux qui sont revêtus des « vertus de la gnose » (akhlâq al-ma’rifa) que sont la crainte,
l'espoir, la tristesse, l'amour, la pudeur, la douceur et la pureté… ».

Il est paradoxal que les plus endoctrinés par le matérialisme et le consumérisme


au point de « diviniser » ce bas-monde, soient ceux qui, une fois leur espoir réduit

717 Rapporté par Ahmad dans son Musnad selon ‘Aîsha avec une chaîne sahîh, et par As-
Suyûtî dans al-Jâmi’ as-Saghîr n°4274.
718 Rapporté par Al-Hakim dans Al-Mustadrak n°7884 avec une chaîne sahîh selon Abû ad-

Dardâ’, ainsi que par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr hadîth n°1888, par At-Tabarânî et
d’autres.

390
à néant dans ce monde, - par la perte des proches ou des biens matériels -, soient
aussi ceux qui sont le plus enclins à tourner en rond, à dépenser vainement leurs
efforts dans des choses futiles, s’occupant même à le détruire à petit feu, ou le cas
échéant, à se priver de la liberté en mettant fin à leur jour. Ceux qui se sont
détournés du Divin et de la spiritualité, ne parviennent pas à trouver le bonheur
dans le contentement du nécessaire, atrophient leur sens, augmentent de façon
croissante leurs appétits (alimentaires, sexuels, matériels, …) pensant que
l’accumulation de plaisirs les conduira au bonheur, puis finalement, se rendent
que, même dans le luxe, ils ne sont pas heureux, et que pour beaucoup d’entre eux,
ils n’ont pas accès à cette abondance, et accumulent les frustrations au lieu du
plaisir. La planète, tout comme l’Humanité, n’avaient jamais été aussi menacées
par l’Homme qu’à notre époque, et pour cause, il y a bien une corrélation entre le
matérialisme, la dépression, l’appétit féroce et la compétition acharnée entre les
peuples. Malheureusement, le sécularisme tend même à affaiblir spirituellement
les musulmans, et à propager en leur sein, les fléaux de la dépression, de la
délinquance, de la criminalité, de la radicalisation, du consumérisme et de la
luxure.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « La mort est un cadeau pour le croyant » 719.

La mort, envisagée spirituellement par le croyant, est donc une libération pour
son âme, conduisant à un état existentiel plus vaste, plus extatique et d’une félicité
sans pareille : « Ô toi, âme apaisée, retourne vers ton Seigneur, satisfaite et
agréée, entre donc parmi Mes serviteurs, et entre dans Mon Paradis » (Qur'ân
89, 27-30).

Ainsi Ibn Al-Mubârak rapporte d’après Abû Ayyûb Al-Ansârî que : « Lorsque l’âme
du croyant est extirpée, elle est accueillie par les gens de la miséricorde parmi les
Serviteurs d’Allâh comme l’on accueillerait un porteur de bonnes nouvelles. Ils vont
vers lui et l’interrogent puis se disent mutuellement : « Attendez que votre frère se
repose car il vient de traverser une épreuve difficile ». Puis, ils vont vers lui et
l’interrogent « Qu’a fait untel ? Qu’est devenue untelle ? S’est-elle mariée ? » » etc. ».

719 Rapporté par Al-Munawî dans Fayd al-Qadîr 3/301 n°3257, par At-Tabarânî et As-Suyûtî

dans al-Jâmi' al-Saghîr selon Ibn 'Umar avec une bonne chaîne.
391
Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬dit : « Quiconque aime l'idée de rencontrer Allâh,
Allah aime(ra) le rencontrer, et quiconque déteste l'idée de rencontrer Allâh, Allah
réprouve (blâme) cette rencontre » 720.

Et dans une version plus complète rapportée par une autre chaîne : « Il lui a été
dit : « Ô Messager d'Allâh, est-ce que détester le fait de rencontrer Allâh signifie
détester rencontrer la mort ? Car nous détestons tous la mort ». Il a dit : « non. C'est
plutôt seulement au moment de la mort. Mais s'il reçoit la bonne nouvelle de la
Miséricorde et du Pardon d'Allâh, il aime rencontrer Allâh et Allâh aime le rencontrer
; et s'il reçoit la nouvelle du châtiment d'Allâh, il déteste rencontrer Allâh et Allâh
blâme le fait de le rencontrer (dans cette situation) » 721.

Le croyant qui aspire à la rencontre d’Allâh, et qui Lui a demandé de lui


pardonner et qui a confiance en Son Pardon et en Sa Miséricorde, doit se satisfaire
de Son Décret et tranquilliser ainsi son esprit et son âme. Allâh a dit : « Dis : « Ô
Mes serviteurs qui avez commis des excès à votre propre détriment, ne
désespérez pas de la miséricorde d’Allâh. Car Allâh pardonne tous les péchés.
Oui, c’est Lui le Pardonneur, le Très Miséricordieux ». Et revenez repentant à
votre Seigneur, et soumettez-vous à Lui, avant que ne vous vienne la correction
et vous ne recevez alors aucun secours » (Qur’ân 39, 53-54). Son Pardon est
destiné à tous ceux qui L’implorent. Loué soit notre Seigneur, Il est le Plus
miséricordieux, et nul avis humain ne saurait limiter Sa Miséricorde ou nous priver
de Son Pardon : « Allâh est le meilleur gardien, et Il est Le plus Miséricordieux
des miséricordieux » (Qur'ân 12, 64) et « Ma miséricorde embrasse toute chose
(wa-rahmatî wasiʿat kulla shay') » (Qur'ân 7, 156). Dans un hadîth qudsî : « Allâh
Tout-Puissant a dit : « Je suis selon l'opinion que Mon serviteur se fait de Moi et Je suis
avec lui lorsqu'il M'invoque. S'il M'invoque en lui-même, Je l'invoque en Moi, et s'il
M'invoque dans une assemblée, Je le mentionne dans une assemblée meilleure que la
sienne. S’il se rapproche de Moi d’un empan, Je me rapproche de lui d’une coudée. S’il
se rapproche de Moi d’une coudée, Je me rapproche de lui d’une brasse, et s’il vient à

720 Rapporté par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2309 selon 'Ubadah Ibn As-Samit, chaîne

sahîh, par An-Nasâ'î dans ses Sunân n°1837 avec une chaîne sahîh également, par Muslim
dans son Sahîh n°2684 selon 'Aîsha.
721 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4264 selon 'Aîsha, sahîh.

392
Moi en marchant, Je vais à lui en M’empressant » 722. Il y a ici, du point de vue
exotérique, une relation de réciprocité. Allâh traitera son serviteur selon ce qu’il
aura pensé de Lui, et selon la manière générale dont il se sera comporté envers Ses
créatures. S’il a aspiré à Son Pardon, et qu’il aura accompli de bonnes œuvres
envers Ses créatures, il lui sera fait miséricorde !

Pour autant, le détachement intérieur vis-à-vis de ce bas-monde n’implique pas


le refus d’y participer, ni d’être au service de son prochain. Plutôt, ce détachement,
renforçant l’amour et l’aspiration à Allâh, doit nous amener à accepter la totalité
de Ses décrets, et à agir selon ce qu’Il nous a commandé, sans être affecté par les
épreuves ou les situations agréables de ce bas-monde. Cela est parfaitement
résumé dans le Qur’ân : « Au milieu des biens qu'Allâh t'a accordé, recherche la
Demeure Dernière. Ne néglige pas (pour autant) ta part de ce bas-monde. Sois
bon comme Allâh est Bon avec toi. Ne cherche (et ne sème) pas la corruption
sur la Terre. Allâh n'aime pas ceux qui sèment la corruption » (Qur'ân 28, 77).

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Soyez tels un océan dont l’apparence ne


change pas (face aux impuretés extérieures) mais où les sombres soldats de votre ego
se noient » 723.

Le Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Une seule inspiration divine qui coupe
quelqu’un du monde et répand sur lui le reflet des Attributs Divins, lui montrant les
signes de l’Unité Divine, vaut autant que l’expérience des deux mondes » 724.

Quoi qu’il en soit, nous sommes souvent confrontés à des épreuves difficiles, - et
même si elles comportent une dimension purificatrice et expiatrice -, cela reste
difficile à endurer, mais la Patience (as-Sabr) est un Don immense, et ouvre la voie
à l'espoir et la libération : « Très certainement, Nous vous éprouverons par un
peu de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais
la bonne annonce aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint : «
Certes nous sommes à Allâh, et c'est à Lui que nous retournerons ». Ceux-là

722 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°7405 et 7505, par Muslim dans son Sahîh
n°2675, par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°3822, par At-Tirmidhî dans ses Sunân n°2388, par
Al-Baghawî dans Mishkat al-Masabih n°2264, selon Abû Hurayra, sahîh.
723 Rapporté et confirmé spirituellement par l’imâm Al-Jilânî dans Sirr al-Asrâr, chapitre

20.
724 Rapporté et confirmé spirituellement par l’imâm Al-Jilânî dans Sirr al-Asrâr, chapitre 19.

393
reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde ; et ceux-
là sont les biens guidés » (Qur'ân 2, 155-157).

Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Comment te sens-tu ? ». Il a dit : « J'ai espoir en


Allâh, ô Messager d'Allâh, mais je crains (pour) mes péchés ». Le Messager d'Allâh
(‫ )ﷺ‬a dit : « Ces 2 choses (l'espoir et la peur) ne coexistent pas dans le cœur d'une
personne dans une situation comme celle-ci, mais Allâh lui donnera ce qu'il espère et
le protégera de ce qui il a peur » 725.

Le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Allâh dit : « Il n’y a pas un croyant, auquel J’aurai fait
enlever un des êtres qui lui étaient les plus chers en ce monde, et qui reste résigné ́
(devant Ma Volonté), qui ne trouvera en Moi d’autre rétribution que le Paradis » 726.

Et dans la Prière, il y a une Bénédiction et une Lumière : « Et cherchez secours


dans l'endurance et la Salât : certes, la Salât est une lourde obligation, sauf
pour les humbles… » (Qur'ân 2, 45).

Dans l'assouvissement de la passion, il y a l'abaissement, mais dans l'endurance


et la Salât, il y a la purification, et l'élévation vers ce qui libère des entraves de
l'âme, s'immergeant dans Son auguste Présence.

Les croyants dont le détachement intérieur n’est pas élevé et profond, peuvent
souvent être attristés ou bousculés en ce bas-monde, mais le Soutien divin, la
Miséricorde divine et la Promesse qu’Il réalise envers les croyants, procurent une
immense consolation, et manifeste une lumière dans les ténèbres de ce bas-monde.
Aussi, pour chaque épreuve, angoisse, souffrance ou tristesse qui toucherait le
croyant, celui-ci fait office d’une lumière, d’une expiation et d’une purification. Le
Prophète Muhammad (‫ )ﷺ‬a dit : « Lorsque les péchés du serviteur (c’est-à-dire la
personne qui s’en remet à Allâh), deviennent nombreux et que celui-ci n’a pas de
bonnes actions pour les compenser, Allâh l’éprouve par la tristesse afin de le
purifier » 727. Cela ne veut pas dire que les personnes vertueuses ou très
rapprochées d’Allâh ne tombent pas malade, mais que même pour ceux qui
accomplissent peu de bonnes œuvres, et qui commettent beaucoup de péchés ou
de négligences, la Miséricorde divine les englobe et les touche à travers ce genre

725 Rapporté par Ibn Mâjah dans ses Sunân n°4261 selon Anas avec une bonne chaîne.
726 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°6424 selon Abû Hurayra.
727 Rapporté par Ahmad dans son Musnad n°24708 selon ‘Aîsha, par As-Suyûtî dans al-Jâmi’

al-Saghîr n°838 avec une bonne chaîne.


394
d’épreuves. Dans un autre hadîth, le Prophète (‫ )ﷺ‬a dit : « Aucune fatigue, ni
maladie, ni chagrin, ni tristesse, ni blessure, ni détresse n'atteint un musulman, même
si c'était la piqûre qu'il reçoit d'une épine, sans qu'Allâh n’expie certains de ses péchés
pour cela » 728. Aussi, Allâh éprouve les gens qu’Il aime, afin de les purifier, de les
faire mûrir et de leur dévoiler de nouvelles perspectives. Il est faux de croire que
les gens éprouvés seraient tous des gens méchants, injustes ou éloignés du Divin.
Les meilleurs exemples en cela sont les Prophètes, - des Bien-aimés d’Allâh – qui
furent durement éprouvés. Le Messager d'Allâh (‫ )ﷺ‬a dit : « Si Allâh veut faire du
bien à quelqu'un, Il l'afflige avec des épreuves » 729.

De plus, concernant l’invocation, comme nous l’écrivions déjà ailleurs : « Si Allâh


n'exauce pas systématiquement toutes tes demandes, c'est pour mieux t'éduquer, te
pousser à cultiver les vertus de la patience, de la persévérance et de l'humilité, et que,
tel un fruit pressé, tu puisses ensuite offrir le meilleur de toi-même. Il t'enseigne aussi
que ce n'est pas Lui qui t'est soumis, mais que tu dépends de Lui, et que malgré tout,
Il est ton Soutien, et que ce tu souhaites n'est soit pas possible à réaliser en vertu de
certaines lois qu'Il a instauré (comme les épreuves de ce bas-monde) ou car ce que tu
demandes sur la base de ton ignorance ou de ton empressement, n'est pas forcément
ce qu'il y a de meilleur pour toi. Néanmoins, par Son invocation, Il te renforce sur le
plan spirituel, tu vivifies ton lien avec Lui, Il te bénit, et t'offre des récompenses pour
chaque demande sincère qui Lui est adressé, et dont certains bienfaits ne te seront
dévoilés que pour l'Au-delà.

Ne sois pas comme l'enfant capricieux face à ses parents et qui croit que tout lui est
dû, mais sois plutôt comme l'enfant endurant, attentionné, et réceptif aux bons
conseils prodigués par ses parents. Les parents se doivent toujours d'offrir de bons
conseils à leurs enfants afin qu'ils développent en eux intelligence et vertu, et doivent
aussi les soutenir dans les moments difficiles, et peuvent aussi leur offrir des cadeaux
et des dons, mais ne doivent jamais se plier à toutes leurs demandes, sinon les enfants
n'atteindront jamais la maturité ni le meilleur d'eux-mêmes.
Ses Bénédictions tout comme Son Aide, se manifestent tantôt à toi directement sous
les formes auxquelles tu t'attendais, mais parfois elles se concrétisent aussi de façon
différée ou sous d'autres formes que tu n'imaginais même pas. Mais dans tous les cas,
L'invoquer même sans obtenir les résultats que tu souhaitais est déjà un privilège en
soi comportant les Bénédictions rattachées à Sa Mention. Discuter et être en

728 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°5641 et 5642 selon Abû Hurayra et Abû Sâ'îd
al-Khudrî.
729 Rapporté par al-Bukharî dans son Sahîh n°5645 selon Abû Hurayra.

395
compagnie de sa bien-aimée ne sont-ce pas déjà là un don inestimable se passant de
toute autre sorte de demande ? ».
Allâh dit en ce sens : « Très certainement, Nous vous éprouverons par un peu
de peur, de faim et de diminution de biens, de personnes et de fruits. Et fais la
bonne annonce aux endurants, qui disent, quand un malheur les atteint : «
Certes nous sommes à Allâh, et c'est à Lui que nous retournerons ». Ceux-là
reçoivent des bénédictions de leur Seigneur, ainsi que la miséricorde ; et ceux-
là sont les biens guidés » (Qur'ân 2, 155-157).

Le croyant doit endurer, même et surtout en temps de difficulté, et cultiver autant


que possible la sagesse, la courtoisie, la piété et la bonté comme Allâh le dit : « Par
la sagesse et la bonne exhortation, appelle (les gens) au sentier de ton
Seigneur. Et discute avec eux de la meilleure façon. Et si vous punissez, infligez
[à l’agresseur] une punition égale au tort qu’il vous a fait. Et si vous endurez...
cela est certes meilleur pour les endurants. Endure ! Ton endurance [ne
viendra] qu’avec (l’aide) d’Allâh. Ne t’afflige pas pour eux. Et ne sois pas
angoissé à cause de leurs complots. Certes, Allâh est avec ceux qui [L’] ont
craint avec piété et ceux qui sont bienfaisants » (Qur'ân 16, 125-127).

Un texte de Jalâl Ad-Din Rûmî montrant l’intelligibilité de l'Au-delà :

« Si quelqu'un disait à l'embryon dans le sein maternel:

« En dehors d'ici se trouve un monde très bien ordonné,

Une terre agréable, longue et large, remplie de délices et de choses à manger,

Des montagnes, des mers, des plaines, des vergers embaumés, des jardins et des
champs semés,

Un ciel très élevé et plein de lumière, le soleil, les rayons de la lune et de 100 étoiles ;

Le vent du sud, le vent du nord, le vent de l'ouest, donnant aux jardins l'apparence de
banquets de noces et de fêtes.

Ces merveilles sont au-delà de toute description: Pourquoi restes-tu misérable dans
cette obscurité?

Pourquoi bois-tu du sang dans cette place étroite au sein de l'emprisonnement, de


l'ordure et de la souffrance ? ».

396
L'embryon, en raison de son état présent, serait incrédule, s'écarterait de ce message
et ne le croirait pas.

Disant : « Ceci est absurde, c'est une tromperie et une illusion ». Car le jugement des
aveugles est dépourvu d'imagination.

Etant donné que l'embryon n'a rien perçue de cette sorte, son incrédulité n'écouterait
pas (la vérité).

De même en ce monde, le Saint parle aux hommes ordinaires de cet autre monde,
disant : « Ce monde-ci est une fosse extrêmement sombre et étroite; au dehors est un
monde sans odeur ni couleur ».

Aucune de leurs paroles n'est entrée dans l'oreille d'un seul d'entre eux, car le désir
sensuel constitue une barrière énorme et solide.

Le désir ferme l'oreille et l'empêche d'entendre; l'attachement à soi-même ferme


l'oeil et l'empêche de contempler.

De même que dans le cas de l'embryon le désir de sang qui est sa nourriture dans
cette vile demeure l'empêchait de prêter l'oreille aux nouvelles de ce monde » 730.

Cette joie de l'au-delà, Rûmî ne cesse d'en parler. Elle est pour lui l'aboutissement
et nous n'avons été créé que pour la connaitre un jour. Il ne cesse de s'émerveiller
et ses méditations le conduisent parfois sur d'étranges chemins.

Frithjof Schuon écrivait : « La preuve téléologique englobe également la preuve


« esthétique » au sens le plus profond du mot : sous cet aspect, elle peut être moins
accessible encore que sous son aspect cosmologique ou moral ; car être sensible à la
transparence métaphysique de la beauté, du rayonnement des formes et des sons,
c'est déjà posséder, comme Rûmi et Râmakrishnan une intuition visuelle et auditive
qui remonte, à travers les phénomènes, jusqu'aux essences et jusqu'aux mélodies
éternelles » 731.

730 Cité aussi dans Islam, l'autre visage : Entretiens avec Rachel et Jean-Pierre Cartier de Eva
de Vitray-Meyerovitch, éd. Albin Michel, 2016.
731 Frithjof Schuon, Logique et Transcendance, au chapitre « Les preuves de Dieu », éd.

Sulliver, 2007.

397
Même les particules possèdent un certain degré de conscience 732, aucun être ne
disparait totalement dans le « néant », mais se réintègre dans un autre état
existentiel. Ainsi, passer d'un état existentiel à un autre ne signifie pas la fin de
l'existence, mais le changement des modalités et des limites par rapport à notre
ancien état, tout comme le fœtus qui était limité et conditionné par son
environnement, ayant l'intuition d'un monde plus vaste au-delà de ce qu'il
percevait (l'utérus), il est ensuite projeté dans un monde bien plus vaste, riche,
beau et diversifié, aux merveilles indescriptibles lorsqu'il était encore enfermé
dans sa condition de fœtus, c'était des réalités inconnues pour lui, dépassant tout
ce qu'il connaissait et entendait. Et ainsi est-il de la différence entre le monde
matériel et le monde spirituel, de notre condition terrestre et de notre condition
dans le monde céleste.

Le fœtus ne voit pas non plus l'essence de sa génitrice (sa mère), mais il ressent
sa présence, sait qu'elle veille sur lui, qu'elle lui procure sa subsistance et lui
témoigne son amour, et que par intuition et par déduction, il se sait dépendant
d'elle, et que c'est le signe et la trace de son existence indépendante et objective de
sa propre condition existentielle à lui, qu'il sait relatif, fini et limité.

René Guénon disait dans Études sur l'hindouisme : « Tous les efforts hostiles se
briseront finalement contre la seule force de la vérité, comme les nuages se
dissipent devant le soleil, même s’ils sont parvenus à l’obscurcir
momentanément à nos regards. L’action destructrice du temps ne laisse
subsister que ce qui est supérieur au temps : elle dévorera tous ceux qui ont
borné leur horizon au monde du changement et placé toute réalité dans le
devenir, ceux qui se sont fait une religion du contingent et du transitoire, car «
celui qui sacrifie à un dieu deviendra la nourriture de ce dieu » ; mais que
pourrait-elle contre ceux qui portent en eux-mêmes la conscience de l’éternité
? ».

Allâh a dit : « Nous leur montrerons Nos signes (ayat) dans les mondes et en
eux-mêmes, jusqu’à ce qu’il leur devienne évident que c’est cela, la vérité »
(Qur'ân 51, 21).

732Voir par exemple : "Un scientifique tente de comprendre comment marche la


conscience à l’aide d’une expérience quantique", Science Post, 2 juillet 2017 :
https://sciencepost.fr/comprendre-marche-conscience-a-laide-dune-experience-
quantique/
398
« La Vérité est venue et l'Erreur a disparu. Car l'Erreur est, par nature,
évanescente » (Qur'ân 81, 17).

399
***********************************************************
Toutes les Louanges sont à Allâh, le Bienfaiteur et le Généreux qui donne
sans compter. Le présent ouvrage a été achevé à la fin du mois de Ramadan
de l’an 1442 de l’Hégire (2021 de l’ère chrétienne) par la Grâce à Allâh, et
cette œuvre est dédiée au nom de tous les êtres que nous aimons, - à
commencer par notre famille et nos proches -, ainsi qu’en l’honneur du
Shaykh Abû al-Asfâr ‘Alî Muhammad al-Balkhî, décédé en 2018, le juriste,
le muhaddith, le ussûlî, le théologien, l’exégète, le logicien, l’ascète, le
détenteur d’un savoir encyclopédique (histoire, astronomie, médecine,
physique, ..), le sûfi rattaché à la Tariqa naqshbandiyya mujadidî Sayfî (et
dont la voie remonte à notre maître Abû Bakr as-Siddîq, - que la Paix soit
sur lui, le noble Compagnon du Prophète (‫ )ﷺ‬-), le grand saint
d’Afghanistan, ainsi qu’en l’honneur de notre Shaykh, Sidi Shaykh Abû al-
Qassîm Bel-Khiri de la Tariqa qassimiyya (et dont la voie remonte à notre
imâm Al-Hassân et à son père, notre noble imâm ‘Alî, - que la Paix soit sur
eux deux ! -), - qu’Allâh sanctifie leur secret ! -, ainsi qu’aux frères et sœurs
de notre entourage et à leurs proches décédés, et en particulier à nos sœurs
Mya, Chaïma, Souad, Jihed, Būshra et Sonia, et à notre frère Jawad Em à
l’approche du mois de Ramadan et durant ce mois béni. Nous remercions
également Ustadha Mou’mina Vanessa, Jaza, Dounia, Fatih, sidi Youss,
Noura, Safia, Asya, Rachda, Nora, Fatma, Hawa, Ihsane, Imène, et Siham
pour leur retour critique ainsi que pour leurs encouragements, ainsi qu’à
toutes les belles âmes de notre entourage qui ont soutenu ce travail. Et une
pensée également à toutes les autres personnes malades et aux martyrs
qu’Allâh a rappelé à Lui durant ce mois béni et au cours de cette période.
Et enfin, nos invocations les plus sincères vont pour l’ensemble de la
Communauté de Muhammad (‫ )ﷺ‬et à toutes les personnes qui aspirent
sincèrement à Allâh, à la piété et à la bienfaisance.

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